Titre : Le Droit populaire : journal hebdomadaire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-03-31
Contributeur : Oudin, Léonel (18..?-18..?). Directeur de publication
Contributeur : Rossiény, Marc de (1845-1894). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32759050m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 1030 Nombre total de vues : 1030
Description : 31 mars 1883 31 mars 1883
Description : 1883/03/31 (A4,N13)-1883/04/07. 1883/03/31 (A4,N13)-1883/04/07.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5608880q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, FOL-F-87
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/01/2011
LE DROIT POPULAIRE
D. En effet, vous n'aviez pas de très
bonnes fféqusiitatioos.
Arrivons directement aux faits de la
cause.Ruinés, madamede Monasterioet son
fils ont vécu sur la fortune de Fidélia et,
pour que la malheureuse ne pût se plaindre,
on l'empêchait dé sortir, elle était enfermée
dans une chambre sans feu, à peiné vêtue,
nourrie de viandes infectes et gâtées, rouée
de coups quand elle réclamait. Sa santé et
sa raison se ressentirent bientôt de ce trai-
tement indigne ; on la mit à Charenton en
1875, mais elle en sortit guérie au bout de
quelques mois. L'enfer recommença pour
elle, si bien qu'un jour, a la fin de l'année
dernière,' elle s'enfuit chez une amie,
madame Châlenton. Furieux de voir leur
proie échapper et de ne plus Conserver sa
fortune, madame de Monasterio et son fils
machinèrent alors l'horrible trame que
l'on connaît.
D. N'avez-vous pas employé] quelqu'un
pour décider le docteur Luigi à voir
votre fille, que vous considériez comme
folle?
Ri, Je n?ai employé personne.
ï). N'en aviez-vous pas chargé Bar-
bieux?-
R. Non, monsieur;
D. Le docteur Luigi ne s'étantpas voulu
mêler de cette affairé, vous avez essayé^
de faire entrer vôtre fille dans la. maison
du docteur Goujon ?
Ri: Oui y monsieur, :
D; Et vous vous êtes servi d'un Gerti^
ficat émanant de rétablissement de Cha-
renton. Cependant il ne s'agissait que
d'une maison de santé.
Roumiguière et Lafit vous ont aidé
dans cette opération. (Silence de la pré-
venue.);
Votre fille avait fait le projet de partir
pour Buenos » Ayres ;■ elle devait s'embar-
quer avec M. Guerrico, et vous avez cher-
ché à ravoir votre fille;, parce que sa for-
tune vous échappait;
R. Je ne voulais pas empêcher ma fille
d'aller en Amérique.
D. Cependant vous y avez mis toutes
sortes d'obstacles.
Vous avez fait sortir votre fille de la
maison de santé ?
Où l'avez-voùs conduite ?
R. Je l'ai conduite en Angleterre.
D; GheiSqui?
R. Dans une maison très honorable.
D« Vous, vousêtesallëe en Angleterre?...
et ou suit votre trace pendant tout le temps
que vous prétendez avoir été absente!
R. C'est pourtant moi qui l'y ai con-
duites
D. Vous avez mis des oppositions sur
les revenus de votre fille, comme si vous
étiez sa créancière.
Ri Ça n'a été qu'une fois, quand elle
était à Charenton.
D'. Mais enfin, où est votre fille ?
R. — Dans le comté dé Kent, à Stone,
chez un de mes amis, M. Hughes.
D. — Pourquoi ne se présente-t-elle
pas ici?
R.— Pourquoi faire?
D. .— Mais pour montrer qu'elle est
libre !
R. —Jamais ma fille ne remettra le
pied en France, où on nous a si indigne-
ment traitées.
Et sur cette belle protestation, madame
de Monasterio se rassied majestueusement.
Barbieux, interrogé à son tour, répond
que son rôle a été absolument correct. Il a
ignoré ce qui se tramait. S'il s'en est mêlé
un moment, c'est qu'il croyait avoir af-
faire à une folle et à une mère désolée.
Roumiguière prend des attitudes dévie-
tirne:
D. — Vous avez pris part à l'enlèvement
du 3 février ?
R. — Oui, monsieur. Je voulais aider
une mère de famille à laquelle on avait
fait tant'de mal. Il s'agissait d'enlever une
folle à une: femme de meeurs indigneSi
Le prévenu convient qu'il a aidé Carlos
Lafit à l'enlèvement, il en raconte les cir-
constances à, peu près comme cet acte a été
raconté; ■• .-
Il dit que Mme Châlenton a mordu M.
Carlos Lafit.
Quant à lui, il nie avoir mis un bâillon
sur.laibouche de la femme Châlenton.
; D. —Pourquoi vous êtes-vous caché si
vous n'étiez pas coupable ?
; R. .■-»- Suivant la maxime de ce sage qui
disait: Si on m'accusait d'avoir volé les
tours Noti'e--Dame, je commencerais par
m'enfuir ! (Hilarité*)
Le docteur Pineli interrogé, raconte sa
visi'.e chez Mme Ghalenton. Il reconnaît
qu'il n'a vu Mlle de Monasterio que pen-
dant cinq minutes.
D. —r Cinq minutes. Pas même! Et ce
temps vous a suffi pour porter un diagnoSr-
tic, pour conclure à la folie?
R. — J'avais le certificat de 1875 pour
asseoir mon opinion.
D. .—■ Mais il remontait à six ans ! Ainsi
pas d'interrogatoire, pas d'entretien, rien !
R. Je n'ai pas pu. Madame Châlenton
me menaçait.
D. Il y aune circonstance grave dans
celte affaire : le certificat n'est pas de vo-
tre main, et vous l'avez signé.
M'. Gatineau. —Le certificat a été écrit
par M. Rivière
M. le substitut Bard. — Quels ont été
vos honoraires pour cela ?
R. Je n'en ai pas eu. Je ne prends rien
aux pauvres et je donne beaucoup.
M. le substitut Bard. — Mais on vous
a promis des honoraires plus tard.
R. On m'a dit qu'on me paierait plus
tard, c'est possible...
D. Avec de l'argent venant du Chili ?
Avec l'argent de cette malheureuse fille?
R. Je n'en sais rien.
On passe à Rivière.
Ce prévenu déclare qu'il assistait M.
Pinel dans ses travaux scientifiques.
D. Vous avez écrit le certificat ?
R. Oui, monsieur. Je suis le secrétaire
de M. Pinel; il n'est pas étonnant que j'aie
écrit ie certificat.
,D. Mais vous l'avez signé aussi ?
R. Comme aide-major. Je ne connais-
sais pas la famille Monasterio.
L'audition des témoins, qui vient ensuite
est des plus curieuses. Voici des locataires
de la maison où habitait Mme Châlenton,
la propriétaire madame Sinet, un avoué, M.
Mereiery qui s'occupait des intérêts de Fi-
délia ; tous déclarent que pour euxmademoi-
selle dé Monasterio n'était nullement folle.
— J'ai causé maintes fois avec elle, dit
Mi Gâriû; elle était très bonne, très douce,
très gentille, pas folle du tout.
-rr- Fidélia était folle ? demande le prési-
dent à uli autre.
*** Jamais de la vie ! s'écrie le témoin*
M. Mercier, chargé d'un référé pour
mademoiselle de Monasterio sur la fortune
de laquelle sa mère avait mis opposition^
dit qu'il l'a vue souvent à ce propos et
qu'il la regarde comme jouissant delà pl^|
nitude de ses facultés*
Enfin, voici madame Châlenton elle-
même :-■■■■."
J'ai connu madame de Monasterio l'an
passé, dit-elle* Je me suis tout de suite
attaché à Fidélia, tant je la voyais mal-
heureuse. A force d'être séquestrée, elle
semblait avoir perdu la parole. Elle se ré-
fugia chez moi. Je la gardai, car elle me
dit qu'elle aimerait mieux se j«ter à la
Seine que de retourner chez sa mère. (Sen-
sation).
Lo témoin raconte ensuite la visite du-
doeteur Pinel et de Rivière: — J'essaya
de jeter ces deux intrus à la porte. Made-
moiselle de Monasterio survint elle-même
et, très dignement, les pria de sortir. C'est
alors que le vieux Pinel s'écria avec un
accent que je n'oublierai jamais : Je vous
ai vue, c'est assez !
Un sieur François dépose que le com-
missaire de police lui a dit : «On veut faire
passer mademoiselle de Mouasterio pour
folle. Elle ne l'est pas.»
Enfin voici le défilé des médecins.
C'est d'abord le docteur Navarre, i'aide
du docteur Goujon, quia aidé, avec deux
infirmiers, à enlever la folle. Il estime que
son internement était indispensable et né-
cessaire. "
— Vous avez l'opinion que peut avoir
un employé du docteur Goujon, lui dit M.
le substitut Bard.
Le médecin en chef de Picpus paraît
après son aide.
— On m'a apporté, dit-il, un certificat ju
docteur Pinel, attestaut l'état de folie de
mademoiselle de Monasterio.
D. Et vous vous êtes contenté de ce cer-
tificat ?
R. Laloide 1838: n''exige qu'une si-
gnature de médecin. (Sensation)
M. le président blâme sévèrement le
docteur Goujon : « Ou mademoiselle de
Monasterio, dit-il, n'était pas folle et alors
vous avez eu tort de l'accepter, ou elle
était folle et alors vous avez eu tort de la
rendre à sa mère en l'exposant ainsi à de
nouvelles tortures. »
Le docteur Luigi raconte les proposi-
tions qu'on lui a faites.
M. LegrândduSaulle,l'éminentaliéniste
chargé par la préfecture de police d'exa-
miner Fidélia àlamaison de santé de Picpus,
l'a trouvée très calme. Il conseille de la
faire reconduire dans son pays natal.
Le docteur Ollivisr, qui a également exa-
miné mademoiselle de Monasterio, déclare,
au contraire, qu'elle était très-agitée, qu'elle
ne cessait de se plaindre, qu'on en voulait à
sa fortune, qu'elle avait en un mot le
délire des 'persécutions.
Quel diagnostic ! Et l'on juge là-dessus
qu'un malheureux est fou! Mademoiselle de
Monasterio n'avait-elle pas raison de se plain-
dre et n'était-elle pas réellement persécutée ?
Quoi qu'il en soit, voici, pour nous, les
deux points frappants de ce procès, lès deux
phrases qu'il faut retenir de cet ensei-
gnement lugubre ; ce sont celles de MM.
Guyon et Ollivier :
La loi de 1838 n'exige qu'une signa-
ture de médecin pour permettre d'en-
fermer comme fou un être libre et si cet
infortuné proteste et veut se défendre, on
diagnostiqué aussitôt: qu'il a le délire des
persécutions. Sortez de là si vous pouvez !
Voilà de quelles garanties est entourée
la sécurité des personnes en l'an de grâce
1883. Je l'ai déjà dit et jene puis me lasser
de le répéter : il y a là une réforme urgente
etimmédiate à accomplir. L'indignation pu-
blique la réclame. Il faut lui donner sa-
tisfaction.
MINOS.
LE COLLECTIVISME CLERICAL
Lorsqu'on 1880 le gouvernement fit
rentrer dans le droit commun les îles
d'Houat et d'Hoedic, personne ne se doutait
qu'il se trouverait des défenseurs de l'an-
cien état de choses, ix-régulier, inouï, que
toute la presse républicaine avait signalé à
l'opinion publique !
Un curé qui avait réuni dans ses mains
LE ROMAN D'UN JUGE
PAU . ' ■
Victor GRÉHÔN
PREMIÈRE PARTIE
lie Crime de la Grande Rue
XII
(Suite)
ARTICLES 479 ET 480 DU CODE D'INSTRUCTION
CRIMINELLE
(Suite)
M. Heurteloup referma son code et re-
garda Le Fallois d'un air satisfait. Au
fond l'excellent homme était ravi de mon-
trer sa science juridique devant M. le pre-
mier président.
-r- Eh bien ? demanda-tr-il au policier,
comprenez-vous pourquoi j'avais raison de
vous dire qu'il m'était impossible de déli-
vrer un mandat d'arrêt ?
— A peu pi'ès, répondit Le Fallois. Si
j'ai bien saisi, vous ne seriez pas compétent
pour le faire.
: •— C'est cela. Nous sommes en pré-
sence d'un cas spécial, prévu et réglementé
parla loi. Donc, nous devons nous confor-
mer scrupuleusement à ses prescriptions.
Or, que dit-elle ? Qu'en cas de crime con-
nais par un juge, en dehors dejses fonctions
— et c'est bien làl'hypothèse actuelle — ce
sont le premier président et le procureur gé-
néral près la Cour d'appel qui remplissent
les fonctions ordinairement dévolues au
juge d'instruction et au procureur de la^
République et que ces derniers ne peuvent
agir que si le président et le procureur
général les désignent spécialement à cet
effet. Vous m'accordez, n'est-ce pas, que
c'est bien là le véritable sens de l'art. 480?
— Parfaitement, dit M. Pasquier dont
le visage exprimait une singulière satis-
faction.
— Donc, conclut M. Ileurteloup, nous
ne pouvons agir, M. le procureur de la
République et moi, qu'après en avoir ré-
féré à nos supérieurs, M. le premier pré-
sident de la cour d'appel et M. le procu-
reur général, et que s'ils nous délèguent
expressément pour poursuivre cette affaire
eh leur nom et en vertu du pouvoir que
leur donne l'article 480. Il est vraiment
regrettable que nous n'ayons pas été pré-
venus un peu plus tôt, car ils étaient tous
deux ici ce matin pour les funérailles de
M. Vernier et ils auraient pu terminer
immédiatement ces formalités. Ils sont
retournés à Beauvais maintenant, et il faut
que je leur envoie au plus vite un rapport
détaillé sur tout ce que je viens d'appren-
dre. Tant que nous n'aurons pas reçu leur
réponse avec une délégation formelle et
des instructions expresses, nous ne pou-
vons, M. le procureur de la République
et moi, recourir à aucun acte de rigueur
contre M. Férey. Donc, renoncez, Le
Fallois, à l'espoir de lui mettre aujour-
d'hui la main au collet. Tout ce qu'il nous
est permis de faire, c'est de continuer à le
surveiller d'une façon occulte et de con-
server soigneusement le corps du délit
qui existe, c'est-à-dire le poignard que
vous m'avez remis tout à l'heure. Pour le
reste, il nous faut attendre un ordre supé-
rieur.
Le Fallois avait une mine absolument
déconfite. Il était anéanti, au moment où
il croyait toucher le but, de le voir ainsi
reculer devant lui. Le coupable n'allait-il
pas profiter de ce répit que lui laissait une
procédure ridicule et compliquée — c'était
l'avis du policier — pour s'échapper et
disparaître à jamais ? Quand aurait-on
cet ordre d'arrestation qu'il s'était cru si
près d'obtenir?
— Nous recevrons la réponse demain,
dit M. Heurteloup qui sembla deviner sa
pensée. Je vais envoyer à l'instant mon
rapport.
— Bien, fit M. Pasquier de plus en
plus radieux, quoiqu'il tâchât de dissi-
muler la joie intense qu'il éprouvait; nous
vous laissons faire vou*e travail, mon cher
Heurteloup. Prévenez-moi, je vous prie,
dès que vous aurez des nouvelles.
— Comptez sur moi, répondit le juge
d'instruction. Je vous ferai avertir aussitôt
que j'aurai reçu des ordres.
Le président et Le Fallois quittèrent le
D. En effet, vous n'aviez pas de très
bonnes fféqusiitatioos.
Arrivons directement aux faits de la
cause.Ruinés, madamede Monasterioet son
fils ont vécu sur la fortune de Fidélia et,
pour que la malheureuse ne pût se plaindre,
on l'empêchait dé sortir, elle était enfermée
dans une chambre sans feu, à peiné vêtue,
nourrie de viandes infectes et gâtées, rouée
de coups quand elle réclamait. Sa santé et
sa raison se ressentirent bientôt de ce trai-
tement indigne ; on la mit à Charenton en
1875, mais elle en sortit guérie au bout de
quelques mois. L'enfer recommença pour
elle, si bien qu'un jour, a la fin de l'année
dernière,' elle s'enfuit chez une amie,
madame Châlenton. Furieux de voir leur
proie échapper et de ne plus Conserver sa
fortune, madame de Monasterio et son fils
machinèrent alors l'horrible trame que
l'on connaît.
D. N'avez-vous pas employé] quelqu'un
pour décider le docteur Luigi à voir
votre fille, que vous considériez comme
folle?
Ri, Je n?ai employé personne.
ï). N'en aviez-vous pas chargé Bar-
bieux?-
R. Non, monsieur;
D. Le docteur Luigi ne s'étantpas voulu
mêler de cette affairé, vous avez essayé^
de faire entrer vôtre fille dans la. maison
du docteur Goujon ?
Ri: Oui y monsieur, :
D; Et vous vous êtes servi d'un Gerti^
ficat émanant de rétablissement de Cha-
renton. Cependant il ne s'agissait que
d'une maison de santé.
Roumiguière et Lafit vous ont aidé
dans cette opération. (Silence de la pré-
venue.);
Votre fille avait fait le projet de partir
pour Buenos » Ayres ;■ elle devait s'embar-
quer avec M. Guerrico, et vous avez cher-
ché à ravoir votre fille;, parce que sa for-
tune vous échappait;
R. Je ne voulais pas empêcher ma fille
d'aller en Amérique.
D. Cependant vous y avez mis toutes
sortes d'obstacles.
Vous avez fait sortir votre fille de la
maison de santé ?
Où l'avez-voùs conduite ?
R. Je l'ai conduite en Angleterre.
D; GheiSqui?
R. Dans une maison très honorable.
D« Vous, vousêtesallëe en Angleterre?...
et ou suit votre trace pendant tout le temps
que vous prétendez avoir été absente!
R. C'est pourtant moi qui l'y ai con-
duites
D. Vous avez mis des oppositions sur
les revenus de votre fille, comme si vous
étiez sa créancière.
Ri Ça n'a été qu'une fois, quand elle
était à Charenton.
D'. Mais enfin, où est votre fille ?
R. — Dans le comté dé Kent, à Stone,
chez un de mes amis, M. Hughes.
D. — Pourquoi ne se présente-t-elle
pas ici?
R.— Pourquoi faire?
D. .— Mais pour montrer qu'elle est
libre !
R. —Jamais ma fille ne remettra le
pied en France, où on nous a si indigne-
ment traitées.
Et sur cette belle protestation, madame
de Monasterio se rassied majestueusement.
Barbieux, interrogé à son tour, répond
que son rôle a été absolument correct. Il a
ignoré ce qui se tramait. S'il s'en est mêlé
un moment, c'est qu'il croyait avoir af-
faire à une folle et à une mère désolée.
Roumiguière prend des attitudes dévie-
tirne:
D. — Vous avez pris part à l'enlèvement
du 3 février ?
R. — Oui, monsieur. Je voulais aider
une mère de famille à laquelle on avait
fait tant'de mal. Il s'agissait d'enlever une
folle à une: femme de meeurs indigneSi
Le prévenu convient qu'il a aidé Carlos
Lafit à l'enlèvement, il en raconte les cir-
constances à, peu près comme cet acte a été
raconté; ■• .-
Il dit que Mme Châlenton a mordu M.
Carlos Lafit.
Quant à lui, il nie avoir mis un bâillon
sur.laibouche de la femme Châlenton.
; D. —Pourquoi vous êtes-vous caché si
vous n'étiez pas coupable ?
; R. .■-»- Suivant la maxime de ce sage qui
disait: Si on m'accusait d'avoir volé les
tours Noti'e--Dame, je commencerais par
m'enfuir ! (Hilarité*)
Le docteur Pineli interrogé, raconte sa
visi'.e chez Mme Ghalenton. Il reconnaît
qu'il n'a vu Mlle de Monasterio que pen-
dant cinq minutes.
D. —r Cinq minutes. Pas même! Et ce
temps vous a suffi pour porter un diagnoSr-
tic, pour conclure à la folie?
R. — J'avais le certificat de 1875 pour
asseoir mon opinion.
D. .—■ Mais il remontait à six ans ! Ainsi
pas d'interrogatoire, pas d'entretien, rien !
R. Je n'ai pas pu. Madame Châlenton
me menaçait.
D. Il y aune circonstance grave dans
celte affaire : le certificat n'est pas de vo-
tre main, et vous l'avez signé.
M'. Gatineau. —Le certificat a été écrit
par M. Rivière
M. le substitut Bard. — Quels ont été
vos honoraires pour cela ?
R. Je n'en ai pas eu. Je ne prends rien
aux pauvres et je donne beaucoup.
M. le substitut Bard. — Mais on vous
a promis des honoraires plus tard.
R. On m'a dit qu'on me paierait plus
tard, c'est possible...
D. Avec de l'argent venant du Chili ?
Avec l'argent de cette malheureuse fille?
R. Je n'en sais rien.
On passe à Rivière.
Ce prévenu déclare qu'il assistait M.
Pinel dans ses travaux scientifiques.
D. Vous avez écrit le certificat ?
R. Oui, monsieur. Je suis le secrétaire
de M. Pinel; il n'est pas étonnant que j'aie
écrit ie certificat.
,D. Mais vous l'avez signé aussi ?
R. Comme aide-major. Je ne connais-
sais pas la famille Monasterio.
L'audition des témoins, qui vient ensuite
est des plus curieuses. Voici des locataires
de la maison où habitait Mme Châlenton,
la propriétaire madame Sinet, un avoué, M.
Mereiery qui s'occupait des intérêts de Fi-
délia ; tous déclarent que pour euxmademoi-
selle dé Monasterio n'était nullement folle.
— J'ai causé maintes fois avec elle, dit
Mi Gâriû; elle était très bonne, très douce,
très gentille, pas folle du tout.
-rr- Fidélia était folle ? demande le prési-
dent à uli autre.
*** Jamais de la vie ! s'écrie le témoin*
M. Mercier, chargé d'un référé pour
mademoiselle de Monasterio sur la fortune
de laquelle sa mère avait mis opposition^
dit qu'il l'a vue souvent à ce propos et
qu'il la regarde comme jouissant delà pl^|
nitude de ses facultés*
Enfin, voici madame Châlenton elle-
même :-■■■■."
J'ai connu madame de Monasterio l'an
passé, dit-elle* Je me suis tout de suite
attaché à Fidélia, tant je la voyais mal-
heureuse. A force d'être séquestrée, elle
semblait avoir perdu la parole. Elle se ré-
fugia chez moi. Je la gardai, car elle me
dit qu'elle aimerait mieux se j«ter à la
Seine que de retourner chez sa mère. (Sen-
sation).
Lo témoin raconte ensuite la visite du-
doeteur Pinel et de Rivière: — J'essaya
de jeter ces deux intrus à la porte. Made-
moiselle de Monasterio survint elle-même
et, très dignement, les pria de sortir. C'est
alors que le vieux Pinel s'écria avec un
accent que je n'oublierai jamais : Je vous
ai vue, c'est assez !
Un sieur François dépose que le com-
missaire de police lui a dit : «On veut faire
passer mademoiselle de Mouasterio pour
folle. Elle ne l'est pas.»
Enfin voici le défilé des médecins.
C'est d'abord le docteur Navarre, i'aide
du docteur Goujon, quia aidé, avec deux
infirmiers, à enlever la folle. Il estime que
son internement était indispensable et né-
cessaire. "
— Vous avez l'opinion que peut avoir
un employé du docteur Goujon, lui dit M.
le substitut Bard.
Le médecin en chef de Picpus paraît
après son aide.
— On m'a apporté, dit-il, un certificat ju
docteur Pinel, attestaut l'état de folie de
mademoiselle de Monasterio.
D. Et vous vous êtes contenté de ce cer-
tificat ?
R. Laloide 1838: n''exige qu'une si-
gnature de médecin. (Sensation)
M. le président blâme sévèrement le
docteur Goujon : « Ou mademoiselle de
Monasterio, dit-il, n'était pas folle et alors
vous avez eu tort de l'accepter, ou elle
était folle et alors vous avez eu tort de la
rendre à sa mère en l'exposant ainsi à de
nouvelles tortures. »
Le docteur Luigi raconte les proposi-
tions qu'on lui a faites.
M. LegrândduSaulle,l'éminentaliéniste
chargé par la préfecture de police d'exa-
miner Fidélia àlamaison de santé de Picpus,
l'a trouvée très calme. Il conseille de la
faire reconduire dans son pays natal.
Le docteur Ollivisr, qui a également exa-
miné mademoiselle de Monasterio, déclare,
au contraire, qu'elle était très-agitée, qu'elle
ne cessait de se plaindre, qu'on en voulait à
sa fortune, qu'elle avait en un mot le
délire des 'persécutions.
Quel diagnostic ! Et l'on juge là-dessus
qu'un malheureux est fou! Mademoiselle de
Monasterio n'avait-elle pas raison de se plain-
dre et n'était-elle pas réellement persécutée ?
Quoi qu'il en soit, voici, pour nous, les
deux points frappants de ce procès, lès deux
phrases qu'il faut retenir de cet ensei-
gnement lugubre ; ce sont celles de MM.
Guyon et Ollivier :
La loi de 1838 n'exige qu'une signa-
ture de médecin pour permettre d'en-
fermer comme fou un être libre et si cet
infortuné proteste et veut se défendre, on
diagnostiqué aussitôt: qu'il a le délire des
persécutions. Sortez de là si vous pouvez !
Voilà de quelles garanties est entourée
la sécurité des personnes en l'an de grâce
1883. Je l'ai déjà dit et jene puis me lasser
de le répéter : il y a là une réforme urgente
etimmédiate à accomplir. L'indignation pu-
blique la réclame. Il faut lui donner sa-
tisfaction.
MINOS.
LE COLLECTIVISME CLERICAL
Lorsqu'on 1880 le gouvernement fit
rentrer dans le droit commun les îles
d'Houat et d'Hoedic, personne ne se doutait
qu'il se trouverait des défenseurs de l'an-
cien état de choses, ix-régulier, inouï, que
toute la presse républicaine avait signalé à
l'opinion publique !
Un curé qui avait réuni dans ses mains
LE ROMAN D'UN JUGE
PAU . ' ■
Victor GRÉHÔN
PREMIÈRE PARTIE
lie Crime de la Grande Rue
XII
(Suite)
ARTICLES 479 ET 480 DU CODE D'INSTRUCTION
CRIMINELLE
(Suite)
M. Heurteloup referma son code et re-
garda Le Fallois d'un air satisfait. Au
fond l'excellent homme était ravi de mon-
trer sa science juridique devant M. le pre-
mier président.
-r- Eh bien ? demanda-tr-il au policier,
comprenez-vous pourquoi j'avais raison de
vous dire qu'il m'était impossible de déli-
vrer un mandat d'arrêt ?
— A peu pi'ès, répondit Le Fallois. Si
j'ai bien saisi, vous ne seriez pas compétent
pour le faire.
: •— C'est cela. Nous sommes en pré-
sence d'un cas spécial, prévu et réglementé
parla loi. Donc, nous devons nous confor-
mer scrupuleusement à ses prescriptions.
Or, que dit-elle ? Qu'en cas de crime con-
nais par un juge, en dehors dejses fonctions
— et c'est bien làl'hypothèse actuelle — ce
sont le premier président et le procureur gé-
néral près la Cour d'appel qui remplissent
les fonctions ordinairement dévolues au
juge d'instruction et au procureur de la^
République et que ces derniers ne peuvent
agir que si le président et le procureur
général les désignent spécialement à cet
effet. Vous m'accordez, n'est-ce pas, que
c'est bien là le véritable sens de l'art. 480?
— Parfaitement, dit M. Pasquier dont
le visage exprimait une singulière satis-
faction.
— Donc, conclut M. Ileurteloup, nous
ne pouvons agir, M. le procureur de la
République et moi, qu'après en avoir ré-
féré à nos supérieurs, M. le premier pré-
sident de la cour d'appel et M. le procu-
reur général, et que s'ils nous délèguent
expressément pour poursuivre cette affaire
eh leur nom et en vertu du pouvoir que
leur donne l'article 480. Il est vraiment
regrettable que nous n'ayons pas été pré-
venus un peu plus tôt, car ils étaient tous
deux ici ce matin pour les funérailles de
M. Vernier et ils auraient pu terminer
immédiatement ces formalités. Ils sont
retournés à Beauvais maintenant, et il faut
que je leur envoie au plus vite un rapport
détaillé sur tout ce que je viens d'appren-
dre. Tant que nous n'aurons pas reçu leur
réponse avec une délégation formelle et
des instructions expresses, nous ne pou-
vons, M. le procureur de la République
et moi, recourir à aucun acte de rigueur
contre M. Férey. Donc, renoncez, Le
Fallois, à l'espoir de lui mettre aujour-
d'hui la main au collet. Tout ce qu'il nous
est permis de faire, c'est de continuer à le
surveiller d'une façon occulte et de con-
server soigneusement le corps du délit
qui existe, c'est-à-dire le poignard que
vous m'avez remis tout à l'heure. Pour le
reste, il nous faut attendre un ordre supé-
rieur.
Le Fallois avait une mine absolument
déconfite. Il était anéanti, au moment où
il croyait toucher le but, de le voir ainsi
reculer devant lui. Le coupable n'allait-il
pas profiter de ce répit que lui laissait une
procédure ridicule et compliquée — c'était
l'avis du policier — pour s'échapper et
disparaître à jamais ? Quand aurait-on
cet ordre d'arrestation qu'il s'était cru si
près d'obtenir?
— Nous recevrons la réponse demain,
dit M. Heurteloup qui sembla deviner sa
pensée. Je vais envoyer à l'instant mon
rapport.
— Bien, fit M. Pasquier de plus en
plus radieux, quoiqu'il tâchât de dissi-
muler la joie intense qu'il éprouvait; nous
vous laissons faire vou*e travail, mon cher
Heurteloup. Prévenez-moi, je vous prie,
dès que vous aurez des nouvelles.
— Comptez sur moi, répondit le juge
d'instruction. Je vous ferai avertir aussitôt
que j'aurai reçu des ordres.
Le président et Le Fallois quittèrent le
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