Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-09-28
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 septembre 1886 28 septembre 1886
Description : 1886/09/28 (A8,N2506). 1886/09/28 (A8,N2506).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/07/2012
HUITIEME ANNÉE —NUMÉRO 2506;
Un Numéro : Paris, 15 cent. ;Dêpartements, 20 cent. MARDI 28 SEPTEMBRE 1886.
D. DHUHERT, Directeur
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le lendemain. — J. JANIN, préface de Gil Blas.
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bourg, au bureau de poste, et chez VIOL-
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MM. les Actionnaires sont prévenus
qu'un deuxième acompte de 10 francs par
action sur les résultats de l'exercice 1886
sera mis en payement à partir dul mar-
di 5 octobre prochain, à la caisse de la
Société, 10, boulevard des Capucines,
contre la remise du coupon n° 15.
SOMMAIRE
LA VIE D'UN PAYSAGISTE. — Guy de Maupassant.
NOUVELLES ET ÉCHOS. — Le Diable Boitent.
ALLÉGORIES (la Dompteuse). — Catullç Mendès.
PORTRAITS D'AUJOURD'HUI. - Charles Durand.
INFORMATIONS. — Georges Dutet.
PHARAONS AU PETIT PIED. — Ange Morre.
LES PROPOS DU DOCTEUR. — DI E. Monin.
LE CONGRÈS DE GENÈVE. — Un touriste.
LA STATUE DE BARBES. — J. P.
LA TOUR EIFFEL. -A. Cellarius.-
FAITS DIVERS. — Jean Pauwels.
-TouR DU MONDE. — Louis Rozier.
JOURNAUX ET REVUES. - El Correo.
CHRONIQUE DE L'AUDIENCE. — Eaque.
- -LES LIVRES, T* Paul Gimsty,
SPORT. — The Former.
COURRIER DES THÉATRES. — Fernand Bourgeat.
"LA SEMAINE FINANCIÈRE. — Henri Bregeot.
PASSE-TEMPS QUOTIDIEN. — E. Framery.
SPECTACLES DU JOUR.
FEUILLETON : LA BELLE-FILLE. — A. Matthey.
fil —
LA VIE DIUÏÏ PAISIIIGISTEI
Etretat, septembre.
Mon cher ami, merci de ta lettre qui me
donne des nouvelles de Paris. Elle m'a
fait grand plaisir et m'a surpris comme si
elle me venait d'un autre monde quitté
depuis longtemps. Comment, tous ces
hommes dont tu me parles ne sont pas
morts ; et ils s'occupent encore des mê-
mes balivernes ! Le boulevard s'agite à
propos des mêmes niaiseries, les salons
se troublent de ce que M. X. semble
avoir couché avec Mme Z.! La stupide
politique, roulée par les mêmes imbéci-
les, va d'ornière en ornière, et tous les
jours des messieurs graves écrivent des
colonnes innombrables sur les mêmes
sujets, que les naïfs discutent avec con-
viction, sans s'apercevoir qu'ils ont déjà
lu dix mille fois les mêmes choses !
Ce que tu me dis de l'exposition de la
Société des artistes indépendants aux
Tuileries m'a intéressé. Il faut ouvrir les
yeux sur tous ceux qui tentent du nou-
veau, sur tous ceux qui cherchent à dé-
couvrir l'Inaperçu de la nature, sur tous
ceux qui travaillent sincèrement, en de-
hors des vieilles routines. Mais pourquoi
cette exposition en plein été ? L'Etat
sans doute ne prête le local qu'en cette
saison. L'Etat est toujours le même sot
puissant et autoritaire. Nous le verrons
quelque jour, en vertu de ce principe qui
le pousse à ouvrir les expositions d'art
pendant la canicule, forcer les proprié-
taires de bains froids à ne donner des le-
çons de plongeon et de natation en Seine
que pendant les mois de décembre, jan-
vier et février.
Donc, tu me dis qu'il y a des choses
curieuses à voir dans cette galerie, et des
choses inattendues; tant mieux j'irai à
mon retour.
En ce moment, je vis, moi, dans la
peinture à la façon des poissons dans
tfeau. Comme cela étonnerait la plupart
des hommes de savoir ce qu'est pour nous
la couleur, et de pénétrer la joie profonde
qu'elle donne à ceux qui ont des yeux
pour voir.
Vrai, je ne vis plus que par les yeux ;
je vais, du matin au soir, par les plaines
et par les bois, par les rochers et par les
ajoncs, cherchant les tons vrais, les
nuances inobservées, tout ce que l'Ecole,
tout ce que l'Appris, tout ce que l'Edu-
cation aveuglante et classique empêche
de connaître et de pénétrer.
Mes yeux ouverts, à la façon d'une
bouche affamée, dévorent la terre et le
ciel. Oui, j'ai la sensation nette et pro-
fonde de manger le monde avec mon re-
gard, et de digérer les couleurs comme
on digère les viandes et les fruits.
Et cela est nouveau pour moi. Jus-
qu'ici je travaillais avec sécurité. Et main-
tenant je cherche !. Ah! mon vieux, tu
ne saislpas, tu ne sauras jamais ce que c'est
qu'une motte de terre, et ce qu'il y a dans
l'ombre courte qu'elle jette sur le sol à
côté d'elle. Une feuille, un petit caillou,
un rayon, une touffe d'herbe m'arrêtent
des temps infinis; et je les contemple
avidement, plus ému qu'un chercheur
d'or qui trouve un lingot, savourant un
bonheur mystérieux et délicieux à dé-
composer leurs imperceptibles tons et
leurs insaisissables reflets.
Et je m'aperçois que je n'avais jamais
rien regardé, jamais. Va, c'est bon, cela,
c'est meilleur et plus utile que les bavar-
dages esthétiques devant des piles de sou-
coupes représentant des bocks.
Parfois, je m'arrête stupéfait d'observer
tout à coup des choses éclatantes dont je
ne m'étais jamais douté. Regarde les ar-
bres et l'herbe en plein soleil, et essaie
de les peindre. — Tu essaieras. Tout le
monde a fait du paysage au soleil, parce
que tout le monde est aveugle. Mon cher,
les feuilles, l'herbe, tout ce que le soleil
frappe en plein n'est plus coloré mais lui-
sant, et d'un luisant tel que rien ne le
peut rendre. Or, on ne saurait peindre ce
qui brille; on ne saurait même en donner
l'Illusion.
L'an dernier, en ce même pays, j'ai
souvent suivi Claude Monet à la poursuite
d'impressions. Ce n'était plus un peintre,
en vérité, mais un chasseur. il allait
suivi d'enfants qui portaient ses toiles,
cinq ou six toiles représentant le même
sujet à des heures diverses et avec des
effets différents.
Il les prenait et les quittait tour à tour,
suivant tous les changements du ciel. Et
le peintre, en face du sujet, attendait,
guettait le soleil et les ombres, cueillait
en quelques coups de pinceau le rayon
qui tombe ou le nuage qui passe, et, dé-
daigneux du faux et du convenu, les po-
sait sur sa toile avec rapidité.
Je l'ai vu saisir ainsi une tombée étin-
celante de lumière sur la falaise blanche
et la fixer avec une coulée de tons jaunes
qui rendaient étrangement -le surprenant
et fugitif effet de cet insaisissable et aveu-
glant éblouissement.
Une autre fois, il prit à pleines mains
une averse abattue sur la mer et la jeta
sur sa toile. Et c'était bien de la pluie
qu'il avait peint ainsi, rien que de la
pluie voilant les vagues, les roches et le
ciel, à peine distincts sous ce déluge.
Et je me souviens encore d'autres ar-
tistes que j'ai vu travailler jadis dans ce
vallon d'Etretat.
Un jour, j'étais très f jeune encore, et
je suivais la ravine de Beaurepaire quand
j'aperçus dans une ferme, dans une petite
ferme, un vieil homme en blouse bleue
qui peignait sous un pommier.
Il paraissait tout petit, accroupi sur
son pliant; et, cette blouse de paysan
m'enhardissant, je m'approchai pour le
regarder. La cour était en pente, entou-
rée de grands arbres que le soleil, près
de disparaître, criblait de rayons oblr-
ques. La lumière jaune coulait' sur les
feuilles, passait à travers et tombait sur
l'herbe en pluie claire et menue.
Le bonhomme ne me vit pas. Il pei-
gnait sur u'ne petite toile carrée, douce-
ment, tranquillement, sans presque re-
muer. Il avait des cheveux blancs assez
longs, l'air doux et du sourire sur la
figure.
Je le revis le lendemain dans Etretat.
Ce vieux peintre s'appelait Corot.
Une autre fois, deux ou trois ans plus
tard, j'étais venu sur la plage, pour voir
un ouragan.
Le vent furieux jetait sur le pays la
mer déchaînée, dont les vagues, énormes
s'envenaient lourdement, l'une après l'au-
tre, lentes et coiffées d'écume.
Puis, rencontrant soudain la dure pente
de galet, elles se redressaient, se cour-
baient en voûte et s'écroulaient avec un
bruit assourdissant. Et, d'une falaise à
l'autre, la mousse arrachée de leurs crê-
tes, s'envolait en tourbillons et s'en al-
lait vers la vallée, par dessus les toits du
pays, emportée par les bourrasques.
Un homme dit soudain près de moi :
« Venez donc voir Courbet, il fait une
chose superbe ». Ce n'était point à moi
qu'on avait parlé, mais je suivis, car je
connaissais un peu l'artiste. Il habitait
une petite maison donnant en plein sur la
mer, et appuyée à la falaise d'aval. Cette
maison avait appartenu d'ailleurs au pein-
tre de marines Eugène Le Poittevin.
Dans une vaste pièce nue, un gros
homme graisseux et sale collait avec un
couteau de cuisine des plaques de cou-
leur blanche sur une grande toile nue.
De temps en temps il allait appuyer
son visage à la vitre et regardait la tem-
pête. La mer venait si près qu'elle sem-
blait battre la maison enveloppée d'écume
et de bruit. L'eau salée frappait les car-
reaux comme une grêle et ruisselait sur
les murs.
Sur la cheminée, une bouteille de cidre
à côté d'un verre à moitié plein.
De temps en temps Courbet allait en
boire quelques gorgées, puis il revenait à
son œuvre. Or, cette œuvre devint « la
Vague » et fit quelque bruit par le monde.
Trois hommes causaient dans un coin de
l'atelier. Il y avait là, si je ne me trompe,
Charles Landelle.
Et Courbet aussi parlait, lourd et gai,
farceur et brutal. Il avait un esprit pe-
sant mais précis, plein de bon sens,
paysan caché sous de grosses blagues.
Il disait devant une Sainte Famille que
lui montrait un confrère ; « C'est très
beau, ça ! Vous les avez donc connus
ces gens-là, vous, que vous avez fait leur
paourtrait ! »
'?©°o
Que d'autres peintres encore j'ai vu
passer par ce vallon, où les attirait sans
doute la qualité du jour vraiment excep-
tionnelle ! Car le jour, à quelques lieues
de distance, est aussi différent que les
vins du Bordelais. Ici, la lumière est écla-
tante sans être crue ; tout est clair
sans être brutal, et tout se nuance d'une
admirable façon. -
Mais il faut voir, ou plutôt il faut dé-
couvrir. L'œil, le plus admirable des or-
ganes humains, est indéfiniment perfec.
tionnable ; et il arrive, quand on pousse,
avec intelligence, son éducation, à une
merveilleuse acuité. Les anciens, on le
sait, ne connaissaient que quatre ou cinq
couleurs. Nous notons aujourd'hui d'in-
nombrables tons ; et les vrais artistes,
les grands artistes s'émeuvent bien plus
des modulations et des harmonies obte-
nues dans une seule note que des écla-
tants effets appréciés de la foule igno-
rante.
Tout le combat terrible que Zola ra-
conte dans son Œuvre admirable, toute
cette lutte infinie de l'homme avec la
pensée, toute cette bataille superbe et
effroyable de l'artiste avec son Tdée, avec
le tableau entrevu et insaisissable, je les
sens et je les livre, moi, chétif, impuis-
sant, mais torturé comme Claude, avec
d'imperceptibles tons, avec d'indéfinissa-
bles accords que mon œil seul, peut-être,
constate et note ; et je passe des jours
douloureux à regarder, sur une route
blanche, l'ombre d'une borne en consta-
tant que je ne puis la peindre.
• • • 9 • • • » • •
Pour copie conforme :
GUY DE MAUPASSANT.
Nouvelles &. Echos
AUJOURD'HUI
A deux heures, courses à Vincennes.
Pronostics de Gil Blas :
Prix des Haras : Fétiche.
Prix de Montfermeil: Sérénade.
Prix de VOurcq : Améthyste.
Prix de Saint-Michel : Pail.
Prix de Seine-et-Oise: Anglomane.
Le pesage était très bien composé hier
à Longchamps. Les plus jolies femmes
du faubourg Saint-Germain avaient quitté
leurs châteaux pour quelques jours. Parmi
les plus admirées, nous citerons la com-
tesse d'Avaray, la comtesse de Sonis, la
comtesse de Montesquiou, la marquise de
Castellane, la comtesse de Pracomtal, la
comtesse de la Rochefoucauld, la com-
tesse do Mailly-Nesle, la comtesse de
Ségur, etc.
Avis aux mères de famille!
Pour Dieu ! pour Dieu ! ne laissez pas -
vos jeunes filles regarder de trop près
les Cynghalais.
Une bonne histoire est arrivée ces
jours-ci au Jardin d'acclimatation, à une
jeune fille fort jolie, qui se trouvait avec
ses parents devant la paillotte des Cyn-
ghalais.
A un moment donné, un des hommes
de cette tribu s'arrête devant elle et se
met à la regarder avec une persistance
inouïe, puis s'en va, revient et, s'adres-
sant aux parents, leur demande si c'est
leur « baby. »
rfur leur réponse affirmative, le Cyn-
ghalais regarde de nouveau la jeune
fille, lui prend la main qu'il caresse,
touche ses cheveux qui sont fort jolis,
fait force compliments}, met la main
sur son cœur et, finalement, fait une de-
mande en mariage aux parents, auxquels
il raconte par le menu sa petite existence
nomade. Il ajoute que d'ici cinq mois il
ne fera plus partie de la troupe avec qui
il est, qu'il reviendra à Paris, et qu'alors
il faut que les parents lui donnent leur
adresse, parce que, dit-il, il ira les voir ;
mais, comme il sait que son costume
n'est pas positivement à la hauteur de la
situation, lui, se fera habiller à la fran-
çaise.
X
Mais, le plus amusant de l'histoire,
c'est qu'il allait chercher tous ses cama-
rades pour leur montrer sa fiancée, et il
lui a fait don d'une rose, qu'il voulait à
toutes forces mettre lui-même à son cor-
sage.
Un détail typique :
Il paraît que, dans son pays, quand un
jeune homme est fiancé, il allume un ci-
gare qu'il présents m te à sa fiancée,
ce qu'il a, du re< voulu faire, mais la
jeune fille n'a plus trouvé alors que la
plaisanterie était de son goût.
Celle-là, par exemple, elle est plai-
sante.
L'autre semaine, une camériste se pré-
sente chez une demi-mondaine qui habite
l'avenue de Villiers.
— Vous savez, lui dit la croqueuse de
cœurs, je ne vous donne pas de gages.
J'ai beaucoup d'amis très sérieux, très
v'lan} très bécarre, et, par conséquent,
très généreux avec les domestiques. Si
vous voulez, ça y est; vous vous conten-
tez des bénéfices.
La bonne accepte. Mais au bout de huit
jours, n'ayant fait qu'une recette de 5 fr.,
elle rendit son tablier à la demi-mondaine.
Celle-ci. pour la payer, lui remit une
bouteille de zucco.
- Allez la vendre, lui dit-elle. Cette
marque vaut dans les vingt-cinq francs,
vous en trouverez bien dix francs ; je vous
les donne comme gratification pour les
huit jours que vous avez passés chez moi.
Payer sa bonne avec du zucco, c'est un
vrai comble.
Vous avez deviné, n'est-ce pas, de qui
je veux parler ?
Il s'agit de la belle Jeanne de M. --
A une heure du château de Chantilly,
se trouve une résidence non moins prin-
cière, celle du duc de Massa.
Hier, il y avait fête intime au château
Où avaient été conviés quelques amis,
pour l'audition de l'œuvre musicale qui
passionne le châtelain depuis plusieurs
mois.
Bien que chasseur et Asmodée, nous ne
pousserons pas l'indiscrétion jusqu'à dé.
voiler les noms de tous les invités et de
déflorer une solennité prochaine dont on
ne faisait aujourd'hui que la répétition.
Nous ne pouvons résister cependant à
1» tentation de dire que tout a marché
pour le mieux; Mme Desmarest, la fem-
me du sympathique sous-gouverneur de
la Banque de France, musicienne dis-
tinguée, a parfaitement répété le magni-
fique duo, qu'elle chante avec M. le due
de Massa.
Comme note gaie, signalons un simple
accident à une contrebasse, mais, à deux
heures et demie, il était réparé. Vous
voyez que nous sommes précis. De plus,
dans ce pays charmant, le gibier, paraît-
il, est musicien, car, vers six heures,
au crépuscule, une académie d'une cen-
taine de lapins, ovalement rangés, déli-
bérait en face de la terrasse du château,
attirée soit par les accords de l'orchestré
ou les aromes variés des 150,000 francs
de fleurs que le duc de Massa a fait
venir dernièrement de Belgique.
La saison d'hiver promet d'être joyeuse
dans la vieille capitale normande et, le
croirait-on, les fiouennais paraissent,
cette année, décidés à s'amuser ferme.
Samedi dernier, le Théâtre-Français,
nouvellement restauré et transformé en
une charmante bonbonnière, ouvrait ses
portes au public.
Cetteusoirée de début, pour laquelle on
donnait l'Etrangère, a été l'occasion d'ua
sùccès très franc pour la troupe vrai-
ment remarquable qu'a su réunir son di-
recteur, M. Leclerc, et dans laquelle fi-
gurent d'ailleurs des noms bien connus
gurent
du public parisien, entre autres Mme
Mary Julliea fit M. Moiitlouis,
Le même soir, le Cercle artistique,
plus connu sous le nom fantaisiste de
Cercle des « Pipards » inaugurait ses
nouveaux salons tout voisins du théâtre.
Les « Pipards » avaient, pour la circons-
tance. lancé de nombreuses invitations
dans le monde des belles-petites rouen-
naises et, parmi celles-ci, aucune n'avait
eu garde de manquer à l'appel.
Comme il est de mode aux « Pipards »,
on a beaucoup ri et le jour commençait à
poindre qu'on entendait encore les rires
perlés des jolis filles, éclatant en trilles
joyeux sous les lambris dorés.
Comme vous le voyez, on ne s'ennuie
pas en Normandie.
Dédié à M. Dimanche :
Deux de nos aimables confrères reçoi-
vent en leur splendide villa des environs
de Paris l'ordre sévère, sentant la pou-
dre et le papier timbré, d'avoir à payer
quelques pièces d'un certain vin de Bor-
deaux qui était délicieux, mais dont il ne
reste plus que quelques fioles.
La lettre menaçante se terminait par
une signature aussi flamboyante que la
prose.
Nos aimables confrères écrivirent à
l'irascible négociant une lettre dont on
nous envoie un extrait :
« Tout d'abord votre vin était fort
» agréable, mais bientôt il tourna à l'ai-
» gre sous l'influence de vos aigres dis-
» cours.
» Quant à votre merveilleax paraphe,
» accordez-lui les honneurs des archives
» ministérielles. »
Et nos joyeux confrères, tout en vidant
les dernières bouteilles en l'honneur de
M. Dimanche, se roulaient sur le parquet
en se tordant de rire.
Moralité : Les vins fins font les fins
esprits.
On nous envoie du Bordelais quelques
renseignements sur le joli bal organi&é
par le comte et, la comtesse de Sauver-
zac.
On ne saurait trop louer, nous dit-on,
la grâce et l'affabilité avec lesquelles la
charmante maîtresse de la maison fait les
honneurs de chez elle. Tous les grands
noms du pays s'étaient donné rendez-
vous à ce bal. Un fort beau cotillon con-
duit par le fils de la maison clôturait cette
belle soirée.
L'ami Fritz déserte le monde de la
haute noce, ses pompes et ses œuvres
pour devenir l'heureux époux d'une veuve
millionnaire. Depuis que les fiançailles
ont été célébrées, l'ami Fritz n'est plus
ce fanné de chic que tout le monde con-
naît, il est v'ian, pschutt et bécarre.
La duchesse de La Rochefoucauld-Bi-
saccia est en ce moment avec son plus
jeune fils à Uriage. La duchesse vit très
retirée, fait chaque jour de longues pro-
menades en voiture et se prépare par un
repos complet aux fatigues de la pro-
chaine saison mondaine.
--
Une dépêche de Luc-sur-Mer nous ap-
prend la mort de M. Hippolyte Castille.
Romancier et publiciste de talent, M.
Castille a collaboré à un grand nombre
de journaux ; il a publié sous le secO-Rd
Empire une galerie de portraits politi-
ques qui firent à l'époque beaucoup de
bruit.
Sous le pseudonyme d'Alceste, il a fait
paraître, d'abord dans l'Universel, puis, il
y a quelques années, dans le Voltaire,
une série de lettres politiques très remar-
quées.
Il était âgé de soixante-six ans.
Salle superbe hier aux Folies-Bergère;
dans les avant-scènes, la fleur des co.,ur.
chics, et aux fauteuils nombre de gilets
en cœur venus pour applaudir la jolie
Lhéry dans le ballet de Volaçuck.
Les bravos qui ont accueilli la voltige
aérienne de John Villis nous ont rappelé
les beaux jours de Léutard.
NOUVELLES A LA MAIN
Entendu sous le péristyle de la Bourse :
— Vous qui connaissez le père Z.,
croyez-vous qu'il soit solvable ?
— Mon cher, tout ce que je puis vous
dire, c'est qu'à la Bourse on lui a souvent
donné des gifles et il n'en a jamais rendu
une seule 1
oQo
En police correctionnelle :
Prévenu Alphonse, que faisiez-vous?
- Des victimes, mon président. -
- Ne vous moquez pas de la justice.
je vous demande quelle est votre profes-
sion ?
- Caissier pour dames.
LE DIABLE BOITEUX.
————————— » —————————
ALLÉGORIES
LA DOMPTEUSE
Un soir, désœuvré, j'entrai dans cette
ménagerie.
*
, - Allons, les jeunes lions, finissez de
rugir et de bondir, et hâtez-vous d'être
humbles et tranquilles, car voici la Domp-
teuse !
Mais eux, les trois lionceaux, ils ne
tinrent aucun compte de l'avertissement
que leur donnait le valet des bêtes, en
agitant une fourche passée entre les bar-
reaux de la cage; ils ne cessaient pas
d'écheveler leurs crinières ; le vent de
gueules rauques faisait frissonner et s'en-
tier les toiles de la tente foraine.
Et l'un des lionceaux, dans son rugis-
sement, disait :
— Qui donc me soumettra ? Qui donc
me forcera à courber la tête et à rentrer
les griffes? Je sortirai! je m'enfuirai!
Les planches, les portes, les grilles, je
briserai tous ces obstacles, comme si je
marchais à travers des herbes, et je m'en
irai vers la patrie lointaine de ma race.
Là, dans le calme désert silencieux, où
les gazelles, qui suffiront à ma faim, vien-
nent boire aux rares sources qui suffiront
à ma soif m'attendent, couchées sur le
sable en des étirements, les femelles aux
yeux d'or vert. Beau, joyeux, intrépide,
je crierai d'amour en les voyant, d'une
douce voix terrible, @ et je ferai signe de
me suivre à l'une d'elles, qui m'aimera.
Nous irons, seuls, à travers les immensi-
tés sans caravanes, brûlés par le soleil,
rafraîchis par les souffles; et nous se-
rons fiers, heureux, farouches ; nous em-
plirons le silence de nos rugissements de
volupté; puis, le soir, étendus l'un près
de l'autre, léchant nos gueules qu'ensan-
ta la chasse heureuse, nous nous endor-
mirons sur l'avancement de quelque
dune, et la belle lune contemplera, ef-
frayée et charmée, le tendre sommeil
conjugal de la lionne et du lion l
Le second des lionceaux, dans son cri
plus énorme, disait :
— Qui donc me soumettra ? qui donc
me forcera à courber la tête, et à rentrer,
les griffes? Tout à l'heure je vais prendre
entre mes dents les barres, les serrures,
les pieux enfoncés dans la terre, et il
tombera de mes babines quelque chose
de semblable aux débris d'une noisette
qu'un enfant croqua. Mais ce n'est point
vers le silence et le calme du désert que
je m'éloignerai! Non, je marcherai à
travers les villes où mes frères aux
belles chevelures languissent, s'étiolent,
meurent en de hideuses geôles, entre
les pâles verdures des jardins, à tra-
vers les bourgades où de vils bateleurs
osent nous offrir en spectacle. Et je
romprai toutes les barrières, et je déli-
vrerai les beaux captifs attristés. Bientôt
nous serons dix, nous serons cent, nous
serons mille! Emeute formidable de cri-
nières secouées et de gueules ouvertes,
troupeau monstrueux et superbe de rois
évadés ! Et, quand plus un lion ne gémira
de langueur dans la prison et da is l'a-
baissement, alors, alors seulement, suivi
par les m ens, je gagnerai les chères so-
litudes, libéré et libérateur, rugissant de
joie et de gloire, pareil à un prince triom-
phant qui ramène dans la patrie son peu-
ple reconquis !
Et le troisième des lionceaux, d'une
voix aussi profonde, mais plus lente, di-
sait :
— Celui-là perdrait son temps qui vou-
drait me soumettre! aucun regard ne
verra se courber mon front ni se détourner
mes yeux. D'une poussée je ferai voler
en éclats tout le bois et tout le fer de ma
prison, et je jaillirai des ruines, éparpil-
lant d'un seul sursaut les décombres,
comme, en se secouant, on fait s'envoler
de la poussière. Mais ce qui m'attire vers
la liberté, ce n'est point le désir des belles
femelles aux yeux d'or vert, ou l'espoir
de délivrer ceux de ma race captifs. Ni
l'amour, même heureux, ni l'action, mê-
me généreuse, ne me tentent. Je m'en
irai très loin, très loin, dans un désert
inconnu des plus farouches bêtes, à l'é-
cart des hommes et des lions aussi ! Là, je
vivrai seul, ayant autour de moi, sur moi,
de toutes parts l'infini. Je serai le con-
templateur solitaire de tout ce qui est
sans bornes, de l* ver, du désert, du
ciel. J'échangerai des regards avec les
étoiles! Et, vieillissant enfin, plein de
rêves toujours, un soir je m'étendrai pour
mourir, la tête -sur mes pattes, dans
l'immensité sacrée, en face du soleil cou-
chant !
Ainsi parlaient les trois jeunes lions ;
et ils étaient féroces et magnifiques; et
sans doute ils allaient se ruer, furieuse-
ment, hors de la cage disloquée, lorsque,
dans cette cage, par une porte vite ou-
verte et reclose, apparut la Dompteuse.
Elle ne semblait point redoutable, ni
par la force, ni par la beauté, chétive,
par la force, '~atigiiée, vêtue de loques,
vieillissante, fatiguée, vêtue de loques,
presque haillon elle-même ; et son sou-
rire sans dents était celui des vieilles
bateleuses.
Dans une main un fouet, dont un petit
chien jappeur ne se serait pas inquiété.
Mais, dès qu'ils la virent, eux, les trois
lionceaux atroces, ils cessèrent de rugir
et de bondir, et ils furent humbles, et ils
se tinrent tranquilles, dans un coin, en
tas. Un instant, un éclair de révolte leur
traversa les yeux, mais elle les fouailla,
et ils s'écartèrent, soumis, presque ram-
pants , frôlant d'une échine souple les
planches et les barreaux. Elle leur mon-
tra des barrières qu'ils franchirent sous
le fouet ! Elle leur montra des cerceaux à
travers lesquels ils passèrent sous le
fouet! Celui qui voulait lécher la san-
glante gueule amoureuse des sauvages
femelles, lécha les mains de la Domp-
teuse. Celui qu'emportait l'espérance de
tous les lions délivrés, menaça d'une mor-
sure , comme un chien bien dressé, l'un
de ses compagnons qui tardait à donner
la patte; et le lionceau qu'extasiait l'es-
pérance de mourir, les yeux grands ou-
verts et fixes, en face du soleil qui se
,couche, cligna des paupières, ébloui,
effrayé, à cause de la lueur d'une capsule
de carabine! Puis, quand les exercices fu-
rent achevés, la Dompteuse, en se reti-
rant, jeta aux lions quelques morceaux
de viande, qu'ils aggriffèrent entre leurs
pattes, et qu'ils se mirent à mâcher, l'œil
éteint, contents.
*
Tandis que, suivant la foule qui s'écou
lait, je sortais de la baraque, étonné d'a-
voir compris ce que hurlait le rugisse-
ment des fauves :
- Voilà, murmurai-je à part moi, une
singulière ménagerie.
un vieillard qui marchait à mon côté
me dit :
— Une ménagerie? Peut-êlre. Moi qui
ai très longtemps vécu, je discerne, der-
rière les choses, d'autres choses.
- Eh 1 qu'est-ce donc que vous avez
vu, monsieur?
— Un séjour d'hommes, n'importe où.
— Alors, les lionceaux, qui sont-ils, je
vous prie?
— Les beaux instincts de la fière jeu-
nesse : l'amour des violentes amours !
l'amour des justes gloires ! l'amour des
sublimes songes !
Il ajouta :
- Mais il faut manger.
- Et la Dompteuse, repris-je, qui est-
elle ?
- La Dompteuse? dit-il ; c'est la Vie 1
Et, l'examinant de près, je vis qu'il
avait sous les rides de ses paupières à
demi baissées, le regard las et doux,
satisfait, et si triste, des bêtes après le
repas.
CATULLE MEMÈS
+ *
PORTRAITS DAMOLMMM
JEANNINET Weinii-e potir darnes)
1
Une jolie tête retouchée, préparée,
étudiée comme celle d'un acteur cons-
ciencieux qui s'incarne dans la peau de
-son personnage, une tête qui sent le tra-
vail patient, les longues heures de la toi-
lette devant la glace avec à côté de soi
quelque estampe ancienne ou quelque
buste de plâtre, l'air à la fois efféminé et
impertinent des joueurs de bilboquets
qu'Henri III entretenaient comme des
complaisantes filles de joie.
Ni grand, ni petit, d'une irréprochable
correction de clubman qui sait ce que
vaut dans la vie parisienne un bon tailleur.
Mais aucune étincelle dans le regard, au-
cune attirance dans les traits, dans le
sourire éternel de la bouche, rien de l'on
ne sait quoi qui trahit le sourd travail de
l'intelligence en fusion, l'envolement des
chimères, la passion de vivre, de dépas-
ser le troupeau de Panurge, de créer des
rêves.
Et si charmant, ce Jeanninet, si poti-
nier, si flirteur, si chiffonneur auprès des
femmes, si commode pour improviser une
folle partie, pour ébaucher une passion-
nette, s'inquiétant si peu du qu'en dira-t-
on, qu'on se l'arrache, qu'il a toujours
quelque portrait d'actrice sur son cheva-
let, qu'il passe son temps à répondre à
des invitations. Et bien amusant avec
cela, ne prêtant pas plus à rire lorsqu'il
lavemente ses deux malheureux lion-
ceaux anémiés par toutes les fades odeurp
respirées au milieu des jupes, les bonbons
dont on les gave à pleines poignées-que
lorsque, au Faubourg, sur les albums des
douairières, il dessinait des France allégo-
riques à demi sorties d'un canon fleurdelisé.
C'est bien l'homme de sa peinture prc-
pre, fadasse, comme pétrie de cold-cream
et de fards, calquée à droite, copiée a
gauche où l'on retrouve en une macé-
doine les veuleries de Bouguereau et les
boursouflures de Boucher.
Voyez-le dans son atelier, dans ce
fouillia savant de vieilles tapisseries, d'à-
mirables étoffes brodées, de drapeaux ja-
dis troués par le vent furieux des mitrail-
les, de canons, de fourrures, de bahuts
ouvragés, — vraie boutique de bric-à-
brac fanfreiuchée, papillotante, où l'on
se rappelle malgré soi les intérieurs des
maîtres, les sévères murs blancs seule-
ment couverts de tableaux ou de plâtres,.
— comme il s'entend à la mise en scène,
comme il sait épater les parvenus ou les
rastaquouères qui viennent lui acheter un-
tableau ou lui commander un portrait.
Il s'anime, ne s'arrête pas, bavarde,
fait des mots dont il est le premier à rire
aux éclats, raconte des histoires méchan-
tes, en invente au besoin, corse les dé-
tails d'une voix traînante qui vibre, qui
articule les noms connus.
Et, par moments, la portière se sou-
lève, le valet de chambre très stylé, an-
nonce la duchesse de Castellardo, le ba-
ron Sternich, le comte de Lantillac,
d'autres encore, un tas de gens aux ti-
tres sonores comme des appels de tim-
bres, et que l'on croirait loués pour figu-
rer en cette farce du plus haut comique.
Jeanninet se dérange à peine, tourne un
peu la tête, s'épanouit, entremêle les
coups de blaireau, les baisements de
mains, les saluts à propos distraits, les
galanteries surannées.
— Que c'est charmant à vous d'être
venue, madame. On m'a dit que notre cher
duc se battait demain pour une aventure
idiote. Enfin, baron, que feriez-vous
à ma place, Roschildt insiste, m'ac-
cable de lettres, revient sans cesse à la
charge. Eh bien, vous savez la grosse
nouvelle, madame d'Alberrine divorce et
l'on dit que c'est pour se marier tout de
suite avec cet imbécile de petit prince
Turino. Encore un instant de patience,
madame, une seconde pour 1 oreille.
Mon Dieu, est-elle assez Parisienne cette
oreille, toute la femme est dans une
oreille avec ses délicatesses, son rose, sa
curiosité. Et le valet de chambre conti-
nue à apporter des lettres sur son p ateau
d'argent ciselé au chiffre du jeune maî-
tre, à claironner des noms retentissants.
II
N'aurait on pas mauvaise grâce à mar-
chander les tableaux d'un artiste aussi
connu, aussi à la mode, ne paraîtrait-on
pas une décrottée de la rue du Sentier ou
du faubourg Saint-Denis, si l'on s'éter-
luait du prix: si l'on s'aventurait à peser
les exigences de M. Jeanninet, des
« horseman » qu'on rencontre au Bois
dans l'allée des Poteaux, qui entre en
cavalcadant comme un seigneur de Bran-
tôme dans les bals masqués et qui pour-
rait mettre sous sa signature : « Peintre
de ces dames » comme autrefois l'on met-
tait autrefois : « Peintre du Roi ? »
Ne faut-il pas payer cher le bonheur de
s'asseoir pendant quelques séances dans
cet atelier pareil au salon d'une caillette,
de voir la marquise de Lesbos en béret
blanc et en veston de collégien prendre
ses leçons de pastel et de croquer des
sandwichs avec la grosse princesse Wa-
noska qui tutoie en jurant son « petit
Jeanninet » et s'embarque sans rougir
une minute en des brocards du corps de
garde ?
Il n'est pas un château, pas un hall, -
pas une ville de quatre sous où l'on n'ait
accroché sa « gavotte n, cette platée de
grelotteux et de grelotteuses encarnava-
lés comme pour un divertissement de
l'Eden. La gravure a remplacé les bonnes
estampes sentimentales du père Vernet,
les crinolines de Winterhalter et ces
« chansons du rossignol », ces mignons.
aux yeux rêveurs qu'a connus notre env
fance.
Jeanninet est célèbre.
Jeanninet tient la corde, tàndis que
tant de pauvres grands artistes crèvent
la misère, se cassent le nez contre les
portes obstinément closes des marchands
de tableaux et luttent en vain pour s'ac-
Un Numéro : Paris, 15 cent. ;Dêpartements, 20 cent. MARDI 28 SEPTEMBRE 1886.
D. DHUHERT, Directeur
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Amuser les gens qui passent, leur plaire aujourd'hui et recommencer
le lendemain. — J. JANIN, préface de Gil Blas.
A. DUIIONT, Fondateur
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GET, 20, Rambla del Centro; à St-Péters-
bourg, au bureau de poste, et chez VIOL-
MT père, 10, canal Catherine, pont de
Cazan; à Londres, chez MM. DSLYZI.
DAVIES ET G'*, 1, Finch Lane, Gornhill.
SOCIÉTÉ DE « GIL BLAS >
MM. les Actionnaires sont prévenus
qu'un deuxième acompte de 10 francs par
action sur les résultats de l'exercice 1886
sera mis en payement à partir dul mar-
di 5 octobre prochain, à la caisse de la
Société, 10, boulevard des Capucines,
contre la remise du coupon n° 15.
SOMMAIRE
LA VIE D'UN PAYSAGISTE. — Guy de Maupassant.
NOUVELLES ET ÉCHOS. — Le Diable Boitent.
ALLÉGORIES (la Dompteuse). — Catullç Mendès.
PORTRAITS D'AUJOURD'HUI. - Charles Durand.
INFORMATIONS. — Georges Dutet.
PHARAONS AU PETIT PIED. — Ange Morre.
LES PROPOS DU DOCTEUR. — DI E. Monin.
LE CONGRÈS DE GENÈVE. — Un touriste.
LA STATUE DE BARBES. — J. P.
LA TOUR EIFFEL. -A. Cellarius.-
FAITS DIVERS. — Jean Pauwels.
-TouR DU MONDE. — Louis Rozier.
JOURNAUX ET REVUES. - El Correo.
CHRONIQUE DE L'AUDIENCE. — Eaque.
- -LES LIVRES, T* Paul Gimsty,
SPORT. — The Former.
COURRIER DES THÉATRES. — Fernand Bourgeat.
"LA SEMAINE FINANCIÈRE. — Henri Bregeot.
PASSE-TEMPS QUOTIDIEN. — E. Framery.
SPECTACLES DU JOUR.
FEUILLETON : LA BELLE-FILLE. — A. Matthey.
fil —
LA VIE DIUÏÏ PAISIIIGISTEI
Etretat, septembre.
Mon cher ami, merci de ta lettre qui me
donne des nouvelles de Paris. Elle m'a
fait grand plaisir et m'a surpris comme si
elle me venait d'un autre monde quitté
depuis longtemps. Comment, tous ces
hommes dont tu me parles ne sont pas
morts ; et ils s'occupent encore des mê-
mes balivernes ! Le boulevard s'agite à
propos des mêmes niaiseries, les salons
se troublent de ce que M. X. semble
avoir couché avec Mme Z.! La stupide
politique, roulée par les mêmes imbéci-
les, va d'ornière en ornière, et tous les
jours des messieurs graves écrivent des
colonnes innombrables sur les mêmes
sujets, que les naïfs discutent avec con-
viction, sans s'apercevoir qu'ils ont déjà
lu dix mille fois les mêmes choses !
Ce que tu me dis de l'exposition de la
Société des artistes indépendants aux
Tuileries m'a intéressé. Il faut ouvrir les
yeux sur tous ceux qui tentent du nou-
veau, sur tous ceux qui cherchent à dé-
couvrir l'Inaperçu de la nature, sur tous
ceux qui travaillent sincèrement, en de-
hors des vieilles routines. Mais pourquoi
cette exposition en plein été ? L'Etat
sans doute ne prête le local qu'en cette
saison. L'Etat est toujours le même sot
puissant et autoritaire. Nous le verrons
quelque jour, en vertu de ce principe qui
le pousse à ouvrir les expositions d'art
pendant la canicule, forcer les proprié-
taires de bains froids à ne donner des le-
çons de plongeon et de natation en Seine
que pendant les mois de décembre, jan-
vier et février.
Donc, tu me dis qu'il y a des choses
curieuses à voir dans cette galerie, et des
choses inattendues; tant mieux j'irai à
mon retour.
En ce moment, je vis, moi, dans la
peinture à la façon des poissons dans
tfeau. Comme cela étonnerait la plupart
des hommes de savoir ce qu'est pour nous
la couleur, et de pénétrer la joie profonde
qu'elle donne à ceux qui ont des yeux
pour voir.
Vrai, je ne vis plus que par les yeux ;
je vais, du matin au soir, par les plaines
et par les bois, par les rochers et par les
ajoncs, cherchant les tons vrais, les
nuances inobservées, tout ce que l'Ecole,
tout ce que l'Appris, tout ce que l'Edu-
cation aveuglante et classique empêche
de connaître et de pénétrer.
Mes yeux ouverts, à la façon d'une
bouche affamée, dévorent la terre et le
ciel. Oui, j'ai la sensation nette et pro-
fonde de manger le monde avec mon re-
gard, et de digérer les couleurs comme
on digère les viandes et les fruits.
Et cela est nouveau pour moi. Jus-
qu'ici je travaillais avec sécurité. Et main-
tenant je cherche !. Ah! mon vieux, tu
ne saislpas, tu ne sauras jamais ce que c'est
qu'une motte de terre, et ce qu'il y a dans
l'ombre courte qu'elle jette sur le sol à
côté d'elle. Une feuille, un petit caillou,
un rayon, une touffe d'herbe m'arrêtent
des temps infinis; et je les contemple
avidement, plus ému qu'un chercheur
d'or qui trouve un lingot, savourant un
bonheur mystérieux et délicieux à dé-
composer leurs imperceptibles tons et
leurs insaisissables reflets.
Et je m'aperçois que je n'avais jamais
rien regardé, jamais. Va, c'est bon, cela,
c'est meilleur et plus utile que les bavar-
dages esthétiques devant des piles de sou-
coupes représentant des bocks.
Parfois, je m'arrête stupéfait d'observer
tout à coup des choses éclatantes dont je
ne m'étais jamais douté. Regarde les ar-
bres et l'herbe en plein soleil, et essaie
de les peindre. — Tu essaieras. Tout le
monde a fait du paysage au soleil, parce
que tout le monde est aveugle. Mon cher,
les feuilles, l'herbe, tout ce que le soleil
frappe en plein n'est plus coloré mais lui-
sant, et d'un luisant tel que rien ne le
peut rendre. Or, on ne saurait peindre ce
qui brille; on ne saurait même en donner
l'Illusion.
L'an dernier, en ce même pays, j'ai
souvent suivi Claude Monet à la poursuite
d'impressions. Ce n'était plus un peintre,
en vérité, mais un chasseur. il allait
suivi d'enfants qui portaient ses toiles,
cinq ou six toiles représentant le même
sujet à des heures diverses et avec des
effets différents.
Il les prenait et les quittait tour à tour,
suivant tous les changements du ciel. Et
le peintre, en face du sujet, attendait,
guettait le soleil et les ombres, cueillait
en quelques coups de pinceau le rayon
qui tombe ou le nuage qui passe, et, dé-
daigneux du faux et du convenu, les po-
sait sur sa toile avec rapidité.
Je l'ai vu saisir ainsi une tombée étin-
celante de lumière sur la falaise blanche
et la fixer avec une coulée de tons jaunes
qui rendaient étrangement -le surprenant
et fugitif effet de cet insaisissable et aveu-
glant éblouissement.
Une autre fois, il prit à pleines mains
une averse abattue sur la mer et la jeta
sur sa toile. Et c'était bien de la pluie
qu'il avait peint ainsi, rien que de la
pluie voilant les vagues, les roches et le
ciel, à peine distincts sous ce déluge.
Et je me souviens encore d'autres ar-
tistes que j'ai vu travailler jadis dans ce
vallon d'Etretat.
Un jour, j'étais très f jeune encore, et
je suivais la ravine de Beaurepaire quand
j'aperçus dans une ferme, dans une petite
ferme, un vieil homme en blouse bleue
qui peignait sous un pommier.
Il paraissait tout petit, accroupi sur
son pliant; et, cette blouse de paysan
m'enhardissant, je m'approchai pour le
regarder. La cour était en pente, entou-
rée de grands arbres que le soleil, près
de disparaître, criblait de rayons oblr-
ques. La lumière jaune coulait' sur les
feuilles, passait à travers et tombait sur
l'herbe en pluie claire et menue.
Le bonhomme ne me vit pas. Il pei-
gnait sur u'ne petite toile carrée, douce-
ment, tranquillement, sans presque re-
muer. Il avait des cheveux blancs assez
longs, l'air doux et du sourire sur la
figure.
Je le revis le lendemain dans Etretat.
Ce vieux peintre s'appelait Corot.
Une autre fois, deux ou trois ans plus
tard, j'étais venu sur la plage, pour voir
un ouragan.
Le vent furieux jetait sur le pays la
mer déchaînée, dont les vagues, énormes
s'envenaient lourdement, l'une après l'au-
tre, lentes et coiffées d'écume.
Puis, rencontrant soudain la dure pente
de galet, elles se redressaient, se cour-
baient en voûte et s'écroulaient avec un
bruit assourdissant. Et, d'une falaise à
l'autre, la mousse arrachée de leurs crê-
tes, s'envolait en tourbillons et s'en al-
lait vers la vallée, par dessus les toits du
pays, emportée par les bourrasques.
Un homme dit soudain près de moi :
« Venez donc voir Courbet, il fait une
chose superbe ». Ce n'était point à moi
qu'on avait parlé, mais je suivis, car je
connaissais un peu l'artiste. Il habitait
une petite maison donnant en plein sur la
mer, et appuyée à la falaise d'aval. Cette
maison avait appartenu d'ailleurs au pein-
tre de marines Eugène Le Poittevin.
Dans une vaste pièce nue, un gros
homme graisseux et sale collait avec un
couteau de cuisine des plaques de cou-
leur blanche sur une grande toile nue.
De temps en temps il allait appuyer
son visage à la vitre et regardait la tem-
pête. La mer venait si près qu'elle sem-
blait battre la maison enveloppée d'écume
et de bruit. L'eau salée frappait les car-
reaux comme une grêle et ruisselait sur
les murs.
Sur la cheminée, une bouteille de cidre
à côté d'un verre à moitié plein.
De temps en temps Courbet allait en
boire quelques gorgées, puis il revenait à
son œuvre. Or, cette œuvre devint « la
Vague » et fit quelque bruit par le monde.
Trois hommes causaient dans un coin de
l'atelier. Il y avait là, si je ne me trompe,
Charles Landelle.
Et Courbet aussi parlait, lourd et gai,
farceur et brutal. Il avait un esprit pe-
sant mais précis, plein de bon sens,
paysan caché sous de grosses blagues.
Il disait devant une Sainte Famille que
lui montrait un confrère ; « C'est très
beau, ça ! Vous les avez donc connus
ces gens-là, vous, que vous avez fait leur
paourtrait ! »
'?©°o
Que d'autres peintres encore j'ai vu
passer par ce vallon, où les attirait sans
doute la qualité du jour vraiment excep-
tionnelle ! Car le jour, à quelques lieues
de distance, est aussi différent que les
vins du Bordelais. Ici, la lumière est écla-
tante sans être crue ; tout est clair
sans être brutal, et tout se nuance d'une
admirable façon. -
Mais il faut voir, ou plutôt il faut dé-
couvrir. L'œil, le plus admirable des or-
ganes humains, est indéfiniment perfec.
tionnable ; et il arrive, quand on pousse,
avec intelligence, son éducation, à une
merveilleuse acuité. Les anciens, on le
sait, ne connaissaient que quatre ou cinq
couleurs. Nous notons aujourd'hui d'in-
nombrables tons ; et les vrais artistes,
les grands artistes s'émeuvent bien plus
des modulations et des harmonies obte-
nues dans une seule note que des écla-
tants effets appréciés de la foule igno-
rante.
Tout le combat terrible que Zola ra-
conte dans son Œuvre admirable, toute
cette lutte infinie de l'homme avec la
pensée, toute cette bataille superbe et
effroyable de l'artiste avec son Tdée, avec
le tableau entrevu et insaisissable, je les
sens et je les livre, moi, chétif, impuis-
sant, mais torturé comme Claude, avec
d'imperceptibles tons, avec d'indéfinissa-
bles accords que mon œil seul, peut-être,
constate et note ; et je passe des jours
douloureux à regarder, sur une route
blanche, l'ombre d'une borne en consta-
tant que je ne puis la peindre.
• • • 9 • • • » • •
Pour copie conforme :
GUY DE MAUPASSANT.
Nouvelles &. Echos
AUJOURD'HUI
A deux heures, courses à Vincennes.
Pronostics de Gil Blas :
Prix des Haras : Fétiche.
Prix de Montfermeil: Sérénade.
Prix de VOurcq : Améthyste.
Prix de Saint-Michel : Pail.
Prix de Seine-et-Oise: Anglomane.
Le pesage était très bien composé hier
à Longchamps. Les plus jolies femmes
du faubourg Saint-Germain avaient quitté
leurs châteaux pour quelques jours. Parmi
les plus admirées, nous citerons la com-
tesse d'Avaray, la comtesse de Sonis, la
comtesse de Montesquiou, la marquise de
Castellane, la comtesse de Pracomtal, la
comtesse de la Rochefoucauld, la com-
tesse do Mailly-Nesle, la comtesse de
Ségur, etc.
Avis aux mères de famille!
Pour Dieu ! pour Dieu ! ne laissez pas -
vos jeunes filles regarder de trop près
les Cynghalais.
Une bonne histoire est arrivée ces
jours-ci au Jardin d'acclimatation, à une
jeune fille fort jolie, qui se trouvait avec
ses parents devant la paillotte des Cyn-
ghalais.
A un moment donné, un des hommes
de cette tribu s'arrête devant elle et se
met à la regarder avec une persistance
inouïe, puis s'en va, revient et, s'adres-
sant aux parents, leur demande si c'est
leur « baby. »
rfur leur réponse affirmative, le Cyn-
ghalais regarde de nouveau la jeune
fille, lui prend la main qu'il caresse,
touche ses cheveux qui sont fort jolis,
fait force compliments}, met la main
sur son cœur et, finalement, fait une de-
mande en mariage aux parents, auxquels
il raconte par le menu sa petite existence
nomade. Il ajoute que d'ici cinq mois il
ne fera plus partie de la troupe avec qui
il est, qu'il reviendra à Paris, et qu'alors
il faut que les parents lui donnent leur
adresse, parce que, dit-il, il ira les voir ;
mais, comme il sait que son costume
n'est pas positivement à la hauteur de la
situation, lui, se fera habiller à la fran-
çaise.
X
Mais, le plus amusant de l'histoire,
c'est qu'il allait chercher tous ses cama-
rades pour leur montrer sa fiancée, et il
lui a fait don d'une rose, qu'il voulait à
toutes forces mettre lui-même à son cor-
sage.
Un détail typique :
Il paraît que, dans son pays, quand un
jeune homme est fiancé, il allume un ci-
gare qu'il présents m te à sa fiancée,
ce qu'il a, du re< voulu faire, mais la
jeune fille n'a plus trouvé alors que la
plaisanterie était de son goût.
Celle-là, par exemple, elle est plai-
sante.
L'autre semaine, une camériste se pré-
sente chez une demi-mondaine qui habite
l'avenue de Villiers.
— Vous savez, lui dit la croqueuse de
cœurs, je ne vous donne pas de gages.
J'ai beaucoup d'amis très sérieux, très
v'lan} très bécarre, et, par conséquent,
très généreux avec les domestiques. Si
vous voulez, ça y est; vous vous conten-
tez des bénéfices.
La bonne accepte. Mais au bout de huit
jours, n'ayant fait qu'une recette de 5 fr.,
elle rendit son tablier à la demi-mondaine.
Celle-ci. pour la payer, lui remit une
bouteille de zucco.
- Allez la vendre, lui dit-elle. Cette
marque vaut dans les vingt-cinq francs,
vous en trouverez bien dix francs ; je vous
les donne comme gratification pour les
huit jours que vous avez passés chez moi.
Payer sa bonne avec du zucco, c'est un
vrai comble.
Vous avez deviné, n'est-ce pas, de qui
je veux parler ?
Il s'agit de la belle Jeanne de M. --
A une heure du château de Chantilly,
se trouve une résidence non moins prin-
cière, celle du duc de Massa.
Hier, il y avait fête intime au château
Où avaient été conviés quelques amis,
pour l'audition de l'œuvre musicale qui
passionne le châtelain depuis plusieurs
mois.
Bien que chasseur et Asmodée, nous ne
pousserons pas l'indiscrétion jusqu'à dé.
voiler les noms de tous les invités et de
déflorer une solennité prochaine dont on
ne faisait aujourd'hui que la répétition.
Nous ne pouvons résister cependant à
1» tentation de dire que tout a marché
pour le mieux; Mme Desmarest, la fem-
me du sympathique sous-gouverneur de
la Banque de France, musicienne dis-
tinguée, a parfaitement répété le magni-
fique duo, qu'elle chante avec M. le due
de Massa.
Comme note gaie, signalons un simple
accident à une contrebasse, mais, à deux
heures et demie, il était réparé. Vous
voyez que nous sommes précis. De plus,
dans ce pays charmant, le gibier, paraît-
il, est musicien, car, vers six heures,
au crépuscule, une académie d'une cen-
taine de lapins, ovalement rangés, déli-
bérait en face de la terrasse du château,
attirée soit par les accords de l'orchestré
ou les aromes variés des 150,000 francs
de fleurs que le duc de Massa a fait
venir dernièrement de Belgique.
La saison d'hiver promet d'être joyeuse
dans la vieille capitale normande et, le
croirait-on, les fiouennais paraissent,
cette année, décidés à s'amuser ferme.
Samedi dernier, le Théâtre-Français,
nouvellement restauré et transformé en
une charmante bonbonnière, ouvrait ses
portes au public.
Cetteusoirée de début, pour laquelle on
donnait l'Etrangère, a été l'occasion d'ua
sùccès très franc pour la troupe vrai-
ment remarquable qu'a su réunir son di-
recteur, M. Leclerc, et dans laquelle fi-
gurent d'ailleurs des noms bien connus
gurent
du public parisien, entre autres Mme
Mary Julliea fit M. Moiitlouis,
Le même soir, le Cercle artistique,
plus connu sous le nom fantaisiste de
Cercle des « Pipards » inaugurait ses
nouveaux salons tout voisins du théâtre.
Les « Pipards » avaient, pour la circons-
tance. lancé de nombreuses invitations
dans le monde des belles-petites rouen-
naises et, parmi celles-ci, aucune n'avait
eu garde de manquer à l'appel.
Comme il est de mode aux « Pipards »,
on a beaucoup ri et le jour commençait à
poindre qu'on entendait encore les rires
perlés des jolis filles, éclatant en trilles
joyeux sous les lambris dorés.
Comme vous le voyez, on ne s'ennuie
pas en Normandie.
Dédié à M. Dimanche :
Deux de nos aimables confrères reçoi-
vent en leur splendide villa des environs
de Paris l'ordre sévère, sentant la pou-
dre et le papier timbré, d'avoir à payer
quelques pièces d'un certain vin de Bor-
deaux qui était délicieux, mais dont il ne
reste plus que quelques fioles.
La lettre menaçante se terminait par
une signature aussi flamboyante que la
prose.
Nos aimables confrères écrivirent à
l'irascible négociant une lettre dont on
nous envoie un extrait :
« Tout d'abord votre vin était fort
» agréable, mais bientôt il tourna à l'ai-
» gre sous l'influence de vos aigres dis-
» cours.
» Quant à votre merveilleax paraphe,
» accordez-lui les honneurs des archives
» ministérielles. »
Et nos joyeux confrères, tout en vidant
les dernières bouteilles en l'honneur de
M. Dimanche, se roulaient sur le parquet
en se tordant de rire.
Moralité : Les vins fins font les fins
esprits.
On nous envoie du Bordelais quelques
renseignements sur le joli bal organi&é
par le comte et, la comtesse de Sauver-
zac.
On ne saurait trop louer, nous dit-on,
la grâce et l'affabilité avec lesquelles la
charmante maîtresse de la maison fait les
honneurs de chez elle. Tous les grands
noms du pays s'étaient donné rendez-
vous à ce bal. Un fort beau cotillon con-
duit par le fils de la maison clôturait cette
belle soirée.
L'ami Fritz déserte le monde de la
haute noce, ses pompes et ses œuvres
pour devenir l'heureux époux d'une veuve
millionnaire. Depuis que les fiançailles
ont été célébrées, l'ami Fritz n'est plus
ce fanné de chic que tout le monde con-
naît, il est v'ian, pschutt et bécarre.
La duchesse de La Rochefoucauld-Bi-
saccia est en ce moment avec son plus
jeune fils à Uriage. La duchesse vit très
retirée, fait chaque jour de longues pro-
menades en voiture et se prépare par un
repos complet aux fatigues de la pro-
chaine saison mondaine.
--
Une dépêche de Luc-sur-Mer nous ap-
prend la mort de M. Hippolyte Castille.
Romancier et publiciste de talent, M.
Castille a collaboré à un grand nombre
de journaux ; il a publié sous le secO-Rd
Empire une galerie de portraits politi-
ques qui firent à l'époque beaucoup de
bruit.
Sous le pseudonyme d'Alceste, il a fait
paraître, d'abord dans l'Universel, puis, il
y a quelques années, dans le Voltaire,
une série de lettres politiques très remar-
quées.
Il était âgé de soixante-six ans.
Salle superbe hier aux Folies-Bergère;
dans les avant-scènes, la fleur des co.,ur.
chics, et aux fauteuils nombre de gilets
en cœur venus pour applaudir la jolie
Lhéry dans le ballet de Volaçuck.
Les bravos qui ont accueilli la voltige
aérienne de John Villis nous ont rappelé
les beaux jours de Léutard.
NOUVELLES A LA MAIN
Entendu sous le péristyle de la Bourse :
— Vous qui connaissez le père Z.,
croyez-vous qu'il soit solvable ?
— Mon cher, tout ce que je puis vous
dire, c'est qu'à la Bourse on lui a souvent
donné des gifles et il n'en a jamais rendu
une seule 1
oQo
En police correctionnelle :
Prévenu Alphonse, que faisiez-vous?
- Des victimes, mon président. -
- Ne vous moquez pas de la justice.
je vous demande quelle est votre profes-
sion ?
- Caissier pour dames.
LE DIABLE BOITEUX.
————————— » —————————
ALLÉGORIES
LA DOMPTEUSE
Un soir, désœuvré, j'entrai dans cette
ménagerie.
*
, - Allons, les jeunes lions, finissez de
rugir et de bondir, et hâtez-vous d'être
humbles et tranquilles, car voici la Domp-
teuse !
Mais eux, les trois lionceaux, ils ne
tinrent aucun compte de l'avertissement
que leur donnait le valet des bêtes, en
agitant une fourche passée entre les bar-
reaux de la cage; ils ne cessaient pas
d'écheveler leurs crinières ; le vent de
gueules rauques faisait frissonner et s'en-
tier les toiles de la tente foraine.
Et l'un des lionceaux, dans son rugis-
sement, disait :
— Qui donc me soumettra ? Qui donc
me forcera à courber la tête et à rentrer
les griffes? Je sortirai! je m'enfuirai!
Les planches, les portes, les grilles, je
briserai tous ces obstacles, comme si je
marchais à travers des herbes, et je m'en
irai vers la patrie lointaine de ma race.
Là, dans le calme désert silencieux, où
les gazelles, qui suffiront à ma faim, vien-
nent boire aux rares sources qui suffiront
à ma soif m'attendent, couchées sur le
sable en des étirements, les femelles aux
yeux d'or vert. Beau, joyeux, intrépide,
je crierai d'amour en les voyant, d'une
douce voix terrible, @ et je ferai signe de
me suivre à l'une d'elles, qui m'aimera.
Nous irons, seuls, à travers les immensi-
tés sans caravanes, brûlés par le soleil,
rafraîchis par les souffles; et nous se-
rons fiers, heureux, farouches ; nous em-
plirons le silence de nos rugissements de
volupté; puis, le soir, étendus l'un près
de l'autre, léchant nos gueules qu'ensan-
ta la chasse heureuse, nous nous endor-
mirons sur l'avancement de quelque
dune, et la belle lune contemplera, ef-
frayée et charmée, le tendre sommeil
conjugal de la lionne et du lion l
Le second des lionceaux, dans son cri
plus énorme, disait :
— Qui donc me soumettra ? qui donc
me forcera à courber la tête, et à rentrer,
les griffes? Tout à l'heure je vais prendre
entre mes dents les barres, les serrures,
les pieux enfoncés dans la terre, et il
tombera de mes babines quelque chose
de semblable aux débris d'une noisette
qu'un enfant croqua. Mais ce n'est point
vers le silence et le calme du désert que
je m'éloignerai! Non, je marcherai à
travers les villes où mes frères aux
belles chevelures languissent, s'étiolent,
meurent en de hideuses geôles, entre
les pâles verdures des jardins, à tra-
vers les bourgades où de vils bateleurs
osent nous offrir en spectacle. Et je
romprai toutes les barrières, et je déli-
vrerai les beaux captifs attristés. Bientôt
nous serons dix, nous serons cent, nous
serons mille! Emeute formidable de cri-
nières secouées et de gueules ouvertes,
troupeau monstrueux et superbe de rois
évadés ! Et, quand plus un lion ne gémira
de langueur dans la prison et da is l'a-
baissement, alors, alors seulement, suivi
par les m ens, je gagnerai les chères so-
litudes, libéré et libérateur, rugissant de
joie et de gloire, pareil à un prince triom-
phant qui ramène dans la patrie son peu-
ple reconquis !
Et le troisième des lionceaux, d'une
voix aussi profonde, mais plus lente, di-
sait :
— Celui-là perdrait son temps qui vou-
drait me soumettre! aucun regard ne
verra se courber mon front ni se détourner
mes yeux. D'une poussée je ferai voler
en éclats tout le bois et tout le fer de ma
prison, et je jaillirai des ruines, éparpil-
lant d'un seul sursaut les décombres,
comme, en se secouant, on fait s'envoler
de la poussière. Mais ce qui m'attire vers
la liberté, ce n'est point le désir des belles
femelles aux yeux d'or vert, ou l'espoir
de délivrer ceux de ma race captifs. Ni
l'amour, même heureux, ni l'action, mê-
me généreuse, ne me tentent. Je m'en
irai très loin, très loin, dans un désert
inconnu des plus farouches bêtes, à l'é-
cart des hommes et des lions aussi ! Là, je
vivrai seul, ayant autour de moi, sur moi,
de toutes parts l'infini. Je serai le con-
templateur solitaire de tout ce qui est
sans bornes, de l* ver, du désert, du
ciel. J'échangerai des regards avec les
étoiles! Et, vieillissant enfin, plein de
rêves toujours, un soir je m'étendrai pour
mourir, la tête -sur mes pattes, dans
l'immensité sacrée, en face du soleil cou-
chant !
Ainsi parlaient les trois jeunes lions ;
et ils étaient féroces et magnifiques; et
sans doute ils allaient se ruer, furieuse-
ment, hors de la cage disloquée, lorsque,
dans cette cage, par une porte vite ou-
verte et reclose, apparut la Dompteuse.
Elle ne semblait point redoutable, ni
par la force, ni par la beauté, chétive,
par la force, '~atigiiée, vêtue de loques,
vieillissante, fatiguée, vêtue de loques,
presque haillon elle-même ; et son sou-
rire sans dents était celui des vieilles
bateleuses.
Dans une main un fouet, dont un petit
chien jappeur ne se serait pas inquiété.
Mais, dès qu'ils la virent, eux, les trois
lionceaux atroces, ils cessèrent de rugir
et de bondir, et ils furent humbles, et ils
se tinrent tranquilles, dans un coin, en
tas. Un instant, un éclair de révolte leur
traversa les yeux, mais elle les fouailla,
et ils s'écartèrent, soumis, presque ram-
pants , frôlant d'une échine souple les
planches et les barreaux. Elle leur mon-
tra des barrières qu'ils franchirent sous
le fouet ! Elle leur montra des cerceaux à
travers lesquels ils passèrent sous le
fouet! Celui qui voulait lécher la san-
glante gueule amoureuse des sauvages
femelles, lécha les mains de la Domp-
teuse. Celui qu'emportait l'espérance de
tous les lions délivrés, menaça d'une mor-
sure , comme un chien bien dressé, l'un
de ses compagnons qui tardait à donner
la patte; et le lionceau qu'extasiait l'es-
pérance de mourir, les yeux grands ou-
verts et fixes, en face du soleil qui se
,couche, cligna des paupières, ébloui,
effrayé, à cause de la lueur d'une capsule
de carabine! Puis, quand les exercices fu-
rent achevés, la Dompteuse, en se reti-
rant, jeta aux lions quelques morceaux
de viande, qu'ils aggriffèrent entre leurs
pattes, et qu'ils se mirent à mâcher, l'œil
éteint, contents.
*
Tandis que, suivant la foule qui s'écou
lait, je sortais de la baraque, étonné d'a-
voir compris ce que hurlait le rugisse-
ment des fauves :
- Voilà, murmurai-je à part moi, une
singulière ménagerie.
un vieillard qui marchait à mon côté
me dit :
— Une ménagerie? Peut-êlre. Moi qui
ai très longtemps vécu, je discerne, der-
rière les choses, d'autres choses.
- Eh 1 qu'est-ce donc que vous avez
vu, monsieur?
— Un séjour d'hommes, n'importe où.
— Alors, les lionceaux, qui sont-ils, je
vous prie?
— Les beaux instincts de la fière jeu-
nesse : l'amour des violentes amours !
l'amour des justes gloires ! l'amour des
sublimes songes !
Il ajouta :
- Mais il faut manger.
- Et la Dompteuse, repris-je, qui est-
elle ?
- La Dompteuse? dit-il ; c'est la Vie 1
Et, l'examinant de près, je vis qu'il
avait sous les rides de ses paupières à
demi baissées, le regard las et doux,
satisfait, et si triste, des bêtes après le
repas.
CATULLE MEMÈS
+ *
PORTRAITS DAMOLMMM
JEANNINET Weinii-e potir darnes)
1
Une jolie tête retouchée, préparée,
étudiée comme celle d'un acteur cons-
ciencieux qui s'incarne dans la peau de
-son personnage, une tête qui sent le tra-
vail patient, les longues heures de la toi-
lette devant la glace avec à côté de soi
quelque estampe ancienne ou quelque
buste de plâtre, l'air à la fois efféminé et
impertinent des joueurs de bilboquets
qu'Henri III entretenaient comme des
complaisantes filles de joie.
Ni grand, ni petit, d'une irréprochable
correction de clubman qui sait ce que
vaut dans la vie parisienne un bon tailleur.
Mais aucune étincelle dans le regard, au-
cune attirance dans les traits, dans le
sourire éternel de la bouche, rien de l'on
ne sait quoi qui trahit le sourd travail de
l'intelligence en fusion, l'envolement des
chimères, la passion de vivre, de dépas-
ser le troupeau de Panurge, de créer des
rêves.
Et si charmant, ce Jeanninet, si poti-
nier, si flirteur, si chiffonneur auprès des
femmes, si commode pour improviser une
folle partie, pour ébaucher une passion-
nette, s'inquiétant si peu du qu'en dira-t-
on, qu'on se l'arrache, qu'il a toujours
quelque portrait d'actrice sur son cheva-
let, qu'il passe son temps à répondre à
des invitations. Et bien amusant avec
cela, ne prêtant pas plus à rire lorsqu'il
lavemente ses deux malheureux lion-
ceaux anémiés par toutes les fades odeurp
respirées au milieu des jupes, les bonbons
dont on les gave à pleines poignées-que
lorsque, au Faubourg, sur les albums des
douairières, il dessinait des France allégo-
riques à demi sorties d'un canon fleurdelisé.
C'est bien l'homme de sa peinture prc-
pre, fadasse, comme pétrie de cold-cream
et de fards, calquée à droite, copiée a
gauche où l'on retrouve en une macé-
doine les veuleries de Bouguereau et les
boursouflures de Boucher.
Voyez-le dans son atelier, dans ce
fouillia savant de vieilles tapisseries, d'à-
mirables étoffes brodées, de drapeaux ja-
dis troués par le vent furieux des mitrail-
les, de canons, de fourrures, de bahuts
ouvragés, — vraie boutique de bric-à-
brac fanfreiuchée, papillotante, où l'on
se rappelle malgré soi les intérieurs des
maîtres, les sévères murs blancs seule-
ment couverts de tableaux ou de plâtres,.
— comme il s'entend à la mise en scène,
comme il sait épater les parvenus ou les
rastaquouères qui viennent lui acheter un-
tableau ou lui commander un portrait.
Il s'anime, ne s'arrête pas, bavarde,
fait des mots dont il est le premier à rire
aux éclats, raconte des histoires méchan-
tes, en invente au besoin, corse les dé-
tails d'une voix traînante qui vibre, qui
articule les noms connus.
Et, par moments, la portière se sou-
lève, le valet de chambre très stylé, an-
nonce la duchesse de Castellardo, le ba-
ron Sternich, le comte de Lantillac,
d'autres encore, un tas de gens aux ti-
tres sonores comme des appels de tim-
bres, et que l'on croirait loués pour figu-
rer en cette farce du plus haut comique.
Jeanninet se dérange à peine, tourne un
peu la tête, s'épanouit, entremêle les
coups de blaireau, les baisements de
mains, les saluts à propos distraits, les
galanteries surannées.
— Que c'est charmant à vous d'être
venue, madame. On m'a dit que notre cher
duc se battait demain pour une aventure
idiote. Enfin, baron, que feriez-vous
à ma place, Roschildt insiste, m'ac-
cable de lettres, revient sans cesse à la
charge. Eh bien, vous savez la grosse
nouvelle, madame d'Alberrine divorce et
l'on dit que c'est pour se marier tout de
suite avec cet imbécile de petit prince
Turino. Encore un instant de patience,
madame, une seconde pour 1 oreille.
Mon Dieu, est-elle assez Parisienne cette
oreille, toute la femme est dans une
oreille avec ses délicatesses, son rose, sa
curiosité. Et le valet de chambre conti-
nue à apporter des lettres sur son p ateau
d'argent ciselé au chiffre du jeune maî-
tre, à claironner des noms retentissants.
II
N'aurait on pas mauvaise grâce à mar-
chander les tableaux d'un artiste aussi
connu, aussi à la mode, ne paraîtrait-on
pas une décrottée de la rue du Sentier ou
du faubourg Saint-Denis, si l'on s'éter-
luait du prix: si l'on s'aventurait à peser
les exigences de M. Jeanninet, des
« horseman » qu'on rencontre au Bois
dans l'allée des Poteaux, qui entre en
cavalcadant comme un seigneur de Bran-
tôme dans les bals masqués et qui pour-
rait mettre sous sa signature : « Peintre
de ces dames » comme autrefois l'on met-
tait autrefois : « Peintre du Roi ? »
Ne faut-il pas payer cher le bonheur de
s'asseoir pendant quelques séances dans
cet atelier pareil au salon d'une caillette,
de voir la marquise de Lesbos en béret
blanc et en veston de collégien prendre
ses leçons de pastel et de croquer des
sandwichs avec la grosse princesse Wa-
noska qui tutoie en jurant son « petit
Jeanninet » et s'embarque sans rougir
une minute en des brocards du corps de
garde ?
Il n'est pas un château, pas un hall, -
pas une ville de quatre sous où l'on n'ait
accroché sa « gavotte n, cette platée de
grelotteux et de grelotteuses encarnava-
lés comme pour un divertissement de
l'Eden. La gravure a remplacé les bonnes
estampes sentimentales du père Vernet,
les crinolines de Winterhalter et ces
« chansons du rossignol », ces mignons.
aux yeux rêveurs qu'a connus notre env
fance.
Jeanninet est célèbre.
Jeanninet tient la corde, tàndis que
tant de pauvres grands artistes crèvent
la misère, se cassent le nez contre les
portes obstinément closes des marchands
de tableaux et luttent en vain pour s'ac-
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