Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-06-15
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 juin 1868 15 juin 1868
Description : 1868/06/15 (A3,N788). 1868/06/15 (A3,N788).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717790r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
♦ • J .. * ' ' , < ' ' 1 - .
S cool. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois, un au.
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements.. 8 il
- Administrateur : - E. DELSAlUX. se
3me année. — LUNDI 15 JUIN 1868. ~ N. 788 -. - 1
Directeur-Propriétaire^ : J A N N I N.
Rédacteur en chef: Â^DE BALAT HIBR BRAGELONNE*
1 1 BURBADX D'ABONNEMENT : 9, rue Droaot -
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 14 JUIN 1868
LA FÊTE-DIEU
: Vers l'an 1246, une religi t i d'un couvent
belge, près de Liège, nommé*; Juii^ijïi&,-çtft
3a pensée pieuse de solliciter rétablissement
d'une fête particulière en l'honneur du Saint-
Sacrement. ,
Elle en parla à son directeur, Jean de Lau-
sanne, qui en parla à son tour à Jacques Pan-
taléon, archidiacre de Liége. On fut bientôt
d'accord, et Robert, évéque de Liège, dans
une lettre adressée à son clergé, ordonna
. qu'on célébrerait la fête du Saint-Sacrement
te jeudi après le dimanche de la Trinité, et
qu'on jeûnerait la veille.
Dix-huit ans plus tard, Jacques Pantaléon
devenait pape, sous le nom d'Urbain IV, et il
instituait pour toute l'Eglise la fête créée
dans son ancien diocèse. Sur son invitation,
Saint-Thomas.d'Aquin composait un office
spécial « très-beau et très-pieux ».
Telle est la légende de la Fête-Dieu, qui,
depuis le Concordat de 1804, est remise,
pour la France, au dimanche après sa date.
Or cette date était celle de jeudi dernier,
et la Fête-Dieu, chers lecteurs, se célèbre au-
jourd'hui.
■' ' i
Il n'est pas de fête plus populaire.
Ne nous occupons pas du dogme ; cher-
chons l'esprit.
Eh quoi ! Il est un être supérieur à tous
les autres êtres, dont la volonté est lla création entière ; et cet être tout-puis-
sant entre à certaines heures en communi-
cation avec l'humanité !....
— Mangez et buvez, ceci est ma chair et
ceci est mon sang.
Il s'agit du pain et du vin, de ce qui
nourrit et de ce qui rend fort.
Les laboureurs, quand le so!eil de juin
fait jaunir les blés, les vignerons, quand il
commence à dorer les pampres, aiment à se
rappeler la parole du Christ, et, dans la na-
ture épanouie, ils célèbrent avec enthou-
siasme l'Etre suprême, à la bonté duquel ils
doivent l'épi et le raisin.
La Fête-Dieu est un des grands jours de
la religion du peuple.
La RestauraTfn; qui voyait dans lesJ céré-
monies du culte catholique un retour vers le
; passé et une sorte de consécration de la tra-
'dition royale, se plaisait à donner aux fêtes
un prestige souverain.
Le jour de la Fête-Dieu, la garnison de
Paris «ews-tes-ariaes -bordait les rues, et le '
saint Sacrement, précédé par la musique mi-
litaire, salué par le canon, était suivi par
la famille royale confondue avec les fidèles.
Les journaux d'alors ont raconté cet enfan-
tillage de Mme la duchesse de Berry :
un cierge à la main, elle suivait la proces-
sion. Le cierge était lourd. Quelques gouttes
de cire tombèrent sur l'habit brodé d'un cham-
bellan qui précédait la duchesse. Elle, aussitôt,
de pencher tout à fait i:ion cierge, et la cire de
dessiner des arabesques sur le dos du courti- ;
san. Quelques personnes sourirent, mais le I
soir, aux Tuileries, Mme de Berry fut répri-
mandée.
Depuis 1830, les processions sont interdites
à Paris. Les inconvénients parurent avec rai-
son l'emporter sur l'effet pieux.
En Angleterre, il suffit d'un constable ou
d'une corde pour qu'une manifestation reli-
gieuse ou civique soit respectée.
Mais l'étourderie gauloise est moins facile
à contenir; et l'esprit critique, se traduisant
par des saillieq, est trop dans notre nature
pour qu'on puisse l'affronter sans scan-
dale. -
Donc, à Pari-s, la Fête-Dieu ne se célèbre
que dans les églises. Mais, en province, elle
étale ses magnificences en pleins champs,
sous le ciel bleu.
! Tout un ensemble de volontés concourt
à la solennité.
Par quels chemins passera la procession?
Quelles jeunes filles tiendront les cordons
de la bannière?
Combien y aura-t-il de reposoirs dans la
commune ?
Autant de grosses questions.
Les jardiniers offrent leurs plus belles
fleurs ; les tapissiers, leurs tentures les plus
éclatantes.
— Voici, dit l'horloger, mes flambeaux,
mes coupes, tous les objets d'art de mon ma-
gasin...
Les, ménagères ouvrent leur armoire au
linge et en tirent leurs nappes, leurs rideaux
et leurs draps.
— Vérifions bien. Qu'il n'y ait pas de re-
prises!
Il s'agit de tapisser la devanture des mai- 1
j | srnis. Sur les fonds blancs, les guirlandes de
! buis dessineront leurs lignes sombres, et les
r bouquets de fleurs éclateront en points joyeux.
Les plus pauvfé8^f^s#mt«s tendent sur des
cordes, à la manière des blanchisseuses, lèur
,.ohe de noces et leur unique tablier de soie:
| il n'est pas d'humble hommage qui ne plaise
j i Dieu. ■
i
L'édification du reposoir est un poëme. Il
n'y a pas partout des tapissiers et des orfè-
vres. Si le carrefour est petit, si les mai-
sonnettes qui l'entourent sont étroites et
basses, ce n'est pas une raison pour que le
Seigneur en soit moins fêtè. Et c'est ici que
l'association manifeste ses miracles. Chacun
apporte r qu'il a, linges, guipures, chande-
liers disparates et vases ébréchés. Tous ces
objets, pris à part, n'ont rien de brillant. Con-
sidérés ensemble,ils font un effet superbe.
Ce bouquet d'oranger est flétri. Cet oiseau
empaillé est ridicule. Mais ils témoignent
tous deux de l'empressement des pauvres fem-
mes qui les ont apportés. C'est une attention
qu'elles ont eue pour le bon Dieu. Et puis, je
le répète, l'ensemble sauve tout, et l'en-
semble c'est un amas de feuillages et de
fleurs. Quand il s'agit de richesses naturelles,
les malheureux sont les plus riches ; car ils
connaissent mieux-les champs et-les bois.
Le prêtre peut s'avancer sous son dais de
velours terni, précédé de ses enfants de chœur
en robes rouges et suivi des chantres villa-
geois en habit du dimanche. Les petits Saint-
Jean sèmeront des fleurs sur le passage du cor-
tége, et le reposoir dans sa pompe dominera
les buissons et les blés...
C'est à Paris que je voudrais vous ra-
mener.
Les processions y sont interdites aux grands
enfants, mais les chapelles en plein air y sont
encore permises aux petits.
Parcourez les quartiers populaires.
! A chaque porte, sur un banc, sur uue
chaise*, vous trouverez la petite exposition
pieuse des enfants de la maison.
« Laissez venir à moi les petits enfants ! »
disait Jésus.
La fête de Dieu est aussi celle des commis-
niants et des communiantes de l'au pro-
chain.
— Mais la bonne fortune, me disait un de-
nies amis, est de rencontrer un de ces repo-
soirs de famille, aménagé par une petite fille ■
de iTois ou quatre ajis qui veut faire comme
les grandes... !
L'année dernière, rue de l'Ecluse, aux Ba- ,
ftignolles, j'ai passé une demi-heure devant
ç.une gamine qui avait plutôt l'air d'une pomme
^■rî'api que-d'une ecfant, et qui m'avait abordé
-en me tendant, à la hauteur des genoux, une.-
ta-sse à café sans 3mse, et en me disant :
— Pour la petite chapelle, monsieur ?...,
Prononcez :
— Pou à piti ckaffpel. sieul
Elle allongeait le mot chapelle et race,,iur-
cissait les autres.
Son monument sé composait :
1° D'une serviette barbouillée de \ conilL..
tures;
2° D'un petit Christ en os sur bois no ir î
3° De deux bouquets de roses artirie, \eIIe9
tombés de quelque char de mardi, gra S, e*
qui avaient bien la plus piteuse mine que Vja-
mais roses au monde aient eue;
4° D'une moitié de pain d'épice d'un s.
posée au pied du Sauveur.
C'était tout. On avait le cœur pris.
Ce que je me rappelle bien, c'est que j'en w
brassai la petite et que je bourrai de gros sou 1J
la tasse à café.
C'est un. beau jour que celui de la Fête-
Dieu.
J'irai voir. cet après-midi si la petite de la
rue de l'Ecluse a grandi et si elle porte une
crinoline.
TONY RÉVILLON.
Nous pouvons dévoiler aujourd'hui le titre
du nouvel ouvrage de notre collaborateur
Ponson du Terrail. Il s'appellera .
LA
FEMME IMMORTELLE
Nos mesures sont prises pour qu'il paraisse
dans le numéro vendu à Paris samedi 20
juin, dans les départements dimanche 21.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
CINQUIÈME PARTIE
L'ENFER DE MISTRESS BURTON
XXIII
No 223
Où conduisait-on le révérend Peters Town?. I
Voilà ce qu'il n'aurait pu dire, et ce que lé
marinier, qui était arrivé sous le pont avec la
barque, ne sut que lorsque l'homme gris lui eut
dit un mot à l'oreille.
Mais comment le marinier était-il verni? Com-
ment, ênfin, l'homme gris, qui ne songeait
^ a^éro du 22My
nullement deux heures auparavant à s'emparer
du révérend, avait-il trouvé dans une taverne
deux Irlandais prêts à lui prêter main-forte?
C'est ce que nous allons expliquer d'un mot.
Depuis qu'il était en relations avec l'abbé Sa-
muel et les autres chefs Irlandais, l'homme gris
s'était servi rarement de ce signe mystérieux
qui disait qu'il était chef aussi. Il s'était presque
toujours contenté de John Colden, de Shoking
et de quelques autres pour auxiliaires.
Mais il savait bien que les deux cent mille
fenians qui sont répandus dans Londres, un
peu partout, obéissent quand même, ensemble
où isolément, à quiconque leur prouve son au-
torité.
L'homme gris, vêtu en cocher, laissant le cab
dans la rue, était donc entré dans un public
house de Newport street où il savait qu'il trou- !
verait des Irlandais.
Personne ne fit attention à lui, quand il s'ap-
procha du comptoir.
Mais lorsqu'il eut demandé du gin avec UI)
fort accent irlandais, deux hommes qui se trou-
vaient dans un coin de la taverne levèrent aus-
sitôt la télé.
Alors l'homme gris leur fit ce signe de croix
bizarre qui, trois mois auparavant, lui avait
instantanément soumis l'homme en guenilles <
qui rappelait John Goldeg \ l
Soudain, ces deux hommes jetèrent quelques
pence sur la table et s'approchèrent du pré-
tendu cocher.
Celui-ci leur dit en patois irlandais}
Voulez-vous me suivre, j'ai besoin de
deux frères?
— Parle et ordonne, répondit l'un qui était
une sorte de géant.
— Comment te nommes-tu?
— Harris.
—« Et toi?
— Michaël.
C'est bien. Accrochez-vous au cab que je
conduis. Dans le cab est un des plus mortels
ennemis de l'Irlande.
C'était ainsi qu'il avait trouvé Harris et son
compagnon prêts à faire tout ce qu'il ordonne-
rait.
En route, Harris, juché sur le marchepied,
avait pu causer tout bai avec l'homme gris, qui
lui avait donné de minutieuses instructions et
remis, une corde à nœuds, qu'il portait enroulée
autour de son Corps.
Le pont sur lequel le cab s'était arrêté était
le pont de Westminster,
Or, il y avait chaque nuit, depuis que l'homme
gris était allé chez miss Ellen par le souterrain
percé à fleur d'eau, il y avait, disons-nous, une
Jjaroue ët un Irlandais
rive droite, tout auprès de la taverne de Queen's
E!izabeth. '
L'Irlandais avait ordre de venir attendre sous
le pont, si jamais il entendait le coup de sifflet
convenu.
On le voit, l'homme gris n'avait pas eu de
grands préparatifs à faire pour s'emparer de
Peters Town.
Maintenant, où allait-il le conduire?
C'est ce que le révérend ignorait.
La nuit était si noire qu'il n'aurait pu dire,
du reste, en quel endroit de Londres, et soirs
quel pont il avait été embarqué de cette façon ,
singulière.
Tout ce qu'il put comprendre, c'est que la
barque descendaitle fleuve,au lieu de le remon-
ter, ce qui était facile, en prenant garde aux;
coups d'aviron très-espacés et à la rapidité avec i
laquelle on marchait. ' j
L'enlèvement de Peters Town avait été, j
comme on le voit, tout à fait improvisé, ;
L'homme gris n'avait donc pas, tout d'abord,
songé à l'endroit où il le conduirait.
Mais, tandis que Harris descendait le long de
la corde à nœuds, ayant le révérend sur ses .
épaules, il lui était venu une idée. Il s'était sou" j
yenu de cette péniche où parfois les vagabtiradj£|
se réfugiaient la nuit, et dont Shokins lui q?afl)/ •
p!!!!.. ,....-." -- '
♦ • J .. * ' ' , < ' ' 1 - .
S cool. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois, un au.
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements.. 8 il
- Administrateur : - E. DELSAlUX. se
3me année. — LUNDI 15 JUIN 1868. ~ N. 788 -. - 1
Directeur-Propriétaire^ : J A N N I N.
Rédacteur en chef: Â^DE BALAT HIBR BRAGELONNE*
1 1 BURBADX D'ABONNEMENT : 9, rue Droaot -
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 14 JUIN 1868
LA FÊTE-DIEU
: Vers l'an 1246, une religi t i d'un couvent
belge, près de Liège, nommé*; Juii^ijïi&,-çtft
3a pensée pieuse de solliciter rétablissement
d'une fête particulière en l'honneur du Saint-
Sacrement. ,
Elle en parla à son directeur, Jean de Lau-
sanne, qui en parla à son tour à Jacques Pan-
taléon, archidiacre de Liége. On fut bientôt
d'accord, et Robert, évéque de Liège, dans
une lettre adressée à son clergé, ordonna
. qu'on célébrerait la fête du Saint-Sacrement
te jeudi après le dimanche de la Trinité, et
qu'on jeûnerait la veille.
Dix-huit ans plus tard, Jacques Pantaléon
devenait pape, sous le nom d'Urbain IV, et il
instituait pour toute l'Eglise la fête créée
dans son ancien diocèse. Sur son invitation,
Saint-Thomas.d'Aquin composait un office
spécial « très-beau et très-pieux ».
Telle est la légende de la Fête-Dieu, qui,
depuis le Concordat de 1804, est remise,
pour la France, au dimanche après sa date.
Or cette date était celle de jeudi dernier,
et la Fête-Dieu, chers lecteurs, se célèbre au-
jourd'hui.
■' ' i
Il n'est pas de fête plus populaire.
Ne nous occupons pas du dogme ; cher-
chons l'esprit.
Eh quoi ! Il est un être supérieur à tous
les autres êtres, dont la volonté est lla création entière ; et cet être tout-puis-
sant entre à certaines heures en communi-
cation avec l'humanité !....
— Mangez et buvez, ceci est ma chair et
ceci est mon sang.
Il s'agit du pain et du vin, de ce qui
nourrit et de ce qui rend fort.
Les laboureurs, quand le so!eil de juin
fait jaunir les blés, les vignerons, quand il
commence à dorer les pampres, aiment à se
rappeler la parole du Christ, et, dans la na-
ture épanouie, ils célèbrent avec enthou-
siasme l'Etre suprême, à la bonté duquel ils
doivent l'épi et le raisin.
La Fête-Dieu est un des grands jours de
la religion du peuple.
La RestauraTfn; qui voyait dans lesJ céré-
monies du culte catholique un retour vers le
; passé et une sorte de consécration de la tra-
'dition royale, se plaisait à donner aux fêtes
un prestige souverain.
Le jour de la Fête-Dieu, la garnison de
Paris «ews-tes-ariaes -bordait les rues, et le '
saint Sacrement, précédé par la musique mi-
litaire, salué par le canon, était suivi par
la famille royale confondue avec les fidèles.
Les journaux d'alors ont raconté cet enfan-
tillage de Mme la duchesse de Berry :
un cierge à la main, elle suivait la proces-
sion. Le cierge était lourd. Quelques gouttes
de cire tombèrent sur l'habit brodé d'un cham-
bellan qui précédait la duchesse. Elle, aussitôt,
de pencher tout à fait i:ion cierge, et la cire de
dessiner des arabesques sur le dos du courti- ;
san. Quelques personnes sourirent, mais le I
soir, aux Tuileries, Mme de Berry fut répri-
mandée.
Depuis 1830, les processions sont interdites
à Paris. Les inconvénients parurent avec rai-
son l'emporter sur l'effet pieux.
En Angleterre, il suffit d'un constable ou
d'une corde pour qu'une manifestation reli-
gieuse ou civique soit respectée.
Mais l'étourderie gauloise est moins facile
à contenir; et l'esprit critique, se traduisant
par des saillieq, est trop dans notre nature
pour qu'on puisse l'affronter sans scan-
dale. -
Donc, à Pari-s, la Fête-Dieu ne se célèbre
que dans les églises. Mais, en province, elle
étale ses magnificences en pleins champs,
sous le ciel bleu.
! Tout un ensemble de volontés concourt
à la solennité.
Par quels chemins passera la procession?
Quelles jeunes filles tiendront les cordons
de la bannière?
Combien y aura-t-il de reposoirs dans la
commune ?
Autant de grosses questions.
Les jardiniers offrent leurs plus belles
fleurs ; les tapissiers, leurs tentures les plus
éclatantes.
— Voici, dit l'horloger, mes flambeaux,
mes coupes, tous les objets d'art de mon ma-
gasin...
Les, ménagères ouvrent leur armoire au
linge et en tirent leurs nappes, leurs rideaux
et leurs draps.
— Vérifions bien. Qu'il n'y ait pas de re-
prises!
Il s'agit de tapisser la devanture des mai- 1
j | srnis. Sur les fonds blancs, les guirlandes de
! buis dessineront leurs lignes sombres, et les
r bouquets de fleurs éclateront en points joyeux.
Les plus pauvfé8^f^s#mt«s tendent sur des
cordes, à la manière des blanchisseuses, lèur
,.ohe de noces et leur unique tablier de soie:
| il n'est pas d'humble hommage qui ne plaise
j i Dieu. ■
i
L'édification du reposoir est un poëme. Il
n'y a pas partout des tapissiers et des orfè-
vres. Si le carrefour est petit, si les mai-
sonnettes qui l'entourent sont étroites et
basses, ce n'est pas une raison pour que le
Seigneur en soit moins fêtè. Et c'est ici que
l'association manifeste ses miracles. Chacun
apporte r qu'il a, linges, guipures, chande-
liers disparates et vases ébréchés. Tous ces
objets, pris à part, n'ont rien de brillant. Con-
sidérés ensemble,ils font un effet superbe.
Ce bouquet d'oranger est flétri. Cet oiseau
empaillé est ridicule. Mais ils témoignent
tous deux de l'empressement des pauvres fem-
mes qui les ont apportés. C'est une attention
qu'elles ont eue pour le bon Dieu. Et puis, je
le répète, l'ensemble sauve tout, et l'en-
semble c'est un amas de feuillages et de
fleurs. Quand il s'agit de richesses naturelles,
les malheureux sont les plus riches ; car ils
connaissent mieux-les champs et-les bois.
Le prêtre peut s'avancer sous son dais de
velours terni, précédé de ses enfants de chœur
en robes rouges et suivi des chantres villa-
geois en habit du dimanche. Les petits Saint-
Jean sèmeront des fleurs sur le passage du cor-
tége, et le reposoir dans sa pompe dominera
les buissons et les blés...
C'est à Paris que je voudrais vous ra-
mener.
Les processions y sont interdites aux grands
enfants, mais les chapelles en plein air y sont
encore permises aux petits.
Parcourez les quartiers populaires.
! A chaque porte, sur un banc, sur uue
chaise*, vous trouverez la petite exposition
pieuse des enfants de la maison.
« Laissez venir à moi les petits enfants ! »
disait Jésus.
La fête de Dieu est aussi celle des commis-
niants et des communiantes de l'au pro-
chain.
— Mais la bonne fortune, me disait un de-
nies amis, est de rencontrer un de ces repo-
soirs de famille, aménagé par une petite fille ■
de iTois ou quatre ajis qui veut faire comme
les grandes... !
L'année dernière, rue de l'Ecluse, aux Ba- ,
ftignolles, j'ai passé une demi-heure devant
ç.une gamine qui avait plutôt l'air d'une pomme
^■rî'api que-d'une ecfant, et qui m'avait abordé
-en me tendant, à la hauteur des genoux, une.-
ta-sse à café sans 3mse, et en me disant :
— Pour la petite chapelle, monsieur ?...,
Prononcez :
— Pou à piti ckaffpel. sieul
Elle allongeait le mot chapelle et race,,iur-
cissait les autres.
Son monument sé composait :
1° D'une serviette barbouillée de \ conilL..
tures;
2° D'un petit Christ en os sur bois no ir î
3° De deux bouquets de roses artirie, \eIIe9
tombés de quelque char de mardi, gra S, e*
qui avaient bien la plus piteuse mine que Vja-
mais roses au monde aient eue;
4° D'une moitié de pain d'épice d'un s.
posée au pied du Sauveur.
C'était tout. On avait le cœur pris.
Ce que je me rappelle bien, c'est que j'en w
brassai la petite et que je bourrai de gros sou 1J
la tasse à café.
C'est un. beau jour que celui de la Fête-
Dieu.
J'irai voir. cet après-midi si la petite de la
rue de l'Ecluse a grandi et si elle porte une
crinoline.
TONY RÉVILLON.
Nous pouvons dévoiler aujourd'hui le titre
du nouvel ouvrage de notre collaborateur
Ponson du Terrail. Il s'appellera .
LA
FEMME IMMORTELLE
Nos mesures sont prises pour qu'il paraisse
dans le numéro vendu à Paris samedi 20
juin, dans les départements dimanche 21.
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
CINQUIÈME PARTIE
L'ENFER DE MISTRESS BURTON
XXIII
No 223
Où conduisait-on le révérend Peters Town?. I
Voilà ce qu'il n'aurait pu dire, et ce que lé
marinier, qui était arrivé sous le pont avec la
barque, ne sut que lorsque l'homme gris lui eut
dit un mot à l'oreille.
Mais comment le marinier était-il verni? Com-
ment, ênfin, l'homme gris, qui ne songeait
^ a^éro du 22My
nullement deux heures auparavant à s'emparer
du révérend, avait-il trouvé dans une taverne
deux Irlandais prêts à lui prêter main-forte?
C'est ce que nous allons expliquer d'un mot.
Depuis qu'il était en relations avec l'abbé Sa-
muel et les autres chefs Irlandais, l'homme gris
s'était servi rarement de ce signe mystérieux
qui disait qu'il était chef aussi. Il s'était presque
toujours contenté de John Colden, de Shoking
et de quelques autres pour auxiliaires.
Mais il savait bien que les deux cent mille
fenians qui sont répandus dans Londres, un
peu partout, obéissent quand même, ensemble
où isolément, à quiconque leur prouve son au-
torité.
L'homme gris, vêtu en cocher, laissant le cab
dans la rue, était donc entré dans un public
house de Newport street où il savait qu'il trou- !
verait des Irlandais.
Personne ne fit attention à lui, quand il s'ap-
procha du comptoir.
Mais lorsqu'il eut demandé du gin avec UI)
fort accent irlandais, deux hommes qui se trou-
vaient dans un coin de la taverne levèrent aus-
sitôt la télé.
Alors l'homme gris leur fit ce signe de croix
bizarre qui, trois mois auparavant, lui avait
instantanément soumis l'homme en guenilles <
qui rappelait John Goldeg \ l
Soudain, ces deux hommes jetèrent quelques
pence sur la table et s'approchèrent du pré-
tendu cocher.
Celui-ci leur dit en patois irlandais}
Voulez-vous me suivre, j'ai besoin de
deux frères?
— Parle et ordonne, répondit l'un qui était
une sorte de géant.
— Comment te nommes-tu?
— Harris.
—« Et toi?
— Michaël.
C'est bien. Accrochez-vous au cab que je
conduis. Dans le cab est un des plus mortels
ennemis de l'Irlande.
C'était ainsi qu'il avait trouvé Harris et son
compagnon prêts à faire tout ce qu'il ordonne-
rait.
En route, Harris, juché sur le marchepied,
avait pu causer tout bai avec l'homme gris, qui
lui avait donné de minutieuses instructions et
remis, une corde à nœuds, qu'il portait enroulée
autour de son Corps.
Le pont sur lequel le cab s'était arrêté était
le pont de Westminster,
Or, il y avait chaque nuit, depuis que l'homme
gris était allé chez miss Ellen par le souterrain
percé à fleur d'eau, il y avait, disons-nous, une
Jjaroue ët un Irlandais
rive droite, tout auprès de la taverne de Queen's
E!izabeth. '
L'Irlandais avait ordre de venir attendre sous
le pont, si jamais il entendait le coup de sifflet
convenu.
On le voit, l'homme gris n'avait pas eu de
grands préparatifs à faire pour s'emparer de
Peters Town.
Maintenant, où allait-il le conduire?
C'est ce que le révérend ignorait.
La nuit était si noire qu'il n'aurait pu dire,
du reste, en quel endroit de Londres, et soirs
quel pont il avait été embarqué de cette façon ,
singulière.
Tout ce qu'il put comprendre, c'est que la
barque descendaitle fleuve,au lieu de le remon-
ter, ce qui était facile, en prenant garde aux;
coups d'aviron très-espacés et à la rapidité avec i
laquelle on marchait. ' j
L'enlèvement de Peters Town avait été, j
comme on le voit, tout à fait improvisé, ;
L'homme gris n'avait donc pas, tout d'abord,
songé à l'endroit où il le conduirait.
Mais, tandis que Harris descendait le long de
la corde à nœuds, ayant le révérend sur ses .
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