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Il y a deux cents ans naissait Louis Pasteur : une vie en portraits

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21 octobre 2022

Louis Pasteur est né le 27 décembre 1822 à Dole (Jura). Gallica célèbre le bicentenaire de sa naissance à travers une série de billets retraçant son parcours. Rendez-vous tous les vendredis pour le (re)découvrir !

Portrait de Louis Pasteur issu de l'Album de référence de l'Atelier Nadar, volume 11

Dès la semaine prochaine, nous plongerons au cœur de la réflexion de Pasteur, en parcourant ses carnets d’expériences, conservés à la Bibliothèque nationale de France. Les billets suivants développeront chacun un domaine d’étude différent : travaux de jeunesse en chimie, controverse avec Victor Pouchet sur la théorie de la génération spontanée, travaux sur les maladies des vers à soie, sur la conservation des boissons, sur les maladies du bétail. C’est avec la mise au point du vaccin contre la rage, expérimenté en 1885, que Pasteur marque définitivement l'histoire de la science. Nous reviendrons également sur la création de l’Institut Pasteur, acteur majeur de la recherche en santé depuis sa création en 1888, sur les revues publiées par l’Institut et son réseau et sur la célébration du centenaire de Pasteur en 1922 et 1923.

En ouverture de cette série de billets, nous nous intéressons à la représentation de Pasteur, figure par excellence du grand homme de science. Que nous racontent aujourd'hui les portraits de Pasteur, de sa jeunesse à la consécration des années de maturité ?

Le jeune Pasteur

Pasteur élève à l’École normale supérieure, dessin de Charles Lebayle et photographie de Pasteur en 1857

Il existe peu de portraits du jeune Pasteur, né à l’époque des balbutiements de la photographie. Pour quelques temps encore, seule la main humaine peut tenter de fixer les traits d’une personne. Pasteur lui-même dessinait et a laissé des portraits réalisés au pastel dans ses jeunes années, dont celui de son père et de sa mère. Un dessin tardif de Charles Lebayle (1856-1898) d'après un daguerréotype restitue les traits de Pasteur au milieu des années 1840, alors élève à l’École normale supérieure à Paris et âgé d’une vingtaine d’années. Il devient docteur ès sciences en 1847, en soutenant deux thèses de physique et de chimie. Dix ans plus tard, en 1857, une photographie a fixé les traits de Pasteur à 35 ans, dans l’attitude grave qui sera celle de la plupart des portraits postérieurs. Il a aussi adopté la barbe bien taillée qui ne le quittera plus.

Pasteur et son entourage

Reproductions des pastels de Pasteur : son père Jean-Joseph Pasteur et sa mère Jeanne-Étiennette
Photographie de Louis et Marie Pasteur en 1889

L’œuvre scientifique de Pasteur impressionne par son ampleur. Le mérite revient d’abord à cet esprit méthodique et acharné mais il a aussi bénéficié du soutien sans faille de son entourage, en premier lieu celui de ses parents et de ses sœurs, ce qui lui permet de poursuivre ses études jusqu’à l’École normale supérieure. Nommé professeur de chimie à Strasbourg, il épouse en mai 1849 Marie Laurent, fille du recteur de l’Université de Strasbourg, qui sera une précieuse collaboratrice et la compagne de toute une vie. Ils auront ensemble cinq enfants, dont trois filles mortes pendant l’enfance : Jeanne (1850-1859), Cécile (1853-1866) et Camille (1863-1865). Seuls Jean-Baptiste (1851-1908) et Marie-Louise (1858-1934) parviennent à l’âge adulte. Cette dernière se marie en 1879 avec René Vallery-Radot, secrétaire de Pasteur, qui assiste son beau-père au quotidien et l'aide à gérer les relations avec ses détracteurs. Les deux époux auront également à cœur de préserver la mémoire de Pasteur. Leur plus jeune fils, Louis Pasteur Vallery-Radot, reprend le flambeau et publie les œuvres scientifiques de son grand-père, ainsi que sa riche correspondance. Il fait don des archives de Pasteur à la Bibliothèque nationale en 1964.

Photographie de Louis Pasteur et Pierre-Augustin Bertin-Mourot en 1874

Dans la majorité de ses portraits, Pasteur apparaît sérieux et austère. Sa correspondance personnelle nous le montre toutefois attentif aux siens, tendre et bienveillant. Cette photographie prise en 1874 dévoile un Pasteur détendu, un brin malicieux, en compagnie de son ami Pierre-Augustin Bertin-Mourot (1818-1884). Tous deux se connaissent depuis leurs études à l’École normale supérieure dans les années 1840. Bertin-Mourot, reçu docteur en physique en 1847, est nommé professeur de physique à la Faculté des sciences de Strasbourg en octobre 1848. Il y accueille Pasteur, venu y enseigner la chimie, en janvier 1849. Sur le cliché, la complicité des deux hommes est évidente. Pasteur lui écrit en juillet 1864 : "Mon cher ami, ta lettre m’a fait infiniment de plaisir. Elle a produit sur moi l’effet d’un bain d’eau fraîche après une journée de chaleur et de fatigues". À la mort de Bertin-Mourot, c’est Pasteur qui rédigera la notice sur sa vie, que les anciens élèves de l’École normale consacrent traditionnellement à leurs pairs.

Du laboratoire... aux ors de la République

Pasteur dans son laboratoire de la rue d’Ulm, L’Univers illustré, 12 décembre 1885

L’image de Pasteur est associée à celle du savant expérimentant dans son laboratoire, penché sur son microscope, entouré d’appareils, de fioles et de ballons à col de cygne. Après des postes universitaires à Strasbourg et Lille, Pasteur revient à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, où il est nommé administrateur et directeur des études scientifiques en 1857. Il modernise les laboratoires et y mène ses recherches jusqu’en 1888, année de création de l’Institut Pasteur. C’est donc rue d'Ulm que la majeure partie de ses travaux, sur lesquels nous reviendrons au cours des prochaines semaines, ont été réalisés. Ses découvertes lui valent de violentes attaques, mais aussi la reconnaissance et de multiples honneurs : il est élu à l’Académie des sciences en 1862 et devient "immortel" en 1882 en étant reçu à l’Académie française.

Vue d’ensemble du laboratoire de la rue d'Ulm, Le Journal illustré, 30 mars 1884

Pasteur caricaturé

Louis Pasteur sous les traits du "Bon pasteur" par Alfred Le Petit, publié dans Le Charivari du 27 avril 1882
"Laissez venir à moi les petits enragés", dessin signé Uzès, dans Le Courrier français du 4 avril 1886

Revers de la gloire, la presse satirique et les revues illustrées s’emparent du personnage de Pasteur. Dans sa caricature du Charivari du 27 avril 1882, Alfred Le Petit joue sur le nom de Pasteur et celui de la figure christique du Bon Pasteur, pour illustrer les travaux du savant sur le vaccin anticharbonneux. Drapé dans une tenue de berger, Pasteur porte sur ses épaules un bien encombrant mouton. Uzès utilise le même procédé pour la caricature "Laissez venir à moi les petits enragés", publiée dans Le Courrier français du 4 avril 1886. Pasteur, toujours vêtu en berger biblique et pieds nus, auréolé et armé d’une seringue géante, sert de rempart à des enfants apeurés face à une meute de chiens enragés.

Pasteur séparant deux princes "enragés", Le Grelot, 1er juin 1884 et Pasteur vaccinant contre la rage Émile Zola, Henri Rochefort et Paul de Cassagnac, Le Grelot, 8 novembre 1885

Au-delà des polémiques liées à ses travaux, Pasteur est aussi convoqué comme témoin du climat politique tumultueux de son temps. En une du Grelot du 1er juin 1884, Alfred Le Petit représente cette fois-ci Pasteur en costume civil, séparant deux êtres supposés "enragés" : à droite, le prince Napoléon Jérôme Bonaparte (Plon-Plon), cousin germain de Napoléon III ; à gauche, son fils le prince Napoléon Victor Bonaparte (Totor), tous deux prétendants bonapartistes au trône. L’année suivante, en une du Grelot du 8 novembre 1885, Pasteur vaccine contre la rage Émile Zola, "devenu hydrophobe à la suite du refus de Germinal", ainsi que les hommes politiques Henri Rochefort, "arrivé au paroxysme de la rage depuis qu’il est le dernier député élu de Paris" et Paul de Cassagnac, "au dernier degré de la rage depuis les élections du 4 octobre".

Pasteur refusant l’Ordre du Mérite de Prusse, caricature reproduite dans Le Rire, 27 juillet 1895

Les caricatures sont aussi l’occasion de rappeler les convictions patriotiques d’une personnalité de premier plan, modèle réconfortant pour une nation traumatisée par le conflit franco-prussien de 1870. L’Alsace, où Pasteur a passé plusieurs années au début de sa carrière, ainsi qu’une partie de la Lorraine ont été rattachées à l’Empire allemand. En janvier 1871, Pasteur renvoie le diplôme de docteur que lui avait décerné la faculté de médecine de Bonn. L’année de sa mort, en 1895, Pasteur refuse encore la croix du Mérite de Prusse. La presse française relaie avec satisfaction des caricatures de Pasteur parues dans le Lustige Blätter à Berlin ou Der Floh à Vienne, où Pasteur rejette tout honneur provenant des autorités prussiennes.

Pasteur célébrité de son temps

Portrait-carte de Pasteur issu du recueil des célébrités du XIXe siècle d’Étienne Moreau-Nélaton

Pasteur est la figure scientifique dominante en France au XIXe siècle. Dans la seconde moitié du siècle, l’usage de la photographie s’est largement répandu, et le portrait carte-de-visite, de format réduit et au coût modéré, est à la mode. Les portraits de célébrités – souvent artistiques, politiques ou mondaines – sont collectionnés dans des albums adaptés au format des cartes, tel celui d’Étienne Moreau-Nélaton (1859-1927), collectionneur et historien d’art. Dans ce recueil, Pasteur côtoie Alexandre Dumas père et fils, Gioacchino Rossini, François Guizot ou Thomas Edison. Pasteur figure également à la place d’honneur d’un album de célébrités ayant appartenu à son petit-fils, Louis Pasteur Vallery-Radot.

Pasteur photographié dans son bureau par Dornac, dans la série Nos contemporains chez eux

Dans la série Nos contemporains chez eux, réalisée entre 1887 et 1917 par le photographe Paul Cardon, dit Dornac, des personnalités reçoivent chez elles, laissant entrevoir un peu de leur intimité. Pasteur est photographié dans son bureau à l’Institut Pasteur. Sa table de travail est encombrée de papiers. Coiffé de son fameux calot, il pose assis dans un fauteuil, un bras accoudé au dossier, comme perdu dans ses réflexions.

Pasteur au Salon des artistes français de 1886

Reproduction du portrait de Pasteur et sa petite-fille Camille Vallery-Radot par Léon Bonnat, 1886
Caricature du portrait de Bonnat, dessin de Draner publié dans Le Charivari le 5 mai 1886

Deux portraits de Pasteur sont exposés au Salon de la Société des artistes français en 1886. L’un est exécuté par Léon Bonnat (1833-1922), qui jouit à cette époque d’une réputation d’excellent portraitiste. Ce tableau est une commande du brasseur danois Jacob Christian Jacobsen – fondateur de la brasserie Carlsberg – qui souhaite marquer sa reconnaissance à Pasteur pour ses études sur la fermentation de la bière. La lumière se concentre sur la figure de Pasteur, ainsi que sur sa petite-fille Camille, vêtue de clair. Pasteur est représenté en patriarche protecteur : la rosette de la Légion d’honneur, qui se détache nettement sur sa redingote sombre, témoigne de son statut – nommé chevalier dès 1853, il est ensuite élevé à tous les grades et dignités, jusqu’à la grand-croix en 1881 – mais aucun signe particulier ne révèle son activité scientifique.

Louis Pasteur dans son laboratoire peint par Albert Edelfelt, 1885

Au même Salon est exposé un autre portrait de Pasteur par le jeune peintre finlandais Albert Edelfelt (1854-1905), qui fut l’élève de Léon Bonnat. Edelfelt est un ami de Jean-Baptiste, fils de Pasteur. Il réalise ce portrait au printemps 1885 et capte un moment historique : il représente Pasteur dans son laboratoire de la rue d’Ulm, observant un bocal renfermant la moelle épinière d’un lapin contaminé par la rage. Dans quelques mois, en juillet 1885, le vaccin antirabique sera expérimenté sur Joseph Meister. Ce tableau est un succès : l’État français décide d’acheter ce tableau, maintenant conservé au musée d’Orsay. Pasteur reçoit une copie réalisée par l’artiste finlandaise Helene Schjerfbeck et retouchée par Albert Edelfelt (toujours dans les collections de la maison-musée de Louis Pasteur, Institut Pasteur à Paris). Ce portrait du savant absorbé par ses travaux est celui qui va rester dans la mémoire collective et être utilisé jusqu’à nos jours, tant pour représenter Pasteur que la figure du scientifique en exercice.

Le Jubilé de Pasteur en 1892

Jubilé scientifique de Pasteur : Le Petit Parisien, 8 janvier 1893 et La Science française, 12 janvier 1893

Le soixante-dixième anniversaire de Pasteur le 27 décembre 1892 est l'occasion de rendre un hommage grandiose à Pasteur, dont la santé est fragile. Une attaque cérébrale en 1868, à l’âge de 46 ans, l’a laissé partiellement paralysé du côté gauche. Il est victime d’une nouvelle attaque en 1887. Pour fêter le jubilé de Pasteur, une souscription internationale est lancée pour lui offrir une médaille en or, réalisée par Oscar Roty. Elle lui sera remise lors d’une cérémonie solennelle dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. La presse se fait largement l’écho de cet événement : Pasteur est ainsi représenté entrant dans l’amphithéâtre au bras du président de la République, Sadi Carnot, en une de La Science française du 12 janvier 1893.

Médaille du Jubilé de Pasteur, reproduite dans La Revue encyclopédique du 1er février 1893

Hommages lors de la mort de Pasteur en 1895

Une du Monde illustré, 5 octobre 1895 et Une du Petit journal, 13 octobre 1895

Trois ans plus tard, la mort de Pasteur, le 28 septembre 1895, suscite une vive émotion. La presse célèbre son œuvre : L’Univers illustré du 5 octobre 1895 rappelle l’étendue de ses travaux, illustrations à l’appui ; La Revue encyclopédique du 15 octobre 1895 lui consacre un dossier de 15 pages, de sa jeunesse au récit circonstancié de ses funérailles. Si beaucoup de journaux, comme Le Monde illustré du 5 octobre 1895, reprennent des portraits déjà diffusés de Pasteur, Le Petit Journal du 13 octobre 1895 propose une illustration originale en hommage à Pasteur. Son portrait est drapé du noir du deuil. À gauche, un chien enragé a été vaincu ; à droite, une jeune femme agenouillée et un enfant offrent une gerbe de fleurs. Si le drapeau français est bien visible, l’allégorie ailée est porteuse d’un message rappelant que l’œuvre de Pasteur dépasse les frontières : "À Louis Pasteur, l’univers reconnaissant".

Pour aller plus loin

Cycle de billets Gallica réalisé à l’occasion du Bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur

Bibliographie sélective d’œuvres de Pasteur et sur Pasteur

Œuvres de Pasteur, réunies par Louis Pasteur Vallery-Radot

Correspondance de Pasteur, 1840-1895, réunie et annotée par Louis Pasteur Vallery-Radot

Fonds Pasteur conservé au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France

Catalogue de l’exposition réalisée à l’occasion de la donation du fonds Pasteur à la Bibliothèque nationale en 1964 par Louis Pasteur Vallery-Radot, petit-fils de Louis Pasteur

Photothèque historique de l’Institut Pasteur et Bibliographie des écrits de Pasteur réalisée par le Centre de Ressources en Information Scientifique (CeRIS) de l’Institut Pasteur

Site du Bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur

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