Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-01
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 août 1868 01 août 1868
Description : 1868/08/01 (A3,N835). 1868/08/01 (A3,N835).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717837q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
5 cent. le numtre-
AMy:S^érJjt'.in/ a fr. 9 fr. i& ir.
Déjmrtemeiîts.. a Il 99
- . ..1 dfJ¿inÍStrateur: E. DELSAWX.
am. année. — SAMEDI ier AOUT 1868. — 1\10 835
r,
Directeur-Proprié taire : JAN NIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATH!ER BRASELONNR.
. BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue !)t'OMOt.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 31 JUILLET 1868
UNE LETTRE DE P. L. COURIER
* - i ; -J M y y^/
J'ai déjà dit tout le bien que^j^^iaiisats de
ia Bibliothèque nationale.
Ces petits livres à cinq sous, publics par
des ouvriers qui p.assent à les imprimer le
temps que léur ' laisse -'lé travail journalier
auquel ils se livrent,— ces petits livres, outre
le mérite du bon marché, ont celui du choix.
Chacun d'eux est la réédition populaire d'un
des chpfs-d'œune de notre littérature. Désor-
mais tout homme sachant lire, quelque pau-
vre qu'il soit, lira et lira avec fruit. ,
Le 120e volume de la collection vient de
paraître. Il contient lfcs lettres de Paul-Louis
Courier. Je viens de le parcourir, et je suis
'ncore sous le coup de mon impression.
Courier est une des figures les plus origi-
udles de ce temps-ci, un soldat sans ambition,
an politique sans parti pris, un philosophe
passionné pour la vérité, un écrivain érudit et
bien doué.
« Mes principes sont qu'entre deux points
la ligne droite est la plus courte; que le tout
est plus grand que sa partie; que deux quan-
tités, égales chacune à une troisième, sont
égales entre elles. Je tiens aussi que deux et
deux font quatre, mais je n'en suis pas sùr. »
A cette manière, vous reconnaissez le ma-
thématicien, l'élève rageur et studieux d'une
école militaire, et, plus tard, lè capitaine qui
ne s'occupe en campagne que de fouiller les
bibliothèques, chercher les manuscrits rares,
et traduire du grec, à une époque où l'on
. était maréchal de France sans savoir le fran-
çais.
Fils d'un propriétaire de la Touraine, Paul-
Louis Courier sortait, en 1~94, de l'Ecole
d'artillerie de Châlons, avec le grade de lieu-
tenant. Bientôt son régiment partait pour l'I-
talie; il passait par Florence, et il y découvrait
les fragments d'un roman grec, Daphnis et
Chloé, dont la traduction fut un de ses pre-
miers ouvrages.
En 1809, Courier se trouvait en congé à
Paris. Il demanda à faire partie de la Grande-
Armée, qui marchait sur Vienne. Chef d'es-
cadron après Wagram, il donna sa démission
afin de pouvoir se livrer tout entier à ses
chères études. Il jugeait dès lors avec une
impartialité, qui prouve son détachement
des choses contingentes, Napoléon à sa juste
valeur :
« L'empereur, disait-il, a su persuader à
cinq cent mille hommes armés de marcher
sur un même point, comme s'ils n'eussent
été qu'un seul. -o
Et plus loin : -
« Avec de semblables masses, on avance,
mais on ne peut pas reculer. Une défaite, et
l'ennemi est a Paris D.
Sous la Restauration, Paul-Louis Courier,
inspiré par sa haine de l'injustice, publia des
■ pamphlets, à coup sûr passés de mode pour
!e fond, mais dont la forme se revêt d'une
beauté éternelle. Le vieux français , qu'il
avait étudié pour compléter Amyot,. — le
premier traducteur de Daphnis et Chloé, —
lui fut d'un grand secours. Il lui emprunta la
vigueur, grâce à laquelle sa concision philo-
sophique dut de ne pas tomber dans ln séche-
resse.
Ne parler que pour dire quelque chose,
dire ce quelque chose avec le moins de mots
possible, et cependant le dire bien, claire-
ment et d'une façon qui portât, telle fut la
préoccupation constante de Paul-Louis Cou-
rier. On a remarqué que dans son œuvre il y
avait une quantité de vers blancs. Eh bien !
c'est cela ; c'est que, dans un -N-er-, I+en fait,
n'y a pas un mot de trop. On croirait certain
nés des pages de Courier écrites par Mo-
lière.
Un de ses pamphlets lui valut une condam-
nation à deux mois de prison. A Sainte-Péla-
gie, 'il tomba dans un chagrin profond et jura
qu'il ne s'occuperait plus de politique. Une fois
en liberté, il se laissa de nouveau entraîner
par sa passion.
Nouveaux pamphlets, nouvelle poursuite.
Cette fois, il fut acquitté. — Il en serait mort,
a dit un de ses amis.
Paul-Louis Courier avait un caractère diffi-
cile. M. Viollet-Leduc en cite un exemple :
Notre capitaine d'artillerie, se trouvant en
Calabre, avait été témoin du peu de bravoure
d'un général français dans un combat. C'était
César Berthier, frère *dLi prince de Wagram, j
alors ministre de la guerre. Quelques jours !
aprls, Courier rencontre un caisson du géné-
ral J-econvert en toile peinte, et portant écrit
en grandes lettres le nom ,-Je son propriétaire.
Il <)proche du caisson, enlève avec son sa-
brefe mot César, et s'adressant au conducteur
étonné : — Tu diras à ton maître que Courier
veU1 bien qu'il continue à s';ippeler Berthier,
m e pour César, il le lui défend...
' l1Ius tard, retiré du service, marié et vi-
gneron en Touraine, Paul-Louis ne s'entendit
pas toujours avec sa femme, et vécut en fort
mauvaise intelligence avec ses voisins. Il avait
résolu d'abandonner la province et de se fixer
à Paris, — où il se serait occupé exclusive-
ment; de travaux littéraires et de l'éducation
de s(^n fils, — lorsqu'une ifalle, tirée par une
mairkinconnue, l'abattit au coin d'une haie.
Il avait cinquante-trois ans.
Ses portraits nous montrent une assez laide
figure, rechignée, sarcastique, sans grâce;
cependant l'intelligence et la mélancolie, pro-
pre à tous lë:; hommes de pensée au début de
ce siècle, y percent par tous les pores.
Ce grand écrivain était un homme.
Chers lecteurs, le journal à un sou est
comme la Bibliothèque à cinq. Il vous doit de
parler de tous ceux qui ont illustré ou servi
leur ¡:fays. Il vous dcit aussi de les faire con-
naîtra, ne serait-ce que par fragments. Et
c'est pourquoi, laissant de côté la politique de
!a Restauration, qui ne vous intéresse guère
aujourd'hui, je prends, parmi les lettres de
Courier, un épisode de son séjour en Italie
qu'il adressait à sa cousine, Madame Pi-
galle... 1
Voici ce fragment:
-, ..... - ...
• ■ • •• » • » i i i « » i i •
« Un jour je voyageai en Calabre. C'est un
pays de méchantes gens, qui, je crois, n'ai-
ment personne, et en veulent surtout aux
Français. De vous dire pourquoi, cela serait
long ; suffit qu'ils notes haïssent à mort, et
qu'on passe fort mal son temps lorsqu'on
tombe en leurs mains. J'avais pour compa-
gnon un jeune homme d'une figure.... ma
foi, comme ce monsieur que nous vîmes au
Raincy;vous en soU"encz-Yom? et mieux
encore peut être. Je ne dis pas cela pour vous
intéresser, mais parce que c'est la vérité. Dans
ces montagnes, les chemins sont des précipi-
ces, nos cheva:x marchaient avec beaucoup
de pe:ne; mon camarade allant devant, un
sentier qui lui parut plus praticable et plus
court nous égara. Ce fut ma faute ; éevais-je
me fier à une tête de vingt ans? Nous cher-
châmes, tant qu'il fit jour, notre chemin à
travers ces bois; mais plus nous cherchions,
plus nous nous perdions, et il était nuit noire
quand nous arrivâmes près d'une maison fort
noire. Nous y entrâmes, non sans soupçon;
mais comment faire ? Là nous trouvons tonte
une famille de charbonniers à table, où du
premier mot on nous invita. Mon jeune
homme ne se fit pas prier ; nous voilà man-
geant et buvant, lui, du moins; car pour
moi, j'examinais le lieu et la mine de nos
hôtes.
» Nos hôtes avaient bien mine de char-
bonniers; mais la maison, vous l'eussiez
prise pour un arsenal. Ce n'étaient, que fusils,
pistolets, sabres, couteaux, coutelas. Tout
me déplut, et je vis bien que je déplaisais
aussi. Mon camarade, au contraire, il était
de la famille, il riait, il causait avec eux; et,
par une imprudence que j'aurais dû prévoir,
(mais quoi! s'il était écrit...), il dit d'abord
d'où nous venions, où nous allions, qui nous :
étions. Français, imaginez J10 peu! chez nos
plus mortels ennemis, seuls, égarés, si loin
de tout secours humain! Et puis, pour ne
rien omettre de ce qui pouvait nous perdre,
il fit le riche, promit à ces gens pour la dé-
pense et pour nos guides, le lendemain, ce
qu'ils voulurent.
» Enfin, il parla de sa valise, priant fojt,
qu'on en eût grand soin, qu'on la mi', au
chevet.de son lii; il ne voulait point, disait-if,
d'autre traversin. Ah ! jeunesse, jeunesse!
que votre âge- est yà plaindre! Cousine, on
crut que nous portions les diamants do ia
couronne; ce qu'il y ?vait qui lui causait
tank de souci dans cettè valise,- c'étaient les
lettres de sa maîtresse.
» Le souper fini, on nous laisse ; nos hôtes
couchaient en bas, nous dans la chambre
haute, où nons avions mangé. TJi.,e soupente
élevée de sept à huit pieds, où l'on montait
par une échelle, c'était là le coucher q attendait, l'espèce de nid dans lequel on s'in-
troduisait en rampant sous des solives char-
gées de provisions-pour toute l'année. Moa
camarade y grimpa seul, et se coucha tout
endormi, la tête sur la précieuse valise. Moi,
déterminé à veiller, je fis bon feu, et m'assis
auprès.
» La nuit s'était déjà passée presque en-
tière assez tranquillement, et je comrnou-
çais à me rassurer, quand, sur l'heure où il
me semblait que le jour ne pouvait être loin,
j'entendis au-dessous de moi notre hete et sa
LA
FEMME IMMORTELLE mess=""43 PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
I
La rue Saint-Honoré était alors une rue du
ici air.
Plus d'un grand seigneur s'enorgueillissait d'y
avoir son hôtel, et les litières et les beaux équi-
pages s y croiraient eu tous sens.
Le feu roi n'avait presque pas quitta Versail.
:es ; mais le Régent. aimait Paris.
Or le Régent c était alors le Pouvoir, c'est-à-
dire la cour, car un roi de neuf ans ne comptait
' guère.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
Le beau monde avait donc lui Versailles pour
Paris, et la rue Saint-Honoré qui passait devant
le Palais-Royal était la rue à la mode entre
toutes les rues.
On ne s'étonna donc point, un matin, d'ap-
prendre que très-haut et très-puissant seigneur
le prince margrave de Lansbourg-Nassau, après
avoir passé quarante-huit heures rue de l'Arbre-
Sec s'était installé dans un bel hÔtel de la rue
Saint-Honoré, à l'angle même de la rue des
Bons-Enfants.
L'arrivée de ce haut personnage avait fait
quelque bruit lans Paris.
On disait de lui des choses merveilleuses.
D'abord le margrave était fabuleusement ri-
che ; ensuite, il jetait l'or par les fenêtres.
Enfin, il venait à Paris pour se marier.
Annoncez qu'un homme, riche est à marier,
et les jeunes filles pleuvront.
Le margrave aurait eu cent vingt ans et la
tête de Méduse qu'il aurait encore trouvé du
choix.
La cour et la ville s'étaient émues.
Aux environs de l'hôtel qu'il habitait, les com-
mentaires s'entassaient sur Jcs commentaires.
■ Les bonnes ger.s du quartier, au mépris du
couvrefeu s'entassaient le soir au seuil des portes,
et-se livraient à mille conjectures.
Cependant, personne n'agit vu le margrave.
Il était entré de nuit dans sa nouvelle de-
meure et ne s'était plus.montré.
Etait-il jeune ?
Etait-il vieax?
C'était là une question.que personne ne pou-
vait résoudre.
Tout ce qu'on savait, c'est qde le prince avait
fait savoir dans Paris que les plus jolies filles
pouvaient se pré-eiitor et qu'il ferait UM chox,
à partir du lundi de la Pentecôte, qui était
précisément le jour où celte histoire recom-
mence.
Juste en face de i'hôtei, et par conséquent
de l'autre côté de la rue, se trouvait la boutique
ie maitre Chaubourdin.
Chaubourdin était un apothicaire.
Les apothicaires, en général, ont toujours joué
un rôle dans l'histoire des peuples, et Chau-
bcurdin, mieux cju'aucun de ses confrères, avait
droit à uns certaine considération.
Chaubourdin était un petit homme entre deux
âges, qui se mêlait de tout ce qui ne le regar-
dait pas, et dont l'officine était ouverte à qui-
conque avait une nouvelle à répandre,ou une his-
toire à raconter.
La boutique de Chaubourdin était un véritable
bureau de renseignements, où chacun apportait
8):1 petit récit e: son cancan duj ur,
Le rô!e de spectateur ne contentait point
Chaubourdin.
li cherchait des nouvelles, (Je son coté, avec
beaucoup de zèle et de conscience, et, quand il
n'en avait pas, il en in ventait.
Chaubourdin s'eLaii. donc mis sous les armes .
dès l'in:o(lllat¡, n du margrave, bien décidé à
ne pas lais cr passer inaperçu le moindre fait
et le moindre ge?'e ,le ce luut personnage.
Le pre:'n er jour, il s'était mis à causer -avec
un petit page gouuil:eur qui lui avait parlé des
propos niati,-I .iioni :Ux de son maifire.
Une heure âpre', il avait fait la connaissance
dn maître Ccnr#d, l''n:em':ant vêtu dVcariale
que ncusavons vu faire seo confident s au mar-
quis de la Roche-Ma.iberr.
A midi, Chaubourdin savait quo "le marg"a\'e
était vieux-.
A cinq ho-ires du soir, il pouvait affirmer que
la fortune du margrave rendrait je roi dé'France
jaloux. " -
Le le:idem.Lin matin, comme il ouvrait sa
boutique, la porte de l'iiôtel s'ouvrit pareille-
ment.
Un homme en sortit.
C'était Conrad, l'intendant \'ê:u de rouga.
Chaubourdin, en le voyant traverser la rue
et venir à 'lui, crut qu'il lui faisait une visite de
politesse pure et simple.
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
5 cent. le numtre-
AMy:S^érJ
Déjmrtemeiîts.. a Il 99
- . ..1 dfJ¿inÍStrateur: E. DELSAWX.
am. année. — SAMEDI ier AOUT 1868. — 1\10 835
r,
Directeur-Proprié taire : JAN NIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATH!ER BRASELONNR.
. BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue !)t'OMOt.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 31 JUILLET 1868
UNE LETTRE DE P. L. COURIER
* - i ; -J M y y^/
J'ai déjà dit tout le bien que^j^^iaiisats de
ia Bibliothèque nationale.
Ces petits livres à cinq sous, publics par
des ouvriers qui p.assent à les imprimer le
temps que léur ' laisse -'lé travail journalier
auquel ils se livrent,— ces petits livres, outre
le mérite du bon marché, ont celui du choix.
Chacun d'eux est la réédition populaire d'un
des chpfs-d'œune de notre littérature. Désor-
mais tout homme sachant lire, quelque pau-
vre qu'il soit, lira et lira avec fruit. ,
Le 120e volume de la collection vient de
paraître. Il contient lfcs lettres de Paul-Louis
Courier. Je viens de le parcourir, et je suis
'ncore sous le coup de mon impression.
Courier est une des figures les plus origi-
udles de ce temps-ci, un soldat sans ambition,
an politique sans parti pris, un philosophe
passionné pour la vérité, un écrivain érudit et
bien doué.
« Mes principes sont qu'entre deux points
la ligne droite est la plus courte; que le tout
est plus grand que sa partie; que deux quan-
tités, égales chacune à une troisième, sont
égales entre elles. Je tiens aussi que deux et
deux font quatre, mais je n'en suis pas sùr. »
A cette manière, vous reconnaissez le ma-
thématicien, l'élève rageur et studieux d'une
école militaire, et, plus tard, lè capitaine qui
ne s'occupe en campagne que de fouiller les
bibliothèques, chercher les manuscrits rares,
et traduire du grec, à une époque où l'on
. était maréchal de France sans savoir le fran-
çais.
Fils d'un propriétaire de la Touraine, Paul-
Louis Courier sortait, en 1~94, de l'Ecole
d'artillerie de Châlons, avec le grade de lieu-
tenant. Bientôt son régiment partait pour l'I-
talie; il passait par Florence, et il y découvrait
les fragments d'un roman grec, Daphnis et
Chloé, dont la traduction fut un de ses pre-
miers ouvrages.
En 1809, Courier se trouvait en congé à
Paris. Il demanda à faire partie de la Grande-
Armée, qui marchait sur Vienne. Chef d'es-
cadron après Wagram, il donna sa démission
afin de pouvoir se livrer tout entier à ses
chères études. Il jugeait dès lors avec une
impartialité, qui prouve son détachement
des choses contingentes, Napoléon à sa juste
valeur :
« L'empereur, disait-il, a su persuader à
cinq cent mille hommes armés de marcher
sur un même point, comme s'ils n'eussent
été qu'un seul. -o
Et plus loin : -
« Avec de semblables masses, on avance,
mais on ne peut pas reculer. Une défaite, et
l'ennemi est a Paris D.
Sous la Restauration, Paul-Louis Courier,
inspiré par sa haine de l'injustice, publia des
■ pamphlets, à coup sûr passés de mode pour
!e fond, mais dont la forme se revêt d'une
beauté éternelle. Le vieux français , qu'il
avait étudié pour compléter Amyot,. — le
premier traducteur de Daphnis et Chloé, —
lui fut d'un grand secours. Il lui emprunta la
vigueur, grâce à laquelle sa concision philo-
sophique dut de ne pas tomber dans ln séche-
resse.
Ne parler que pour dire quelque chose,
dire ce quelque chose avec le moins de mots
possible, et cependant le dire bien, claire-
ment et d'une façon qui portât, telle fut la
préoccupation constante de Paul-Louis Cou-
rier. On a remarqué que dans son œuvre il y
avait une quantité de vers blancs. Eh bien !
c'est cela ; c'est que, dans un -N-er-, I+en fait,
n'y a pas un mot de trop. On croirait certain
nés des pages de Courier écrites par Mo-
lière.
Un de ses pamphlets lui valut une condam-
nation à deux mois de prison. A Sainte-Péla-
gie, 'il tomba dans un chagrin profond et jura
qu'il ne s'occuperait plus de politique. Une fois
en liberté, il se laissa de nouveau entraîner
par sa passion.
Nouveaux pamphlets, nouvelle poursuite.
Cette fois, il fut acquitté. — Il en serait mort,
a dit un de ses amis.
Paul-Louis Courier avait un caractère diffi-
cile. M. Viollet-Leduc en cite un exemple :
Notre capitaine d'artillerie, se trouvant en
Calabre, avait été témoin du peu de bravoure
d'un général français dans un combat. C'était
César Berthier, frère *dLi prince de Wagram, j
alors ministre de la guerre. Quelques jours !
aprls, Courier rencontre un caisson du géné-
ral J-econvert en toile peinte, et portant écrit
en grandes lettres le nom ,-Je son propriétaire.
Il <)proche du caisson, enlève avec son sa-
brefe mot César, et s'adressant au conducteur
étonné : — Tu diras à ton maître que Courier
veU1 bien qu'il continue à s';ippeler Berthier,
m e pour César, il le lui défend...
' l1Ius tard, retiré du service, marié et vi-
gneron en Touraine, Paul-Louis ne s'entendit
pas toujours avec sa femme, et vécut en fort
mauvaise intelligence avec ses voisins. Il avait
résolu d'abandonner la province et de se fixer
à Paris, — où il se serait occupé exclusive-
ment; de travaux littéraires et de l'éducation
de s(^n fils, — lorsqu'une ifalle, tirée par une
mairkinconnue, l'abattit au coin d'une haie.
Il avait cinquante-trois ans.
Ses portraits nous montrent une assez laide
figure, rechignée, sarcastique, sans grâce;
cependant l'intelligence et la mélancolie, pro-
pre à tous lë:; hommes de pensée au début de
ce siècle, y percent par tous les pores.
Ce grand écrivain était un homme.
Chers lecteurs, le journal à un sou est
comme la Bibliothèque à cinq. Il vous doit de
parler de tous ceux qui ont illustré ou servi
leur ¡:fays. Il vous dcit aussi de les faire con-
naîtra, ne serait-ce que par fragments. Et
c'est pourquoi, laissant de côté la politique de
!a Restauration, qui ne vous intéresse guère
aujourd'hui, je prends, parmi les lettres de
Courier, un épisode de son séjour en Italie
qu'il adressait à sa cousine, Madame Pi-
galle... 1
Voici ce fragment:
-, ..... - ...
• ■ • •• » • » i i i « » i i •
« Un jour je voyageai en Calabre. C'est un
pays de méchantes gens, qui, je crois, n'ai-
ment personne, et en veulent surtout aux
Français. De vous dire pourquoi, cela serait
long ; suffit qu'ils notes haïssent à mort, et
qu'on passe fort mal son temps lorsqu'on
tombe en leurs mains. J'avais pour compa-
gnon un jeune homme d'une figure.... ma
foi, comme ce monsieur que nous vîmes au
Raincy;vous en soU"encz-Yom? et mieux
encore peut être. Je ne dis pas cela pour vous
intéresser, mais parce que c'est la vérité. Dans
ces montagnes, les chemins sont des précipi-
ces, nos cheva:x marchaient avec beaucoup
de pe:ne; mon camarade allant devant, un
sentier qui lui parut plus praticable et plus
court nous égara. Ce fut ma faute ; éevais-je
me fier à une tête de vingt ans? Nous cher-
châmes, tant qu'il fit jour, notre chemin à
travers ces bois; mais plus nous cherchions,
plus nous nous perdions, et il était nuit noire
quand nous arrivâmes près d'une maison fort
noire. Nous y entrâmes, non sans soupçon;
mais comment faire ? Là nous trouvons tonte
une famille de charbonniers à table, où du
premier mot on nous invita. Mon jeune
homme ne se fit pas prier ; nous voilà man-
geant et buvant, lui, du moins; car pour
moi, j'examinais le lieu et la mine de nos
hôtes.
» Nos hôtes avaient bien mine de char-
bonniers; mais la maison, vous l'eussiez
prise pour un arsenal. Ce n'étaient, que fusils,
pistolets, sabres, couteaux, coutelas. Tout
me déplut, et je vis bien que je déplaisais
aussi. Mon camarade, au contraire, il était
de la famille, il riait, il causait avec eux; et,
par une imprudence que j'aurais dû prévoir,
(mais quoi! s'il était écrit...), il dit d'abord
d'où nous venions, où nous allions, qui nous :
étions. Français, imaginez J10 peu! chez nos
plus mortels ennemis, seuls, égarés, si loin
de tout secours humain! Et puis, pour ne
rien omettre de ce qui pouvait nous perdre,
il fit le riche, promit à ces gens pour la dé-
pense et pour nos guides, le lendemain, ce
qu'ils voulurent.
» Enfin, il parla de sa valise, priant fojt,
qu'on en eût grand soin, qu'on la mi', au
chevet.de son lii; il ne voulait point, disait-if,
d'autre traversin. Ah ! jeunesse, jeunesse!
que votre âge- est yà plaindre! Cousine, on
crut que nous portions les diamants do ia
couronne; ce qu'il y ?vait qui lui causait
tank de souci dans cettè valise,- c'étaient les
lettres de sa maîtresse.
» Le souper fini, on nous laisse ; nos hôtes
couchaient en bas, nous dans la chambre
haute, où nons avions mangé. TJi.,e soupente
élevée de sept à huit pieds, où l'on montait
par une échelle, c'était là le coucher q
troduisait en rampant sous des solives char-
gées de provisions-pour toute l'année. Moa
camarade y grimpa seul, et se coucha tout
endormi, la tête sur la précieuse valise. Moi,
déterminé à veiller, je fis bon feu, et m'assis
auprès.
» La nuit s'était déjà passée presque en-
tière assez tranquillement, et je comrnou-
çais à me rassurer, quand, sur l'heure où il
me semblait que le jour ne pouvait être loin,
j'entendis au-dessous de moi notre hete et sa
LA
FEMME IMMORTELLE mess=""43 PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
I
La rue Saint-Honoré était alors une rue du
ici air.
Plus d'un grand seigneur s'enorgueillissait d'y
avoir son hôtel, et les litières et les beaux équi-
pages s y croiraient eu tous sens.
Le feu roi n'avait presque pas quitta Versail.
:es ; mais le Régent. aimait Paris.
Or le Régent c était alors le Pouvoir, c'est-à-
dire la cour, car un roi de neuf ans ne comptait
' guère.
Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
Le beau monde avait donc lui Versailles pour
Paris, et la rue Saint-Honoré qui passait devant
le Palais-Royal était la rue à la mode entre
toutes les rues.
On ne s'étonna donc point, un matin, d'ap-
prendre que très-haut et très-puissant seigneur
le prince margrave de Lansbourg-Nassau, après
avoir passé quarante-huit heures rue de l'Arbre-
Sec s'était installé dans un bel hÔtel de la rue
Saint-Honoré, à l'angle même de la rue des
Bons-Enfants.
L'arrivée de ce haut personnage avait fait
quelque bruit lans Paris.
On disait de lui des choses merveilleuses.
D'abord le margrave était fabuleusement ri-
che ; ensuite, il jetait l'or par les fenêtres.
Enfin, il venait à Paris pour se marier.
Annoncez qu'un homme, riche est à marier,
et les jeunes filles pleuvront.
Le margrave aurait eu cent vingt ans et la
tête de Méduse qu'il aurait encore trouvé du
choix.
La cour et la ville s'étaient émues.
Aux environs de l'hôtel qu'il habitait, les com-
mentaires s'entassaient sur Jcs commentaires.
■ Les bonnes ger.s du quartier, au mépris du
couvrefeu s'entassaient le soir au seuil des portes,
et-se livraient à mille conjectures.
Cependant, personne n'agit vu le margrave.
Il était entré de nuit dans sa nouvelle de-
meure et ne s'était plus.montré.
Etait-il jeune ?
Etait-il vieax?
C'était là une question.que personne ne pou-
vait résoudre.
Tout ce qu'on savait, c'est qde le prince avait
fait savoir dans Paris que les plus jolies filles
pouvaient se pré-eiitor et qu'il ferait UM chox,
à partir du lundi de la Pentecôte, qui était
précisément le jour où celte histoire recom-
mence.
Juste en face de i'hôtei, et par conséquent
de l'autre côté de la rue, se trouvait la boutique
ie maitre Chaubourdin.
Chaubourdin était un apothicaire.
Les apothicaires, en général, ont toujours joué
un rôle dans l'histoire des peuples, et Chau-
bcurdin, mieux cju'aucun de ses confrères, avait
droit à uns certaine considération.
Chaubourdin était un petit homme entre deux
âges, qui se mêlait de tout ce qui ne le regar-
dait pas, et dont l'officine était ouverte à qui-
conque avait une nouvelle à répandre,ou une his-
toire à raconter.
La boutique de Chaubourdin était un véritable
bureau de renseignements, où chacun apportait
8):1 petit récit e: son cancan duj ur,
Le rô!e de spectateur ne contentait point
Chaubourdin.
li cherchait des nouvelles, (Je son coté, avec
beaucoup de zèle et de conscience, et, quand il
n'en avait pas, il en in ventait.
Chaubourdin s'eLaii. donc mis sous les armes .
dès l'in:o(lllat¡, n du margrave, bien décidé à
ne pas lais cr passer inaperçu le moindre fait
et le moindre ge?'e ,le ce luut personnage.
Le pre:'n er jour, il s'était mis à causer -avec
un petit page gouuil:eur qui lui avait parlé des
propos niati,-I .iioni :Ux de son maifire.
Une heure âpre', il avait fait la connaissance
dn maître Ccnr#d, l''n:em':ant vêtu dVcariale
que ncusavons vu faire seo confident s au mar-
quis de la Roche-Ma.iberr.
A midi, Chaubourdin savait quo "le marg"a\'e
était vieux-.
A cinq ho-ires du soir, il pouvait affirmer que
la fortune du margrave rendrait je roi dé'France
jaloux. " -
Le le:idem.Lin matin, comme il ouvrait sa
boutique, la porte de l'iiôtel s'ouvrit pareille-
ment.
Un homme en sortit.
C'était Conrad, l'intendant \'ê:u de rouga.
Chaubourdin, en le voyant traverser la rue
et venir à 'lui, crut qu'il lui faisait une visite de
politesse pure et simple.
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