Titre : Cyrano : satirique hebdomadaire / réd. en chef Léo Marchès
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-10-13
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327537623
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 14729 Nombre total de vues : 14729
Description : 13 octobre 1929 13 octobre 1929
Description : 1929/10/13 (A6,N278). 1929/10/13 (A6,N278).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5595741k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-67833
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/01/2011
16
CYRANO
L'EBREini DU « MWQUIS»
par Louis LATZARUS
' Si du fond des Enfers, l'ombre 'd.u faux mar-
quis de Ghampauberl prend encore quelque in-
térêt aux choses de ce monde, elle doit se réjouir
de 'l'espèce de sympathie qui' l'accompagne au
delà du Sfyx. Il est toujours facile, a écrit un
bonhomme du dix-huitième siècle, « il est tou-
jours facile d'intéresser pour le malheur, même
quand .-il est une punition. » La mort tragique
d'un assez bas escroc a tout naturellement remué
au fond des coeurs cette pitié qui est ce que nous
avons de meilleur, et, de plus dangereux aussi.
On a en un instant oublié les méfaits de l'homme
pour ne" plus penser qu'aux atroces souffrances
de ses derniers instants. Etre enterré vivant nous
paraît le comble de l'horreur. En vérité, il y a
des morts plus redoutables. Mais on ne le fera
admettre à personne.
Aussi, lorsqu'on a appris que « le marquis »
avait seulement voulu abuser une fois de plus
les honnêtes gens, on ne lui a pas retiré la
compassion dont on l'avait tardivement honoré.
On a bien fait. Il faut plaindre les escrocs. Ce
sont de pauvres gens, même quand ils sont ri-
ches, et même quand ils sont vivants. A plus
forte raison quand ils étouffent sans argent au
fond d'un cercueil de comédie.
Il faut les plaindre parce qu'ils sont, vraiment
idiots. J'ai le soin de lire chaque jour les faits
divers dans le plus grand nombre de journaux
que je peux l'assembler. En trente ans bientôt, je
n'ai pas encore lu l'histoire d'un seul escroc
intelligent. Leurs combinaisons sont d'une pau-
vreté à. faire pleurer. Elles ne réussissent par-
fois que grâce à la sottise supérieure de leurs
dupes. Le plus souvent, elles ratent. Voyez qu'il
e<[ fort rare que la police ne mette pas la main
sur le filou dès sa première affaire. C'est vrai-
ment un méfier très difficile que de tromper
autrui, ou du moins de le tromper longtemps.
L'assassinat est plus aisé. Il y a beaucoup d'as-
sassins impunis qui courent les rues. Seulement,
voilà: généralement l'assassinai ne- rapporte
rien.
On dit que la morale diminue. C'est bien pos-
sible, et môme c'est à peu près.sûr. Pour la res-
taurer, il suffirait peut-être d'enseigner aux en-
fants dans les écoles que l'honnêteté c.ce qu'on a trouvé de plus lucratif. Les exemples
probants ne manqueraient pas. Et j'entends bien
qu'il est préférable d'employer d'autres argu-
ments pour déloiirner !a jeunesse de la carrière
des mauvais garçons. Mais on'fait ce qu'on-peut.
La morale utilitaire reste une morale recom-
mandable par- ses effets. Au' reste, le' surmenage
scolaire empêche de prêcher celle-là nUune au-
tre, et ce que j'en dis n'est que pour m'occuper
dans ma chambre, où le médecin m'a confiné
pour huit jours.
Réfléchisses néanmoins que si le marquis de
Ghampauberl n'eût pas été stupide, ;et affligé
d'une naïveté déplorable, il eût commencé par ne
pas s'affubler d'un titré qui ne fait plus aujour-
d'hui impression sur ;personne. Il retardait.:Il
retardait dangereusement. Mieux vaut être rotu-
rier pour échapper à la .justice. La 'liste des
marquisats est en des livres faciles à'consulter.
Le moindre inspecteur de la Sûreté peut'savoir
en un clin d'oeil si le litre est emprunté,--et quant
aux simples citoyens, ils donneront plus. aisé-
ment leur argent au cousin, d'un boxeur qu'au
descendant, faux ou vrai, d'un duc et pair.
Mais le « marquis » avait l'âme d'un.roman-
cier, et. malheureusement d'un " romancier dé-
modé. Il avait' dû lire dans son enfance' toutes
sortes d'histoires de méchants, vicomtes et de
détestables barons, éblouissant la gentille ou-
vrière de l'éclat de leur nom. Il ne pouvait se
.'dépêtrer de ses imaginations dérisoires.•Ibreslaii
donc marquis pour être plus; grand, Avouez que
ce n'est pas bien malin. ' '
Pourtant, disons-le, il avait aussi le sens dé
la littérature policière et pensait qu'il ?pourrait
jouer le rôle- de Raffles ou d'Arsène Lupin.'On
sait qu'il- avait jadis imaginé d'attirerdesbijou-
tiers dans une cave capitonnée, où. il lesîaurait
endormis par le chloroforme distribue,, comme
l'eau cl. le gaz,..au moyen de tuyaux. Ce truc-excel-
lent dans les romans n'avait pas eu dé ; succès
réel. On avait arrêté et condamné le voleur avant
que sa machination eût réussi. Mais-lès jour-
naux, comme il est naturel, avaient-'abôndam-
ment-parlé- de cette originale préparation. Per-
sonne n'avait lu leurs, récits avec aulant':de,. soin
que le pauvre sot. If avait découpé les .articles
et les avait collés dans, un .beau'registre,-'.qui
était en quelque manière son armoriai,. Et, une
vanité insensée, lui était venue. Il ne ^pouvait
croire qu'on l'oubliât, et surtout il;ne le:pouvait
souffrir.' Il songeait à écrire"'ses :mémoires,' pen-
sant tirer de l'édition, une somme vériôrme.. Gerr
lainement, tout le monde-voudrait savoir-'com-
ment Passai, dit le marquis de Ghampâubert,
avait grugé ses . contemporains. Ce qu'il i fallait
■•■ seulement,', c'était une :publicité abondante.... .'et
gratuite. Sur quoi, l'escroc combine' urie;: histoire '
' — c'est '"bien le cas'- 'de le-.; dire —-'defl'âutee
CYRANO
L'EBREini DU « MWQUIS»
par Louis LATZARUS
' Si du fond des Enfers, l'ombre 'd.u faux mar-
quis de Ghampauberl prend encore quelque in-
térêt aux choses de ce monde, elle doit se réjouir
de 'l'espèce de sympathie qui' l'accompagne au
delà du Sfyx. Il est toujours facile, a écrit un
bonhomme du dix-huitième siècle, « il est tou-
jours facile d'intéresser pour le malheur, même
quand .-il est une punition. » La mort tragique
d'un assez bas escroc a tout naturellement remué
au fond des coeurs cette pitié qui est ce que nous
avons de meilleur, et, de plus dangereux aussi.
On a en un instant oublié les méfaits de l'homme
pour ne" plus penser qu'aux atroces souffrances
de ses derniers instants. Etre enterré vivant nous
paraît le comble de l'horreur. En vérité, il y a
des morts plus redoutables. Mais on ne le fera
admettre à personne.
Aussi, lorsqu'on a appris que « le marquis »
avait seulement voulu abuser une fois de plus
les honnêtes gens, on ne lui a pas retiré la
compassion dont on l'avait tardivement honoré.
On a bien fait. Il faut plaindre les escrocs. Ce
sont de pauvres gens, même quand ils sont ri-
ches, et même quand ils sont vivants. A plus
forte raison quand ils étouffent sans argent au
fond d'un cercueil de comédie.
Il faut les plaindre parce qu'ils sont, vraiment
idiots. J'ai le soin de lire chaque jour les faits
divers dans le plus grand nombre de journaux
que je peux l'assembler. En trente ans bientôt, je
n'ai pas encore lu l'histoire d'un seul escroc
intelligent. Leurs combinaisons sont d'une pau-
vreté à. faire pleurer. Elles ne réussissent par-
fois que grâce à la sottise supérieure de leurs
dupes. Le plus souvent, elles ratent. Voyez qu'il
e<[ fort rare que la police ne mette pas la main
sur le filou dès sa première affaire. C'est vrai-
ment un méfier très difficile que de tromper
autrui, ou du moins de le tromper longtemps.
L'assassinat est plus aisé. Il y a beaucoup d'as-
sassins impunis qui courent les rues. Seulement,
voilà: généralement l'assassinai ne- rapporte
rien.
On dit que la morale diminue. C'est bien pos-
sible, et môme c'est à peu près.sûr. Pour la res-
taurer, il suffirait peut-être d'enseigner aux en-
fants dans les écoles que l'honnêteté c.ce qu'on a trouvé de plus lucratif. Les exemples
probants ne manqueraient pas. Et j'entends bien
qu'il est préférable d'employer d'autres argu-
ments pour déloiirner !a jeunesse de la carrière
des mauvais garçons. Mais on'fait ce qu'on-peut.
La morale utilitaire reste une morale recom-
mandable par- ses effets. Au' reste, le' surmenage
scolaire empêche de prêcher celle-là nUune au-
tre, et ce que j'en dis n'est que pour m'occuper
dans ma chambre, où le médecin m'a confiné
pour huit jours.
Réfléchisses néanmoins que si le marquis de
Ghampauberl n'eût pas été stupide, ;et affligé
d'une naïveté déplorable, il eût commencé par ne
pas s'affubler d'un titré qui ne fait plus aujour-
d'hui impression sur ;personne. Il retardait.:Il
retardait dangereusement. Mieux vaut être rotu-
rier pour échapper à la .justice. La 'liste des
marquisats est en des livres faciles à'consulter.
Le moindre inspecteur de la Sûreté peut'savoir
en un clin d'oeil si le litre est emprunté,--et quant
aux simples citoyens, ils donneront plus. aisé-
ment leur argent au cousin, d'un boxeur qu'au
descendant, faux ou vrai, d'un duc et pair.
Mais le « marquis » avait l'âme d'un.roman-
cier, et. malheureusement d'un " romancier dé-
modé. Il avait' dû lire dans son enfance' toutes
sortes d'histoires de méchants, vicomtes et de
détestables barons, éblouissant la gentille ou-
vrière de l'éclat de leur nom. Il ne pouvait se
.'dépêtrer de ses imaginations dérisoires.•Ibreslaii
donc marquis pour être plus; grand, Avouez que
ce n'est pas bien malin. ' '
Pourtant, disons-le, il avait aussi le sens dé
la littérature policière et pensait qu'il ?pourrait
jouer le rôle- de Raffles ou d'Arsène Lupin.'On
sait qu'il- avait jadis imaginé d'attirerdesbijou-
tiers dans une cave capitonnée, où. il lesîaurait
endormis par le chloroforme distribue,, comme
l'eau cl. le gaz,..au moyen de tuyaux. Ce truc-excel-
lent dans les romans n'avait pas eu dé ; succès
réel. On avait arrêté et condamné le voleur avant
que sa machination eût réussi. Mais-lès jour-
naux, comme il est naturel, avaient-'abôndam-
ment-parlé- de cette originale préparation. Per-
sonne n'avait lu leurs, récits avec aulant':de,. soin
que le pauvre sot. If avait découpé les .articles
et les avait collés dans, un .beau'registre,-'.qui
était en quelque manière son armoriai,. Et, une
vanité insensée, lui était venue. Il ne ^pouvait
croire qu'on l'oubliât, et surtout il;ne le:pouvait
souffrir.' Il songeait à écrire"'ses :mémoires,' pen-
sant tirer de l'édition, une somme vériôrme.. Gerr
lainement, tout le monde-voudrait savoir-'com-
ment Passai, dit le marquis de Ghampâubert,
avait grugé ses . contemporains. Ce qu'il i fallait
■•■ seulement,', c'était une :publicité abondante.... .'et
gratuite. Sur quoi, l'escroc combine' urie;: histoire '
' — c'est '"bien le cas'- 'de le-.; dire —-'defl'âutee
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93.07%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93.07%.
- Collections numériques similaires Arts de la marionnette Arts de la marionnette /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "Pam1"Paris, Sèvres, Saint-Cloud, Versailles, Saint-Germain, Fontainebleau, Saint-Denis, Chantilly : avec la liste des rues de Paris / par Paul Joanne... /ark:/12148/bd6t5774757r.highres La comédie à la cour : les théâtres de société royale pendant le siècle dernier, la duchesse du Maine et les grandes nuits de Sceaux, Mme de Pompadour et le théâtre des petits cabinets, le théâtre de Marie-Antoinette à Trianon / Adolphe Jullien /ark:/12148/bd6t5773930r.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 16/35
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k5595741k/f16.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k5595741k/f16.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k5595741k/f16.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k5595741k/f16.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k5595741k
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k5595741k
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k5595741k/f16.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest