Titre : Le Droit populaire : journal hebdomadaire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-03-17
Contributeur : Oudin, Léonel (18..?-18..?). Directeur de publication
Contributeur : Rossiény, Marc de (1845-1894). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32759050m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 1030 Nombre total de vues : 1030
Description : 17 mars 1883 17 mars 1883
Description : 1883/03/17 (A4,N11)-1883/03/24. 1883/03/17 (A4,N11)-1883/03/24.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5608878n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, FOL-F-87
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/01/2011
LE DROIT POPULAIRE
ma foi, une besogne assez facile et assez
gaie. Rien d'amusant comme cette au-
dience des flagrants délits de samedi der-
nier où comparaissaient tous ceux qui
avaient été arrêtés la veille pour cris sédi-
tieux ou outrages aux agents. Bien peu de
grands coupables là-dedans, en somme,
quelques exaltés, des gamins, deux pu trois
pôchârds et surtout des curieux qui,
comme toujours, ont ècopê dans la ba-
garre et ont payé les pots cassés. Tant pis
pour eux, fallait pas qu'ils y aillent ! Le
Parisien--badaud a toujours cette rage
d'aller fourrer son/sez dans les tumultes et
les émeutes, on le bouscule, on le frappe,
on le mène au violon et de là en police
côrrëetipnnêile, > où il attrape une bonne
amende; quand ce n'est pas quelques jours
de prison, en'bienV èë'ïa rie -l'empêché pas
de recommencer de plus belle à la pre-
mière occasion et de courir au-devant d'en-
nuis nouveaux : il est incurable sur ce
point-là.
Nous avons donc vu défiler une assez
curieuse galerie de types à cette audience
dé saniedij présidée par. M. Delahaye.
Voici d'abord un reporter du Télé-
graphe, M. Eveillé, venu sur l'esplanade
des Invalides pour prendre des notes. On
Miivité à circuler, il s'y refusé. Bousculé
par 1 les agents, il l'es' appelle « lâches », et
leuï dit qui! prendra leurs numéros pour
lès signaler à 1\L Gaiibet. Goût : six jours
de prison.
" Même peiné à un apprenti nommé
Guyestê, qui acrié:.Enievez-les, envoyant
les municipaux et qui a fait des pieds-de-
nèz aux agents. Une gaminerie punie un
peu sévèrement, selon nous.
Le-troisième inculpé a plus de chance:
il estacquitté.- G?esf' M. Philibert Roger,
étudiant à la Faculté des sciences. Il est
vrai qu'il s'est borné à' faire : « Oh î oh ! »
sur un 'ton ironique .^,1'appro.çhe d'un offi-
cier de, p,;j.ix:. Le ministère, public estime
qu'il est difficile de, classer» cette exclama-
tion au point de vue pénal. Donc, renvoi.
Seconct, gamin : Cottet,. apprenti litho-
graphe, jl a appelé-les agents feignants.
— Ce n'était guère le jour de les trai-
ter de "feignants, lui dit M. le président,
car ils étaient sur pied depuis huit heures
du matin.
Pourquoi êtes-vous venu sur l'esplanade
des Invalides ?
T-T Pour rien, fait le gamin, pour voir
un peu.
— Vous avez bien le temps de vous oc-
cuper de politique, allez, fait M. le prési-
dent qui, pour mieux lui faire comprendre
la valeur réelle de ce bon conseil, lui
donne en même temps 50 fr. d'amende.
Avec le prévenu suivant, nous abordons
les griefs plus sérieux. Raoulx, déjà connu
dans les clubs socialistes, était monté sur
une voiture chargée de bois et de cette tri-
bune improvisée il criait : « Vive la Com-
mune! vive la révolution sociale ? A moi
le peuple ! » Poursuivi par un agent, il lui
donne un croc-en-jambe et le fait tomber.
— Qu'avez-vous à répondre ? lui de-
mande le président.
Le prévenu. — C'est un pur hasard!
Je n'y ai mis aucune intention. Je courais,
l'agent aussi, nos jambes se sont enchevê-
trées. Ça se voit tous les jours. La police
correctionnelle ne punit pas les accidents..
(Hilarité.)
Bien que la justice, selon Raoulx, n'ait
pas prévu ce cas, le tribunal frappe l'au-
teur de cette chute involontaire de trois
mois de prison, Vlân.
Squs ce caup inattendu, le prévenu se
redresse, iu digne :
—; C'est une infamie, s'écrie-t^il. En me
condamnant, c'est la révolution qu'on pro-
clame!
Et il sort, après avoir foudroyé les
juges d'un regard méprisant.
Ah ! ah ! voici une femme, maintenant,
qui paraît trouver très drôle l'attention
dont elle est l'objet. Cette jeune personne,
voyant tomber Raoulx, a volé à son se-
cours et appliqué un formidable soufflet à
un agent.
D. — Vous avez giflé Un garclien de la
paix ?
R. — Il paraît.
D. — Ce n'est pas une apparence; l'a-;
gent a trouvé que la gifle, était très réelle,
(Hilarité.]!
R. — Ça se peut bien. Il sait ça mjeux
que moi. (Rires.)
Trp.is mois de prison à cette, joviale, per-
sonne..
C'est l'inévitable pp.chard qui lui suc-,
cède,
D. — Votre nom ?
R. — Sigismond Chavillot, appareilleur.
D. — Vous avez appelé les agents « ca-
nailles» et vous leur avez craché au vi-
sage?
R. — C'est parce qu'il y en a un qui m'a
poussé si fort que j'en ai piqué une tête
dans Je ruisseau.
D. — Vous étiez ivre et votre ivresse a
contribué, plus que la poussée, à ce plon-
geon que TOUS avez fait ?
R. —~ J'étais seulement gai !
D. — Une gaieté peu agréable pour vos
voisins, en tout cas, si vous leur crachez
au visage.
Un mois au régime rafraîchissant des
prisons et 5 francs d'amende pour l'i-
vresse.
Acquitté, un curieux qui a été bousculé,
a pi-otesté et en fin de compte a passé la
nuit au violon. De même un collégien ré'
clamé par sa mère. Ce jeune potache est
prévenu d'outrages aux agents :
— J'ai été arrêté, explique-t-il en riant,
pour avoir dit à un camarade : « Ces sa-
lauds de gardes municipaux à cheval sont
dégoûtants avec leur crottin. Le pauvre
peuple marche là-dessus.» (Hilarité pro-
longée.)
D. — On a trouvé dans votre poche une
pierre énorme?
R. — C'était un minerai. J'étudie les
sciences naturelles.
Ce jeune savant est renvoyé à ses chères
études,
Plus morije la fin de l'audience. Cinq
ou six prévenus y sont condamnés à des
peines variant de 8 jours à 3 mois de
prison.
Lundi et mardi ont comparu à leur tour
les gens arrêtés à la manifestation de l'Hô-
tel-?de-Ville, dimanche ; une trentaine de
badauds, de gamins et quelques repris de
justice qui ameutaient la foule. On con-
çoit que nous n'allons pas les citer ici tous
aye.o leurs npms, les faits qu'on leur re-
proche et la peine dont ils ont été frappés.
Ce journal entier n'y suffirait pas. Nous
nous bornerons donc à dire, que la peine la
plus forte, prononcée lundi par le tribunal,
a été celle dé quatre mois de prison, oc-
troyée à un pâle voyou de 17 ans, nommé.
Rouget, condamné déjà à un mois de pri-
spn pourvoi. La plus faible, 16 francs, d'a-
mende, a été appliquée à un Prudhomme
grotesaue et solennel qui a fait la. joie de
l'auditoire en expliquant son affaire :
— Voilà. J'allais prendre l'omnibus
pour aller voir ma fiile —j'y yais. tous les
diaiancb.es — à Vinegnnes,. Je traversais
larue de Rivoli, je rencontre un ami qui
me montre un groupe, en disant :
— Tiens, on arrête une femme.
r— Allons, voir, c'est peutr.ê.tre Louise
Mi,çhel. •
rr- C'est une jolie, femme, qu'il me dit,
T~ Alors, que je lui réponds, ça n'est sfU
rement pas elle. (Rires-).
M, ie président. — Abrégeons. Vp.us
avez dit aux agents que vous emm,.. le
gouvernement !
Le prévenu (avec horreur), -r- Moi !
monsieur, tenir un propos pareil! Ah!
vous ne. me connaissez pas !. Je suis, inca-
pable de dire un mot si prdurier ! Jamais,
je le jure sur la tête de ma fille, jamais, je
n'ai prononcé, ce mot-là. Ah ! si Ton m'ac-
cusait d'avoir dit aux agents : Allez vous
faire f..., possible, ça n'a rien, de désho-
norant, mais le mot que vous dites, oh !
Et M. Prudhomme prend un air si pu-
dibond et si rougissant que. le tribunal ne
se sent plus le courage de l'envoyer en
prison et se borno à le condamner à la
faible amende sus-indiquée..
On espérait voir mardi la citoyenne
d'Erlincourt, chanteuse de cafés-concerts,
arrêtée place de l'Hôtel-de-Ville pour avoir
tenu des discours séditieux. C'est elle —-
fort jolie femme, dit-on -— que le. Pru-
dhomme ci-dessus avait, vue coffrer. Mais
l'attente générale a été déçue : l'héroïne
des bastringues populaires est l'objet d'une
instruction qui n'est pas encore terminée.
Les peines les plus fortes, n'ont pas, ce
troisième jour, dépassé non plus quatre
mois de prison. C'est un Prussien, Kreutz-
ner, qui s'est entendu condamner à ce
maximum pour avoir renversé un agent.
Il est probable que les poursuites vont
continuer. En tout cas, comme cela de-
vient monotone, nous ne parlerons plus
que des condamnés de quelque importance.
Disons en terminant que deux individus,
nommés Mareuille est Emile Pouget, vont
être déférés à la Cour d'assises pour avoir
pris part au pillage des hpulangeries dans
la journée du 9 mars.
Enfin., passant des mas ifestants aux anar-
chistes, annonçons que la chambre des
mises en accusation de la Cour d'appel de
Bruxelles vieDt d'accorder au gouverne-
ment français qui l'avait demandée l'ex-
tradition de Çyvoet, le révolutionnaire
compromis dans les affaires de Lyon, ar-
rêté il y a 15 jours à Laeken, en eompar
gnie de Métayer, après l'explosion de la
bombé que celui-ci portait dans sa poche.
.*
Il y avait longtemps que nous n'avions
eu à parler de crimes contre des enfants.
Voici que la cour d'assises de la Oôte-d'Or
nous donne une triste occasion de révenir
sur ce sujet.
Le 30 juin dernier, on retirait du canal
de Dijon ie corps d'une petite fille de six
ans, dont les parents sont de braves ou-
vriers de la ville. Elle avait disparu depuis
la veille et ses parents l'avaient en vain
cherchée partout.
Les soupçons se portèrent immédiate-
ment sur une voisine des époux Barbey,
une femme Fiquet, qui, à la sortie de l'é-
cole, l'avait entraînée chez elleen lui offrant
des groseilles. Un marinier l'avait, une
heure après, rencontrée, près du canal, te-
nant une petite fille par la main. Ce de-
vait être la jeune Henriette. La femme Fi-
quet fut arrêtée et nia avec énergiele meur-
tre. Que lui voulait-on ? Pourquoi aurait-
elle tué cette enfant? On cherchait, en effet,
le motif sans pouvoir le. trouver, on avait
cru d'abord que l'accusée avait agi dans
un accès d'aliénation mentale, quand tout
à coup on s'aperçut que l'enfant n'avait plus
ses boucles d'oreilles; on les chercha et on
les retrouva chez la femme Fiquet: le crime
avait eu pour mobile un vol vulgaire.
L'audience de la cour d'assises n'en a
pas moins été très curieuse, étant donnée
la singulière physionomie de la femme Fi-
quet, une créature bizarre soupçonnée d'a-
voir essaj-é d'empoisonner son mari et
une vieille spirite qu'elle avait recueillie
chez elle.
Voici la partie la plus saillante de son
II IQMAN OUI JUGE
PAU
Victor GRÉHON
PREMIÈRE PARTIE
K
(Suite)
XII
ARTICLES 479 ET 480 nu CODE D'INSTRUCTION
CRIMINELLE
(Suite)
11 marcha vers la cheminée et pressa dn
doigt une sonnette., dissimulée dans l'angle
derrière sou bureau. Presque aussitôt un
garçon de service, répondit à cet appel en
apparaissant sur le seuil.
— Voyez si M. Heurteloup est chez lui
et informez-vous s'il peut nje. recevoir,
ordonna M. Pasquier.
Un instant après, le garçon reparut :
--M. le juge d/irjstruçlion, dit-il, est
dans son cabinet avec M. le procureur de
la République, il est aux ordres de M. le
président.
— Bien, fit M. Pasquier. Venez, Le
Fallois.
Après une course de quelques secondes
à travers des corridors et des salles déser-
tes, ils arrivèrent au cabinet du juge d'ins-
truction; M. Heurteloup — comme l'avait
dit le. garçon — y était en grande confé-
rence avec le procureur de la République.
Celui-ci était un petit homme maigre, sec,
l'air rageur et les yeux méchants derrière
les verres bombés dé sr;s larges lunettes à
branches d'or. Sa figure de fouine, au nez
pointu et aux lèvres minces, indiquait une
puissance de dissimulation et une force de
volonté peu communes. Il avait juré de,
venger sou substitut — non point tant
peut-être par amitié pour lui que parce
que, depuis sa mort, il était privé d'un au-
xiliaire précieux et accablé de besogne. A
bien analyser ses sentiments, ce devait être
là le plus grand grief de l'assassin à ses
yeux.
Et ce qui le mettait hors de lui, c'est que
jusqu'alors il avait agi en pure perte; ses
recherches dans la ville n'avaient eu au-
cun résultat, ses constatations étaient nul-
les. M. Heurteloup, plus heureux, connais-
sait la première lettre du nom de l'assassin
— mais voilà tout. Son espoir reposait uni-
quement sur le retour du policier, lancé
sur une piste qu'on croyait bonne, mais
rien jusque-là n'était venu confirmer cet
espoir.
Aussi, quand les deux hommes virent
entrer le président et Le Fallois à sa suite
ne purent-ils retenir un cri de joie, et le
juge d'instruction se leya-t-il précipitam-
ment de son fauteuil en demandant à M.
, Pasquier:
— Vous avez une nouvelle à m'appren-
dre, mon cher président ? Je vois avec vous
Le Fallois. A-t-il atteint son but? Le cou-
pable est-il connu ?
Non moins impatient et anxieux que lui,
le procureur de la République s'était aussi
approché.
— Oui, répondit M. Pasquier, nous
avons de.» choses graves à vous dire. Veuil-
f lez nous prêter toute votre attention.
Alors, reprenant son récit de haut, il
raconta aux deux magistrats attentifs la
scène du bal delà sous-préfecture, les soup-
çons qui leur étaient venus, à Le Fallois et
à lui, leur stupéfaction en les voyant con-
firmés par cette lettre écrite de la main du
substitut mourant sur la page blanche du
carnet qu'on lui avait présenté. Le prési-
dent avoua qu'il ne pouvait encore croire à
la culpabilité de M. Ferey et que le policier
s'était chargé de lui en fournir les preuves.
Celui-ci, prenant à son tour la parole,
fit connaître les investigations auxquelles il
s'était livré dans la chambre où le meurtre
avaitélé commis, leurrésultatinfructueux,
les révélations de Bernard qui lui avaient
ouvert des perspectives nouvelles. Il en-
traîna ses auditeurs avec lui à la poursuite
de l'homme au béret bleu, les fit galoper
sur ses traces et les identifia tellement avec
son propre rôle, qu'au moment où le fugitif
s'échappa en sautant le grand mur de. la
propriété, ils ne purent retenir tous un cri
de désappointement comme s'ils voyaient
distinctement la scène et leur proie qui leur
échappait.
ma foi, une besogne assez facile et assez
gaie. Rien d'amusant comme cette au-
dience des flagrants délits de samedi der-
nier où comparaissaient tous ceux qui
avaient été arrêtés la veille pour cris sédi-
tieux ou outrages aux agents. Bien peu de
grands coupables là-dedans, en somme,
quelques exaltés, des gamins, deux pu trois
pôchârds et surtout des curieux qui,
comme toujours, ont ècopê dans la ba-
garre et ont payé les pots cassés. Tant pis
pour eux, fallait pas qu'ils y aillent ! Le
Parisien--badaud a toujours cette rage
d'aller fourrer son/sez dans les tumultes et
les émeutes, on le bouscule, on le frappe,
on le mène au violon et de là en police
côrrëetipnnêile, > où il attrape une bonne
amende; quand ce n'est pas quelques jours
de prison, en'bienV èë'ïa rie -l'empêché pas
de recommencer de plus belle à la pre-
mière occasion et de courir au-devant d'en-
nuis nouveaux : il est incurable sur ce
point-là.
Nous avons donc vu défiler une assez
curieuse galerie de types à cette audience
dé saniedij présidée par. M. Delahaye.
Voici d'abord un reporter du Télé-
graphe, M. Eveillé, venu sur l'esplanade
des Invalides pour prendre des notes. On
Miivité à circuler, il s'y refusé. Bousculé
par 1 les agents, il l'es' appelle « lâches », et
leuï dit qui! prendra leurs numéros pour
lès signaler à 1\L Gaiibet. Goût : six jours
de prison.
" Même peiné à un apprenti nommé
Guyestê, qui acrié:.Enievez-les, envoyant
les municipaux et qui a fait des pieds-de-
nèz aux agents. Une gaminerie punie un
peu sévèrement, selon nous.
Le-troisième inculpé a plus de chance:
il estacquitté.- G?esf' M. Philibert Roger,
étudiant à la Faculté des sciences. Il est
vrai qu'il s'est borné à' faire : « Oh î oh ! »
sur un 'ton ironique .^,1'appro.çhe d'un offi-
cier de, p,;j.ix:. Le ministère, public estime
qu'il est difficile de, classer» cette exclama-
tion au point de vue pénal. Donc, renvoi.
Seconct, gamin : Cottet,. apprenti litho-
graphe, jl a appelé-les agents feignants.
— Ce n'était guère le jour de les trai-
ter de "feignants, lui dit M. le président,
car ils étaient sur pied depuis huit heures
du matin.
Pourquoi êtes-vous venu sur l'esplanade
des Invalides ?
T-T Pour rien, fait le gamin, pour voir
un peu.
— Vous avez bien le temps de vous oc-
cuper de politique, allez, fait M. le prési-
dent qui, pour mieux lui faire comprendre
la valeur réelle de ce bon conseil, lui
donne en même temps 50 fr. d'amende.
Avec le prévenu suivant, nous abordons
les griefs plus sérieux. Raoulx, déjà connu
dans les clubs socialistes, était monté sur
une voiture chargée de bois et de cette tri-
bune improvisée il criait : « Vive la Com-
mune! vive la révolution sociale ? A moi
le peuple ! » Poursuivi par un agent, il lui
donne un croc-en-jambe et le fait tomber.
— Qu'avez-vous à répondre ? lui de-
mande le président.
Le prévenu. — C'est un pur hasard!
Je n'y ai mis aucune intention. Je courais,
l'agent aussi, nos jambes se sont enchevê-
trées. Ça se voit tous les jours. La police
correctionnelle ne punit pas les accidents..
(Hilarité.)
Bien que la justice, selon Raoulx, n'ait
pas prévu ce cas, le tribunal frappe l'au-
teur de cette chute involontaire de trois
mois de prison, Vlân.
Squs ce caup inattendu, le prévenu se
redresse, iu digne :
—; C'est une infamie, s'écrie-t^il. En me
condamnant, c'est la révolution qu'on pro-
clame!
Et il sort, après avoir foudroyé les
juges d'un regard méprisant.
Ah ! ah ! voici une femme, maintenant,
qui paraît trouver très drôle l'attention
dont elle est l'objet. Cette jeune personne,
voyant tomber Raoulx, a volé à son se-
cours et appliqué un formidable soufflet à
un agent.
D. — Vous avez giflé Un garclien de la
paix ?
R. — Il paraît.
D. — Ce n'est pas une apparence; l'a-;
gent a trouvé que la gifle, était très réelle,
(Hilarité.]!
R. — Ça se peut bien. Il sait ça mjeux
que moi. (Rires.)
Trp.is mois de prison à cette, joviale, per-
sonne..
C'est l'inévitable pp.chard qui lui suc-,
cède,
D. — Votre nom ?
R. — Sigismond Chavillot, appareilleur.
D. — Vous avez appelé les agents « ca-
nailles» et vous leur avez craché au vi-
sage?
R. — C'est parce qu'il y en a un qui m'a
poussé si fort que j'en ai piqué une tête
dans Je ruisseau.
D. — Vous étiez ivre et votre ivresse a
contribué, plus que la poussée, à ce plon-
geon que TOUS avez fait ?
R. —~ J'étais seulement gai !
D. — Une gaieté peu agréable pour vos
voisins, en tout cas, si vous leur crachez
au visage.
Un mois au régime rafraîchissant des
prisons et 5 francs d'amende pour l'i-
vresse.
Acquitté, un curieux qui a été bousculé,
a pi-otesté et en fin de compte a passé la
nuit au violon. De même un collégien ré'
clamé par sa mère. Ce jeune potache est
prévenu d'outrages aux agents :
— J'ai été arrêté, explique-t-il en riant,
pour avoir dit à un camarade : « Ces sa-
lauds de gardes municipaux à cheval sont
dégoûtants avec leur crottin. Le pauvre
peuple marche là-dessus.» (Hilarité pro-
longée.)
D. — On a trouvé dans votre poche une
pierre énorme?
R. — C'était un minerai. J'étudie les
sciences naturelles.
Ce jeune savant est renvoyé à ses chères
études,
Plus morije la fin de l'audience. Cinq
ou six prévenus y sont condamnés à des
peines variant de 8 jours à 3 mois de
prison.
Lundi et mardi ont comparu à leur tour
les gens arrêtés à la manifestation de l'Hô-
tel-?de-Ville, dimanche ; une trentaine de
badauds, de gamins et quelques repris de
justice qui ameutaient la foule. On con-
çoit que nous n'allons pas les citer ici tous
aye.o leurs npms, les faits qu'on leur re-
proche et la peine dont ils ont été frappés.
Ce journal entier n'y suffirait pas. Nous
nous bornerons donc à dire, que la peine la
plus forte, prononcée lundi par le tribunal,
a été celle dé quatre mois de prison, oc-
troyée à un pâle voyou de 17 ans, nommé.
Rouget, condamné déjà à un mois de pri-
spn pourvoi. La plus faible, 16 francs, d'a-
mende, a été appliquée à un Prudhomme
grotesaue et solennel qui a fait la. joie de
l'auditoire en expliquant son affaire :
— Voilà. J'allais prendre l'omnibus
pour aller voir ma fiile —j'y yais. tous les
diaiancb.es — à Vinegnnes,. Je traversais
larue de Rivoli, je rencontre un ami qui
me montre un groupe, en disant :
— Tiens, on arrête une femme.
r— Allons, voir, c'est peutr.ê.tre Louise
Mi,çhel. •
rr- C'est une jolie, femme, qu'il me dit,
T~ Alors, que je lui réponds, ça n'est sfU
rement pas elle. (Rires-).
M, ie président. — Abrégeons. Vp.us
avez dit aux agents que vous emm,.. le
gouvernement !
Le prévenu (avec horreur), -r- Moi !
monsieur, tenir un propos pareil! Ah!
vous ne. me connaissez pas !. Je suis, inca-
pable de dire un mot si prdurier ! Jamais,
je le jure sur la tête de ma fille, jamais, je
n'ai prononcé, ce mot-là. Ah ! si Ton m'ac-
cusait d'avoir dit aux agents : Allez vous
faire f..., possible, ça n'a rien, de désho-
norant, mais le mot que vous dites, oh !
Et M. Prudhomme prend un air si pu-
dibond et si rougissant que. le tribunal ne
se sent plus le courage de l'envoyer en
prison et se borno à le condamner à la
faible amende sus-indiquée..
On espérait voir mardi la citoyenne
d'Erlincourt, chanteuse de cafés-concerts,
arrêtée place de l'Hôtel-de-Ville pour avoir
tenu des discours séditieux. C'est elle —-
fort jolie femme, dit-on -— que le. Pru-
dhomme ci-dessus avait, vue coffrer. Mais
l'attente générale a été déçue : l'héroïne
des bastringues populaires est l'objet d'une
instruction qui n'est pas encore terminée.
Les peines les plus fortes, n'ont pas, ce
troisième jour, dépassé non plus quatre
mois de prison. C'est un Prussien, Kreutz-
ner, qui s'est entendu condamner à ce
maximum pour avoir renversé un agent.
Il est probable que les poursuites vont
continuer. En tout cas, comme cela de-
vient monotone, nous ne parlerons plus
que des condamnés de quelque importance.
Disons en terminant que deux individus,
nommés Mareuille est Emile Pouget, vont
être déférés à la Cour d'assises pour avoir
pris part au pillage des hpulangeries dans
la journée du 9 mars.
Enfin., passant des mas ifestants aux anar-
chistes, annonçons que la chambre des
mises en accusation de la Cour d'appel de
Bruxelles vieDt d'accorder au gouverne-
ment français qui l'avait demandée l'ex-
tradition de Çyvoet, le révolutionnaire
compromis dans les affaires de Lyon, ar-
rêté il y a 15 jours à Laeken, en eompar
gnie de Métayer, après l'explosion de la
bombé que celui-ci portait dans sa poche.
.*
Il y avait longtemps que nous n'avions
eu à parler de crimes contre des enfants.
Voici que la cour d'assises de la Oôte-d'Or
nous donne une triste occasion de révenir
sur ce sujet.
Le 30 juin dernier, on retirait du canal
de Dijon ie corps d'une petite fille de six
ans, dont les parents sont de braves ou-
vriers de la ville. Elle avait disparu depuis
la veille et ses parents l'avaient en vain
cherchée partout.
Les soupçons se portèrent immédiate-
ment sur une voisine des époux Barbey,
une femme Fiquet, qui, à la sortie de l'é-
cole, l'avait entraînée chez elleen lui offrant
des groseilles. Un marinier l'avait, une
heure après, rencontrée, près du canal, te-
nant une petite fille par la main. Ce de-
vait être la jeune Henriette. La femme Fi-
quet fut arrêtée et nia avec énergiele meur-
tre. Que lui voulait-on ? Pourquoi aurait-
elle tué cette enfant? On cherchait, en effet,
le motif sans pouvoir le. trouver, on avait
cru d'abord que l'accusée avait agi dans
un accès d'aliénation mentale, quand tout
à coup on s'aperçut que l'enfant n'avait plus
ses boucles d'oreilles; on les chercha et on
les retrouva chez la femme Fiquet: le crime
avait eu pour mobile un vol vulgaire.
L'audience de la cour d'assises n'en a
pas moins été très curieuse, étant donnée
la singulière physionomie de la femme Fi-
quet, une créature bizarre soupçonnée d'a-
voir essaj-é d'empoisonner son mari et
une vieille spirite qu'elle avait recueillie
chez elle.
Voici la partie la plus saillante de son
II IQMAN OUI JUGE
PAU
Victor GRÉHON
PREMIÈRE PARTIE
K
(Suite)
XII
ARTICLES 479 ET 480 nu CODE D'INSTRUCTION
CRIMINELLE
(Suite)
11 marcha vers la cheminée et pressa dn
doigt une sonnette., dissimulée dans l'angle
derrière sou bureau. Presque aussitôt un
garçon de service, répondit à cet appel en
apparaissant sur le seuil.
— Voyez si M. Heurteloup est chez lui
et informez-vous s'il peut nje. recevoir,
ordonna M. Pasquier.
Un instant après, le garçon reparut :
--M. le juge d/irjstruçlion, dit-il, est
dans son cabinet avec M. le procureur de
la République, il est aux ordres de M. le
président.
— Bien, fit M. Pasquier. Venez, Le
Fallois.
Après une course de quelques secondes
à travers des corridors et des salles déser-
tes, ils arrivèrent au cabinet du juge d'ins-
truction; M. Heurteloup — comme l'avait
dit le. garçon — y était en grande confé-
rence avec le procureur de la République.
Celui-ci était un petit homme maigre, sec,
l'air rageur et les yeux méchants derrière
les verres bombés dé sr;s larges lunettes à
branches d'or. Sa figure de fouine, au nez
pointu et aux lèvres minces, indiquait une
puissance de dissimulation et une force de
volonté peu communes. Il avait juré de,
venger sou substitut — non point tant
peut-être par amitié pour lui que parce
que, depuis sa mort, il était privé d'un au-
xiliaire précieux et accablé de besogne. A
bien analyser ses sentiments, ce devait être
là le plus grand grief de l'assassin à ses
yeux.
Et ce qui le mettait hors de lui, c'est que
jusqu'alors il avait agi en pure perte; ses
recherches dans la ville n'avaient eu au-
cun résultat, ses constatations étaient nul-
les. M. Heurteloup, plus heureux, connais-
sait la première lettre du nom de l'assassin
— mais voilà tout. Son espoir reposait uni-
quement sur le retour du policier, lancé
sur une piste qu'on croyait bonne, mais
rien jusque-là n'était venu confirmer cet
espoir.
Aussi, quand les deux hommes virent
entrer le président et Le Fallois à sa suite
ne purent-ils retenir un cri de joie, et le
juge d'instruction se leya-t-il précipitam-
ment de son fauteuil en demandant à M.
, Pasquier:
— Vous avez une nouvelle à m'appren-
dre, mon cher président ? Je vois avec vous
Le Fallois. A-t-il atteint son but? Le cou-
pable est-il connu ?
Non moins impatient et anxieux que lui,
le procureur de la République s'était aussi
approché.
— Oui, répondit M. Pasquier, nous
avons de.» choses graves à vous dire. Veuil-
f lez nous prêter toute votre attention.
Alors, reprenant son récit de haut, il
raconta aux deux magistrats attentifs la
scène du bal delà sous-préfecture, les soup-
çons qui leur étaient venus, à Le Fallois et
à lui, leur stupéfaction en les voyant con-
firmés par cette lettre écrite de la main du
substitut mourant sur la page blanche du
carnet qu'on lui avait présenté. Le prési-
dent avoua qu'il ne pouvait encore croire à
la culpabilité de M. Ferey et que le policier
s'était chargé de lui en fournir les preuves.
Celui-ci, prenant à son tour la parole,
fit connaître les investigations auxquelles il
s'était livré dans la chambre où le meurtre
avaitélé commis, leurrésultatinfructueux,
les révélations de Bernard qui lui avaient
ouvert des perspectives nouvelles. Il en-
traîna ses auditeurs avec lui à la poursuite
de l'homme au béret bleu, les fit galoper
sur ses traces et les identifia tellement avec
son propre rôle, qu'au moment où le fugitif
s'échappa en sautant le grand mur de. la
propriété, ils ne purent retenir tous un cri
de désappointement comme s'ils voyaient
distinctement la scène et leur proie qui leur
échappait.
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