Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-08-02
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 août 1868 02 août 1868
Description : 1868/08/02 (A3,N836). 1868/08/02 (A3,N836).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178384
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
S cent. le numéro
5 cent. le nuraér#
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un aR.
Paris 5 fr. O fr. i8 fri
Départements.. 6 il 99
Administrateur : E. DELSAUX.
,i- année. — DIMANCHE % AOUT 1 868. - N° 836
Directeur• Propriétaire : J A N N L'N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-ÜnAGlnONNE.
BUREAUX D'ABONNE3fENT : rue iilrouot.
ADMINISTRATION '. 13. place Breda.
PARIS, 1er AOUT 1868
UNE DATE
NAPOLÉON II
-r- : _"y
Le t., août 1832, le MoMtçurt dortfljwf;
après le cours do la Banque AvTtrtctfîenne,
l'extrait de correspondance suivant, daté de
Vienne, 18 juillet:
(J On attend à chaque instant la triste nou-
velle de la mort du duc de Reichstadt. L'état
de l'auguste malade s'est fort empiré dans la
nuit dernière, et l'on dit que,depuis quelques
heures,le jeune prince donne à peine un signe
d'existence. Singulière destinée ! Dans le
même palais, dans la même chambre où Na-
poléon rendit autrefois de mémorables décrets
qui amenèrent son mariage avec Farchidu-
chesse Marie-Louise, leur fils expire lente,
ment à cette heure. »
Deux jours après, on apprenait, en France,
la m.ortde Napoléon Il.
Une de ses dernières paroles avait été
celle-ci:
— Mourir si jeune 1 Faut-il don'c terminer
ainsi une vie inutile et sans renommée?...
Ma naissance et ma mort, voilà toute mon
histoire !...
L'homme de 1810 avait refait l'Europe
selon son rêve ; son empire dépassait en
étendue celui de Charlemagne, et il avait
pour garder ses états une armée qu'on appe-
la Grande-Armée.
Sa famille occupait des trônes; les rois
étaient ses serviteurs ; dans .sa cour, on pra-
tiquait le cérémonial du temps de Louis XIV,
et le pape avait fait le voyage de Rome à
Paris, pour le sacrer. Il était tout-puissant.
Il avait tout. Tout, — excepté un fils.
Pendant de longs jours, les mains croisées
derrière le dos, le tête baissée, le front som-
bre, il se promena dans son palais, laissant
de temps en temps tomber de ses lèvres ce
mot :
— Un enrant !
Puis, il prit un grand parti. Il congédia sa
femme Joséphine qu'il .aimait et que la
Franceaimait aussi, et, passant en revue les
souverains de l'Europe, il se demanda auquel
il pourrait bien s'allier. La maison d'Au-
s triche était la plus ancienne; il lui prit une
'ide ses archiduchesses. Nouveau mariage,
;nouveau couronnement.
f Moins d'un an après, le 20 mars 1811,
1 cent-un coups de canon annoncèrent la nais-
sance du roi de Rome, et des courriers allè-
rent parter à toutes les cours la nouvelle que
le maître de l'Occident avait un fils.
Jamais enfant ne fut accupilli, à son entrée
dans la vie, par autant de témoignages en-
thousiastes. La ville de Paris lui donna un
berceau de vermeil, et sa m°re lui choisit
pour gouvernante une grande dame, dont la
noblesse remontait au onzième siècle, ma-
dame de Montesquiou.
Le 29 mars 1814, la pauvre Mme de Mon-
tesquiou poursuivait de chambre en chambre
un baby de trois ans, qui se cramponnait aux
rideaux d.ea Tui'eries en criant :
— Maman Quiou, laisse-moi, je t'en prie,
dans le palais de papa.
Napoléon à Fontainebleau, plaidait en ce
moment la cause de son fils. Quand, ayant
désespéré de la g3gner, il eut signé son al)-
dication, Marie-Louise et le roi de Rome pri-
rent la route de Vienne, escortés par des
hussards autrichiens.
A peine de retour de l'île d'Elbe:
— Mon fils ! dit le vieil Empereur.
On le lui refusa. Alors, il résolut de le
faire enlever. Mais l'enfant était prisonnier,
et la tentative échoua.
Il était prisonnier encore, quand, le sur-
lendemain de Waterloo, la chambre des re-
présentants proclama Napoléon II.
La rentrée de Louis XVIII répondit à cette
proclamation. On envoya le père à Sainte-Hé-
lène. Le fils fut rendu à sa mère, privé de
l'héritage et du nom paternels.
Désormais, on aura affaire à Son Altesse
Sérénissime, le duc de Reichstadt, pupille de
l'empereur d'Autriche, destiné à commander
plu's tard un régiment.
A dix ans, le duc de Rdchstadt apprit la
mort de Napoléon.
H était enseigne à douze ans, capitaine à
dix-sept, major à dix-neuf.
Le 14 juin 1831, jour anniversaire de Ma-
rengo et de Friedland, un jeune lieutenant-
colonel hongrois paraissait, pour la première
fois, à Ja manœuvre. On le trouva mince., un
peu voûté,comme quelqu'un qui a grandi trop
vite, la poitrine enfoncée, la voix faible. A
peine eut-il donné quelques ordres qu'il fut
pris d'un accès de toux. Bientôt il dut quitter
la caserne pour rentrer au palais.
Ce palais était celui de Schœnbrîinn. A
peine le duc de Reichstadt y fut-il installé que
son agonie commença.
— Ma mère ! dit le mourant.
H se fit apporter le berceau de la ville de
Paris. Il voulut le toucher; puis, avec mélan-
colie :
— Tout le monde ne peut pas mourir au-
près de son berceau, dit-il. f aissez le mien
ici. Ce berceau et ce lit — où je souffre —
sont les extrémités de ma vie. Il n'y a entre
eux que mes vingt et un ans, mon nom, des
chngrins et des douleurs.
Mme la duchesse de Parme arriva. La du-
chesse de Parme, c'était Marie-Louise, veuve
de Napoléon. Son fils la tint longtemps em-
brassée, puis :
— Je suis bien, très-bien ! dit-il.
Un peu plus tard, il se tourna vers les mé-
decins
— Quand donc finira ma pénible exis-
tence?...
Se mère reparut, il s'efforça de sourire.
Le soir, "Il s'assoupit. Mais, vers trois
heures et demie du matin, il se dressa tout
debout :
— Je succombe!... Ma mère!...
Quand Marie-Louise se présenta, les yeux
de son fils étaient couverts d'un voile. Un
prélat de cour, le doigt levé, montrait le ciel
au mourant.
Ceci se'passait le 22 juillet.
Quelques jours après, à Vienne, on vit
s'avancer, à travers une foule muette, un
cercueil que précédaient une voiture et quel-
ques cavaliers. Quand on fut arrivé à l'église,
le commissaire de la cour, suivant l'usage
du pays, frappa à la porte et dit :
— Son Altesse Sérénissime, le duc de
Reichstadt.
La porte s'ouvrit. Les princes et les prin-
cesses de la maison d'Autriche attendaient
•
la dépouille de leur parent, pour raccom-
pagner dans le caveau où elle devait reposer
à jamais.
Celui qu'on venait d'enterrer avait com-
~ posé lui-même son épitaphe :
Ci-git qui naquit roi de Rome et - mourut
colonel autrichien.
Il y a six mois, les journaux annoncèrent
qu'on allait transporter à Saint-Denis les re?te&
du roi de Rome.
Un rédacteur de la Petite Presse voulut vi-
siter le nouveau tombeau impérial.
De loin, Saint-Denis ressembles une im-
mense manufacture. Les grandes cheminées
fument au-dessus des toits salis et les bruits
des usines montent dans l'air.
De près, c'est une ville de province, à deux
lieues de Paris. Les rraisons basses bordent
les rues étroites. Rien n'arrête sur son che-
min l'étranger qui se dirige vers la cathé-
drale.
Notre collaborateur entra dans l'église et
s'arrêta stupéfait, à la vue des décombres et
des matériaux de toute sorte. Les travaux,
qu'on disait terminés, semblaient suspendus
au contraire. On eût dit un atelier en désor-
dre, un chantier que les ouvriers ont aban-
donné^. Le vieux soldat déeoré, qui garde la
nécropole, arrêta le visiteur dès les premiers
mots. 0
— Venez ! dit-il.
Il poussa une petite porte à claire-voie à
hauteur d'appui, traversa l'église, et, s'arrê-
tant devant le maître-autel, il montra quatre
dalles encadrées de fer:
— C'est là !
Les quatre dalles ne se sont pas encore le-
vées pour laisser passer le cercueil de Napo-
léon II.
TONY RÉVILLON.
P. S. — Avant-hier, chers lecteurs je vous
recommandais un petit journal qui avait le
format d'un livre, permettez-moi de vous si-
gnaler aujourd'hui un livre qui a l'allure et
l'esprit du petit journal.
Bien souvent vous avez lu ces mots : Tout .
Paris. « Tout Paris assistait aux courses...
Cette représentation avait attir-é tout Paris...,
etc., etc. »
Eh bien ! tout Paris veut dire une douzaine
de Parisiens, qu'on trouve partout, parce
qu'ils passent leur vie à regarder les choses et
LA
FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
II
t.
Le grand événement qui se préparait, l'inten-
tant l'avait dit tout bas à Chaubourdin, et Chau-
bourdin l'avait dit haut à tout le monde.
C'était le mariage du prince.
Le prince avait passé trente-six heures dans
une chambre obscure, enveloppé dans ses lin-
ges, couvert d'ongueuts mystérieux.
Encore quelques heures, il se serait refait une
deuxième jeunesse.
i Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
Le soir même de ce jour, lundi de Pâques, à
huit heures du soir, le concours serait ouvert.
C'est-à-dire que toute fille qui se croirait d'une
beauté remarquable avait le droit de se présen-
ter au guichet de l'hôtel.
Elle serait reçue d'abord par l'intendant.
Si l'intendant la trouvait assez jolie pour su-
bir une première épreuve, elle franchirait une
porte et serait présentée à la femme de l'inten-
dant Mme Edwige. /
Mme Edwige jugeait en deuxième ressort.
Si Mme Edwige trouvait la jeune fille jolia,
elle la conduirait dans la grande salle de
l'hôtel.
Là, celle-ci rencontrerait sans doute d'autres
jeunes filles admises comme elle à concourir.
A une certaine heure, le prince passerait.
11 examinerait une à une les aspirantes au
rang de princesse, causerait avec elles, pren-
drait des notes et leur annoncerait qu'il réfléchi-
rait.
A moins - que, toutefois, il ne se trouvât
parmi elles quelque beauté souveraine, idéale,
qui le subjuguât et le terrassât dv coup.
C'était là ce que maître Chaubourdin racontait
dans sa boutique.ce soir là, comme la nuit tom-
bait.
Tous les désoeunrés du quartier s'étaient
réunis chez lui.
Chacun même avait amené une connaissance,
un ami, un parent.
Chaubourdin , assis derrière son comptoir,
don ait complaisamment tous ces détails et on
les écou'ait avec avidité.
Un brave homme de mercier qui avait pour
enseigne : A kt Chemise de la Vierge, entra, en
ce moment, suivi d'un 'homme d'épée.
Un homme d'épée faisait toujours un peu de
sensation parmi les bourgeois.
Le mercier, qui s'appelait Rabuîeau,joignait à
son industrie première celle de logeur en garni.
Il louait une chambre meublée dans la maison
qui se trouvait à l'angle de la rue des Frondeurs
et de celle des Orties-Saint-Honoré.
Or, l'homme d'épée qu'il amenait n'était
autre que son locataire.
Ce locataire était un Gascon, le chevalier de
Castirac, qui parlait de ses châteaux et de ses
terres à tout venant, et ne retirait sa main de sa
poche que pleine de pistoles.
On devine d'où venaient ces pistoles, surtout
si on se rappelle le duel du Gascon avec maître
Guillaume Laurent,le bourgeois gentilhomme de
la rue de l'Hirondelle, duel qui s'était terminé
par un petit arrangement.
Or donc le chevalier de Castirac avait accom-
pagné le mercier Rabuteau qui, la veille, avait -
entendu parler déjà du prince margrave et qii
venait chez Chaubourdin avec la certitude qu'il
apprendrait des choses intéressantes.
L apothicaire recommença alors, pour la
dixième fois peut-être depuis une neure, le récit
qu'il avait déjà fait touchant le margrave qui
cherchait à se rajeunir.
A mesure que la nuit approchait, la boutiql1e
de Chaubourdin s'emplissait de plus en plus.
L'heure n'était plus loin où les aspirantes à
la main du margrave allaient se présenter.
En effet,dès sept heures et demie on vit arriver
presqu'en même temps un carrosse et deux
litières.
Litières et carrosse s'eDgouCfrèrertt sous la
porte cochère d'une vaste cour d'honneur,qui se
referma aussitôt. Mais cinq minutas Ite s'rtai'ént
pas écoulées que cette porte se rouvrit et que le
carrosse et une des litières sortirent précipitam-
ment.
— Peste ! murmurèrent plusieurs voix, voilà
déjà deux personnes hors de concours.
Comme la porte de la boutique é'ait demeurée
ouverte,les hôtes de Chaubourdin avaient envahi
la rue et jetaient des regards avides à travers les
rideaux de la litière et les vitres du carrasse.
L'un et l'autre contenaient de fort jolies
femmes et le chevalier de Castirac s'écria :
— Le vieux drôle est ma foi bien dIfficile !
Pendant deux 'heures la scène se renouvela.
JOURNAL QUOTIDIEN
S cent. le numéro
5 cent. le nuraér#
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. un aR.
Paris 5 fr. O fr. i8 fri
Départements.. 6 il 99
Administrateur : E. DELSAUX.
,i- année. — DIMANCHE % AOUT 1 868. - N° 836
Directeur• Propriétaire : J A N N L'N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-ÜnAGlnONNE.
BUREAUX D'ABONNE3fENT : rue iilrouot.
ADMINISTRATION '. 13. place Breda.
PARIS, 1er AOUT 1868
UNE DATE
NAPOLÉON II
-r- : _"y
Le t., août 1832, le MoMtçurt dortfljwf;
après le cours do la Banque AvTtrtctfîenne,
l'extrait de correspondance suivant, daté de
Vienne, 18 juillet:
(J On attend à chaque instant la triste nou-
velle de la mort du duc de Reichstadt. L'état
de l'auguste malade s'est fort empiré dans la
nuit dernière, et l'on dit que,depuis quelques
heures,le jeune prince donne à peine un signe
d'existence. Singulière destinée ! Dans le
même palais, dans la même chambre où Na-
poléon rendit autrefois de mémorables décrets
qui amenèrent son mariage avec Farchidu-
chesse Marie-Louise, leur fils expire lente,
ment à cette heure. »
Deux jours après, on apprenait, en France,
la m.ortde Napoléon Il.
Une de ses dernières paroles avait été
celle-ci:
— Mourir si jeune 1 Faut-il don'c terminer
ainsi une vie inutile et sans renommée?...
Ma naissance et ma mort, voilà toute mon
histoire !...
L'homme de 1810 avait refait l'Europe
selon son rêve ; son empire dépassait en
étendue celui de Charlemagne, et il avait
pour garder ses états une armée qu'on appe-
la Grande-Armée.
Sa famille occupait des trônes; les rois
étaient ses serviteurs ; dans .sa cour, on pra-
tiquait le cérémonial du temps de Louis XIV,
et le pape avait fait le voyage de Rome à
Paris, pour le sacrer. Il était tout-puissant.
Il avait tout. Tout, — excepté un fils.
Pendant de longs jours, les mains croisées
derrière le dos, le tête baissée, le front som-
bre, il se promena dans son palais, laissant
de temps en temps tomber de ses lèvres ce
mot :
— Un enrant !
Puis, il prit un grand parti. Il congédia sa
femme Joséphine qu'il .aimait et que la
Franceaimait aussi, et, passant en revue les
souverains de l'Europe, il se demanda auquel
il pourrait bien s'allier. La maison d'Au-
s triche était la plus ancienne; il lui prit une
'ide ses archiduchesses. Nouveau mariage,
;nouveau couronnement.
f Moins d'un an après, le 20 mars 1811,
1 cent-un coups de canon annoncèrent la nais-
sance du roi de Rome, et des courriers allè-
rent parter à toutes les cours la nouvelle que
le maître de l'Occident avait un fils.
Jamais enfant ne fut accupilli, à son entrée
dans la vie, par autant de témoignages en-
thousiastes. La ville de Paris lui donna un
berceau de vermeil, et sa m°re lui choisit
pour gouvernante une grande dame, dont la
noblesse remontait au onzième siècle, ma-
dame de Montesquiou.
Le 29 mars 1814, la pauvre Mme de Mon-
tesquiou poursuivait de chambre en chambre
un baby de trois ans, qui se cramponnait aux
rideaux d.ea Tui'eries en criant :
— Maman Quiou, laisse-moi, je t'en prie,
dans le palais de papa.
Napoléon à Fontainebleau, plaidait en ce
moment la cause de son fils. Quand, ayant
désespéré de la g3gner, il eut signé son al)-
dication, Marie-Louise et le roi de Rome pri-
rent la route de Vienne, escortés par des
hussards autrichiens.
A peine de retour de l'île d'Elbe:
— Mon fils ! dit le vieil Empereur.
On le lui refusa. Alors, il résolut de le
faire enlever. Mais l'enfant était prisonnier,
et la tentative échoua.
Il était prisonnier encore, quand, le sur-
lendemain de Waterloo, la chambre des re-
présentants proclama Napoléon II.
La rentrée de Louis XVIII répondit à cette
proclamation. On envoya le père à Sainte-Hé-
lène. Le fils fut rendu à sa mère, privé de
l'héritage et du nom paternels.
Désormais, on aura affaire à Son Altesse
Sérénissime, le duc de Reichstadt, pupille de
l'empereur d'Autriche, destiné à commander
plu's tard un régiment.
A dix ans, le duc de Rdchstadt apprit la
mort de Napoléon.
H était enseigne à douze ans, capitaine à
dix-sept, major à dix-neuf.
Le 14 juin 1831, jour anniversaire de Ma-
rengo et de Friedland, un jeune lieutenant-
colonel hongrois paraissait, pour la première
fois, à Ja manœuvre. On le trouva mince., un
peu voûté,comme quelqu'un qui a grandi trop
vite, la poitrine enfoncée, la voix faible. A
peine eut-il donné quelques ordres qu'il fut
pris d'un accès de toux. Bientôt il dut quitter
la caserne pour rentrer au palais.
Ce palais était celui de Schœnbrîinn. A
peine le duc de Reichstadt y fut-il installé que
son agonie commença.
— Ma mère ! dit le mourant.
H se fit apporter le berceau de la ville de
Paris. Il voulut le toucher; puis, avec mélan-
colie :
— Tout le monde ne peut pas mourir au-
près de son berceau, dit-il. f aissez le mien
ici. Ce berceau et ce lit — où je souffre —
sont les extrémités de ma vie. Il n'y a entre
eux que mes vingt et un ans, mon nom, des
chngrins et des douleurs.
Mme la duchesse de Parme arriva. La du-
chesse de Parme, c'était Marie-Louise, veuve
de Napoléon. Son fils la tint longtemps em-
brassée, puis :
— Je suis bien, très-bien ! dit-il.
Un peu plus tard, il se tourna vers les mé-
decins
— Quand donc finira ma pénible exis-
tence?...
Se mère reparut, il s'efforça de sourire.
Le soir, "Il s'assoupit. Mais, vers trois
heures et demie du matin, il se dressa tout
debout :
— Je succombe!... Ma mère!...
Quand Marie-Louise se présenta, les yeux
de son fils étaient couverts d'un voile. Un
prélat de cour, le doigt levé, montrait le ciel
au mourant.
Ceci se'passait le 22 juillet.
Quelques jours après, à Vienne, on vit
s'avancer, à travers une foule muette, un
cercueil que précédaient une voiture et quel-
ques cavaliers. Quand on fut arrivé à l'église,
le commissaire de la cour, suivant l'usage
du pays, frappa à la porte et dit :
— Son Altesse Sérénissime, le duc de
Reichstadt.
La porte s'ouvrit. Les princes et les prin-
cesses de la maison d'Autriche attendaient
•
la dépouille de leur parent, pour raccom-
pagner dans le caveau où elle devait reposer
à jamais.
Celui qu'on venait d'enterrer avait com-
~ posé lui-même son épitaphe :
Ci-git qui naquit roi de Rome et - mourut
colonel autrichien.
Il y a six mois, les journaux annoncèrent
qu'on allait transporter à Saint-Denis les re?te&
du roi de Rome.
Un rédacteur de la Petite Presse voulut vi-
siter le nouveau tombeau impérial.
De loin, Saint-Denis ressembles une im-
mense manufacture. Les grandes cheminées
fument au-dessus des toits salis et les bruits
des usines montent dans l'air.
De près, c'est une ville de province, à deux
lieues de Paris. Les rraisons basses bordent
les rues étroites. Rien n'arrête sur son che-
min l'étranger qui se dirige vers la cathé-
drale.
Notre collaborateur entra dans l'église et
s'arrêta stupéfait, à la vue des décombres et
des matériaux de toute sorte. Les travaux,
qu'on disait terminés, semblaient suspendus
au contraire. On eût dit un atelier en désor-
dre, un chantier que les ouvriers ont aban-
donné^. Le vieux soldat déeoré, qui garde la
nécropole, arrêta le visiteur dès les premiers
mots. 0
— Venez ! dit-il.
Il poussa une petite porte à claire-voie à
hauteur d'appui, traversa l'église, et, s'arrê-
tant devant le maître-autel, il montra quatre
dalles encadrées de fer:
— C'est là !
Les quatre dalles ne se sont pas encore le-
vées pour laisser passer le cercueil de Napo-
léon II.
TONY RÉVILLON.
P. S. — Avant-hier, chers lecteurs je vous
recommandais un petit journal qui avait le
format d'un livre, permettez-moi de vous si-
gnaler aujourd'hui un livre qui a l'allure et
l'esprit du petit journal.
Bien souvent vous avez lu ces mots : Tout .
Paris. « Tout Paris assistait aux courses...
Cette représentation avait attir-é tout Paris...,
etc., etc. »
Eh bien ! tout Paris veut dire une douzaine
de Parisiens, qu'on trouve partout, parce
qu'ils passent leur vie à regarder les choses et
LA
FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PREMIERE PARTIE
II
t.
Le grand événement qui se préparait, l'inten-
tant l'avait dit tout bas à Chaubourdin, et Chau-
bourdin l'avait dit haut à tout le monde.
C'était le mariage du prince.
Le prince avait passé trente-six heures dans
une chambre obscure, enveloppé dans ses lin-
ges, couvert d'ongueuts mystérieux.
Encore quelques heures, il se serait refait une
deuxième jeunesse.
i Voir les numéros parus depuis le 21 juin.
Le soir même de ce jour, lundi de Pâques, à
huit heures du soir, le concours serait ouvert.
C'est-à-dire que toute fille qui se croirait d'une
beauté remarquable avait le droit de se présen-
ter au guichet de l'hôtel.
Elle serait reçue d'abord par l'intendant.
Si l'intendant la trouvait assez jolie pour su-
bir une première épreuve, elle franchirait une
porte et serait présentée à la femme de l'inten-
dant Mme Edwige. /
Mme Edwige jugeait en deuxième ressort.
Si Mme Edwige trouvait la jeune fille jolia,
elle la conduirait dans la grande salle de
l'hôtel.
Là, celle-ci rencontrerait sans doute d'autres
jeunes filles admises comme elle à concourir.
A une certaine heure, le prince passerait.
11 examinerait une à une les aspirantes au
rang de princesse, causerait avec elles, pren-
drait des notes et leur annoncerait qu'il réfléchi-
rait.
A moins - que, toutefois, il ne se trouvât
parmi elles quelque beauté souveraine, idéale,
qui le subjuguât et le terrassât dv coup.
C'était là ce que maître Chaubourdin racontait
dans sa boutique.ce soir là, comme la nuit tom-
bait.
Tous les désoeunrés du quartier s'étaient
réunis chez lui.
Chacun même avait amené une connaissance,
un ami, un parent.
Chaubourdin , assis derrière son comptoir,
don ait complaisamment tous ces détails et on
les écou'ait avec avidité.
Un brave homme de mercier qui avait pour
enseigne : A kt Chemise de la Vierge, entra, en
ce moment, suivi d'un 'homme d'épée.
Un homme d'épée faisait toujours un peu de
sensation parmi les bourgeois.
Le mercier, qui s'appelait Rabuîeau,joignait à
son industrie première celle de logeur en garni.
Il louait une chambre meublée dans la maison
qui se trouvait à l'angle de la rue des Frondeurs
et de celle des Orties-Saint-Honoré.
Or, l'homme d'épée qu'il amenait n'était
autre que son locataire.
Ce locataire était un Gascon, le chevalier de
Castirac, qui parlait de ses châteaux et de ses
terres à tout venant, et ne retirait sa main de sa
poche que pleine de pistoles.
On devine d'où venaient ces pistoles, surtout
si on se rappelle le duel du Gascon avec maître
Guillaume Laurent,le bourgeois gentilhomme de
la rue de l'Hirondelle, duel qui s'était terminé
par un petit arrangement.
Or donc le chevalier de Castirac avait accom-
pagné le mercier Rabuteau qui, la veille, avait -
entendu parler déjà du prince margrave et qii
venait chez Chaubourdin avec la certitude qu'il
apprendrait des choses intéressantes.
L apothicaire recommença alors, pour la
dixième fois peut-être depuis une neure, le récit
qu'il avait déjà fait touchant le margrave qui
cherchait à se rajeunir.
A mesure que la nuit approchait, la boutiql1e
de Chaubourdin s'emplissait de plus en plus.
L'heure n'était plus loin où les aspirantes à
la main du margrave allaient se présenter.
En effet,dès sept heures et demie on vit arriver
presqu'en même temps un carrosse et deux
litières.
Litières et carrosse s'eDgouCfrèrertt sous la
porte cochère d'une vaste cour d'honneur,qui se
referma aussitôt. Mais cinq minutas Ite s'rtai'ént
pas écoulées que cette porte se rouvrit et que le
carrosse et une des litières sortirent précipitam-
ment.
— Peste ! murmurèrent plusieurs voix, voilà
déjà deux personnes hors de concours.
Comme la porte de la boutique é'ait demeurée
ouverte,les hôtes de Chaubourdin avaient envahi
la rue et jetaient des regards avides à travers les
rideaux de la litière et les vitres du carrasse.
L'un et l'autre contenaient de fort jolies
femmes et le chevalier de Castirac s'écria :
— Le vieux drôle est ma foi bien dIfficile !
Pendant deux 'heures la scène se renouvela.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.37%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.37%.
- Collections numériques similaires Bibliothèque Francophone Numérique Bibliothèque Francophone Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "RfnEns0"
- Auteurs similaires Bibliothèque Francophone Numérique Bibliothèque Francophone Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "RfnEns0"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k47178384/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k47178384/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k47178384/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k47178384/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k47178384
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k47178384
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k47178384/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest