Lm ~11~ ~· 21 octobre 1880.
'j~
Si maintenant nous cherchons la raison de ce
grand ennui dont soufirit la marquise, nous en
trouverons une toute particulière et personnelle
dans cette vie si stérilement agitée; ce mal qui la
̃̃' dévore' ajvjtoad, c'est l'abus, c'est l'excès de l'es-
prit;- "'̃'
Quelle erreur cruelle pour soi et pour les autres, de
fceàser que l'on puisse fonder sur l'esprit tout seul le
bonheur et même l'agrément d'une .vie entière! S'il ne
ne s'y joint quelque intérêt supérieur qui nous force à
nous occuper d'autre chose que de notre propre diver-
tissement, c'est-à-dire encore de nous-mêmes, le clmti-
ment de cet égoïsme intellectuel, si délicat, si raffiné
qu'on le suppose, nese fait pas attendre c'est le désen-
chantement irrémédiable des autres et de soj-nienie.
En ne vivant que pour son esprit et par lui, on arrive
peut-être à développer en soi une sagacité extraordi-
naire, une justesse de vues pratiques, une pénétration
incomparable. Est-ce là un élément de bonheur Je ne
le crois pas. On court moins de risque d'ètre dupe,
cela est vrai mais n'est-ce pas une autre manière
d'être dupe que de l'être de sa propre hnesse, et na-
t-on pas vu souvent une pénétration excessive aboutir
à ce triste résultat, un scepticisme absolu sur la sin-
cérité ou la grandeur des motifs par lesquels s'honore
la volonté de l'homme? Cette faculté fatale de 1 ana-
lyse 'à outrance, on la voit ainsi se retourner contre-
celui même qui aime à s'en servir. Que de ravages ce
mal fait dans certaines &mes1 Comme il épuise vite le
fond, de la vie, comme il en. tarit les sources et en dé-
colore les aspects!
On sa fatigue vite de ce qui n'est qu'ingénieux sans
être autre chose, sans provoquer en nous quelque no-
ble émotion, sans exciter quelque haute idée. L'esprit
n'a vraiment tout son lustre, il ne produit tout son et-
fet et son agrément, que lorsqu'il s'emploie au service
de quelque chose qui soit supérieur à lui, la vente,
l'humanité, la justice. Par lui-même, il ne peut nous
donner ni une joie profonde ni un plaisir durable,
à peine une minute d'éblouissement qui laisse notre
âme plus dénuée' et plus pauvre qu'auparavant.
C'est la loi on n'échappe au sentiment du néant hu-
main que par les nobles affections qui étendent ou
multiplient notre être en y associant quelque autre,
soit ce large et puissant amour de l'humanité qui nous
tire hors de nous-mêmes, soit les enthousiasmes virils
de la science ou les espérances enchantèos de la fol.
Cela seul donne du prix à notre vie qui la ravit à elle
même par là grandeur de l'idée ou du sen iment. Le
moi ne peut jouir légitimement de son être qu'à la
condition de- le transformer dans quelque chose de
plus grand que lui.
l;- En terminant, M. Caro nous a montré, en oppo-
sition avec le monde dont Mme du Deffant était
un des représentants les plus brillants et les plus
̃ ̃' tristes, et qui se mourait dans le sentiment de
? l'impuissance et du vide, un monde nouveau se,
r levant avec des préoccupations et des aspirations
"•'•' viriles, et la joie de vivre que communiquent ces
<• aspirations
Au-dessus de l'indifférence railleuse où s'arrêtaient
7 Mme du Deffant et ses amis, s'élevait un esprit nou-
? veau, grave, passionné pour l'idée d'une réforme so-
ciale. Certes, cet esprit n'était pas exempt de défauts
ni de périls il était rempli d'inexpérience, gâté pac
>• l'imitation d'une antiquité chimérique, mal étudiée et
mal comprise; il condamnait justement un etat social
artificiel, et le remplaçait dans ses rêves par l'idéal
d'une nature qui n'était guère moins artificielle sorte
de stoïcisme rajeuni, essayant de fonder le droit nou-
veau en dehors de toute tradition; cherchant, comme.
'le stoïcisme antique, à réformer la vie individuelle et
la politique sur Ja règle de la raison pure, mais diffé;
rant profondément des austères doctrines de Zenon et
•̃ d'Epictète par une perpétuelle préoccupation des émo-
tioni du cœur, qu'on prenait depuis Rousseau pour la
̃'• vertu même, et par une aftèctatton de sensibilité dont
̃ les vieux stoïciens de la Grèce ou de Rome auraient
souri. ̃•̃̃ ..»-
1 Ce mélange de l'esprit nouveau, vérité et paradoxe;
nobles idées, espoirs sublimes gâtés par la déclama-
tion, passions fortes et utopie, voilà ce que ne com.
prirent jamais et ce que ne connurent même pas ni
Mme du Deffant, ni le monde sur lequel elle régna si
longtemps, et qui tenait tout entier dans un salon. Il
y avait quelques années à peine que la célèbre mar-
quise était morte dans son fauteuil, « la voix éteinte
et le cœur enveloppé », lorsque Mme Roland entrait
dans tout l'éclat de son rôle et d'une destinée si bril-
lante et si tragique. Ainsi se présentent à nous, dans
le même temps, ces deux sociétés si voisines et pro-
fondément étrangères l'une à l'autre: l'une cultivée
jusqu'au raffinement, avec son charme et aussi son
aridité et sa pauvreté de coeur, ayant poussé l'analyse
jusqu'à ce point où l'analyse a tout desséché l'autre,
prenant pour guide le 'sentiment, avec ses élans dés-
ordonnés, niais puissants et sincères, vers une justice
idéale dont le rêve seul était assez beau pour que ce
fût la peine de vivre, avec ses aspirations confuses
vers un avenir indéterminé et ses générosités d'en-
thousiasme,, dans la flamme et le feu de ses orageuses
chimères. De tels rapprochements et de tels contrastes
sont les drames de l'histoire, l'objet de la curiosité
de l'artiste, l'enseignement du philosophe et du mora,
liste." mf% ̃̃ii- ̃},rtT- :i- .•̃1-:vv!?-^£frr I
Cette page, traversée d'un souffle véritablement t
libéral, a couronné dignement la belle étude de
1 M. Caro.
*-•• Cette étude a marqué, pour ainsi dire, le point
."culminant de la séance.
M. Duruy, qui à occupé le fauteuil après M. Gâ-
ro, a lu un essai sur les Assemblées provimnalès
au siècle a Auguste. Malheureusement, M. Duruy,
qui a le débit d'une monotonie désespérante, n'a
pas su faire ressortir le sérieux mérite de son tra-
vail, et l'attention du public s'est visiblement las-
s(e.
Un mémoire I.U par M. Perrier, de l'Académie
des siencés, et racontant l'histoire de la jonction
géodésique et astronomique des deux continents
d'Europe et d'Afrique, a terminé la séance. L'au-
teur du mémoire était un des héros de l'histoire,-
et, malgré le soin délicat qu'il a mis à s'effacer
derrière ses collaborateurs, l'auditoire lui à témoi-
gné par ses chaleureux applaudissements qu'il
était peureux de saluer en lui un des plus di-
gnes représentants de la science française.,
FAITS DIVERS
26 octobre. •– Pendant toute la journée et la soi-
rée d'hier le beau temps s'est maintenu. Ce matin
la pluie a reparu. Cette nuit, le baromètre a
éprouvé une baisse de 9 millimètres. Le vent
change fréquemment de direction. Il parait vou-
loir se maintenir dans celle du sud-ouest.
Hier, le centre du froid occupait l'Est, une partie
de l'Ouest, le Nord de laFrance, et s'étendait sur la
Belgique et une partie de l'Allemagne. A Paris, la
température minima de cette nuit a été de 5 de-
grés. Le thermomètre n'a monté, ce matin que
d'un degré.
Le maximum de la crue de la Seine est annon-
cé pour vendredi seulement, à cause de l'arrivée
tardive du flot de la Marne.
A Mulhouse et dans une partie des Vosges, il est
tombé de la neige en assez grande quantité.
Nous recevons de New-York la dépêche sui-
vante
Une violente tempête va traverse^ l'Atlantique au
nord du 45°. Elle arrivera sur les Iles-Britanniques* la
Norvège et peut être touchera-t-elle les côtes nord de
la France entre le 27 et le 20; elle sera accompagnée
de fortes vents du sud tournant au nord ouest, de
bourrasques, de pluie et de neige au nord. De basses
températures en seront la conséquence. Sur l'Atlan-
tique, le temps est très orageux.
Aujourd'hui 26 octobre, le thermomètre de
la maison Queslin, tue de la Bourse, marquait
A 7 heures du matin. O> glace.
A 11 heures du matin. i>° au-dessus de zéro.
A 1 heure de l'a près-midi -1° J."
Hauteur barométrique. 753 •̃
Les arrêtés réglant- l'organisation des con-
cours régionaux de 1881 viennent d'être approu-
vés par M. le ministre de l'agriculture et du coin-
merce. ̃
Les dates dé ces différents concours ont été fixés
comme il suit:
Alger (poncours de l'Algérie), du 2 au 11 avril.
Pau, an 7 au 16 mai. Nimés, du 14 au 23 mai.
Cahors, du 21 au 30 mai. Çhàlon-sur-Saône, du
21 au 30 maû^- Âlen'çon, du ?S mai au 7 juin.
La Rbcie-àur-Ypi), du 28 niai au 7 juin. Tours,
du 28 mai an 7 juin. Annecy, du 11 au 20 juin.
Epinalt'da Ikau 20 juin, r- Saint-Brieuc, du 18
au 27-juin. •– Mojjtbrison. du 18 au 27 juin.
Versailles, du 18 au 27 juin.
Pour être admis à exposer dans ces divers con-
cours, on doit en faire la déclaration au ministre
de l'asrriGUlture et du commerce. Cette déclaration
doit être parvenue au ministère, à Paris, aux da-
tes désignées ci-aprés
Alger. le 15 janvier 1881. Pau, 25 mars. Ni-
mes, i<* avril. Cahors, 7 avril. Châtou-sur-
Saône, 7 avril.– Alençoh, la Roche-sur-Yon et
Tours, 15 4vril. Annecy et Epinal, 25 avril.
Sain£-Brieuc, Mon'tbrisoh et Versailles, 1« mai.
t– J^a Sèciété d'encouragement pour l'industrie
nationale reprendra le vendredi 29 octobre le
cours de ses séances publiques qui ont lieu les
deuxième et quatrième vendredis de chaque mois,
à huit heures du soir, dans son hôtel, rue de
Rennes, 44.
Dans cette première réunion, M. Antoine Bré-
guet présentera le photophone de M. Graham
Bell transmettant les sons par un rayon de lu-
niière,^a(;ft. V:i
Par ordonnance du juge d'instruction, les
cinq -ouvriers vidangeurs arrètés à la suite de la
catastrophe du boulevard. Rochechouart ont été
remis hier en liberté, leur culpabilité n'ayant pas
pu être suffisamment prouvée.
Ces cinq hommes devront se tenir à la disposi-
tion^Au i^-fet 'se1 présenter à la première réquisi-.
ttOB~
Une rencontre. a dû ayoir lieu ce matin
entre, M. Alfred Gassier, auteur de Juarez ou la
Guerre du Mexique, et M. Miguel de Miramon,
flls du général Miramon, qui a considéré comme
offensant le rôle attribué à son père dans le drame
de Jkarez.
Les témoins de M, Gassier sont MM. Maurice
Talmeyr, rédacteur du^iZopiX^et M. lecommandant
d'artillerie Gautier: ceux de M. Miguel de Miramon,
MM. A. Ha lis- et André Barbes, rédacteurs de la
France nouvelle. •
M. de Soubeyran a été victime hier, rue
Voln.ey, d'nu accident de voiture dont les consé-
quel1ces heureusement n'ont pas été graves son
coupé a rencontré une lourde voiture contre
laquelle il s'est heurté violemment. Le cocher a
été jeté à terre et M. de Soubeyran a été contu-
sionné en plusieurs, endroits, peu grièvement, il
est vrai, par les éclats des glaces de la voiture qui
s'étaient brisées.
Hier, un facteur du quartier de l'ancien Opé-
ra, ayant dans sa'boîte un paquet d'une valeur de
40,000 francs adressé à l'un des plus importants
marchands de diamants de Paris, lequel demeure
rue Le Peletier, s'est aperçu avec stupeur, au mo-
ment de remettre' ce paquet à son adresse, qu'il
avait disparu. ̃
La police, avisée du fait, a commencé une en-
quête.
Ce matin, à onze heures, ont eu lieu à l'église
Saint-Eugène, les obsèques de M. Sylvain Saint-
Etienne, la malheureuse victime de l'accident de
la rue de Lafayette.
De nombreuses notabilités du monde musical,
parmi lesquelles MM. Charles-Vincent Strauss,
Heugel, etc., avaient tenu à accompagner à sa
dernière demeure l'ancien critique musical de
l'Union.̃ q,
On mande de- Bayeux que l'Aure, grossie par
les pluies de ces derniers jours, a débordé et
inondé plusieurs rue de la ville.
Des habitants, menacés par les eaux, ont dù
quitter leurs maisons. La gendarmerie et les sa-
peurs-pompiers rivalisent de zèle pour conjurer le
danger.
La grève de Denain continue. D'après une
circulaire manuscrite lancée dimanche, les grévis-
tes s'engagent à reprendre immédiatement leurs
,travaux si là Compagnie souscrit aux conditions
suivantes
60 centimes par heure de travail avec un mini-
mum de huit heures et un maximum de neuf heu-
res par journée de travail; '̃
Que les traitements du médecin et les frais de.
médicaments soient accordés gratuitement aux
ouvriers, ainsi qu'aux veuves et orphelins;
Que la Compagnie accorde aux mineurs une
pension de 5 centimes par jour et par année de
travail à compter de quinze ans.
La retraite ne pourra excéder 2 francs par
jour.
La Compagnie ne pourra supprimer la pension
qu'au cas où il serait prouvé judiciairement que
l'ouvrier aurait compromis ses intérêts.
Aucun renvoi ayant la grève pour cause ne sera
prononcé après la reprise du travail.
Dimanche, plusieurs corps de troupe de la gar-
nison sont arrivés à Denain à l'effet de remplacer
le 127e de ligne et les dragons qui ont regagné Va-
lenciennes. De nombreuses patrouilles de gen-
darmes' sillonnent lé charbonnage :èt dispersent
les groupes qui stationnent près dés puits. M. le
général Lefebvre, qui s'était rendu samedi à De-,
nain, est revenu ce matin à Lille après avoir don-
né des instructions à M. le général Robillot, qui
commande les troupes. ̃••̃̃
Le préfet du Nord, appelé par une dépêche de
M. Decle, sous-préfet par intérim, est parti hier
matin pour Denain. p p
Plusieurs individus ont été mis en état d'arres-
tation comme meneurs, et écroués à la prison de
Valenciennes. La grève est générale aux fosses de
l'Enclos, Turence et Renard. Les autres divisions
de la Compagnie d'Anzin travaillent au complet.
Les grévistes attendent impatiemment le résultat
de la réunion, de la Régie qui doit avoir lieu au-
jourd'hui.
Une dépêche de Douai dit que la .descente des
ouvriers s'est elfectuée, hier matin lundi, Comme
d'habitude et en bon ordre, dans les fosses Situées
aux environs d'Abscon et d'Aniche.
Des scènes tumultueuses se produisent 'dëpuîs
quelques jours au Grand^Théâke du Capitole à
Toulouse.
On sait avec quelle passion le public toulousain
assiste aux représentations..
Jusqu'à ce jour le public avait été appelé à juger
le mérite des artistes et à se prononcer sur leur
admission ou leur rejet. L'administration munici-
pale a cru devoir cette année confier c& soin à une
commission spéoiale. Cette création ne semble pas
avoir été accueillie avec faveur par le public ha-
bituel du théâtre. Celui-ci aparu particulièrement
indisposé par le rejet, une première fois prononcé,'
d'une artiste lyrique,- Mlle Dufau, à laquelle on a
a dû nonobstant la première décision, accorder de
nouveaux débuts.
A la dernière représentation, Mlle Dufau a été,
dès son entrée, dit. ta dépêche, couverte d'applau- •
dissements. Le public a. demanda avec insistance
son admission; mais la commission n'était pas
présente. Les cris et le tumulte ont recommencé
de plus belle. La. représentation s'est poursuivie
non sans peine; mais à la fin le public ne voulant
pas sortir sans connaître la décision de la com-
mission qiil était toujours absente, le commissaire
de police a dû intervenir, parlementer & trois re-
prises différentes; il s'est vu, en désespoir de e
cause, obligé do faire évacuer la salle.
On s'attend à de nouvelles scènes du même
genre. T
t-, Nqusi avons reproduit, d'après le Figaro, la
nouvelle de la vente du château de Copp.et..par la
famille d'Hausson vil lé à M. Alphonse Bçry, mem-
bre du conseil national et député au Grand
Conseil;
Cette nouvelle est entièrement inexacte; elle a
pris naissance dans un numéro fantaisiste publié
par la Gazette de Lausanne, sous le titre Ga±
seite de Lausanne, de l'an 1900. :»Tv
TRIBUNAtlK.^
L'aide sonnçur de Sàlot-Nicôkè-des-Champs.
Hier, la cour d'assises de la Seine jugeait Eu-
gène-Fré£éric Dalbiat, un de,cés jeunes drôles que
leurs instincts de débauché mènent fatalement au
vol, en attendant que le vol les conduise au meur-
tre. Dalbiat a vingt-trois ans. Il se-dit tournèur en
cuivre; En réalité, il n'exerçait d'autre^, profession
que celle" d'aide sonneur à l'église dé sa paroisse.
Quelquefois, le soir,' il figurait dans itft théâtre dé
drame, tout comme Giile,.Abadie et KiraiJ. Ni ceci
ni cela ne subvenait complètement aux besoins et
aux goûts du sacripant. Comme beaucoup de ses'
pareils, il vivait aux crochets' d'une fille inscrite
a la police. Une rupture avec cette malheureuse
parait avoir déterminé Dalbiat au crime commis
le 26 juillet dernier..
Il connaissait, rue Chapon, un horloger, établi
dans un logement modeste, mais .possesseur' 3è.
quelques pâleurs jet. de, quelques bijoux,. S'étanf
muni d'un- solide .couteau, Eugène Ijalbiat se- pré-
sente chez David- EsenstaeUer, Une insignifiante
conversation s'engage: A~u cours de ça colloque,
Esenstaeller est brusquement frappé; II .-crie. -A
plusieurs Reprises, la lame s'enfonce dans ses
chairs, Des voisins accourent, trop tard pour sau-
ver la victijne, assez tôt pour s'emparer de'ï'â's7,
sassin. •
Celui-ci, dans l'Instruction, a. cherchera ûo))îîer
le change sur ses intentions. Il formulait des ca-
lomniés indécentes contre lesquelles, avant .d'ex-
pirer, l'horloger a pu protester avec tout. ce qui
lui restait de lorces et que démentaient, au sur-
plus, et les mœurs de David et les circonstances
de l'attentat. A l'audience, l'accusé .n'a pas..aban-
donné son systèniè'M? "Camille" Pinta> q.ut le dé-
fendait, a plaidé la provocation. • •'••'̃
.Le jury a repoussé cette excuse'; mais 'il à ac-
cordé les circonstances atténuante. Eugène-Frédé-
ric Dalbiat a été condamné à vingt ans de travaux
forçés. `;1- ~F.
Rébellion. Une affaire de voies de fait exer-
cées envers un supérieur, à l'occasion du service,
était déférée hier au 2e -conseil de guerre de Paris,
Aux yeux de la loi militaire, ces sortes de causes
présentent toujours une grande gravité. L'acte re-
proclié au soldat Vuye, du 74e de ligne, remonte
au 8 août. A J'appel du soir, Vùye, étant ivre; se
livrait à toutes sortes d'extravagances. Le caporal
ïhépaut dut s'interposer et lui intimer l'ordre de
se rendre à la salle de police.
Au lieu d'obéir, le soldat s'esquiva. Il alla à la
'cantine continuer à boire. A son retour, la scène
de désordre recommença1. Vuye se jetant sur Tré-
pault lui porta un coup de poing en s'écriant
Tu inscriras pour ça sur ton rapport le motif
que tu voudras.
Etes-vous fou? demanda le caporal.
Non, non, je sais très bien ce que je fais!
Et l'indiscipliné; persista ^.frapper jusqu'au mo-
ment où les hommes présents réussirent à le con-
tenir.
Le conseil de guerre a condamné Vuye à la
peine dé mort.
Les référés des carmes de Montpellier. Voici
le texte de l'ordonnance d'incompétence, rendue
par M. Vedel, vice-président du tribunal civil dé
Montpellier, le 21 octobre courant, à la suite du
référé introduit par les carmes contre le préfet de
l'Hérault et le commissaire central p
Attendu qu'il résulte des doouments produits, au
cours de l'instance que la propriété des immeubles
n'est point contestée aux demandeurs, pas plus que'le
droit d'en jouir et d'en disposer de la manière la plus
absolue, pourvu qu'ils n'en fassent pas un usage pro-
hibé par les lois ou par les règlements
Attendu qu'en établissante dans leurs maisons âne
congrégation non autorisée de carnées déchaussés-, les
demandeurs ont abusé de leurs droits de propriétaire,
̃ et que c'est cette violation des lois que l'autorité ad-
ministrative, seule compétente' en cette matière, a
cru devoir faire cesser, armée des décrets du sj'j mars
1880;
Que c'est à la suite de cet acte administratif et pour
en modifier les conséquences; que l'instance a été in-
troduile
Attendu, quoi qu'en disent les demandeurs dans leur
requête, « qu'il n y a point à apprécier en l'état la lé-
galité des procédés-administratifs, pas.plus que l'arrêté
préfectoral, pas pius encore que la portée des décrets
du 29 mars, », paraissant de ce chef reconnaitre notre
incompétence, que l'étendue dé leur droit de propriété
ot la* restriction qui a pu lui être apportée par l'appli-
cation des décrets sont des questions tellement con-
nues, que la première né peut être appréciée sans
qu'en même temps soient appréciés les décrets du
20 mars 1880, l'arrêté préfectoral qui les a suivis et
l'application qui en a été faite l
Attendu que les tribunaux civils ne sauraient, sans
méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs,
"soit en lés approuvant, soit en les modifiant, se cons-
tituer les juges des actes de l'autorité: administrative
Par ces motifs et par application de l'article 13 de la
loi des 16 et 24 août 1790 -t de )a loi de fructidor an III,
nous; déclarons incompétent sur les fins de la requête,
et condamnons les demandeurs aux dépens.
Voici, d'autye part, le texte de. l'ordonnance par
laquelle M. Sigaudy, premier président de la cour
de Montpellier, s'est déclaré incompétent sur la de-
mande d'information formulée par les carmes
contre le préfet de l'Hérault
Vu les réquisitions écrites de M. le procureur géné-
ral qui nous demande acte de sa déclaration, portant
qu'il ne juge pas à propos de prendre aucune réquisi-
tion contre MM. Fresne, Monicault. Gos et leurs com-
plices à "raison des faits dénonces, et tenant cette
résolution, dire qu'il ne saurait y avoir lieu, en l'état
des poursuites valablement engagées, déclarer n'être
utilement saisi de la plainte précitée, et n'avoir à pro-
céder à aucun acte d'information-;
Attendu que la plainte a pour but l'ouverture d'une
information alors que les réquisitions de M-. le procu-
reur général constatent de sa part la résolution for-
melle de ne point y prendre part;
Attendu que dans cet état de choses, l'action publi-
que n'étant pas mise en mouvement, il nous serait
impossible d'informer (l'article 484 du Code d'instruc-
tion criminelle ne confère, en effet, au premier prési-
dent que les pouvoirs appartenant au juge d'instruc-
tion or, ce magistrat ne peut agir en dehors du cas de
flagrant délit qu'autant qu'il est saisi par les réquisi-
tions du ministère public);
Attendu d'ailleurs que les plaignants qui relèvent
comme faits criminels, tombant sous l'application de
la loi pénale des actes qualifiés par eux d'attentats à
leur personne, à leur liberté et à leur propriété, omet-
tent de dire en même temps que ces actes avaient
pour objet de vaincre leurs résistances à des arrêtés
administratifs pris par le préfet sur les ordres du
ministre de l'intérieur et en exécution des décrets du
20 mar&
Attendu, d'une part, que l'on ne saurait imputer
comme crime à un fonctionnaire sa soumission aux in-
jonctions de ses chefs. L'obéissance est pour lui le
premier des devoirs; que deviendrait en effet sans
cela l'ordre public qui est l'âme de: nos sociétés mo-
dernes?
Attendu, d'autre part, que s'agissant non de faits
personnels des fonctionnaires inculpés, mais de me-
sures administratives en exécution d'actes de haute
police, politiques et gouvernementaux rentrant dans
les attributions exclusives du pouvoir exécutif, l'au-
torité judiciaire est manifestement incompétente pour
en connaitre
Il résulte d'une jurisprudence constante et de diver-
ses décisions du tribunal des conflits qun l'abrogation
de l'article 75 de la Constitution de Tan Vlll abaissé
subsister dans son intégrité le principe de ia sépara-
tion des pouvoirs qui défendà l'autorité judiciaire sous
peine de forfaiture de s'immiscer dans les actes du
pouvoir administratif ou de le troubler dans son ac-
tion, ce serait violer les dispositions des lois du 16-24
août 1790, titre 2, article 13 et 16, fructidor an III, dont
l'article 13 est ainsi conçu « Les fonctions judiciaires
sont distinctes et. demeurent toujours séparées des
fonctions administratives. Les juges ne pourront à
peine de forfaiture troubler de quelque manière que
ce' soit, les opérations dés corps administratifs ni
citer devant eux les administrateurs pour raison de
leurs fonctions, » .iq;^
Par ces motifs .r.rdèv
Donnons acl,e à M,, le procureur général de Ses réqui-
sitions ci-dessus visées dans tout leur contenu, et dé-
clarons qu'il n'y a lieu ni à procéder ni à suivre sur
la plainte qui nous a éte «dressée.
Fait et ordonné au Palais de Justice à Montpellier, le
21 octobre 1880.
2l octobre :?$'< • U'iiSûM Signé Sigaudy.
M, Labrosse, de la Compagnie de Jésus.
On a lu ici le texte du jugement prononcé le 22
octobre par le tribunal de Tours, auquel le Père
Labrosse était déféré pour avoir contrevenu à là
loi du 15 mars 1850. Quelques-explications nous
paraissent utiles, le jugement laissant en partie
aans l'ombre les circonstances qui ont engendré
la poursuite. La Société civile fondée pour facili-
ter à Tours l'établissement d'une école libre diri-
par des délégués des fondateurs date de 1873.
Un collège de jésuites était immédiatement Installé
dans l'immeuble acquis par la société civile, rue
de la Scellerie. A un premier directeur, le Père
Gravoilh, M. Labrosse succédait en 1875. Aux
termes de la loi de 1850, il flt sa déclaration et
remplit les diverses formalités que comportait
une entrée en fonctions. Les choses allèrent sans
encombre jusqu'à la fin de l'année scolaire écou-
Me. ̃̃̃'
A ce moment, M. le directeur de l'école libre de
Saint-Grégoire avait à compter avec un événement
capital là dispersion de la congrégation à
laquelle il appartient. En août dernier, M.
Labrosse, par un acte authentique, cédait, le
bail.dont il était titulaire à M. l'archevêque de
Tours, et quand, le ler septembre, le commissaire
de police se. transportait rue de la Scellerie pour y
recevoir réponse à la notification de l'arrêté du
préfet d'Indre-et-Loire, on l'informait que les jé-
suites avaient quitté la maison et on lui exhi-
bait l'acte de cession à l'archevêque.
Ce prélat iêtait en quête d'un nouveau directeur.
Au cours des vacances, il proposa un abbé,
M. Croyat.- Mais M. Croyat était déjà à la tête
d'une école'; aucune suite né put être donnée à
l'intention manifestée en sa faveur. Une proposi-
tion fut faite à- un autre prêtre, M. l'abbé Pros-
T)ârt il manquait à çeluL-ci un certificat de
stage. L'archevêque se tourna alors vers un ancien
inspecteur de l'Université, M, Fleury; le recteur
de '.l'académie; introduisit dans les délais régle-
mentaires une opposition contre cette nomination,
sur laquelle le conseil académique fi'.a pas enoore
statué. '̃'
Qui dono- allait présider aux- destinées de cet
externat de; Sai ut-Grégoire dôiiOl, Labrosse avait t
de lui-même! abandonné la direction, et que ni M.
Croyat, ni- -M. Prospart, ni M: Fleury n'étaient
àptes à diriger? Le 14 octobre'cflUVSiit:, date de la
rentrée, l'inspecteur d'académie, obéissant aux
instructions du recteur, se présente à l'établisse-
ment, demande à parler au directe" iïrl' On l'Intro-
duit auprès de M. Labrosse La retraite du Père
jésuite était -une pure fiction.
Du moins., le Père Labrosse. avait il accompli
les prescriptions de la loi du 15 mars 1850? Il s'y
était conformé en 1875 et c'était ̃suffisant, affir-
mait-il. L'autorité lui rêRonaâit'.q.Ufi. là. déclaration
de 1875 n'avait plus de valeurt-qu'uneaiouvelle in-
vestiture était indispensable. C'est' sur- ce terrain
uniquement que l'orgaue du ministère public a, à
l'audience, ecliafaudê son réquisitoire. Il concluait
à là condamnation de l'auteur de la, contravention
fi nettement dlé. montrée.; Le, tribunal, on lasàit,.à..
répliqué par un acquittement. • •
Un drapeau et un serrnqn. ̃ Nous a^ftns ex-
posé l'origine. des.. poursuites du- parquet. de Va-'
lence contre un prêtre de- la «Dr ônie, M. Rey, curé
de Malissard, çoiipable d'avoir, le J.4 juillet, lacéré
le drapeau placé sur l'église et de s'être livré quel-
ques jours-ftprèSj du- haut de la-ehaire, à -des atta-
ques contre le gouvernement, Hier, le tribunal a
condamné M. ft.ey à 50 fr. d'amende.
M. Pbilippart en cassation. Après une pro-
cédure qui n a pas duré moins de deux ans, le pro-
cê§ (Je M. Simon .P.hilippârt, en Belgique, tient de
recevoir sa solution définitive. La cour de cassa-
tion a rejeté hier le pourvoi de l'aventureux finan-
cier, .confirmant ainsi l'arrêt de la cour de Bruxel-
les. qui l'avait condamné à six mois de prison pour
banqueroute.
LES JACQUEMART
i '¡', J, t~
Il faut que le public soit averti -qu'il est mort
tout récemment, dans la personne de Jules Jac-
quemart, un artiste considérable, prime-sautier,
et de tout premier ordre dans son genre, un
graveur unique, tel qu'on n'en vit jamais, tel
qu'on n'en verra plus. En ce temps de natura-
lisme sans choix, de naturalisme a outrance, il
s'ési trouva parmi nous un dessinateur capable
de rendre, avec une habileté qui tient du prodige
et non sans une manière de.poésie, toutes les
belles substances de la nature, observées dans.
leurs propriétés sensibles/ dans leurs qualités
apparentes et réelles, l'une avec le lustré de1 £a
surface, l'autre avec le rugueux de ses molé-
cules extérieures, celle-ci dans son éclat, celle-
là dans sa transîueidité ou sa transparence.
Jamais le génie descriptif du dessin n'était allé
aussi loiîi:* Jamais artiste n'était parvenu à nous
faire reconnaître au bout de son crayon la den-
sité du porphyre, '.1g, diaphanéité du cristal, le
froid de la nacre, le ton gras du ja'd'e, la super-
ficie lisse et brillante de l'émail, le miroir pro-
fond du laque noir, la résonnance de la porcé-
laine, le mat de la terre cuite;, les luisants du
bronze, le poli onctueux de l'ivoire, lasouplesse
du cuir et son grain, la rigidité du fer, le ton
aigre de l'argent, le ton chaud de l'or. Mais ce
rendu merveilleux d'objets que le dessin n'avait
jamais su exprimer, et qui paraissaient intra-
duisibles à la gravure, n'est pas une descrip-
tion purement matérielle et d'une ressemblance
criante Jacquemart y a mis encore un senti-
ment exquis de la forme propre à chaque ob-
jet et de la façon dont il absorbe, réfléchit, ré-
fracte ou disperse les rayons dùjour. il ne s'est
pas arrêté à fa lettre': il a pénétré l'esprit des
choses. Ii a découvert daûs lè£ OTéâtipns physi-
•' ̃-«^̃vi. ̃̃.̃̃̃ i
•-̃•̃ ̃ «•> ̃.̃
quesdela nature une poésie singulière, une
volupté des yeux qui va jusqu'à Pâme.
Jules Jacquemart était le fils d'Albert Jacque-
mart,,qui a écrit dans la Gazette des Beaux-
Arts tant d'articles excellents et qui a publié,
en 1862, en collaboration avec M. Edmond Le
Blant, membre do l'Institut, un savant et beau
livre. V Histoire de la porcelaine. Pour illustrer
l'ouvrage de sou père, le jeune graveur, âgé
de quelque vingt ans, s'était exercé à dessiner
-les objets précieux de la collection paternelle,
et ceux que les grands amateurs de Paris, à
commencer par Mme Malinet, avaient mis à
la disposition des autours. En se livrant à
cet exercice, il fut surpris de la variété char-
mante et sans fin que présentent les belles pro-
ductions de la nature, retouchées par l'homme.
Jl observa qu'avant lui personne ne s'était em-
ployé ou du moins n'avait réussi à définir par
le dessin ces substances précieuses quand elles
étaient entrées dans les régions de Fart. Sans
doute quelques graveurs, notamment Drevet,
dans son estampe d'après le portrait en pied
de Bossuet, peint par Rigaud, s'étaient étudié
à rendre le point do dentelle, le linon, la mous-
seline, le velours, les franges d'or, l'hermine
d'uue mozette doublée de soie; mais tous ces
rendus n'étaient que des 4-peu-près, et si les
graveurs du temps de Louis XIV s'en étaient
émerveillés, c'est que l'attention des artistes ne
se portait pas alors sur les choses matérielles,
et en regardait la traduction par la gravure
comme un simple amusement du burin.
Jules Jacquemart n'était pas homme à se
contenter de si peu. Il résolut de redire avec
son crayon sur le papier, avec sa pointe sur le
vernis, tout ce que les auteurs du livre avaient
dit de la fabrication des porcelaines, àlaChine,
en Corée, au Japon,- dans l'Inde, en Perse, et
plus tard en Europe. Son ambition était que le
lecteur pût toucher au doigt et à l'œil, non pas
au figuré, mais au propre, les objets d'art qu'on
lui décrivait, le fond d'une soucoupe honorifi-
que, couverte d'une mosaïque clathrée (c'est-à-
dire tressée en corbeille), la bordure fleuron-
née ot le poisson qui décorent una tasse japo-
naise à présentoir, le filigrane d'or d'une poti-
che à maildarins, la mosaïque de nacre repré-
sentant un paysage sur un gobelet de laque
burganté, la porcelaine frottée d'or d'un petit
vase à eau, la décoration sous couverte, avec
inscription, d'une de ces surahés persanes des-
quelles nous avons emprunté la plus jolie
forme de nos carafes les craquelures
d une bouteille à dessins gaufrés dans la pâte
et rendus visibles par un émail ombrant, le cé-
ladon flambé d'un cornet figuratif sur lequel se
relève en haut relief un de ces champignons
qu'on appelle agarics branchus, les veinules
soufflées sur une lagène et formant jaspure sur
le fond, les accidents voulus d'une cuisson imi-
tant la peau d'orange sur une coupe en forme
de fruit, qui a pour anse^a, tige recourbée de
sa branche garnie de boutons et aplatie sur la
coupe, le clissage en bambou d'une tasse japo-
naise en porcelaine vitreuso, le plumage- d'une
grue do longévité, peinte; sur une tasse à anse
et a bordure losangée, tel blanc terreux de l'eu-
gobe qui décore une lagène persane, tel fond
pâle, piqueté légèrement dq noir et semé de pa-
pillons, dans un flacon qui a la forme d'une
amande.
Par le maniement de sa pointe, tantôt fine et
maigre à dessein, tantôt décidée et grasse, par
des travaux serrés ou espacés, tremblés ou har-
dis, croisés carrément ou en losange, égrati-
gnés ou tranchants, par les morsures de son
eau-forte dont il variait constamment la pro-
fondeur et les effets, Jules Jacquemart voulait
qu'on reconnût sur une simple estampe si l'ob-
jet représenté était de la porcelaine dure de
Saxe, ou de la porcelaine tendre de Saint-Cloud,
ou de la porcelaine vitreuse du Japon, ou de la
porcelaine-faïence, ou de la porcelaine-cache-
mire s'il était de la famille rose ou de la fa-
mille verte et de fait, aucun do ces produits,
gravés de sa main, n'avait le même aspect que
les autres, chacun ayant sa manière propre de
recevoir et de renvoyer les rayons du soleil,
j'allais dire de se colorer à la lumière. On re-
connaissait si le laque était appliqué sur un
craquelé fauve, ou sur un fond de bois, ou pour
parler doctement, sur un fond xyloïde. A di-
versifier les doses dp son eau-forte, à particu-
lariser chaque objet dans le plus vif de sa ma-
nière d'être et de se comporter avec le iour,
Jules Jacquemart mettait autant de patience
qu'en peut mettre le laqueur japonais a varier
la mosaïque d'un laque burgauté, à tailler une
à une dans la nacre les feuilles d'un bambou,
les plumes d'un oiseau, les parcelles chatoyan-
tes qui devront imiter la rive caillouteuse d'un
fleuvo, ou les facettes d'un rocher, ou une plai-
ne basse, inondée à demi et fréquentée par des
palmipèdes..
Au moment où allait être publiée Y Histoire
cle la porcelaine avec ses étonnantes illustra-
tions, je venais de fonder avec Edouard PIous-
sayo la Gazette des Beaux-Arts, et, pour ce re-
cueil où la gravure devait tenir tant de place,
la collaboration d'un" artiste tel que Jacquemart
était.doublement précieuse,; je dis doublement,,
parce qu'il était aussi habile à dessiner sur le
bois'quà faire mordre ses propres dessins sur
• le cuivre. Ses premiers travaux dans ce genre
ne furent pas moins surprenants que ses pre-
mières estampes. Par la conduite de ses tailles,
brusquement arrêtées aux approches de la lu-
mière ou remplacées par des taches d'encre sur
lesquelles il répandait une poussière do points
blancs, il força le graveur en bois à exprimer
le chatoiement de la nacre; le poli, en quelque
sorte métallique dcùmé.pâr les Japonais à la ré-
sine végétale qui est la laque, et le fond.noir
d'un ciel nocturne sur lequel apparaissent des
poudres d'or imitant de vagues nuages, et des
îles 'plantées d'arbres semblables a ceux du
jardin des Hespérides, et des cabanes à toiture
retroussée, construites au bord d'une eau téné-
breuse..
Rien de pareil ne syetait vu dans aucun re-
cueil.de l'Europe. Lagravure n'avait pas même
.essayé jusqu'alors d'exprimer ce qui paraissait
inexprimable. Jacquemart était venu comme.
tout exprès pour démontrer que le véritable;
mérite du-graveuriSSiùMâllté première et fon-
cière consistaient dans la perfection du dessin,
et qu'est-ce que le dessin, sinon l'art "de mettre
exactement a leur place le noir et le blanc, la
lumière et l'ombre, de. Ksi .unir par le mariage
bien assorti des demi-teintes; de fixer l'éteîùdue,
l'intensité et la direction. des ombres portées,
en un mot de modeler juste, joint à la faculté de.
sentir et de marquer, pâr'une pointe d'exagéra
tion et pa.r dos nuances intentionnelles, le ca
ractère do l'objet représenté ?
Cependant, te :déssin n'est pas à lui seulitôuté!
la gravure, et la science du dessinateur n'au-
rait pas suffi ài.JâcJqiïèmàrt pour obtenir les ef-
fets1 .prestigieux- qu'il a obtenus. Il y fallait un
art qu'il â' su pjDiiér an degré suprême, celuidë
commander à sa- pointe' de graveur des allures
infiniment variées," ici en déchirant le vernis'
ave.Q délicatesse, là eil effleurant le cuivre ou
en le 'creusant 'au -plus profond. A tous les pro-
cédas connus,-à toutes, les recettes déjà emf
ployées pour préparer la place où le noirdo
l'imprimeur devra se resserrer où' s'étendre,
pénétrer ou glisser, Jacquemart avait ajoutée
de son cru, des tours de main d'une adressé
qu'on n'avait.pas soupçonnée. Il avait sa ma-
nière à lui de faire couler son eau-forte, de
la souffler en imperceptibles nuages, do traî-
ner ou de brusquer les morsures, d'amoner
sur le cuivre des salissures qui eussent fait
la joie de Rembrandt. Il passait de l'hésitation
du trait à la franchise des tailles; quelquefois,
mais rarement, il employait les rentrées au
burin et il excellait "à tempérer un clair
par un glacis à la pointe sèche d'une |l-
nesse inappréciable. Par des systèmes de points
auxquels il imprimait divers mouvements, di-
vers tremblements, et qu'il rangeait parfois
avec une régularité absolue, il faisait sentir,
non-seulement la différence de l'uni au grenu
et les surfaces légèrement criblées, mais en-
core les diverses nuances que peut présenter un
corps poli, suivant qu'il l'a été par le lustrage
ou par le vernissage, ou qu'il l'est naturelle-
ment par le serrement et l'extrême petitesse des
molécules, ne laissait place à aucun soup-
çon- .d'aspérités, à aucun point où se puisse Jo-
g er la moindre parcelle d'ombre.
Guidé par un sentiment d'une délicatesse
inouïe, Jules Jacquemart savait adapter aux
diverses branches de l'art décoratif les ressour-
ces qu'il s'était créées. Lorsque la collection
Campana fut achetée par le gouvernement
français et ouverte au public, la Gazette des
Beaux-Arts fit graver une planche de bijoux
antiques, et ce fut Jacquemart qui grava, cette
planche, un petit chef-d'œuvre. Il y a plaisir à
constater sur les épreuves de cette gravure ex- j ¡
quise que les Grées nous étaient supérieurs
dans la bijouterie et l'orfèvrerie, autant que }
nbus l'emportons sur eux dans la joaillerie, <
-/•̃̃ ;«, ̃ .̃ ̃ •: ;.j7fûfë.ïj.j.f, ?
celle-ci étant l'art de tailler les pierres précieu-
ses pour en faire jaillir les feux, et de les mon-
ter en parures, celles-là consistant à travailler
les métaux précieux, à les fondre, à les ciseler,
à les repousser, à les rehausser d'émaux. Les
.Grecs, en véritables artistes, firent passer la
beauté du travail avant l'opulence de la ma-
tière. Ils furent des bijoutiers incomparables
et de médiocres joailliers. Lors qu'ils enchâs-
saient dans un bijou une pierre précieuse, elle
n'était pas taillée à facettes, mais arrondie en
cabochon, de sorte que l'excellence de la cise-
lure l'emportait sur le tuxe des gemmes qui du
reste sont extrêmement rares dans leurs, ou-
vrages (sinon tout à fait absentes), et ils sem-
blent avoir préféré aux pierres précieuses les
pierres non translucides que nous rangeons s
au nombre des pierres fines telles que la sar-
donyx, la cornaline, le lapis.
Jacquemart a su renouveler sur le cuivre la
perfection que l'artiste grec avait mise dans
son oeuvre. Ses boucles d'oreilles, ses fibules,
ses diadèmes, ses bracelets sont de véritables
bijoux de gravure. Les fonds ponctués, les
fonds criblés ou chagrinés y sont rendus avec
un soin extrême pour faire briller par opposi-
tion l'or ou l'argent brunis. Vingt fois, dans le
dessin gravé d'un objet dont la dimension ne
dépasse pas celle d'une petite monnaie ou d'un
demi-doigt de la main, la pointe du graveur a
changé d'accent, mais en demeurant toujours
vive et légère, en accusant tout avec un préci-
sion infinie, sans la moindre lourdeur, en se
jouant parmi des détails d'ornement qui rap-
pellent les méandres, les entrelacs, les astraga-
es les chapelets de perles et autres motifs
dont le caractère est de pure convention. Ainsi
le graveur a fait passer dans son art la sobre
élégance, la richesse sans profusion de l'orfé-
vrerie grecque.
Il faut tout dire ce culte des belles matières
naturelles, converties en choses d'art, avait ab-
sorbé un instant l'excellent graveur, le dessina-
teur inimitable en son genre. La figure hu-
maine avait fini par être elle-même un objet
qui tenait de la pierre précieuse, qui participait
de l'éclat du métal et dont la chair semblait
faite avec du kaolin, comme si la création des
êtres vivants eût été élaborée par un orfèvre
sublime ou par un divin céramiste. Mais cet
empire d'une habitude prise ne fut sensible que
dans une eau-forte gravée par Jacquemart
d'après Goya, et- représentant un hidalgo
qui joue avec trois jeunes filles espagnoles,
dont l'une noue se jarretière au-dessus du ge-
nou. La chair, dans cette estampe, a l'aspect de
la faïence. Mais l'artiste se releva bientôt après
en gravant, d'après Van der Meer de Delft, le
Soldat et la Fillette. Il y revint à un travail
'plus gras, plus chaud, plus nourri enveloppé
de mystère comme celui de Rembrandt, expri-
mant la chair et tel qu'aurait pu .l'employer le
plus habile "des graveurs.
Le croirait-on ? Après "avoir publié: dans
Y Histoire de la porcelaine, des estampes dont
on ne vit jamais les pareilles, Jules Jacquemart
n'avait pas encore accompli son chef-d'œuvre.
Je veux parler des Gemmeset Joyaux de la cou-
ronne, publication splendide dont le texte était
dû à l'érudition consciencieuse d'un connaisseur'
délicat,M. Barbet dç Jouy.Ilfautrenoncer àdécri-
reles gravures de ce livre elles sontindescripti-
bles. Elles reproduisent des choses dont le ren-
du était regardé comme impossible dans l'art
du graveur: des coupes, des aiguières, des bas-
sins, des calices, des jattes, des biberons en
cristal de roche, des patènes en serpentine,
des vases antiques en jaspe oriental, en por-
phyre, en jade, en sardonyx, un drageoir en
jaspe de Bohême, un vase imitant les alvéoles
d'une ruche à miel, comme celui d'Aliénor d'A-
quitaine, qui est en cristal antique, et qui fut
donné par cette princesse à Louis lo Jeune, son
fiancé. Comment exprimer avec des traits et.
des morsures d'eau-forte une substance qui est
à la fois transparente et propre a réfléchir la
lumière sur certains points de ses bombements?
De quelle manière faire comprendre à l'œil
les concavités et les convexités d'un verre,
alors que la forme en est à chaque instant
contrariée dans son aspect par la lumière
qui la traverse embrouillée par les sur-
faces tournantes qu'elle laisse transparaître
et par les éclairs qu'elle jette aux endroits
où le rayon est accroché par l'arête d'une can-
nelure qui le fait rejaillir? Quand le dessinateur
en est réduit à jouer sur la gamme de tons qui
va du noir de l'encre au blanc vif du papier
"Watmann ou au blanc écru du papier de Chine,
comment expliquer à l'œil, dans la représenta-
tion d'un verre gravé, que les figures diapha-
nes qui légèrement s'y relèvent, se trouvent
sur la convexité antérieure ou bien sur le côté
du verre que l'on voit par transparence? Com-
ment faire tourner un objet qui est sans
ombre? Comment obtenir des traînées de lu-
mière sans le secours d'aucune opposition et
rien que par la réserve du blanc sur le cuivre?
Comment un graveur peut-il exprimer, comme
l'a fait Jacquemart, et à ce point de justesse et
de vérité, la n\plle coloration du jade et ses
tons huileux, le poli froid d?une sardonyx et
ses couches indiquées par des zébrures, la va-
leur de toutes les teintes qui entrent dans le
jaspe oriental, le rouge sanguin, le'vert olivâ-
tre et le brun, avec quelques nuances de bleu
•violacé, tout ce que les Chinois ont su imiter
dans leurs porcelaines lorsqu'ils ont .pris plai-
sir à y reproduire les couleurs du foie cru des
animaux do boucherie? Ce sont là dës problè-
mes insolubles, et cependant Jacquemart les a
résolus dans les Gemmes et Joyaux. Il a fait
plus il a eu la hardiesse de s'attaquer, avec
une pointe et quelques gouttes d'eau-forte sur
le vernis, à la gravure d'une tasse en cristal de
roche, enveloppée d'un réseau d'or dont toutes
les intersections sont rehaussées do rubis, de
saphirs et d'émeraudes, alternant, avec des
perruches en émail vert, et il se trûXjve qu'en
transposant dans le clair-obscur ce spectacle
splendide, il a donné au lecteur la; sensation
d'une opulence asiatique, iLlui a procuré l'idée
d'un objet dérobé dans les trésors dé. GQlc.on.de
ou dans la cassette d'une fée.
Le catalogue raisonné des estampes de Jules
Jacquemart a été dressé par M. Louis Gonse
dans la Gazette des Beaux-Arts, et ce catalô-
gue, qui contient la description d'environ quatre
cents planches, est à lui seul une biographie de
de l'artiste! Sa. vie, c'est son. œuvre. Heureux
celui qui, durant une existence courte ou lou'
gue, iv a pas eu d'autres événements .que les oc-
gué, n a pas eu 4'autres événement!? gue'l~$ oc-
casions d'exercer son art, de faire passer dans
ses ouvrages l'expression d'un sentiment, ou
d'une pensée. Une vie privilégiée- dont toutes
les péripéties se passèrent dans une 'âme pas-
sionnée pour le beau, je dis pour le- beau dans
l'ordre des 'belfes 'créations naturelles 'aux-
quelles l'homme ajoute son génie telle
fut là vie de Jules Jacquemar.U.,Ell;e'fut
abrégée. par une maladie à laquelle -l'avaient
prédisposé les fatigues du siège de Paris. Frêlo
au physique autant qu'il était fin et'distingué
au moral, mince dans sa haute taillé' il n'avait
à opposer à la mort qu'un ensemble de forces
insuffisant. Envoyé à Vienne comme membre
du jury 'de l'Exposition universelle;-il contracta
dans cette ville une fièvre pernicieuse dont les
effets se. portèrent sur l'organe te plus" faible de
sa constitution, sur la poitrine. -11 dutpasser. les
hivers, à Menton, et là, en présence" des paysa-
ges que lui offraient les rivages et le doux ciel
de ce beau pays, il devint peintre, de graveur
qu'il était, il voulut exprimer par l'aquarelle ce
qu'il avait si bien su dire dans l'austère langa-
ge de la gravure. On juge conibien dut être ex-
ressif avec les ressources du peintre, c'est-â-
dire avec la couleur en plus, un- artiste qui
avait été si éloquent avec du blanc et du noir.
Tirant sa lumière de la blancheur même du
papier, il fut à peu de frais lumineux, et il
resta léger dans son exécution, tout en laissant
à ses tons, qu'il obtenait du premier coup sans
aucune rouerie de' métier, une franchise, un
ressort extraordinaires.-Il fut un des promo-
teurs de la Société des aquarellistes, et dans
cette société même, où l'on a' poussé l'aquarelle
à des perfections inconnues et où tant d'autres
sont admirables, il fut admiré..
Au printemps de l'année l$77j je retrouvai
Jacquemart à Florence, dans lé palais de San
Donato, 'qui a été vendu naguère. Il y était
venu graver à l'eau-forte, pour la Gazette des
Beaux-Arts, quelques-uns des tableaux de
cette galerie célèbre dont nous étions si loin de
prévoir la prochaine dispersion, et dont les
honneurs nous étaient faits par un hôte plein
de générosité et de bonne grâce. Déjà grave-
ment malade et toujours calfeutré dans sa
chambre, à une extrémité du palais, tandis
que la mienne était à une autre extré-
mité, Jules Jacquemart travaillait tout le
jour à ses eaux-fortes d'après Rembrandt,
d'après Fyt, en dépit de la fièvre qui le
minait sourdement. Mais, grâce à une atten-
tion bienfaisante de la nature, qui veut bien
̃̃'• >'w':rà! ̃̃>v.L!>.hn
quelquefois adoucir par une illusion les
cruautés d'une condamnation inexorable, le.
malade se croyait plus près de la guérison qu'il
n'était loin de la mort! Nous partîmes ensemble
de Florence, et il fallut nous séparer à Gênes,
lui devant continuer sa route par la Corniche
jusqu'à Menton. Bien qu'il cherchât à me ras-
surer sur l'état de sa santé, qu'il ne sentait pas
compromise, ce lie fut pas sans un serrement
de cœur que je lui dis adieu.
Mort à l'âge de quarante-trois ans. Jacque-
mart a fait dans sa courte vie des ouvrages qui
en supposeraient une longue. Son œuvre'se
compose de quatre cents planches dont les
épreuves se vendront bientôt des prix fous. Il a
réalisé dans son art ce que l'école romantique
avait accompli dans le monde littéraire. Péné-
trant au fin fond de la nature, étudiée dans ses
phénomènes physiques, il a particularisé au
dernier point ce que d'autres avaient laissé
en le généralisant. Au lieu de dire un
arbre, par exemple, dans la description d'un
paysage, les romantiques disaient un frêne, un
châtaignier, un sycomore; au lieu d'employer
le terme générique de marbre pour désigner
les matières mises en œuvrepar le sculpteur ou
par l'architecte, ils voulaient bien nous dire si
ce marbre était du Pentélique ou du Paros, si
c'était du jaune de Sienne, de la griotte d'Italie,
de la brocatello de Vérone ou du bleu turquin.
De même, au lieu d'indiquer vaguement, par
des travaux connus, une matière transparente
ou opaque, une pierre précieuse ou une pierre
fine, Jacquemart spécifiait du boni de sa pointe
le cristal, le verre, l'émail, le jadb\ 1« jaspe,
l'onyx, la cornaline, la sàrdoine.' A- chacune de
ces substances, il donnait, en la modelant, ^on
caractère propre, sa couleur/sa manière du bril-
ler, sa physionomie; qu'il n'était pas possible ds
confondre avec celle d'up>autre corps, il la fai-
sait nommer parla lumière, car c'est par elle
qu'il exprimait toute chose, le luisant etle mat,
le dense et le friable, la légèreté- et la pesan-
teur, le brillant poisseux d'une résine et la su-
perficie glacée d'un laque japonais, la demi-vi-
trification de la porcelaine aussi bien que la
résistance du ciurv, la compacité du porphyre
aussi bien que la dureté de l'agate..
Parmi les gravures do Jacquemart, il en est
une des plus singulières et qui produit dans son
œuvre un eïfet inattendu. Lui qui avait un goût
si vif pour les riches et belles matières, il eut
un jour la fantaisie de représenter un assem-
blage de vieilles chaussures, jetées en désor-
dre sur le plancher d'uao chambre basse. 11 y
avait là des souliers de toute espèce, des bottes
fortes do courrier, des bottes de chasse, des
brodequins, des souliers ferrés de porteur
d'eau, et des escarpins qui avaient été jadis élé-
gants. Aucun n'avait ses talons de niveau, toa-
penchaient de droite ou de gaucho sur des ses
nielles inégalement usées. Les empeignes por-
taient l'empreinte des redressements de l'orteil,
de la saillie des os, et des tumeurs produites
par le frottement du cuir ou par les rhumatis-
mes goutteux. Des bouts de cordons cassés pen-
daient à l'œillet dos brodequins. Çà et là s'était
durcie la bone des ornières ou l'argile des
champs qu'avait traversés, le chasseur. Les di-
verses conditions de la société, les différentes
occupations du paysan, du braconnier, du ci-
tadin étaient représentées par cet amas de
chaussures éculées, avachies, déformées par
l'usure, jugées depuis longtemps indignes de
la brosse, et qui figuraient les douleurs, les dis-
tractions, les lassitudes de l'humanité en mar-
che sur les chemins, plus ou moins raboteux, do,
la vie. Il semble qu'une pensée ou plutôt un
sentiment de philosophie ait inspiré ce tableau
imprévu, qui ferait tache dans le recueil de Jac-
quemart si ce n'était qu'une image d'un gros-
sier réalisme.
Mais, à part cette exception, qui, je crois, est
unique, on peut dire que Jacquemart ne fut ja-
mais plus habile que lorsqu'il se trouva aux
prises avec un objet d'art et qu'il dut faire
étinceler les reliefs aigus d'une armure ou les
reflets d'un bronze rayé par des balafres de lu-
mière, ou bien graver une de ces médailles de
Syracuse, où bondit un quadrige do chevaux
fringants, animés d'un feu héroïque, et d'une
auguste élégance, qui emportent la Victoire à
travers le stade, comme ils emporteraient dans
les cieux lo char du Soleil.
CHARLES BLANC.
wm v^iv. LIBRAIRIE
DON JUAN DE PARIS, le nouveau roman
de Forlunio, que Dentu vient de mettre en vente,
est non-seulement l'un des meilleurs livres du
sympathique écrivain, mais encore un des romans
les plus parisiens, les plus pathétiques et les plus
vraiment littéraires, qui ait paru depuis long-
temps. Aussi, son succès est-il assuré d'avance et
tout le monde voudra-t-il le lire.'
Revue mnérale d'administration. Berger-Levrault
et C»,'rue des Beaux-Arts, 5. Sommaire de la li-
vraison d'octobre 1880
De la Protection des enfants nouveau-nés. Sociétés de
charité maternelle. Crèches. Sociétés protectrices de
l'enfance. Loi de protection des enfants du premier
âge, par M. Ë. Guignard. Les institutions municipa-
les en Belgique, par Al. L. M. Recensement de la po-
pulation. Préparation du prochain recensement eu
France. Méthodes suivies dans les principaux pays
d'Europe.– -Jurisprudence. Chroniques d'Allemagne,
d'Angleterre, d'Autriche-Hongrie, des Etats-Unis, d'Ha-
lie, de Suisse, de l'administration française. Biblio-
graphie administrative.
Revue alsacienne, rédacteur en chef M. Eug. Sein-
guerlet. Sommaire de la livraison d'octobre 1880
L'Alsace à l'Institut: Georges Kastrier, par Oscar
Comettant. La capitulation de Strasbourg, par
Récits du Ghetto polonais III. La lettre de divorce
(histoire juive polonaise), par Sacher-Masoch; traduit
de l'allemand par Auguste Dietrich. L'artillerie
strasbourgeoise du quatorzième au dix-septième siècle
(aveo gravure), par Rodolphe Reùss. A coups do
marteau travers les Vosges, par Stanislas Meunier.
Un projet d'attentat contre la cathédrale de Stras-
bourg, par E. Seinguerlet. –Les chemins en Alsace au
dix-septième siècle, par E. de Neyrômanfl. Curiosa:
Les chasseurs-tirailleurs de Strasbourg QS15). parE.S.
Bulletin bibliographique français. Bulletin biblio-
graphique alsacien. Chronique, par P.. L. Revue
théâtrale par E. S.
On s'abonne chez Berger-Levrault et C°, 5, rue des
Beaux-Arts. Paris, 10 fr.; aépartem'epîs et Alsace-Lor-
raine, 12 fr. /̃ ̃••: ̃ i
-v, .v. ̃M'.ltiîTK.Vi.r-; < .̃
.1. ;̃. -̃ ,|' J .̃̃»»<–̃
rrrrrimo~
COMMUNICATION?-. ̃
,·,
E. BANCILHON. Tapisserie et ̃ ameublement,
rue Bellechasse, 14.
~A~AAAA~AAAAAAA~~AAAAAAA~
• \A.OTXJE3LJrJEÎL4:EllSrT
INAUGURATION DES NOUVEAUX AGRANDISSEMENTS
:ft$à êxmxk Ipakrtt
(lue Croii-des-Polils-ûiaiiips, 5, 7 el !), près du louvre .•̃'
HABILLEMENTS POUR HOMMES ET ENFANTS-.
TyWvfyVyYTTTYTTYYYTYYTYYTTYT
NECROLOGIE
Le peintre Alexandre Guillemin est -mort hier,
en sa propriété de Bois-le-Roi, sur les bords de la
Seine et sur la lisière de la forêt de Fontaine-
bleau.
Alexandre Guillemin était né à Paris, le 15 octo-
bre 1817. Il étudia dans l'atelier de Gros et s'a-
donna à la peinture de genre.
Il avait été décoré de la Légion d'honneur à la
suite du Salon de 1861. Il avait eu successivement
une troisième médaille en 1841, une seconde en
1845, un rappel en 1859.
Républicain sincère, il faisait partie du conseil
municipal de la commune de Bois-le-Roi. où au-
ront lieu ses obsèques mercredi, à onze heures du
matin.
M. Boucly, conseiller honoraire à la cour de cas-
sation, commandeur delà Légion d'honneur, vient
de décéder à Sceaux (Seine).
Ce magistrat avait quitté la cour de cassation, il
y a huit années environ, atteint par la limite
d'âge.
Il avait été procureur du roi à Paris, sous la
monarchie de Juillet.
On annonce la mort de M. de Faliois, conseiller
général républicain de la Meuse pour le canton de
Verdun.
Les journaux de la Haute-Saône annoncent la
mort à Arc-les-Fray, à l'âge de soixante-dix-huit
ans, de M. Jules Rousset.
Attaché au ministère des finances sous le gou-
vernement de Louis-Philippe, M. Jules Rousset fut
désigné pour aller réorganiser l'administration des
finances du gouvernement égyptien. En récom-
pense des services qu'il avait rendus, il fut nommé
bey par le vice-roi MehemetrAli.
'j~
Si maintenant nous cherchons la raison de ce
grand ennui dont soufirit la marquise, nous en
trouverons une toute particulière et personnelle
dans cette vie si stérilement agitée; ce mal qui la
̃̃' dévore' ajvjtoad, c'est l'abus, c'est l'excès de l'es-
prit;- "'̃'
Quelle erreur cruelle pour soi et pour les autres, de
fceàser que l'on puisse fonder sur l'esprit tout seul le
bonheur et même l'agrément d'une .vie entière! S'il ne
ne s'y joint quelque intérêt supérieur qui nous force à
nous occuper d'autre chose que de notre propre diver-
tissement, c'est-à-dire encore de nous-mêmes, le clmti-
ment de cet égoïsme intellectuel, si délicat, si raffiné
qu'on le suppose, nese fait pas attendre c'est le désen-
chantement irrémédiable des autres et de soj-nienie.
En ne vivant que pour son esprit et par lui, on arrive
peut-être à développer en soi une sagacité extraordi-
naire, une justesse de vues pratiques, une pénétration
incomparable. Est-ce là un élément de bonheur Je ne
le crois pas. On court moins de risque d'ètre dupe,
cela est vrai mais n'est-ce pas une autre manière
d'être dupe que de l'être de sa propre hnesse, et na-
t-on pas vu souvent une pénétration excessive aboutir
à ce triste résultat, un scepticisme absolu sur la sin-
cérité ou la grandeur des motifs par lesquels s'honore
la volonté de l'homme? Cette faculté fatale de 1 ana-
lyse 'à outrance, on la voit ainsi se retourner contre-
celui même qui aime à s'en servir. Que de ravages ce
mal fait dans certaines &mes1 Comme il épuise vite le
fond, de la vie, comme il en. tarit les sources et en dé-
colore les aspects!
On sa fatigue vite de ce qui n'est qu'ingénieux sans
être autre chose, sans provoquer en nous quelque no-
ble émotion, sans exciter quelque haute idée. L'esprit
n'a vraiment tout son lustre, il ne produit tout son et-
fet et son agrément, que lorsqu'il s'emploie au service
de quelque chose qui soit supérieur à lui, la vente,
l'humanité, la justice. Par lui-même, il ne peut nous
donner ni une joie profonde ni un plaisir durable,
à peine une minute d'éblouissement qui laisse notre
âme plus dénuée' et plus pauvre qu'auparavant.
C'est la loi on n'échappe au sentiment du néant hu-
main que par les nobles affections qui étendent ou
multiplient notre être en y associant quelque autre,
soit ce large et puissant amour de l'humanité qui nous
tire hors de nous-mêmes, soit les enthousiasmes virils
de la science ou les espérances enchantèos de la fol.
Cela seul donne du prix à notre vie qui la ravit à elle
même par là grandeur de l'idée ou du sen iment. Le
moi ne peut jouir légitimement de son être qu'à la
condition de- le transformer dans quelque chose de
plus grand que lui.
l;- En terminant, M. Caro nous a montré, en oppo-
sition avec le monde dont Mme du Deffant était
un des représentants les plus brillants et les plus
̃ ̃' tristes, et qui se mourait dans le sentiment de
? l'impuissance et du vide, un monde nouveau se,
r levant avec des préoccupations et des aspirations
"•'•' viriles, et la joie de vivre que communiquent ces
<• aspirations
Au-dessus de l'indifférence railleuse où s'arrêtaient
7 Mme du Deffant et ses amis, s'élevait un esprit nou-
? veau, grave, passionné pour l'idée d'une réforme so-
ciale. Certes, cet esprit n'était pas exempt de défauts
ni de périls il était rempli d'inexpérience, gâté pac
>• l'imitation d'une antiquité chimérique, mal étudiée et
mal comprise; il condamnait justement un etat social
artificiel, et le remplaçait dans ses rêves par l'idéal
d'une nature qui n'était guère moins artificielle sorte
de stoïcisme rajeuni, essayant de fonder le droit nou-
veau en dehors de toute tradition; cherchant, comme.
'le stoïcisme antique, à réformer la vie individuelle et
la politique sur Ja règle de la raison pure, mais diffé;
rant profondément des austères doctrines de Zenon et
•̃ d'Epictète par une perpétuelle préoccupation des émo-
tioni du cœur, qu'on prenait depuis Rousseau pour la
̃'• vertu même, et par une aftèctatton de sensibilité dont
̃ les vieux stoïciens de la Grèce ou de Rome auraient
souri. ̃•̃̃ ..»-
1 Ce mélange de l'esprit nouveau, vérité et paradoxe;
nobles idées, espoirs sublimes gâtés par la déclama-
tion, passions fortes et utopie, voilà ce que ne com.
prirent jamais et ce que ne connurent même pas ni
Mme du Deffant, ni le monde sur lequel elle régna si
longtemps, et qui tenait tout entier dans un salon. Il
y avait quelques années à peine que la célèbre mar-
quise était morte dans son fauteuil, « la voix éteinte
et le cœur enveloppé », lorsque Mme Roland entrait
dans tout l'éclat de son rôle et d'une destinée si bril-
lante et si tragique. Ainsi se présentent à nous, dans
le même temps, ces deux sociétés si voisines et pro-
fondément étrangères l'une à l'autre: l'une cultivée
jusqu'au raffinement, avec son charme et aussi son
aridité et sa pauvreté de coeur, ayant poussé l'analyse
jusqu'à ce point où l'analyse a tout desséché l'autre,
prenant pour guide le 'sentiment, avec ses élans dés-
ordonnés, niais puissants et sincères, vers une justice
idéale dont le rêve seul était assez beau pour que ce
fût la peine de vivre, avec ses aspirations confuses
vers un avenir indéterminé et ses générosités d'en-
thousiasme,, dans la flamme et le feu de ses orageuses
chimères. De tels rapprochements et de tels contrastes
sont les drames de l'histoire, l'objet de la curiosité
de l'artiste, l'enseignement du philosophe et du mora,
liste." mf% ̃̃ii- ̃},rtT- :i- .•̃1-:vv!?-^£frr I
Cette page, traversée d'un souffle véritablement t
libéral, a couronné dignement la belle étude de
1 M. Caro.
*-•• Cette étude a marqué, pour ainsi dire, le point
."culminant de la séance.
M. Duruy, qui à occupé le fauteuil après M. Gâ-
ro, a lu un essai sur les Assemblées provimnalès
au siècle a Auguste. Malheureusement, M. Duruy,
qui a le débit d'une monotonie désespérante, n'a
pas su faire ressortir le sérieux mérite de son tra-
vail, et l'attention du public s'est visiblement las-
s(e.
Un mémoire I.U par M. Perrier, de l'Académie
des siencés, et racontant l'histoire de la jonction
géodésique et astronomique des deux continents
d'Europe et d'Afrique, a terminé la séance. L'au-
teur du mémoire était un des héros de l'histoire,-
et, malgré le soin délicat qu'il a mis à s'effacer
derrière ses collaborateurs, l'auditoire lui à témoi-
gné par ses chaleureux applaudissements qu'il
était peureux de saluer en lui un des plus di-
gnes représentants de la science française.,
FAITS DIVERS
26 octobre. •– Pendant toute la journée et la soi-
rée d'hier le beau temps s'est maintenu. Ce matin
la pluie a reparu. Cette nuit, le baromètre a
éprouvé une baisse de 9 millimètres. Le vent
change fréquemment de direction. Il parait vou-
loir se maintenir dans celle du sud-ouest.
Hier, le centre du froid occupait l'Est, une partie
de l'Ouest, le Nord de laFrance, et s'étendait sur la
Belgique et une partie de l'Allemagne. A Paris, la
température minima de cette nuit a été de 5 de-
grés. Le thermomètre n'a monté, ce matin que
d'un degré.
Le maximum de la crue de la Seine est annon-
cé pour vendredi seulement, à cause de l'arrivée
tardive du flot de la Marne.
A Mulhouse et dans une partie des Vosges, il est
tombé de la neige en assez grande quantité.
Nous recevons de New-York la dépêche sui-
vante
Une violente tempête va traverse^ l'Atlantique au
nord du 45°. Elle arrivera sur les Iles-Britanniques* la
Norvège et peut être touchera-t-elle les côtes nord de
la France entre le 27 et le 20; elle sera accompagnée
de fortes vents du sud tournant au nord ouest, de
bourrasques, de pluie et de neige au nord. De basses
températures en seront la conséquence. Sur l'Atlan-
tique, le temps est très orageux.
Aujourd'hui 26 octobre, le thermomètre de
la maison Queslin, tue de la Bourse, marquait
A 7 heures du matin. O> glace.
A 11 heures du matin. i>° au-dessus de zéro.
A 1 heure de l'a près-midi -1° J."
Hauteur barométrique. 753 •̃
Les arrêtés réglant- l'organisation des con-
cours régionaux de 1881 viennent d'être approu-
vés par M. le ministre de l'agriculture et du coin-
merce. ̃
Les dates dé ces différents concours ont été fixés
comme il suit:
Alger (poncours de l'Algérie), du 2 au 11 avril.
Pau, an 7 au 16 mai. Nimés, du 14 au 23 mai.
Cahors, du 21 au 30 mai. Çhàlon-sur-Saône, du
21 au 30 maû^- Âlen'çon, du ?S mai au 7 juin.
La Rbcie-àur-Ypi), du 28 niai au 7 juin. Tours,
du 28 mai an 7 juin. Annecy, du 11 au 20 juin.
Epinalt'da Ikau 20 juin, r- Saint-Brieuc, du 18
au 27-juin. •– Mojjtbrison. du 18 au 27 juin.
Versailles, du 18 au 27 juin.
Pour être admis à exposer dans ces divers con-
cours, on doit en faire la déclaration au ministre
de l'asrriGUlture et du commerce. Cette déclaration
doit être parvenue au ministère, à Paris, aux da-
tes désignées ci-aprés
Alger. le 15 janvier 1881. Pau, 25 mars. Ni-
mes, i<* avril. Cahors, 7 avril. Châtou-sur-
Saône, 7 avril.– Alençoh, la Roche-sur-Yon et
Tours, 15 4vril. Annecy et Epinal, 25 avril.
Sain£-Brieuc, Mon'tbrisoh et Versailles, 1« mai.
t– J^a Sèciété d'encouragement pour l'industrie
nationale reprendra le vendredi 29 octobre le
cours de ses séances publiques qui ont lieu les
deuxième et quatrième vendredis de chaque mois,
à huit heures du soir, dans son hôtel, rue de
Rennes, 44.
Dans cette première réunion, M. Antoine Bré-
guet présentera le photophone de M. Graham
Bell transmettant les sons par un rayon de lu-
niière,^a(;ft. V:i
Par ordonnance du juge d'instruction, les
cinq -ouvriers vidangeurs arrètés à la suite de la
catastrophe du boulevard. Rochechouart ont été
remis hier en liberté, leur culpabilité n'ayant pas
pu être suffisamment prouvée.
Ces cinq hommes devront se tenir à la disposi-
tion^Au i^-fet 'se1 présenter à la première réquisi-.
ttOB~
Une rencontre. a dû ayoir lieu ce matin
entre, M. Alfred Gassier, auteur de Juarez ou la
Guerre du Mexique, et M. Miguel de Miramon,
flls du général Miramon, qui a considéré comme
offensant le rôle attribué à son père dans le drame
de Jkarez.
Les témoins de M, Gassier sont MM. Maurice
Talmeyr, rédacteur du^iZopiX^et M. lecommandant
d'artillerie Gautier: ceux de M. Miguel de Miramon,
MM. A. Ha lis- et André Barbes, rédacteurs de la
France nouvelle. •
M. de Soubeyran a été victime hier, rue
Voln.ey, d'nu accident de voiture dont les consé-
quel1ces heureusement n'ont pas été graves son
coupé a rencontré une lourde voiture contre
laquelle il s'est heurté violemment. Le cocher a
été jeté à terre et M. de Soubeyran a été contu-
sionné en plusieurs, endroits, peu grièvement, il
est vrai, par les éclats des glaces de la voiture qui
s'étaient brisées.
Hier, un facteur du quartier de l'ancien Opé-
ra, ayant dans sa'boîte un paquet d'une valeur de
40,000 francs adressé à l'un des plus importants
marchands de diamants de Paris, lequel demeure
rue Le Peletier, s'est aperçu avec stupeur, au mo-
ment de remettre' ce paquet à son adresse, qu'il
avait disparu. ̃
La police, avisée du fait, a commencé une en-
quête.
Ce matin, à onze heures, ont eu lieu à l'église
Saint-Eugène, les obsèques de M. Sylvain Saint-
Etienne, la malheureuse victime de l'accident de
la rue de Lafayette.
De nombreuses notabilités du monde musical,
parmi lesquelles MM. Charles-Vincent Strauss,
Heugel, etc., avaient tenu à accompagner à sa
dernière demeure l'ancien critique musical de
l'Union.̃ q,
On mande de- Bayeux que l'Aure, grossie par
les pluies de ces derniers jours, a débordé et
inondé plusieurs rue de la ville.
Des habitants, menacés par les eaux, ont dù
quitter leurs maisons. La gendarmerie et les sa-
peurs-pompiers rivalisent de zèle pour conjurer le
danger.
La grève de Denain continue. D'après une
circulaire manuscrite lancée dimanche, les grévis-
tes s'engagent à reprendre immédiatement leurs
,travaux si là Compagnie souscrit aux conditions
suivantes
60 centimes par heure de travail avec un mini-
mum de huit heures et un maximum de neuf heu-
res par journée de travail; '̃
Que les traitements du médecin et les frais de.
médicaments soient accordés gratuitement aux
ouvriers, ainsi qu'aux veuves et orphelins;
Que la Compagnie accorde aux mineurs une
pension de 5 centimes par jour et par année de
travail à compter de quinze ans.
La retraite ne pourra excéder 2 francs par
jour.
La Compagnie ne pourra supprimer la pension
qu'au cas où il serait prouvé judiciairement que
l'ouvrier aurait compromis ses intérêts.
Aucun renvoi ayant la grève pour cause ne sera
prononcé après la reprise du travail.
Dimanche, plusieurs corps de troupe de la gar-
nison sont arrivés à Denain à l'effet de remplacer
le 127e de ligne et les dragons qui ont regagné Va-
lenciennes. De nombreuses patrouilles de gen-
darmes' sillonnent lé charbonnage :èt dispersent
les groupes qui stationnent près dés puits. M. le
général Lefebvre, qui s'était rendu samedi à De-,
nain, est revenu ce matin à Lille après avoir don-
né des instructions à M. le général Robillot, qui
commande les troupes. ̃••̃̃
Le préfet du Nord, appelé par une dépêche de
M. Decle, sous-préfet par intérim, est parti hier
matin pour Denain. p p
Plusieurs individus ont été mis en état d'arres-
tation comme meneurs, et écroués à la prison de
Valenciennes. La grève est générale aux fosses de
l'Enclos, Turence et Renard. Les autres divisions
de la Compagnie d'Anzin travaillent au complet.
Les grévistes attendent impatiemment le résultat
de la réunion, de la Régie qui doit avoir lieu au-
jourd'hui.
Une dépêche de Douai dit que la .descente des
ouvriers s'est elfectuée, hier matin lundi, Comme
d'habitude et en bon ordre, dans les fosses Situées
aux environs d'Abscon et d'Aniche.
Des scènes tumultueuses se produisent 'dëpuîs
quelques jours au Grand^Théâke du Capitole à
Toulouse.
On sait avec quelle passion le public toulousain
assiste aux représentations..
Jusqu'à ce jour le public avait été appelé à juger
le mérite des artistes et à se prononcer sur leur
admission ou leur rejet. L'administration munici-
pale a cru devoir cette année confier c& soin à une
commission spéoiale. Cette création ne semble pas
avoir été accueillie avec faveur par le public ha-
bituel du théâtre. Celui-ci aparu particulièrement
indisposé par le rejet, une première fois prononcé,'
d'une artiste lyrique,- Mlle Dufau, à laquelle on a
a dû nonobstant la première décision, accorder de
nouveaux débuts.
A la dernière représentation, Mlle Dufau a été,
dès son entrée, dit. ta dépêche, couverte d'applau- •
dissements. Le public a. demanda avec insistance
son admission; mais la commission n'était pas
présente. Les cris et le tumulte ont recommencé
de plus belle. La. représentation s'est poursuivie
non sans peine; mais à la fin le public ne voulant
pas sortir sans connaître la décision de la com-
mission qiil était toujours absente, le commissaire
de police a dû intervenir, parlementer & trois re-
prises différentes; il s'est vu, en désespoir de e
cause, obligé do faire évacuer la salle.
On s'attend à de nouvelles scènes du même
genre. T
t-, Nqusi avons reproduit, d'après le Figaro, la
nouvelle de la vente du château de Copp.et..par la
famille d'Hausson vil lé à M. Alphonse Bçry, mem-
bre du conseil national et député au Grand
Conseil;
Cette nouvelle est entièrement inexacte; elle a
pris naissance dans un numéro fantaisiste publié
par la Gazette de Lausanne, sous le titre Ga±
seite de Lausanne, de l'an 1900. :»Tv
TRIBUNAtlK.^
L'aide sonnçur de Sàlot-Nicôkè-des-Champs.
Hier, la cour d'assises de la Seine jugeait Eu-
gène-Fré£éric Dalbiat, un de,cés jeunes drôles que
leurs instincts de débauché mènent fatalement au
vol, en attendant que le vol les conduise au meur-
tre. Dalbiat a vingt-trois ans. Il se-dit tournèur en
cuivre; En réalité, il n'exerçait d'autre^, profession
que celle" d'aide sonneur à l'église dé sa paroisse.
Quelquefois, le soir,' il figurait dans itft théâtre dé
drame, tout comme Giile,.Abadie et KiraiJ. Ni ceci
ni cela ne subvenait complètement aux besoins et
aux goûts du sacripant. Comme beaucoup de ses'
pareils, il vivait aux crochets' d'une fille inscrite
a la police. Une rupture avec cette malheureuse
parait avoir déterminé Dalbiat au crime commis
le 26 juillet dernier..
Il connaissait, rue Chapon, un horloger, établi
dans un logement modeste, mais .possesseur' 3è.
quelques pâleurs jet. de, quelques bijoux,. S'étanf
muni d'un- solide .couteau, Eugène Ijalbiat se- pré-
sente chez David- EsenstaeUer, Une insignifiante
conversation s'engage: A~u cours de ça colloque,
Esenstaeller est brusquement frappé; II .-crie. -A
plusieurs Reprises, la lame s'enfonce dans ses
chairs, Des voisins accourent, trop tard pour sau-
ver la victijne, assez tôt pour s'emparer de'ï'â's7,
sassin. •
Celui-ci, dans l'Instruction, a. cherchera ûo))îîer
le change sur ses intentions. Il formulait des ca-
lomniés indécentes contre lesquelles, avant .d'ex-
pirer, l'horloger a pu protester avec tout. ce qui
lui restait de lorces et que démentaient, au sur-
plus, et les mœurs de David et les circonstances
de l'attentat. A l'audience, l'accusé .n'a pas..aban-
donné son systèniè'M? "Camille" Pinta> q.ut le dé-
fendait, a plaidé la provocation. • •'••'̃
.Le jury a repoussé cette excuse'; mais 'il à ac-
cordé les circonstances atténuante. Eugène-Frédé-
ric Dalbiat a été condamné à vingt ans de travaux
forçés. `;1- ~F.
Rébellion. Une affaire de voies de fait exer-
cées envers un supérieur, à l'occasion du service,
était déférée hier au 2e -conseil de guerre de Paris,
Aux yeux de la loi militaire, ces sortes de causes
présentent toujours une grande gravité. L'acte re-
proclié au soldat Vuye, du 74e de ligne, remonte
au 8 août. A J'appel du soir, Vùye, étant ivre; se
livrait à toutes sortes d'extravagances. Le caporal
ïhépaut dut s'interposer et lui intimer l'ordre de
se rendre à la salle de police.
Au lieu d'obéir, le soldat s'esquiva. Il alla à la
'cantine continuer à boire. A son retour, la scène
de désordre recommença1. Vuye se jetant sur Tré-
pault lui porta un coup de poing en s'écriant
Tu inscriras pour ça sur ton rapport le motif
que tu voudras.
Etes-vous fou? demanda le caporal.
Non, non, je sais très bien ce que je fais!
Et l'indiscipliné; persista ^.frapper jusqu'au mo-
ment où les hommes présents réussirent à le con-
tenir.
Le conseil de guerre a condamné Vuye à la
peine dé mort.
Les référés des carmes de Montpellier. Voici
le texte de l'ordonnance d'incompétence, rendue
par M. Vedel, vice-président du tribunal civil dé
Montpellier, le 21 octobre courant, à la suite du
référé introduit par les carmes contre le préfet de
l'Hérault et le commissaire central p
Attendu qu'il résulte des doouments produits, au
cours de l'instance que la propriété des immeubles
n'est point contestée aux demandeurs, pas plus que'le
droit d'en jouir et d'en disposer de la manière la plus
absolue, pourvu qu'ils n'en fassent pas un usage pro-
hibé par les lois ou par les règlements
Attendu qu'en établissante dans leurs maisons âne
congrégation non autorisée de carnées déchaussés-, les
demandeurs ont abusé de leurs droits de propriétaire,
̃ et que c'est cette violation des lois que l'autorité ad-
ministrative, seule compétente' en cette matière, a
cru devoir faire cesser, armée des décrets du sj'j mars
1880;
Que c'est à la suite de cet acte administratif et pour
en modifier les conséquences; que l'instance a été in-
troduile
Attendu, quoi qu'en disent les demandeurs dans leur
requête, « qu'il n y a point à apprécier en l'état la lé-
galité des procédés-administratifs, pas.plus que l'arrêté
préfectoral, pas pius encore que la portée des décrets
du 29 mars, », paraissant de ce chef reconnaitre notre
incompétence, que l'étendue dé leur droit de propriété
ot la* restriction qui a pu lui être apportée par l'appli-
cation des décrets sont des questions tellement con-
nues, que la première né peut être appréciée sans
qu'en même temps soient appréciés les décrets du
20 mars 1880, l'arrêté préfectoral qui les a suivis et
l'application qui en a été faite l
Attendu que les tribunaux civils ne sauraient, sans
méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs,
"soit en lés approuvant, soit en les modifiant, se cons-
tituer les juges des actes de l'autorité: administrative
Par ces motifs et par application de l'article 13 de la
loi des 16 et 24 août 1790 -t de )a loi de fructidor an III,
nous; déclarons incompétent sur les fins de la requête,
et condamnons les demandeurs aux dépens.
Voici, d'autye part, le texte de. l'ordonnance par
laquelle M. Sigaudy, premier président de la cour
de Montpellier, s'est déclaré incompétent sur la de-
mande d'information formulée par les carmes
contre le préfet de l'Hérault
Vu les réquisitions écrites de M. le procureur géné-
ral qui nous demande acte de sa déclaration, portant
qu'il ne juge pas à propos de prendre aucune réquisi-
tion contre MM. Fresne, Monicault. Gos et leurs com-
plices à "raison des faits dénonces, et tenant cette
résolution, dire qu'il ne saurait y avoir lieu, en l'état
des poursuites valablement engagées, déclarer n'être
utilement saisi de la plainte précitée, et n'avoir à pro-
céder à aucun acte d'information-;
Attendu que la plainte a pour but l'ouverture d'une
information alors que les réquisitions de M-. le procu-
reur général constatent de sa part la résolution for-
melle de ne point y prendre part;
Attendu que dans cet état de choses, l'action publi-
que n'étant pas mise en mouvement, il nous serait
impossible d'informer (l'article 484 du Code d'instruc-
tion criminelle ne confère, en effet, au premier prési-
dent que les pouvoirs appartenant au juge d'instruc-
tion or, ce magistrat ne peut agir en dehors du cas de
flagrant délit qu'autant qu'il est saisi par les réquisi-
tions du ministère public);
Attendu d'ailleurs que les plaignants qui relèvent
comme faits criminels, tombant sous l'application de
la loi pénale des actes qualifiés par eux d'attentats à
leur personne, à leur liberté et à leur propriété, omet-
tent de dire en même temps que ces actes avaient
pour objet de vaincre leurs résistances à des arrêtés
administratifs pris par le préfet sur les ordres du
ministre de l'intérieur et en exécution des décrets du
20 mar&
Attendu, d'une part, que l'on ne saurait imputer
comme crime à un fonctionnaire sa soumission aux in-
jonctions de ses chefs. L'obéissance est pour lui le
premier des devoirs; que deviendrait en effet sans
cela l'ordre public qui est l'âme de: nos sociétés mo-
dernes?
Attendu, d'autre part, que s'agissant non de faits
personnels des fonctionnaires inculpés, mais de me-
sures administratives en exécution d'actes de haute
police, politiques et gouvernementaux rentrant dans
les attributions exclusives du pouvoir exécutif, l'au-
torité judiciaire est manifestement incompétente pour
en connaitre
Il résulte d'une jurisprudence constante et de diver-
ses décisions du tribunal des conflits qun l'abrogation
de l'article 75 de la Constitution de Tan Vlll abaissé
subsister dans son intégrité le principe de ia sépara-
tion des pouvoirs qui défendà l'autorité judiciaire sous
peine de forfaiture de s'immiscer dans les actes du
pouvoir administratif ou de le troubler dans son ac-
tion, ce serait violer les dispositions des lois du 16-24
août 1790, titre 2, article 13 et 16, fructidor an III, dont
l'article 13 est ainsi conçu « Les fonctions judiciaires
sont distinctes et. demeurent toujours séparées des
fonctions administratives. Les juges ne pourront à
peine de forfaiture troubler de quelque manière que
ce' soit, les opérations dés corps administratifs ni
citer devant eux les administrateurs pour raison de
leurs fonctions, » .iq;^
Par ces motifs .r.rdèv
Donnons acl,e à M,, le procureur général de Ses réqui-
sitions ci-dessus visées dans tout leur contenu, et dé-
clarons qu'il n'y a lieu ni à procéder ni à suivre sur
la plainte qui nous a éte «dressée.
Fait et ordonné au Palais de Justice à Montpellier, le
21 octobre 1880.
2l octobre :?$'< • U'iiSûM Signé Sigaudy.
M, Labrosse, de la Compagnie de Jésus.
On a lu ici le texte du jugement prononcé le 22
octobre par le tribunal de Tours, auquel le Père
Labrosse était déféré pour avoir contrevenu à là
loi du 15 mars 1850. Quelques-explications nous
paraissent utiles, le jugement laissant en partie
aans l'ombre les circonstances qui ont engendré
la poursuite. La Société civile fondée pour facili-
ter à Tours l'établissement d'une école libre diri-
par des délégués des fondateurs date de 1873.
Un collège de jésuites était immédiatement Installé
dans l'immeuble acquis par la société civile, rue
de la Scellerie. A un premier directeur, le Père
Gravoilh, M. Labrosse succédait en 1875. Aux
termes de la loi de 1850, il flt sa déclaration et
remplit les diverses formalités que comportait
une entrée en fonctions. Les choses allèrent sans
encombre jusqu'à la fin de l'année scolaire écou-
Me. ̃̃̃'
A ce moment, M. le directeur de l'école libre de
Saint-Grégoire avait à compter avec un événement
capital là dispersion de la congrégation à
laquelle il appartient. En août dernier, M.
Labrosse, par un acte authentique, cédait, le
bail.dont il était titulaire à M. l'archevêque de
Tours, et quand, le ler septembre, le commissaire
de police se. transportait rue de la Scellerie pour y
recevoir réponse à la notification de l'arrêté du
préfet d'Indre-et-Loire, on l'informait que les jé-
suites avaient quitté la maison et on lui exhi-
bait l'acte de cession à l'archevêque.
Ce prélat iêtait en quête d'un nouveau directeur.
Au cours des vacances, il proposa un abbé,
M. Croyat.- Mais M. Croyat était déjà à la tête
d'une école'; aucune suite né put être donnée à
l'intention manifestée en sa faveur. Une proposi-
tion fut faite à- un autre prêtre, M. l'abbé Pros-
T)ârt il manquait à çeluL-ci un certificat de
stage. L'archevêque se tourna alors vers un ancien
inspecteur de l'Université, M, Fleury; le recteur
de '.l'académie; introduisit dans les délais régle-
mentaires une opposition contre cette nomination,
sur laquelle le conseil académique fi'.a pas enoore
statué. '̃'
Qui dono- allait présider aux- destinées de cet
externat de; Sai ut-Grégoire dôiiOl, Labrosse avait t
de lui-même! abandonné la direction, et que ni M.
Croyat, ni- -M. Prospart, ni M: Fleury n'étaient
àptes à diriger? Le 14 octobre'cflUVSiit:, date de la
rentrée, l'inspecteur d'académie, obéissant aux
instructions du recteur, se présente à l'établisse-
ment, demande à parler au directe" iïrl' On l'Intro-
duit auprès de M. Labrosse La retraite du Père
jésuite était -une pure fiction.
Du moins., le Père Labrosse. avait il accompli
les prescriptions de la loi du 15 mars 1850? Il s'y
était conformé en 1875 et c'était ̃suffisant, affir-
mait-il. L'autorité lui rêRonaâit'.q.Ufi. là. déclaration
de 1875 n'avait plus de valeurt-qu'uneaiouvelle in-
vestiture était indispensable. C'est' sur- ce terrain
uniquement que l'orgaue du ministère public a, à
l'audience, ecliafaudê son réquisitoire. Il concluait
à là condamnation de l'auteur de la, contravention
fi nettement dlé. montrée.; Le, tribunal, on lasàit,.à..
répliqué par un acquittement. • •
Un drapeau et un serrnqn. ̃ Nous a^ftns ex-
posé l'origine. des.. poursuites du- parquet. de Va-'
lence contre un prêtre de- la «Dr ônie, M. Rey, curé
de Malissard, çoiipable d'avoir, le J.4 juillet, lacéré
le drapeau placé sur l'église et de s'être livré quel-
ques jours-ftprèSj du- haut de la-ehaire, à -des atta-
ques contre le gouvernement, Hier, le tribunal a
condamné M. ft.ey à 50 fr. d'amende.
M. Pbilippart en cassation. Après une pro-
cédure qui n a pas duré moins de deux ans, le pro-
cê§ (Je M. Simon .P.hilippârt, en Belgique, tient de
recevoir sa solution définitive. La cour de cassa-
tion a rejeté hier le pourvoi de l'aventureux finan-
cier, .confirmant ainsi l'arrêt de la cour de Bruxel-
les. qui l'avait condamné à six mois de prison pour
banqueroute.
LES JACQUEMART
i '¡', J, t~
Il faut que le public soit averti -qu'il est mort
tout récemment, dans la personne de Jules Jac-
quemart, un artiste considérable, prime-sautier,
et de tout premier ordre dans son genre, un
graveur unique, tel qu'on n'en vit jamais, tel
qu'on n'en verra plus. En ce temps de natura-
lisme sans choix, de naturalisme a outrance, il
s'ési trouva parmi nous un dessinateur capable
de rendre, avec une habileté qui tient du prodige
et non sans une manière de.poésie, toutes les
belles substances de la nature, observées dans.
leurs propriétés sensibles/ dans leurs qualités
apparentes et réelles, l'une avec le lustré de1 £a
surface, l'autre avec le rugueux de ses molé-
cules extérieures, celle-ci dans son éclat, celle-
là dans sa transîueidité ou sa transparence.
Jamais le génie descriptif du dessin n'était allé
aussi loiîi:* Jamais artiste n'était parvenu à nous
faire reconnaître au bout de son crayon la den-
sité du porphyre, '.1g, diaphanéité du cristal, le
froid de la nacre, le ton gras du ja'd'e, la super-
ficie lisse et brillante de l'émail, le miroir pro-
fond du laque noir, la résonnance de la porcé-
laine, le mat de la terre cuite;, les luisants du
bronze, le poli onctueux de l'ivoire, lasouplesse
du cuir et son grain, la rigidité du fer, le ton
aigre de l'argent, le ton chaud de l'or. Mais ce
rendu merveilleux d'objets que le dessin n'avait
jamais su exprimer, et qui paraissaient intra-
duisibles à la gravure, n'est pas une descrip-
tion purement matérielle et d'une ressemblance
criante Jacquemart y a mis encore un senti-
ment exquis de la forme propre à chaque ob-
jet et de la façon dont il absorbe, réfléchit, ré-
fracte ou disperse les rayons dùjour. il ne s'est
pas arrêté à fa lettre': il a pénétré l'esprit des
choses. Ii a découvert daûs lè£ OTéâtipns physi-
•' ̃-«^̃vi. ̃̃.̃̃̃ i
•-̃•̃ ̃ «•> ̃.̃
quesdela nature une poésie singulière, une
volupté des yeux qui va jusqu'à Pâme.
Jules Jacquemart était le fils d'Albert Jacque-
mart,,qui a écrit dans la Gazette des Beaux-
Arts tant d'articles excellents et qui a publié,
en 1862, en collaboration avec M. Edmond Le
Blant, membre do l'Institut, un savant et beau
livre. V Histoire de la porcelaine. Pour illustrer
l'ouvrage de sou père, le jeune graveur, âgé
de quelque vingt ans, s'était exercé à dessiner
-les objets précieux de la collection paternelle,
et ceux que les grands amateurs de Paris, à
commencer par Mme Malinet, avaient mis à
la disposition des autours. En se livrant à
cet exercice, il fut surpris de la variété char-
mante et sans fin que présentent les belles pro-
ductions de la nature, retouchées par l'homme.
Jl observa qu'avant lui personne ne s'était em-
ployé ou du moins n'avait réussi à définir par
le dessin ces substances précieuses quand elles
étaient entrées dans les régions de Fart. Sans
doute quelques graveurs, notamment Drevet,
dans son estampe d'après le portrait en pied
de Bossuet, peint par Rigaud, s'étaient étudié
à rendre le point do dentelle, le linon, la mous-
seline, le velours, les franges d'or, l'hermine
d'uue mozette doublée de soie; mais tous ces
rendus n'étaient que des 4-peu-près, et si les
graveurs du temps de Louis XIV s'en étaient
émerveillés, c'est que l'attention des artistes ne
se portait pas alors sur les choses matérielles,
et en regardait la traduction par la gravure
comme un simple amusement du burin.
Jules Jacquemart n'était pas homme à se
contenter de si peu. Il résolut de redire avec
son crayon sur le papier, avec sa pointe sur le
vernis, tout ce que les auteurs du livre avaient
dit de la fabrication des porcelaines, àlaChine,
en Corée, au Japon,- dans l'Inde, en Perse, et
plus tard en Europe. Son ambition était que le
lecteur pût toucher au doigt et à l'œil, non pas
au figuré, mais au propre, les objets d'art qu'on
lui décrivait, le fond d'une soucoupe honorifi-
que, couverte d'une mosaïque clathrée (c'est-à-
dire tressée en corbeille), la bordure fleuron-
née ot le poisson qui décorent una tasse japo-
naise à présentoir, le filigrane d'or d'une poti-
che à maildarins, la mosaïque de nacre repré-
sentant un paysage sur un gobelet de laque
burganté, la porcelaine frottée d'or d'un petit
vase à eau, la décoration sous couverte, avec
inscription, d'une de ces surahés persanes des-
quelles nous avons emprunté la plus jolie
forme de nos carafes les craquelures
d une bouteille à dessins gaufrés dans la pâte
et rendus visibles par un émail ombrant, le cé-
ladon flambé d'un cornet figuratif sur lequel se
relève en haut relief un de ces champignons
qu'on appelle agarics branchus, les veinules
soufflées sur une lagène et formant jaspure sur
le fond, les accidents voulus d'une cuisson imi-
tant la peau d'orange sur une coupe en forme
de fruit, qui a pour anse^a, tige recourbée de
sa branche garnie de boutons et aplatie sur la
coupe, le clissage en bambou d'une tasse japo-
naise en porcelaine vitreuso, le plumage- d'une
grue do longévité, peinte; sur une tasse à anse
et a bordure losangée, tel blanc terreux de l'eu-
gobe qui décore une lagène persane, tel fond
pâle, piqueté légèrement dq noir et semé de pa-
pillons, dans un flacon qui a la forme d'une
amande.
Par le maniement de sa pointe, tantôt fine et
maigre à dessein, tantôt décidée et grasse, par
des travaux serrés ou espacés, tremblés ou har-
dis, croisés carrément ou en losange, égrati-
gnés ou tranchants, par les morsures de son
eau-forte dont il variait constamment la pro-
fondeur et les effets, Jules Jacquemart voulait
qu'on reconnût sur une simple estampe si l'ob-
jet représenté était de la porcelaine dure de
Saxe, ou de la porcelaine tendre de Saint-Cloud,
ou de la porcelaine vitreuse du Japon, ou de la
porcelaine-faïence, ou de la porcelaine-cache-
mire s'il était de la famille rose ou de la fa-
mille verte et de fait, aucun do ces produits,
gravés de sa main, n'avait le même aspect que
les autres, chacun ayant sa manière propre de
recevoir et de renvoyer les rayons du soleil,
j'allais dire de se colorer à la lumière. On re-
connaissait si le laque était appliqué sur un
craquelé fauve, ou sur un fond de bois, ou pour
parler doctement, sur un fond xyloïde. A di-
versifier les doses dp son eau-forte, à particu-
lariser chaque objet dans le plus vif de sa ma-
nière d'être et de se comporter avec le iour,
Jules Jacquemart mettait autant de patience
qu'en peut mettre le laqueur japonais a varier
la mosaïque d'un laque burgauté, à tailler une
à une dans la nacre les feuilles d'un bambou,
les plumes d'un oiseau, les parcelles chatoyan-
tes qui devront imiter la rive caillouteuse d'un
fleuvo, ou les facettes d'un rocher, ou une plai-
ne basse, inondée à demi et fréquentée par des
palmipèdes..
Au moment où allait être publiée Y Histoire
cle la porcelaine avec ses étonnantes illustra-
tions, je venais de fonder avec Edouard PIous-
sayo la Gazette des Beaux-Arts, et, pour ce re-
cueil où la gravure devait tenir tant de place,
la collaboration d'un" artiste tel que Jacquemart
était.doublement précieuse,; je dis doublement,,
parce qu'il était aussi habile à dessiner sur le
bois'quà faire mordre ses propres dessins sur
• le cuivre. Ses premiers travaux dans ce genre
ne furent pas moins surprenants que ses pre-
mières estampes. Par la conduite de ses tailles,
brusquement arrêtées aux approches de la lu-
mière ou remplacées par des taches d'encre sur
lesquelles il répandait une poussière do points
blancs, il força le graveur en bois à exprimer
le chatoiement de la nacre; le poli, en quelque
sorte métallique dcùmé.pâr les Japonais à la ré-
sine végétale qui est la laque, et le fond.noir
d'un ciel nocturne sur lequel apparaissent des
poudres d'or imitant de vagues nuages, et des
îles 'plantées d'arbres semblables a ceux du
jardin des Hespérides, et des cabanes à toiture
retroussée, construites au bord d'une eau téné-
breuse..
Rien de pareil ne syetait vu dans aucun re-
cueil.de l'Europe. Lagravure n'avait pas même
.essayé jusqu'alors d'exprimer ce qui paraissait
inexprimable. Jacquemart était venu comme.
tout exprès pour démontrer que le véritable;
mérite du-graveuriSSiùMâllté première et fon-
cière consistaient dans la perfection du dessin,
et qu'est-ce que le dessin, sinon l'art "de mettre
exactement a leur place le noir et le blanc, la
lumière et l'ombre, de. Ksi .unir par le mariage
bien assorti des demi-teintes; de fixer l'éteîùdue,
l'intensité et la direction. des ombres portées,
en un mot de modeler juste, joint à la faculté de.
sentir et de marquer, pâr'une pointe d'exagéra
tion et pa.r dos nuances intentionnelles, le ca
ractère do l'objet représenté ?
Cependant, te :déssin n'est pas à lui seulitôuté!
la gravure, et la science du dessinateur n'au-
rait pas suffi ài.JâcJqiïèmàrt pour obtenir les ef-
fets1 .prestigieux- qu'il a obtenus. Il y fallait un
art qu'il â' su pjDiiér an degré suprême, celuidë
commander à sa- pointe' de graveur des allures
infiniment variées," ici en déchirant le vernis'
ave.Q délicatesse, là eil effleurant le cuivre ou
en le 'creusant 'au -plus profond. A tous les pro-
cédas connus,-à toutes, les recettes déjà emf
ployées pour préparer la place où le noirdo
l'imprimeur devra se resserrer où' s'étendre,
pénétrer ou glisser, Jacquemart avait ajoutée
de son cru, des tours de main d'une adressé
qu'on n'avait.pas soupçonnée. Il avait sa ma-
nière à lui de faire couler son eau-forte, de
la souffler en imperceptibles nuages, do traî-
ner ou de brusquer les morsures, d'amoner
sur le cuivre des salissures qui eussent fait
la joie de Rembrandt. Il passait de l'hésitation
du trait à la franchise des tailles; quelquefois,
mais rarement, il employait les rentrées au
burin et il excellait "à tempérer un clair
par un glacis à la pointe sèche d'une |l-
nesse inappréciable. Par des systèmes de points
auxquels il imprimait divers mouvements, di-
vers tremblements, et qu'il rangeait parfois
avec une régularité absolue, il faisait sentir,
non-seulement la différence de l'uni au grenu
et les surfaces légèrement criblées, mais en-
core les diverses nuances que peut présenter un
corps poli, suivant qu'il l'a été par le lustrage
ou par le vernissage, ou qu'il l'est naturelle-
ment par le serrement et l'extrême petitesse des
molécules, ne laissait place à aucun soup-
çon- .d'aspérités, à aucun point où se puisse Jo-
g er la moindre parcelle d'ombre.
Guidé par un sentiment d'une délicatesse
inouïe, Jules Jacquemart savait adapter aux
diverses branches de l'art décoratif les ressour-
ces qu'il s'était créées. Lorsque la collection
Campana fut achetée par le gouvernement
français et ouverte au public, la Gazette des
Beaux-Arts fit graver une planche de bijoux
antiques, et ce fut Jacquemart qui grava, cette
planche, un petit chef-d'œuvre. Il y a plaisir à
constater sur les épreuves de cette gravure ex- j ¡
quise que les Grées nous étaient supérieurs
dans la bijouterie et l'orfèvrerie, autant que }
nbus l'emportons sur eux dans la joaillerie, <
-/•̃̃ ;«, ̃ .̃ ̃ •: ;.j7fûfë.ïj.j.f, ?
celle-ci étant l'art de tailler les pierres précieu-
ses pour en faire jaillir les feux, et de les mon-
ter en parures, celles-là consistant à travailler
les métaux précieux, à les fondre, à les ciseler,
à les repousser, à les rehausser d'émaux. Les
.Grecs, en véritables artistes, firent passer la
beauté du travail avant l'opulence de la ma-
tière. Ils furent des bijoutiers incomparables
et de médiocres joailliers. Lors qu'ils enchâs-
saient dans un bijou une pierre précieuse, elle
n'était pas taillée à facettes, mais arrondie en
cabochon, de sorte que l'excellence de la cise-
lure l'emportait sur le tuxe des gemmes qui du
reste sont extrêmement rares dans leurs, ou-
vrages (sinon tout à fait absentes), et ils sem-
blent avoir préféré aux pierres précieuses les
pierres non translucides que nous rangeons s
au nombre des pierres fines telles que la sar-
donyx, la cornaline, le lapis.
Jacquemart a su renouveler sur le cuivre la
perfection que l'artiste grec avait mise dans
son oeuvre. Ses boucles d'oreilles, ses fibules,
ses diadèmes, ses bracelets sont de véritables
bijoux de gravure. Les fonds ponctués, les
fonds criblés ou chagrinés y sont rendus avec
un soin extrême pour faire briller par opposi-
tion l'or ou l'argent brunis. Vingt fois, dans le
dessin gravé d'un objet dont la dimension ne
dépasse pas celle d'une petite monnaie ou d'un
demi-doigt de la main, la pointe du graveur a
changé d'accent, mais en demeurant toujours
vive et légère, en accusant tout avec un préci-
sion infinie, sans la moindre lourdeur, en se
jouant parmi des détails d'ornement qui rap-
pellent les méandres, les entrelacs, les astraga-
es les chapelets de perles et autres motifs
dont le caractère est de pure convention. Ainsi
le graveur a fait passer dans son art la sobre
élégance, la richesse sans profusion de l'orfé-
vrerie grecque.
Il faut tout dire ce culte des belles matières
naturelles, converties en choses d'art, avait ab-
sorbé un instant l'excellent graveur, le dessina-
teur inimitable en son genre. La figure hu-
maine avait fini par être elle-même un objet
qui tenait de la pierre précieuse, qui participait
de l'éclat du métal et dont la chair semblait
faite avec du kaolin, comme si la création des
êtres vivants eût été élaborée par un orfèvre
sublime ou par un divin céramiste. Mais cet
empire d'une habitude prise ne fut sensible que
dans une eau-forte gravée par Jacquemart
d'après Goya, et- représentant un hidalgo
qui joue avec trois jeunes filles espagnoles,
dont l'une noue se jarretière au-dessus du ge-
nou. La chair, dans cette estampe, a l'aspect de
la faïence. Mais l'artiste se releva bientôt après
en gravant, d'après Van der Meer de Delft, le
Soldat et la Fillette. Il y revint à un travail
'plus gras, plus chaud, plus nourri enveloppé
de mystère comme celui de Rembrandt, expri-
mant la chair et tel qu'aurait pu .l'employer le
plus habile "des graveurs.
Le croirait-on ? Après "avoir publié: dans
Y Histoire de la porcelaine, des estampes dont
on ne vit jamais les pareilles, Jules Jacquemart
n'avait pas encore accompli son chef-d'œuvre.
Je veux parler des Gemmeset Joyaux de la cou-
ronne, publication splendide dont le texte était
dû à l'érudition consciencieuse d'un connaisseur'
délicat,M. Barbet dç Jouy.Ilfautrenoncer àdécri-
reles gravures de ce livre elles sontindescripti-
bles. Elles reproduisent des choses dont le ren-
du était regardé comme impossible dans l'art
du graveur: des coupes, des aiguières, des bas-
sins, des calices, des jattes, des biberons en
cristal de roche, des patènes en serpentine,
des vases antiques en jaspe oriental, en por-
phyre, en jade, en sardonyx, un drageoir en
jaspe de Bohême, un vase imitant les alvéoles
d'une ruche à miel, comme celui d'Aliénor d'A-
quitaine, qui est en cristal antique, et qui fut
donné par cette princesse à Louis lo Jeune, son
fiancé. Comment exprimer avec des traits et.
des morsures d'eau-forte une substance qui est
à la fois transparente et propre a réfléchir la
lumière sur certains points de ses bombements?
De quelle manière faire comprendre à l'œil
les concavités et les convexités d'un verre,
alors que la forme en est à chaque instant
contrariée dans son aspect par la lumière
qui la traverse embrouillée par les sur-
faces tournantes qu'elle laisse transparaître
et par les éclairs qu'elle jette aux endroits
où le rayon est accroché par l'arête d'une can-
nelure qui le fait rejaillir? Quand le dessinateur
en est réduit à jouer sur la gamme de tons qui
va du noir de l'encre au blanc vif du papier
"Watmann ou au blanc écru du papier de Chine,
comment expliquer à l'œil, dans la représenta-
tion d'un verre gravé, que les figures diapha-
nes qui légèrement s'y relèvent, se trouvent
sur la convexité antérieure ou bien sur le côté
du verre que l'on voit par transparence? Com-
ment faire tourner un objet qui est sans
ombre? Comment obtenir des traînées de lu-
mière sans le secours d'aucune opposition et
rien que par la réserve du blanc sur le cuivre?
Comment un graveur peut-il exprimer, comme
l'a fait Jacquemart, et à ce point de justesse et
de vérité, la n\plle coloration du jade et ses
tons huileux, le poli froid d?une sardonyx et
ses couches indiquées par des zébrures, la va-
leur de toutes les teintes qui entrent dans le
jaspe oriental, le rouge sanguin, le'vert olivâ-
tre et le brun, avec quelques nuances de bleu
•violacé, tout ce que les Chinois ont su imiter
dans leurs porcelaines lorsqu'ils ont .pris plai-
sir à y reproduire les couleurs du foie cru des
animaux do boucherie? Ce sont là dës problè-
mes insolubles, et cependant Jacquemart les a
résolus dans les Gemmes et Joyaux. Il a fait
plus il a eu la hardiesse de s'attaquer, avec
une pointe et quelques gouttes d'eau-forte sur
le vernis, à la gravure d'une tasse en cristal de
roche, enveloppée d'un réseau d'or dont toutes
les intersections sont rehaussées do rubis, de
saphirs et d'émeraudes, alternant, avec des
perruches en émail vert, et il se trûXjve qu'en
transposant dans le clair-obscur ce spectacle
splendide, il a donné au lecteur la; sensation
d'une opulence asiatique, iLlui a procuré l'idée
d'un objet dérobé dans les trésors dé. GQlc.on.de
ou dans la cassette d'une fée.
Le catalogue raisonné des estampes de Jules
Jacquemart a été dressé par M. Louis Gonse
dans la Gazette des Beaux-Arts, et ce catalô-
gue, qui contient la description d'environ quatre
cents planches, est à lui seul une biographie de
de l'artiste! Sa. vie, c'est son. œuvre. Heureux
celui qui, durant une existence courte ou lou'
gue, iv a pas eu d'autres événements .que les oc-
gué, n a pas eu 4'autres événement!? gue'l~$ oc-
casions d'exercer son art, de faire passer dans
ses ouvrages l'expression d'un sentiment, ou
d'une pensée. Une vie privilégiée- dont toutes
les péripéties se passèrent dans une 'âme pas-
sionnée pour le beau, je dis pour le- beau dans
l'ordre des 'belfes 'créations naturelles 'aux-
quelles l'homme ajoute son génie telle
fut là vie de Jules Jacquemar.U.,Ell;e'fut
abrégée. par une maladie à laquelle -l'avaient
prédisposé les fatigues du siège de Paris. Frêlo
au physique autant qu'il était fin et'distingué
au moral, mince dans sa haute taillé' il n'avait
à opposer à la mort qu'un ensemble de forces
insuffisant. Envoyé à Vienne comme membre
du jury 'de l'Exposition universelle;-il contracta
dans cette ville une fièvre pernicieuse dont les
effets se. portèrent sur l'organe te plus" faible de
sa constitution, sur la poitrine. -11 dutpasser. les
hivers, à Menton, et là, en présence" des paysa-
ges que lui offraient les rivages et le doux ciel
de ce beau pays, il devint peintre, de graveur
qu'il était, il voulut exprimer par l'aquarelle ce
qu'il avait si bien su dire dans l'austère langa-
ge de la gravure. On juge conibien dut être ex-
ressif avec les ressources du peintre, c'est-â-
dire avec la couleur en plus, un- artiste qui
avait été si éloquent avec du blanc et du noir.
Tirant sa lumière de la blancheur même du
papier, il fut à peu de frais lumineux, et il
resta léger dans son exécution, tout en laissant
à ses tons, qu'il obtenait du premier coup sans
aucune rouerie de' métier, une franchise, un
ressort extraordinaires.-Il fut un des promo-
teurs de la Société des aquarellistes, et dans
cette société même, où l'on a' poussé l'aquarelle
à des perfections inconnues et où tant d'autres
sont admirables, il fut admiré..
Au printemps de l'année l$77j je retrouvai
Jacquemart à Florence, dans lé palais de San
Donato, 'qui a été vendu naguère. Il y était
venu graver à l'eau-forte, pour la Gazette des
Beaux-Arts, quelques-uns des tableaux de
cette galerie célèbre dont nous étions si loin de
prévoir la prochaine dispersion, et dont les
honneurs nous étaient faits par un hôte plein
de générosité et de bonne grâce. Déjà grave-
ment malade et toujours calfeutré dans sa
chambre, à une extrémité du palais, tandis
que la mienne était à une autre extré-
mité, Jules Jacquemart travaillait tout le
jour à ses eaux-fortes d'après Rembrandt,
d'après Fyt, en dépit de la fièvre qui le
minait sourdement. Mais, grâce à une atten-
tion bienfaisante de la nature, qui veut bien
̃̃'• >'w':rà! ̃̃>v.L!>.hn
quelquefois adoucir par une illusion les
cruautés d'une condamnation inexorable, le.
malade se croyait plus près de la guérison qu'il
n'était loin de la mort! Nous partîmes ensemble
de Florence, et il fallut nous séparer à Gênes,
lui devant continuer sa route par la Corniche
jusqu'à Menton. Bien qu'il cherchât à me ras-
surer sur l'état de sa santé, qu'il ne sentait pas
compromise, ce lie fut pas sans un serrement
de cœur que je lui dis adieu.
Mort à l'âge de quarante-trois ans. Jacque-
mart a fait dans sa courte vie des ouvrages qui
en supposeraient une longue. Son œuvre'se
compose de quatre cents planches dont les
épreuves se vendront bientôt des prix fous. Il a
réalisé dans son art ce que l'école romantique
avait accompli dans le monde littéraire. Péné-
trant au fin fond de la nature, étudiée dans ses
phénomènes physiques, il a particularisé au
dernier point ce que d'autres avaient laissé
en le généralisant. Au lieu de dire un
arbre, par exemple, dans la description d'un
paysage, les romantiques disaient un frêne, un
châtaignier, un sycomore; au lieu d'employer
le terme générique de marbre pour désigner
les matières mises en œuvrepar le sculpteur ou
par l'architecte, ils voulaient bien nous dire si
ce marbre était du Pentélique ou du Paros, si
c'était du jaune de Sienne, de la griotte d'Italie,
de la brocatello de Vérone ou du bleu turquin.
De même, au lieu d'indiquer vaguement, par
des travaux connus, une matière transparente
ou opaque, une pierre précieuse ou une pierre
fine, Jacquemart spécifiait du boni de sa pointe
le cristal, le verre, l'émail, le jadb\ 1« jaspe,
l'onyx, la cornaline, la sàrdoine.' A- chacune de
ces substances, il donnait, en la modelant, ^on
caractère propre, sa couleur/sa manière du bril-
ler, sa physionomie; qu'il n'était pas possible ds
confondre avec celle d'up>autre corps, il la fai-
sait nommer parla lumière, car c'est par elle
qu'il exprimait toute chose, le luisant etle mat,
le dense et le friable, la légèreté- et la pesan-
teur, le brillant poisseux d'une résine et la su-
perficie glacée d'un laque japonais, la demi-vi-
trification de la porcelaine aussi bien que la
résistance du ciurv, la compacité du porphyre
aussi bien que la dureté de l'agate..
Parmi les gravures do Jacquemart, il en est
une des plus singulières et qui produit dans son
œuvre un eïfet inattendu. Lui qui avait un goût
si vif pour les riches et belles matières, il eut
un jour la fantaisie de représenter un assem-
blage de vieilles chaussures, jetées en désor-
dre sur le plancher d'uao chambre basse. 11 y
avait là des souliers de toute espèce, des bottes
fortes do courrier, des bottes de chasse, des
brodequins, des souliers ferrés de porteur
d'eau, et des escarpins qui avaient été jadis élé-
gants. Aucun n'avait ses talons de niveau, toa-
penchaient de droite ou de gaucho sur des ses
nielles inégalement usées. Les empeignes por-
taient l'empreinte des redressements de l'orteil,
de la saillie des os, et des tumeurs produites
par le frottement du cuir ou par les rhumatis-
mes goutteux. Des bouts de cordons cassés pen-
daient à l'œillet dos brodequins. Çà et là s'était
durcie la bone des ornières ou l'argile des
champs qu'avait traversés, le chasseur. Les di-
verses conditions de la société, les différentes
occupations du paysan, du braconnier, du ci-
tadin étaient représentées par cet amas de
chaussures éculées, avachies, déformées par
l'usure, jugées depuis longtemps indignes de
la brosse, et qui figuraient les douleurs, les dis-
tractions, les lassitudes de l'humanité en mar-
che sur les chemins, plus ou moins raboteux, do,
la vie. Il semble qu'une pensée ou plutôt un
sentiment de philosophie ait inspiré ce tableau
imprévu, qui ferait tache dans le recueil de Jac-
quemart si ce n'était qu'une image d'un gros-
sier réalisme.
Mais, à part cette exception, qui, je crois, est
unique, on peut dire que Jacquemart ne fut ja-
mais plus habile que lorsqu'il se trouva aux
prises avec un objet d'art et qu'il dut faire
étinceler les reliefs aigus d'une armure ou les
reflets d'un bronze rayé par des balafres de lu-
mière, ou bien graver une de ces médailles de
Syracuse, où bondit un quadrige do chevaux
fringants, animés d'un feu héroïque, et d'une
auguste élégance, qui emportent la Victoire à
travers le stade, comme ils emporteraient dans
les cieux lo char du Soleil.
CHARLES BLANC.
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sympathique écrivain, mais encore un des romans
les plus parisiens, les plus pathétiques et les plus
vraiment littéraires, qui ait paru depuis long-
temps. Aussi, son succès est-il assuré d'avance et
tout le monde voudra-t-il le lire.'
Revue mnérale d'administration. Berger-Levrault
et C»,'rue des Beaux-Arts, 5. Sommaire de la li-
vraison d'octobre 1880
De la Protection des enfants nouveau-nés. Sociétés de
charité maternelle. Crèches. Sociétés protectrices de
l'enfance. Loi de protection des enfants du premier
âge, par M. Ë. Guignard. Les institutions municipa-
les en Belgique, par Al. L. M. Recensement de la po-
pulation. Préparation du prochain recensement eu
France. Méthodes suivies dans les principaux pays
d'Europe.– -Jurisprudence. Chroniques d'Allemagne,
d'Angleterre, d'Autriche-Hongrie, des Etats-Unis, d'Ha-
lie, de Suisse, de l'administration française. Biblio-
graphie administrative.
Revue alsacienne, rédacteur en chef M. Eug. Sein-
guerlet. Sommaire de la livraison d'octobre 1880
L'Alsace à l'Institut: Georges Kastrier, par Oscar
Comettant. La capitulation de Strasbourg, par
Récits du Ghetto polonais III. La lettre de divorce
(histoire juive polonaise), par Sacher-Masoch; traduit
de l'allemand par Auguste Dietrich. L'artillerie
strasbourgeoise du quatorzième au dix-septième siècle
(aveo gravure), par Rodolphe Reùss. A coups do
marteau travers les Vosges, par Stanislas Meunier.
Un projet d'attentat contre la cathédrale de Stras-
bourg, par E. Seinguerlet. –Les chemins en Alsace au
dix-septième siècle, par E. de Neyrômanfl. Curiosa:
Les chasseurs-tirailleurs de Strasbourg QS15). parE.S.
Bulletin bibliographique français. Bulletin biblio-
graphique alsacien. Chronique, par P.. L. Revue
théâtrale par E. S.
On s'abonne chez Berger-Levrault et C°, 5, rue des
Beaux-Arts. Paris, 10 fr.; aépartem'epîs et Alsace-Lor-
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HABILLEMENTS POUR HOMMES ET ENFANTS-.
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NECROLOGIE
Le peintre Alexandre Guillemin est -mort hier,
en sa propriété de Bois-le-Roi, sur les bords de la
Seine et sur la lisière de la forêt de Fontaine-
bleau.
Alexandre Guillemin était né à Paris, le 15 octo-
bre 1817. Il étudia dans l'atelier de Gros et s'a-
donna à la peinture de genre.
Il avait été décoré de la Légion d'honneur à la
suite du Salon de 1861. Il avait eu successivement
une troisième médaille en 1841, une seconde en
1845, un rappel en 1859.
Républicain sincère, il faisait partie du conseil
municipal de la commune de Bois-le-Roi. où au-
ront lieu ses obsèques mercredi, à onze heures du
matin.
M. Boucly, conseiller honoraire à la cour de cas-
sation, commandeur delà Légion d'honneur, vient
de décéder à Sceaux (Seine).
Ce magistrat avait quitté la cour de cassation, il
y a huit années environ, atteint par la limite
d'âge.
Il avait été procureur du roi à Paris, sous la
monarchie de Juillet.
On annonce la mort de M. de Faliois, conseiller
général républicain de la Meuse pour le canton de
Verdun.
Les journaux de la Haute-Saône annoncent la
mort à Arc-les-Fray, à l'âge de soixante-dix-huit
ans, de M. Jules Rousset.
Attaché au ministère des finances sous le gou-
vernement de Louis-Philippe, M. Jules Rousset fut
désigné pour aller réorganiser l'administration des
finances du gouvernement égyptien. En récom-
pense des services qu'il avait rendus, il fut nommé
bey par le vice-roi MehemetrAli.
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