L'absinthe
De la fée verte à l’Apocalypse en passant par Tchernobyl, l’absinthe fait preuve d’une réputation bien sulfureuse. Quelle est donc cette plante, qui a aussi donné son nom au vermouth ?
La grande absinthe (Artemisia absinthium) appartient à la famille des Astéracées comme la pâquerette, le pissenlit, l’immortelle ou le chrysanthème. Le genre Artemisia doit son nom à la déesse Artémis et compte également l’aurone (Artemisia abrotanum), l’armoise commune (Artemisia vulgaris), l’absinthe de mer (Artemisia maritima) ou la petite absinthe (Artemisia pontica). Le terme absinthe vient du grec apsinthion qui signifie privé de douceur, c’est-à-dire amer. En français, elle est aussi connue pour les noms d’aluine, herbe sainte, herbe aux vers, armoise amère… En allemand, elle se dit Wermut et a donné son nom à la boisson appelée vermouth. En russe, elle se dit tchernobyl (tchornobyl en ukrainien), nom rendu célèbre par l’accident de la centrale nucléaire ukrainienne du même nom.
Amédée Masclef, Atlas des plantes de France utiles, nuisibles et ornementales, Paris, 1891
Plante vivace aromatique, l’absinthe présente un aspect argenté dû au duvet qui la couvre. De croissance rapide, elle atteint un mètre de haut. Sa tige droite et cannelée porte de très petites fleurs jaunes, fleurissant en juin-juillet. Toute la plante est odorante. Elle est présente en Eurasie, Afrique du Nord, Amérique du Nord. En France, elle se rencontre dans les Pyrénées, le Midi et la côte ouest, poussant spontanément en moyenne montagne, le long des routes et chemins ensoleillés, sur les coteaux rocheux, les lieux incultes, arides, pierreux, les friches. Elle se plaît dans les endroits secs et craint le gel. Elle exerce un effet inhibiteur sur la croissance des plantes alentour.
Leonhart Fuchs, De historia stirpium commentarii insignes, Bâle, 1542
L’absinthe est citée dans les tablettes assyriennes pour ses propriétés digestives. Elle est symbole d’amertume dans la Bible et donne son nom, dans l’Apocalypse, à une étoile qui tombe sur terre et empoisonne les eaux. Dioscoride la recommande comme vermifuge, et Pline la prescrit contre les empoisonnements. Les druides l’utilisaient contre les vers, les rhumatismes, et pour ses propriétés abortives. Elle est citée comme plante médicinale dans le capitulaire carolingien De villis.
Apocalypsis cum figuris, 1275-1300
La consommation d’absinthe est déconseillée aux enfants et aux femmes enceintes car elle contient de la thuyone, qui peut provoquer des hallucinations. La présence de cette molécule dans la liqueur appelée absinthe a entraîné l’interdiction de cette dernière en 1915, levée en 2011. Il semblerait en fait que la toxicité de la liqueur ne soit pas due à la thuyone mais au méthanol (neurotoxique) et aux sels de cuivre (colorant) présents dans la boisson. Au 19ème siècle, des distillateurs suisses mettent au point et diffusent une liqueur à base d’absinthe, à fort taux alcoolique et teintée en vert. Pour atténuer son amertume, le buveur la versait dans son verre sur une cuillère percée de trous et sur laquelle un sucre se dissolvait ainsi. Surnommée la fée verte, l’absinthe est l’apéritif le plus consommé de 1830 à 1915 avant d’être remplacé par le pastis. Des artistes comme Van Gogh, Rimbaud ou Verlaine en consomment. Elle est interdite dans le cadre des campagnes de lutte contre l’alcoolisme.
Par son effet tonique, l’absinthe stimule l’appétit. Son extrait fermenté peut également servir d’insecticide contre la piéride du chou, ou de fongicide contre la rouille du groseiller. Des recherches sont menées sur elle pour un médicament sur le Covid. Voila qui redorerait le blason de l’absinthe.
Pour aller plus loin
Redécouvrez les plantes amères dans la sélection Botanique du parcours Gallica La Nature en images.
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