L'opéra en pleine Olimpiade
Pietro Trapassi, dit Metastasio (Métastase en France), est né à Rome en 1698. À la fois dramaturge et musicien, il est l’auteur de mélodrames dont la poésie et la force expressive inspiraient les compositeurs : ses textes ont été utilisés comme livret d’opéra parfois plusieurs dizaines de fois, et L’Olimpiade, datée de 1733, est de ceux-là.
Voici en quelques mots le sujet de L’Olimpiade :
Licida, le prince de Crète, est épris de la belle Aristea, fille du roi Clisthène de Sicyone. Celui-ci doit présider aux prochains Jeux Olympiques, et fait savoir que sa fille sera le prix destiné au vainqueur de la compétition. Licida demande alors à son ami Megacle, athlète hors pair, de concourir sous son nom, afin de gagner pour lui la main d’Aristea. Mais il ignore que Megacle et Aristea sont amoureux l’un de l’autre… Ainsi Megacle, sorti vainqueur des Jeux, est confronté à ce cruel dilemme : trahir son ami en acceptant pour lui-même la main d’Aristea, ou renoncer à son amour en laissant Licida épouser la princesse. C’est alors que survient le deus ex machina : on découvre que Licida et Aristea sont frère et sœur, séparés depuis la naissance ; Aristea demeure donc avec Megacle, tandis que Licida s’en va épouser Argene, son ancienne fiancée.
Métastase tire librement ce récit d’un épisode du Sixième Livre des Histoires d’Hérodote. L’exactitude historique n’y est pas rigoureuse, mais le livret donne à voir des lieux emblématiques, comme l’ancien hippodrome d’Olympie, et le temple de Zeus où se tenaient les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux. Quant aux épreuves auxquelles participe Megacle, le texte évoque le ceste (sorte de gants utilisés pour le pugilat), le disque, et la lutte.
Si la première représentation de L’Olimpiade eut lieu en 1733 à la cour de Vienne, sur une musique d’Antonio Caldara, de nombreux compositeurs réutilisèrent le texte et proposèrent leur propre mise en musique ; on compte ainsi plus de 60 opéras composés d’après L’Olimpiade de Métastase au XVIIIe et au XIXe siècles.
Une des versions les plus célèbres et les plus admirées jusqu’à nos jours de L’Olimpiade est celle de l’Italien Giovanni Baptista Pergolesi, dit Pergolèse (1710-1736). Encore que sa première représentation, au Teatro Tor di Nona de Rome en janvier 1735, ne fut guère un succès : le compositeur alors qu’il dirigeait l’orchestre reçut en plein visage une orange jetée depuis une des galeries de la salle (notons que ce spectateur mécontent, habile lanceur, aurait au moins pu prétendre à une carrière olympique…)
L’Olimpiade de Pergolèse eut cependant par la suite un succès durable, comme en témoignent les représentations qui en furent données à travers l’Europe : à Munich en 1738, à Londres en 1742, en Autriche et au Danemark dans les années qui suivirent. En France, il fallut attendre la fin du XXe siècle pour voir cet opéra monté mais il eut des admirateurs bien avant cela, dont Jean-Jacques Rousseau qui réalisa dans les années 1770 deux copies manuscrites de la partition de Pergolèse (rappelons que Rousseau gagna longtemps sa vie comme copiste de musique).
L’un de ces deux manuscrits, aujourd’hui à la BnF, est passé entre des mains prestigieuses : la reine de Naples, l’écrivaine Adélaïde de Souza, le général napoléonien Charles de Flahaut, et l’homme politique anglais Lord Henry Holland en furent les propriétaires successifs. L’autre, réalisé par Rousseau en 1778 à l’intention d’un certain M. Préaudeau, est conservé aujourd’hui par le musée J.-J. Rousseau de Montmorency (mais visible sur Gallica). Rousseau y a laissé une lettre où l’on peut lire ces mots : « Cette copie achevée le 22 aoust 1777 étant la preuve trop claire que ma main m'a quitté comme tout le reste, m'a averti qu'il falloit quitter ce travail, et c'est ici mon dernier numéro ».
Gallica garde la trace de nombreuses autres partitions écrites sur le texte de L’Olimpiade de Métastase, sous forme de manuscrits ou d’éditions d’époque. Parmi les compositeurs représentés figurent entre autres : Baldassare Galuppi (1706-1785), Pasquale Cafaro (1715-1787), Pasquale Anfossi (1727-1797), Antonio Sacchini (1730-1786), Domenico Cimarosa (1749-1801). La BnF possède également un fragment autographe de Mozart, correspondant aux quelques mesures finales de l’aria « Alcandro, lo confesso » (acte III scène 6 de L’Olimpiade) composé en 1778, et accompagné de quelques annotations de son épouse Constance Mozart.
Les nombreuses mises en musique de L’Olimpiade de Métastase réalisées jusqu’à la fin du XIXe siècle et le succès qu’elles rencontrèrent ont contribué à perpétuer le mythe de l’Olympisme dans l’imaginaire collectif, jusqu’à l’époque moderne et à la résurrection des Jeux par Pierre de Coubertin.
L'Olympiade Culturelle est une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de la fin de l’édition des Jeux précédents jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques.
La série "Histoire du sport en 52 épisodes" de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.
Ajouter un commentaire