Titre : La Démocratie pacifique : journal des intérêts des gouvernements et des peuples
Auteur : École sociétaire (Paris). Auteur du texte
Éditeur : au bureau du journal (Paris)
Date d'édition : 1844-08-21
Contributeur : Considerant, Victor (1808-1893). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32755585p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 août 1844 21 août 1844
Description : 1844/08/21 (A13,T3,N52). 1844/08/21 (A13,T3,N52).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47688983
Source : Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, JOD-1904
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/06/2018
DEMOCRATIE PACIFIQUE
J A-NNËE. Ife Ser. quotid. - T, III, N. 52, 48 FR, PAR AN, f: f MERCREDI 21 AOUT 1844. - ''
^iWpgg^RATKES RSTIS (IIIATb-J' - UNITÉ SOCIALE, RELIGIEUSE ET POLITIQUE. DROIT AU TRAVAIL ; LIBRE EXAMEN ; ÉLECTION.. UT OMNES UNunt SINT i.lOASH.}. g.
JOURNAL DES INTÉRÊTS DES GOUVERNEMENTS ET DES PEUPLES.
¡:::c::II'1épart,et Etranger: : 1 an, 48 f.-6 mois, 24 f.—3 mois, 12 f.—1 mois. 5 f.
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ANNONCES : 1 fr. la ligne. — Les lettres et paquets affranchis sont seuls reçut.
ÉDITION DE PARS.
PARIS, 20 AOUT.
Envahissements de l'Angleterre au centre de
l'Amérique.
IMS avons dit que, tandis que la race saxonne attaquait et enva-
le Mexique parle Nord, au moyen des efforts des Anglo-
oériegills, elle en menaçait la partie méridionale par les Anglais
Constatons sommairement aujourd'hui cè.dernier faiJvVi .
COLONIE DE BALIZE.
Bans le courant du dernier siècle,'TEspagne avait accordé à l'An-
ietei,i,e le droit, pour un temps limité, de couper du bois de cam-
%e et d'acajou sur un petit point de la côte orientale du Yucatan,
dépendant de la vice-royauté du Mexique. Les Anglais établirent
d'abord, pour cet effet, quelques barraques, qui sont devenues au-
jourd'hui la ville de Balize peuplée de 4 à 5 mille âmes, et située
ntre les 17e et 18e dégré de latitude, et les 90° et T)le de longitude.
Mme ou le pense bien, ils ne 83 renfermèrent pas dans les clau-
di: leur concession, et commencèrent bientôt à organiser un
l^erce de contrebande, que les vice-rois du Mexique réprimè-
jentautant qu'il leur fut possible. Le terme de leur concession étant
-jffive après la déclaration d'indépendance des colonies espagno-
le la république mexicaine notifia à l'Angleterre qu'elle eùt à éva-
cuer le port et la ville de Balize, qui ne lui avaient été accordés que
temporairement. A cette notification, l'Angleterre répondit que c'é-
tait l'Espagne, la couronne d'Espagne qui lui avait permis de s'éta-
blir à Balize, el qu'elle n'avait à rendre compte à personne autre.
C'est ainsi qu'elle a gardé ce territoire qui ne lui appartient pas, et
qu'elle occupe maintenant dans une longueur de côtes de cin-
quante lieues environ. Appuyées sur cette base, ses usurpations à
&l'intérieur prennent chaque jour une. nouvelle extension.
IParBalize, l'Angleterre fait une contrebande très active avec l'in-
lerieur du Rtexique._ En 4829, ses importations, par ce seul point,
s'élevaient à 20 millions de francs par an ; elles ont beaucoup aug-
menté depuis ce temps.
ILE DE COSUMEL.
A deux dégrés au nord de Balize se trouve non loin de la côte
orientale d'Yucatan, une petite île presque inhabitée,- qui dé-
pendait également du Mexique; elle porte l'e nom de Cosu-
mel. Les Anglais s'en sont emparés il y a quelques années, et y ont
mis garnison ; elle leur convient en ce qu'elle peut servir à surveil-
ler en même temps la côte d'Yucatan, et la principale entrée du
golfe du Mexique entre le cap Catoche du continent, et le cap Saint-
Antoine de l'île de Cuba, l'autre entrée entre Cuba et la Floride,
élanl d'un passage dangereux, et d'ailleurs déjà commandée par les
Bermudes, et de plus près par les îles Lucayes, possessions an-
glaises.
A ce propos, il suffit de jeter les yeux sur une carte pour voir de
quelle importance il serait pour l'Angleterre de se rendre maîtresse
de l'île de Cuba, et surtout de la partie où se trouve le Havane, si
magnifiquement placée au milieu de l'ouverture du golfe du Mexi-
que. , ,
Il est superflu d'ajouter que les réclamations qu'a pu faire la
république mexicaine sont demeurées sans résultat.
TERRE DES MOSQUITOS ET ILE DE ST-JEAN-DE-NICARAGUA.
I *
Voici une autre usurpation non moins grave. !
Lé Centre-Amérique se compose aujourd'hui de cinq Etats indé- j
pendants: Costa-Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua et San-
Salvador. Lors de la découverte, il avait d'abord été réuni à la vice-
royauté du Mexique, puis, à cause de son importance toujours
croissante et de sa distance de Mexico, il en avait été bientôt sé-
paré et confié à un gouvernement particulier siégeant à Guate-
mala.
Grâce aux efforts de l'illustre Barthélémy de Las-Casas, ce pays
fut préservé des cruautés ordinaires des Espagnols, et là, plus que
partout ailleurs, les Indiens, quoique fournis et à moitié convertis,
conservèrent leurs moeurs primitives. Plusieurs tribus, entre au-
tres celle des Mosquitos, sont presque demeurées à l'état sauvage
par suite de la difficulté des communications.
Lors de la proclamation de la constitution, en 1823, le terrain de
cette tribu des Mosquitos (11 et 12° de latitude et 86° de longitude)
fut partagé entre les Etats de Nicaragua et de Honduras. Personne,
j à l'exception des Anglais, n'aurait eu la pensée de chercher un
peuple indépendant dans une tribu de quelques misérables sauva-
ges. Cependant, l'intendant de Balize envoya plusieurs agents dans
l'intérieur du pays, qui parvinrent à trouver un chef que quelques
bouteilles d'eau de feu rendirent un serviteur obéissant et dévoué.
C'est alors que l'ayant reconnu comme roi du pays des Mosquitos,
ils le mirent, ainsi que ses sujets, sous la protection de la reine
Victoria, sauf à faire valoir plus tard les droits résultant,' à leur
profit, de ce protectorat, sur la portion continentale de la terre des
Mosquitos. Mais, pour tirer un profit immédiat de ce roi, ils l'em-
barquèrent sur une de leurs corvettes, affublé d'un uniforme d'of-
ficier anglais, et vinrent, en son nom, prendre possession de l'île
Saint-Jean, placée à la limite du terrain des Mosquitos, et qui avait
reçu, depuis la conquête, garnison espagnole,
Le colonel qui commandait dans l'île pour l'Etat de Nicaragua,
protesta contre cette violation de territoire; mais, dépourvu de
forces suffisantes pour résister, il dut céder, lorsque les Anglais
eurent eux-mêmes abaissé son pavillon. Les Anglais le retinrent
prisonnier à bord, dans l'espoir de le forcer à signer un acte par
lequel il reconnaîtrait la souveraineté du roi des Mosquitos sur
l'île Saint-Jean ; mais, malgré les mauvais traitements qui lui fu-
rent infligés (il fut mis aux fers et réduit à la demi-ration des ma-
telots), ils ne réussirent pas à vaincre sa fermeté ; alors ils le dé-
posèrent sur la côte, et le malheureux ne put rejoindre Léon, capi-
tale de l'Etat de Nicaragua, qu'après un mois de souffrances et de
tribulations de toute espèce. Ceci se passait en 1842.
' L'importance de cette occupation consiste 1° en ce que cette terre
des Mosquitos confine presque aux terres par lesquelles pourra être
établi plus tard le passage de navigation qui joindra les deux mers
par le lac de Nicaragua et la rivière de St-Jean-de-Nicaragua;
2° et en ce que l'île St-Jean est située de manière à commander la
baie où débouche la rivière du même nom.
L'Angleterre est dans l'intention de dominer par avance l'ouver-
ture qui joindrait les deux mers; aspirant même à la possession
exclusive du passage, elle a adopté à l'égard de l'Etat de Nicara-
gua une politique de vexation, par laquelle elle espère obtenir la
tconcession de ce passage , absolument comme elle a tour-
menté toute sa vie le pacha d'Egypte, pour lui arracher derniè-
rement des privilèges importants sur l'isthme de Suez.
Querelles faites par l'Angleterre à l'Etat de Nicaragua.
E a république du Centre-Amérique, dont faisait partie l'Etat de
Nicaragua, avait contracté envers l'Angleterre une dette dont une
part fut mise à la charge de ce dernier ELat, quand il se sépara des
quatre autres en 1838 : le chiffre de cette dette n'est pas fixé et
donne lieu à un premier litige.
Second litige. — En octobre 4844, la propriété d'un Anglais,
M. Walter Bridge fut pillée par une bande armée; il demanda des
indemnités au gouvernement de la république ; cette affaire traî-
nait quelque peu en longueur ; alors le consul anglais remit à la
république une note par laquelle il fixait lui-même la quotité des
dommages à allouer à M. Éridge, déclarant que si on ne faisait pas
de suite droit à sa réclamation, il s'adresserait au commandant
des forces navales de l'Angleterre, afin de faire respecter les droits
de ses nationaux.
Les ministres de Nicaragua répondirent avec fermeté à cette
singulière prétention que l'affaire suivait son cours devant les tri-
bunaux ordinaires, et que c'était à ceux-ci et non au consul anglais
à fixer le montant de l'indemnité.
Troisième litige. — Des Anglais et un habitant du pays liquidaient
une société de commerce qui avait existé entre eux ; des difficul-
tés survinrent : une sentence arbitrais les vida. Alors les Anglais
se prétendant lésés, eurent recours à leur consul, qui adressa au
gouvernement de Nicaragua des notes très vives'auxquelles ce
gouvernement répondit en faisant observer que ni lui ni le gouver-
nement anglais n'avaient à intervenir pour juger des différends sur-
venus entre particuliers, et réglés conformément aux lois du
pays.
Mais comme tout cela n'était pour l'Angleterre qu'un prétexte,
elle fit bloquer les ports de l'Etat de Nicaragua, et ce blocus dure
encore.
Dans ces circonstances, cet Etat, se sentant trop faible pour ré-
sister, a résolu d'invoquer la médiation de la France ; en outre, il
s'est décidé, si besoin était, à se mettre sous le protectorat français.
— C'est ~ cet effet qu'il a envoyé à Paris le général Castellon, son
chef principal, qui est en outre chargé de négocier un emprunt
pour l'opération du percement de l'isthme.
Ainsi qu'il est facile de le voir par tout ce qui précède, l'Angle-
terre suit, à l'égard du Mexique et du Centre-Amérique , jun plan
régulier d'envahissement. Quelle doit être la conduite de la France
en cettç circonstance, et comment doit-elle accepter le protectorat
qui lui serait offert? — C'est ce que nous examinerons.
Pendant "que les journaux anglais de toutes les couleurs s'emportent
en invectives contre nos officiers à propos de l'affaire de Taïti et pous-
sent le gouvernement à exiger une réparation éclatante , pendant que
d'un autre côté les journaux français de la gauche usent de représailles -
et sonnent la charge contre l'Anglais, nous avons lu avec plaisir dans
l'organe du parti chartiste une lettre d'Oconnor en faveur de la paix.
Nous allons en traduire quelques passages :
AU PEUPLE.
Mes chers amis,
... La question de la guerre paraît aujourd'hui, aux yeux de nos journa-
listes, la question capitale, et, à les entendre, le casus belli serait le juste
châtiment infligé par un officier français à un certain Pritchard ( is the very
proper chastisement of one Pritchard), qui a intrigué pour troubler l'ordre
à Taïti ; et ce châtiment mérité et tout-a-fait inoffensif infligé à un intri-
gant (meddier), serait considéré comme une insulte nationale, assez grave
pour justifier une guerre sanglante !...
FEUILLETON DE LA DÉMOCRATIE PACIFIQUE.
REVUE DRAMATIQUE ET MUSICALE.
ÎHÉATRE-FRANÇAIS. Molière revu, augmenté, diminué et corrigé par
messieurs de la Comédie-Française. — GYMNASE. L'Amant malheu-
reux, de MM. Arnoux et de Wailly. — OPÉRA-COMIQUE. Les Deux
Gentilshommes, de MM. de Planard et Cadeaux,
La Comédie?Française continue imperturbablement son travail
ae retouche sur Molière. Perseverare diabolicum... En retrouvant,
premières scènes des Fourberies, quelques mots du texte rétablis,
|6erusd'abord que l'on avait tenu compte de la critiquç ; mais il me
futbientô[ évident que ce n'était qu'une façon d'os qu'on envoyait au
fîuvrechien de garde du feuilleton. Continuons donc notre querelle;
acceptons l'ennui de ce rôle, quand nous trouverions tant de plaisir à
Abandonne M. Got. Ce jeune homme (qui a fait avec assez de bon-
«ur son dernier début devant un public nombreux) a persisté dans son
®^pris du texte et dans ses charges. Je ne sais pas ce que MM. les so-
laires décideront quant à ce débutant, mais je dirai à eux et à lui
r'j faut distinguer avec soin entre l'acteur jouant le mélodrame et le
vaudeville et l'artiste chargé d'interpréter les Maîtres. Ou peut en débi-
~Jde la prose destinée à vivre un jour, en représentant des caractères
rfe situations où la fantaisie prend une part si grande, on peut, dis-
M,deinander son succès à une certaine verve chargée, à des moyens uni-
fwes ; on peut, sur ces tableaux vulgaires, prodiguer les tons forts,
s nuances délicates ; on peut enfin, dans ces œuvres où la situation
Ha' tout, où le style n'est rien, altérer le texte sans inconvénient grave.
^ls changer l'expression dans Molière, dans Corneille, dans Racine,
Lle dans Beaumarchais, c'est un tort impardonnable, c'est un sacri-
ce.
"• Provost n'a pas joué cette semaine le rôle d'Argante. M. Provost
Prodmtcette figure avec une science profonde. J'ai dit (le premier
fei tre) que Provost est incontestablement le meilleur comique
Coniédie-Française ; la manière dont il a conçu le rôle d'Arnolphe
lion e lui un artiste tout-à-fait éminent et hors ligne. Notre admira-
la) ®|'ntes fois exprimée ne permet pas qu'on puisse soupçonner de
Dst v e notre critique, quand nous avons à l'exercer sur M. Pro-
jer'!0us supplions donc cet artiste de faire respecter autour de lui et
lui-même le style de Molière; et nous le supplions aussi,
maintenir force au lieu de «facilité», et bagatelle au lieu de «ga-
lrllarIin, de ne jamais laisser à d'autres le soin de représenter le vieil
I.Vi • s lui passerons tout, plutôt que de le voir remplacé par
Cî- Argante ! Encore si, pour nous consoler, nous avions
ioliè/e texte intact dans sa bouche... Mais M. Joannis est un de nos
^lait m les plus distingués, et, en fait de déconstruction du style
Si jre' V peut disputer la palme à M. Got lui-même.
It4 lei f8 a une manière à lui. Il fourre partout des bon, ba, beu,
'ijju v veuy jeu , la Ionique c'est la voyelle la dominante
l, Vous savez la brave nourrice du Médecin malgré lui? imagt'
nez suspendu à « son sein rondelet » un poupard, qui commence à
bébayer, et bourdonne incessamment des ba be beft beu bett ba be.Voilà
la manière de M. Joannis : Joannisso modo. Ajoutons qu'il prodigue des
voyons, voyons, des vois-tu, formules familières modernes qui décolo-
rent absolument le style de Molière. C'est cette incontinence de langue,
c'est ce ronron, ce beubeument perpétuel qui font de M. Joannis un des
acteurs les moins nets, les plus lourds, les moins vrais, les moins litté-
raires de la Comédie française. J'appelle acteur littéraire, non pas celui
qui sait son grec et son latin; mais celui qui sait bien, comprend, ex-
prime son Molière, son Corneille, et respecte leur forme sobre et savante
autant que leur pensée profonde.
Nous allons faire le paquet de chacun , et commencons par M. Joannis
dont il s'agit d'établir le premier compte. (Nous nous bornerons toujours
aux deux premiers actes des Fourberies.)
DOIT M. JOANNIS, pour les avoir soustraites à Molière, la fraction de
mot et la phrase suivante :
« bsence, » partie oubliée du mot absence. — « Pour moi, je vais vite
consulter un avocat, et aviser des biais que j'ai à prendre. »
DOIT MOLIÈRE à M. Joannis.—Ah.. ah! c'est que le... ah !. voyons...
fort bon, ntais... dans le fond ? dans le-fond !... voyons... vois-tu,
Scapin... ah !... voyons... la tendresse paternelle... non... et toi...
,'a-t'en, pendard... sans doute., oui, oui... ah! ah!... et... ah!.. ah!
ah! je vous fais m8n compliment; vous avez bien morigéné votre fils...
Bonjour, bonjour... oui... oui, oui... oui, oui, oui... toi, Scapin f...
ah ! voyons... Scapin... mais... voyons... Eh bien ! pour soixantepis-
toles, je les donne... vingt pistoles... et... oui, oui... c'est beaucoup...
voyons... oui, le mulet... oui, oui, oui... bon, bon... oui, oui... voyons
Scapin... voyons... bien... moi pas, moi pas, moi pas... encore une.
fois... ce n'est pas moi... Scapin, mon ami, ne m'abandonne pas...
commenté oui, oui... vois-tu... là, voyons... non pas,,mais... allons...
donc... mon ami... que diablel... vraiment... je te demande par-
dOlJ... Quel chemin a-t-il pris?... je vais m'en aller par là.,
Ouf ! ajoutez à cela la kirielle poupardine des ba be beu beu beu
ba 6g.
DOIT MOLIÈRE à M.-Joannis par mode d'échange.
Oseront... voilà.., bagatelle... aussi... conté... je ne veux rien
faire.., pour lesquels mots et phrases on lui a enlevé (( tâcheront...
voici... galanterie... si... dit... je n'en ferai rien. »
En somme, on voit que M. Joannis fait bien les choses. C'est un
homme honnête et généreux, qui donne beaucoup plus qu'il ne reçoit.
Ainsi ne fait pas M. Laba : s'il donne à Molière : Te au lieu de « se ; »
— Mais... onh!.. , malheur eux... et... n^eis ... jeuize... oh... lorsque...
ah!... oh !.., eh bien !.., quand... ah bien ! je me sauve. Je ne veux
pas rester là ; il lui soustrait : « Oh ciel ! par où sortir de l'embarras où
» je me trouve?... — M'exagérait à tous moments sa beauté et sa grâce,
» me louait son esprit, et me parlait avec transport des charmes de son
» entretien, dont il me rapportait jusqu'aux moindres paroles, qu'il s'ef-
» forçait toujours de me faire trouver les plus|spirituelles du monde. Il
» me querellait quelquefois de n'être pas assez sensible aux choseg-p^
« me venait dire. »
« Car elle n'avait pour habillement qu'une M e
» jupe, avec des brassières de nuit, qui étaient de simple futaine ; et sa
)5 coiffure était une cornette jaune, retroussée au haut de sa tête, qui -lais-
» sait tomber en désordre ses cheveux sur ses épaules. »
Je soupçonne, (car il faut être juste) que -la suppression de ces deux
couplets est du fait de la Comédie-Française. Mais la Comédie-Française
n'a donc jamais été amoureuse '? ne comprend-elle pas que ce ressouve-
nir des moindres détails du costume que portait la femme aimée , le
premier jour où la vit Octave, est un trait charmant de vérité ?
Il est ainsi un certain nombre de retranchements passés en usage au
Théâtre-Français. La raison de ces changements n'est pas toujours appa-
rente; parfois, sous prétexte d'élaguer des longueurs, on a enlevé des traits
nécessaires, qu'un savant calcul su l'instinct du génie avait inspirés à Mo-
lière. Nous avons,-l'an dernier, dans ce feuilleton, fait une analyse des
Fourberies de Scapin ; mais tout le monde sait par cœur cette plaisante
comédie. Deux jeunes gens conspirent avec le Scapin contre la bourse de
leurs parents, et vont jusqu'à abandonner leurs pères aux injures et aux
coups d'un valet, dans le but de rompre des projets de mariage qui con-
trarient leurs vœux, et de s'unir aux belles de leur choix. Ce but seul i
cet intérêt de la liberté individuelle peut rendre excusable la légèreté,
l'indignité des procédés d'Octave et de Léandre. Aussi le poète doit-il
bien exposer au spectateur combien l'amour des jeunes gens est à la
fois puissant et légitime. Molière, avec.ce coup-d'œil profond du génie
qui devine tout dans le champ de la passion et des caractères, ne man-
que pas de commencer sa pièce en attirant la sympathie sur les amou-
reux. Voici d'abord le cri de douleur : c'est le premier mot de l'ouvrage.
« Ah ! fàchéuses nouvelles pour un cœur amoureux ! Dures extrémités
où je me vois réduit L... « Ah ! mon pauvre Scapin, je suis perdu , je
suis désespéré, je suis le plus infortuné des hommes Mon père ar-
rive avec le seigneur Géronte, et ils veulent me marier....»
Viennent ensuite les motifs qui légitiment la passion; et ici, par un
trait de génie du cœur, Molière fait naître l'amour d'un tableau de dou-
leur et de misère.
« Un jour que je l'accompagnais pour aller chez les gens qui gardent
l'objet de ses vœux, nous entendîmes, dans une petite maison d'une
rue écartée, quelques plaintes mêlées de beaucoup de sanglots ; nous de-
mandons ce que c'est; une femme nous dit, en soupirant, que nous pou-
vions voir là quelqliecliose de pitoyable en des personnes étrangères ;
et qu'à moins d'être insensibles, nous en serions touchés. »
« La curiosité me fit presser Léandre de voir ce que c'était. Nous (ln-
trons dans une salle, où nous voyons une vieille femme mourante, assis-
tée d'une servante qui faisait des regrets, et d'une jeune fille toute fon-
dant en larmes, la plus belle et la plus touchante qu'on puisse jamais
voir, » .
« Si tu l'avais vue, Scapin, en l'état que je dis, tu l'aurais trouvée
admirable. »
Elle avait à pleurer une grâce touchante, et sa douleur était
la plus belle du monde. » .
jy Elle faisait fondre chacun en larmes, en se jetant aïnGurelllGmml
J A-NNËE. Ife Ser. quotid. - T, III, N. 52, 48 FR, PAR AN, f: f MERCREDI 21 AOUT 1844. - ''
^iWpgg^RATKES RSTIS (IIIATb-J' - UNITÉ SOCIALE, RELIGIEUSE ET POLITIQUE. DROIT AU TRAVAIL ; LIBRE EXAMEN ; ÉLECTION.. UT OMNES UNunt SINT i.lOASH.}. g.
JOURNAL DES INTÉRÊTS DES GOUVERNEMENTS ET DES PEUPLES.
¡:::c::II'1épart,et Etranger: : 1 an, 48 f.-6 mois, 24 f.—3 mois, 12 f.—1 mois. 5 f.
Stl rtaxe de poste : —— 68 . —— 34 17 __—— - 1
On s'abonne à Paris , . RUE DE SEiNE, 10, au Bureau du journal ;
~ chez Ebrard, libraire, passage 415 Panoraniu, 61, et chez les directeurs de. postes et des messageries.
Les abonnements partent du 1er et du 16 de chaque mois.
ANNONCES : 1 fr. la ligne. — Les lettres et paquets affranchis sont seuls reçut.
ÉDITION DE PARS.
PARIS, 20 AOUT.
Envahissements de l'Angleterre au centre de
l'Amérique.
IMS avons dit que, tandis que la race saxonne attaquait et enva-
le Mexique parle Nord, au moyen des efforts des Anglo-
oériegills, elle en menaçait la partie méridionale par les Anglais
Constatons sommairement aujourd'hui cè.dernier faiJvVi .
COLONIE DE BALIZE.
Bans le courant du dernier siècle,'TEspagne avait accordé à l'An-
ietei,i,e le droit, pour un temps limité, de couper du bois de cam-
%e et d'acajou sur un petit point de la côte orientale du Yucatan,
dépendant de la vice-royauté du Mexique. Les Anglais établirent
d'abord, pour cet effet, quelques barraques, qui sont devenues au-
jourd'hui la ville de Balize peuplée de 4 à 5 mille âmes, et située
ntre les 17e et 18e dégré de latitude, et les 90° et T)le de longitude.
Mme ou le pense bien, ils ne 83 renfermèrent pas dans les clau-
di: leur concession, et commencèrent bientôt à organiser un
l^erce de contrebande, que les vice-rois du Mexique réprimè-
jentautant qu'il leur fut possible. Le terme de leur concession étant
-jffive après la déclaration d'indépendance des colonies espagno-
le la république mexicaine notifia à l'Angleterre qu'elle eùt à éva-
cuer le port et la ville de Balize, qui ne lui avaient été accordés que
temporairement. A cette notification, l'Angleterre répondit que c'é-
tait l'Espagne, la couronne d'Espagne qui lui avait permis de s'éta-
blir à Balize, el qu'elle n'avait à rendre compte à personne autre.
C'est ainsi qu'elle a gardé ce territoire qui ne lui appartient pas, et
qu'elle occupe maintenant dans une longueur de côtes de cin-
quante lieues environ. Appuyées sur cette base, ses usurpations à
&l'intérieur prennent chaque jour une. nouvelle extension.
IParBalize, l'Angleterre fait une contrebande très active avec l'in-
lerieur du Rtexique._ En 4829, ses importations, par ce seul point,
s'élevaient à 20 millions de francs par an ; elles ont beaucoup aug-
menté depuis ce temps.
ILE DE COSUMEL.
A deux dégrés au nord de Balize se trouve non loin de la côte
orientale d'Yucatan, une petite île presque inhabitée,- qui dé-
pendait également du Mexique; elle porte l'e nom de Cosu-
mel. Les Anglais s'en sont emparés il y a quelques années, et y ont
mis garnison ; elle leur convient en ce qu'elle peut servir à surveil-
ler en même temps la côte d'Yucatan, et la principale entrée du
golfe du Mexique entre le cap Catoche du continent, et le cap Saint-
Antoine de l'île de Cuba, l'autre entrée entre Cuba et la Floride,
élanl d'un passage dangereux, et d'ailleurs déjà commandée par les
Bermudes, et de plus près par les îles Lucayes, possessions an-
glaises.
A ce propos, il suffit de jeter les yeux sur une carte pour voir de
quelle importance il serait pour l'Angleterre de se rendre maîtresse
de l'île de Cuba, et surtout de la partie où se trouve le Havane, si
magnifiquement placée au milieu de l'ouverture du golfe du Mexi-
que. , ,
Il est superflu d'ajouter que les réclamations qu'a pu faire la
république mexicaine sont demeurées sans résultat.
TERRE DES MOSQUITOS ET ILE DE ST-JEAN-DE-NICARAGUA.
I *
Voici une autre usurpation non moins grave. !
Lé Centre-Amérique se compose aujourd'hui de cinq Etats indé- j
pendants: Costa-Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua et San-
Salvador. Lors de la découverte, il avait d'abord été réuni à la vice-
royauté du Mexique, puis, à cause de son importance toujours
croissante et de sa distance de Mexico, il en avait été bientôt sé-
paré et confié à un gouvernement particulier siégeant à Guate-
mala.
Grâce aux efforts de l'illustre Barthélémy de Las-Casas, ce pays
fut préservé des cruautés ordinaires des Espagnols, et là, plus que
partout ailleurs, les Indiens, quoique fournis et à moitié convertis,
conservèrent leurs moeurs primitives. Plusieurs tribus, entre au-
tres celle des Mosquitos, sont presque demeurées à l'état sauvage
par suite de la difficulté des communications.
Lors de la proclamation de la constitution, en 1823, le terrain de
cette tribu des Mosquitos (11 et 12° de latitude et 86° de longitude)
fut partagé entre les Etats de Nicaragua et de Honduras. Personne,
j à l'exception des Anglais, n'aurait eu la pensée de chercher un
peuple indépendant dans une tribu de quelques misérables sauva-
ges. Cependant, l'intendant de Balize envoya plusieurs agents dans
l'intérieur du pays, qui parvinrent à trouver un chef que quelques
bouteilles d'eau de feu rendirent un serviteur obéissant et dévoué.
C'est alors que l'ayant reconnu comme roi du pays des Mosquitos,
ils le mirent, ainsi que ses sujets, sous la protection de la reine
Victoria, sauf à faire valoir plus tard les droits résultant,' à leur
profit, de ce protectorat, sur la portion continentale de la terre des
Mosquitos. Mais, pour tirer un profit immédiat de ce roi, ils l'em-
barquèrent sur une de leurs corvettes, affublé d'un uniforme d'of-
ficier anglais, et vinrent, en son nom, prendre possession de l'île
Saint-Jean, placée à la limite du terrain des Mosquitos, et qui avait
reçu, depuis la conquête, garnison espagnole,
Le colonel qui commandait dans l'île pour l'Etat de Nicaragua,
protesta contre cette violation de territoire; mais, dépourvu de
forces suffisantes pour résister, il dut céder, lorsque les Anglais
eurent eux-mêmes abaissé son pavillon. Les Anglais le retinrent
prisonnier à bord, dans l'espoir de le forcer à signer un acte par
lequel il reconnaîtrait la souveraineté du roi des Mosquitos sur
l'île Saint-Jean ; mais, malgré les mauvais traitements qui lui fu-
rent infligés (il fut mis aux fers et réduit à la demi-ration des ma-
telots), ils ne réussirent pas à vaincre sa fermeté ; alors ils le dé-
posèrent sur la côte, et le malheureux ne put rejoindre Léon, capi-
tale de l'Etat de Nicaragua, qu'après un mois de souffrances et de
tribulations de toute espèce. Ceci se passait en 1842.
' L'importance de cette occupation consiste 1° en ce que cette terre
des Mosquitos confine presque aux terres par lesquelles pourra être
établi plus tard le passage de navigation qui joindra les deux mers
par le lac de Nicaragua et la rivière de St-Jean-de-Nicaragua;
2° et en ce que l'île St-Jean est située de manière à commander la
baie où débouche la rivière du même nom.
L'Angleterre est dans l'intention de dominer par avance l'ouver-
ture qui joindrait les deux mers; aspirant même à la possession
exclusive du passage, elle a adopté à l'égard de l'Etat de Nicara-
gua une politique de vexation, par laquelle elle espère obtenir la
tconcession de ce passage , absolument comme elle a tour-
menté toute sa vie le pacha d'Egypte, pour lui arracher derniè-
rement des privilèges importants sur l'isthme de Suez.
Querelles faites par l'Angleterre à l'Etat de Nicaragua.
E a république du Centre-Amérique, dont faisait partie l'Etat de
Nicaragua, avait contracté envers l'Angleterre une dette dont une
part fut mise à la charge de ce dernier ELat, quand il se sépara des
quatre autres en 1838 : le chiffre de cette dette n'est pas fixé et
donne lieu à un premier litige.
Second litige. — En octobre 4844, la propriété d'un Anglais,
M. Walter Bridge fut pillée par une bande armée; il demanda des
indemnités au gouvernement de la république ; cette affaire traî-
nait quelque peu en longueur ; alors le consul anglais remit à la
république une note par laquelle il fixait lui-même la quotité des
dommages à allouer à M. Éridge, déclarant que si on ne faisait pas
de suite droit à sa réclamation, il s'adresserait au commandant
des forces navales de l'Angleterre, afin de faire respecter les droits
de ses nationaux.
Les ministres de Nicaragua répondirent avec fermeté à cette
singulière prétention que l'affaire suivait son cours devant les tri-
bunaux ordinaires, et que c'était à ceux-ci et non au consul anglais
à fixer le montant de l'indemnité.
Troisième litige. — Des Anglais et un habitant du pays liquidaient
une société de commerce qui avait existé entre eux ; des difficul-
tés survinrent : une sentence arbitrais les vida. Alors les Anglais
se prétendant lésés, eurent recours à leur consul, qui adressa au
gouvernement de Nicaragua des notes très vives'auxquelles ce
gouvernement répondit en faisant observer que ni lui ni le gouver-
nement anglais n'avaient à intervenir pour juger des différends sur-
venus entre particuliers, et réglés conformément aux lois du
pays.
Mais comme tout cela n'était pour l'Angleterre qu'un prétexte,
elle fit bloquer les ports de l'Etat de Nicaragua, et ce blocus dure
encore.
Dans ces circonstances, cet Etat, se sentant trop faible pour ré-
sister, a résolu d'invoquer la médiation de la France ; en outre, il
s'est décidé, si besoin était, à se mettre sous le protectorat français.
— C'est ~ cet effet qu'il a envoyé à Paris le général Castellon, son
chef principal, qui est en outre chargé de négocier un emprunt
pour l'opération du percement de l'isthme.
Ainsi qu'il est facile de le voir par tout ce qui précède, l'Angle-
terre suit, à l'égard du Mexique et du Centre-Amérique , jun plan
régulier d'envahissement. Quelle doit être la conduite de la France
en cettç circonstance, et comment doit-elle accepter le protectorat
qui lui serait offert? — C'est ce que nous examinerons.
Pendant "que les journaux anglais de toutes les couleurs s'emportent
en invectives contre nos officiers à propos de l'affaire de Taïti et pous-
sent le gouvernement à exiger une réparation éclatante , pendant que
d'un autre côté les journaux français de la gauche usent de représailles -
et sonnent la charge contre l'Anglais, nous avons lu avec plaisir dans
l'organe du parti chartiste une lettre d'Oconnor en faveur de la paix.
Nous allons en traduire quelques passages :
AU PEUPLE.
Mes chers amis,
... La question de la guerre paraît aujourd'hui, aux yeux de nos journa-
listes, la question capitale, et, à les entendre, le casus belli serait le juste
châtiment infligé par un officier français à un certain Pritchard ( is the very
proper chastisement of one Pritchard), qui a intrigué pour troubler l'ordre
à Taïti ; et ce châtiment mérité et tout-a-fait inoffensif infligé à un intri-
gant (meddier), serait considéré comme une insulte nationale, assez grave
pour justifier une guerre sanglante !...
FEUILLETON DE LA DÉMOCRATIE PACIFIQUE.
REVUE DRAMATIQUE ET MUSICALE.
ÎHÉATRE-FRANÇAIS. Molière revu, augmenté, diminué et corrigé par
messieurs de la Comédie-Française. — GYMNASE. L'Amant malheu-
reux, de MM. Arnoux et de Wailly. — OPÉRA-COMIQUE. Les Deux
Gentilshommes, de MM. de Planard et Cadeaux,
La Comédie?Française continue imperturbablement son travail
ae retouche sur Molière. Perseverare diabolicum... En retrouvant,
premières scènes des Fourberies, quelques mots du texte rétablis,
|6erusd'abord que l'on avait tenu compte de la critiquç ; mais il me
futbientô[ évident que ce n'était qu'une façon d'os qu'on envoyait au
fîuvrechien de garde du feuilleton. Continuons donc notre querelle;
acceptons l'ennui de ce rôle, quand nous trouverions tant de plaisir à
Abandonne M. Got. Ce jeune homme (qui a fait avec assez de bon-
«ur son dernier début devant un public nombreux) a persisté dans son
®^pris du texte et dans ses charges. Je ne sais pas ce que MM. les so-
laires décideront quant à ce débutant, mais je dirai à eux et à lui
r'j faut distinguer avec soin entre l'acteur jouant le mélodrame et le
vaudeville et l'artiste chargé d'interpréter les Maîtres. Ou peut en débi-
~Jde la prose destinée à vivre un jour, en représentant des caractères
rfe situations où la fantaisie prend une part si grande, on peut, dis-
M,deinander son succès à une certaine verve chargée, à des moyens uni-
fwes ; on peut, sur ces tableaux vulgaires, prodiguer les tons forts,
s nuances délicates ; on peut enfin, dans ces œuvres où la situation
Ha' tout, où le style n'est rien, altérer le texte sans inconvénient grave.
^ls changer l'expression dans Molière, dans Corneille, dans Racine,
Lle dans Beaumarchais, c'est un tort impardonnable, c'est un sacri-
ce.
"• Provost n'a pas joué cette semaine le rôle d'Argante. M. Provost
Prodmtcette figure avec une science profonde. J'ai dit (le premier
fei tre) que Provost est incontestablement le meilleur comique
Coniédie-Française ; la manière dont il a conçu le rôle d'Arnolphe
lion e lui un artiste tout-à-fait éminent et hors ligne. Notre admira-
la) ®|'ntes fois exprimée ne permet pas qu'on puisse soupçonner de
Dst v e notre critique, quand nous avons à l'exercer sur M. Pro-
jer'!0us supplions donc cet artiste de faire respecter autour de lui et
lui-même le style de Molière; et nous le supplions aussi,
maintenir force au lieu de «facilité», et bagatelle au lieu de «ga-
lrllarIin, de ne jamais laisser à d'autres le soin de représenter le vieil
I.Vi • s lui passerons tout, plutôt que de le voir remplacé par
Cî- Argante ! Encore si, pour nous consoler, nous avions
ioliè/e texte intact dans sa bouche... Mais M. Joannis est un de nos
^lait m les plus distingués, et, en fait de déconstruction du style
Si jre' V peut disputer la palme à M. Got lui-même.
It4 lei f8 a une manière à lui. Il fourre partout des bon, ba, beu,
'ijju v veuy jeu , la Ionique c'est la voyelle la dominante
l, Vous savez la brave nourrice du Médecin malgré lui? imagt'
nez suspendu à « son sein rondelet » un poupard, qui commence à
bébayer, et bourdonne incessamment des ba be beft beu bett ba be.Voilà
la manière de M. Joannis : Joannisso modo. Ajoutons qu'il prodigue des
voyons, voyons, des vois-tu, formules familières modernes qui décolo-
rent absolument le style de Molière. C'est cette incontinence de langue,
c'est ce ronron, ce beubeument perpétuel qui font de M. Joannis un des
acteurs les moins nets, les plus lourds, les moins vrais, les moins litté-
raires de la Comédie française. J'appelle acteur littéraire, non pas celui
qui sait son grec et son latin; mais celui qui sait bien, comprend, ex-
prime son Molière, son Corneille, et respecte leur forme sobre et savante
autant que leur pensée profonde.
Nous allons faire le paquet de chacun , et commencons par M. Joannis
dont il s'agit d'établir le premier compte. (Nous nous bornerons toujours
aux deux premiers actes des Fourberies.)
DOIT M. JOANNIS, pour les avoir soustraites à Molière, la fraction de
mot et la phrase suivante :
« bsence, » partie oubliée du mot absence. — « Pour moi, je vais vite
consulter un avocat, et aviser des biais que j'ai à prendre. »
DOIT MOLIÈRE à M. Joannis.—Ah.. ah! c'est que le... ah !. voyons...
fort bon, ntais... dans le fond ? dans le-fond !... voyons... vois-tu,
Scapin... ah !... voyons... la tendresse paternelle... non... et toi...
,'a-t'en, pendard... sans doute., oui, oui... ah! ah!... et... ah!.. ah!
ah! je vous fais m8n compliment; vous avez bien morigéné votre fils...
Bonjour, bonjour... oui... oui, oui... oui, oui, oui... toi, Scapin f...
ah ! voyons... Scapin... mais... voyons... Eh bien ! pour soixantepis-
toles, je les donne... vingt pistoles... et... oui, oui... c'est beaucoup...
voyons... oui, le mulet... oui, oui, oui... bon, bon... oui, oui... voyons
Scapin... voyons... bien... moi pas, moi pas, moi pas... encore une.
fois... ce n'est pas moi... Scapin, mon ami, ne m'abandonne pas...
commenté oui, oui... vois-tu... là, voyons... non pas,,mais... allons...
donc... mon ami... que diablel... vraiment... je te demande par-
dOlJ... Quel chemin a-t-il pris?... je vais m'en aller par là.,
Ouf ! ajoutez à cela la kirielle poupardine des ba be beu beu beu
ba 6g.
DOIT MOLIÈRE à M.-Joannis par mode d'échange.
Oseront... voilà.., bagatelle... aussi... conté... je ne veux rien
faire.., pour lesquels mots et phrases on lui a enlevé (( tâcheront...
voici... galanterie... si... dit... je n'en ferai rien. »
En somme, on voit que M. Joannis fait bien les choses. C'est un
homme honnête et généreux, qui donne beaucoup plus qu'il ne reçoit.
Ainsi ne fait pas M. Laba : s'il donne à Molière : Te au lieu de « se ; »
— Mais... onh!.. , malheur eux... et... n^eis ... jeuize... oh... lorsque...
ah!... oh !.., eh bien !.., quand... ah bien ! je me sauve. Je ne veux
pas rester là ; il lui soustrait : « Oh ciel ! par où sortir de l'embarras où
» je me trouve?... — M'exagérait à tous moments sa beauté et sa grâce,
» me louait son esprit, et me parlait avec transport des charmes de son
» entretien, dont il me rapportait jusqu'aux moindres paroles, qu'il s'ef-
» forçait toujours de me faire trouver les plus|spirituelles du monde. Il
» me querellait quelquefois de n'être pas assez sensible aux choseg-p^
« me venait dire. »
« Car elle n'avait pour habillement qu'une M e
» jupe, avec des brassières de nuit, qui étaient de simple futaine ; et sa
)5 coiffure était une cornette jaune, retroussée au haut de sa tête, qui -lais-
» sait tomber en désordre ses cheveux sur ses épaules. »
Je soupçonne, (car il faut être juste) que -la suppression de ces deux
couplets est du fait de la Comédie-Française. Mais la Comédie-Française
n'a donc jamais été amoureuse '? ne comprend-elle pas que ce ressouve-
nir des moindres détails du costume que portait la femme aimée , le
premier jour où la vit Octave, est un trait charmant de vérité ?
Il est ainsi un certain nombre de retranchements passés en usage au
Théâtre-Français. La raison de ces changements n'est pas toujours appa-
rente; parfois, sous prétexte d'élaguer des longueurs, on a enlevé des traits
nécessaires, qu'un savant calcul su l'instinct du génie avait inspirés à Mo-
lière. Nous avons,-l'an dernier, dans ce feuilleton, fait une analyse des
Fourberies de Scapin ; mais tout le monde sait par cœur cette plaisante
comédie. Deux jeunes gens conspirent avec le Scapin contre la bourse de
leurs parents, et vont jusqu'à abandonner leurs pères aux injures et aux
coups d'un valet, dans le but de rompre des projets de mariage qui con-
trarient leurs vœux, et de s'unir aux belles de leur choix. Ce but seul i
cet intérêt de la liberté individuelle peut rendre excusable la légèreté,
l'indignité des procédés d'Octave et de Léandre. Aussi le poète doit-il
bien exposer au spectateur combien l'amour des jeunes gens est à la
fois puissant et légitime. Molière, avec.ce coup-d'œil profond du génie
qui devine tout dans le champ de la passion et des caractères, ne man-
que pas de commencer sa pièce en attirant la sympathie sur les amou-
reux. Voici d'abord le cri de douleur : c'est le premier mot de l'ouvrage.
« Ah ! fàchéuses nouvelles pour un cœur amoureux ! Dures extrémités
où je me vois réduit L... « Ah ! mon pauvre Scapin, je suis perdu , je
suis désespéré, je suis le plus infortuné des hommes Mon père ar-
rive avec le seigneur Géronte, et ils veulent me marier....»
Viennent ensuite les motifs qui légitiment la passion; et ici, par un
trait de génie du cœur, Molière fait naître l'amour d'un tableau de dou-
leur et de misère.
« Un jour que je l'accompagnais pour aller chez les gens qui gardent
l'objet de ses vœux, nous entendîmes, dans une petite maison d'une
rue écartée, quelques plaintes mêlées de beaucoup de sanglots ; nous de-
mandons ce que c'est; une femme nous dit, en soupirant, que nous pou-
vions voir là quelqliecliose de pitoyable en des personnes étrangères ;
et qu'à moins d'être insensibles, nous en serions touchés. »
« La curiosité me fit presser Léandre de voir ce que c'était. Nous (ln-
trons dans une salle, où nous voyons une vieille femme mourante, assis-
tée d'une servante qui faisait des regrets, et d'une jeune fille toute fon-
dant en larmes, la plus belle et la plus touchante qu'on puisse jamais
voir, » .
« Si tu l'avais vue, Scapin, en l'état que je dis, tu l'aurais trouvée
admirable. »
Elle avait à pleurer une grâce touchante, et sa douleur était
la plus belle du monde. » .
jy Elle faisait fondre chacun en larmes, en se jetant aïnGurelllGmml
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