L'histoire de la liturgie à travers ses livres
Le Département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France et l'Institut de Recherche sur le Patrimoine musical en France (IRPMF) conduisent depuis plusieurs années un programme d'étude sur le livre liturgique, qui a pour but d'explorer le potentiel historiographique de la liturgie à travers les pratiques musicales, les expressions de la dévotion et les liens de hiérarchie, débats, discours et revendications identitaires qu'elle a suscités dans les milieux ecclésiastiques, et au-delà, dans la société. Quelques trois cents ouvrages, témoignant des évolutions de la liturgie entre le dixième et le dix-neuvième siècle, font ainsi l'objet d'un catalogage très détaillé ; une trentaine d'entre eux sont actuellement numérisés (à terme, l'intégralité des livres manuscrits et une sélection des livres imprimés seront accessibles sur Gallica).
Si l'on trouve dans cette collection (principalement issue du fonds de la bibliothèque du Conservatoire) quelques traces de la liturgie médiévale, elle comprend surtout des ouvrages mettant en oeuvre la réforme issue du concile de Trente (1542-1563).
A la suite de cette réforme, qui impose l'usage des bréviaires et missels romains à toutes Eglises et diocèses qui ne pouvaient se prévaloir d'usages liturgiques propres anciens d'au moins deux cents ans (et invite ceux qui étaient dans ce cas à réviser leurs livres selon ces modèles romains), l'ensemble des livres liturgiques sont donc renouvelés, ou tout au moins adaptés, qu'il s'agisse d'ouvrages à l'usage des couvents et monastères ou des livres liés à la célébration de la messe pour toute l'assemblée des fidèles.
La collection de livres liturgiques donne un aperçu de la variété de ces ouvrages, et de leur permanence du dix-septième au dix-neuvième siècle. Missels, bréviaires, antiphonaires, graduels, processionnaux, cérémoniaux, diurnaux, prosaires, hymnaires, mais également messes des morts ou lamentations pour la Semaine sainte correspondent chacun à un usage spécifique dans la liturgie, qui détermine notamment son format : ainsi le missel est placé sur l'autel à portée de mains de l'officiant, tandis que le graduel et l'antiphonaire sont posés sur le lutrin face aux intervenants du choeur, chanoines, chanteurs du bas-choeur ou chantres paroissiaux et enfants de choeur.
Le contenu musical lui-même évolue. A partir du dix-septième siècle, en complément des ordinaires de la messe traditionnels toujours en usage, plusieurs musicicens comme Guillaume-Gabriel Nivers, Henry Du Mont ou Paul d'Amance composent des messes en plain-chant musical. Ces messes, qui conservent du plain-chant son allure mélodique légèrement ornée et non mesurée, empruntent par ailleurs au langage de la musique de leur temps des ornements, des mélodies nouvelles ou des rythmes plus rapides. Adaptables au goût musical et à son évolution, certaines sont restées dans la mémoire collective jusqu'à nos jours.
Enfin, la collection permet aussi de découvrir des ouvrages jusqu'ici peu étudiés que sont les livres de plain-chant à l'usage spécifique des organistes. Certains organistes notent en effet les mélodies de plain-chant à partir desquelles ils improvisent ou alternent avec le choeur. Ces notations donnent ainsi une bonne idée du type d'ornementation que pouvait réaliser l'organiste à partir de ces mélodies de plain-chant. Le manuscrit en provenance de Saint-Louis des Français à Rome en est une bonne illustration.
Une cinquantaine des livres liturgiques conservés par le Département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France sont présentés dans la salle de lecture du département jusqu'au 09 février 2013.
Clotilde Angleys, Département de la Musique
Texte rédigé d'après le catalogue de la présentation "La musique est aussi dans les livres liturgiques", rédigé par Cécile Davy-Rigaux (IRPMF), François Auzeil et Michel Yvon (BnF - Département de la Musique).
Publié initialement le 7 décembre 2012.
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