Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-07-10
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 juillet 1868 10 juillet 1868
Description : 1868/07/10 (A3,N813). 1868/07/10 (A3,N813).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178154
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
~
JOURNAL QUOTIDIEN - ~
1
S cent. le niifaéro
5 cent. le Ruseêra,
AbONNRMKKTS. — Troisyoïois. Six mois. un 8n.
Parie & fr. 9 fr. 2 s fI'.
Départements.. G il
- Administrateur : E. DELSAUX. iet
3"* année. — VENDREDI 10 JUILLET i 8tis. —843
Directeur-Prepric taire : Jaknin.
Rédacteur en chef: A. DE Balathikr Bragbl.on.nr»
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, me Dronol
Administration : 13, place Breda.
PARIS, 9 JUILLET 1868
UNE DATE
LE PERRUQUIER BONAPARTE
Le 7 juillet 1815, à la tombée de la nuit,
une voiture de voyage attelée dedeux chevaux
s'arrêta devant la grille du château de Ram-
bouillet. Une grosse tête pâle passa par la por-
tière. Une voix dit :
— Hébert ! Où donc est Hébert?
Une femme accourut, un trousseau de clés
i la main.
— L'Eriipereur ! s'écria-t-elle.
Et elle s'empressa d'ouvrir la grille.
Hébert était, depuis 1804, le concierge du
thâteau de Rambouillet.
A coup sûr, l'histoire n'a que faire de cette
honnête figure. Mais elle appartient à la chro-
nique, et je profite du hasard d'une date pour
la tirer de l'oubli.
Hébert était un volontaire de 92. Il cumu-
lait les fonctions de fifre dans la musique de
sa demi-brigade et de barbier dans sa compa-
gnie. il appartenait à cette première armée
d'Italie, qui passa trois ans dans les Alpes
sou!' Dilmerbion, Kellermann et Schérer.
On n'avait pas le sou, et les assignats n'a-
vaient pas cours. Aussi nos soldats républi-
cailM
comme aux premiers âges. Hébert donnait
une leçon de danse moyennant une ration
d'eau-de-vie, et rasait moyennant une ration
tie pain. Du reste, l'uniforme en lambeaux
comme ses camarades, sans souliers, et réduit
à marauder les poules égarées dans les ro- 1
chers de la Ligurie.
Vers le mois de mars 1796,un nouveau géné-
* ral arriva pour remplacer le vieux Schérer.
C'était un tout jeune homme, maigre, le teint
brouillé, les cheveux plats tombant sur le col-
let de l'uniforme, l'œil bleu plein d'éclairs.
Les soldats se firent beaux pour le recevoir. On
n'avait pas d'habit, c'est vrai, mais les queues
étaient arrangées coquettement et les joues
soigneusement rasées. La compagnie d'Hébert
entre autres était superbe. Le général s'arrêta
devant elle et contempla avec satisfaction ces
pauvres diables si mal vêtus et si bien pei-
gnés.
— En v'ià un qui s'y connaît! dit tout haut
Hébe.rt. C'est moi qui voudrais être son per-
ruquier !..
] L'autre fit semblant de ne pas entendre et
/passa.
— Vive la république ! criaient les soldats;
vive le général Bonaparte ! .
Quelque temps après, l'armée française
campait autour de Milan. Des baraques s'é-
taient élevées comme par enchantement et nos
vainqueurs, la bourse désormais garnie, pou-
vaient s'approvisionner à volonté. Un matin,
Bonaparte visitait ses hommes. Une baraque
bleue de ciel, semée d'étoiles d'or, attira son
attention.
— Quel luxe! dit-il en riant à Augereau
qui l'accompagnait.
— Et l'enseigne, donc! dit Augereau.
L'enseigne, en lettres d'argent, portait ces
mots :
Au Rasoir tl'hoiineiii- ; Hébert, perruquier.
Le jeune général fronça le sourcil. -
L'institution des sabres et des fusils d'hon-
neur faisait alors merveille, et il voyait dans
l'enseigne une raillerie contre cette institu-
tion.
En ce^noment, le propriétaire de la baraque
parut :
— Ton nom? •
— Hébert, comme mon père et ma mère.
— Tu faisais partie de l'armée du Rhin?
— Jamais, mon général! Volontaire d'Ita-
lie, j'aîTnerTmetrrtsrt —
— Tu te moques des armes d'honneur avec
ton inscription.
— Moi, mon général ! Il n'y a pas de dan-
ger. L'autre jour, je me trouvais en train
de raser, à l'ambulance, un grenadier de la
326 demi-brigade, qui avait été un peu égra-
tigné à Lodi, et qui allait reprendre son ser-
vice. Mais, comme de raison, il voulait se pa-
rer pour la fête, et ne pas se présenter en
négligé aux Autrichiens.
— Au fait.
— Il était donc assis sur une borne, vu
qu'il n'y avait pas de chaises, et je le rajeu-
nissais pendant qu'on se battait à deux cents
pas de là.
— Abrége, abrège.
— Il avait déjà la moitié de la figure supé-
rieurement rasée, et j'attaquais l'autre côté...
î
Mais ne ilà-t-il pas qu'il nous arrive, à une
toise de nèns, une grenade ou un obus des
autres, qtà nous couvre de terre des pieds à
la tête... ?
— Le gfenaoier n'a pas bougé, j'en suis sûr.
— Ni àioi non plus, citoyen général...
C'est-à-dijre si, j'ai bougé, au contraire. « Ne
vous dérangez pas, camarade, » que je dis à
l'ancien;^,et là-dessus je m'approche de
l'obus, j'eg arrache la mèche, je l'éteins sous '
mon piedt et jeTeviens achever mon homme
sans lui Aire seulement une goutte de sang.
C'est d'awès ça que. les camarades ont cru
devoir m rendre l'hommage que vous voyez
an-dcssu de ma cabane. Citoyen général,
voilà la i rite.
— Tu e trembles pas facilement, à ce qu'il
paraît ?
— Co me vous voyez, mon général.
— Eh' tien ! viens me trouver à Milan !
Deux j tirs après, Hébert était devenu le
barbier u général en chef, et l'empereur
d. Allem ne n'était pas son cousin.
Encor quelque temps, et il écrivait à son
père : j
a En a, nous avons signé le traité de
Campo- rmio. Vous, verrez çà, papa. Nous
avons d ni la paix à l'Europe, et nous par-
tons dei&ajn. Par exemple, je ne sais pas à
quelle hilÎre. Mais ce sera de bon matin; car
je suis commandé pour une heure après mi-
nuit... »j • ' j
* .
L'année suivante, Hébert s'embarquait pour
aller conquérir l'Egypte. Il était devenu valet
iln i h iuww> de bons appointements et des satisfactions
d'amour-propre'sans prix.
— Hébert, que penses-tu de ce ppys-ci ?
— Citoyen général, je pense qu'il y fait
très-chaud.
— Les Pyramides ?
— C'est bon pour écrire son nom dessus
comme sur le belvédère du Jardin des
Plantes.
— Les habitants ?
— Peuh ! Ils coupent leurs cheveux et ne
coupent pas leur barbe 1
Hébert était ami de la queue. Il ne pouvait
pas comprendre les tètes rasées et son antipa-
thie contre le mameluck Roustan que Bona-
parte venait de prendre à son service devint
de la haine. Cela fut cause de petites querelles
intérieures qui déplurent au patron.
Cependant, il garda ses deux serviteurs, et '
le barbier d'Italie fit toute la campagne d'E-
gypte, chargé du nécessaire de vermeil que .
Joséphine de Beauharnais avait donné à son
second mari.. i
Marengo. La veille de la bataille,un homme, '
fts" habits en 'dé'so*rdre, couvert de poussière,
essaye de pénétrer auprès du Premier Consul. •
Les grenadiers de faction croisent la baïon-
nette. Roustan le saisit à bras-le-corps. !
• —Toi ! je te connais !...
Bèrthier arrive au bruit. L'inconnu se dé-
gage et court à lui.:
— Mon général, dites au citoyen Premier
Consul que c'est moi, Hébert.
Berthier l'introduit. •'« • •
Le premier mot du perruquier fut un cri
de désespoir.. (
— Comment! vous n'avez plus vos che-
veux! C'est parce que je n'étais pas là pour
vous corner que vous vous étes-f!ait -toiidre!...
— D'où viens-tu, mon pauvre Hébert? de-
manda Bonaparte. *
— D'Egypte, où vous m'aviez oublié, soit
dit sans reproche.
— J'ai oublié bien du mende, en Egypte;
mais il fallait revenir. Puisque te voilà, toi, •
le mal peut se réparer. Je suis monté en
grade. Il est juste que tu en profites. Je te
nomme mon premier valet de chambre, en,
attendant mieux...
! Le mieux ne se fit pas attendre. Le jour
où le Sénat déclara Napoléon empereur , Hé-
bert reçut la conciergerie du château de Raro-,
bouillet. Une bonne loge. Il s'y maria et il
eut deraHH|fr que les
tur sur leurs genoux.. ■ ; .
.Au moment où Mme Hébert ouvrait la
grille à Napoléon, en route pour Sainte-
Hélène, Hébert courait les rues de Paris, à
la recherche de son ancien maître vaincu à.
Waterloo.
L'Empereur passa la nuit à Rambouillet.
Le lendemain, au moment du départ, il fit
venir la concierge et lui donna quelques
ordres. Il s'agissait de meubles à envoyer à
Rochefort. » '
La pauvre femme se mit à genoux en,
pleurant. Il la releva et l'embrassa en di-
sant :
LA
FEMME IMMORTELLE
PAR
mess=""Qjâ PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XX
M. de la Roche-Lambert écoutait avidement
ie récit de maître Conrad.
Celui-ci continua :
— Maintenant, monsieur le marquis , je vais
rous dire en deux môts quelle était cette femme
et ce que signifiaient les objets bizarres it les
choses sanglantes qui l'entouraient.
Voir les numéros parus depuis Je 21 juin.
Mon père était entré, à la suite du margrave,
dans un laboratoire d'alchimie.
Cette femme avait trouvé le moyen de faire
de l'or.
— En effet, interrompit le marquis, je me
souviens que lorsqu'on la jugea comme vampire,
elle protesta de toutes ses forces et prétendit
qu'elle n'avait j amais abusé du sang humain
pour autre chose que pour ses préparations
mystérieuses.
— Et elle disait vrai, monsieur le marquis.
— Est-il possible?
— En deux mots, poursuivit Conrad, je vous
aurai mis au courant de ce qui se passa réel-
lement dans la maison de la rue de l'Hiron-
delle.
Seulement, laissez.moi commencer par le
commencement, c'est-à-dire vous raconter com-
1 ment le prince et cette femme s'étaient rencon-
trés. *
— Je vous écoute, fit le marquis.
Deux jours auparavant, reprit Conrad, le
prince margrave, en proie à une sombre tris-
tesse, qui n'avait d'autre cause que l'insuccès de
ses démarches et son dénûment presque ab-
solu, était entré par hasard après avoir long-
temps cheminé à l'aventure, dans une sorte de l~
bouge au-dessus duquel pendait un rameau de
, tour
Ce cabaret,qui était au bord de l'eau, se trou-
vait presque désert lorsque le prince y entra, et
une demi obscurité y régnait.
Le cabaretier apporta du vin dans un pot d'é-
tain à ce client qu il voyait pour la première fois,
puis il retourna à son comptoir.
Deux hommes du peuple, des mariniers sans
doute, causaient à mi-voix à une table voisine
de celle du prince.
L'un d'eux disait :
j — Voici longtemps que la femme masquée
n'est pas venue.
— C'est vrai, répondait l'autre.
— L'ouvrage ne va pas sur la rivière, reprit le
premier et je ne serais pas fâché qu'elle vint.
Deux pistoles sont toujours bonnes à prendre.
— Pardieu! dit l'autre, il est vrai que pour
ces deux pistoles nous lui donnons bien une
pinte de sang.
— C'est encore vrai, ce que tu dis. Mais quand
on est robuste comtne nous...
Cette conversation étrange frappa le prince
margrave, et, bien qu'il fùt un noble seigneur,
il ne dédaigna point de s'approcher de ces hom-
mes et de les questionner.
Ceux-ci ne lui firent pas grand mystère.
— Monseigneur, lui dit le premier, car tout
pauvre et tout r&oé au'ii était. le prince avait
grande mine, ce que, vous voulez savoir est bien-
simple..
Il vient de temps en temps ici une femme dont'
nous n'avons jamais vu le visage, mais qui est
envoyée pai' un médecin.
Ce médecin fait des expériences, paraît-il, et
il a besoin pour cela de sang humain.
Elle cherche, nous a-t-elle dit, un remède
souverain contre une maladie considérée comme
mortelle jusqu'à présent.
— Et il lui faut du sang humain. pour
cela ?
Il paraît. Ator3, de pauvres gens comme
nous, qui ont bien de la peine à vivre, consen-
tent, moyennant deux pistoles, quelquefois trois»
à tendre leur bras.
Cette femme tire de sa poche une lancette ec
une petite aiguière d'argent qu'elle a sous ses-
vêlements, nous fait une petite piqûre à l'avantL
bras, nous soutire un peu de sang qui, tombe
dans l'aiguière et s'en va, après nous avoir
payés.
— Et vous vous laissez taure ? demanda Je
prince. j
Il faut bien vivre, dit l'autre homme da
peuple.
— Mais une pareille chose est-elle donc
mise J fit encore le margrave
~
JOURNAL QUOTIDIEN - ~
1
S cent. le niifaéro
5 cent. le Ruseêra,
AbONNRMKKTS. — Troisyoïois. Six mois. un 8n.
Parie & fr. 9 fr. 2 s fI'.
Départements.. G il
- Administrateur : E. DELSAUX. iet
3"* année. — VENDREDI 10 JUILLET i 8tis. —843
Directeur-Prepric taire : Jaknin.
Rédacteur en chef: A. DE Balathikr Bragbl.on.nr»
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, me Dronol
Administration : 13, place Breda.
PARIS, 9 JUILLET 1868
UNE DATE
LE PERRUQUIER BONAPARTE
Le 7 juillet 1815, à la tombée de la nuit,
une voiture de voyage attelée dedeux chevaux
s'arrêta devant la grille du château de Ram-
bouillet. Une grosse tête pâle passa par la por-
tière. Une voix dit :
— Hébert ! Où donc est Hébert?
Une femme accourut, un trousseau de clés
i la main.
— L'Eriipereur ! s'écria-t-elle.
Et elle s'empressa d'ouvrir la grille.
Hébert était, depuis 1804, le concierge du
thâteau de Rambouillet.
A coup sûr, l'histoire n'a que faire de cette
honnête figure. Mais elle appartient à la chro-
nique, et je profite du hasard d'une date pour
la tirer de l'oubli.
Hébert était un volontaire de 92. Il cumu-
lait les fonctions de fifre dans la musique de
sa demi-brigade et de barbier dans sa compa-
gnie. il appartenait à cette première armée
d'Italie, qui passa trois ans dans les Alpes
sou!' Dilmerbion, Kellermann et Schérer.
On n'avait pas le sou, et les assignats n'a-
vaient pas cours. Aussi nos soldats républi-
cailM
comme aux premiers âges. Hébert donnait
une leçon de danse moyennant une ration
d'eau-de-vie, et rasait moyennant une ration
tie pain. Du reste, l'uniforme en lambeaux
comme ses camarades, sans souliers, et réduit
à marauder les poules égarées dans les ro- 1
chers de la Ligurie.
Vers le mois de mars 1796,un nouveau géné-
* ral arriva pour remplacer le vieux Schérer.
C'était un tout jeune homme, maigre, le teint
brouillé, les cheveux plats tombant sur le col-
let de l'uniforme, l'œil bleu plein d'éclairs.
Les soldats se firent beaux pour le recevoir. On
n'avait pas d'habit, c'est vrai, mais les queues
étaient arrangées coquettement et les joues
soigneusement rasées. La compagnie d'Hébert
entre autres était superbe. Le général s'arrêta
devant elle et contempla avec satisfaction ces
pauvres diables si mal vêtus et si bien pei-
gnés.
— En v'ià un qui s'y connaît! dit tout haut
Hébe.rt. C'est moi qui voudrais être son per-
ruquier !..
] L'autre fit semblant de ne pas entendre et
/passa.
— Vive la république ! criaient les soldats;
vive le général Bonaparte ! .
Quelque temps après, l'armée française
campait autour de Milan. Des baraques s'é-
taient élevées comme par enchantement et nos
vainqueurs, la bourse désormais garnie, pou-
vaient s'approvisionner à volonté. Un matin,
Bonaparte visitait ses hommes. Une baraque
bleue de ciel, semée d'étoiles d'or, attira son
attention.
— Quel luxe! dit-il en riant à Augereau
qui l'accompagnait.
— Et l'enseigne, donc! dit Augereau.
L'enseigne, en lettres d'argent, portait ces
mots :
Au Rasoir tl'hoiineiii- ; Hébert, perruquier.
Le jeune général fronça le sourcil. -
L'institution des sabres et des fusils d'hon-
neur faisait alors merveille, et il voyait dans
l'enseigne une raillerie contre cette institu-
tion.
En ce^noment, le propriétaire de la baraque
parut :
— Ton nom? •
— Hébert, comme mon père et ma mère.
— Tu faisais partie de l'armée du Rhin?
— Jamais, mon général! Volontaire d'Ita-
lie, j'aîTnerTmetrrtsrt —
— Tu te moques des armes d'honneur avec
ton inscription.
— Moi, mon général ! Il n'y a pas de dan-
ger. L'autre jour, je me trouvais en train
de raser, à l'ambulance, un grenadier de la
326 demi-brigade, qui avait été un peu égra-
tigné à Lodi, et qui allait reprendre son ser-
vice. Mais, comme de raison, il voulait se pa-
rer pour la fête, et ne pas se présenter en
négligé aux Autrichiens.
— Au fait.
— Il était donc assis sur une borne, vu
qu'il n'y avait pas de chaises, et je le rajeu-
nissais pendant qu'on se battait à deux cents
pas de là.
— Abrége, abrège.
— Il avait déjà la moitié de la figure supé-
rieurement rasée, et j'attaquais l'autre côté...
î
Mais ne ilà-t-il pas qu'il nous arrive, à une
toise de nèns, une grenade ou un obus des
autres, qtà nous couvre de terre des pieds à
la tête... ?
— Le gfenaoier n'a pas bougé, j'en suis sûr.
— Ni àioi non plus, citoyen général...
C'est-à-dijre si, j'ai bougé, au contraire. « Ne
vous dérangez pas, camarade, » que je dis à
l'ancien;^,et là-dessus je m'approche de
l'obus, j'eg arrache la mèche, je l'éteins sous '
mon piedt et jeTeviens achever mon homme
sans lui Aire seulement une goutte de sang.
C'est d'awès ça que. les camarades ont cru
devoir m rendre l'hommage que vous voyez
an-dcssu de ma cabane. Citoyen général,
voilà la i rite.
— Tu e trembles pas facilement, à ce qu'il
paraît ?
— Co me vous voyez, mon général.
— Eh' tien ! viens me trouver à Milan !
Deux j tirs après, Hébert était devenu le
barbier u général en chef, et l'empereur
d. Allem ne n'était pas son cousin.
Encor quelque temps, et il écrivait à son
père : j
a En a, nous avons signé le traité de
Campo- rmio. Vous, verrez çà, papa. Nous
avons d ni la paix à l'Europe, et nous par-
tons dei&ajn. Par exemple, je ne sais pas à
quelle hilÎre. Mais ce sera de bon matin; car
je suis commandé pour une heure après mi-
nuit... »j • ' j
* .
L'année suivante, Hébert s'embarquait pour
aller conquérir l'Egypte. Il était devenu valet
iln i h iuww>
d'amour-propre'sans prix.
— Hébert, que penses-tu de ce ppys-ci ?
— Citoyen général, je pense qu'il y fait
très-chaud.
— Les Pyramides ?
— C'est bon pour écrire son nom dessus
comme sur le belvédère du Jardin des
Plantes.
— Les habitants ?
— Peuh ! Ils coupent leurs cheveux et ne
coupent pas leur barbe 1
Hébert était ami de la queue. Il ne pouvait
pas comprendre les tètes rasées et son antipa-
thie contre le mameluck Roustan que Bona-
parte venait de prendre à son service devint
de la haine. Cela fut cause de petites querelles
intérieures qui déplurent au patron.
Cependant, il garda ses deux serviteurs, et '
le barbier d'Italie fit toute la campagne d'E-
gypte, chargé du nécessaire de vermeil que .
Joséphine de Beauharnais avait donné à son
second mari.. i
Marengo. La veille de la bataille,un homme, '
fts" habits en 'dé'so*rdre, couvert de poussière,
essaye de pénétrer auprès du Premier Consul. •
Les grenadiers de faction croisent la baïon-
nette. Roustan le saisit à bras-le-corps. !
• —Toi ! je te connais !...
Bèrthier arrive au bruit. L'inconnu se dé-
gage et court à lui.:
— Mon général, dites au citoyen Premier
Consul que c'est moi, Hébert.
Berthier l'introduit. •'« • •
Le premier mot du perruquier fut un cri
de désespoir.. (
— Comment! vous n'avez plus vos che-
veux! C'est parce que je n'étais pas là pour
vous corner que vous vous étes-f!ait -toiidre!...
— D'où viens-tu, mon pauvre Hébert? de-
manda Bonaparte. *
— D'Egypte, où vous m'aviez oublié, soit
dit sans reproche.
— J'ai oublié bien du mende, en Egypte;
mais il fallait revenir. Puisque te voilà, toi, •
le mal peut se réparer. Je suis monté en
grade. Il est juste que tu en profites. Je te
nomme mon premier valet de chambre, en,
attendant mieux...
! Le mieux ne se fit pas attendre. Le jour
où le Sénat déclara Napoléon empereur , Hé-
bert reçut la conciergerie du château de Raro-,
bouillet. Une bonne loge. Il s'y maria et il
eut deraHH|fr que les
tur sur leurs genoux.. ■ ; .
.Au moment où Mme Hébert ouvrait la
grille à Napoléon, en route pour Sainte-
Hélène, Hébert courait les rues de Paris, à
la recherche de son ancien maître vaincu à.
Waterloo.
L'Empereur passa la nuit à Rambouillet.
Le lendemain, au moment du départ, il fit
venir la concierge et lui donna quelques
ordres. Il s'agissait de meubles à envoyer à
Rochefort. » '
La pauvre femme se mit à genoux en,
pleurant. Il la releva et l'embrassa en di-
sant :
LA
FEMME IMMORTELLE
PAR
mess=""Qjâ PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XX
M. de la Roche-Lambert écoutait avidement
ie récit de maître Conrad.
Celui-ci continua :
— Maintenant, monsieur le marquis , je vais
rous dire en deux môts quelle était cette femme
et ce que signifiaient les objets bizarres it les
choses sanglantes qui l'entouraient.
Voir les numéros parus depuis Je 21 juin.
Mon père était entré, à la suite du margrave,
dans un laboratoire d'alchimie.
Cette femme avait trouvé le moyen de faire
de l'or.
— En effet, interrompit le marquis, je me
souviens que lorsqu'on la jugea comme vampire,
elle protesta de toutes ses forces et prétendit
qu'elle n'avait j amais abusé du sang humain
pour autre chose que pour ses préparations
mystérieuses.
— Et elle disait vrai, monsieur le marquis.
— Est-il possible?
— En deux mots, poursuivit Conrad, je vous
aurai mis au courant de ce qui se passa réel-
lement dans la maison de la rue de l'Hiron-
delle.
Seulement, laissez.moi commencer par le
commencement, c'est-à-dire vous raconter com-
1 ment le prince et cette femme s'étaient rencon-
trés. *
— Je vous écoute, fit le marquis.
Deux jours auparavant, reprit Conrad, le
prince margrave, en proie à une sombre tris-
tesse, qui n'avait d'autre cause que l'insuccès de
ses démarches et son dénûment presque ab-
solu, était entré par hasard après avoir long-
temps cheminé à l'aventure, dans une sorte de l~
bouge au-dessus duquel pendait un rameau de
, tour
Ce cabaret,qui était au bord de l'eau, se trou-
vait presque désert lorsque le prince y entra, et
une demi obscurité y régnait.
Le cabaretier apporta du vin dans un pot d'é-
tain à ce client qu il voyait pour la première fois,
puis il retourna à son comptoir.
Deux hommes du peuple, des mariniers sans
doute, causaient à mi-voix à une table voisine
de celle du prince.
L'un d'eux disait :
j — Voici longtemps que la femme masquée
n'est pas venue.
— C'est vrai, répondait l'autre.
— L'ouvrage ne va pas sur la rivière, reprit le
premier et je ne serais pas fâché qu'elle vint.
Deux pistoles sont toujours bonnes à prendre.
— Pardieu! dit l'autre, il est vrai que pour
ces deux pistoles nous lui donnons bien une
pinte de sang.
— C'est encore vrai, ce que tu dis. Mais quand
on est robuste comtne nous...
Cette conversation étrange frappa le prince
margrave, et, bien qu'il fùt un noble seigneur,
il ne dédaigna point de s'approcher de ces hom-
mes et de les questionner.
Ceux-ci ne lui firent pas grand mystère.
— Monseigneur, lui dit le premier, car tout
pauvre et tout r&oé au'ii était. le prince avait
grande mine, ce que, vous voulez savoir est bien-
simple..
Il vient de temps en temps ici une femme dont'
nous n'avons jamais vu le visage, mais qui est
envoyée pai' un médecin.
Ce médecin fait des expériences, paraît-il, et
il a besoin pour cela de sang humain.
Elle cherche, nous a-t-elle dit, un remède
souverain contre une maladie considérée comme
mortelle jusqu'à présent.
— Et il lui faut du sang humain. pour
cela ?
Il paraît. Ator3, de pauvres gens comme
nous, qui ont bien de la peine à vivre, consen-
tent, moyennant deux pistoles, quelquefois trois»
à tendre leur bras.
Cette femme tire de sa poche une lancette ec
une petite aiguière d'argent qu'elle a sous ses-
vêlements, nous fait une petite piqûre à l'avantL
bras, nous soutire un peu de sang qui, tombe
dans l'aiguière et s'en va, après nous avoir
payés.
— Et vous vous laissez taure ? demanda Je
prince. j
Il faut bien vivre, dit l'autre homme da
peuple.
— Mais une pareille chose est-elle donc
mise J fit encore le margrave
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