Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1914-01-26
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 janvier 1914 26 janvier 1914
Description : 1914/01/26 (N13428,A37). 1914/01/26 (N13428,A37).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75238174
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/07/2012
ttqsvr&scPTIEME ANNEE, - N" 19*428
5 e*81 Le Numéro
RÉDACTION et ADMINISTRATION
24, Boulevard Poissonière, Paris (90
IMESSE TÉLÉGRAPHIQUE: LANTERNE-PARIS
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2 v h B1 IB^B tnifffl K^jJ k9 ^69
Directeur-Rédacteur en Chef : FÉLIX HAUTFORT.
WNDI 26 JANVIER 1914
5cent. Le Numéro
ABONNEMENTS
un frai. dans tous les bureaux de poste -
1 AN 6 MOIS 3 MOIS llfOiS
Paris
et Départements
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Union Postale
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M. Barthou
ouvre le feu
Le Béarnais tira le premier. Faut-il
dire que ce fut un coup de maître ? Il
nous décocha, en se jouant, ses terribles
ironies; jamais l'Apaisement ne fut ser-
vi par un combattant plus irrité, jamais
la Concorde n'eut un grand prêtre plus
farouche.
Si M. Barthou, dès ses premiers pas
dans une campagne évidemment triom-
phale. voulait nous démontrer l'impos-
sibilité de l'accord entre le républicain
qu'il prétend être et ceux que nous en-
tendons rester, il a pleinement réussi.
Il fut, il est vrai, moins heureux dans
sa tentative hardie pour se dégager de
la réaction.
Ses adversaires se sont dérobés, dit-
il, à tous ses cartels. Sans doute de-
vaient-ils redouter un adversaire aussi
terrifiant, mais encore la rencontre ora-
toire n'était-elle pas nécessaire pour
montrer que le gouvernement de M. Bar-
thou entendait Eluder l'échéance de l'im-
pôt sur le revenu; satisfaire, sous le pré-
texte patriotique, les exigences nationa-
listes; pratiquer avec l'Eglise une poli-
tique, habilement balancée, de fermeté
apparente et de défaillance effective.
Nul ne s'y trompait, ni au Parlement,
ni dans la presse, ni dans le pays; les
applaudissements frénétiques de la ré-
action nous donnaient à tout instant,
malgré la duperie des mots, le sens pré-
cis de l'orientation gouvernementale.
C'est au moment même où les républi-
cains s'aperçurent qu'il fallait faire le
sacrifice de leurs idées de justice fis-
cale ou renverser le ministère, qu'ils
marquèrent le terme du cabinet Bar-
thou. S'il n'appartenait pas à M. Cail-
laux de combler d'un coup de baguette
magique le déficit mesuré par M. Du-
mont, au moins devait-il proposer au
Parlement des solutions d'ensemble con-
formes aux engagements de la Chambre
et à la volonté de la démocratie. M.
Barthou a le droit de manifester son im-
patience de voir le Sénat conservateur
naufrager à la fois le redoutable projet
et le fâcheux ministre. Ce désir part
d'un boi naturel, mais il n'est pas en-
core une réalité.
Le discours de Bordeaux est la pre-
mière tentative de la troupe Barthou-
Briand pour concilier la République et
la réaction; pour fédérer, sous l'emblè-
me de l'Apaisement, la gauche et la
droite débaptisée. Mais voici que, dès
le premier jour, un virtuose de la poli-
tique, dans ses périlleux exercices, tom-
be du côté où, depuis longtemps, il pen-
chait.
Admirez pourtant la souplesse de cet
homme charmant, à qui l'Académie fait
risette. Pour autoriser tous les espoirs
des ducs, il s'affirmait hier « concor-
dataire ». Il est juste de dire que, pour
ne point pousser à la stupeur l'étonne-
ment des républicains, il se déclarait —
crânement — partisan du maintien de
la Séparation !
Le voile se déchire. Les mystérieux
conciliabules de la rue d'Enghien, de
l'avenue Van Dyck et du quai d'Orsay
aboutissent à ceci : le rétablissement des
relations avec Borne. On nous dit que
c'est le commencement d'une « croi-
sade »; nous le voyons bien; il s'agit
de rendre à la sainte Eglise cette « fille
aînée » que les républicains lui avaient
ravie.
Nous vivons dans des temps fertiles
en prodiges. Le libre penseur Barthou
se repent et devient « concordataire ».
Au train dont ils y vont, nos vaillants
« croisés » de la Fédération des gau-
ches, en route pour la Ville Eternelle,
seront vite à Canossa. Mais les troupes
suivront-elles des chefs si pieusement
intrépides l' Nous verrons bien.
LE VRAI PÈRE
M. Barthou, hier, à Bordeaux, a poussé la
recherche de la paternité jusque. au paradoxe :
il a toift simplement déclaré que sa fameuse
circulaire sur les manuels scolaires, qui a tant
emu i parti républicain. « avait été préparée
lit rédigée en 1910 par M. Doumergue ».
Ne serait-ce que pour ne pas faire injure à
l'esprit d'initiative bien connu de l'ancien pré-
sident du Conseil, il nous est impossible d'en
rien croire. Bien que ce soit M. Barthou qui
ait signé cette circulaire, il est bien possible
qu'elle ne soit pas de lui. Mais elle n'est pas
de M. Doumergue non plus.
Celui-ci ne saurait être rendu responsable de
tous les projets de décrets, arrêtés, décisions et
circulaires qui lui lurent soumis par ses servi-
ces alors qu'il était minisire et qu'il laissa au
dossier, justement parce qu'il ne voulut point
leur donner la vie en les signant. Il en est ainsi
de la circulaire sur les manuels : non seulement
M. Doumergue ne l'a pas signée, mais il l'a
trouvée si dangereuse qu'il la laissa dans les
cartons. Et cela même condamne M. Barthou,
qui n'eut pas les mêmes. scrupules républi-
cains.
Fallut-il qu'elle soit peu républicaine, cette
circulaire, pour que non seulement M. Doumer-
gue, mais après lui M. Maurice-Faure. M. Guis-
l'hau et M Steeg aient' cru devoir la laisser
lettre-morte et qu'il ait lallu le passage de M.
Barthou rue de' Grenelle pour qu'elle ait les
bonneurs de l'Officiel !
Ce n'est plus possible !
Nous fie paierons pas de ttfois chefs-d'œuvre
le retour de la « Joconde » parce que tiotfs
avons dénoneé le matfehé à temps.
Les palmes n'avaient pas suffi à l'anti-
quaire italien qui fit retrouver lai Joconde.-
Il ne fallait pas tant s'étonner que le gou-
vernement français ait pris l'initiative,
sur l'avis de M. Barrés, de souligner
l'élégance du geste de l'Italie - puisqu'il
paraît que cette élégance ne se suirisai 1
pas elle-même — en lui offrant, en échange
-du tableau du Vinci deux,. ou plutôt trois
peintures de primitifs italiens de notre
Lauvre. Car on s'est étonné, à tort.
La nouvelle que nous avons donnée est,
en effet, plus fondée que le voudrait faire
croire lie communiqué officiel du sous-se-
crétariat des beaux-arts. Que -1t,- con-
seil supérieur des beaux-arts se soit ou non
réuni depuis juin 1913, il n'importe pas
beaucoup à l'affaire : Ce qui importe plus,
c'est que le journal l'Italie donne d'étran-
ges détails, d'une cruelle précision, sur
cette affaire, tellement même qu'on aurait
peine à croire que de tels détails ont été
m ventés de toutes pièces.
Les deux oeuvres de primitifs italiens que
nous disions devoir servir de récompense
& la restitution de la Joconde sont, en effet,
décrites par le journal italien : elles exis-
tent et sont bien au Louvre : ce sont, d'une
part, un fragment de prtédelle de devant
d'auteL de Gentile di Fabriano, représen-
tant l'adoration des mages, fragment qui
compléterait te devant d'autel dont les deux
autres parties sont à la galerie de l'Acadé-
mie die Florence, et, d'autre part, un double
fragment d'une autre prédelle en - cinq
fragments, dont trois de Pilippo Lippi sont
aus-si à Florence, tandis que les deux au-
tres, de Pessellino, sont justement ceux
que nous offrons.
Et, de ce fait, la seule inexactitude de
notre nouvelle, c'est qu'au lieu de deux ta-
bleaux, nous en donnerions trois.
Mais les donnerons-nous ?
C'est peu probable. Quel que soit, en ef-
fet le désir de M. Barrère de couronner
sa carrière en décrochant le collier de l'An-
nonciade, on estimera sans doute, en haut
lieu, que ce désir ne vaut pas la perte de
deux belles œuvres du Louvre, même en
échange de la Joconde, et surtout mainte-
nant que nous avons éventé la nouvelle
et qu'il n'est plais possible de réaliser le
désir de notre ambassadeur, dans l'ombre
propice du secret bien gardé.
Démentez ! démentez ! disait l'autre, il
en restera toujours quelque chose. En l'oc-
currence, il restera deux — ou plutôt trois
— chefs-d'œuvre à la France. C'est quel-
que chose.
—— ) -.- '( ——————————
La Petite Guerre
C
'omme on a retardé la date du prochain Con-
sistoire, où seront nommés de nouveaux
cardinaux. le bruit a coiuru d'une nouveue ma-
ladie de Pie X.
La nouvelle n'est pas exacte.
Seulement, pour aller de ses appartements a
la salle du Consistoire, il faut traverser des cou-
loirs où sévissent des courants d'air, et si Sarto
n'est pas malade, il craint de te devenir.
Pendant ce temps-là, ce sont les futurs cardi-
naux qui font une maladie.
v
.oici un excellent article de la Croix,
L'auteur raconte une promenade au Bois,
parmi les patineurs, puis une visite cnez aes
malheureux.
« Pourvu que demain il ne gèle pas », dit une
pauvre lemme.
a C'était juste le contraire de la parole enten-
due deux heures auparavant. »
C'est que l'on parle' beaucoup de la chartté.
mais que l'on ne sait guère ce que c'est, parmi
les élégants désœuvrés qui ont le temps d'aller
patiner au Bois.
Pourquoi la Croix aioute-t-elle :
a Mais je venais de traverser toute la société,
et j'arrivais de l'autre côté. »
Il serait surprenant que, Vayant traversée, il
se trouve toujours au même endroit.
) -+- (
ENCORE LA R. P.
Nous serions désolés de contrister le moins
du monde M. René Renoult. Mais est-ce le
chagriner que de dire de lui qu'en se pré-
sentant devant la commission sénatoriale
de la réforme électorale, porteur d'un pro-
jet de transaction, il a accompli sans le
moindre enthousiasme, et, surtout, sans la
moindre illusion, une sorte de rite dont ses
collègues du cabinet s'étaient déchargés
sur lui avec empressement et que lui im-
posaient, en outre, ses fonctions de minis-
tre de l'intérieur ?
Oui, il est venai au Sénat dire le plus de
bien possible de certain expédient qui a
la prétention de concilier la représentation
des minorités et ce principe, dont le Sénat
avec raisün, n'entend pas démordre : Nul
ne peut être élu s'il a obtenu moins de
voix que ses concurrents.
Et cet expédient consiste en ceci : souli-
gner sur une liste un nom préféré. Au
premier tour, ce trait de plume ou de
crayon aurait la valeur d'un demi-suffra-
ge ; au second tour, c'est pour un suffrage
entier qu'il compterait.
Ne discutons pas. Disons mieux : ne dis-
cutons plus.
Cela n'en vaut plus la peine, en effet.
Qui ne sent — même dans les rangs er-
péiistes — qu'il est désormais trop tard pour
peser les mérites ou les démérites plus ou
moins grands d'une proposition quelconque
tendant à concilier majoritaires et propor-
tionnaiistes ?
Et quel est le gouvernement républicain
digne de ,oe nom., qui voudrait mener
ce pays à des élections très proches, sans
donner à notre parti — disons mieux : à
tous les partis — lie temps de s'organiser
conformément aux nouvelles conditions de
vote qui nous seraient faites ?
Toute discussion nouvelle est donc
vaine.
Nous l'avons même affirmé depuis long-
temps, en déplorant les longues heures, les
longues semaines, les longs mois que cette
néfaste invention réactionnaire a fait per-
dre à la présente Chambre.
Et c'est bien, aussi le sentiment de la
commission sénatoriale. Par une politesse
toute naturelle, elle a décidé de discuter"
d'ici peu, la proposition gouvernementale
et de déposer son rapport le plus tôt t'os-
sible. Mais, à l'unanimité, elle a confirmé
son précédent vote en faveur de la motion
majoritaire de M. ,, Peytral.
Qu'on en finisse donc, à bref délai, avec
« ce mort qu'il faut qu'on tue x.
Le Parlement, surtout à la fin de cette
législature, n'a plus une minute à perdre.
TRIBUNE LIBRE
les bons comptes.
Que décidera le congrès d'Amiens sur
la tactique du parti socialiste aux élec-
tions prochaines ? Ya-t-il, comme le dé-
sirent beaucoup de républicains, accep-
ter l'entente avec le parti radical ? Ou
bien, comme on le souhaite de l'autre
côté, faisant de la R. P. l'objet exclu-
sif de ses préoccupations, ira-t-il cher-
cher des appuis à droite pour l'imposer
à la prochaine Chambre ?
A mon avis, il ne fera ni ceci ni cela.
La coalition sur le terrain de la R. P.,
les socialistes, précisément parce qu'ils
sont tout acquis à cette réforme, la re-
pousseront; elle ne sera même pas pro-
posée. Car ce serait la mort de la pro-
portionnelle.
Quant à l'entente avec les radicaux,
elle est réclamée par beaucoup de mi-
litants socialistes. Mais elle comporte
nécessairement quelques garanties préa-
lables qui, je le crains, ne nous seront
pas données.
D'abord pour s'entendre il faut être
deux. Je vois bien que certains radi-
caux, et non des moindres, parlent de
revenir à la politique du Bloc. Mais le
parti radical, que dit-il, qu'a-t-il dit
à son dernier congrès ?
Dans le discours qu'il a prononcé à
Pau, après son élection à la présidence
du comité exécutif, M. Caillaux a dé-
claré formellement que le parti radical
n'avait « ni à offrir ni à rechercher des
alliances incompatibles avec sa dignité
de parti M.
Il est possible que les intentions des
radicaux se soient modifiées depuis. On
le dit et je veux bien le croire. Mais la
déclaration de Pau demeure et nous
sommes obligés de la tenir jusqu'à nou-
vel ordre pour la consigne du parti ra-
dical.
Donc pas d'alliance. Peut-on, sans al-
ler jusqu'à l'alliance complète, s'enten-
dre au moins pour une discipline com-
mune de second tour sur un programme
commun ?
C'est ici qu'il faut, aux deux partis,
des garanties réciproques. Or, si les so-
cialistes ont une organisation forte, qui
leur permet d'assurer l'exécution des
décisions de leurs congrès, je ne vois
pas que les radicaux soient en état de
prendre le même engagement.
Dans maints départements, l'organi-
sation radicale n'existe que sur le pa-
pier. Les féjérations y sont sans force
et sans discipline.
Mais alors, si les socialistes accep-
taient les yeux fermés et sans conditions
l'entente qu'on leur offre, qui leur ga-
rantit que tous ces candidats de même
étiquette, après avoir glané des suffra-
ges personnels chacun dans sa région,
ne se désisteront pas les uns pour les
autres au second tour, même en pré-
sence du candidat socialiste arrivé en
tête au premier ?
Or, il n'y a pas de discipline répu-
blicaine possible en dehors de cette rè-
gle très simple : un seul candidat de
gauche au second tour, qu'il y ait ou
non une candidature de droite. Et pour
que cette règle soit applicable, il faut
d'une part que chaque parti n'ait qu'un
candidat, et de l'autre qu'il soit en
mesure d'imposer sa discipline.
Ces conditions, il faut le dire, ne
sont pas encore réalisées. Et c'est pour-
quoi il me paraît difficile que le congrès
d'Amiens trace une règle unique en vue
du second tour. L'attitude des socialis-
tes aux élections devra nécessairement
dépendre de celle des candidats radi-
caux.Nos amis observeront la discipline,
si elle est par ailleurs observée à leur
profit. En l'absence d'un parti radical
solidement organisé, c'est la seule tac-
tique possible.
Et puis, même dans le parti radical
unifié, il y a radicaux et radicaux. Il
faudra voir de quelle manière se com-
porteront les candidats en ce qui touche
le programme adopté à Pau.
Ce programme est des plus net. Mais
les candidats radicaux unifiés oseront-
ils le défendre ? Seront-ils franchement
hostiles à la loi de trois ans et partisans
déclarés de l'impôt progressif sur le re-
venu, selon la formule que le congrès
de Pau a faite sienne ?
Ne reprendront-ils pas, sur ces ques-
tions essentielles, les termes ambigus
de la déclaration ministérielle ou ceux
du discours de M. Noulens ?
Encore une fois, il faudra voir. Et
si vif que soit le désir des socialistes
d'adopter une tactique unique, aussi
claire que possible, il ne me semble pas
que, dans l'état actuel des partis, nous
puissions faire autre chose que de nous
en remettre à nos fédérations départe-
mentales du soin de juger les hommes et
les programmes, et de régler leur atti-
tude en conséquence.
Sans doute il eût mieux valu aboutir
à une entente générale. Mais à qui la
faute, si cette entente paraît compro-
mise ? Je ne veux pas le rechercher. Je
serais obligé, tout en confessant les er-
reurs de mes amis, de marquer les res-
ponsabilités radicales. Et cette histoire
serait trop longue à raconter.
Alexandre VARENNE,
Ancien député.
EN CAS DE GUERRE
Le Ravitaillement
de Paris
La Ville a voté 400.000 fr. — Que
va maintenant faire l'Etat ? -
L'opinion puhlique a droit à des
Il assurances formelles.
Ainsi que nous l'annoncions hier, le
conseil municipal vient de voter 400.000 fr.,
afin d'aider l'Etat à constituer, dans la ca-
pitale, une réserve de farine pour le temps
de guerre. Agissant ainsi, nos édiles ont
fait preuve de clairvoyance et de patrio-
tisme. Il semble bien douteux que l'Etat
eût pu puiser dans l'art. 1er de la loi du
1er février 1892, relative à l'approvisionne-
ment du camp retranché de Paris, les pou-
voirs nécessaires pour forcer le conseil
municipal au sacrifice qu'il a librement
consenti. Mais ce dernier a pensé que dans
une matière aussi grave, la revendication
des droits les plus évidents devait céder
le pas à la sauvegarde de l'intérêt national.
Une irréfutable démonstration avait révé-
lé que, en cas de guerre, la famine s'abat-
trait rapidement sur la capitale. Au lieu
d'ergoter avec l'Etat pour savoir à qui il
incombe de détourner ce danger, la Ville
est allée au plus pressé votant 400.000 fr.
pour coopérer aux précautions nécessaires.
Le problème du ravitaillement
Ce n'est point chose facile que d'assu-
rer le ravitaillement de Paris en temps de
guerre. Trois raisons, en effet, viennent
compliquer les données du problème.
C'est d'abord l'importance de la popula-
tion parisienne. Sans doute celle-ci serait
réduite dans une assez large mesure par
l'appréhension d'un siège. Nombre de fem-
mes, d'enfants et de non combattants ga-
gneraient la province. Mais il ne faut pas
oublier que cet exode ne serait pas possi-
ble pour les pauvres ou tout au moins
pour la très grande majorité d'entre eux.
On aura, d'autre part, une idée de l'énor-
mité des approvisionnements qu'exige l'im-
portance ue la population parisienne, lors-
qu'on saura que celle-ci consomme 13.000
quintaux de farine par jour.
Le second motif qui rend difficile l'ap-
provisionnement de la capitale, c'est qu'elle
va chercher très loin sa subsistance. Les
autres grandes villes de France font ordi-
nairement venir des campagnes avoisinan-
tes, ce qu'elles consomment. Si l'on ex-
cepte les produits de la culture maraîchè-
re, rien de tel n'existe pour Paris. Et plus
ses sources d'approvisionnement sont éloi-
gnées, plus il faut craindre les difficultés
et les à-coups au lendemain d'une déclara-
tion de guerre, car cette guerre apporte-
rait une effroyable perturbation dans nos
services de transport.
Un aspect particulier de cette perturba-
tion du service des transports révèle, préci-
sément, la troisième difficulté que rencon-
trerait l'approvisionnement de Paris au
lendemain d'une mobilisation. C^tte mobi-
lisation et les mouvements stratégiques
qui suivraient, feraient couler un flot ef-
froyable d'hommes vers la frontière mena-
cée. Pour transporter ces hommes, tant de
Paris que du reste de la France, il fau-
drait des trains et des trains. Et les wa-
gons employés pour les mouvements de
troupes feraient, dans une mesure plus
ou moins large, défaut à ceux des approvi-
sionnements.
Le geste élégant du conseil municipal ne
résout pas le problème.
En présence de la difficulté et de la com-
plication du problème de l'approvision-
nement de la capitale, il importe de mar-
quer que le vote d'un crédit de 400.000 fr.
par le conseil municipal dégage la respon-
sabilité de ce dernier, mais qu'il ne saurait
à lui seul résoudre ce problème. La paro-
le passe simplement à l'administration
militaire.
Celle-ci a étaibli un départ entre les deux
catégories d'approvisionnements nécessai-
res à la capitale.
Elle a réclamé l'aide financière de la
Ville pour les approvisionnements de fa-
rine.
Elle assume, par contre, à elle seule,
la tâche de ravitailler Paris, dès les pre-
miers jours de la mobilisation, en viande,
lait, pommes de terre, légumes secs, char-
bon, bois pétrole et toutes autres denrées
de première nécessité.
Pour ce qui est des approvisionnements
de farine, les techniciens ont préconisé di-
vers moyens, afin de constituer une réser-
ve de farine : achats de stocks par l'Etat,
primes aux farines appartenant à des par-
ticuliers et demeurant en dépôt dans les
magasins généraux.
D'aucuns ont prétendu que la constitu-
tion de cette réserve exigerait une dépense
annuelle de près de 400.000 francs par an.
On aimerait à savoir, de façon précise,
quel est le procédé de constitution de Mocks
de farine adopté par le ministère de la
guerre et aussi quelles sont les précau-.
tions prises par lui pour assurer le ravi-
taillement de Paris, en ce qui concerne les
autres denrées de première nécessité, dont
il se charge seul.
Des explications nettes et des assurances
formelles.
Il semble un peu scandaleux qu'il ait
fallu une campagne de notre confrère « Le
Bulletin des Halles » pour révéler à notre
grand Etat-Major, les difficultés et les dan-
gers du ravitaillement de Paris, au lende-
main d'une déclaration de guerre, ou tout
au moins pour l'inciter à s'occuper acti-
vement de résoudre ces difficultés et d'é-
carter ces dangers.
Il serait extrêmement pénible d'admet-
tre que l'esprit qui, à la veille de 1870, ins-
pirait au maréchal Lefèvre, sa phrase
légendaire sur les boutons de guêtre, rè-
gne encore dans les bureaux de l'adminis-
tration militaire.
Sans marchander, sans égard pour l'Etat
de nos finances, le pays accorde tout ce
qu'on lui réclame au nom de la défense na-
tionale.
C'est bien le moins qu'il en ait pour son
argent et que de cela il possède la certi-
tude.
Une voix autorisée a pu, sans être dé-
mentie, affirmer l'année dernière, que la
situation de Paris, au point de vue du ra-
vitaillement, « est infiniment moins favora-
ble qu'en 1870 ». -
De telles paroles ont fait naître dans le
pays des inquiétudes, des appréhensions,
que seules des explications -nettes et des
assurances formelles pourront faire dispa-
raître. -
Jean Duboii.
Leurs troupes noires
Pour suppléer au manque de prêtres, les
évêques font rentrer les religieux et les
remplacent par des prêtres nègres.
De plus en plus,' les séminaires sont vi-
des. La dernière rentrée d'octobre, de
l'aveu de tous les évêques, a été lamentable
pour le nombre et pour la qualité. Un
grand .effort d'attirance a été fait par l'ar-
chevêché de Paris, qud a recruté d'anciens
frères ignorantins ou des novices de con-
grégations. Mais c'est un cri de détresse
dans tous les autres diocèses : il n'y a plus
de vocations ecclésiastiques.
Aussi quelques prélats commencent-ils à
faire appel aux religieux qui, au lendemain
de la loi des congrégations, s'étaient ré-
fugiés hors de France. Il en revient de
Rome et d'Italie, d'Espagne, de Belgique.
On dit même que des moines étrangers sud-
vent les français et acceptent des fonctions
sacerdotales dans certains départements
plus dépourvus. -
Même avec ce racolage de fortune, il n'y
a plus. dans beaucoup de diocèses, qu'un
prêtre pour quatre ou cinq paroisses.. Ce
sont des missionnaires — souvent des mis-
sionnaires à bicyclette — qui courent d'une
église à l'autre, et d'un baptême à un en-
terrement ici, à un mariage là-bas. Ainsi
en est-dl pour Meaux, Sens, Autun et air-
leurs.
Or., ce qui se passe en Algérie vient de
donner une idée à nos hommes violets, et
c'est d'avoir non seulement dies curés
noirs, mais des curés nègres — Les trou-
pes noires du sacerdoce. Ceci va arriver
par les Pères Blancs. Un paradoxe dans le
désarroi.
L'archevêque d'Aliger et les évêques de
Constantine et d'Oran ont décidé, en ef-
tet, de faire rentrer les Pères Blancs de
leurs miss-ions lointaines. Par exemple de
l'Ouganda (Afrique orientale anglaise).
Avant de rédiuire Je nombre des mission-
naires blancs, M. Tévêque Streicher, leur.
supérieur, a consacré prêtres deux nègres
de l'Ouganda, les nommés Basile Loumou
et Victor Vomeraka. Il en a, en outre, ton-
suré douze autres, qui recevront bientôt
l'ordination.
Le nouvel évêque de Madagascar, M. Gi-
v-elet, de l'Ordre des Jésuites, se propose,
dit-on, d'en faire autant pour les indigènes
malgaches. Et le mot d'ordre fera le tour
des colonies. Quelques nègres vont être en-
voyés, pour leurs études théologiques, dans
tes séminaires de France et chez les Pères
du Saint-Esprit.
Dans une année ou dieux, nous verrons
des nègres confesser les femmes et les
jeune filles françaises, et les troupes noi-
res de Rome conduire nos patronages et
nos sociétés de gymnastique cléricales. Il
faudra voir la peau de l'autre génération
des enfants de Marie !
>% «M+M ( -
LE BLOC
NÉCESSAIRE
Les guesdistes désignent les réalisations
démocratiques ; l'ensemble du pattti
socialiste les méppise moins.
M. Charles Dumas est député de l'Allier.
C'est un titre. Il n'est pas suffisant, cepen-
dant, ppur en faire un pontife et la gran-
de majorité de ses collègues socialistes ad-
mettra difficilement, sans doute, qu'il pla-
ce son parti en dehors des contingences de
la vie politique et qu'il proclame dans
l'absolu, une intransigeance ultra dogma-
tique : cc Nous avons notre solution à ap-
porter, dit-il, et ce n'est pas celle des au-
tres ». Faut-il rire ou pleurer de ce dieu
guesdiste qui changera la face du monde à
un moment précis par un coup de baguette
déterminé ? Ni l'un, ni l'autre : il en faut
sourira..
Que la fraction guesdistequi n'est pas par-
tisan du Bloc n'hésite pas en cette occasion
à marcher la main dans la main avec une
fraction du parti socialiste désavouée, et à
la 'veille d'être condamnée par l'unité,
ce n'est peut-être pas son devoir, mais
c'est son droit. Mais qu'elle prétende can-
tonner le parti tout entier dans une ac-
tion purement idéaliste qui le mettrait
dans la nécessité matérielle d'ajourner à
des centaines d'années, la réalisation de la
moindre réforme, sous prétexte que devant
être obtenue par une alliance avec le par-
ti radical, elle n'est pas la « solution » uni-
que du socialisme, voilà qui ne sera sans
doute pas du goût du prolétariat qui se
contenterait de cette réforme et n'est pas
sûr du tout du succès de cette « solution ».
Le prolétariat, comme la démocratie ra-
dicale elle-même, que veut-il ? Des réalisa-
tions. Or, un certain nombre de celles-ci
sont désirées par l'un comme par l'autre.
Séparés, ils ne peuvent les obtenir, unis,
ils les auront. S'ils se doivent séparer à
nouveau après, qu'importe ! puisque le
chemin fait ensemble les aura pareille-
ment avancés 1 -
Il peut être élégant de disserter sur le
dogme du tout ou rien. On ne voit pas bien
où ces dissertations ont conduit jusqu'alors
le parti guesdiste, si ce n'est à lui per-
mettre de faire aider la réaction à l'occa-
sion de la iR. P. ou de la défense laïque,
par un Myrens ou un Compère-Morel. Au
contraire, le Bloc d'il y a quinze ans a
manifestement] procuré à la démocratie
d'incontestables progrès.Il n'a pas empêché
par ailleurs, le parti socialiste de repren-
dre sa liberté d'action dès qu'il l'a voulu.
Contre un renouveau de réaction qui me-
nace autant le socialisme que le radica-
lisme, le Bloc n'est pas plus impossible
qu'en 1898 et il est non inoins nécessaire*
Lire à la deuxième page:
!l'' UN DISCOURS DE M BARTHOU -
A BORDEAUX
CHEZ LES SOCIALISTES
Le congrès
d'Amiens
La première journée est consacrée aux
souhaits de bienvenue et à l'organi-
sation de la propagande.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER) V
Amiens, 25 janvier. — Le 118 congrès
national du parti socialiste (section fran-'
çaise de l'internationale ouvrière) s'est
ouvert aujourd'hui à Amiens.
La première séance a eu lieu ce matin N
onze heures dans un préau d'école, déco-
ré de bannières rouges avec des inscrip-
tions : « Prolétaires de tous les pays, unis-
sez-vous », etc., etc., et les noms des pré-
curseurs et chefs d'écoles : Saint-Simon,
Karl Max, Bdanqui, etc.
Les délégués sont relativement peu nom-
breux. Notons : MM. Jaurès, Vaillant,
Groussier, Compère-Morel, Sembat, My-
rens, Delory, Hubert Rouger, Bouveri, •
Merle Sixte-Quenin, etc., députés ; Va-
renne, ancien député ; Varenne, conseil-
ler municipal de Paris ; des militants :
Roldes, Camélinat, Renauded, André Lebey,
Héliès, Laudier.
Le congrès tranche par l'affirmative la
question de savoir si la presse sera admise
et la séance commence.
M. Lecointe, député de la Somme, prési-
de et souhaite la bienvenue aux congres-
sistes.
Le délégué allemand Müller apporte le
salut de la Social-Démocratie. Il rappelle,
aux applaudissements de l'assistance, le
souvenir de Bebel, sa protestation contre
l'annexion de l'Alsace-Lorraine; MM. Wan-
ters, délégué belge, et Hubeck, du parti
socialiste tchèque, prennent ensuite la pa-
role au nom de leurs organisations.
M. Lecointe- lès remercie et les prie de
reporter chez eux les vœux du prolétariat
français.
Et le secrétaire du parti, M. Dubreuil,
explique que le devoir de tout le parti.so-
cialiste dans tous les pays, est de déclarer
la guerre à la guerre et de lutter contre
le militarisme. Il fait des vœux pour l'en-
tente franco-allemande achevée par ren-
tente anglo-franco-allemande. Il lit des té-
légrammes de sympathies des socialistes
angttais qui, retenus à leur congrès de Glas-
gow, n'ont pas envoyé de délégués ; des
socialistes suédois, norvégien^ suisses,
portugais, arméniens, russes, finlandais.
M-ais il est midi, la séance est levée et
renvoyée à cet après-midi.
SEANCE DE L'APRES-MIDI
Maintien des fédérations peu Importantes
Cet après-midi, M. Delory, député du
Nord, préside la séance. L'assistance est
plus nombreuse que ce matin. Parmi les
nouveaux ¡arrivés, citons : MM. Rouanet,
Thomas, Bra-cke, Mistral, Ringuier, Lau-
che, Doisy, députés ; Gustave Hervé, etc.
On discute tout de suite les différents
rapports du secrétariat. Et on propose de
retirer le titre de Fédération à plusieurs
fédérations qui ont un nombre d'adhé-
rents réellement trop minime, comme la
Corse ou le Cantal et de rattacher à d'au-
tres Fédérations celles qui, comme le Cal-
vados, l'Orme, le Tarn-et-Garonne, les Hau-
tes-Alpes, le Lot et la Manche, sont un peu
plus importantes, mais n'ont tout de même
pas un nombre de cotisants suffisant pour
ce titre d'après le règlement du parti.
Mais après une longue discussion, on dé-
cide qu'exceptionnellement pour cette an-
née, et en raison de la période électorale,
le « statu quo » sera maintenu, en avertis-
sant toutefois les Fédérations en question
qu'elles aient à faire l'effort nécessaire,
sinon on leur appliquera le règlement.
Le congrès enregistre la disparition de
la Fédération de la Martinique, M. Lagro-
sillière, député, ayant quitté le parti.
La propagande
La grosse question à l'ordre du jour de
cet après-midi est l'organisation de la pro-
pagande dans le pays.
On commence par donner connaissance
des plaintes de l'Ardèche sur le « peu d'em-
pressement des propagandistes à visiter
ce département ». Ces réclamations sont
renvoyées à l'examen d'une commission.
Et la Fédération de Seine-et-Oise propose
un nouveau et, d'après elle, meilleur systè-
me d'organisation et de propagande dans
le pays. MM. Compère-Morel, puis Laudier,
délégué du .Cher et délégué permanent du
parti, très applaudis retiennent l'attention
de l'assistance sur cette question.
M. Poisson dit qu'il ne faut pas incri-
miner le passé, mais mieux préparer l'a-
venir.
M. Jaurès rend aussi hommage aux pro^
pagandistes dont les efforts ne doivent pas
être jugés par les résultats immédiats des
cartes distribuées, parce que ces résultats m
en préparent d'autres et il affirme sa con-
fiance dans l'essor du parti, surtout de-
puis que les deux grands mouvements so-
cialiste et syndicaliste ne se contrarient
plus.
Enfin, après intervention de M. Sembat,
une proposition de M. Vaillant tendant au
renvoi pour examen à la commission ad-
ministrative et permanente, est votée par.
acclamations.
M. Barabant, ancien maire de Dijon et
candidat du parti à une récente élection
législative partielle où il ne fut battu qu'à
an chiffre minime de voix, demande qu'à
l'avenir le parti apporte un concours pécu-
niaire plus sérieux aux fédérations qui sou-
tiennent le combat.
Les délégués de l'Afrique du Nord de-
mandent. de leur côté. l'envoi annuel d'uri
délégué à la propagande.
M.Lebas, maire de Roubaix, 'lui, se plaint
que le service gratuit du bulletin Le Socia-
liste ne soit plua tait à tous les groupes.
suivant une décision antérieure.
Une longue discussion s'engage à ce su-
jet.
On propose même la suppression du So-
cialiste ou son intercalation mensuelle dans
l'Humanité, ou sa transformation en revue.
Mais aucune de ces propositions ne reçqjt
une solution immédiate. Toutes sont ren-
voyées à la commission compétente.
Le congrès adopte alors le rapport finan-
cier fle nombre odes cartes des cotisants est
passé en 1913 de 68,000 à 72,765) et celui
des déléguée au bureau international dont
la réunion- a eu lieu en décembre à Lon-
dres et dans lequel il est dit notamment
que kss trois fractions : qui composent le
parti socialiste britannique sont en - voie d'u-
5 e*81 Le Numéro
RÉDACTION et ADMINISTRATION
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2 v h B1 IB^B tnifffl K^jJ k9 ^69
Directeur-Rédacteur en Chef : FÉLIX HAUTFORT.
WNDI 26 JANVIER 1914
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M. Barthou
ouvre le feu
Le Béarnais tira le premier. Faut-il
dire que ce fut un coup de maître ? Il
nous décocha, en se jouant, ses terribles
ironies; jamais l'Apaisement ne fut ser-
vi par un combattant plus irrité, jamais
la Concorde n'eut un grand prêtre plus
farouche.
Si M. Barthou, dès ses premiers pas
dans une campagne évidemment triom-
phale. voulait nous démontrer l'impos-
sibilité de l'accord entre le républicain
qu'il prétend être et ceux que nous en-
tendons rester, il a pleinement réussi.
Il fut, il est vrai, moins heureux dans
sa tentative hardie pour se dégager de
la réaction.
Ses adversaires se sont dérobés, dit-
il, à tous ses cartels. Sans doute de-
vaient-ils redouter un adversaire aussi
terrifiant, mais encore la rencontre ora-
toire n'était-elle pas nécessaire pour
montrer que le gouvernement de M. Bar-
thou entendait Eluder l'échéance de l'im-
pôt sur le revenu; satisfaire, sous le pré-
texte patriotique, les exigences nationa-
listes; pratiquer avec l'Eglise une poli-
tique, habilement balancée, de fermeté
apparente et de défaillance effective.
Nul ne s'y trompait, ni au Parlement,
ni dans la presse, ni dans le pays; les
applaudissements frénétiques de la ré-
action nous donnaient à tout instant,
malgré la duperie des mots, le sens pré-
cis de l'orientation gouvernementale.
C'est au moment même où les républi-
cains s'aperçurent qu'il fallait faire le
sacrifice de leurs idées de justice fis-
cale ou renverser le ministère, qu'ils
marquèrent le terme du cabinet Bar-
thou. S'il n'appartenait pas à M. Cail-
laux de combler d'un coup de baguette
magique le déficit mesuré par M. Du-
mont, au moins devait-il proposer au
Parlement des solutions d'ensemble con-
formes aux engagements de la Chambre
et à la volonté de la démocratie. M.
Barthou a le droit de manifester son im-
patience de voir le Sénat conservateur
naufrager à la fois le redoutable projet
et le fâcheux ministre. Ce désir part
d'un boi naturel, mais il n'est pas en-
core une réalité.
Le discours de Bordeaux est la pre-
mière tentative de la troupe Barthou-
Briand pour concilier la République et
la réaction; pour fédérer, sous l'emblè-
me de l'Apaisement, la gauche et la
droite débaptisée. Mais voici que, dès
le premier jour, un virtuose de la poli-
tique, dans ses périlleux exercices, tom-
be du côté où, depuis longtemps, il pen-
chait.
Admirez pourtant la souplesse de cet
homme charmant, à qui l'Académie fait
risette. Pour autoriser tous les espoirs
des ducs, il s'affirmait hier « concor-
dataire ». Il est juste de dire que, pour
ne point pousser à la stupeur l'étonne-
ment des républicains, il se déclarait —
crânement — partisan du maintien de
la Séparation !
Le voile se déchire. Les mystérieux
conciliabules de la rue d'Enghien, de
l'avenue Van Dyck et du quai d'Orsay
aboutissent à ceci : le rétablissement des
relations avec Borne. On nous dit que
c'est le commencement d'une « croi-
sade »; nous le voyons bien; il s'agit
de rendre à la sainte Eglise cette « fille
aînée » que les républicains lui avaient
ravie.
Nous vivons dans des temps fertiles
en prodiges. Le libre penseur Barthou
se repent et devient « concordataire ».
Au train dont ils y vont, nos vaillants
« croisés » de la Fédération des gau-
ches, en route pour la Ville Eternelle,
seront vite à Canossa. Mais les troupes
suivront-elles des chefs si pieusement
intrépides l' Nous verrons bien.
LE VRAI PÈRE
M. Barthou, hier, à Bordeaux, a poussé la
recherche de la paternité jusque. au paradoxe :
il a toift simplement déclaré que sa fameuse
circulaire sur les manuels scolaires, qui a tant
emu i parti républicain. « avait été préparée
lit rédigée en 1910 par M. Doumergue ».
Ne serait-ce que pour ne pas faire injure à
l'esprit d'initiative bien connu de l'ancien pré-
sident du Conseil, il nous est impossible d'en
rien croire. Bien que ce soit M. Barthou qui
ait signé cette circulaire, il est bien possible
qu'elle ne soit pas de lui. Mais elle n'est pas
de M. Doumergue non plus.
Celui-ci ne saurait être rendu responsable de
tous les projets de décrets, arrêtés, décisions et
circulaires qui lui lurent soumis par ses servi-
ces alors qu'il était minisire et qu'il laissa au
dossier, justement parce qu'il ne voulut point
leur donner la vie en les signant. Il en est ainsi
de la circulaire sur les manuels : non seulement
M. Doumergue ne l'a pas signée, mais il l'a
trouvée si dangereuse qu'il la laissa dans les
cartons. Et cela même condamne M. Barthou,
qui n'eut pas les mêmes. scrupules républi-
cains.
Fallut-il qu'elle soit peu républicaine, cette
circulaire, pour que non seulement M. Doumer-
gue, mais après lui M. Maurice-Faure. M. Guis-
l'hau et M Steeg aient' cru devoir la laisser
lettre-morte et qu'il ait lallu le passage de M.
Barthou rue de' Grenelle pour qu'elle ait les
bonneurs de l'Officiel !
Ce n'est plus possible !
Nous fie paierons pas de ttfois chefs-d'œuvre
le retour de la « Joconde » parce que tiotfs
avons dénoneé le matfehé à temps.
Les palmes n'avaient pas suffi à l'anti-
quaire italien qui fit retrouver lai Joconde.-
Il ne fallait pas tant s'étonner que le gou-
vernement français ait pris l'initiative,
sur l'avis de M. Barrés, de souligner
l'élégance du geste de l'Italie - puisqu'il
paraît que cette élégance ne se suirisai 1
pas elle-même — en lui offrant, en échange
-du tableau du Vinci deux,. ou plutôt trois
peintures de primitifs italiens de notre
Lauvre. Car on s'est étonné, à tort.
La nouvelle que nous avons donnée est,
en effet, plus fondée que le voudrait faire
croire lie communiqué officiel du sous-se-
crétariat des beaux-arts. Que -1t,- con-
seil supérieur des beaux-arts se soit ou non
réuni depuis juin 1913, il n'importe pas
beaucoup à l'affaire : Ce qui importe plus,
c'est que le journal l'Italie donne d'étran-
ges détails, d'une cruelle précision, sur
cette affaire, tellement même qu'on aurait
peine à croire que de tels détails ont été
m ventés de toutes pièces.
Les deux oeuvres de primitifs italiens que
nous disions devoir servir de récompense
& la restitution de la Joconde sont, en effet,
décrites par le journal italien : elles exis-
tent et sont bien au Louvre : ce sont, d'une
part, un fragment de prtédelle de devant
d'auteL de Gentile di Fabriano, représen-
tant l'adoration des mages, fragment qui
compléterait te devant d'autel dont les deux
autres parties sont à la galerie de l'Acadé-
mie die Florence, et, d'autre part, un double
fragment d'une autre prédelle en - cinq
fragments, dont trois de Pilippo Lippi sont
aus-si à Florence, tandis que les deux au-
tres, de Pessellino, sont justement ceux
que nous offrons.
Et, de ce fait, la seule inexactitude de
notre nouvelle, c'est qu'au lieu de deux ta-
bleaux, nous en donnerions trois.
Mais les donnerons-nous ?
C'est peu probable. Quel que soit, en ef-
fet le désir de M. Barrère de couronner
sa carrière en décrochant le collier de l'An-
nonciade, on estimera sans doute, en haut
lieu, que ce désir ne vaut pas la perte de
deux belles œuvres du Louvre, même en
échange de la Joconde, et surtout mainte-
nant que nous avons éventé la nouvelle
et qu'il n'est plais possible de réaliser le
désir de notre ambassadeur, dans l'ombre
propice du secret bien gardé.
Démentez ! démentez ! disait l'autre, il
en restera toujours quelque chose. En l'oc-
currence, il restera deux — ou plutôt trois
— chefs-d'œuvre à la France. C'est quel-
que chose.
—— ) -.- '( ——————————
La Petite Guerre
C
'omme on a retardé la date du prochain Con-
sistoire, où seront nommés de nouveaux
cardinaux. le bruit a coiuru d'une nouveue ma-
ladie de Pie X.
La nouvelle n'est pas exacte.
Seulement, pour aller de ses appartements a
la salle du Consistoire, il faut traverser des cou-
loirs où sévissent des courants d'air, et si Sarto
n'est pas malade, il craint de te devenir.
Pendant ce temps-là, ce sont les futurs cardi-
naux qui font une maladie.
v
.oici un excellent article de la Croix,
L'auteur raconte une promenade au Bois,
parmi les patineurs, puis une visite cnez aes
malheureux.
« Pourvu que demain il ne gèle pas », dit une
pauvre lemme.
a C'était juste le contraire de la parole enten-
due deux heures auparavant. »
C'est que l'on parle' beaucoup de la chartté.
mais que l'on ne sait guère ce que c'est, parmi
les élégants désœuvrés qui ont le temps d'aller
patiner au Bois.
Pourquoi la Croix aioute-t-elle :
a Mais je venais de traverser toute la société,
et j'arrivais de l'autre côté. »
Il serait surprenant que, Vayant traversée, il
se trouve toujours au même endroit.
) -+- (
ENCORE LA R. P.
Nous serions désolés de contrister le moins
du monde M. René Renoult. Mais est-ce le
chagriner que de dire de lui qu'en se pré-
sentant devant la commission sénatoriale
de la réforme électorale, porteur d'un pro-
jet de transaction, il a accompli sans le
moindre enthousiasme, et, surtout, sans la
moindre illusion, une sorte de rite dont ses
collègues du cabinet s'étaient déchargés
sur lui avec empressement et que lui im-
posaient, en outre, ses fonctions de minis-
tre de l'intérieur ?
Oui, il est venai au Sénat dire le plus de
bien possible de certain expédient qui a
la prétention de concilier la représentation
des minorités et ce principe, dont le Sénat
avec raisün, n'entend pas démordre : Nul
ne peut être élu s'il a obtenu moins de
voix que ses concurrents.
Et cet expédient consiste en ceci : souli-
gner sur une liste un nom préféré. Au
premier tour, ce trait de plume ou de
crayon aurait la valeur d'un demi-suffra-
ge ; au second tour, c'est pour un suffrage
entier qu'il compterait.
Ne discutons pas. Disons mieux : ne dis-
cutons plus.
Cela n'en vaut plus la peine, en effet.
Qui ne sent — même dans les rangs er-
péiistes — qu'il est désormais trop tard pour
peser les mérites ou les démérites plus ou
moins grands d'une proposition quelconque
tendant à concilier majoritaires et propor-
tionnaiistes ?
Et quel est le gouvernement républicain
digne de ,oe nom., qui voudrait mener
ce pays à des élections très proches, sans
donner à notre parti — disons mieux : à
tous les partis — lie temps de s'organiser
conformément aux nouvelles conditions de
vote qui nous seraient faites ?
Toute discussion nouvelle est donc
vaine.
Nous l'avons même affirmé depuis long-
temps, en déplorant les longues heures, les
longues semaines, les longs mois que cette
néfaste invention réactionnaire a fait per-
dre à la présente Chambre.
Et c'est bien, aussi le sentiment de la
commission sénatoriale. Par une politesse
toute naturelle, elle a décidé de discuter"
d'ici peu, la proposition gouvernementale
et de déposer son rapport le plus tôt t'os-
sible. Mais, à l'unanimité, elle a confirmé
son précédent vote en faveur de la motion
majoritaire de M. ,, Peytral.
Qu'on en finisse donc, à bref délai, avec
« ce mort qu'il faut qu'on tue x.
Le Parlement, surtout à la fin de cette
législature, n'a plus une minute à perdre.
TRIBUNE LIBRE
les bons comptes.
Que décidera le congrès d'Amiens sur
la tactique du parti socialiste aux élec-
tions prochaines ? Ya-t-il, comme le dé-
sirent beaucoup de républicains, accep-
ter l'entente avec le parti radical ? Ou
bien, comme on le souhaite de l'autre
côté, faisant de la R. P. l'objet exclu-
sif de ses préoccupations, ira-t-il cher-
cher des appuis à droite pour l'imposer
à la prochaine Chambre ?
A mon avis, il ne fera ni ceci ni cela.
La coalition sur le terrain de la R. P.,
les socialistes, précisément parce qu'ils
sont tout acquis à cette réforme, la re-
pousseront; elle ne sera même pas pro-
posée. Car ce serait la mort de la pro-
portionnelle.
Quant à l'entente avec les radicaux,
elle est réclamée par beaucoup de mi-
litants socialistes. Mais elle comporte
nécessairement quelques garanties préa-
lables qui, je le crains, ne nous seront
pas données.
D'abord pour s'entendre il faut être
deux. Je vois bien que certains radi-
caux, et non des moindres, parlent de
revenir à la politique du Bloc. Mais le
parti radical, que dit-il, qu'a-t-il dit
à son dernier congrès ?
Dans le discours qu'il a prononcé à
Pau, après son élection à la présidence
du comité exécutif, M. Caillaux a dé-
claré formellement que le parti radical
n'avait « ni à offrir ni à rechercher des
alliances incompatibles avec sa dignité
de parti M.
Il est possible que les intentions des
radicaux se soient modifiées depuis. On
le dit et je veux bien le croire. Mais la
déclaration de Pau demeure et nous
sommes obligés de la tenir jusqu'à nou-
vel ordre pour la consigne du parti ra-
dical.
Donc pas d'alliance. Peut-on, sans al-
ler jusqu'à l'alliance complète, s'enten-
dre au moins pour une discipline com-
mune de second tour sur un programme
commun ?
C'est ici qu'il faut, aux deux partis,
des garanties réciproques. Or, si les so-
cialistes ont une organisation forte, qui
leur permet d'assurer l'exécution des
décisions de leurs congrès, je ne vois
pas que les radicaux soient en état de
prendre le même engagement.
Dans maints départements, l'organi-
sation radicale n'existe que sur le pa-
pier. Les féjérations y sont sans force
et sans discipline.
Mais alors, si les socialistes accep-
taient les yeux fermés et sans conditions
l'entente qu'on leur offre, qui leur ga-
rantit que tous ces candidats de même
étiquette, après avoir glané des suffra-
ges personnels chacun dans sa région,
ne se désisteront pas les uns pour les
autres au second tour, même en pré-
sence du candidat socialiste arrivé en
tête au premier ?
Or, il n'y a pas de discipline répu-
blicaine possible en dehors de cette rè-
gle très simple : un seul candidat de
gauche au second tour, qu'il y ait ou
non une candidature de droite. Et pour
que cette règle soit applicable, il faut
d'une part que chaque parti n'ait qu'un
candidat, et de l'autre qu'il soit en
mesure d'imposer sa discipline.
Ces conditions, il faut le dire, ne
sont pas encore réalisées. Et c'est pour-
quoi il me paraît difficile que le congrès
d'Amiens trace une règle unique en vue
du second tour. L'attitude des socialis-
tes aux élections devra nécessairement
dépendre de celle des candidats radi-
caux.Nos amis observeront la discipline,
si elle est par ailleurs observée à leur
profit. En l'absence d'un parti radical
solidement organisé, c'est la seule tac-
tique possible.
Et puis, même dans le parti radical
unifié, il y a radicaux et radicaux. Il
faudra voir de quelle manière se com-
porteront les candidats en ce qui touche
le programme adopté à Pau.
Ce programme est des plus net. Mais
les candidats radicaux unifiés oseront-
ils le défendre ? Seront-ils franchement
hostiles à la loi de trois ans et partisans
déclarés de l'impôt progressif sur le re-
venu, selon la formule que le congrès
de Pau a faite sienne ?
Ne reprendront-ils pas, sur ces ques-
tions essentielles, les termes ambigus
de la déclaration ministérielle ou ceux
du discours de M. Noulens ?
Encore une fois, il faudra voir. Et
si vif que soit le désir des socialistes
d'adopter une tactique unique, aussi
claire que possible, il ne me semble pas
que, dans l'état actuel des partis, nous
puissions faire autre chose que de nous
en remettre à nos fédérations départe-
mentales du soin de juger les hommes et
les programmes, et de régler leur atti-
tude en conséquence.
Sans doute il eût mieux valu aboutir
à une entente générale. Mais à qui la
faute, si cette entente paraît compro-
mise ? Je ne veux pas le rechercher. Je
serais obligé, tout en confessant les er-
reurs de mes amis, de marquer les res-
ponsabilités radicales. Et cette histoire
serait trop longue à raconter.
Alexandre VARENNE,
Ancien député.
EN CAS DE GUERRE
Le Ravitaillement
de Paris
La Ville a voté 400.000 fr. — Que
va maintenant faire l'Etat ? -
L'opinion puhlique a droit à des
Il assurances formelles.
Ainsi que nous l'annoncions hier, le
conseil municipal vient de voter 400.000 fr.,
afin d'aider l'Etat à constituer, dans la ca-
pitale, une réserve de farine pour le temps
de guerre. Agissant ainsi, nos édiles ont
fait preuve de clairvoyance et de patrio-
tisme. Il semble bien douteux que l'Etat
eût pu puiser dans l'art. 1er de la loi du
1er février 1892, relative à l'approvisionne-
ment du camp retranché de Paris, les pou-
voirs nécessaires pour forcer le conseil
municipal au sacrifice qu'il a librement
consenti. Mais ce dernier a pensé que dans
une matière aussi grave, la revendication
des droits les plus évidents devait céder
le pas à la sauvegarde de l'intérêt national.
Une irréfutable démonstration avait révé-
lé que, en cas de guerre, la famine s'abat-
trait rapidement sur la capitale. Au lieu
d'ergoter avec l'Etat pour savoir à qui il
incombe de détourner ce danger, la Ville
est allée au plus pressé votant 400.000 fr.
pour coopérer aux précautions nécessaires.
Le problème du ravitaillement
Ce n'est point chose facile que d'assu-
rer le ravitaillement de Paris en temps de
guerre. Trois raisons, en effet, viennent
compliquer les données du problème.
C'est d'abord l'importance de la popula-
tion parisienne. Sans doute celle-ci serait
réduite dans une assez large mesure par
l'appréhension d'un siège. Nombre de fem-
mes, d'enfants et de non combattants ga-
gneraient la province. Mais il ne faut pas
oublier que cet exode ne serait pas possi-
ble pour les pauvres ou tout au moins
pour la très grande majorité d'entre eux.
On aura, d'autre part, une idée de l'énor-
mité des approvisionnements qu'exige l'im-
portance ue la population parisienne, lors-
qu'on saura que celle-ci consomme 13.000
quintaux de farine par jour.
Le second motif qui rend difficile l'ap-
provisionnement de la capitale, c'est qu'elle
va chercher très loin sa subsistance. Les
autres grandes villes de France font ordi-
nairement venir des campagnes avoisinan-
tes, ce qu'elles consomment. Si l'on ex-
cepte les produits de la culture maraîchè-
re, rien de tel n'existe pour Paris. Et plus
ses sources d'approvisionnement sont éloi-
gnées, plus il faut craindre les difficultés
et les à-coups au lendemain d'une déclara-
tion de guerre, car cette guerre apporte-
rait une effroyable perturbation dans nos
services de transport.
Un aspect particulier de cette perturba-
tion du service des transports révèle, préci-
sément, la troisième difficulté que rencon-
trerait l'approvisionnement de Paris au
lendemain d'une mobilisation. C^tte mobi-
lisation et les mouvements stratégiques
qui suivraient, feraient couler un flot ef-
froyable d'hommes vers la frontière mena-
cée. Pour transporter ces hommes, tant de
Paris que du reste de la France, il fau-
drait des trains et des trains. Et les wa-
gons employés pour les mouvements de
troupes feraient, dans une mesure plus
ou moins large, défaut à ceux des approvi-
sionnements.
Le geste élégant du conseil municipal ne
résout pas le problème.
En présence de la difficulté et de la com-
plication du problème de l'approvision-
nement de la capitale, il importe de mar-
quer que le vote d'un crédit de 400.000 fr.
par le conseil municipal dégage la respon-
sabilité de ce dernier, mais qu'il ne saurait
à lui seul résoudre ce problème. La paro-
le passe simplement à l'administration
militaire.
Celle-ci a étaibli un départ entre les deux
catégories d'approvisionnements nécessai-
res à la capitale.
Elle a réclamé l'aide financière de la
Ville pour les approvisionnements de fa-
rine.
Elle assume, par contre, à elle seule,
la tâche de ravitailler Paris, dès les pre-
miers jours de la mobilisation, en viande,
lait, pommes de terre, légumes secs, char-
bon, bois pétrole et toutes autres denrées
de première nécessité.
Pour ce qui est des approvisionnements
de farine, les techniciens ont préconisé di-
vers moyens, afin de constituer une réser-
ve de farine : achats de stocks par l'Etat,
primes aux farines appartenant à des par-
ticuliers et demeurant en dépôt dans les
magasins généraux.
D'aucuns ont prétendu que la constitu-
tion de cette réserve exigerait une dépense
annuelle de près de 400.000 francs par an.
On aimerait à savoir, de façon précise,
quel est le procédé de constitution de Mocks
de farine adopté par le ministère de la
guerre et aussi quelles sont les précau-.
tions prises par lui pour assurer le ravi-
taillement de Paris, en ce qui concerne les
autres denrées de première nécessité, dont
il se charge seul.
Des explications nettes et des assurances
formelles.
Il semble un peu scandaleux qu'il ait
fallu une campagne de notre confrère « Le
Bulletin des Halles » pour révéler à notre
grand Etat-Major, les difficultés et les dan-
gers du ravitaillement de Paris, au lende-
main d'une déclaration de guerre, ou tout
au moins pour l'inciter à s'occuper acti-
vement de résoudre ces difficultés et d'é-
carter ces dangers.
Il serait extrêmement pénible d'admet-
tre que l'esprit qui, à la veille de 1870, ins-
pirait au maréchal Lefèvre, sa phrase
légendaire sur les boutons de guêtre, rè-
gne encore dans les bureaux de l'adminis-
tration militaire.
Sans marchander, sans égard pour l'Etat
de nos finances, le pays accorde tout ce
qu'on lui réclame au nom de la défense na-
tionale.
C'est bien le moins qu'il en ait pour son
argent et que de cela il possède la certi-
tude.
Une voix autorisée a pu, sans être dé-
mentie, affirmer l'année dernière, que la
situation de Paris, au point de vue du ra-
vitaillement, « est infiniment moins favora-
ble qu'en 1870 ». -
De telles paroles ont fait naître dans le
pays des inquiétudes, des appréhensions,
que seules des explications -nettes et des
assurances formelles pourront faire dispa-
raître. -
Jean Duboii.
Leurs troupes noires
Pour suppléer au manque de prêtres, les
évêques font rentrer les religieux et les
remplacent par des prêtres nègres.
De plus en plus,' les séminaires sont vi-
des. La dernière rentrée d'octobre, de
l'aveu de tous les évêques, a été lamentable
pour le nombre et pour la qualité. Un
grand .effort d'attirance a été fait par l'ar-
chevêché de Paris, qud a recruté d'anciens
frères ignorantins ou des novices de con-
grégations. Mais c'est un cri de détresse
dans tous les autres diocèses : il n'y a plus
de vocations ecclésiastiques.
Aussi quelques prélats commencent-ils à
faire appel aux religieux qui, au lendemain
de la loi des congrégations, s'étaient ré-
fugiés hors de France. Il en revient de
Rome et d'Italie, d'Espagne, de Belgique.
On dit même que des moines étrangers sud-
vent les français et acceptent des fonctions
sacerdotales dans certains départements
plus dépourvus. -
Même avec ce racolage de fortune, il n'y
a plus. dans beaucoup de diocèses, qu'un
prêtre pour quatre ou cinq paroisses.. Ce
sont des missionnaires — souvent des mis-
sionnaires à bicyclette — qui courent d'une
église à l'autre, et d'un baptême à un en-
terrement ici, à un mariage là-bas. Ainsi
en est-dl pour Meaux, Sens, Autun et air-
leurs.
Or., ce qui se passe en Algérie vient de
donner une idée à nos hommes violets, et
c'est d'avoir non seulement dies curés
noirs, mais des curés nègres — Les trou-
pes noires du sacerdoce. Ceci va arriver
par les Pères Blancs. Un paradoxe dans le
désarroi.
L'archevêque d'Aliger et les évêques de
Constantine et d'Oran ont décidé, en ef-
tet, de faire rentrer les Pères Blancs de
leurs miss-ions lointaines. Par exemple de
l'Ouganda (Afrique orientale anglaise).
Avant de rédiuire Je nombre des mission-
naires blancs, M. Tévêque Streicher, leur.
supérieur, a consacré prêtres deux nègres
de l'Ouganda, les nommés Basile Loumou
et Victor Vomeraka. Il en a, en outre, ton-
suré douze autres, qui recevront bientôt
l'ordination.
Le nouvel évêque de Madagascar, M. Gi-
v-elet, de l'Ordre des Jésuites, se propose,
dit-on, d'en faire autant pour les indigènes
malgaches. Et le mot d'ordre fera le tour
des colonies. Quelques nègres vont être en-
voyés, pour leurs études théologiques, dans
tes séminaires de France et chez les Pères
du Saint-Esprit.
Dans une année ou dieux, nous verrons
des nègres confesser les femmes et les
jeune filles françaises, et les troupes noi-
res de Rome conduire nos patronages et
nos sociétés de gymnastique cléricales. Il
faudra voir la peau de l'autre génération
des enfants de Marie !
>% «M+M ( -
LE BLOC
NÉCESSAIRE
Les guesdistes désignent les réalisations
démocratiques ; l'ensemble du pattti
socialiste les méppise moins.
M. Charles Dumas est député de l'Allier.
C'est un titre. Il n'est pas suffisant, cepen-
dant, ppur en faire un pontife et la gran-
de majorité de ses collègues socialistes ad-
mettra difficilement, sans doute, qu'il pla-
ce son parti en dehors des contingences de
la vie politique et qu'il proclame dans
l'absolu, une intransigeance ultra dogma-
tique : cc Nous avons notre solution à ap-
porter, dit-il, et ce n'est pas celle des au-
tres ». Faut-il rire ou pleurer de ce dieu
guesdiste qui changera la face du monde à
un moment précis par un coup de baguette
déterminé ? Ni l'un, ni l'autre : il en faut
sourira..
Que la fraction guesdistequi n'est pas par-
tisan du Bloc n'hésite pas en cette occasion
à marcher la main dans la main avec une
fraction du parti socialiste désavouée, et à
la 'veille d'être condamnée par l'unité,
ce n'est peut-être pas son devoir, mais
c'est son droit. Mais qu'elle prétende can-
tonner le parti tout entier dans une ac-
tion purement idéaliste qui le mettrait
dans la nécessité matérielle d'ajourner à
des centaines d'années, la réalisation de la
moindre réforme, sous prétexte que devant
être obtenue par une alliance avec le par-
ti radical, elle n'est pas la « solution » uni-
que du socialisme, voilà qui ne sera sans
doute pas du goût du prolétariat qui se
contenterait de cette réforme et n'est pas
sûr du tout du succès de cette « solution ».
Le prolétariat, comme la démocratie ra-
dicale elle-même, que veut-il ? Des réalisa-
tions. Or, un certain nombre de celles-ci
sont désirées par l'un comme par l'autre.
Séparés, ils ne peuvent les obtenir, unis,
ils les auront. S'ils se doivent séparer à
nouveau après, qu'importe ! puisque le
chemin fait ensemble les aura pareille-
ment avancés 1 -
Il peut être élégant de disserter sur le
dogme du tout ou rien. On ne voit pas bien
où ces dissertations ont conduit jusqu'alors
le parti guesdiste, si ce n'est à lui per-
mettre de faire aider la réaction à l'occa-
sion de la iR. P. ou de la défense laïque,
par un Myrens ou un Compère-Morel. Au
contraire, le Bloc d'il y a quinze ans a
manifestement] procuré à la démocratie
d'incontestables progrès.Il n'a pas empêché
par ailleurs, le parti socialiste de repren-
dre sa liberté d'action dès qu'il l'a voulu.
Contre un renouveau de réaction qui me-
nace autant le socialisme que le radica-
lisme, le Bloc n'est pas plus impossible
qu'en 1898 et il est non inoins nécessaire*
Lire à la deuxième page:
!l'' UN DISCOURS DE M BARTHOU -
A BORDEAUX
CHEZ LES SOCIALISTES
Le congrès
d'Amiens
La première journée est consacrée aux
souhaits de bienvenue et à l'organi-
sation de la propagande.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER) V
Amiens, 25 janvier. — Le 118 congrès
national du parti socialiste (section fran-'
çaise de l'internationale ouvrière) s'est
ouvert aujourd'hui à Amiens.
La première séance a eu lieu ce matin N
onze heures dans un préau d'école, déco-
ré de bannières rouges avec des inscrip-
tions : « Prolétaires de tous les pays, unis-
sez-vous », etc., etc., et les noms des pré-
curseurs et chefs d'écoles : Saint-Simon,
Karl Max, Bdanqui, etc.
Les délégués sont relativement peu nom-
breux. Notons : MM. Jaurès, Vaillant,
Groussier, Compère-Morel, Sembat, My-
rens, Delory, Hubert Rouger, Bouveri, •
Merle Sixte-Quenin, etc., députés ; Va-
renne, ancien député ; Varenne, conseil-
ler municipal de Paris ; des militants :
Roldes, Camélinat, Renauded, André Lebey,
Héliès, Laudier.
Le congrès tranche par l'affirmative la
question de savoir si la presse sera admise
et la séance commence.
M. Lecointe, député de la Somme, prési-
de et souhaite la bienvenue aux congres-
sistes.
Le délégué allemand Müller apporte le
salut de la Social-Démocratie. Il rappelle,
aux applaudissements de l'assistance, le
souvenir de Bebel, sa protestation contre
l'annexion de l'Alsace-Lorraine; MM. Wan-
ters, délégué belge, et Hubeck, du parti
socialiste tchèque, prennent ensuite la pa-
role au nom de leurs organisations.
M. Lecointe- lès remercie et les prie de
reporter chez eux les vœux du prolétariat
français.
Et le secrétaire du parti, M. Dubreuil,
explique que le devoir de tout le parti.so-
cialiste dans tous les pays, est de déclarer
la guerre à la guerre et de lutter contre
le militarisme. Il fait des vœux pour l'en-
tente franco-allemande achevée par ren-
tente anglo-franco-allemande. Il lit des té-
légrammes de sympathies des socialistes
angttais qui, retenus à leur congrès de Glas-
gow, n'ont pas envoyé de délégués ; des
socialistes suédois, norvégien^ suisses,
portugais, arméniens, russes, finlandais.
M-ais il est midi, la séance est levée et
renvoyée à cet après-midi.
SEANCE DE L'APRES-MIDI
Maintien des fédérations peu Importantes
Cet après-midi, M. Delory, député du
Nord, préside la séance. L'assistance est
plus nombreuse que ce matin. Parmi les
nouveaux ¡arrivés, citons : MM. Rouanet,
Thomas, Bra-cke, Mistral, Ringuier, Lau-
che, Doisy, députés ; Gustave Hervé, etc.
On discute tout de suite les différents
rapports du secrétariat. Et on propose de
retirer le titre de Fédération à plusieurs
fédérations qui ont un nombre d'adhé-
rents réellement trop minime, comme la
Corse ou le Cantal et de rattacher à d'au-
tres Fédérations celles qui, comme le Cal-
vados, l'Orme, le Tarn-et-Garonne, les Hau-
tes-Alpes, le Lot et la Manche, sont un peu
plus importantes, mais n'ont tout de même
pas un nombre de cotisants suffisant pour
ce titre d'après le règlement du parti.
Mais après une longue discussion, on dé-
cide qu'exceptionnellement pour cette an-
née, et en raison de la période électorale,
le « statu quo » sera maintenu, en avertis-
sant toutefois les Fédérations en question
qu'elles aient à faire l'effort nécessaire,
sinon on leur appliquera le règlement.
Le congrès enregistre la disparition de
la Fédération de la Martinique, M. Lagro-
sillière, député, ayant quitté le parti.
La propagande
La grosse question à l'ordre du jour de
cet après-midi est l'organisation de la pro-
pagande dans le pays.
On commence par donner connaissance
des plaintes de l'Ardèche sur le « peu d'em-
pressement des propagandistes à visiter
ce département ». Ces réclamations sont
renvoyées à l'examen d'une commission.
Et la Fédération de Seine-et-Oise propose
un nouveau et, d'après elle, meilleur systè-
me d'organisation et de propagande dans
le pays. MM. Compère-Morel, puis Laudier,
délégué du .Cher et délégué permanent du
parti, très applaudis retiennent l'attention
de l'assistance sur cette question.
M. Poisson dit qu'il ne faut pas incri-
miner le passé, mais mieux préparer l'a-
venir.
M. Jaurès rend aussi hommage aux pro^
pagandistes dont les efforts ne doivent pas
être jugés par les résultats immédiats des
cartes distribuées, parce que ces résultats m
en préparent d'autres et il affirme sa con-
fiance dans l'essor du parti, surtout de-
puis que les deux grands mouvements so-
cialiste et syndicaliste ne se contrarient
plus.
Enfin, après intervention de M. Sembat,
une proposition de M. Vaillant tendant au
renvoi pour examen à la commission ad-
ministrative et permanente, est votée par.
acclamations.
M. Barabant, ancien maire de Dijon et
candidat du parti à une récente élection
législative partielle où il ne fut battu qu'à
an chiffre minime de voix, demande qu'à
l'avenir le parti apporte un concours pécu-
niaire plus sérieux aux fédérations qui sou-
tiennent le combat.
Les délégués de l'Afrique du Nord de-
mandent. de leur côté. l'envoi annuel d'uri
délégué à la propagande.
M.Lebas, maire de Roubaix, 'lui, se plaint
que le service gratuit du bulletin Le Socia-
liste ne soit plua tait à tous les groupes.
suivant une décision antérieure.
Une longue discussion s'engage à ce su-
jet.
On propose même la suppression du So-
cialiste ou son intercalation mensuelle dans
l'Humanité, ou sa transformation en revue.
Mais aucune de ces propositions ne reçqjt
une solution immédiate. Toutes sont ren-
voyées à la commission compétente.
Le congrès adopte alors le rapport finan-
cier fle nombre odes cartes des cotisants est
passé en 1913 de 68,000 à 72,765) et celui
des déléguée au bureau international dont
la réunion- a eu lieu en décembre à Lon-
dres et dans lequel il est dit notamment
que kss trois fractions : qui composent le
parti socialiste britannique sont en - voie d'u-
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