Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-07-11
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 juillet 1868 11 juillet 1868
Description : 1868/07/11 (A3,N814). 1868/07/11 (A3,N814).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717816j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
- 5 cent. le numéro
5 cent, le numéro
t
Abonnements. — Troiswmois. six mois. Un an.
Paris » fr. 9 fr. 18 ft%
Départements.. 6 . il ge
Administrateur : E. DELSAOX.
3me année. — SAMEDI M JUILLET f 8()8. — N" 814
nirecic'U.'f-PropriétaÜ'e 1. J A. N N là,,i,
Rédacteur en cîwf : A. DE Balathier Bragh'lonisï.
Boréaux d'abonnement : sise Drouot.
ADMINISTRATION : 13,.place Breda.
PARIS, 10 JUILLET 1868
UNE DETTE NATIONALE
L'HÉRITIÈRE DE PARMENTIER
: -i \, V A
Un des plus beaux épisodes de ]lTisÏQire
d'un Paysan, par Erckrnann-Chatrian, est
celui-ci :
Un colporteur arrive un soir aêlnS un village
des Vosges, et, parmi les curiosités'qu'il rar-
porte, il montre un sac rempli de grosses pe-
lures grises.
—- Ces pelures, dit-il, viennent du Hanovre;
elles produisent des racines excellentes en si
grand nombre que les gens du pays en ont de
quoi mangAl" toute l'année.
Les paysans se récrient.
— A-t-on jamais vu planter des pelures?
C'est contraire au bon sens.
L'un d'eux cependant, plus intelligent et
moins routinier que les autres, interroge le
colporteur.
— Comment sont ces racines?
— Elles sont grosses commje le poing,
excellentes ï'i manger, saines et nourrissantes
On peut les faire cuire au beurre, à l'eau,
comme on veut.'L.'intérieur en est blanc et fa-
rineux eomme celui des châtaignes.
— La terre de mon clos serait-elle bonne
pour cette p1antation?
— Certainement. Mes racines viennent
partout. -
. Le paysan achète les pelures du tolporteur
et les enfouit dans sa terre. Tous ceux du
pays font des gorges chaudes. On se moque
de lui. On Lui dit qu'il aurait mieux fait de
planter des raves ou des cho x...
Enfin, une nuit, la rosée tombe avec abon-
dance, et le matin le soleil éclaire des touffes
de fil blanc qui s'étendent paient : les germes
des racines sortaient par milliers. Le village
est en révolution. Chaque jour, on vient voir
pousser la récolte nouvelle; on admire le
champ, pareil à un grand bouquet vert et
blanc
Au premier octobre, le propriétaire prend
une pioche et commence sa petite réco!te, au
milieu d'un cercle de curieux. La motte de
terre s'éparpille, et de grosses pommes roses
roulent à l'entour. La femme les ramasse dans
un panier, et l'on revient à la maison. Juste-
ment le colporteur est là.
— Voilà, lui dit-elle, ce qui vient de six
pieds seulement, et j'en ai déjà mis autant
dans la marmite. Vous dînerez avec nous.
"""',Les gens de la maison et leurs amis font
àèk commentaires.
^4- Sera-ce bon? dit l'un.
Pourvu que cela ait seulement le goût
d)jï navet, je n'en demande pas davantage.
/ — Vous goûterez, vous goûterez, réplique
le colporteur en riant.
Et tous, après avoir goûté, de s'écrier :
— Nous n'avons jamais rien mangé de
pareil !...
— Et dire qu'un quart d'arpent va me
donner quinze sacs de pommes! Non, c'est
trop beau. Maintenant on pourra se passer de
blé.
Les pommes de terre avaient passé le
Rhin.
Mais un village, perdu dans une vallée des
Vosges, n'est pas la France.
Le colporteur d'Erckmann-Gbakian n'avait
pas ses entrées à Versailles. ,
Ot\"tlans ce temps-là, le roi était tout, et,
quand un ami du peuple voulait faire quel-
que chose d'utile, il devait commencer par
aller à la cour demander qu'on approuvât
son intention.
Le colporteur national de la pomme de
terre se nommait Parmentier.
Il était né à Montdidier, dans le départe-
ment de la Somme, en 1737. Pauvre enfant,
privé de son père dès ses premières années,
il fut élevé par sa mère qui s'imposa pour lui
les plus dures privations. Le curé de la pe-
tite ville lui apprit le latin.
A dix-huit ans, devenu savant, et désireux
d'aider sa mère, notre petit latiniste entra,
pour piler des drogues, chez un apothicaire.
Au bout d'un an, il savait le métier et deve-
nait commis-pharmacien, il Paris.
En 1 î57, il était admis dans les hôpitaux
de l'armée. Dix ans plus tard, il obtenait au
concours la fonction d'apothicaire-adjoint à
l'hôtel des Invalides.
C'est pendant cette période de sa vie qu'il
se livra avec passion à l'étude des substances
alimentaires.
Dès le seizième siècle, des colons anglais
avaient envoyé d'Amérique à la mère-patrie la
pomme de terre, qu'ils avaient découverte et
cultivée là-bas.
Accueillie en France, elle fut cultivée dans
les jardins comme un objet de curiosité. Mais
on la regarda comme une plante dangereuse.
Selon les uns, cet aliment faisait dégénérer
l'espèce humaine. Selon les autres, il donnait
la lèpre. Selon d'autres, la pomme de terre
épuisait les terres fertiles, et elle ne pouvait
réussir dans les terrains médiocres.
Parmentier savait par expérience combien
la vie était difficile pour les pauvres gens.
L'histoire lui avait montré les paysans man-
geant de l'herbe, dans les dernières années
du siècle de Louis XIV; et les abominables
accapareurs du pacte de famine lui avaient
prouvé qu'une nation qui se nourrit de blé i
peut mourir de faim. j
Amour de la vérité chez le savant, amour i
du peuple chez l'orphelin de Montdidier,
désir de détruire un préjugé et de servir
l'humanité chez le philosophe, tout le poussa
à prendre la défense de la pomme de terre, à
populariser son emploi.
Il s'adressa à Louis XVI, et ce dernier,
bon homme et désireux de s'associer à un pro-
grès, accorda au pharmacien des Invalides
cinquante arpents en friche de la plaine des
Sablons.
Cette terre était réputée stérile et inculti-
vable. Parmentier l'avait choisie à dessein,
afin de confondre les agronomes qui repous-
saient sa plante favorite.
Il attendit avec confiance. Les pommes de
terre réussirent. Alors, ce brave homrne en
cueillit la première f\eur et se rendit à Ver-
sailles pour l'offrir au roi. Il y avait foule à la
cour. Les grands seigneurs se mirent' à rire.
Mais Louis XVI prit la fleur et la passa à la
boutonnière de son habit.
Désormais, de par le roi et la science, la
pomme de terre pouvait nourrir les pau-
vres.
La Révolution trouva Parmentier occupé à
de nouvelles tâches. Il propageait la mouture
économique et il avait écrit un traité sur la
boulangerie. Tout ce qui entre dans l'usage
journalier des aliments était l'objet de ses re-
cherches. Il voulait employer le sirop de rai-
sin pour remplacer le sucre. Il étudiait tour à
tour le maïs, la châtaigne, l'eau, le vin, le
lait...
Le gouvernement de la Convention lui at-
tribua une somme de 3,000 livres sur les gra-
tifications extraordinaires en faveur des sa-
vants et des artistes ; il le chargea de survola
ler les salaisons destinées à la marine.
Successivement président du Conseil de
salubrité de la Seine sous le Consulat, inspec-
teur général du service général de santé, ad-
ministrateur des hospices, ce bon citoyen,
grand de la vraie grandeur, celle qui s'attache
aux œuvres utiles, mourut en 1813, populaire
et respecté.
Au mois de juin 1848, la ville de Montdi-
dier a inauguré la statue du plus illustre de
ses enfants.
J'ai écrit, en tête de .cet article, ces mots :
— Une dette nationale.
En lisant la Petite Presse d'il y a trois
jours, vous avez trouvé cette triste nou-
velle :
Une petite nièce de Parmentier, Mme. de
Lignières, est aveugle et pauvre.
Le Courrier de Lyon a ouvert une sous-
cription en sa faveur.
Mon ami de BalatUier vous signalait cette
souscription. J'y reviens pour vous la recom-
mander de toutes mes forces.
Il faut que l'appel de notre confrère de
Lyon soit entendu. Il faut que chacun, dans
la mesure de tes ressources, contribue à cette
bonne œuvre. Les riches donneront une pièce
d'or, et les pauvres un gros sou ; mais tout
le monde donnera.
Parmentier a nourri trop d-e monde po^.r
qu'une de ses descendantes manque de pâl i.
TONY RÉVILLON.
P. S. — Au mÓment où je corrigeais l'é-
preuve de cet article, M. de Balathier recevait
la lettre suivante :
Monsieur le rédacteur
'Vous avez parlé dans votre numéro cfaujouriVli^î,
8 juillet, d'nllc pauvre femme qui. hah'tdrii. Ly o
et se trouvant dans un profond dénuon em, se pré-
tendrait nièce de l'illustre Parmentier, le propa-
gateur de la pomme de terre, le bienfaiteur ùu-
peuple, et vous avez appelé sur cotte infortune !u
commisération publique. Je m'empresse, en ou-,
lité de descendant de Parmentier, de rectifier li-
fait erroné dont vous vous êtes fait l'écho de la
meilleure foi du monde, je n'en doute pas. Le cé-
lèbre philanthrope Pannenticr est décédé en 1813,
laissant pour ses seuis et uniques héritiers, deux
neveux qui n'existent plus aujourd'hui; de ce-
deux neveux sont issus quatre fils et une fille, t:;i'i
sont aujourd'hui les seuls représentants de Par-
mentier : ces cinq personnes .sont dans une posi-
tion honorable qui les met au-dessus du besoin.
La femme dent vous parlez peut être digne d'lU-'
LA
FEMME IMMORTELLE
mess=""21 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XXII
A partir de ce moment où le prince mar-grave
avait offert son sang pour de l'argent à la femme
masquée jusqu'à celui où mon père les -vit en
présence dans le laboratoire d'alchimie, il ne le
sut jamais positivement.
Mais il put le deviner par la suite.
Le prince avait exercé tout à coup sur cette
femme une mystérieuse fascination.
Ycir les numéros parus depuis le 21 juin.
L'avait-elle emmené ? C'est probable.
Quand le prince et mon père vinrent s'instal-
ler rue de l'Hirondelle, elle l'aimait déjà pas-
sionnément, follement et l'avait associé à sa
fortune.
Or, cette fortune consistait dans le secret que
possédait, cette singulière créature de faire de
l'or.
Un or vrai, pur, de bon aloi, et que tous les
orfèvres de Paris avaient contrôlé sans hé-
siter.
Cependant eKe n'avait point révélé fem secret
tout entier.
Le prince savait qu'il fallait du cuivre, du
plomb, de l'étain, que ces trois métaux, mis en
fusion dans un creuset, étaient additionnés d'une
poudre mystérieuse qui leur servait de liaison ;
mais il ne savait ni le nom de cette poudre, ni le
moyen de se la procurer.
Les trois métaux réunis devenaient, après
trente-six heures de fusion, un seul et même
bloc d'apparence brune et presque noirâtre.
Il s'agissait alors de le clarifier.
Pour cela, on le jetait tout brûlant dans un
bain de sang de mouton ou de taureau, dans
lequel on avait mélangé du sang humain pour un
dixième environ.
Or, sauf ce-lui. de la poudre mystérieuse, la
fille alcbiialsie avait livré tous les autres secrets
au prince^ pour qui son amour était arrivé au
paroxysme de la folie et du délire.
Ainsi, au bout de huit jours, le prince savait
que cette femme à laquelle il donnait le nom
de JanÍne, poursuivait un plus noble but que
celui d'avoir de l'or. Il lui en fallait beaucoup,
elle voulait arriver à posséder des trésors im-
menses, mais pourquoi?
Pour venger sa race persécutée et proscrite
durant un siècle, et frapper des ennemis puis-
sants.
Le prince savait encore que pour se procurer
ce .'•ang humain, Janine avait souvent à lutter
contre des difficultés inouïes.
On ne trouvait pas toujours des hommes de
bonne volonté qui vendissent leur sang.
Jusqu'au jour où elle rencontra le prince, Ja-
nine avait fait honnêtement ce métier, et la
pensée d'un crime ne lui était jamais venue.
Mais le prince, je vous l'ai dit, exerça sur
elle une puissance irrésistible, une domination
tellement fatale , qu elle lui obéit aveuglé-
ment.
Jusqu alors, elle avait fabriqué pour cinq ou
six mille livres d'or par mois.
Cet or fabriqué, elle en faisait deux parts :
l'une allait grossir la masse de ce trésor mysté-
rieux qu'elle amassait pour sa vengeance.
L'autre servait aux prodigalités du prince
Car ne croyez pas, mansieur le marquis, re-
prit l'intendant Conract, après quelques minutes
de repos, ne croyez ça s que le prince se soit
enseveli tout vivant dans le laboratoire de Ja-
iJÍne.
Pendant un an, le prince, devenu richa tout à
coup, éblouit Pa-ris et Versailles de son luxe,
te lia avec le baron de V... et le comte d'Au-
vergne, deux mauvais sujets, et, tandis que Ja-
Jlioo travaillait pour lui, il se livra à tous Iea
plaisirs.
Janine, je vous l'ai dit, l'aimait avec furie.
Le prince lui dit un jour :
— Il me faut de l'or, beaucoup plus d'or qui
ce que tu m'en donnes.
— Je n'en puis fa re, cependant, qu une cet-
taine quantité, répondit-elle.
— Pourquoi ?
— Mais parce que c'est le ?ang humain qtt
nous manque.
N'est-ce que cela. ? dit le prince en riant.
A partir de ce jour, il se passa des choses
horribles dans la maison de la rue de l'Hiron-
delle.
On entendit de sourdes rameurs dans Paris ;
il fut question d'hommes disparus, d'enfants
enlevés, de cadavres qu'on retrouvait dans les
filets c'e Saint-Cloud et qui paraissaient awi
été saignés comme des oorcs.
JOURNAL QUOTIDIEN
- 5 cent. le numéro
5 cent, le numéro
t
Abonnements. — Troiswmois. six mois. Un an.
Paris » fr. 9 fr. 18 ft%
Départements.. 6 . il ge
Administrateur : E. DELSAOX.
3me année. — SAMEDI M JUILLET f 8()8. — N" 814
nirecic'U.'f-PropriétaÜ'e 1. J A. N N là,,i,
Rédacteur en cîwf : A. DE Balathier Bragh'lonisï.
Boréaux d'abonnement : sise Drouot.
ADMINISTRATION : 13,.place Breda.
PARIS, 10 JUILLET 1868
UNE DETTE NATIONALE
L'HÉRITIÈRE DE PARMENTIER
: -i \, V A
Un des plus beaux épisodes de ]lTisÏQire
d'un Paysan, par Erckrnann-Chatrian, est
celui-ci :
Un colporteur arrive un soir aêlnS un village
des Vosges, et, parmi les curiosités'qu'il rar-
porte, il montre un sac rempli de grosses pe-
lures grises.
—- Ces pelures, dit-il, viennent du Hanovre;
elles produisent des racines excellentes en si
grand nombre que les gens du pays en ont de
quoi mangAl" toute l'année.
Les paysans se récrient.
— A-t-on jamais vu planter des pelures?
C'est contraire au bon sens.
L'un d'eux cependant, plus intelligent et
moins routinier que les autres, interroge le
colporteur.
— Comment sont ces racines?
— Elles sont grosses commje le poing,
excellentes ï'i manger, saines et nourrissantes
On peut les faire cuire au beurre, à l'eau,
comme on veut.'L.'intérieur en est blanc et fa-
rineux eomme celui des châtaignes.
— La terre de mon clos serait-elle bonne
pour cette p1antation?
— Certainement. Mes racines viennent
partout. -
. Le paysan achète les pelures du tolporteur
et les enfouit dans sa terre. Tous ceux du
pays font des gorges chaudes. On se moque
de lui. On Lui dit qu'il aurait mieux fait de
planter des raves ou des cho x...
Enfin, une nuit, la rosée tombe avec abon-
dance, et le matin le soleil éclaire des touffes
de fil blanc qui s'étendent paient : les germes
des racines sortaient par milliers. Le village
est en révolution. Chaque jour, on vient voir
pousser la récolte nouvelle; on admire le
champ, pareil à un grand bouquet vert et
blanc
Au premier octobre, le propriétaire prend
une pioche et commence sa petite réco!te, au
milieu d'un cercle de curieux. La motte de
terre s'éparpille, et de grosses pommes roses
roulent à l'entour. La femme les ramasse dans
un panier, et l'on revient à la maison. Juste-
ment le colporteur est là.
— Voilà, lui dit-elle, ce qui vient de six
pieds seulement, et j'en ai déjà mis autant
dans la marmite. Vous dînerez avec nous.
"""',Les gens de la maison et leurs amis font
àèk commentaires.
^4- Sera-ce bon? dit l'un.
Pourvu que cela ait seulement le goût
d)jï navet, je n'en demande pas davantage.
/ — Vous goûterez, vous goûterez, réplique
le colporteur en riant.
Et tous, après avoir goûté, de s'écrier :
— Nous n'avons jamais rien mangé de
pareil !...
— Et dire qu'un quart d'arpent va me
donner quinze sacs de pommes! Non, c'est
trop beau. Maintenant on pourra se passer de
blé.
Les pommes de terre avaient passé le
Rhin.
Mais un village, perdu dans une vallée des
Vosges, n'est pas la France.
Le colporteur d'Erckmann-Gbakian n'avait
pas ses entrées à Versailles. ,
Ot\"tlans ce temps-là, le roi était tout, et,
quand un ami du peuple voulait faire quel-
que chose d'utile, il devait commencer par
aller à la cour demander qu'on approuvât
son intention.
Le colporteur national de la pomme de
terre se nommait Parmentier.
Il était né à Montdidier, dans le départe-
ment de la Somme, en 1737. Pauvre enfant,
privé de son père dès ses premières années,
il fut élevé par sa mère qui s'imposa pour lui
les plus dures privations. Le curé de la pe-
tite ville lui apprit le latin.
A dix-huit ans, devenu savant, et désireux
d'aider sa mère, notre petit latiniste entra,
pour piler des drogues, chez un apothicaire.
Au bout d'un an, il savait le métier et deve-
nait commis-pharmacien, il Paris.
En 1 î57, il était admis dans les hôpitaux
de l'armée. Dix ans plus tard, il obtenait au
concours la fonction d'apothicaire-adjoint à
l'hôtel des Invalides.
C'est pendant cette période de sa vie qu'il
se livra avec passion à l'étude des substances
alimentaires.
Dès le seizième siècle, des colons anglais
avaient envoyé d'Amérique à la mère-patrie la
pomme de terre, qu'ils avaient découverte et
cultivée là-bas.
Accueillie en France, elle fut cultivée dans
les jardins comme un objet de curiosité. Mais
on la regarda comme une plante dangereuse.
Selon les uns, cet aliment faisait dégénérer
l'espèce humaine. Selon les autres, il donnait
la lèpre. Selon d'autres, la pomme de terre
épuisait les terres fertiles, et elle ne pouvait
réussir dans les terrains médiocres.
Parmentier savait par expérience combien
la vie était difficile pour les pauvres gens.
L'histoire lui avait montré les paysans man-
geant de l'herbe, dans les dernières années
du siècle de Louis XIV; et les abominables
accapareurs du pacte de famine lui avaient
prouvé qu'une nation qui se nourrit de blé i
peut mourir de faim. j
Amour de la vérité chez le savant, amour i
du peuple chez l'orphelin de Montdidier,
désir de détruire un préjugé et de servir
l'humanité chez le philosophe, tout le poussa
à prendre la défense de la pomme de terre, à
populariser son emploi.
Il s'adressa à Louis XVI, et ce dernier,
bon homme et désireux de s'associer à un pro-
grès, accorda au pharmacien des Invalides
cinquante arpents en friche de la plaine des
Sablons.
Cette terre était réputée stérile et inculti-
vable. Parmentier l'avait choisie à dessein,
afin de confondre les agronomes qui repous-
saient sa plante favorite.
Il attendit avec confiance. Les pommes de
terre réussirent. Alors, ce brave homrne en
cueillit la première f\eur et se rendit à Ver-
sailles pour l'offrir au roi. Il y avait foule à la
cour. Les grands seigneurs se mirent' à rire.
Mais Louis XVI prit la fleur et la passa à la
boutonnière de son habit.
Désormais, de par le roi et la science, la
pomme de terre pouvait nourrir les pau-
vres.
La Révolution trouva Parmentier occupé à
de nouvelles tâches. Il propageait la mouture
économique et il avait écrit un traité sur la
boulangerie. Tout ce qui entre dans l'usage
journalier des aliments était l'objet de ses re-
cherches. Il voulait employer le sirop de rai-
sin pour remplacer le sucre. Il étudiait tour à
tour le maïs, la châtaigne, l'eau, le vin, le
lait...
Le gouvernement de la Convention lui at-
tribua une somme de 3,000 livres sur les gra-
tifications extraordinaires en faveur des sa-
vants et des artistes ; il le chargea de survola
ler les salaisons destinées à la marine.
Successivement président du Conseil de
salubrité de la Seine sous le Consulat, inspec-
teur général du service général de santé, ad-
ministrateur des hospices, ce bon citoyen,
grand de la vraie grandeur, celle qui s'attache
aux œuvres utiles, mourut en 1813, populaire
et respecté.
Au mois de juin 1848, la ville de Montdi-
dier a inauguré la statue du plus illustre de
ses enfants.
J'ai écrit, en tête de .cet article, ces mots :
— Une dette nationale.
En lisant la Petite Presse d'il y a trois
jours, vous avez trouvé cette triste nou-
velle :
Une petite nièce de Parmentier, Mme. de
Lignières, est aveugle et pauvre.
Le Courrier de Lyon a ouvert une sous-
cription en sa faveur.
Mon ami de BalatUier vous signalait cette
souscription. J'y reviens pour vous la recom-
mander de toutes mes forces.
Il faut que l'appel de notre confrère de
Lyon soit entendu. Il faut que chacun, dans
la mesure de tes ressources, contribue à cette
bonne œuvre. Les riches donneront une pièce
d'or, et les pauvres un gros sou ; mais tout
le monde donnera.
Parmentier a nourri trop d-e monde po^.r
qu'une de ses descendantes manque de pâl i.
TONY RÉVILLON.
P. S. — Au mÓment où je corrigeais l'é-
preuve de cet article, M. de Balathier recevait
la lettre suivante :
Monsieur le rédacteur
'Vous avez parlé dans votre numéro cfaujouriVli^î,
8 juillet, d'nllc pauvre femme qui. hah'tdrii. Ly o
et se trouvant dans un profond dénuon em, se pré-
tendrait nièce de l'illustre Parmentier, le propa-
gateur de la pomme de terre, le bienfaiteur ùu-
peuple, et vous avez appelé sur cotte infortune !u
commisération publique. Je m'empresse, en ou-,
lité de descendant de Parmentier, de rectifier li-
fait erroné dont vous vous êtes fait l'écho de la
meilleure foi du monde, je n'en doute pas. Le cé-
lèbre philanthrope Pannenticr est décédé en 1813,
laissant pour ses seuis et uniques héritiers, deux
neveux qui n'existent plus aujourd'hui; de ce-
deux neveux sont issus quatre fils et une fille, t:;i'i
sont aujourd'hui les seuls représentants de Par-
mentier : ces cinq personnes .sont dans une posi-
tion honorable qui les met au-dessus du besoin.
La femme dent vous parlez peut être digne d'lU-'
LA
FEMME IMMORTELLE
mess=""21 PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XXII
A partir de ce moment où le prince mar-grave
avait offert son sang pour de l'argent à la femme
masquée jusqu'à celui où mon père les -vit en
présence dans le laboratoire d'alchimie, il ne le
sut jamais positivement.
Mais il put le deviner par la suite.
Le prince avait exercé tout à coup sur cette
femme une mystérieuse fascination.
Ycir les numéros parus depuis le 21 juin.
L'avait-elle emmené ? C'est probable.
Quand le prince et mon père vinrent s'instal-
ler rue de l'Hirondelle, elle l'aimait déjà pas-
sionnément, follement et l'avait associé à sa
fortune.
Or, cette fortune consistait dans le secret que
possédait, cette singulière créature de faire de
l'or.
Un or vrai, pur, de bon aloi, et que tous les
orfèvres de Paris avaient contrôlé sans hé-
siter.
Cependant eKe n'avait point révélé fem secret
tout entier.
Le prince savait qu'il fallait du cuivre, du
plomb, de l'étain, que ces trois métaux, mis en
fusion dans un creuset, étaient additionnés d'une
poudre mystérieuse qui leur servait de liaison ;
mais il ne savait ni le nom de cette poudre, ni le
moyen de se la procurer.
Les trois métaux réunis devenaient, après
trente-six heures de fusion, un seul et même
bloc d'apparence brune et presque noirâtre.
Il s'agissait alors de le clarifier.
Pour cela, on le jetait tout brûlant dans un
bain de sang de mouton ou de taureau, dans
lequel on avait mélangé du sang humain pour un
dixième environ.
Or, sauf ce-lui. de la poudre mystérieuse, la
fille alcbiialsie avait livré tous les autres secrets
au prince^ pour qui son amour était arrivé au
paroxysme de la folie et du délire.
Ainsi, au bout de huit jours, le prince savait
que cette femme à laquelle il donnait le nom
de JanÍne, poursuivait un plus noble but que
celui d'avoir de l'or. Il lui en fallait beaucoup,
elle voulait arriver à posséder des trésors im-
menses, mais pourquoi?
Pour venger sa race persécutée et proscrite
durant un siècle, et frapper des ennemis puis-
sants.
Le prince savait encore que pour se procurer
ce .'•ang humain, Janine avait souvent à lutter
contre des difficultés inouïes.
On ne trouvait pas toujours des hommes de
bonne volonté qui vendissent leur sang.
Jusqu'au jour où elle rencontra le prince, Ja-
nine avait fait honnêtement ce métier, et la
pensée d'un crime ne lui était jamais venue.
Mais le prince, je vous l'ai dit, exerça sur
elle une puissance irrésistible, une domination
tellement fatale , qu elle lui obéit aveuglé-
ment.
Jusqu alors, elle avait fabriqué pour cinq ou
six mille livres d'or par mois.
Cet or fabriqué, elle en faisait deux parts :
l'une allait grossir la masse de ce trésor mysté-
rieux qu'elle amassait pour sa vengeance.
L'autre servait aux prodigalités du prince
Car ne croyez pas, mansieur le marquis, re-
prit l'intendant Conract, après quelques minutes
de repos, ne croyez ça s que le prince se soit
enseveli tout vivant dans le laboratoire de Ja-
iJÍne.
Pendant un an, le prince, devenu richa tout à
coup, éblouit Pa-ris et Versailles de son luxe,
te lia avec le baron de V... et le comte d'Au-
vergne, deux mauvais sujets, et, tandis que Ja-
Jlioo travaillait pour lui, il se livra à tous Iea
plaisirs.
Janine, je vous l'ai dit, l'aimait avec furie.
Le prince lui dit un jour :
— Il me faut de l'or, beaucoup plus d'or qui
ce que tu m'en donnes.
— Je n'en puis fa re, cependant, qu une cet-
taine quantité, répondit-elle.
— Pourquoi ?
— Mais parce que c'est le ?ang humain qtt
nous manque.
N'est-ce que cela. ? dit le prince en riant.
A partir de ce jour, il se passa des choses
horribles dans la maison de la rue de l'Hiron-
delle.
On entendit de sourdes rameurs dans Paris ;
il fut question d'hommes disparus, d'enfants
enlevés, de cadavres qu'on retrouvait dans les
filets c'e Saint-Cloud et qui paraissaient awi
été saignés comme des oorcs.
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