Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-07-13
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 13 juillet 1868 13 juillet 1868
Description : 1868/07/13 (A3,N816). 1868/07/13 (A3,N816).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717818c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro JOURNAL i QUOTIDIEN 5 cent. le numéro ~
ABONNEMENTS. - Trois mois. six mois. Un an.
Paris a fr. 9 fr. 2 s fr.
1 Départements,. G 2 1 et
Administrateur : E. DELSAUX.
3me année. — LUNDI 13 JUILLET 1868. — JV? 846
Directeur-Propriétaire : JAN N r .N.'
Rédacteur en'thef : A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREA UX D'ABONNEMENT : 9. fne Drouof.
ADMiNiSTRATicrtiv : la, place Breda.
PARIS, 12 JUILLET 1868
L'INCENDIE DES HALLES
Les Halles an XVIIIme siècle
Avant-hier, un incendie s/cïâfâfît. âaris 1
'ous-so!d''m pavillon des HalfôSkJlètïiitjjetfff
heures et demie du soir. A sept heures du
matin, le lendemain, les pompes jouaient en-
core, mais l'on comptait déjà tristement les
victimes. Dans quelques jours les architectes
chiffreront le désastre. La Petite Presse vous
tiendra au courant de tout.
Pour ma part,je vous ai plusieurs fois déjà
parlé des forts,des poissardes,des marchés,des
personnes et des choses de la Halle. Mais ce
sujet est un de ceux qu'on n'épuise pas, et, j
1 Vïvénempnt s'y prêtant, j'y reviens volontiers
aujourd'hui. ' j
\
Le pavillon brûlé portait le n° 1. C'est celui'
oÙ t'en serrait le beurre, le fromage, la graisse
<■'! leS œufs...
Ne serez-vous pas curieux à ce propos de
savoir quelle est la consommation de Paris?
.rai sous les yeux les chiffres pour l'année
1806 Les voici:
millions de kilogrammes de petits beurres
tiVme livre ;
2 raillions de kilogrammes de petit beurre;
millions de kilogrammes de beurre d'isi-
gny, ou de ctFpoint-à {Je la Normandie;
;Î millions de kilogrammes de beurre de
(lournay ou des environs;
VU) mille fromages de Brie;
1 million 500 bondons de Nenrchâtel; :
SI mille fromages de Monthléry;
500mille fromages de Livarot;
1.000 fromages de Mout-Dore ;
880 mille fromages divers.
Enfin, 232 millions d'œufs (on comnrendra
"elle énorme consommation, quand on saura
{ue tel pâtissier, M. Guillout, par exemple,
emploie 23 mille œufs par jour pour la fabri-
; ration des biscuits de Reims)...
- Je ne vous racontêrai pas, pour la seconde
on Ta troisième fois, l'histoire des Halles.
Mais je trouve, dans une physiologie de M.
Alexandre de Bargemont, deux ou trois épi-
sodes curieux que je résume pour vous.
Les dames de la Halle, on le sait, étaient
quelquefois admises, lors de::; grands événe.
\rn(,nts ou du renouvellement de l'année, à
présenter leurs hommages au roi de France et
ja la famille royale.
Le le, janvier 1746, une déoutalion de
vingt-cinq d'entre elles arriva à Versailles et
fut introduite dans le palais.
0 i entendait les portes s'ouvrir, des bruits
de voix, un grand va-et-vient de valets...
— Je va;, me trouver mal, dit l'un des
membres de h députation ; si ça me vient,
est-ce qu'on me donnera dl] vinaigre?
— Je crois bien, répondit un autre, est-ce
qu'on manque de quelque chose chez le
rOI...... .?
La grande galerie s'ouvre enfin devant
elles.
Qu'on se'figura une pièce de deux cent
vingt pieds de long, de trente-deux de large
et de quarante de haut.. Cette pièce est ornée
de tableaux,de statues. À ses dix-sept fenêtres
en arcades répondent autant do glaces, qui
reproduisent les sites du parc,. On se croirait
dans le palais d'uue fée.
La dame de la Halle qui doit porter la pa-
role s'écrie tout à coup :
— Je suis sûre que je vas dire des bêtises.
— Laisse-donc, répond une autre. T'es
jeune, fraîche, gentille; t'as des bijoux, des
dentelles, de la soie...
— Eh ben ! Après?
— Après ? Sa Majesté te regardera et ne
' En ce moment, un maître des cérémonies
entre par la porte du fond, et dit ;
; —- Le roi !
| Louis XV paraît.
Les dames de la Halle se mettent à ge-
noux.
Un officier supérieur fait signe à l'orateur
qu'il peut parler. La jeune femme com-
mence :
— Mnsieur...
— Ça n'est pas ça, dit la camarade la plus
rapprochée. Il faut dire : — Sire.
— Sire, vous êtes père...
— C'est ça, Va à présent.
— Vous êtes père d'une nombreuse famille
dont nous sommes des membres... qui vous
aiment comme vous les aimez. Notre cœur
est à vous, donnez-nous le vôtre; il sera pour
Hoite des étrennes que nous serons fières
d'emporter, — si vous voulez bien nous le
permettre.... Adieu , Sire ! Portez - vous
bien!....
Louis XV secoue la fête et se retire. Les da-
mes se relèvent et vont en faire autant. Mais
un employé de la maison du roi les prend au
passage et les conduit dans le parc. Il leur
fait voir les massifs, les statues, les fontaines.
Puis, il les conduit dans un bâtiment qu'on
appelait alors le Grand-Commun. Là, était
Une table magnifiquement servie, à laquelle
on pria la. députation de s'asseoir. Le roi ne
1 s'était pas mis en frais d'éloquence, mais il
avait tenu à donner à dîner aux ambassadrices
du peuple de Paris.
?
i
Un matin de ce temps-là, un journaliste,
nommé Fréron, prit par le bras un poëte,
nommé Vadé, et lui dit :
, — Mon jeune ami, vous avez chanté les
dames de la Halle. Elles vous adorent et vou§
appellent « leur petit Jésus.» Menez-moi
donc les voir.
— Volontiers.
Sous les piliers des Halles, Fréron et Vadé
aperçurent trois hommes, arrêtés, chapeau
bas, devant une vieille maison.
Ces trois hommes étaient Piron, Collé et
un épicier, nommé' Gallet, chez lequel les
deux premiers venaient,d'entendre la lecture
d'une comédie, intitulée Polichinelle autew'.
Piron montrait la. maison et parlait à
pleine voix :
C'est lui qui a dit : et Soit qu'on fasse
bien, ou soit qu'on fasse mal, oh est toujours
payé de même sorte. Le méchante besogne
ne retombe jamais sur notre dos, et nous
taillons comme il nous plaît sur l'étoffe où
nous travaillons. Un cordonnier, en faisant
des souliers, ne saurait gâter un morceau de
cuir, qu'il n'en paye les pots cassés ; mais ici
l'on peut gâter un homm-e sans qu'il en coûte
rien. Les bévues ne sont point pour nous,
et c'est toujours la faute de celui qui meurt. »
— Voilà, s'écriait Piron, voilà qui est parler
de la médecine ! 0 Molière! Tu es clair, net,
précis pour tous. Même ceux qui ne savent
pas lire savent te comprendre!
Un homme de la Halle s'approcha.
— Ça, c'est bien vrai ! dit-il. Car j'en suis
là, et j'ai compris.
— Voilà, dit Piron, le plus bel éloge qu'on
fera jamais de Molière !
Et, apercevant Vidé :
— Où allez-vous donc? lui demanda-t-îT.
— Je vais conduire monsieur dans les
Halles.
. — Tiens, si nous allions aussi avec vous?
— Venez t...
Et les cinq auteurs de se mettre en route.
A l'entrée des Hallf's, un porteur énorme
prend Piron dans ses deux mains, le soulève
et le pose délicatement de côte, en disant :
— Ote-toi donc de là,petit père maigretî...
Puis, il prend une pose de zéphir, et s'é-
loigne en chantant :
Tamerlan,
Du merlan
Par trop avide,
Pour tâcher de se ralmer, -•*
Fait, frire... l'art d'aimer
D'Ovide.
Un peu plus loin, une poissarde reconnait
Vadé:
— Dieu! Qu'il est gentil! Comme il est
bichonné ! C'est un vrai petit, Jésus !..
Voyons, des nouvelles, mon ange. On dit
que le pape va supprimer le carême... Tiens ;
il ne répond pas... Dis-donc, petit, ta bouche
commence à se fendre. Prends-y garde ; ça
gagnera les oreilles, Il est vrai que ça sera'
un avantage ; tu ne prendras p'us l'une pour
l'autre... Mais, voyez-donc qu'il est sage au-
jourd'hui !... Il ne dit rien... Pauvre petit'
serin, va... S'il était dans !a rage de mon;
sansonnet, du mien, — pas d'un autre, je le
ferais chanter soir et matin... Je fais des vœux
pour que tu ne goûtes pas de la potence... ;
Car je crois que tu veux encore grandir.
.JfaéwMfr pou-babttué-aax- 'od'f wp» ~é«mar-
ché, se pince le nez. Une autre poissard e ;
l'apostrophe.
— Tiens, il est sujet-z'aux vapeurs .. Don- '
nez-lui du vinaigre. Il n'aime pas la. rose. Qui
tu es, qui tu es, avec ton grand chapeau et
ton habit qui se meurt?... Oh,! .lài làl U-
grince des dents, j'ai peur... Allons, vous êtes
encore dégourdi pour votre âge!... Trois pou-
lets d'Inde et vous, çà ferait-z'un fameux
attelage!...
Piron se met à rire.
— Dis donc, mignon de la 'grosse espece,
ton esprjt a l'air d'être tout en feu comme ton
habit. Ton habit et toi, on vous prendrait
pour un meuble du Châtelet... Dites donc,,
monsieur, ne courez pas si fort; vos mollets
vont tomber !...
— Combien ce joli bouquet? demande
LA
FEMME IMMORTELLE
PAR PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XXIV
23
Monsieur le marquis, reprit Conrad, je n'ai
point encore Qui. Permettez-moi donc de conti-
nuer.
: — Parlez, répliqua le marquis d'une voix
sourde.
— o,} brûla donc la sorcière, à la suite de
votre dénottektiun, poursuivit Conrad. Ç.
Le margrave et moi, nous demeurâmes sur la
place de Grève jusqu'à la fin du supplice.
La pauvre femme s'était vantée d'être immor-
telle. Cependant les flammes l'environnèrent, et
elle jeta des cris de douleur; pt.is, la fumée
monta, tourbillonna, l'enveloppa tout entière.
On entendit encore ses cris...
Puis ses cris cessèrent...
Et quand la flamme domina la fumée, on ne
vit plus qu'un corps calciné.
Janine avait vécu.
Alors le margrave dit à mon père :
— L'or est à nous, et le secret aussi.
Et ils se glissèrent hors de la place, et pri-
rent le chemin de la rue de l'Hirondelle.
Il faùt vous dire que lorsqu'on avait arrêté
Janine, on avait fait de nombreuses et minu-
ti, uses perquisitions dans sa maison.
Mais la police n'avait rien trouvé, par la
raison toute simple qu'elle n'avait pu découvrir
une porte mystérieuse dont elle et le margrave
avaient seuls connaissance.
Cette porte, qui était au fond du laboratoire
dissimulée dans une boiserie, mettait à décou-
vert, en s'ouvrant, un escalier et un corridor
souterrain.
Au bout de ce corridor se trouvait un second
1 laboratoire, et dans cette salle souterraine, fixé
dans le mur, le fameux coffre d'acier dont le
margrave avait maintenant la clé.
Ne trou ant rien, la police avait abandonné
la maison.
Nous attendîmes la nuit pour aller rue de
l'Hirondelle.
A neuf heures, quand le couvre-feu fut sonné,
quand les bourgeois furent rentrés chez eux,
mon père et le prince se dirigèrent vers la mai-
son.
A l'angle de la rue Gîtde-Cœur, le margrave
s'arrêta tout à coup.
— Qu'est ce? demanda mon père.
— Regarde.
Et il lui montrait une fenêtre derrière la-
quelle tremblotait une lumière.
— C'est la police sans doute qui fait une der-
nière visite, répondit mon père.
Ils demeurèrent au coin de la rua quelques
minutes encore.
Puis la lumière s'éteignit.
Alors le margrave se remit en route.
Il avait conservé une clé de la maison, et ils
entrèrent.
On n'entendit aucun bruit à l'intérieur et le
vestibule était ptongé dans les ténèbres.
Mais comme tous deux s'avançaient à bas
bruit dans l'obscurité, une fort» odeur de sou-
fre les prit à la gorge.
En même temps deux ombres glissèrent au-
près d'eux et le prince sentit ses cheveux soi
hérisser.
L'une de ces deux ombres paraissait être Gellf-
,d'un corps humain.
Mais l'autre était celle d'un quadrupède.
Elles gagnèrent la porte que le prince et son ,
compagnon avaient laissée ouverte, et 1 ors- i
qu'elles furent dans la rue, elles prirent !a fuite.
Le prince avait rebroussé chemin jusqu'au
seuil. :
Les deux ombres passèrent sous la lanterne,
unique qui éclairait la rue tant bien que mal, et:
alors le prince vit - distinctement, l'espace d'una'
seconde, une vieille femme qui se sauv :it à tou-
tes jambes, entrainant un boue qu'elle tenait en.
laisse.
Qu'était-ce que cette vieille femme? -
Le prince l'a su depuis.
C'était une espèce de sorcière, une diseuse dés
bonne aventure à qui Janine, autrefois, avait.,
donné une mission. '
Cette mission consistait à s'introduire dans
la maison, si jamais il lui arrivait malheur,
à s'emparer d'un petit coffret en ébène qui reai:
fermait des papiers importants. f
A qui la sorcière devait-elle remettre titi
conrat ?
Mystère !
iVoir les numéros parus depuis le 21 juin.
5 cent. le numéro JOURNAL i QUOTIDIEN 5 cent. le numéro ~
ABONNEMENTS. - Trois mois. six mois. Un an.
Paris a fr. 9 fr. 2 s fr.
1 Départements,. G 2 1 et
Administrateur : E. DELSAUX.
3me année. — LUNDI 13 JUILLET 1868. — JV? 846
Directeur-Propriétaire : JAN N r .N.'
Rédacteur en'thef : A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREA UX D'ABONNEMENT : 9. fne Drouof.
ADMiNiSTRATicrtiv : la, place Breda.
PARIS, 12 JUILLET 1868
L'INCENDIE DES HALLES
Les Halles an XVIIIme siècle
Avant-hier, un incendie s/cïâfâfît. âaris 1
'ous-so!d''m pavillon des HalfôSkJlètïiitjjetfff
heures et demie du soir. A sept heures du
matin, le lendemain, les pompes jouaient en-
core, mais l'on comptait déjà tristement les
victimes. Dans quelques jours les architectes
chiffreront le désastre. La Petite Presse vous
tiendra au courant de tout.
Pour ma part,je vous ai plusieurs fois déjà
parlé des forts,des poissardes,des marchés,des
personnes et des choses de la Halle. Mais ce
sujet est un de ceux qu'on n'épuise pas, et, j
1 Vïvénempnt s'y prêtant, j'y reviens volontiers
aujourd'hui. ' j
\
Le pavillon brûlé portait le n° 1. C'est celui'
oÙ t'en serrait le beurre, le fromage, la graisse
<■'! leS œufs...
Ne serez-vous pas curieux à ce propos de
savoir quelle est la consommation de Paris?
.rai sous les yeux les chiffres pour l'année
1806 Les voici:
millions de kilogrammes de petits beurres
tiVme livre ;
2 raillions de kilogrammes de petit beurre;
millions de kilogrammes de beurre d'isi-
gny, ou de ctFpoint-à {Je la Normandie;
;Î millions de kilogrammes de beurre de
(lournay ou des environs;
VU) mille fromages de Brie;
1 million 500 bondons de Nenrchâtel; :
SI mille fromages de Monthléry;
500mille fromages de Livarot;
1.000 fromages de Mout-Dore ;
880 mille fromages divers.
Enfin, 232 millions d'œufs (on comnrendra
"elle énorme consommation, quand on saura
{ue tel pâtissier, M. Guillout, par exemple,
emploie 23 mille œufs par jour pour la fabri-
; ration des biscuits de Reims)...
- Je ne vous racontêrai pas, pour la seconde
on Ta troisième fois, l'histoire des Halles.
Mais je trouve, dans une physiologie de M.
Alexandre de Bargemont, deux ou trois épi-
sodes curieux que je résume pour vous.
Les dames de la Halle, on le sait, étaient
quelquefois admises, lors de::; grands événe.
\rn(,nts ou du renouvellement de l'année, à
présenter leurs hommages au roi de France et
ja la famille royale.
Le le, janvier 1746, une déoutalion de
vingt-cinq d'entre elles arriva à Versailles et
fut introduite dans le palais.
0 i entendait les portes s'ouvrir, des bruits
de voix, un grand va-et-vient de valets...
— Je va;, me trouver mal, dit l'un des
membres de h députation ; si ça me vient,
est-ce qu'on me donnera dl] vinaigre?
— Je crois bien, répondit un autre, est-ce
qu'on manque de quelque chose chez le
rOI...... .?
La grande galerie s'ouvre enfin devant
elles.
Qu'on se'figura une pièce de deux cent
vingt pieds de long, de trente-deux de large
et de quarante de haut.. Cette pièce est ornée
de tableaux,de statues. À ses dix-sept fenêtres
en arcades répondent autant do glaces, qui
reproduisent les sites du parc,. On se croirait
dans le palais d'uue fée.
La dame de la Halle qui doit porter la pa-
role s'écrie tout à coup :
— Je suis sûre que je vas dire des bêtises.
— Laisse-donc, répond une autre. T'es
jeune, fraîche, gentille; t'as des bijoux, des
dentelles, de la soie...
— Eh ben ! Après?
— Après ? Sa Majesté te regardera et ne
' En ce moment, un maître des cérémonies
entre par la porte du fond, et dit ;
; —- Le roi !
| Louis XV paraît.
Les dames de la Halle se mettent à ge-
noux.
Un officier supérieur fait signe à l'orateur
qu'il peut parler. La jeune femme com-
mence :
— Mnsieur...
— Ça n'est pas ça, dit la camarade la plus
rapprochée. Il faut dire : — Sire.
— Sire, vous êtes père...
— C'est ça, Va à présent.
— Vous êtes père d'une nombreuse famille
dont nous sommes des membres... qui vous
aiment comme vous les aimez. Notre cœur
est à vous, donnez-nous le vôtre; il sera pour
Hoite des étrennes que nous serons fières
d'emporter, — si vous voulez bien nous le
permettre.... Adieu , Sire ! Portez - vous
bien!....
Louis XV secoue la fête et se retire. Les da-
mes se relèvent et vont en faire autant. Mais
un employé de la maison du roi les prend au
passage et les conduit dans le parc. Il leur
fait voir les massifs, les statues, les fontaines.
Puis, il les conduit dans un bâtiment qu'on
appelait alors le Grand-Commun. Là, était
Une table magnifiquement servie, à laquelle
on pria la. députation de s'asseoir. Le roi ne
1 s'était pas mis en frais d'éloquence, mais il
avait tenu à donner à dîner aux ambassadrices
du peuple de Paris.
?
i
Un matin de ce temps-là, un journaliste,
nommé Fréron, prit par le bras un poëte,
nommé Vadé, et lui dit :
, — Mon jeune ami, vous avez chanté les
dames de la Halle. Elles vous adorent et vou§
appellent « leur petit Jésus.» Menez-moi
donc les voir.
— Volontiers.
Sous les piliers des Halles, Fréron et Vadé
aperçurent trois hommes, arrêtés, chapeau
bas, devant une vieille maison.
Ces trois hommes étaient Piron, Collé et
un épicier, nommé' Gallet, chez lequel les
deux premiers venaient,d'entendre la lecture
d'une comédie, intitulée Polichinelle autew'.
Piron montrait la. maison et parlait à
pleine voix :
C'est lui qui a dit : et Soit qu'on fasse
bien, ou soit qu'on fasse mal, oh est toujours
payé de même sorte. Le méchante besogne
ne retombe jamais sur notre dos, et nous
taillons comme il nous plaît sur l'étoffe où
nous travaillons. Un cordonnier, en faisant
des souliers, ne saurait gâter un morceau de
cuir, qu'il n'en paye les pots cassés ; mais ici
l'on peut gâter un homm-e sans qu'il en coûte
rien. Les bévues ne sont point pour nous,
et c'est toujours la faute de celui qui meurt. »
— Voilà, s'écriait Piron, voilà qui est parler
de la médecine ! 0 Molière! Tu es clair, net,
précis pour tous. Même ceux qui ne savent
pas lire savent te comprendre!
Un homme de la Halle s'approcha.
— Ça, c'est bien vrai ! dit-il. Car j'en suis
là, et j'ai compris.
— Voilà, dit Piron, le plus bel éloge qu'on
fera jamais de Molière !
Et, apercevant Vidé :
— Où allez-vous donc? lui demanda-t-îT.
— Je vais conduire monsieur dans les
Halles.
. — Tiens, si nous allions aussi avec vous?
— Venez t...
Et les cinq auteurs de se mettre en route.
A l'entrée des Hallf's, un porteur énorme
prend Piron dans ses deux mains, le soulève
et le pose délicatement de côte, en disant :
— Ote-toi donc de là,petit père maigretî...
Puis, il prend une pose de zéphir, et s'é-
loigne en chantant :
Tamerlan,
Du merlan
Par trop avide,
Pour tâcher de se ralmer, -•*
Fait, frire... l'art d'aimer
D'Ovide.
Un peu plus loin, une poissarde reconnait
Vadé:
— Dieu! Qu'il est gentil! Comme il est
bichonné ! C'est un vrai petit, Jésus !..
Voyons, des nouvelles, mon ange. On dit
que le pape va supprimer le carême... Tiens ;
il ne répond pas... Dis-donc, petit, ta bouche
commence à se fendre. Prends-y garde ; ça
gagnera les oreilles, Il est vrai que ça sera'
un avantage ; tu ne prendras p'us l'une pour
l'autre... Mais, voyez-donc qu'il est sage au-
jourd'hui !... Il ne dit rien... Pauvre petit'
serin, va... S'il était dans !a rage de mon;
sansonnet, du mien, — pas d'un autre, je le
ferais chanter soir et matin... Je fais des vœux
pour que tu ne goûtes pas de la potence... ;
Car je crois que tu veux encore grandir.
.JfaéwMfr pou-babttué-aax- 'od'f wp» ~é«mar-
ché, se pince le nez. Une autre poissard e ;
l'apostrophe.
— Tiens, il est sujet-z'aux vapeurs .. Don- '
nez-lui du vinaigre. Il n'aime pas la. rose. Qui
tu es, qui tu es, avec ton grand chapeau et
ton habit qui se meurt?... Oh,! .lài làl U-
grince des dents, j'ai peur... Allons, vous êtes
encore dégourdi pour votre âge!... Trois pou-
lets d'Inde et vous, çà ferait-z'un fameux
attelage!...
Piron se met à rire.
— Dis donc, mignon de la 'grosse espece,
ton esprjt a l'air d'être tout en feu comme ton
habit. Ton habit et toi, on vous prendrait
pour un meuble du Châtelet... Dites donc,,
monsieur, ne courez pas si fort; vos mollets
vont tomber !...
— Combien ce joli bouquet? demande
LA
FEMME IMMORTELLE
PAR PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XXIV
23
Monsieur le marquis, reprit Conrad, je n'ai
point encore Qui. Permettez-moi donc de conti-
nuer.
: — Parlez, répliqua le marquis d'une voix
sourde.
— o,} brûla donc la sorcière, à la suite de
votre dénottektiun, poursuivit Conrad. Ç.
Le margrave et moi, nous demeurâmes sur la
place de Grève jusqu'à la fin du supplice.
La pauvre femme s'était vantée d'être immor-
telle. Cependant les flammes l'environnèrent, et
elle jeta des cris de douleur; pt.is, la fumée
monta, tourbillonna, l'enveloppa tout entière.
On entendit encore ses cris...
Puis ses cris cessèrent...
Et quand la flamme domina la fumée, on ne
vit plus qu'un corps calciné.
Janine avait vécu.
Alors le margrave dit à mon père :
— L'or est à nous, et le secret aussi.
Et ils se glissèrent hors de la place, et pri-
rent le chemin de la rue de l'Hirondelle.
Il faùt vous dire que lorsqu'on avait arrêté
Janine, on avait fait de nombreuses et minu-
ti, uses perquisitions dans sa maison.
Mais la police n'avait rien trouvé, par la
raison toute simple qu'elle n'avait pu découvrir
une porte mystérieuse dont elle et le margrave
avaient seuls connaissance.
Cette porte, qui était au fond du laboratoire
dissimulée dans une boiserie, mettait à décou-
vert, en s'ouvrant, un escalier et un corridor
souterrain.
Au bout de ce corridor se trouvait un second
1 laboratoire, et dans cette salle souterraine, fixé
dans le mur, le fameux coffre d'acier dont le
margrave avait maintenant la clé.
Ne trou ant rien, la police avait abandonné
la maison.
Nous attendîmes la nuit pour aller rue de
l'Hirondelle.
A neuf heures, quand le couvre-feu fut sonné,
quand les bourgeois furent rentrés chez eux,
mon père et le prince se dirigèrent vers la mai-
son.
A l'angle de la rue Gîtde-Cœur, le margrave
s'arrêta tout à coup.
— Qu'est ce? demanda mon père.
— Regarde.
Et il lui montrait une fenêtre derrière la-
quelle tremblotait une lumière.
— C'est la police sans doute qui fait une der-
nière visite, répondit mon père.
Ils demeurèrent au coin de la rua quelques
minutes encore.
Puis la lumière s'éteignit.
Alors le margrave se remit en route.
Il avait conservé une clé de la maison, et ils
entrèrent.
On n'entendit aucun bruit à l'intérieur et le
vestibule était ptongé dans les ténèbres.
Mais comme tous deux s'avançaient à bas
bruit dans l'obscurité, une fort» odeur de sou-
fre les prit à la gorge.
En même temps deux ombres glissèrent au-
près d'eux et le prince sentit ses cheveux soi
hérisser.
L'une de ces deux ombres paraissait être Gellf-
,d'un corps humain.
Mais l'autre était celle d'un quadrupède.
Elles gagnèrent la porte que le prince et son ,
compagnon avaient laissée ouverte, et 1 ors- i
qu'elles furent dans la rue, elles prirent !a fuite.
Le prince avait rebroussé chemin jusqu'au
seuil. :
Les deux ombres passèrent sous la lanterne,
unique qui éclairait la rue tant bien que mal, et:
alors le prince vit - distinctement, l'espace d'una'
seconde, une vieille femme qui se sauv :it à tou-
tes jambes, entrainant un boue qu'elle tenait en.
laisse.
Qu'était-ce que cette vieille femme? -
Le prince l'a su depuis.
C'était une espèce de sorcière, une diseuse dés
bonne aventure à qui Janine, autrefois, avait.,
donné une mission. '
Cette mission consistait à s'introduire dans
la maison, si jamais il lui arrivait malheur,
à s'emparer d'un petit coffret en ébène qui reai:
fermait des papiers importants. f
A qui la sorcière devait-elle remettre titi
conrat ?
Mystère !
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