Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-03-28
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 mars 1911 28 mars 1911
Description : 1911/03/28 (N12462,A33). 1911/03/28 (N12462,A33).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/10/2012
33e ANNEE. — NUMERO f2.46 £ « , --Y.- - - 1 il - LE NUMÉRO 10 CENTIMES
MARDf 28 MARS 191 t fi
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M MONT, Fondateur
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RÉDACTION
ADMINISTRATION
1°, rue Leuis-Ie-Grand
PARIS
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TÉLÉPHONES
Direction et Administration.366 - 01
Rédaction. 267 - «
Ligne Interurbaine. 102-74
De minuit à 3 h. du matin 312 -U
TÈLÉGR. : GIL BLAS, PARIS
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LE Cj"IIi.RIj.AS
;Amuser Tes gens qui passent, Teur plaire aujourd'hui
LITTÉRAIRE ET POLITIQUE '.et recommencer le lendemain.
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* J. JANIN, préface de GJL BLAS;
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Paris et Départements 9.
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-7- et aux Bureaux du Journal
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par les Classiques
M. Dujaidin-Beaunletz, s'éroot entê'té d'un
grand bon sens, s'est vu imputer toutes les
candeurs du rêve. Il exigeait, non -: il souhai-
tait qu'au moment où le privilège va être
signé qui confirmera, pour sept ans encore,
M. Albert Carré dans la direction de l'Opéra-
Comique, ce\tri-ci s'engageât à un mini-
mum de quarante représentations classiques
par an.
Un souhait si modeste, — lequel tend à si
peu empiéter sur le royaume des musiciens
qui ne seront que de ce monde, — devrait
ruiner spontanément les hostilités les plus te-
naces. M. Albert Carré a résisté, pourtant. Et
M. Dujardm-Beaumetz a dû essuyer toutes les
mauvaises raisons — les mêmes, sempiternel-
lement — où les directeurs de théâtre, tous
égaux en cela, s'obstinent contre les classi-
ques. Il a tenu bon. C'est un brave.
Il me revient que l'entente est scellée au-
jourd'hui, et que nous sommes à peu près cer-
tains d'entendre désormais, une .fois pair se-
maine, de la musique véritable, rassérénée,
éternelle, à l'Opéra-Comique.:
L'étonnement persiste.
Je comprends mal qu'un homme de la va-
leur de M. Albert Carré n'ait pas été immé-
diatement touché du soin qu'en se dévouant.
-au service des Classiques, M. Dujardin-Beau-
metz prend des intérêts plus particuliers de
l'Opéra-Comique. Je ne veux même pas faire
acte — ce qui est vrai pour l'Opéra-Comique
ne l'étant pas moins pour l'Opéra et les Fran-
çais, où les Classiques ne sont que trop sou-
vent de la Beauté suspecte et bannie, — je ne
veux pas faire acte de cet axiome : que. c'est,
uniquement, afin qu'y s-oit entretenu le culte
'des grands poètes, dramaturges et musiciens
français, que l'Etat consent annuellement à
ses théâtres ordinaires une subvention, insuf-
fisante peut-être, mais élevée ; qu'il exonère
leurs directeurs de tous frais de loyer, paten-
te, etc., et, par des honneurs régulièrement
renouvelés, les émancipe, devant la considé-
ration publique,- de la situation morale faite
aux industriels quelconques de spectacles.
C'est là un argument irréfutable ; il en est,
pourtant, de plus hauts.
Il y a celui-ci, d'abord : qu'en sollicitant le
gouvernement de théâtres subventionnés, les
directeurs se sont implicitement, formelle-
ment même, engagés à faire, à élever l'ins-
truction artistique du Français. Celle-ci trouve
Coûte sa force et sa durée dans les Classiques.
fis composent l'exemple que le temps perpé-
tue en le purifiant un peu plus chaque année.
On nous ferait croire volontiers qu'ils enga-
gent l'avenir au profit du passé, et que, dans
la nécessité qui incombe à l'esprit humain de
se renouveler inépuisablement, ils immiscent
la sécheresse et la stérilité.
C'est là 'les méjuger puérilement. Ils n'en-
gagent pas l'avenir ; ils Yédiflent, Ils le repè-
rent par la lumière pacifiée où se propose la
Beauté survivant aux époques qui l'engen-
drèrent. Us sont l'Ordre, et l'esprit s'affran-
chit du hasard de vivre et de vouloir, par les
certitudes où leurs œuvres so'nt fixées.
Sans doute, on dépérit à trop-goûter leur
ombre, à les servilement répéter dans les for-
mes mêmes où leur siècle les considéra.
Mais admirez-les à l'écart de cette ombre ; cé-
lébrez-lcs en les comprenant ; époU's,ez-:es
sans les subir ; augmentez-vous, éclairez-vous
de l'amour qui vous unit à eux..-
Contemplez-les avec le recul qui vous per-
met de les connaître tout entiers. Leur archi-
tecture, où le temps abolit ce qui fut la mode
d'une époque ou la présomption d'un homme,
s'érig" e dans la nature comme une conscience ;
leur ruine indestructible est un geste suprê-
me de la vie. C'est celui-là même qui, dans
l'avenir, montre la sûre voie, qui réconforte,
console, ennoblit, et qui nous sauve, parfois.
Les directeurs de théâtres nationaux sont,
professionnellement, commis à le perpétller,
ce geste, devant et, même, contre tout ce qui
se passe.
Le temporel ne suffit pas à leur tâche. S'ils
n'ont pas formé le rêve d'être des conserva-
teurs, au sens le plus noble du mot, des édu-
cateurs, ils usurpent la dignité qui s'attache
à leur fonction ; la subvention, de l'Etat ne
leur est point due, ni les honneurs qui com-
plètent, pour eux, les avantages de ce pécu-
niaire.
« Mais si les Classiques nous ruinent, ? La
première nécessité n'est-elle pas de vivre ? »
C'est là l'argument le plus répété par les direc-
teurs qui résistent. Fût-il justifié, il ne suffi-
rait pas. à me convertir ? La subvention doit,'
très précisément, obvier au déficit qui pour-
rait récompenser les directeurs dévoués aux
Classiques. A quoi bon les subventionner, si
.le maximum de recettes répond quotidienne-
ment à leur effort 7 .-
Mais les Classiques n'ont jamais ruiné au-
cun directeur de théâtre national ; au contrai-
re. La .forte dialectique de mon cher confrère
et ami Pierre Lalo, les chiffres dont elle a fait
récemment état, ont irréfutablement prouvé,
pour ce qui est de l'Opéra-Comique, que les
recettes les plus grosses réalisées par ce théâ-
tre étaient le salaire des représentations clas-
siques. Etant l'honneur, ils sont, aussi, le pro-
fit. M. Dujardin-Beaumetz, et tous ceux de.
mes- confrères qui ont abondé dans le sens de
sa volonté, ne veulenti donc que le bien com-
plet de M. Albert Carré quand ils le pressent
de consentir à un minimum de représentations
classiques par an. En bonne logique, iâ en de-
vrait souhaiter lui-même l'augmentation. Se-
rait-ce, vraiment ,qu'il redoute que les ouvra-
ges si déplorablement temporels dont il nous
sature encore ne résistent point à la compa-
raison qui s'imposerait alors ?
Les Classiques ne sont pas que l'honneur et
le profit, ils sont aussi l'économie, si je puis
ainsi-dire. Or, si l'économie est vraiment une
vertu, vous n'ignorez pas que c'est celile4à
surtout qui, aujourd'hu.i, doit importer à tous
'es théâtres nationaux, à l'Opéra-Comique plus
particulièrement.
Je crains bien que ce ne soit là, tout de mê-
me, le principal obstacle. (Les Classiques n'ont
qu'une exi'gence, mais ils l'ont impérieuse-
ment : ils veulent être aimés pour eux. Ils
sourient et s'accordent à ceux qui ne leur dé-
vouent qu'un zèîe fait de compréhension reli-
gieuse, de sacrifice ,d'abnégation. Etant l'é-
ternité, ils nous le font bien voir. Ils nous ou-
vrent, simple et très pur, le temple ; ils ne
permettent point que l'on s'accroupisse dessus.
Si nous exceptons quelques chefs-d'œuvre
ressortissant au genre de 1' « opéra à machi-
nes » — telle Armide, telles les Indes galantes,
etc., —' leurs créations ne se trouvent pas bien
du faste de décors qui assure à l'Opéra-Comi-
que une renommée universelle, parfaitement
légitime, d'ailleurs. Tout le décor, ici, toute la
mise en scène sont indiqués par la musique.
Rameau, Gluck, Mozart, Méhul sont prodigues
de tous les paysages qu'ils ont rêvés ; il ne suf-
fit pour s'en convaincre que de les bien exacte-
ment entendre. M. Albert Carré accomplit une
tâche magnifique quand il monte Orphée, Al-
ceste, les Iphigénies, Don Juan, La Flûte en-
chantéeJoseph ; mais elle n'est que magni-
fique. M. Albert Carré participe trop ostensi-
blement une œuvre où il devrait être tout
aboli.:
Par la décoration 'dont il les surcharge, sans
les écraser d'ailleurs, - 'il compromet les
chefs-d'œuvre classiques dans 'leur nécessaire
tradition ; il les ralentit dans leur mouvement,
et Jes fausse dans leur émotion. Et, ce faisant,
il ne réalise point les nécessaires, les glorieu-
ses économies qui, contribuant au mieux de
ses affaires dans ce monde, lui vaudraient une
réputation incomparable dans J'aveniir.:
Le seul faste qui plaise aux Classiques, c'est
celui de l'interprétation s et ce faste, il doiit
être fait, lui aussi, de compréhension reli-
gieuse, de sacrifice, d'abnégation.
Consacrez à rétribuer suffisamment des in-
terprètes instruits et dignes des Classiques
les sommes dont vous payez le superflu né-
faste de certains décors ; tout le monde s'en
trouvera mieux : le théâtre, le pubilic. et les
Classiques.
Pour me borner aux théâtres de musique, je
dois constater — et c'est, hélas ! un lieu com-
mun — qu'au dédain fait des Classiques cor-
respond, chez nous, un amoindrissement de
l'art du chant. Les ouvrages qui éclipsent
leurs chefs-d'œuvre, — les grossiers produits
de MM. Puccini, Mascagni, Leoncavallo, etc.,
surtout, — que l'on répute « bien écrits pour
la voix », n'excitent vraiment, chez les Chan-
teurs que ce que j'appellerai leur « roublar-
dise ». Que l'un d'eux adapte à leur interpré-
ta.tion le style qu'exigerait de lui l'interpréta-
tion d'un petit maître seulement — Boïeldieu,
si vous voulez — la « grosse chose » décèle
tout de suite sa vacuité ; elle traîne (sic), elle
ennuierait vite. Que le chanteur, au conitraire,
y épanouisse le mauvais goût vocal le plus cy-
nique, la plus égoïste personnalité, son succès
est facile, immédiat. Combien de chanteurs
sont capables, aujourd'hui, de trouver, dans
une saine et simple conscience de la musique
et de leur mission, la force de déclliner un
succès de cet aloi ?
Quelque estime, quelque admiration même
que son double septennat de direction lui mé-
rite, M. Carré doit se résigner à entendre ce re-
proche : il a beaucoup méfait contre l'art du
chant ; sa répugnance aux classiques,— à leur
compréhension désintéressée de toute satis-
facLion personnelle, p-luitôt., - est pour beau-
coup dans ce mal. On cherche en vain dans
son répertoire ces Noces de Figaro, toujours
promises, toujours reculées, qui n'auraient be-
soin pour émouvoir et convaincre que du con-
cours de véritables chanteurs.
Le mal ne sévit pas que dans les théâtres. Il
s'étend aux Conservatoires. Je l'ai pu évaluer
durant deux ans de fréquentation quotidienne
au Conservatoire de Paris. Le noble artiste qui
le dirige, notre grand et cher Gabriel Fauré,
sait le danger, et, dans la mesure où son auto-
rité le lui permet, il l'écarté. Selon sa règle,
les professeurs de chant s'opposent au mons-
tre. Mais, dans Les classes de déclamation ly-
rique, s'implante, s'obstine, et tend à préva-
loir, ce répertoire de l'Opéra-Comique qui ne
réclame pas nécessairement- la collaboration
de véritables chanteurs. Ici encore, les profes-
seurs luttent. Mais, chez les élèves qu'ils en-
seignent, le cœur, comme on dit, n'y est pas.
L'Opéra-Comique est une façon de paradis
dont ils rêvent. Ils bougonnent : « Les Classi-
ques, les Classiques ? C'est joli. Mais où me
les fera-t-on (Vaanter, les Classiques ? » Et la
nécessité de chanter pour vivre gagne à M.
Puccini un cœur que Mozart eût, peut-être,
comblé. -
Cette préoccupation des intérêts supérieurs
et de renseignement du chant a, certaine-
ment, occupé M. Dujardin-Beaumetz ; elle
n'est pas la moins bonne, la moins impérieuse
des raisons qui le justifient, contre M. Carré,
de son zèle pour les Classiques.
jCeorges PiocK,
Echos j
Les courses• v -
- -
MAISONS-LAFFITTE, mardi 28 mars, a 2 heufet*
Pronostics du Gil Blas 3
Prix d'Epône.:^— Alby, Valmorê.
Prix Roxelane.. - Princesse Tchèquê, rpreilifit.
Prix du Paddock. Boléro 111, Valemont<
Prix Perplexe. —1 Marsa, Frère de Roi,
Prix des Haras Nationaux.r'+- Radis Noir, 7~
men. ;
Prix d'AImenèches..: Goliette, As arias..
Un confrère.
Il va paraître aujourd'hui un nouveau journal,
la Bataille. M. Augagneur et quelques socialistes
« indépendants 1 y vont collaborer en « leaders r,
et la Lanterne, avec M. Flachon, son directeur,
en assurera la rédaction courante. Cette apparition
se fera sans bruit et la Bataille sera discrète. Sou-
haitons-lui, tout de même, la victoire..
-X.-"
Feuillets d'album.
M. Henry Bataille publia, jadis, un album de
Têtes et Pensées, fort remarquable. Il ajoutait à
une silhouette fort expressive un jugement ironique
et qui ne manquait pas d'exactitude. Il écrivait :
Catulle Mendés. - Blondeurs et bec de gaz, en
veilleuse à l'aurore., ,.
André Gide. 1---' Délicieusement penché vers le
sourire. *
Le saule et l'eau tout à la rois.
Une eau qui dit js n. Ecoute-moi, écoute-moi
Et puis s'en va !
Fernand Vandérem.; - If a l'air 'd'être fait en
cendres de cigares..* r ■ ..-
Pierre Valdagne. :- Un nuage Ge cigarettes clans
Je fond d'une pièce.: f
Maurice Dûnnnay. — Bouife, boum!. Voilà Pa-
ris, boum, boum! Voilà l'hiver qui s'ouvre, récep-
tions, petits fours, boudoirs, babies. Et puis Nice,
beau soleil : promener. charmer.,. souffrir., boum,
■boum !
Tristan Bernard -— Ce tonnenau de Diogène d'où
sortirait la voix de Socrate. « .,.., •
Iules Renard. — La tête £ n forme de haricot et
le double menton des oies vexées. Et l'oreille,
comme celles des lapins, dressée, dans le silence
microscopique des choses, écoute.
Avouez que c'est délicieux, C'est d'Un humo-
riste exquis et d'un poète.
---X".;;;;;;,f
(
FIGURINES 1— l
Roger Monteaux
Il vient de manifester, Clans le rôle principal et
si difficile de Maman Colibri ses dons remarqua-
bles. Il est distingue, chaleureux mais sobre, sV,'¡:
déjà de son' métier et, cependant, sensible, sincère
et sans artifices.
Il a vingt-huit ans. Il est un peu de Bordeaux,
un peu de Paris, et a débuté au Vaudeville il y a
quelques années ; car il est tout jeune. Il a créé
très consciencieusement des rôles secondaires dans
plusieurs comédies modernes et, tout à coup, a
montré ces dons dramatiques dans le rôle ingrat
du frère de la Vierge folle qu'il créait au Gym-
nase. Il joua chez Réfane et n'y fit pas grand'
chose ; mais, Vété venu, il consentait à travailler,
quatre mois durant, sur la petite scène d'une ville
d'eaux où il interprétait sans répit les personna-
ges les plus divers. Ainsi se forma-t-il par un tra-
vail méritoire. -"
Car il est modeste, simple, rangé, ëprls de son
art, et pas « jeune premier » pour un SOle; il est
un parfait article. La Comédie-Française, où M.
Grand soutient, seul, un labeur à présent un peu
lourd, a déjà besoin de lui ; mais il a bien le
temps de vieillir
«—X—
Le roi. t
Devant les difficultés qui -grandissent et les ré-
clamations des Monégasques,; on parle de la démis-
sion possible de M. Flach, ,te nouveau gouverneur
de Monaco. !
En réalité, il n'est guère,', dans la principauté,
qu'un homme populaire et paraissant dévoué au
prince, au peuple et même à tout le monde à la
fois : c'est M. Raoul Gunsbourg. Il faut qu'on le
nomme gouverneur général, '.en attendant qu'on le
couronne roi! [ ,:
La mise en croix. r
On achève, en ce moment, à l'Opéra-Comique, la
mise en scène d'une œuvre çompliquée et tumul-
tueuse de M. Raoul Laparra, la Jota, où ce jeune
et actif compositeur traduit les violences de la
guerre civile en Espagne. Il est aisé de croire que
M. Albert Carré affirmera, en la ciconstance, sa maî-
trise dramatique, Mme Car sa puissance de tra-
gédienne lyrique. H
Il y avait une scène ter ble. Un grand Christ
dramatique, au bord du chemin, étendait ses bras
douloureux, et les soldats lt criblaient de balles;
alors, le Christ tombait de sa croix, décloué, et son
corps lamentable .se balançait, soutenu par une main
aux blessures agrandis. Un iiioine arrêté, condamné
à mort, devait prendre sa place, et on le clouait
enfin sur la croix parmi les çris, les coups de fusil,
les danses et les râles. Du sang, de la volupté et
de la mort.
A-t-on craint le réalisme .excessif -de cette scène
de fanatisme civil et-religieux ? Bref, il est au jour-
d'hui question d'en atténuer la violence, et nous ne
verrons pas le Christ fusilléiet pantelant. Nous de-
vrons nous contenter du moine.:
» X—* *
Comme Napoléon.
Une sociétaire, encore fort ,belle fille, de la Comé-
die-Française, se rit parfois des histoires amoureu-
ses d'une sienne camarade et" d'un homme politique
influent, et leur pronostique une mauvaise fin. On
rapportait récemment ses propos à l'homme politique
en question. t,
»— Savez-vous, lui disait-qjn, ce Qu'elle raconte-t
- t
Eli bien ! elle raconte que sa camarade vous mènera.
loin !
— BaK ! fit-il, elle ne me mènera: jamais qu'à
1 Saint-Cloud..,
-'x:- »
Mésaventure. ;
#•
Dans une lettre qu'il adresse au Temps, M. Geor-
ges Cain, conservateur du musée Carnavalet, an-!
nonce — nous le demandions hier — que le masque
en cire de Robespierre sera, dès ce jour, supprâtié
des collections publiques.
Ce ne sera point une grande pirte pour la curio-
sité des visiteurs, même si l'histoire que raconte le
'iournal belge, et que nous rapportions hier, est
fausse : ce masque, même s'il remonte à 1820, ne
provient que d'un musée de foire, et son caractère
de fantaisie est évident. M. Charles Simon l'afficha,
vingt années durant, dans son salon. Et mille per-
sonnes l'y ont vu. Ce n'était point raison suffisante
pour l'exposer solennellement dans un musée muni-
cipal. Il y a, quoiqu'on en dise, beaucoup plus de
curieux objets authentiques dans nos collections pu-
bliques, et la conclusion de cette petite mésaventure
est qu'il y faut veiller avec un zèle toujours averti.
; Hyménée.
• Notre excellent confrère, -M. Henry Gauthier
Villar.s, généralement réputé sous le pseudonyme de
Willy, se marie. On sait qu'il épousa, jadis, une
charmante femme de beaucoup d'esprit qui a con-
tribué grandement au renom de Claudine, et dont
il a séparé, après quelques années heureuses, sa
vie. Mme Colette Willy, qui n'est plus Mme Willy,
continue seule sa brillante carrière de lettres, et
vagabonde à son gré.
Willy unit de nouveau son existence à Mlle Mar-
guerite Maniez, femme de lettres aussi, disent les
publications officielles. Mais la belle épousée est
déîà connue, à Paris et à Bruxelles, sous le pseu-
donyme de Meg Villars, comme danseuse pleine de
grâce. La voilà femme de lettres! Tant mieux :
Willy trouvera, sans nul doute, en sa légitime col-
laboratrice, une union profitable au roman parisien.
A-près 'RivoU.,
On cause à la sortie de l'Odéori 1
h— Singulière pièce qu'a choisie Antoine'!
t~ Un faux choix..t
Le Diable. boiteux*
-.
MATINALE
Le mystérieux spectateur
A la répétition générale de l'Odéon, tout le monde
remarquait un spectateur qui se dissimulait dans une
loge. On apercevait un visage noble et un peu fati-
'f!ué, de longs cheveux qui couvraient le cou et se
'dérouléent sur les épaules. On se demandait si
c'était un artiste ou ltféva, l'homme de la nature. La
complicité d'une ouvreuse me permit d'arriver jus-
qu'à lui et, malgré ses. protestations, j'entrepris de
le soumettre au supplice de l'interview.
î— Il me semble, lui dis-je, que je vous reconnais.
Certainement, j'ai déjà vu votre figure. Vous me
iaites songer à des portraits historiques. le crois
être en présence d'un personnage du grand siècle.
Ne seriez-vous pas un descendant de Louis XIV'!
N'aurais-je pas l'honneur de me trouver devant
Naundorff?
Il me demanda qui 'était ce Namidorff.
- Nul ne le sait, lui répondis-je. On 'prétend
qu'il est le descendant direct de Louis XVI, et c'est
Ice que le Sénat décidera demain.
- Mais, s'écria l'inconnu, comment s'appelle-t-il
Naundorff s'il appartient à la famille royale?
■— C'est que son aïeul aurait été Louis XVII et
au il aurait pris le nom de Naundorff après s'être
-évadé du Temple.-
-- Pourquoi s'esi-il 'évadé du Temple? C'était
une demeure agréable où les libertins soupaient gaie-
ment en tenant des propos d'une philosophie un peu
audacieuse. Ceux qui n'avaient pas encore la foi y
connurent des heures délicieuses.
- Le Temple était une prison où furent enfermés
Louis XVI et les siens. ,
-- On a emprisonné Louis XVI?
1— Et f!.uillotÙzé! Vous ne savez donc den7,
1— Guillotiné? Que signifie ce mot?
:— On lui a coupé la tête avec une machine qui
s'appelle la guillotine.
- Non? Et alors?
1— 01t a guillotiné la reine aussi,.
f—Bah? Et qui gouvernait?
>— Le peuple jusqu'au moment où le petit général,
Ctue vous avez vu tout à l heure sur la scène, est
devenu empereur sous le nom de Napoléon lCl.
—. Excusez-moi, soupira l'inconnu; mais je suis
mort depuis plus de deux siècles. On m'appelait
lean Racine. Il paraît que l'auteur de la pièce,
M. Fauchoisi a parlé sans respect de mes tragédies
et de ma carrière. Aussi, ce soir, tout le monde.
pense à moi et, depuis que vous avez vu l'Oiseau
Bleu, vous n'ignorez pas que le souvenir ressuizite
les morts. Tous ces spectateurs, en songeant en
même temps à moi, m'ont matérialisé, et me voici,
de nouveau, dans une salle de théâtre. Vous avex
des actrices, — j'ose le dire, — qui sont aussi sédui-
santes qus Mlle Duparc et Mlle Champmeslé..
— le leuT ferai connaître votre appréciation,
maître. Màis que pensez-vous. de M. Fau'c/¡ois, de
sa Pièce, de ses vers?
— le ne veux rien dire. Ce qui m'emruie, c'est
au il ait choisi pour héros ce Bonaparte qui devint
Napoléon. Les bruits du monde ne parviennent pas
tous jusqu'à moi; je ne reçois que ceux qui m'in-
téressent particulièrement. Aussi, je n'ignore pas
que ce Napoléon 1er n'était pas très intelligent.
■— Comment, maître ? Mais il eut un génie si mer-
veilleux que nous en subissons encore la puissance.
Au fond du cœur, tous les. Erançais sont oonapar-
f tistes.
Il fit la moue et conclut 3
- C'était pourtant un homme médiocre. Il avait,:
en effet, un goût particulier pour. le théâtre de Cor,
neille.
tfozièroi 4
Los Trento ans ae IIJéâtro
Lt Uisitre populaire
et la Comédie-Francaise
Çt.
Ce Gil Blas est un journal rigoureusement indé-
pendant, ouvert à l'expression de toutes les opi-
nions, à la condition, toutefois, qu'elles soient /or¡.
dées sur la bonne foi et qu'elles ne visent à ser-
vir que des intérêts -généraux et supérieux. Le Gil
Blas est, également ouvert à toutes ies réponses,
que pourrait provoquer l'expression de ces opi-
nions. Il s'affirme ainsi une tribune libre où cha-
cun peut, sous sa responsabilité personnelle, dire,
ce qu'il pense.,
Les « Trente Ans de Théâtre » vont célébrer
leur 2509 représentation et -leurs 600.000 francs
« distribués, nous dit M. Bernheim, aux pau-
vres du théâtre et aux si inltéressaavts person-
nels des scènes (parisiennes ».
C'est de toute façon un résultat qui emeue.
Cela existe, cela a une influence, une impor-
tance. Dix ans d'effort ont aocompdi une œu-
vre. Et si l'on ne peut opposer à ces réalités;
que des rêves avortés, des intentions, des pro-
jets de loi et des devis d'architectes, on n'a
qu'à se taire, et même admireT : car M. Ber-
nheim, lui, a fait quelque chose. *<
L'œuvre accomplie peut être envisagée sous
trois faces : une œuvre de charité, une tenta-
tive de théâtre populaire, une extension de la
comédie française. Le premier point semNe
indiscutable. Il a été le prétexte. Mais une lo-
terie aurait été autrement profitable. Les re-
traites de gens de lettres ont obtenu des mil-
lions. Mais si pour obtenir des retraites aux
vieux acteurs, l'oeuvre prive de leur gagne-
pain des acteurs en âge de travailler, si pour,
donner des cachets supplémentaires aux artis-
tes-de la Comédie-Française, aux plus cossus,;
aux sociétaires, l'œuvre prive de leur soirée
les pauvres diables des faubourgs, est-ce de la
.c.h:rurit-é ?
M. Bernheim proteste qu'il joue le vendredi,
jour où les théâtres de faubourg ne font pas
recette, que le tarif reste le môme, et que les
directeur0 sont libres de louer leur salle. « A
qui donc, demande-t-il, ces (représentations
classiques populaires portent-elles préjudi-
ce ? » -
A qui ? Je vais le dire, ou plu'tôt, car j'ai
voulu m'en assurer, le président de l'Associa-
tion des théâtres de faubourg, M. Berny lui
donnera son avis, avis intéressé.
Rappelons cependant d'abord, ce que fut le
théâtre populaire. Un rêve ? Une partie-de
notre (génération l'avait fait vers 1900. Lisez-en
l'histoire dans le beau livre de Roma-in Rol-
lanid, Un rêve ? Pas seulement ; si les profats
de Camille de Sainte-Croix, de Mendès, de îa
Revue d'art dramatique et tant d'autres sont
restés des projets, si le théâtre de M. Potte-
cher est resté cantonné à Bussang, deux en-
treprises : cène de M. Beaulieu, celle de M.
Berny, furent des réalités auxquelles l'appui
des pouvoirs publics aurait pu donner l'exten-
sion espérée. L'une est morte, l'autre vit tou-
jours, et compte à son répertoire des œuvres
que la Comédie-Française s'honorerait cte
jouer. C'est le Théâtre Populaire, 8,.rue de Bel-
leville, qui fut inauguré le 19 septembre 1903
avec le Danton de Romain Rolland. Un coup
de main des pouvoirs publics. C'est un coup -
de pied qu'on a reçu :
Paris, le 21 mars 1911..
Cher Monsieur Morel, -
Non seulement M. À'. Bernheimjest dans le faux
lorsqu'il attribue à l'entreprise des Trente Ans
de Théâtre le titre de « Théâtre Populâire », mais
encore il fait une concurrence déloyale aux théâ-
tres de quartiers qui luttent péniblement contre
les beuglants et les cinémas de plus en plus nom-
breux. -
En effet, le président subventionné des Trente
Ans se trompe absolument lorsqu'il croit attirer
le vrai peuple des faubourgs. La.plus grande par-
tie de son public est composée de bourgeois écc*- *
nomes, heureux de voir, mieux placés et à meil-
leur marché, les artistes qui coûtent si cher à
l'Opéra et aux Français.'Le reste de ses salles est
rempli par la ilare clientèle qui fréquente nos
théâtres pendant la semaine, ce^ui fait que la
soir de sa représentation, la veille et les lende-
mains, nos jours habituellement creux deviennent
des jours vides. Mes confrères l'ont si bien com-
pris qu'ils refusent tous leurs salles à M.
Bernheim. (Il a fallu le hasard d'un changement
de direction pour rendre aux Trente Ans de Théâ-
tre. momentanément, j'en suis sûr, les théâtres -
du Montparnasse, des Gobelins et de Grenelle.)
Voilà l'explication des Galas salle Wagram, du
Vingtième siècle, etc., etc.
Notre association s'est émue des dangers que'
courent nos exploitations, par suite de la concur-
rence que nous fait cette entreprise de tournées à
l'usage des artistes des théâtres subventionnés,
qui n'avaient "ftainement pas assez souvent l'oc-
casicn de jouer ailleurs que dans leurs théâtres !.
Mais pouvions-nous décemment nous plaindre. ?
L'étiquette charitable 'dont ces représentations
étaient couvertes les rendait Tabou ! En bonne
logique, que pouvions-nous faire ? Nous avons dà
uous contenter de refuser nos scènes, en silence !
Comment voulez-vous que nous luttions ?
Vous save'z que, depuis neuf ans, j'ai eu la chan-
ce de prouver que le peuple, le vrai, ■— pas celui
des Trente Ans de Théâtre, — celui des faubourgs,
aimait d'instinct les belles choses ! — J'tú pu don-
ner avec succès des séries de huit représentations
consécutives avec des pièces classiques ! Mais M.
Bernheim est venu, et j'ai dû les espacer et pres-
que les supprimer ! Pouvais-je raisonnablement
monter les grands chefs-d'œuvre avec de jeunes <
artistes et des élèves du Conservatoire après que
les vedettes de la Compte avaient joué aux Trente
Ans de Théâtre, des pièces entières et les actes
principaux de toutes les œuvres que j'avais ins-
crites à mon programma ?
Lorsque nous demandons l'autorisation Qe jouer
qine pièce du répertoire de la Comédie-Française,
on nou-s la refuse. Pourquoi, puisque M. Bernheim,
qui n'est pas patenté, lui, obtient non seulement
le répertoire, mais encore les artistes, les costu-
mes les accessoires des théâtres nationaux, pour
venir gêner notre commerce et empêcher notre ,
effort d'art ?!!
Allons, cher Monsieur Morel, votre idée de 1900
M'était pas si lisible, et j'ai souvent rêvé de la
Ressusciter, dans- mon Théâtre Populaire de Belle-
MARDf 28 MARS 191 t fi
-1
M MONT, Fondateur
'—
RÉDACTION
ADMINISTRATION
1°, rue Leuis-Ie-Grand
PARIS
s«
TÉLÉPHONES
Direction et Administration.366 - 01
Rédaction. 267 - «
Ligne Interurbaine. 102-74
De minuit à 3 h. du matin 312 -U
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;Amuser Tes gens qui passent, Teur plaire aujourd'hui
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* J. JANIN, préface de GJL BLAS;
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-7- et aux Bureaux du Journal
Ii'a?saii)i$$en)ei)f
par les Classiques
M. Dujaidin-Beaunletz, s'éroot entê'té d'un
grand bon sens, s'est vu imputer toutes les
candeurs du rêve. Il exigeait, non -: il souhai-
tait qu'au moment où le privilège va être
signé qui confirmera, pour sept ans encore,
M. Albert Carré dans la direction de l'Opéra-
Comique, ce\tri-ci s'engageât à un mini-
mum de quarante représentations classiques
par an.
Un souhait si modeste, — lequel tend à si
peu empiéter sur le royaume des musiciens
qui ne seront que de ce monde, — devrait
ruiner spontanément les hostilités les plus te-
naces. M. Albert Carré a résisté, pourtant. Et
M. Dujardm-Beaumetz a dû essuyer toutes les
mauvaises raisons — les mêmes, sempiternel-
lement — où les directeurs de théâtre, tous
égaux en cela, s'obstinent contre les classi-
ques. Il a tenu bon. C'est un brave.
Il me revient que l'entente est scellée au-
jourd'hui, et que nous sommes à peu près cer-
tains d'entendre désormais, une .fois pair se-
maine, de la musique véritable, rassérénée,
éternelle, à l'Opéra-Comique.:
L'étonnement persiste.
Je comprends mal qu'un homme de la va-
leur de M. Albert Carré n'ait pas été immé-
diatement touché du soin qu'en se dévouant.
-au service des Classiques, M. Dujardin-Beau-
metz prend des intérêts plus particuliers de
l'Opéra-Comique. Je ne veux même pas faire
acte — ce qui est vrai pour l'Opéra-Comique
ne l'étant pas moins pour l'Opéra et les Fran-
çais, où les Classiques ne sont que trop sou-
vent de la Beauté suspecte et bannie, — je ne
veux pas faire acte de cet axiome : que. c'est,
uniquement, afin qu'y s-oit entretenu le culte
'des grands poètes, dramaturges et musiciens
français, que l'Etat consent annuellement à
ses théâtres ordinaires une subvention, insuf-
fisante peut-être, mais élevée ; qu'il exonère
leurs directeurs de tous frais de loyer, paten-
te, etc., et, par des honneurs régulièrement
renouvelés, les émancipe, devant la considé-
ration publique,- de la situation morale faite
aux industriels quelconques de spectacles.
C'est là un argument irréfutable ; il en est,
pourtant, de plus hauts.
Il y a celui-ci, d'abord : qu'en sollicitant le
gouvernement de théâtres subventionnés, les
directeurs se sont implicitement, formelle-
ment même, engagés à faire, à élever l'ins-
truction artistique du Français. Celle-ci trouve
Coûte sa force et sa durée dans les Classiques.
fis composent l'exemple que le temps perpé-
tue en le purifiant un peu plus chaque année.
On nous ferait croire volontiers qu'ils enga-
gent l'avenir au profit du passé, et que, dans
la nécessité qui incombe à l'esprit humain de
se renouveler inépuisablement, ils immiscent
la sécheresse et la stérilité.
C'est là 'les méjuger puérilement. Ils n'en-
gagent pas l'avenir ; ils Yédiflent, Ils le repè-
rent par la lumière pacifiée où se propose la
Beauté survivant aux époques qui l'engen-
drèrent. Us sont l'Ordre, et l'esprit s'affran-
chit du hasard de vivre et de vouloir, par les
certitudes où leurs œuvres so'nt fixées.
Sans doute, on dépérit à trop-goûter leur
ombre, à les servilement répéter dans les for-
mes mêmes où leur siècle les considéra.
Mais admirez-les à l'écart de cette ombre ; cé-
lébrez-lcs en les comprenant ; époU's,ez-:es
sans les subir ; augmentez-vous, éclairez-vous
de l'amour qui vous unit à eux..-
Contemplez-les avec le recul qui vous per-
met de les connaître tout entiers. Leur archi-
tecture, où le temps abolit ce qui fut la mode
d'une époque ou la présomption d'un homme,
s'érig" e dans la nature comme une conscience ;
leur ruine indestructible est un geste suprê-
me de la vie. C'est celui-là même qui, dans
l'avenir, montre la sûre voie, qui réconforte,
console, ennoblit, et qui nous sauve, parfois.
Les directeurs de théâtres nationaux sont,
professionnellement, commis à le perpétller,
ce geste, devant et, même, contre tout ce qui
se passe.
Le temporel ne suffit pas à leur tâche. S'ils
n'ont pas formé le rêve d'être des conserva-
teurs, au sens le plus noble du mot, des édu-
cateurs, ils usurpent la dignité qui s'attache
à leur fonction ; la subvention, de l'Etat ne
leur est point due, ni les honneurs qui com-
plètent, pour eux, les avantages de ce pécu-
niaire.
« Mais si les Classiques nous ruinent, ? La
première nécessité n'est-elle pas de vivre ? »
C'est là l'argument le plus répété par les direc-
teurs qui résistent. Fût-il justifié, il ne suffi-
rait pas. à me convertir ? La subvention doit,'
très précisément, obvier au déficit qui pour-
rait récompenser les directeurs dévoués aux
Classiques. A quoi bon les subventionner, si
.le maximum de recettes répond quotidienne-
ment à leur effort 7 .-
Mais les Classiques n'ont jamais ruiné au-
cun directeur de théâtre national ; au contrai-
re. La .forte dialectique de mon cher confrère
et ami Pierre Lalo, les chiffres dont elle a fait
récemment état, ont irréfutablement prouvé,
pour ce qui est de l'Opéra-Comique, que les
recettes les plus grosses réalisées par ce théâ-
tre étaient le salaire des représentations clas-
siques. Etant l'honneur, ils sont, aussi, le pro-
fit. M. Dujardin-Beaumetz, et tous ceux de.
mes- confrères qui ont abondé dans le sens de
sa volonté, ne veulenti donc que le bien com-
plet de M. Albert Carré quand ils le pressent
de consentir à un minimum de représentations
classiques par an. En bonne logique, iâ en de-
vrait souhaiter lui-même l'augmentation. Se-
rait-ce, vraiment ,qu'il redoute que les ouvra-
ges si déplorablement temporels dont il nous
sature encore ne résistent point à la compa-
raison qui s'imposerait alors ?
Les Classiques ne sont pas que l'honneur et
le profit, ils sont aussi l'économie, si je puis
ainsi-dire. Or, si l'économie est vraiment une
vertu, vous n'ignorez pas que c'est celile4à
surtout qui, aujourd'hu.i, doit importer à tous
'es théâtres nationaux, à l'Opéra-Comique plus
particulièrement.
Je crains bien que ce ne soit là, tout de mê-
me, le principal obstacle. (Les Classiques n'ont
qu'une exi'gence, mais ils l'ont impérieuse-
ment : ils veulent être aimés pour eux. Ils
sourient et s'accordent à ceux qui ne leur dé-
vouent qu'un zèîe fait de compréhension reli-
gieuse, de sacrifice ,d'abnégation. Etant l'é-
ternité, ils nous le font bien voir. Ils nous ou-
vrent, simple et très pur, le temple ; ils ne
permettent point que l'on s'accroupisse dessus.
Si nous exceptons quelques chefs-d'œuvre
ressortissant au genre de 1' « opéra à machi-
nes » — telle Armide, telles les Indes galantes,
etc., —' leurs créations ne se trouvent pas bien
du faste de décors qui assure à l'Opéra-Comi-
que une renommée universelle, parfaitement
légitime, d'ailleurs. Tout le décor, ici, toute la
mise en scène sont indiqués par la musique.
Rameau, Gluck, Mozart, Méhul sont prodigues
de tous les paysages qu'ils ont rêvés ; il ne suf-
fit pour s'en convaincre que de les bien exacte-
ment entendre. M. Albert Carré accomplit une
tâche magnifique quand il monte Orphée, Al-
ceste, les Iphigénies, Don Juan, La Flûte en-
chantéeJoseph ; mais elle n'est que magni-
fique. M. Albert Carré participe trop ostensi-
blement une œuvre où il devrait être tout
aboli.:
Par la décoration 'dont il les surcharge, sans
les écraser d'ailleurs, - 'il compromet les
chefs-d'œuvre classiques dans 'leur nécessaire
tradition ; il les ralentit dans leur mouvement,
et Jes fausse dans leur émotion. Et, ce faisant,
il ne réalise point les nécessaires, les glorieu-
ses économies qui, contribuant au mieux de
ses affaires dans ce monde, lui vaudraient une
réputation incomparable dans J'aveniir.:
Le seul faste qui plaise aux Classiques, c'est
celui de l'interprétation s et ce faste, il doiit
être fait, lui aussi, de compréhension reli-
gieuse, de sacrifice, d'abnégation.
Consacrez à rétribuer suffisamment des in-
terprètes instruits et dignes des Classiques
les sommes dont vous payez le superflu né-
faste de certains décors ; tout le monde s'en
trouvera mieux : le théâtre, le pubilic. et les
Classiques.
Pour me borner aux théâtres de musique, je
dois constater — et c'est, hélas ! un lieu com-
mun — qu'au dédain fait des Classiques cor-
respond, chez nous, un amoindrissement de
l'art du chant. Les ouvrages qui éclipsent
leurs chefs-d'œuvre, — les grossiers produits
de MM. Puccini, Mascagni, Leoncavallo, etc.,
surtout, — que l'on répute « bien écrits pour
la voix », n'excitent vraiment, chez les Chan-
teurs que ce que j'appellerai leur « roublar-
dise ». Que l'un d'eux adapte à leur interpré-
ta.tion le style qu'exigerait de lui l'interpréta-
tion d'un petit maître seulement — Boïeldieu,
si vous voulez — la « grosse chose » décèle
tout de suite sa vacuité ; elle traîne (sic), elle
ennuierait vite. Que le chanteur, au conitraire,
y épanouisse le mauvais goût vocal le plus cy-
nique, la plus égoïste personnalité, son succès
est facile, immédiat. Combien de chanteurs
sont capables, aujourd'hui, de trouver, dans
une saine et simple conscience de la musique
et de leur mission, la force de déclliner un
succès de cet aloi ?
Quelque estime, quelque admiration même
que son double septennat de direction lui mé-
rite, M. Carré doit se résigner à entendre ce re-
proche : il a beaucoup méfait contre l'art du
chant ; sa répugnance aux classiques,— à leur
compréhension désintéressée de toute satis-
facLion personnelle, p-luitôt., - est pour beau-
coup dans ce mal. On cherche en vain dans
son répertoire ces Noces de Figaro, toujours
promises, toujours reculées, qui n'auraient be-
soin pour émouvoir et convaincre que du con-
cours de véritables chanteurs.
Le mal ne sévit pas que dans les théâtres. Il
s'étend aux Conservatoires. Je l'ai pu évaluer
durant deux ans de fréquentation quotidienne
au Conservatoire de Paris. Le noble artiste qui
le dirige, notre grand et cher Gabriel Fauré,
sait le danger, et, dans la mesure où son auto-
rité le lui permet, il l'écarté. Selon sa règle,
les professeurs de chant s'opposent au mons-
tre. Mais, dans Les classes de déclamation ly-
rique, s'implante, s'obstine, et tend à préva-
loir, ce répertoire de l'Opéra-Comique qui ne
réclame pas nécessairement- la collaboration
de véritables chanteurs. Ici encore, les profes-
seurs luttent. Mais, chez les élèves qu'ils en-
seignent, le cœur, comme on dit, n'y est pas.
L'Opéra-Comique est une façon de paradis
dont ils rêvent. Ils bougonnent : « Les Classi-
ques, les Classiques ? C'est joli. Mais où me
les fera-t-on (Vaanter, les Classiques ? » Et la
nécessité de chanter pour vivre gagne à M.
Puccini un cœur que Mozart eût, peut-être,
comblé. -
Cette préoccupation des intérêts supérieurs
et de renseignement du chant a, certaine-
ment, occupé M. Dujardin-Beaumetz ; elle
n'est pas la moins bonne, la moins impérieuse
des raisons qui le justifient, contre M. Carré,
de son zèle pour les Classiques.
jCeorges PiocK,
Echos j
Les courses• v -
- -
MAISONS-LAFFITTE, mardi 28 mars, a 2 heufet*
Pronostics du Gil Blas 3
Prix d'Epône.:^— Alby, Valmorê.
Prix Roxelane.. - Princesse Tchèquê, rpreilifit.
Prix du Paddock. Boléro 111, Valemont<
Prix Perplexe. —1 Marsa, Frère de Roi,
Prix des Haras Nationaux.r'+- Radis Noir, 7~
men. ;
Prix d'AImenèches..: Goliette, As arias..
Un confrère.
Il va paraître aujourd'hui un nouveau journal,
la Bataille. M. Augagneur et quelques socialistes
« indépendants 1 y vont collaborer en « leaders r,
et la Lanterne, avec M. Flachon, son directeur,
en assurera la rédaction courante. Cette apparition
se fera sans bruit et la Bataille sera discrète. Sou-
haitons-lui, tout de même, la victoire..
-X.-"
Feuillets d'album.
M. Henry Bataille publia, jadis, un album de
Têtes et Pensées, fort remarquable. Il ajoutait à
une silhouette fort expressive un jugement ironique
et qui ne manquait pas d'exactitude. Il écrivait :
Catulle Mendés. - Blondeurs et bec de gaz, en
veilleuse à l'aurore., ,.
André Gide. 1---' Délicieusement penché vers le
sourire. *
Le saule et l'eau tout à la rois.
Une eau qui dit js n. Ecoute-moi, écoute-moi
Et puis s'en va !
Fernand Vandérem.; - If a l'air 'd'être fait en
cendres de cigares..* r ■ ..-
Pierre Valdagne. :- Un nuage Ge cigarettes clans
Je fond d'une pièce.: f
Maurice Dûnnnay. — Bouife, boum!. Voilà Pa-
ris, boum, boum! Voilà l'hiver qui s'ouvre, récep-
tions, petits fours, boudoirs, babies. Et puis Nice,
beau soleil : promener. charmer.,. souffrir., boum,
■boum !
Tristan Bernard -— Ce tonnenau de Diogène d'où
sortirait la voix de Socrate. « .,.., •
Iules Renard. — La tête £ n forme de haricot et
le double menton des oies vexées. Et l'oreille,
comme celles des lapins, dressée, dans le silence
microscopique des choses, écoute.
Avouez que c'est délicieux, C'est d'Un humo-
riste exquis et d'un poète.
---X".;;;;;;,f
(
FIGURINES 1— l
Roger Monteaux
Il vient de manifester, Clans le rôle principal et
si difficile de Maman Colibri ses dons remarqua-
bles. Il est distingue, chaleureux mais sobre, sV,'¡:
déjà de son' métier et, cependant, sensible, sincère
et sans artifices.
Il a vingt-huit ans. Il est un peu de Bordeaux,
un peu de Paris, et a débuté au Vaudeville il y a
quelques années ; car il est tout jeune. Il a créé
très consciencieusement des rôles secondaires dans
plusieurs comédies modernes et, tout à coup, a
montré ces dons dramatiques dans le rôle ingrat
du frère de la Vierge folle qu'il créait au Gym-
nase. Il joua chez Réfane et n'y fit pas grand'
chose ; mais, Vété venu, il consentait à travailler,
quatre mois durant, sur la petite scène d'une ville
d'eaux où il interprétait sans répit les personna-
ges les plus divers. Ainsi se forma-t-il par un tra-
vail méritoire. -"
Car il est modeste, simple, rangé, ëprls de son
art, et pas « jeune premier » pour un SOle; il est
un parfait article. La Comédie-Française, où M.
Grand soutient, seul, un labeur à présent un peu
lourd, a déjà besoin de lui ; mais il a bien le
temps de vieillir
«—X—
Le roi. t
Devant les difficultés qui -grandissent et les ré-
clamations des Monégasques,; on parle de la démis-
sion possible de M. Flach, ,te nouveau gouverneur
de Monaco. !
En réalité, il n'est guère,', dans la principauté,
qu'un homme populaire et paraissant dévoué au
prince, au peuple et même à tout le monde à la
fois : c'est M. Raoul Gunsbourg. Il faut qu'on le
nomme gouverneur général, '.en attendant qu'on le
couronne roi! [ ,:
La mise en croix. r
On achève, en ce moment, à l'Opéra-Comique, la
mise en scène d'une œuvre çompliquée et tumul-
tueuse de M. Raoul Laparra, la Jota, où ce jeune
et actif compositeur traduit les violences de la
guerre civile en Espagne. Il est aisé de croire que
M. Albert Carré affirmera, en la ciconstance, sa maî-
trise dramatique, Mme Car sa puissance de tra-
gédienne lyrique. H
Il y avait une scène ter ble. Un grand Christ
dramatique, au bord du chemin, étendait ses bras
douloureux, et les soldats lt criblaient de balles;
alors, le Christ tombait de sa croix, décloué, et son
corps lamentable .se balançait, soutenu par une main
aux blessures agrandis. Un iiioine arrêté, condamné
à mort, devait prendre sa place, et on le clouait
enfin sur la croix parmi les çris, les coups de fusil,
les danses et les râles. Du sang, de la volupté et
de la mort.
A-t-on craint le réalisme .excessif -de cette scène
de fanatisme civil et-religieux ? Bref, il est au jour-
d'hui question d'en atténuer la violence, et nous ne
verrons pas le Christ fusilléiet pantelant. Nous de-
vrons nous contenter du moine.:
» X—* *
Comme Napoléon.
Une sociétaire, encore fort ,belle fille, de la Comé-
die-Française, se rit parfois des histoires amoureu-
ses d'une sienne camarade et" d'un homme politique
influent, et leur pronostique une mauvaise fin. On
rapportait récemment ses propos à l'homme politique
en question. t,
»— Savez-vous, lui disait-qjn, ce Qu'elle raconte-t
- t
Eli bien ! elle raconte que sa camarade vous mènera.
loin !
— BaK ! fit-il, elle ne me mènera: jamais qu'à
1 Saint-Cloud..,
-'x:- »
Mésaventure. ;
#•
Dans une lettre qu'il adresse au Temps, M. Geor-
ges Cain, conservateur du musée Carnavalet, an-!
nonce — nous le demandions hier — que le masque
en cire de Robespierre sera, dès ce jour, supprâtié
des collections publiques.
Ce ne sera point une grande pirte pour la curio-
sité des visiteurs, même si l'histoire que raconte le
'iournal belge, et que nous rapportions hier, est
fausse : ce masque, même s'il remonte à 1820, ne
provient que d'un musée de foire, et son caractère
de fantaisie est évident. M. Charles Simon l'afficha,
vingt années durant, dans son salon. Et mille per-
sonnes l'y ont vu. Ce n'était point raison suffisante
pour l'exposer solennellement dans un musée muni-
cipal. Il y a, quoiqu'on en dise, beaucoup plus de
curieux objets authentiques dans nos collections pu-
bliques, et la conclusion de cette petite mésaventure
est qu'il y faut veiller avec un zèle toujours averti.
; Hyménée.
• Notre excellent confrère, -M. Henry Gauthier
Villar.s, généralement réputé sous le pseudonyme de
Willy, se marie. On sait qu'il épousa, jadis, une
charmante femme de beaucoup d'esprit qui a con-
tribué grandement au renom de Claudine, et dont
il a séparé, après quelques années heureuses, sa
vie. Mme Colette Willy, qui n'est plus Mme Willy,
continue seule sa brillante carrière de lettres, et
vagabonde à son gré.
Willy unit de nouveau son existence à Mlle Mar-
guerite Maniez, femme de lettres aussi, disent les
publications officielles. Mais la belle épousée est
déîà connue, à Paris et à Bruxelles, sous le pseu-
donyme de Meg Villars, comme danseuse pleine de
grâce. La voilà femme de lettres! Tant mieux :
Willy trouvera, sans nul doute, en sa légitime col-
laboratrice, une union profitable au roman parisien.
A-près 'RivoU.,
On cause à la sortie de l'Odéori 1
h— Singulière pièce qu'a choisie Antoine'!
t~ Un faux choix..t
Le Diable. boiteux*
-.
MATINALE
Le mystérieux spectateur
A la répétition générale de l'Odéon, tout le monde
remarquait un spectateur qui se dissimulait dans une
loge. On apercevait un visage noble et un peu fati-
'f!ué, de longs cheveux qui couvraient le cou et se
'dérouléent sur les épaules. On se demandait si
c'était un artiste ou ltféva, l'homme de la nature. La
complicité d'une ouvreuse me permit d'arriver jus-
qu'à lui et, malgré ses. protestations, j'entrepris de
le soumettre au supplice de l'interview.
î— Il me semble, lui dis-je, que je vous reconnais.
Certainement, j'ai déjà vu votre figure. Vous me
iaites songer à des portraits historiques. le crois
être en présence d'un personnage du grand siècle.
Ne seriez-vous pas un descendant de Louis XIV'!
N'aurais-je pas l'honneur de me trouver devant
Naundorff?
Il me demanda qui 'était ce Namidorff.
- Nul ne le sait, lui répondis-je. On 'prétend
qu'il est le descendant direct de Louis XVI, et c'est
Ice que le Sénat décidera demain.
- Mais, s'écria l'inconnu, comment s'appelle-t-il
Naundorff s'il appartient à la famille royale?
■— C'est que son aïeul aurait été Louis XVII et
au il aurait pris le nom de Naundorff après s'être
-évadé du Temple.-
-- Pourquoi s'esi-il 'évadé du Temple? C'était
une demeure agréable où les libertins soupaient gaie-
ment en tenant des propos d'une philosophie un peu
audacieuse. Ceux qui n'avaient pas encore la foi y
connurent des heures délicieuses.
- Le Temple était une prison où furent enfermés
Louis XVI et les siens. ,
-- On a emprisonné Louis XVI?
1— Et f!.uillotÙzé! Vous ne savez donc den7,
1— Guillotiné? Que signifie ce mot?
:— On lui a coupé la tête avec une machine qui
s'appelle la guillotine.
- Non? Et alors?
1— 01t a guillotiné la reine aussi,.
f—Bah? Et qui gouvernait?
>— Le peuple jusqu'au moment où le petit général,
Ctue vous avez vu tout à l heure sur la scène, est
devenu empereur sous le nom de Napoléon lCl.
—. Excusez-moi, soupira l'inconnu; mais je suis
mort depuis plus de deux siècles. On m'appelait
lean Racine. Il paraît que l'auteur de la pièce,
M. Fauchoisi a parlé sans respect de mes tragédies
et de ma carrière. Aussi, ce soir, tout le monde.
pense à moi et, depuis que vous avez vu l'Oiseau
Bleu, vous n'ignorez pas que le souvenir ressuizite
les morts. Tous ces spectateurs, en songeant en
même temps à moi, m'ont matérialisé, et me voici,
de nouveau, dans une salle de théâtre. Vous avex
des actrices, — j'ose le dire, — qui sont aussi sédui-
santes qus Mlle Duparc et Mlle Champmeslé..
— le leuT ferai connaître votre appréciation,
maître. Màis que pensez-vous. de M. Fau'c/¡ois, de
sa Pièce, de ses vers?
— le ne veux rien dire. Ce qui m'emruie, c'est
au il ait choisi pour héros ce Bonaparte qui devint
Napoléon. Les bruits du monde ne parviennent pas
tous jusqu'à moi; je ne reçois que ceux qui m'in-
téressent particulièrement. Aussi, je n'ignore pas
que ce Napoléon 1er n'était pas très intelligent.
■— Comment, maître ? Mais il eut un génie si mer-
veilleux que nous en subissons encore la puissance.
Au fond du cœur, tous les. Erançais sont oonapar-
f tistes.
Il fit la moue et conclut 3
- C'était pourtant un homme médiocre. Il avait,:
en effet, un goût particulier pour. le théâtre de Cor,
neille.
tfozièroi 4
Los Trento ans ae IIJéâtro
Lt Uisitre populaire
et la Comédie-Francaise
Çt.
Ce Gil Blas est un journal rigoureusement indé-
pendant, ouvert à l'expression de toutes les opi-
nions, à la condition, toutefois, qu'elles soient /or¡.
dées sur la bonne foi et qu'elles ne visent à ser-
vir que des intérêts -généraux et supérieux. Le Gil
Blas est, également ouvert à toutes ies réponses,
que pourrait provoquer l'expression de ces opi-
nions. Il s'affirme ainsi une tribune libre où cha-
cun peut, sous sa responsabilité personnelle, dire,
ce qu'il pense.,
Les « Trente Ans de Théâtre » vont célébrer
leur 2509 représentation et -leurs 600.000 francs
« distribués, nous dit M. Bernheim, aux pau-
vres du théâtre et aux si inltéressaavts person-
nels des scènes (parisiennes ».
C'est de toute façon un résultat qui emeue.
Cela existe, cela a une influence, une impor-
tance. Dix ans d'effort ont aocompdi une œu-
vre. Et si l'on ne peut opposer à ces réalités;
que des rêves avortés, des intentions, des pro-
jets de loi et des devis d'architectes, on n'a
qu'à se taire, et même admireT : car M. Ber-
nheim, lui, a fait quelque chose. *<
L'œuvre accomplie peut être envisagée sous
trois faces : une œuvre de charité, une tenta-
tive de théâtre populaire, une extension de la
comédie française. Le premier point semNe
indiscutable. Il a été le prétexte. Mais une lo-
terie aurait été autrement profitable. Les re-
traites de gens de lettres ont obtenu des mil-
lions. Mais si pour obtenir des retraites aux
vieux acteurs, l'oeuvre prive de leur gagne-
pain des acteurs en âge de travailler, si pour,
donner des cachets supplémentaires aux artis-
tes-de la Comédie-Française, aux plus cossus,;
aux sociétaires, l'œuvre prive de leur soirée
les pauvres diables des faubourgs, est-ce de la
.c.h:rurit-é ?
M. Bernheim proteste qu'il joue le vendredi,
jour où les théâtres de faubourg ne font pas
recette, que le tarif reste le môme, et que les
directeur0 sont libres de louer leur salle. « A
qui donc, demande-t-il, ces (représentations
classiques populaires portent-elles préjudi-
ce ? » -
A qui ? Je vais le dire, ou plu'tôt, car j'ai
voulu m'en assurer, le président de l'Associa-
tion des théâtres de faubourg, M. Berny lui
donnera son avis, avis intéressé.
Rappelons cependant d'abord, ce que fut le
théâtre populaire. Un rêve ? Une partie-de
notre (génération l'avait fait vers 1900. Lisez-en
l'histoire dans le beau livre de Roma-in Rol-
lanid, Un rêve ? Pas seulement ; si les profats
de Camille de Sainte-Croix, de Mendès, de îa
Revue d'art dramatique et tant d'autres sont
restés des projets, si le théâtre de M. Potte-
cher est resté cantonné à Bussang, deux en-
treprises : cène de M. Beaulieu, celle de M.
Berny, furent des réalités auxquelles l'appui
des pouvoirs publics aurait pu donner l'exten-
sion espérée. L'une est morte, l'autre vit tou-
jours, et compte à son répertoire des œuvres
que la Comédie-Française s'honorerait cte
jouer. C'est le Théâtre Populaire, 8,.rue de Bel-
leville, qui fut inauguré le 19 septembre 1903
avec le Danton de Romain Rolland. Un coup
de main des pouvoirs publics. C'est un coup -
de pied qu'on a reçu :
Paris, le 21 mars 1911..
Cher Monsieur Morel, -
Non seulement M. À'. Bernheimjest dans le faux
lorsqu'il attribue à l'entreprise des Trente Ans
de Théâtre le titre de « Théâtre Populâire », mais
encore il fait une concurrence déloyale aux théâ-
tres de quartiers qui luttent péniblement contre
les beuglants et les cinémas de plus en plus nom-
breux. -
En effet, le président subventionné des Trente
Ans se trompe absolument lorsqu'il croit attirer
le vrai peuple des faubourgs. La.plus grande par-
tie de son public est composée de bourgeois écc*- *
nomes, heureux de voir, mieux placés et à meil-
leur marché, les artistes qui coûtent si cher à
l'Opéra et aux Français.'Le reste de ses salles est
rempli par la ilare clientèle qui fréquente nos
théâtres pendant la semaine, ce^ui fait que la
soir de sa représentation, la veille et les lende-
mains, nos jours habituellement creux deviennent
des jours vides. Mes confrères l'ont si bien com-
pris qu'ils refusent tous leurs salles à M.
Bernheim. (Il a fallu le hasard d'un changement
de direction pour rendre aux Trente Ans de Théâ-
tre. momentanément, j'en suis sûr, les théâtres -
du Montparnasse, des Gobelins et de Grenelle.)
Voilà l'explication des Galas salle Wagram, du
Vingtième siècle, etc., etc.
Notre association s'est émue des dangers que'
courent nos exploitations, par suite de la concur-
rence que nous fait cette entreprise de tournées à
l'usage des artistes des théâtres subventionnés,
qui n'avaient "ftainement pas assez souvent l'oc-
casicn de jouer ailleurs que dans leurs théâtres !.
Mais pouvions-nous décemment nous plaindre. ?
L'étiquette charitable 'dont ces représentations
étaient couvertes les rendait Tabou ! En bonne
logique, que pouvions-nous faire ? Nous avons dà
uous contenter de refuser nos scènes, en silence !
Comment voulez-vous que nous luttions ?
Vous save'z que, depuis neuf ans, j'ai eu la chan-
ce de prouver que le peuple, le vrai, ■— pas celui
des Trente Ans de Théâtre, — celui des faubourgs,
aimait d'instinct les belles choses ! — J'tú pu don-
ner avec succès des séries de huit représentations
consécutives avec des pièces classiques ! Mais M.
Bernheim est venu, et j'ai dû les espacer et pres-
que les supprimer ! Pouvais-je raisonnablement
monter les grands chefs-d'œuvre avec de jeunes <
artistes et des élèves du Conservatoire après que
les vedettes de la Compte avaient joué aux Trente
Ans de Théâtre, des pièces entières et les actes
principaux de toutes les œuvres que j'avais ins-
crites à mon programma ?
Lorsque nous demandons l'autorisation Qe jouer
qine pièce du répertoire de la Comédie-Française,
on nou-s la refuse. Pourquoi, puisque M. Bernheim,
qui n'est pas patenté, lui, obtient non seulement
le répertoire, mais encore les artistes, les costu-
mes les accessoires des théâtres nationaux, pour
venir gêner notre commerce et empêcher notre ,
effort d'art ?!!
Allons, cher Monsieur Morel, votre idée de 1900
M'était pas si lisible, et j'ai souvent rêvé de la
Ressusciter, dans- mon Théâtre Populaire de Belle-
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