Titre : Cyrano : satirique hebdomadaire / réd. en chef Léo Marchès
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-10-20
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327537623
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 14729 Nombre total de vues : 14729
Description : 20 octobre 1929 20 octobre 1929
Description : 1929/10/20 (A6,N279). 1929/10/20 (A6,N279).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k55957420
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-67833
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/01/2011
16
CYRANO
CAUSERIES FAMILIERES
LE DÏTNEUTi SOUTATJ{B
par G. de la FOUCHARDIÈRE
Il y a quelque chose de plus triste à voir en
vérité, que le vieux mendiant aveugle sous le
porche de l'église; que l'cnfanl infirme regar-
dant jouer des enfants bien portants; que le cor-
billard s'en allant tout seul vers le cimetière;
que le vieux cabotin usé riant sur la scène pour
tenter de faire rire dans la salle des spectateurs
au. visage sévère; que la fille, aux appas flétris,
essayant sur le passant indifférent la séduction
'de son sourire édenlé; que le buveur dyspeptique
attendant sous la pluie, dans une morne ville
d'eaux, le moment dé boire son trentième verre,
suivant l'ordonnance du médecin; que la femme
ivre trébuchant au marchepied de la voiture cel-
lulaire... et même que la famille parisienne ren-
trant le dimanche soir par un train de banlieue
après une partie de campagne.
11 y a quelque chose de plus' triste que l'au-
tomne, que la pluie, que l'hiver...
C'est le vieil homme ou la vieille femme qui
vient chaque soir dans un modeste restaurant de
clientèle bourgeoise, brouter solitairement la
.pâture nécessaire à une existence dont le pro-
longement n'offre plus le moindre intérêt.
Regardez... Observez, si vous n'avez pas peur
que votre appétit, du coup, ne soit coupé.
Le pauvre être entre furtivement, jette un re-
gard timide, à gauche et à droite, dem nde hum-
blement pardon à un type qui lui a marché sur
le pied, se glisse .comme un rat vers une table
placée dans un courant d'air et recouvre alors
assez d'aplomb pour tirer de sa poche une petite
boîte qui contient des cachets ou des pilules,
ou un flacon qui-renferme quelque espoir phar-
maceutique de prolongation. Car il y a toujours
quelque chose qui ' ne va pas; ordinairement
l'estomas, du fait qu'il se nourrit dans un restau-
rant à bon marché.
Ce rite accompli, il s'aperçoit que le serveur est
venu se placer devant lui, en glissant silencieu-
sement à la façon des garçons de restaurant ou
de café, qui ne marchent point comme les autres
hommes- Le dîneur solitaire feint.de consulter
la carLe, mais il sait déjà, ce qu'il va commander :
c'est le plat le moins cher,'comme d'habitude.
1! mange en lisant un.journal déjà lu qu'il
tient à l'envers, ce qui le dispense de regarder
autour de lui et de constater peut-être qu'on le
regarde.
Parfois, il à l'impression trompeuse qu'il a ac-
croché une sympathie: à une table voisine, un
monsieur est assis avec une dame, ce monsieur
esl un de ces types qui parlent très fort pour .
la galerie;,il raconle une histoire drôle, non pas
pour la dame qui l'a entendue vingt fois, mais
pour se donner un air spirituel vis-à-vis de ces
gens qui sont là, tout autour, qu'il n'a jamais
vus et qu'il ne reverra jamais. Ça commence
comme dans un dialogue conventionnel de théâ-
tre : «C'est comme le jour où nous étions...» et
ça finit, ainsi : «Tu te rappelles la tête qu'il fai-
sait, le type !... » De même qu'au théâtre, le récit
n'intéresse aucunement l'interlocutrice, confi-
dente habituelle qui sait par.coeur le dialogue;
il est fait à l'intention des spectateurs anonymes.
Alors, le dîneur solitaire sourit humblement,
avec une discrétion reconnaissante. Il-s'imagine
qu'il -est introduit dans une conversation.
Mais le regard du conteur passe froidement
à travers sa personne comme s'il-n'était pas là,
et se fixe sur d'autres convives, pour qui il ra-
conte une autre histoire. Le dîneur solitaire n?a
aucune importance et n'offre aucun intérêt...
Alors, le dîneur solitaire, après avoir fait du-
rer son café autant que possible, disparaît sans
qu'on le voie disparaître. Il a l'impression qu'il
est de trop parmi l'honora.ble société.
CYRANO
CAUSERIES FAMILIERES
LE DÏTNEUTi SOUTATJ{B
par G. de la FOUCHARDIÈRE
Il y a quelque chose de plus triste à voir en
vérité, que le vieux mendiant aveugle sous le
porche de l'église; que l'cnfanl infirme regar-
dant jouer des enfants bien portants; que le cor-
billard s'en allant tout seul vers le cimetière;
que le vieux cabotin usé riant sur la scène pour
tenter de faire rire dans la salle des spectateurs
au. visage sévère; que la fille, aux appas flétris,
essayant sur le passant indifférent la séduction
'de son sourire édenlé; que le buveur dyspeptique
attendant sous la pluie, dans une morne ville
d'eaux, le moment dé boire son trentième verre,
suivant l'ordonnance du médecin; que la femme
ivre trébuchant au marchepied de la voiture cel-
lulaire... et même que la famille parisienne ren-
trant le dimanche soir par un train de banlieue
après une partie de campagne.
11 y a quelque chose de plus' triste que l'au-
tomne, que la pluie, que l'hiver...
C'est le vieil homme ou la vieille femme qui
vient chaque soir dans un modeste restaurant de
clientèle bourgeoise, brouter solitairement la
.pâture nécessaire à une existence dont le pro-
longement n'offre plus le moindre intérêt.
Regardez... Observez, si vous n'avez pas peur
que votre appétit, du coup, ne soit coupé.
Le pauvre être entre furtivement, jette un re-
gard timide, à gauche et à droite, dem nde hum-
blement pardon à un type qui lui a marché sur
le pied, se glisse .comme un rat vers une table
placée dans un courant d'air et recouvre alors
assez d'aplomb pour tirer de sa poche une petite
boîte qui contient des cachets ou des pilules,
ou un flacon qui-renferme quelque espoir phar-
maceutique de prolongation. Car il y a toujours
quelque chose qui ' ne va pas; ordinairement
l'estomas, du fait qu'il se nourrit dans un restau-
rant à bon marché.
Ce rite accompli, il s'aperçoit que le serveur est
venu se placer devant lui, en glissant silencieu-
sement à la façon des garçons de restaurant ou
de café, qui ne marchent point comme les autres
hommes- Le dîneur solitaire feint.de consulter
la carLe, mais il sait déjà, ce qu'il va commander :
c'est le plat le moins cher,'comme d'habitude.
1! mange en lisant un.journal déjà lu qu'il
tient à l'envers, ce qui le dispense de regarder
autour de lui et de constater peut-être qu'on le
regarde.
Parfois, il à l'impression trompeuse qu'il a ac-
croché une sympathie: à une table voisine, un
monsieur est assis avec une dame, ce monsieur
esl un de ces types qui parlent très fort pour .
la galerie;,il raconle une histoire drôle, non pas
pour la dame qui l'a entendue vingt fois, mais
pour se donner un air spirituel vis-à-vis de ces
gens qui sont là, tout autour, qu'il n'a jamais
vus et qu'il ne reverra jamais. Ça commence
comme dans un dialogue conventionnel de théâ-
tre : «C'est comme le jour où nous étions...» et
ça finit, ainsi : «Tu te rappelles la tête qu'il fai-
sait, le type !... » De même qu'au théâtre, le récit
n'intéresse aucunement l'interlocutrice, confi-
dente habituelle qui sait par.coeur le dialogue;
il est fait à l'intention des spectateurs anonymes.
Alors, le dîneur solitaire sourit humblement,
avec une discrétion reconnaissante. Il-s'imagine
qu'il -est introduit dans une conversation.
Mais le regard du conteur passe froidement
à travers sa personne comme s'il-n'était pas là,
et se fixe sur d'autres convives, pour qui il ra-
conte une autre histoire. Le dîneur solitaire n?a
aucune importance et n'offre aucun intérêt...
Alors, le dîneur solitaire, après avoir fait du-
rer son café autant que possible, disparaît sans
qu'on le voie disparaître. Il a l'impression qu'il
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