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Réseaux agricoles d’après-guerre à l'écran

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Tournés entre 1947 et 1983 pour le Ministère de l’agriculture, les documentaires d’Armand Chartier sont des documents inestimables sur la France agricole d’après-guerre. Quatre films en particulier montrent différentes formes de soutien, contrôle et accompagnement des paysans dans leur modernisation.

Le visiteur, Armand Chartier, 1973

Depuis la fin du 19e siècle, période à laquelle sont apparues les premières organisations d'agriculteurs, de nombreuses lois ont structuré les réseaux agricoles, publics ou associatifs. La seconde moitié du 20e siècle accélère encore ce processus, comme vous pouvez le découvrir dans notre billet qui en montre toutes les étapes.

En effet, durant les Trente glorieuses, les pouvoirs publics s’appuient sur les organisations d’agriculteurs pour accompagner les mutations profondes de l’agriculture. L’usage du machinisme motorisé se développe, notamment à travers les Coopératives d'Utilisation de Matériel Agricole (CUMA), accentuant de fait les tensions entre les générations.

Les Organisations Professionnelles agricoles (OPA), généralistes ou spécialisées se renforcent dès 1945 comme les coopératives (le Crédit agricole, la Mutualité Sociale Agricole (MSA)) et le syndicalisme agricole (la Fédération nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), créée en 1946 ; la Confédération Générale Agricole (CGA)).

Enfin, les Centres techniques d’études agricoles (CETA) coopéreront avec les ingénieurs des services de l’agriculture ou les chercheurs de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA).

Ces différentes formes de relais, soutiens et contrôles présents auprès des agriculteurs se retrouvent dans les films produits par le Ministère de l'agriculture à cette époque.

Coopératives agricoles

Le premier film réalisé par Armand Chartier, Palot (1947, 16 min), met ainsi en scène l’arrivée du tout premier tracteur dans un petit village du Jura :

Encore produit directement par le Service cinématographique du ministère de l'Agriculture, ce documentaire qui vante les bienfaits de la mécanisation montre également les avantages et le fonctionnement d’une coopérative agricole. Puisque l’office agricole départemental ne peut livrer qu’un seul tracteur pour le village, les principaux exploitants l'achèteront et l’utiliseront en commun. Le dénommé Palot sera le chauffeur de la coopérative. Primé au festival de Karlovy-Vary, le film bénéficie d’un commentaire lu par le comédien Alain Cuny.

Fédération des aides familiales rurales et Chambre d'agriculture

La solidarité rurale peut prendre d’autres formes que le seul “intérêt bien compris”. Marie-Louise (1970, 26 min), elle, se met au service des autres. Cet épisode de la série La voix, consacrée aux portraits de femmes du monde paysan (voir billet précédent), évoque quant à lui deux dispositifs : la Fédération des aides familiales rurales et la Chambre d'agriculture.

Dans cet épisode, on voit Marie-Louise coordonner l'envoi d'aides familiales dans les fermes où l'exploitant - généralement un homme - a besoin d'être secondé dans les tâches du quotidien. Créés récemment par l'Etat, ces emplois de proximité donnent un statut aux jeunes femmes qui allaient spontanément aider dans les fermes.
Marie-Louise est également membre de la chambre d'agriculture locale. Ces établissements à l'organisation "consulaire" - comme les chambres de commerce et des métiers par exemple - représentent les acteurs du monde agricole. Curiosité : si le statut d’exploitantes ne sera accordé aux femmes qu’au début des années 80, celles-ci peuvent être élues dans les chambres d'agriculture depuis leur création en 1927, le plus souvent au titre de veuves d'exploitants.

Représentants en tous genres

Trois ans plus tard, Le visiteur (1973, 31 min) s’ouvre avec humour sur le constat que décidément, “la ferme est l’endroit le plus visité au monde” :

Le film met précisément en scène le défilé des visites que reçoit un agriculteur tout au long de l’année. Marchands de matériel agricole, de linge ou de livres ; conseillers de gestion ou de fiscalité ; patron d’abattoir et président de la coopérative laitière ; caisse locale du Crédit agricole, Mutualité ou syndicats agricoles… “Est-ce qu’ils n’ont pas tous un peu quelque chose à vendre ?” s’interroge lucidement Germain, l’exploitant.

Contrôleurs alimentaires

Si les visiteurs viennent à la ferme, c’est l’inverse qui se produit dans L'été des autres (1975, 28 min). On y suit deux contrôleurs, l’un du service de répression des fraudes, l’autre des services vétérinaires, pendant le “temps fort des vacances” :

Après un début à la Jacques Tati, alternant embouteillages, terrasses pleines et bureaux, la tournée estivale des deux contrôleurs nous emmène tour à tour sur les marchés, dans les grandes surfaces, les camions de transport ou auprès de vendeurs ambulants. L’un des contrôleurs confie la “foi” avec laquelle il fait son “boulot de contrôle” :

on défend quelque chose, on protège tout ce qui est santé publique.

Optimiste, le film fait le constat d’une prise de conscience collective au sujet de la prévention des risques alimentaires.

Ces différents rôles assumés par des personnes de confiance sur le terrain prolongent l’importance accordée à la formation de la jeunesse détaillée dans un précédent billet. La modernisation agricole de la France est en marche.

À​ suivre dans notre prochain billet : l'élevage dans les films d'Armand Chartier.

Aller plus loin

Quand la France des années 60 formait les paysans du futur (série Armand Chartier, billet n°1)
Intervention de l'état, réseaux agricoles... : les aides apportées aux agriculteurs (série Armand Chartier, billet n°2)
Et les vaches seront bien gardées, 1ère partie : l'élevage en mutation (série Armand Chartier, billet n°4)
Et les vaches seront bien gardées, 2ème partie : au temps de l'élevage intensif (série Armand Chartier, billet n°5)
Agricultrices, mères et filles (série Armand Chartier, billet n°6)
La forêt, un patrimoine très convoité (série Armand Chartier, billet n°7)
Exploitations forestières : des forêts à dompter (série Armand Chartier, billet n°8)
L'agriculture japonaise des années 1960 (série Armand Chartier, billet n°9)
Tourisme agricole au pays du soleil levant (série Armand Chartier, billet n°10)

Tous les films d’Armand Chartier sur Gallica
Brunier, Sylvain. Le bonheur dans la modernité : Conseillers agricoles et agriculteurs (1945-1985). Lyon : ENS Éditions, 2018.
Répertoire du Service audiovisuel du ministère de l'agriculture aux archives nationales
Site de la cinémathèque du ministère de l'agriculture

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