Titre : L'Aurore : littéraire, artistique, sociale / dir. Ernest Vaughan ; réd. Georges Clemenceau
Éditeur : L'Aurore (Paris)
Date d'édition : 1909-05-07
Contributeur : Vaughan, Ernest (1841-1929). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 07 mai 1909 07 mai 1909
Description : 1909/05/07 (Numéro 4208). 1909/05/07 (Numéro 4208).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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1 L'OFFICE niXONCES, 11, Place (I II ISBRI
«t aux bureaux du Journal. 18, rue Tf.-D.-dM-Victoire*
OPINIONS
& propos l'a
Dîner du Siège
Le pain du siège. Qui se rappelle le
pain du siège ï Les plus jeunes Je ce
temps-là sont déjà des vieillards, ou
presque. Comme tous ceux qui ont vé-
cu ces tristes jours, j'ai mangé du pain
du siège, fort heureux quand je pou-
vais en rencontrer un morceau. J'en ai
même conservé un tout petit bout, que
j'ai fait mettre sous verre, au-dessus de
ma carte de boucherie de la mairie du
sixième arrondissement. Je crois bien
me rappeler que le boucher municipal
d'alors; rue de Buci, était ce brave
Francis Enne, qui remplissait ses fonc-
tions de la façon la plus cocasse et la
plus touchante. Quand les porteurs de
carte, qui faisaient queue des heures et
des heures, avaient défilé, Enne nous
dormait, à l'un ou à l'autre de nous, ai-
famés, quelques bribes de cheval qui
restaient et dont nous faisions notre
profit. Parfois aussi, le nez à sa vitre,
Enne remarquait, dans la file des infor-
tunés, quelque pauvre femme dont la
misère et la peine le frappaient, Il en-
voyait vers elle un des gardes natio-
naux de planton, et, se cachant des au-
tres, fourrait dans son cabat un beef-
teack de choix.
Si navrant que fût son aspect, le pain
du siège â j'oublie de dire que cette
chronique est à l'intention des promo-
teurs du dîner biannuel du pain du
siège, dont ont parlé tous les journaux
â était fort recherché. Un Parisien pe
passer de pain, a-t-on jamais vu cela 1
e pain, noir et granuleux, tissé de
morceaux de paille et de grumeaux de
riz, était Unit ce qu'il y a de plus désa.
grêable à broyer et dé plus antidigestif.
â Mais c'était du pain. L'Allemand peut
facilement se passer de pain. Il englou-
tit des pommes de terre. Mais nous, il
noua faut du pain. D'abord, des pom-
_mes de terre il n'y en avait pas. Les
dernières de la saison avaient été déter-
rées, sous les coups dé fusil des avant-
postes prussiens, par les malheureux
qui s'en allaient marauder au loin.
Blanqui écrivit, à leur sujet, dans la
patrie en danger, l'un des plus poi-
gnants parmi ses admirables articles
du siège. Des pommes de terre 1 Mais
on les aurait fait sertir dans les dia-
mants. Elles étaient aussi invisibles
que les oignons et le fromage de gruyè-
re. Il fallait se contenter du pain noir
et sec.
Je me vois encore, "descendu le matin
sur le pavé dur et glacé, en quête â'vn
restaurant où il y eût du pain. De la
.viande, on en Irouvait encore. Quelle
viande I Mais à vingt ans, l'estomac
n'est point rebelle. Tout proche du Pa-
lais-Royal, nous avions découvert, quel-
ques camarades du 248', un restaurant
où, pour vingt sous â les deux tiers de
notre solde (trente sous) â on alignait
(devant nous de copieuses assiettes
3'un ragoût couleur de brique, odo-'
rant, appétissant. Je sus plus tard que
c'était du chien. Quelque brave terre-
neuve qui finissait ses jours à la gar-
rotte. Mais comment apprécier !e rata,
si le pain était absent. Avaler cela sans
pain- la joie se changeait en dégoût.
Pouah I boire le rata 1 II nous fallait
chaque jour faire des prodiges de va-
leur pour nous procurer les quelques
croûtons à la paille indispensables
pour accompagner le plat de terre-neu-
ve ou de dogue en daube qui fumait de-
vant nous.
Voilà quelques-uns des souvenirs
que pourront se raconter les convives
du nouveau dîner du siège â du pain
Bu siège. Mais je m'imagine qu'on ne
parlera pas que du pain. Les comesti-
bles de la (In d'année 1870, pour être
rares, ne manquaient pas d'être étran-
ges. Le boudin et la tête de veau sont
légendaires. De magnifiques boudins,
couleur chocolat, que l'on achetait avec
confiance. Trempés dans l'eau bouil-
lante? comme la tête de veau, ils se li-
quéfiaient, et on ne retirait dé la mar-
mite que la peau. 3e dois avouer que
je n'en ai jamais vu. Mais l'histoire esï
classique. Ce que j'ai vu, ce sont de
terrifiantes boucheries de chiens. A
l'angle des rues, des étals garnis de
.pauvres toutous écorchés, depuis le do-
gue à la rude échine jusqu'au roquet
pas plus gros qu'un rat. Cela fendait
l'ame. Mais la faim I Malheur au pau-
vtles chansons, se mettait à suivre un ba-
faillon part] pour les remparts. Il était
Sûr de son affaire. Quelque coeur en-
durci avait vite fait de le poursuivre et
de l'enfiler de sa baïonnette. C'était à
devenir, par amour des bêtes, antimi-
litariste, ou, plutot mieux, antigarde-
nationaliste.
Le rat eut son succès. Qu'on m'ex-
cuse de me mettre en scène. Mon ba-
taillon tardant d'être armé, j'occupais
à la manufacture d'armes, installée au
Huai d'Orsay dans les locaux de la ma-
nufacture, .démolie récemment, des ta-
bacs, le poste de surveillant de la fa-
brication des cartouches chassepot. J'a-
vais là, sous mon oeil sévère, quelque
centaine de gentilles filles qui collaient
les amorces. II est probable qu'elles
n'avaient pas Beaucoup à souffrir de
mon autorité â j'étais lieutenant au
â S4S' bataillon, commandé par Charles
Longuet, qui fut membre de la Com-
mune.. et, plus tard, conseiller munici-
pal de Paris â car, le jour de l'an ar-
rivé, elles songèrent à me faire cadeau
'd'un inestimable trésor. Un rat, capturé
Bans les cuves de la manufacture, Je
reçus je présent. Un vieux maréchal
jBes logis, qui présidait, à côté, au rem-
plissage des obus, et qui avait, en Afri-
que, mangé de tout, se. chargea de Je
cuisiner. Je n'^i de ce régal qu'un piè-
tre souvenir. Ça. ne valait pas le chien
du Palais-Royal.
Mais laissons là le pain noir, le chien,
le rat et autres lamentables choses.
Quelle joie quand nous revîmes le pain
blanc et le reste. C'était, je crois, le len-
demain de la capitulation. Sur le bou-
levard Michel. Brouhaha. Sur les troU
toirs, les gens courent, crient, gesticu-
lent. Nous sommes attablés au café de
la Source. Le flot est tout près de nous.
Nous nous levons. Et voici le spectacle
à la fois comique et attristant, qui dé-
nie sous nos yeux. Cinq ou six indivi-
dus, conduisant des oies, grasses et
blanches, dont tes becs d'or Rouvrent
et lancent de retentissants coin-coin.
Les oies sont tenues en laisse par des
faveurs roses et bleues. Elles marchent
dignement, au pas militaire. Et, ces
oies qu'on n'a pas vues depuis si long-
temps, on les fête. On fête, par elles, le
retour du bien-être et de la bonne chè-
re. Peut-être, hélas I dans bien des
coeurs, s'efface déjà le souvenir des
jours maudits, de la France battue et
humiliée. On va pouvoir enfin manger
de l'oie rôtie .
Autre souvenir. Quelques jours avant
cette promenade triomphale de l'oie
prodigue, à notre brasserie de la rue
Saint-Séverin, une pauvre femme était
entrée: Un panier au bras, qu'elle ou-
vrait, silencieusement, pour en mon-
trer à chacun l'occupant. Un chat, un
superbe chat, tigré, reluisant, aux pru-
nelles vert ardent. Qui veut le matou ?
C'était pour rien. Trente francs, je crois
me rappeler. Et la vieille, que là faim
poussait à se séparer de son ami de
tous les jours, avait un visage triste,
si triste, qu'aucun de nous ne songea
à lancer la plus petite plaisanterie.
Pauvre femme I Pauvre matou I Trou-
va-t-il, ce soir de janvier 1871, acqué-
reur T Après avoir fait le tour des ta-
bles, la femme sortit, son panier au
bras, et le matou dedans. Je vois en-
core devant moi la face triste, ai triste,
de la pauvrè vieille...
MAXIME VUILLAUME.
LE syndicat desm.
Voilà nos postiers en syndicat. Les
statuts sont officiellement déposés à là
préfecture de la Seine, Comme ils l'af-
firment dans la déclaration qui précède
les articles, les postiers ne se considè-
rent pas comme des fonctionnaires,
mais comme des travailleurs qui ont,
vis-à-vis de l'Etat-patron, les mêmes
droits que les travailleurs de l'indus-
trie vis-à-vis de leurs employeurs.
Fonctionnaires, ils le sont toujours, ce-
pendant, Le plus syndicaliste d'entre
eux serait certainement fort surpris si.
on lui déniait le droit à l'avancement,
à la retraite, et la garantie contre le
chômage. Toutes choses que ne possè-
dent pas le travailleur de l'industrie et
que possède le fonctionnaire, par la
grace do cet ingrat Etat-patron.
Le rêve des postiers est donc réalisé.
Ils ont leur syndicat. Mais le rêve se,
bornera-t-il à cette première satisfac-
tion ? Ce n'est pas bien sûr. La décla-
ration de constitution de l'A. G. en
syndicat ne sera-t-elle pas suivie, à
bref délai, de l'affiliation à la Confédé-
ration générale du travail î Cela nous
semble tout à fait dans l'ordre des cho-
ses possibles. Les postiers oui sont à
la tête du nouveau syndicat sont dans
les meilleurs termes avec les dirigeants
de la maison, de la rue Grange-aux-Be!-
les. Ils l'ont montré en maintes cir-
constances, et, tout d'abord, à la fa-
meuse réunion de l'Hippodrome, celle
à laquelle, on s'en souvient, on s'est
foutu de cette bonne République.
Mauvaise voie, périlleuse aussi bien
pour eux que pour les autres, celle
dans laquelle viennent de s'engager si
résolument les postiers. Jusqu'ici ils
n'avaient marché, comme l'on dit, que
dans les plates-bandes. Maintenant, ils
sont en plein dans l'illégalité. Demain,
ils feront grève. Ce sera la révolte. Ei
non pas ,comme dans tes grèves d'ou-
vriers contre les patrons, une révolts
permise, le plus souvent justifiée, sym-
pathique même, mais une révolte inex-
cusable, parce que c'est contre la na-
tion tout entière, qui. leur a confié la
bonne gestion de ses intérêts, qu'ils se
dressent. Qu'ils réfléchissent encore
s'il en est temps.
M. V.
ÉCHOS
LA TEMPERATURE
A Paris, le eW demeure beau, le vent est mo-
déré ou assez fort d'entre nord-est et est, et la
température continue à monter.
Les pluies ont été très abondantes sur toute
l'Autriche î en France, le temps est resté beau.
La température a monté sur l'ouest de l'Eu-
rope ; elle a baissé dans le centre et l'est ; on
notait; hier malin : â 5* à Arkangel, +7* à
Vienne, 11* à Lyon, 18* à Bordeaux, 14* è Pa-
ris et à Nice, 17* à Alger, +10* au puy de Dôme,
t* au Ventoux, 1" au pic du Midi.
En France, un temps beau et chaud est proba-
ble.
L'Exposition du Costume
C'était hier l'inauguration de l'Exposition
du Costume, â que nous avons annoncée, â
au Musée des Arts décoratifs, pavillon de
Mars a».
Q-* -y aperçoit au haut des degrés qui mfe-
nent au Musée des Arts décoratifs, un car-
rosse attelé de deux chevaux. Plus loin, une
dame, enveloppée d'une mante de soie blan-
che à passepoil de fourrure, est assise dans
un traîneau ; et les guides, passant à sa gau-
che, sont tenues derrière elle par un cocher
à livrée écarlate. Dans un salon, près d'un
clavecin» des amateuTS déchiffrent Armide.
ou Castor et Pollux,
Il y a des costumes délicieux : il n'en est
pas de plus exquis que la robe de mariage du
Marie-Louise. Et combien d'autres,, qu'il fau-
drait citer !
Pour son premier Jour d'ouverture, l'expo-
sition a reçu hier la visite du roi Edouard VII
d'Angleterre, qui y a pris un très vif intérêt.
Léo
En écrivant, dans son roman Léo, la cap-
tivante odyssée d'un jeune apache élégant et
prétentieux, Maurice Duplay aura eu ce rare
mérite de créer un type définitif d'humanité.
Désormais, pour designer l'un quelconque
de ces louches personnages qui fréquentent
les cabarets des boulevards extérieurs, vivent
du jeu et des femmes et sont des recrues tou-
tes prêtes pour le crime, on dit un Léo.
â 'â¢
Les Arènes de Lutèee
Tous ïes amis du Vieux Paris regrettent
que les Arènes de Lutèce n'aient pu être en-
tièrement dégagées. Les travaux de déblaie-
ment, entrepris de 1870 à 1883, n'ont mis au
, jour que la moitié de ces ruines, l'autre moi-
tié restant ensevelie sous le terrain qu'occupe
le dépôt de la Compagnie des Omnibus.
Jusqu'à ce jour, en raison du coût élevé de
ces terrains, les pourparlers entamés entre la
Ville et la Compagnie n'ont pu aboutir. On
doit le déplorer, car, restitués dans leur en-
tier, les Arènes de Lutèce n'auraient rien à
envier à celles d'Arles ou de Nîmes, et pour-
raient êt«e utilisées pour de grandes fête-?
dramatiques, Paris alors posséderait un théâ-
tre antique d'un charme incomparable.
On apprendra donc avec plaisir qu'un an-
cien projet de déblaiement total des Arènes '
est remis en question et que M. Lampué doit
en saisir prochainement le conseil municipal.
â *â
Un Monument à Mac-Mâhon
Sur l'initiative de l'Union commerciale au-
tunoise, un comité vient de se constituer à
autun pour élever un monument à la mé-
moire du maréchal de Mac-Mahon, né à Sul-
ly, en SaÔne-et-Loire, en 1808.
Le comité adresse son premier appel aux ;
personnes qu'il croit pouvoir s'intéresser à
son projet. Il est signé de M. le sénateur Fé-
li* Martin, Périer, député, maire d'Autun, le
marquis de Vogué, ancien ambassadeur, les
généraux Mono, d'Espeuilles, de Vaulgre-
nant, îe capitaine Carnot, Renault, membre
de l'Institut, etc.
Le Coin des Rieurs
Dans le métro:
La dame, en s'asseyant. â Vous n'avez pas
l'habitude de voyager en Métro...
Le monsieur. â C'est vrai j mais comment
sa ver-vous ?...
La dame. â Vous m'avez donné votre
place ! .
Le monsieur. â Mais vous aussi. Madame,
vous n'avez pas l'habitude de ce mode de lo-
comotion.
La dame. âA quoi voyez-vous cela ?
Le monsieur; â Vous m'avez remercié.
- LANCELOT.
AUJOUR LE JOUR
Le Marchand d'Olives
Sa tournée faite, il est Temonté lentement
vers Montmartre, les jambes un peu raides
d'avoir tant marché. A minuit et demie, il
est entré dans un petit caboulot de la rue
Lepic, il a demandé un morceau de pain,/
de ce pain mince et croustillant dont on fa-
brique les sanwiches, un morceau de fromage
de gruyère, sel et poivre, â et un bock. Et
il seSt attablé. En face de lui, il a déposé
son baquet de bois blanc, vide maintenant,
sa cuiller et son sac de cacahouettes, et, ti-
rant son chapeau mou : « Voici mon meil-
leur ami ! » s'est-il écrié, les yeux fixés ten-
drement sur le baquet, â « celui qui ne me
quitte jamais, qui ne me dit jamais d'injure,
et qui me fait vivre depuis quatorze ans 1 »
Et> les prunelles humides, légèrement, il a
envoyé un baiser k son petit compagnon de
bois.
J'ai compris que te marchand d'olives était
en un soir d'expansion, et j'ai sollicité ses
conf tien ces.
Vous l'avez peut-être distingué, parmi ceux
qui longent, infatigables, les terrasses des
cafés, sur les grands boulevards, offrant aux
buveurs de bière le petit fruit vert qui avivera
leur soif et la rendra plus parfumée. Il est
bien mis ; ses mains sont petites et soignées,
et il s'exprime avec recherche. Dame, â dam*
son métier, il n'est pas le premier venu ! ;
et Moi, dit-il, non sans fierté, on me permet
de vendre à l'intérieur I » Favoritisme ? Aris-
tocratie ? En tout cas, une hiérarchie est éta-
blie entre les marchands d'olives.
a C'est la bonne saison, m'apprend-il. Au
jourd'hui, j'ai vendu mes quatre kilos,- â
j'en aurais eu trois de plus qu'ils y auraient
passé. â Quelle recette moyenne cela repré-
sente-t-il P risquè-je, indiscret.â Dix à quinze
francs. â Ce n'est pas mai. Et le bénéfi-
ce ? 11 â Le marchand d'olives ne se livre
plus : « J'achète en gros... » N'insistons pas.
Et les cacahouettes ? â « Oh 1 les cacahouet-
tes, c'est pour la fantaisie, la frime. Ça ne
compte pas. Les olives, â nouvelle caresse
au baquet, â c'est la vie I â L'hiver ?» â
La voix du marchand d'olives baisse un peu :
« Ah ! dame ! l'hiver, c'est un peu dur... »
Il est poète. « J'ai même une grande répu-
tation. Ën 1903, à l'Ane-Rouge, â vous sa-
vez bien ?jâ j'obtenais un succès énorme
avec ma déclamation sur la Mort de Gam-
betta ! La preuve, c'est que Léandre a fait
mon portrait. On l'a rais dans le Journal
Amusant. Il a du talent... Pour le remercier,
je lui ai donné mon dernier baquet, celui que
j'avais avant celui-ci, â et avec mon nom
écrit dessus. Il l'a mis dans son atelier. Ah !
Ah 1 c'est que je suis très fort, j'ai beaucoup
réfléchi. Voyez Gambetta ! On s'en occupe,
je pense, ea ce moment. Eh bien, je l'avais
prédit dans ma déclamation f Tout ce que
j'ai prédit est arrivé, tout ! Gambetta est
mort trop tôt. Il y en a bien, aujourd'hui, qui
marchent sur ses traces, mais... â îe mar-
chand d'olives prend une mine apitoyée, â
ça n'est pas ça f Ce qui nous manque, c'est
la force morale f La raison du plus fort..., di-
sait La Fontaine.Le plus.fort, c'est celui qui a
la force morale J « Le jour où les Français
auront l'éducation qu'ils doivent avoir »,
affirmait Gambetta ! Il avait encore raison
Moi, monsieur, j'ai l'éducation et la force
morale. Je possède la rareté. Il faut que Jes
instituteurs enseignent le respect des parents
et l'amour de la patrie. Voilà, monsieur. J'ai
beaucoup réfléchi, »
Le marchand d'olives n'a pas proféré de
menaces contre la République ni parlé de
grève générale. Il sait que la source du bon-
heur est en nous ; notre énergie et notre
constance. Ma foi, c'est un sage. Qui sait si
ce n'est pas un exemple ?
F. Robert-Kemp.
QI PAGE
HISTOIRE
A propos do ministère Gambetta. â
Une intéressante évocation de H.
Joseph Reinach.
. M. Joseph Reinach, à propos de la ré-
cente inauguration dm monument de Gam-
betta à Nice, évoque dans le Figaro le sou-
venir des débuts du Grand Ministère, â
évocation qui emprunte aux événements de
l'heure actuelle et à la similitude des crises
politiques un caractère vraiment piquant.
Nous regrettons de ne pouvoir reproduire
en entier cet extrait de l'Histoire du, Minis-
tère Gambetta, qiui fut publiée en 1884, et
qui contient une si saisissante leçon d'ac-
tualité politique. Bornons-nous h> ce pas-
sage :
...Franchement, hardiment, le ministère Gam-
betta entre en scène. Par sa composition, par son
esprit, par son entente sous une direction indis-
cutée, le ministère est déjà un gouvernement. Il
l'est encore, et tout de suite, par ses paroles, par
ses actes. Point de masques, point de détours,
point de faux-fuyants. H dit sans ambages quel
il est, ce qu'il entend faire. S'il îe dit très haut
â peut-être, en quelques circonstances, trop
haut, â ce n'est point par présomption insolente
ni par orgueil. C'est parce que la confusion des
pouvoirs est telle, à son avènement, qu'il est in-
dispensable, si l'on veut vraiment" mettre un ter-
me Mfoi de désordre, de faire montre, sans tar-
der, d'une grande vigueur, d'une résolution très
forte.
C'est aux fonctionnaires que le ministre s'a-
dresse d'abord. Chacun de ses membres reprend
pour son compte, explique au personnel placé
sous ses ordres ce passage de la déclaration :
⢫ Nous voulons, pour servir le gouvernement,
une administration discipinee, intègre et fidèle,
soustraite aux influences personnelles comme aux
rivalités' locales, uniquement inspirée par l'amour
du devoir et de l'Etat, a Ici, avec quelque brus-
querie, M. Gougeard réveille des grands digni-
taires endormis depuis longtemps dans une douce
routine ; « Faire régner Tordre et la justice, met
Ire chacun dans sa place ei chaque chose en son
lieu poyr l'honneur de la France» de la marine
et de la République, telle est mon intention ar-
rêtée. » Là, M.. Paul Bert, après avoir ainsi dé-
fini le rôle d'un bon administrateur : « Se faire
respecter par son énergie, se faire estimer par
sa justice, se faire aimer par sa bienveillance »,
avertit en ces termes les mécontents du dépar-
tement des cultes : « Je ne vous demande pas
une approbation secrète pour tout ce que je pour
rai faire ; je ne demande de vous que l'accom-
plissement des devoirs du fonctionnaire, qui
n'engagent point l'intimité de la conscience. La
nation, au nom de qui, si chétif que je sois,
|'ai l'honneur de parler ici, m'a donné Jes pou-
voirs nécessaires pour faire obéir sa volonté sou-
veraine. J'espère que je n'aurai pas besoin de
m'en servir. » Le général Campenon, M. Allain-
Targé, M. Bouvier tinrent une langage analogue..
Amis l acté, le coup décisif, ce fut Ta circulaire
du' ministre de l'intérieur sur les droits et les
devoirs des préfets. Quand M. Waldeck-flous-
seau avait été appelé au département de l'inté-
rieur, il y avait apporté cette conviction qu'un
systeme de gouvernement qui reposerait sur cette
idée que l'avis d'un préfet n'est rien et que la
recommandation d'un député c'est tout serait un
régime également funeste à l'indépendance de
l'électeur, du député et des ministres, c'est-à-dire
à la dignité de la République et au service de
l'Etat. Il pensait qu' « en déconsidérant les
agents du pouvoir, c'est le pouvoir lui-même
qu'on affaiblit et qu'on discrédite ». Or jamais
l'abus des recommandations n'avait été porté si
loin que depuis quelques années. ; jamais, même
sous l'ancien régime, on n'avait cru moins aux
lois, aux règlements, aux scrupules administra-
tifs ; jamais il n'avait été plus difficile de con-
vaincre le public qu'il y a d'autres chemins que
la faveur pour obtenir un emploi ou un avan-
cement dons son emploi.
Comment arrêter cet affaiblissement et ce dis-
crédit ? Comment porter ut premier coup à la
misérable politique de la démarche et de l'intri-
gue ? Un seul mov.en ; Affranchir les fonction-
naires de l'intervention abusive des sénateurs et
des députés au profit des intérêts privés, c'est-
à-dire dans plus de ta moitié des cas, au détri-
ment des intérêts généraux ; commencer ainsi
à « soustraire l'élu à l'intimité par trop pres-
sante de l'électeur ». Certes, prendre une pareille
décision et l'appliquer, c'était soulever bien des
colères et bien des haines parmi les hommes
de la politique de clocher, Mais quoi ! est-ce que
le bien de l'Etat ne devait pas primer toute
autre considération ? est-ce qu'il est possible à
des Français patriotes et à des démocrates éclai-
rés de tolérer plus longtemps une pareille source
de passe-droits ? 11 ne se trouvera personne,
dans tout le Conseil des ministres, pour îe
penser.
L'Homme p n'est pis
digne è la mort
Dédié d'une part à la noblese des Jeunes-
Turcs, émules de 1789 et disciples d'Auguste
Comte, qui ont écrit la page la plus pure de
l'histoire des révolutions,; et d'autre part à
là joie bestiale de nos royalistes français,
qui, récemment, « se tenaient les côtes » (sic)
à 1a nouvelle qu'Abdul Hamid avait renversé
la Constitution en déchaînant un suprême
massacre.
LA VENCEANCE. â Justice, j'accours vers toi
sur ta montagne où tu sièges dans l aaur sur
ton trône de glace... Je t'apporte l'enivrante
nouvelle, irréelle à force d'exultation !... Le
lâche qui du fond de son palais fit plus
d'hécatombes que Tamerlan, le bourreau
qui grelottait de péur aur le cadavre de son
peuple, la bête immonde est enfin cernée l
Justice, tu as entendu mon cri ? Je voja
flamber tes yeux dans un éclair,., et ton
glacier resplendit de joie comme un bloc de
fer rose dans la fournaise.,. Ordonne de
quelle mort il doit périr 1 . .
LA JUSTICE. â Cherché en toi-même le pire
châtiment...
LA VENGEANCE. â Toutes les tortures en
une seule torture ! Toutes les agonies de ses
cent mille victimes î Des spasmes de dou-
leur à le rendre fo-u en lui laissant juste as-
sez de répit, pour qu'il les savoure à sa-
tiété I
LA JUSTICE. â Il ressemblerait À ses vic-
times 1 tu ressemblerais au tortionnaire !
LA VENGEANCE. â Ah ! tu dis vrai ! La
haine m'égare... Sa folie sinistre est passée
en moi... lié bien, alors collé h la porto de
son harem ? Le peloton rapide et douze bal-
les au coeur 1
LA JUSTICE. â La mort des héros qu'a tra-
his le destin ? D'Enghien, Murât, Maximi-
lien ?... Tu n'as pas le droit î II n'y a pas
droit !
LA VENGEANCE. â Alors la corde, la corde
infame pour noircir la face et crever le ven-
tre à cet Iscariote des nations !
LA JUSTICE. â Les martyrs russes sancti-
fient la corde !
LA VENGEANCE. â Justice, Justice, pour
quel supplice me le donneras-tu donc î...
J'ai hâte, j'ai soif... Ma langue se desseche
dans ma gorge rauque ! L'eau ?
LA JUSTICE, â Elle est pure î La mer en
serait empoisonnée t Las requins eux-mê- !
mes n'en voudraient«^as...
LA VENGEANCE, â Le feu ?
LA JUSTICE, â Jeanne d'Arc !
LA VENGEANCE. â L'écartèlement ?
LA JUSTICE. â lï ferait le geste du Christ
en croix l
LA VENGEANCE. â Tu veux donc gracîer le
« grand assassin » ? M'arracher la bête d'en-
tre les dents ?... Non, non, je ne peux, je ne
peux te le céder 1... Et pourtant si 1... C'est,
toi qui as raison : cet homme n'est pas di-
gne de la mort, le supplice ennoblit, la mort
apitoie... Ploie-le sous le faix ù\un si dur
labeur que ses veines en éclatent et que ses
os en grincent I
LA JUSTICE. â Iï n'a pas droit non plus à
la sueur d'Hercule 1
LA VENGEANCE. â Alors pour lui la plus
vile besogne : que ses mains qu'il a saturées
de sang, remuent maintenant des excré-
ments 1
LA JUSTICE. â Le dernier des crocheteurs
de Stamboul est pur comme une fleur au-
près de lui... Ne souille pas l'ordure par les
mains de cet homme 1
LA VENGEANCE. â Hé bien, j'ai trouvé !...
Oui, j'ai compris ce que tu lui réserves... Il
faut que de ses mains il rachète ses cri-
mes. Je lui ferai découper de la charpie
pour les Arméniens retués encore et qui ne
viendront pas à bout de mourir... Le Sultan
Rouge, de ses propres ongles, creusera la
tombe des Saloniciens...
LA JUSTICE. â Arrière le chacal de la cou-
che «ïes blessés ! Arrière l'infâme des dé-
pouilles sacrées 1
LA VENGEANCE. â Il échappera donc à tout
châtiment 1 . , ,
LA JUSTICE. â Tu oublies le seul qui égale
ses crimes r jusqu'à la fm dans l'éternelle
peur ! Jusqu'à la fin dans l'ignominie avec,
sur la joue, un baiser d'Empereur !...
Paul-Hyacinthe Loyson.
LE congres DES cheminots
Il vote un ordre du jour de sympathie
aux P. T. T.
Le congrès national du Syndicat des tra-
vailleurs des chemins de fer, qui s'est
réuni hier matin en séance de commis-
sions, a tenu l'après-midi une réunion plé-
nière sous la presidence de M. Pinçon, du
Nord.
On adopte un ordre du jour clôturant la
discussion du rapport du conseil d'adminis-
tration. Cet ordre du jour est ainsi conçu :
Le congrès,
Considérant que tous les reproches adressés
au conseil d'administration sortant sur des faits
passés ne sauraient en rien â même sanction-
nés. par un vote de blâme audit conseil â chan-
ger et modifier les résultats découlant des faits
incriminés.
Décide : afin de laisser au XX* congrès le
temps matériel nécessaire à étudier les modes
d'organisation susceptibles d'empêcher le retour
de l'incohérence qui, de l'aveu de tous, n'a cessé
de régner dans les actes du conseil sortant, du
fait même du mode de son recrutement actuel,
afin de pouvoir donner l'orientation nécessaire
du nouveau conseil, de passer À l'ordre* du Jour.
Sur la demande de M. Guérard îe con-
grès donne la parole à un délégué des pos-
tiers, M. Chobeaux, dont l'apparition a la
tribune est saluée p&r des cris de « Vivent
les postiers ».
M. Chobeaux fait un court historique de
la grève des postes et une critique acerbe
du gouvernement (f qui est incapable de
conduire les choses publiques » et «< qui n'a
pas tenu les promesses faîtes aux pos-
tiers ». Il assure que cea camarades « sau-
ront en tout cas faire tenir ces promesses »,
Cette déclaration provoque de vifs applau-
dissements.
Après avoir constaté que « le fonction-
narisme est maintenant presque à la tête
de la C. G. T. » (bravos prolongés), il .dé-
clare que tes postiers comptent maintenant
sur la solidarité de tous les travailleurs
organisés mais en particulier sur celle des
travailleurs des chemins de fer.
M. Chobeaux dépose, au nom de son or-
ganisation, l'ordre du jour suivant :
Las camarades du syndicat national des che-
mins de fer, après avoir entendu le camarade
Chobeaux, du personnel des P. T. T., déclarent
avoir suivi les derniers événements avec une
émotion sympathique et être d'accord avec leurs
camarades fonctionnaires, qui luttent pour le
droit syndical et la liberté d'opinion.
Leur devoir leur impose l'obligation de dé-
clarer très haut qu'ils les encouragent a conti-
nuer la bataille pour la conquête de leurs légi-
times revendications.
Expriment le désir que tous les employés
des chemins de fer apportent le concours de
leur solidarité aux travailleurs des postes.
Cet ordre du jour est adopté à l'unani-
mité. Tandis que l'assistance applaudit fré-
nétiquement, quelques délégués se précipi-
tent vers le bureau pour réclamer un ordre
du tour plus catégorique : «1 C'est insuffi-
sant ! » crient-ils.
Le congrès décide de nommer une com-
mission dé douze membres qui aurait pour
mission d'élaborer un programme de reven-
dications de défense minimum à présenter
aux administrations et aux pouvoirs pu*
blics, et qui donnera une indication au con-
grès pour la fdrmation définitive d'une
commission de - grève, ainsi que sur l'atti-
tude et le rôle de cette commission.
La discussion s'est ensuite engagée sur le
projet transactionnel. Les délégués de la
Compagnie de l'Est demandent le huis-clos.
L'assemblée consultée en décide autrement,
et M. Grandvallet, prend la parole pour dé-
noncer certaines manoeuvres qui, dit-il, ne
sont que de pures exploitations iniques.
L'orateur fait une charge contre le parle-
mentarisme et attaque violemment M. Gué-
rard, qui affirme-t-il a usé plus d'une redin-
gote dans les antichambres ministérielles.
I! n'y a qu'un moyen pour aboutir, selon
M Grandvallet, c'est d'en arriver au plus tôt
à la grève générale.
M. Guérard, réplique aussitôt et combat
l idée de grève générale. Il reproche à l'ora-
teur la vivacité de ses paroles et une vive
discussion s'engage au milieu du tumulte gé-
nérât
M. Dechelle, c[ui succède à M. Guérard, lit
deux ordres du Jour différents et termine en
affirmant que si le Parlement n'a pas voté
prochainement l'ensemble des lois sociales
relatives aux exploitations des voies ferrées
de l'Algérie et la Tunisie, la grève sera fata-
le.
M. Berthelot présente enfin Tordre du
jour suivant :
Le congrès national décide pour faire aboutir
le projet transactionnel, la journée de huit heu-
res et la question des salaires ; que si nos cama-
rades des postes décrètent la grevé, les chemi-
nots organisent dans toute la France et cela dans
les 48 heures, des meetings, et au cas dû l'opi-
nion des travailleurs serait favorable à la grève,
d'entrer immédiatement dans le mouvement de
grève générale.
Au cas contraire, de préparer par une propa-
gande énergique, l'éducation des travailleurs des
Chemins de fer, pour la préparation de la grève
générale, seul moyen pouvant faire aboutir nos
revendications.
MB
£1 MME
Démarches infructueuses
Au Ministère de l'Intérieur
Les délégués des postiers ont fait, hier ma-
tin, au ministère de l'intérieur, !a démarche
annoncée depuis plusieurs jours. Mais ila
n'ont pu voir M. Clemenceau qui, toujours
souffrant, n'était pas venu place Beauvau.
La délégation, élue au meeting du 23 mars
à la suite du refus par les grévistes de re-
prendre le service si le gouvernement né
donnait pas des garanties plus formelles que*
les promesses faites la veille aux délégués
du syndicat des ouvriers des lignes, avait
été composée comme suit .* MM. Chastenet,
Lamarque, Le Gléo, pour les agents ; Ra-
but, Simonnet, Paugrain, pour les sous-
agents ; Pauron, Jacquesson et Mme Fari-
net, pour les ouvriers des P.T.T., et Mmee
Pech, Raspaut et Leclerc pour les dames
employées et téléphonistes.
Quelques délégués, et notamment M. La-
marque, absent de Paris, et Mme Pech, n'ac-
compagnaient pas leurs camarades, aux-
quels s'étaient joint, par contre, M. Thibault.
Lorsque la délégation s'est présentée de*
vunt la grille du ministère de l'intérieur, à
onze heures un quart, le concierge a inter-
pellé M. Pauron, qui marchait traces pre-
miers :
â Où allez-vous ?
â Nous allons voir le président du.conseil.
â Avez-vous une audience 1
â Non ] mais nous voulons faire une démar-
che qui a une certaine importance.
â Je puié vous assurer, répliqua le concierge*
que le président du conseil est absent du minis-
tère. Mais comme je n'ai pas d'ordre pour em-
pêcher d'entrer, vous pouvez aller le .demander
aux huissiers.
Les délégués ont traversé la cour et sont
entrés dans l'antichambre qui précède le ca*
binet de M. Clemenceau. Lis ont demandé
à voir le président du conseil à un huissier
qui leur a répondu :
â M. le président du conseil est souffrant ; il
n'est pas venu ce matin au ministère.
Sans insister, les délégués se sont immé-
diatement retirés. Ils ne se sont pas pré-
sentés au cabinet de M. Maujan.
Aux personnes qui les interrogeaient S
leur sortie, les délégués ont répondu qu' u ils
n'avaient rien à dire pour le moment
Cependant, M. Chastenet a dit à un jour-
naliste : Il {aut vous attendre à une grosse,-
d une très grosse surprise.
Le Syndicat est créé
A l'issue de la visite au ministère de l'in-
térieur, un groupe de militants décidés se
réunissait au café du Rocher pour jeter,-
séance tenante, tes bases, déjà arrêtées ïft
nuit dernière, du Syndicat national des
agents des P. T. T.
Le bureau syndical était aussitôt consti-
tué. En voici la composition :
Secrétaires du syndicat : MM. Lémonon, des
ambulants ; Thibault, du Centrai télégraphique â¢
Vogt, des bureau* de Paris.
Trésorier ; M. Quinard, du Central.
Archiviste : M, Pâlot, des bureaux sédentaires.
Membres du conseil d'administration ; MM.
Bougeard, du Central ; Chabbert, de la recette
I principale ; Chastenet, des bureaux sédentaires ;
Cheyzel, de la brigade roulante ; Dautry, dos am-
bulants : Dupont, des bureaux sédentaires ; Fou-
rès, du Central télégraphique ; Goujon, des am-
bulants ; Guillard, du Central télégraphique ; Ca-
margue, du Central ; Le Gléo, du Central ; Mlle
Noyon, dame employée ; Panis, commis des bu-
reaux gares ; Richier, du Central ; Mme Saint-
Martin, des téléphones (Port-Royal).
Aussitôt le bureau constitué et les signa-
tures recueillies, les trois secrétaires et MM.
Chastenet, Le Gléo, Pâlot, Quinard, Dupont,
etc., ayant pris un modeste repas, se ren-
dent 12, rue de Condé, pour rejoindre M*
Bonzon qui, en tant qu avocat-conseil dtï
Syndicat, devait assister la délégation.
Celle-ci se rend aussitôt à l'Hôtel de Ville,-
au bureau où doit s'effectuer le dépôt des
statuts.
Les copies des statuts sont précédées dll
commentaire suivant :
Considérant que les travailleurs des adminis-
trations publiques ont avec l'Etat-patron les mê-
mes rapports que les travailleurs du commerce
et de ^industrie privée avec leurs employeurs ;
que les employés des postes ne sont pas, au
sens légal du mot, des fonctionnaires qui ne dé-
tiennent pas une portion de l'autorité publique
{Cour de cassation, 18 avril 19051, qu'ils peuvent
invoquer en leur faveur la loi du 81 mars 1881
sur les syndicats et en tirer toutes les consé-
quences î
Suivent les vingt-deux articles des statuts.
Récépissé du dépôt a été donné aux délé-
gués.
Le© postiers ont gagné la salle de l'Ega-
litaire, rue de Sambre-et-Meuse, où les am-
bulants réunis attendaient la nouvelle.
Le Syndicat compte déjà un millier d'ad-
hérents.
Les Statuts du nouveau Syndicat
Voici ïes principaux articles des statuts
du nouveau syndicat des P.T.T. déposés hier
à l'Hôtel de Ville :
Article premier. â Il es tforme entre les agents
de l'administration des Postes-Télégraphes-Télé-
phones qui adhèrent aux présente statuts, une
association professionnelle qui prend le nom de ;
Syndicat des Agents des Postes, etc..., dont le
siège est à Paris, 1, place Vauban, salle Va u ban.
Art 2. â Le but du syndicat, conformément aux
dispositions de la loi du 21 mars 1S84, comporte
l'étude et la défense des intérêts économiques de
la corporation. 11 apporte son concours moral et
matériel à Ceux de ses membres qui ont un dif-
férend avec l'administration ou qui sont en butte
à des difficultés d'ordre corporatif.
U tente de régler tout d'abord par la voie amia-
ble les différends de toute nature qui lui sont
soumis par ses membres. TI poursuit auprès des
pouvoirs publics le vote des lois économiques el
sociales intéressant la corporation.
Art. 3. â Le syndicat est administré par uff
conseil composé de 21 membres élus. Par excep-
tion, le premier conseil syndical, composé des
membres fondateurs, sera simplement ratifié par
la première assemblée générale. Les membres
du conseil syndical sont élus pour an an et re-
nouvelables par tiers. Le premier et le deuxième
tiers sortant sont désignés par le sort.
Art. 4. â Le conseil d'administration nomme
dans son sein un bureau composé de trois se-
crétaires, un trésorier, un trésorier adjoint, un
archiviste. '
Àrt. 5. â Le bureau du conseil syndical est
chargé de faire, tant auprès de l'administration
que des pouvoirs publics, les interventions utils*
à la défense des Intérêts syndicaux.
Toute démarche d'un caractère personnel faite
auprès des pouvoirs publics ou de l'administrai
JFaris^et Départements t g centimes
VENDREDI ? MAI 1000A
Directeur :
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«t aux bureaux du Journal. 18, rue Tf.-D.-dM-Victoire*
OPINIONS
& propos l'a
Dîner du Siège
Le pain du siège. Qui se rappelle le
pain du siège ï Les plus jeunes Je ce
temps-là sont déjà des vieillards, ou
presque. Comme tous ceux qui ont vé-
cu ces tristes jours, j'ai mangé du pain
du siège, fort heureux quand je pou-
vais en rencontrer un morceau. J'en ai
même conservé un tout petit bout, que
j'ai fait mettre sous verre, au-dessus de
ma carte de boucherie de la mairie du
sixième arrondissement. Je crois bien
me rappeler que le boucher municipal
d'alors; rue de Buci, était ce brave
Francis Enne, qui remplissait ses fonc-
tions de la façon la plus cocasse et la
plus touchante. Quand les porteurs de
carte, qui faisaient queue des heures et
des heures, avaient défilé, Enne nous
dormait, à l'un ou à l'autre de nous, ai-
famés, quelques bribes de cheval qui
restaient et dont nous faisions notre
profit. Parfois aussi, le nez à sa vitre,
Enne remarquait, dans la file des infor-
tunés, quelque pauvre femme dont la
misère et la peine le frappaient, Il en-
voyait vers elle un des gardes natio-
naux de planton, et, se cachant des au-
tres, fourrait dans son cabat un beef-
teack de choix.
Si navrant que fût son aspect, le pain
du siège â j'oublie de dire que cette
chronique est à l'intention des promo-
teurs du dîner biannuel du pain du
siège, dont ont parlé tous les journaux
â était fort recherché. Un Parisien pe
passer de pain, a-t-on jamais vu cela 1
e pain, noir et granuleux, tissé de
morceaux de paille et de grumeaux de
riz, était Unit ce qu'il y a de plus désa.
grêable à broyer et dé plus antidigestif.
â Mais c'était du pain. L'Allemand peut
facilement se passer de pain. Il englou-
tit des pommes de terre. Mais nous, il
noua faut du pain. D'abord, des pom-
_mes de terre il n'y en avait pas. Les
dernières de la saison avaient été déter-
rées, sous les coups dé fusil des avant-
postes prussiens, par les malheureux
qui s'en allaient marauder au loin.
Blanqui écrivit, à leur sujet, dans la
patrie en danger, l'un des plus poi-
gnants parmi ses admirables articles
du siège. Des pommes de terre 1 Mais
on les aurait fait sertir dans les dia-
mants. Elles étaient aussi invisibles
que les oignons et le fromage de gruyè-
re. Il fallait se contenter du pain noir
et sec.
Je me vois encore, "descendu le matin
sur le pavé dur et glacé, en quête â'vn
restaurant où il y eût du pain. De la
.viande, on en Irouvait encore. Quelle
viande I Mais à vingt ans, l'estomac
n'est point rebelle. Tout proche du Pa-
lais-Royal, nous avions découvert, quel-
ques camarades du 248', un restaurant
où, pour vingt sous â les deux tiers de
notre solde (trente sous) â on alignait
(devant nous de copieuses assiettes
3'un ragoût couleur de brique, odo-'
rant, appétissant. Je sus plus tard que
c'était du chien. Quelque brave terre-
neuve qui finissait ses jours à la gar-
rotte. Mais comment apprécier !e rata,
si le pain était absent. Avaler cela sans
pain- la joie se changeait en dégoût.
Pouah I boire le rata 1 II nous fallait
chaque jour faire des prodiges de va-
leur pour nous procurer les quelques
croûtons à la paille indispensables
pour accompagner le plat de terre-neu-
ve ou de dogue en daube qui fumait de-
vant nous.
Voilà quelques-uns des souvenirs
que pourront se raconter les convives
du nouveau dîner du siège â du pain
Bu siège. Mais je m'imagine qu'on ne
parlera pas que du pain. Les comesti-
bles de la (In d'année 1870, pour être
rares, ne manquaient pas d'être étran-
ges. Le boudin et la tête de veau sont
légendaires. De magnifiques boudins,
couleur chocolat, que l'on achetait avec
confiance. Trempés dans l'eau bouil-
lante? comme la tête de veau, ils se li-
quéfiaient, et on ne retirait dé la mar-
mite que la peau. 3e dois avouer que
je n'en ai jamais vu. Mais l'histoire esï
classique. Ce que j'ai vu, ce sont de
terrifiantes boucheries de chiens. A
l'angle des rues, des étals garnis de
.pauvres toutous écorchés, depuis le do-
gue à la rude échine jusqu'au roquet
pas plus gros qu'un rat. Cela fendait
l'ame. Mais la faim I Malheur au pau-
vtles chansons, se mettait à suivre un ba-
faillon part] pour les remparts. Il était
Sûr de son affaire. Quelque coeur en-
durci avait vite fait de le poursuivre et
de l'enfiler de sa baïonnette. C'était à
devenir, par amour des bêtes, antimi-
litariste, ou, plutot mieux, antigarde-
nationaliste.
Le rat eut son succès. Qu'on m'ex-
cuse de me mettre en scène. Mon ba-
taillon tardant d'être armé, j'occupais
à la manufacture d'armes, installée au
Huai d'Orsay dans les locaux de la ma-
nufacture, .démolie récemment, des ta-
bacs, le poste de surveillant de la fa-
brication des cartouches chassepot. J'a-
vais là, sous mon oeil sévère, quelque
centaine de gentilles filles qui collaient
les amorces. II est probable qu'elles
n'avaient pas Beaucoup à souffrir de
mon autorité â j'étais lieutenant au
â S4S' bataillon, commandé par Charles
Longuet, qui fut membre de la Com-
mune.. et, plus tard, conseiller munici-
pal de Paris â car, le jour de l'an ar-
rivé, elles songèrent à me faire cadeau
'd'un inestimable trésor. Un rat, capturé
Bans les cuves de la manufacture, Je
reçus je présent. Un vieux maréchal
jBes logis, qui présidait, à côté, au rem-
plissage des obus, et qui avait, en Afri-
que, mangé de tout, se. chargea de Je
cuisiner. Je n'^i de ce régal qu'un piè-
tre souvenir. Ça. ne valait pas le chien
du Palais-Royal.
Mais laissons là le pain noir, le chien,
le rat et autres lamentables choses.
Quelle joie quand nous revîmes le pain
blanc et le reste. C'était, je crois, le len-
demain de la capitulation. Sur le bou-
levard Michel. Brouhaha. Sur les troU
toirs, les gens courent, crient, gesticu-
lent. Nous sommes attablés au café de
la Source. Le flot est tout près de nous.
Nous nous levons. Et voici le spectacle
à la fois comique et attristant, qui dé-
nie sous nos yeux. Cinq ou six indivi-
dus, conduisant des oies, grasses et
blanches, dont tes becs d'or Rouvrent
et lancent de retentissants coin-coin.
Les oies sont tenues en laisse par des
faveurs roses et bleues. Elles marchent
dignement, au pas militaire. Et, ces
oies qu'on n'a pas vues depuis si long-
temps, on les fête. On fête, par elles, le
retour du bien-être et de la bonne chè-
re. Peut-être, hélas I dans bien des
coeurs, s'efface déjà le souvenir des
jours maudits, de la France battue et
humiliée. On va pouvoir enfin manger
de l'oie rôtie .
Autre souvenir. Quelques jours avant
cette promenade triomphale de l'oie
prodigue, à notre brasserie de la rue
Saint-Séverin, une pauvre femme était
entrée: Un panier au bras, qu'elle ou-
vrait, silencieusement, pour en mon-
trer à chacun l'occupant. Un chat, un
superbe chat, tigré, reluisant, aux pru-
nelles vert ardent. Qui veut le matou ?
C'était pour rien. Trente francs, je crois
me rappeler. Et la vieille, que là faim
poussait à se séparer de son ami de
tous les jours, avait un visage triste,
si triste, qu'aucun de nous ne songea
à lancer la plus petite plaisanterie.
Pauvre femme I Pauvre matou I Trou-
va-t-il, ce soir de janvier 1871, acqué-
reur T Après avoir fait le tour des ta-
bles, la femme sortit, son panier au
bras, et le matou dedans. Je vois en-
core devant moi la face triste, ai triste,
de la pauvrè vieille...
MAXIME VUILLAUME.
LE syndicat desm.
Voilà nos postiers en syndicat. Les
statuts sont officiellement déposés à là
préfecture de la Seine, Comme ils l'af-
firment dans la déclaration qui précède
les articles, les postiers ne se considè-
rent pas comme des fonctionnaires,
mais comme des travailleurs qui ont,
vis-à-vis de l'Etat-patron, les mêmes
droits que les travailleurs de l'indus-
trie vis-à-vis de leurs employeurs.
Fonctionnaires, ils le sont toujours, ce-
pendant, Le plus syndicaliste d'entre
eux serait certainement fort surpris si.
on lui déniait le droit à l'avancement,
à la retraite, et la garantie contre le
chômage. Toutes choses que ne possè-
dent pas le travailleur de l'industrie et
que possède le fonctionnaire, par la
grace do cet ingrat Etat-patron.
Le rêve des postiers est donc réalisé.
Ils ont leur syndicat. Mais le rêve se,
bornera-t-il à cette première satisfac-
tion ? Ce n'est pas bien sûr. La décla-
ration de constitution de l'A. G. en
syndicat ne sera-t-elle pas suivie, à
bref délai, de l'affiliation à la Confédé-
ration générale du travail î Cela nous
semble tout à fait dans l'ordre des cho-
ses possibles. Les postiers oui sont à
la tête du nouveau syndicat sont dans
les meilleurs termes avec les dirigeants
de la maison, de la rue Grange-aux-Be!-
les. Ils l'ont montré en maintes cir-
constances, et, tout d'abord, à la fa-
meuse réunion de l'Hippodrome, celle
à laquelle, on s'en souvient, on s'est
foutu de cette bonne République.
Mauvaise voie, périlleuse aussi bien
pour eux que pour les autres, celle
dans laquelle viennent de s'engager si
résolument les postiers. Jusqu'ici ils
n'avaient marché, comme l'on dit, que
dans les plates-bandes. Maintenant, ils
sont en plein dans l'illégalité. Demain,
ils feront grève. Ce sera la révolte. Ei
non pas ,comme dans tes grèves d'ou-
vriers contre les patrons, une révolts
permise, le plus souvent justifiée, sym-
pathique même, mais une révolte inex-
cusable, parce que c'est contre la na-
tion tout entière, qui. leur a confié la
bonne gestion de ses intérêts, qu'ils se
dressent. Qu'ils réfléchissent encore
s'il en est temps.
M. V.
ÉCHOS
LA TEMPERATURE
A Paris, le eW demeure beau, le vent est mo-
déré ou assez fort d'entre nord-est et est, et la
température continue à monter.
Les pluies ont été très abondantes sur toute
l'Autriche î en France, le temps est resté beau.
La température a monté sur l'ouest de l'Eu-
rope ; elle a baissé dans le centre et l'est ; on
notait; hier malin : â 5* à Arkangel, +7* à
Vienne, 11* à Lyon, 18* à Bordeaux, 14* è Pa-
ris et à Nice, 17* à Alger, +10* au puy de Dôme,
t* au Ventoux, 1" au pic du Midi.
En France, un temps beau et chaud est proba-
ble.
L'Exposition du Costume
C'était hier l'inauguration de l'Exposition
du Costume, â que nous avons annoncée, â
au Musée des Arts décoratifs, pavillon de
Mars a».
Q-* -y aperçoit au haut des degrés qui mfe-
nent au Musée des Arts décoratifs, un car-
rosse attelé de deux chevaux. Plus loin, une
dame, enveloppée d'une mante de soie blan-
che à passepoil de fourrure, est assise dans
un traîneau ; et les guides, passant à sa gau-
che, sont tenues derrière elle par un cocher
à livrée écarlate. Dans un salon, près d'un
clavecin» des amateuTS déchiffrent Armide.
ou Castor et Pollux,
Il y a des costumes délicieux : il n'en est
pas de plus exquis que la robe de mariage du
Marie-Louise. Et combien d'autres,, qu'il fau-
drait citer !
Pour son premier Jour d'ouverture, l'expo-
sition a reçu hier la visite du roi Edouard VII
d'Angleterre, qui y a pris un très vif intérêt.
Léo
En écrivant, dans son roman Léo, la cap-
tivante odyssée d'un jeune apache élégant et
prétentieux, Maurice Duplay aura eu ce rare
mérite de créer un type définitif d'humanité.
Désormais, pour designer l'un quelconque
de ces louches personnages qui fréquentent
les cabarets des boulevards extérieurs, vivent
du jeu et des femmes et sont des recrues tou-
tes prêtes pour le crime, on dit un Léo.
â 'â¢
Les Arènes de Lutèee
Tous ïes amis du Vieux Paris regrettent
que les Arènes de Lutèce n'aient pu être en-
tièrement dégagées. Les travaux de déblaie-
ment, entrepris de 1870 à 1883, n'ont mis au
, jour que la moitié de ces ruines, l'autre moi-
tié restant ensevelie sous le terrain qu'occupe
le dépôt de la Compagnie des Omnibus.
Jusqu'à ce jour, en raison du coût élevé de
ces terrains, les pourparlers entamés entre la
Ville et la Compagnie n'ont pu aboutir. On
doit le déplorer, car, restitués dans leur en-
tier, les Arènes de Lutèce n'auraient rien à
envier à celles d'Arles ou de Nîmes, et pour-
raient êt«e utilisées pour de grandes fête-?
dramatiques, Paris alors posséderait un théâ-
tre antique d'un charme incomparable.
On apprendra donc avec plaisir qu'un an-
cien projet de déblaiement total des Arènes '
est remis en question et que M. Lampué doit
en saisir prochainement le conseil municipal.
â *â
Un Monument à Mac-Mâhon
Sur l'initiative de l'Union commerciale au-
tunoise, un comité vient de se constituer à
autun pour élever un monument à la mé-
moire du maréchal de Mac-Mahon, né à Sul-
ly, en SaÔne-et-Loire, en 1808.
Le comité adresse son premier appel aux ;
personnes qu'il croit pouvoir s'intéresser à
son projet. Il est signé de M. le sénateur Fé-
li* Martin, Périer, député, maire d'Autun, le
marquis de Vogué, ancien ambassadeur, les
généraux Mono, d'Espeuilles, de Vaulgre-
nant, îe capitaine Carnot, Renault, membre
de l'Institut, etc.
Le Coin des Rieurs
Dans le métro:
La dame, en s'asseyant. â Vous n'avez pas
l'habitude de voyager en Métro...
Le monsieur. â C'est vrai j mais comment
sa ver-vous ?...
La dame. â Vous m'avez donné votre
place ! .
Le monsieur. â Mais vous aussi. Madame,
vous n'avez pas l'habitude de ce mode de lo-
comotion.
La dame. âA quoi voyez-vous cela ?
Le monsieur; â Vous m'avez remercié.
- LANCELOT.
AUJOUR LE JOUR
Le Marchand d'Olives
Sa tournée faite, il est Temonté lentement
vers Montmartre, les jambes un peu raides
d'avoir tant marché. A minuit et demie, il
est entré dans un petit caboulot de la rue
Lepic, il a demandé un morceau de pain,/
de ce pain mince et croustillant dont on fa-
brique les sanwiches, un morceau de fromage
de gruyère, sel et poivre, â et un bock. Et
il seSt attablé. En face de lui, il a déposé
son baquet de bois blanc, vide maintenant,
sa cuiller et son sac de cacahouettes, et, ti-
rant son chapeau mou : « Voici mon meil-
leur ami ! » s'est-il écrié, les yeux fixés ten-
drement sur le baquet, â « celui qui ne me
quitte jamais, qui ne me dit jamais d'injure,
et qui me fait vivre depuis quatorze ans 1 »
Et> les prunelles humides, légèrement, il a
envoyé un baiser k son petit compagnon de
bois.
J'ai compris que te marchand d'olives était
en un soir d'expansion, et j'ai sollicité ses
conf tien ces.
Vous l'avez peut-être distingué, parmi ceux
qui longent, infatigables, les terrasses des
cafés, sur les grands boulevards, offrant aux
buveurs de bière le petit fruit vert qui avivera
leur soif et la rendra plus parfumée. Il est
bien mis ; ses mains sont petites et soignées,
et il s'exprime avec recherche. Dame, â dam*
son métier, il n'est pas le premier venu ! ;
et Moi, dit-il, non sans fierté, on me permet
de vendre à l'intérieur I » Favoritisme ? Aris-
tocratie ? En tout cas, une hiérarchie est éta-
blie entre les marchands d'olives.
a C'est la bonne saison, m'apprend-il. Au
jourd'hui, j'ai vendu mes quatre kilos,- â
j'en aurais eu trois de plus qu'ils y auraient
passé. â Quelle recette moyenne cela repré-
sente-t-il P risquè-je, indiscret.â Dix à quinze
francs. â Ce n'est pas mai. Et le bénéfi-
ce ? 11 â Le marchand d'olives ne se livre
plus : « J'achète en gros... » N'insistons pas.
Et les cacahouettes ? â « Oh 1 les cacahouet-
tes, c'est pour la fantaisie, la frime. Ça ne
compte pas. Les olives, â nouvelle caresse
au baquet, â c'est la vie I â L'hiver ?» â
La voix du marchand d'olives baisse un peu :
« Ah ! dame ! l'hiver, c'est un peu dur... »
Il est poète. « J'ai même une grande répu-
tation. Ën 1903, à l'Ane-Rouge, â vous sa-
vez bien ?jâ j'obtenais un succès énorme
avec ma déclamation sur la Mort de Gam-
betta ! La preuve, c'est que Léandre a fait
mon portrait. On l'a rais dans le Journal
Amusant. Il a du talent... Pour le remercier,
je lui ai donné mon dernier baquet, celui que
j'avais avant celui-ci, â et avec mon nom
écrit dessus. Il l'a mis dans son atelier. Ah !
Ah 1 c'est que je suis très fort, j'ai beaucoup
réfléchi. Voyez Gambetta ! On s'en occupe,
je pense, ea ce moment. Eh bien, je l'avais
prédit dans ma déclamation f Tout ce que
j'ai prédit est arrivé, tout ! Gambetta est
mort trop tôt. Il y en a bien, aujourd'hui, qui
marchent sur ses traces, mais... â îe mar-
chand d'olives prend une mine apitoyée, â
ça n'est pas ça f Ce qui nous manque, c'est
la force morale f La raison du plus fort..., di-
sait La Fontaine.Le plus.fort, c'est celui qui a
la force morale J « Le jour où les Français
auront l'éducation qu'ils doivent avoir »,
affirmait Gambetta ! Il avait encore raison
Moi, monsieur, j'ai l'éducation et la force
morale. Je possède la rareté. Il faut que Jes
instituteurs enseignent le respect des parents
et l'amour de la patrie. Voilà, monsieur. J'ai
beaucoup réfléchi, »
Le marchand d'olives n'a pas proféré de
menaces contre la République ni parlé de
grève générale. Il sait que la source du bon-
heur est en nous ; notre énergie et notre
constance. Ma foi, c'est un sage. Qui sait si
ce n'est pas un exemple ?
F. Robert-Kemp.
QI PAGE
HISTOIRE
A propos do ministère Gambetta. â
Une intéressante évocation de H.
Joseph Reinach.
. M. Joseph Reinach, à propos de la ré-
cente inauguration dm monument de Gam-
betta à Nice, évoque dans le Figaro le sou-
venir des débuts du Grand Ministère, â
évocation qui emprunte aux événements de
l'heure actuelle et à la similitude des crises
politiques un caractère vraiment piquant.
Nous regrettons de ne pouvoir reproduire
en entier cet extrait de l'Histoire du, Minis-
tère Gambetta, qiui fut publiée en 1884, et
qui contient une si saisissante leçon d'ac-
tualité politique. Bornons-nous h> ce pas-
sage :
...Franchement, hardiment, le ministère Gam-
betta entre en scène. Par sa composition, par son
esprit, par son entente sous une direction indis-
cutée, le ministère est déjà un gouvernement. Il
l'est encore, et tout de suite, par ses paroles, par
ses actes. Point de masques, point de détours,
point de faux-fuyants. H dit sans ambages quel
il est, ce qu'il entend faire. S'il îe dit très haut
â peut-être, en quelques circonstances, trop
haut, â ce n'est point par présomption insolente
ni par orgueil. C'est parce que la confusion des
pouvoirs est telle, à son avènement, qu'il est in-
dispensable, si l'on veut vraiment" mettre un ter-
me Mfoi de désordre, de faire montre, sans tar-
der, d'une grande vigueur, d'une résolution très
forte.
C'est aux fonctionnaires que le ministre s'a-
dresse d'abord. Chacun de ses membres reprend
pour son compte, explique au personnel placé
sous ses ordres ce passage de la déclaration :
⢫ Nous voulons, pour servir le gouvernement,
une administration discipinee, intègre et fidèle,
soustraite aux influences personnelles comme aux
rivalités' locales, uniquement inspirée par l'amour
du devoir et de l'Etat, a Ici, avec quelque brus-
querie, M. Gougeard réveille des grands digni-
taires endormis depuis longtemps dans une douce
routine ; « Faire régner Tordre et la justice, met
Ire chacun dans sa place ei chaque chose en son
lieu poyr l'honneur de la France» de la marine
et de la République, telle est mon intention ar-
rêtée. » Là, M.. Paul Bert, après avoir ainsi dé-
fini le rôle d'un bon administrateur : « Se faire
respecter par son énergie, se faire estimer par
sa justice, se faire aimer par sa bienveillance »,
avertit en ces termes les mécontents du dépar-
tement des cultes : « Je ne vous demande pas
une approbation secrète pour tout ce que je pour
rai faire ; je ne demande de vous que l'accom-
plissement des devoirs du fonctionnaire, qui
n'engagent point l'intimité de la conscience. La
nation, au nom de qui, si chétif que je sois,
|'ai l'honneur de parler ici, m'a donné Jes pou-
voirs nécessaires pour faire obéir sa volonté sou-
veraine. J'espère que je n'aurai pas besoin de
m'en servir. » Le général Campenon, M. Allain-
Targé, M. Bouvier tinrent une langage analogue..
Amis l acté, le coup décisif, ce fut Ta circulaire
du' ministre de l'intérieur sur les droits et les
devoirs des préfets. Quand M. Waldeck-flous-
seau avait été appelé au département de l'inté-
rieur, il y avait apporté cette conviction qu'un
systeme de gouvernement qui reposerait sur cette
idée que l'avis d'un préfet n'est rien et que la
recommandation d'un député c'est tout serait un
régime également funeste à l'indépendance de
l'électeur, du député et des ministres, c'est-à-dire
à la dignité de la République et au service de
l'Etat. Il pensait qu' « en déconsidérant les
agents du pouvoir, c'est le pouvoir lui-même
qu'on affaiblit et qu'on discrédite ». Or jamais
l'abus des recommandations n'avait été porté si
loin que depuis quelques années. ; jamais, même
sous l'ancien régime, on n'avait cru moins aux
lois, aux règlements, aux scrupules administra-
tifs ; jamais il n'avait été plus difficile de con-
vaincre le public qu'il y a d'autres chemins que
la faveur pour obtenir un emploi ou un avan-
cement dons son emploi.
Comment arrêter cet affaiblissement et ce dis-
crédit ? Comment porter ut premier coup à la
misérable politique de la démarche et de l'intri-
gue ? Un seul mov.en ; Affranchir les fonction-
naires de l'intervention abusive des sénateurs et
des députés au profit des intérêts privés, c'est-
à-dire dans plus de ta moitié des cas, au détri-
ment des intérêts généraux ; commencer ainsi
à « soustraire l'élu à l'intimité par trop pres-
sante de l'électeur ». Certes, prendre une pareille
décision et l'appliquer, c'était soulever bien des
colères et bien des haines parmi les hommes
de la politique de clocher, Mais quoi ! est-ce que
le bien de l'Etat ne devait pas primer toute
autre considération ? est-ce qu'il est possible à
des Français patriotes et à des démocrates éclai-
rés de tolérer plus longtemps une pareille source
de passe-droits ? 11 ne se trouvera personne,
dans tout le Conseil des ministres, pour îe
penser.
L'Homme p n'est pis
digne è la mort
Dédié d'une part à la noblese des Jeunes-
Turcs, émules de 1789 et disciples d'Auguste
Comte, qui ont écrit la page la plus pure de
l'histoire des révolutions,; et d'autre part à
là joie bestiale de nos royalistes français,
qui, récemment, « se tenaient les côtes » (sic)
à 1a nouvelle qu'Abdul Hamid avait renversé
la Constitution en déchaînant un suprême
massacre.
LA VENCEANCE. â Justice, j'accours vers toi
sur ta montagne où tu sièges dans l aaur sur
ton trône de glace... Je t'apporte l'enivrante
nouvelle, irréelle à force d'exultation !... Le
lâche qui du fond de son palais fit plus
d'hécatombes que Tamerlan, le bourreau
qui grelottait de péur aur le cadavre de son
peuple, la bête immonde est enfin cernée l
Justice, tu as entendu mon cri ? Je voja
flamber tes yeux dans un éclair,., et ton
glacier resplendit de joie comme un bloc de
fer rose dans la fournaise.,. Ordonne de
quelle mort il doit périr 1 . .
LA JUSTICE. â Cherché en toi-même le pire
châtiment...
LA VENGEANCE. â Toutes les tortures en
une seule torture ! Toutes les agonies de ses
cent mille victimes î Des spasmes de dou-
leur à le rendre fo-u en lui laissant juste as-
sez de répit, pour qu'il les savoure à sa-
tiété I
LA JUSTICE. â Il ressemblerait À ses vic-
times 1 tu ressemblerais au tortionnaire !
LA VENGEANCE. â Ah ! tu dis vrai ! La
haine m'égare... Sa folie sinistre est passée
en moi... lié bien, alors collé h la porto de
son harem ? Le peloton rapide et douze bal-
les au coeur 1
LA JUSTICE. â La mort des héros qu'a tra-
his le destin ? D'Enghien, Murât, Maximi-
lien ?... Tu n'as pas le droit î II n'y a pas
droit !
LA VENGEANCE. â Alors la corde, la corde
infame pour noircir la face et crever le ven-
tre à cet Iscariote des nations !
LA JUSTICE. â Les martyrs russes sancti-
fient la corde !
LA VENGEANCE. â Justice, Justice, pour
quel supplice me le donneras-tu donc î...
J'ai hâte, j'ai soif... Ma langue se desseche
dans ma gorge rauque ! L'eau ?
LA JUSTICE, â Elle est pure î La mer en
serait empoisonnée t Las requins eux-mê- !
mes n'en voudraient«^as...
LA VENGEANCE, â Le feu ?
LA JUSTICE, â Jeanne d'Arc !
LA VENGEANCE. â L'écartèlement ?
LA JUSTICE. â lï ferait le geste du Christ
en croix l
LA VENGEANCE. â Tu veux donc gracîer le
« grand assassin » ? M'arracher la bête d'en-
tre les dents ?... Non, non, je ne peux, je ne
peux te le céder 1... Et pourtant si 1... C'est,
toi qui as raison : cet homme n'est pas di-
gne de la mort, le supplice ennoblit, la mort
apitoie... Ploie-le sous le faix ù\un si dur
labeur que ses veines en éclatent et que ses
os en grincent I
LA JUSTICE. â Iï n'a pas droit non plus à
la sueur d'Hercule 1
LA VENGEANCE. â Alors pour lui la plus
vile besogne : que ses mains qu'il a saturées
de sang, remuent maintenant des excré-
ments 1
LA JUSTICE. â Le dernier des crocheteurs
de Stamboul est pur comme une fleur au-
près de lui... Ne souille pas l'ordure par les
mains de cet homme 1
LA VENGEANCE. â Hé bien, j'ai trouvé !...
Oui, j'ai compris ce que tu lui réserves... Il
faut que de ses mains il rachète ses cri-
mes. Je lui ferai découper de la charpie
pour les Arméniens retués encore et qui ne
viendront pas à bout de mourir... Le Sultan
Rouge, de ses propres ongles, creusera la
tombe des Saloniciens...
LA JUSTICE. â Arrière le chacal de la cou-
che «ïes blessés ! Arrière l'infâme des dé-
pouilles sacrées 1
LA VENGEANCE. â Il échappera donc à tout
châtiment 1 . , ,
LA JUSTICE. â Tu oublies le seul qui égale
ses crimes r jusqu'à la fm dans l'éternelle
peur ! Jusqu'à la fin dans l'ignominie avec,
sur la joue, un baiser d'Empereur !...
Paul-Hyacinthe Loyson.
LE congres DES cheminots
Il vote un ordre du jour de sympathie
aux P. T. T.
Le congrès national du Syndicat des tra-
vailleurs des chemins de fer, qui s'est
réuni hier matin en séance de commis-
sions, a tenu l'après-midi une réunion plé-
nière sous la presidence de M. Pinçon, du
Nord.
On adopte un ordre du jour clôturant la
discussion du rapport du conseil d'adminis-
tration. Cet ordre du jour est ainsi conçu :
Le congrès,
Considérant que tous les reproches adressés
au conseil d'administration sortant sur des faits
passés ne sauraient en rien â même sanction-
nés. par un vote de blâme audit conseil â chan-
ger et modifier les résultats découlant des faits
incriminés.
Décide : afin de laisser au XX* congrès le
temps matériel nécessaire à étudier les modes
d'organisation susceptibles d'empêcher le retour
de l'incohérence qui, de l'aveu de tous, n'a cessé
de régner dans les actes du conseil sortant, du
fait même du mode de son recrutement actuel,
afin de pouvoir donner l'orientation nécessaire
du nouveau conseil, de passer À l'ordre* du Jour.
Sur la demande de M. Guérard îe con-
grès donne la parole à un délégué des pos-
tiers, M. Chobeaux, dont l'apparition a la
tribune est saluée p&r des cris de « Vivent
les postiers ».
M. Chobeaux fait un court historique de
la grève des postes et une critique acerbe
du gouvernement (f qui est incapable de
conduire les choses publiques » et «< qui n'a
pas tenu les promesses faîtes aux pos-
tiers ». Il assure que cea camarades « sau-
ront en tout cas faire tenir ces promesses »,
Cette déclaration provoque de vifs applau-
dissements.
Après avoir constaté que « le fonction-
narisme est maintenant presque à la tête
de la C. G. T. » (bravos prolongés), il .dé-
clare que tes postiers comptent maintenant
sur la solidarité de tous les travailleurs
organisés mais en particulier sur celle des
travailleurs des chemins de fer.
M. Chobeaux dépose, au nom de son or-
ganisation, l'ordre du jour suivant :
Las camarades du syndicat national des che-
mins de fer, après avoir entendu le camarade
Chobeaux, du personnel des P. T. T., déclarent
avoir suivi les derniers événements avec une
émotion sympathique et être d'accord avec leurs
camarades fonctionnaires, qui luttent pour le
droit syndical et la liberté d'opinion.
Leur devoir leur impose l'obligation de dé-
clarer très haut qu'ils les encouragent a conti-
nuer la bataille pour la conquête de leurs légi-
times revendications.
Expriment le désir que tous les employés
des chemins de fer apportent le concours de
leur solidarité aux travailleurs des postes.
Cet ordre du jour est adopté à l'unani-
mité. Tandis que l'assistance applaudit fré-
nétiquement, quelques délégués se précipi-
tent vers le bureau pour réclamer un ordre
du tour plus catégorique : «1 C'est insuffi-
sant ! » crient-ils.
Le congrès décide de nommer une com-
mission dé douze membres qui aurait pour
mission d'élaborer un programme de reven-
dications de défense minimum à présenter
aux administrations et aux pouvoirs pu*
blics, et qui donnera une indication au con-
grès pour la fdrmation définitive d'une
commission de - grève, ainsi que sur l'atti-
tude et le rôle de cette commission.
La discussion s'est ensuite engagée sur le
projet transactionnel. Les délégués de la
Compagnie de l'Est demandent le huis-clos.
L'assemblée consultée en décide autrement,
et M. Grandvallet, prend la parole pour dé-
noncer certaines manoeuvres qui, dit-il, ne
sont que de pures exploitations iniques.
L'orateur fait une charge contre le parle-
mentarisme et attaque violemment M. Gué-
rard, qui affirme-t-il a usé plus d'une redin-
gote dans les antichambres ministérielles.
I! n'y a qu'un moyen pour aboutir, selon
M Grandvallet, c'est d'en arriver au plus tôt
à la grève générale.
M. Guérard, réplique aussitôt et combat
l idée de grève générale. Il reproche à l'ora-
teur la vivacité de ses paroles et une vive
discussion s'engage au milieu du tumulte gé-
nérât
M. Dechelle, c[ui succède à M. Guérard, lit
deux ordres du Jour différents et termine en
affirmant que si le Parlement n'a pas voté
prochainement l'ensemble des lois sociales
relatives aux exploitations des voies ferrées
de l'Algérie et la Tunisie, la grève sera fata-
le.
M. Berthelot présente enfin Tordre du
jour suivant :
Le congrès national décide pour faire aboutir
le projet transactionnel, la journée de huit heu-
res et la question des salaires ; que si nos cama-
rades des postes décrètent la grevé, les chemi-
nots organisent dans toute la France et cela dans
les 48 heures, des meetings, et au cas dû l'opi-
nion des travailleurs serait favorable à la grève,
d'entrer immédiatement dans le mouvement de
grève générale.
Au cas contraire, de préparer par une propa-
gande énergique, l'éducation des travailleurs des
Chemins de fer, pour la préparation de la grève
générale, seul moyen pouvant faire aboutir nos
revendications.
MB
£1 MME
Démarches infructueuses
Au Ministère de l'Intérieur
Les délégués des postiers ont fait, hier ma-
tin, au ministère de l'intérieur, !a démarche
annoncée depuis plusieurs jours. Mais ila
n'ont pu voir M. Clemenceau qui, toujours
souffrant, n'était pas venu place Beauvau.
La délégation, élue au meeting du 23 mars
à la suite du refus par les grévistes de re-
prendre le service si le gouvernement né
donnait pas des garanties plus formelles que*
les promesses faites la veille aux délégués
du syndicat des ouvriers des lignes, avait
été composée comme suit .* MM. Chastenet,
Lamarque, Le Gléo, pour les agents ; Ra-
but, Simonnet, Paugrain, pour les sous-
agents ; Pauron, Jacquesson et Mme Fari-
net, pour les ouvriers des P.T.T., et Mmee
Pech, Raspaut et Leclerc pour les dames
employées et téléphonistes.
Quelques délégués, et notamment M. La-
marque, absent de Paris, et Mme Pech, n'ac-
compagnaient pas leurs camarades, aux-
quels s'étaient joint, par contre, M. Thibault.
Lorsque la délégation s'est présentée de*
vunt la grille du ministère de l'intérieur, à
onze heures un quart, le concierge a inter-
pellé M. Pauron, qui marchait traces pre-
miers :
â Où allez-vous ?
â Nous allons voir le président du.conseil.
â Avez-vous une audience 1
â Non ] mais nous voulons faire une démar-
che qui a une certaine importance.
â Je puié vous assurer, répliqua le concierge*
que le président du conseil est absent du minis-
tère. Mais comme je n'ai pas d'ordre pour em-
pêcher d'entrer, vous pouvez aller le .demander
aux huissiers.
Les délégués ont traversé la cour et sont
entrés dans l'antichambre qui précède le ca*
binet de M. Clemenceau. Lis ont demandé
à voir le président du conseil à un huissier
qui leur a répondu :
â M. le président du conseil est souffrant ; il
n'est pas venu ce matin au ministère.
Sans insister, les délégués se sont immé-
diatement retirés. Ils ne se sont pas pré-
sentés au cabinet de M. Maujan.
Aux personnes qui les interrogeaient S
leur sortie, les délégués ont répondu qu' u ils
n'avaient rien à dire pour le moment
Cependant, M. Chastenet a dit à un jour-
naliste : Il {aut vous attendre à une grosse,-
d une très grosse surprise.
Le Syndicat est créé
A l'issue de la visite au ministère de l'in-
térieur, un groupe de militants décidés se
réunissait au café du Rocher pour jeter,-
séance tenante, tes bases, déjà arrêtées ïft
nuit dernière, du Syndicat national des
agents des P. T. T.
Le bureau syndical était aussitôt consti-
tué. En voici la composition :
Secrétaires du syndicat : MM. Lémonon, des
ambulants ; Thibault, du Centrai télégraphique â¢
Vogt, des bureau* de Paris.
Trésorier ; M. Quinard, du Central.
Archiviste : M, Pâlot, des bureaux sédentaires.
Membres du conseil d'administration ; MM.
Bougeard, du Central ; Chabbert, de la recette
I principale ; Chastenet, des bureaux sédentaires ;
Cheyzel, de la brigade roulante ; Dautry, dos am-
bulants : Dupont, des bureaux sédentaires ; Fou-
rès, du Central télégraphique ; Goujon, des am-
bulants ; Guillard, du Central télégraphique ; Ca-
margue, du Central ; Le Gléo, du Central ; Mlle
Noyon, dame employée ; Panis, commis des bu-
reaux gares ; Richier, du Central ; Mme Saint-
Martin, des téléphones (Port-Royal).
Aussitôt le bureau constitué et les signa-
tures recueillies, les trois secrétaires et MM.
Chastenet, Le Gléo, Pâlot, Quinard, Dupont,
etc., ayant pris un modeste repas, se ren-
dent 12, rue de Condé, pour rejoindre M*
Bonzon qui, en tant qu avocat-conseil dtï
Syndicat, devait assister la délégation.
Celle-ci se rend aussitôt à l'Hôtel de Ville,-
au bureau où doit s'effectuer le dépôt des
statuts.
Les copies des statuts sont précédées dll
commentaire suivant :
Considérant que les travailleurs des adminis-
trations publiques ont avec l'Etat-patron les mê-
mes rapports que les travailleurs du commerce
et de ^industrie privée avec leurs employeurs ;
que les employés des postes ne sont pas, au
sens légal du mot, des fonctionnaires qui ne dé-
tiennent pas une portion de l'autorité publique
{Cour de cassation, 18 avril 19051, qu'ils peuvent
invoquer en leur faveur la loi du 81 mars 1881
sur les syndicats et en tirer toutes les consé-
quences î
Suivent les vingt-deux articles des statuts.
Récépissé du dépôt a été donné aux délé-
gués.
Le© postiers ont gagné la salle de l'Ega-
litaire, rue de Sambre-et-Meuse, où les am-
bulants réunis attendaient la nouvelle.
Le Syndicat compte déjà un millier d'ad-
hérents.
Les Statuts du nouveau Syndicat
Voici ïes principaux articles des statuts
du nouveau syndicat des P.T.T. déposés hier
à l'Hôtel de Ville :
Article premier. â Il es tforme entre les agents
de l'administration des Postes-Télégraphes-Télé-
phones qui adhèrent aux présente statuts, une
association professionnelle qui prend le nom de ;
Syndicat des Agents des Postes, etc..., dont le
siège est à Paris, 1, place Vauban, salle Va u ban.
Art 2. â Le but du syndicat, conformément aux
dispositions de la loi du 21 mars 1S84, comporte
l'étude et la défense des intérêts économiques de
la corporation. 11 apporte son concours moral et
matériel à Ceux de ses membres qui ont un dif-
férend avec l'administration ou qui sont en butte
à des difficultés d'ordre corporatif.
U tente de régler tout d'abord par la voie amia-
ble les différends de toute nature qui lui sont
soumis par ses membres. TI poursuit auprès des
pouvoirs publics le vote des lois économiques el
sociales intéressant la corporation.
Art. 3. â Le syndicat est administré par uff
conseil composé de 21 membres élus. Par excep-
tion, le premier conseil syndical, composé des
membres fondateurs, sera simplement ratifié par
la première assemblée générale. Les membres
du conseil syndical sont élus pour an an et re-
nouvelables par tiers. Le premier et le deuxième
tiers sortant sont désignés par le sort.
Art. 4. â Le conseil d'administration nomme
dans son sein un bureau composé de trois se-
crétaires, un trésorier, un trésorier adjoint, un
archiviste. '
Àrt. 5. â Le bureau du conseil syndical est
chargé de faire, tant auprès de l'administration
que des pouvoirs publics, les interventions utils*
à la défense des Intérêts syndicaux.
Toute démarche d'un caractère personnel faite
auprès des pouvoirs publics ou de l'administrai
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