Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-06-14
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 juin 1868 14 juin 1868
Description : 1868/06/14 (A3,N787). 1868/06/14 (A3,N787).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47177893
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent le nnméro
5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois inois. Six mois. tJn Mk
Paris 5 fr. 9 fr.. fi.® fr.
Départements.. G .11 SS -
Administrateur : E. DELSAUX.
S0» année. \- DIMANCHE 11 JUIN 1868.- ",,No 787
■■■ ■ •• jpf ——u
K -Directeur-Propriétairé A J A N N I N.
Rédacteur en chef: A. DE BALAT H IEl\ BRAG EtONNBJ
BORÉAUX D'ABONNEMENT : 9, rne Drouot.
. . ADMINISTRATION : 13. Dlace Brada.
PARTS, 13 JUIN 1868
LES ÉMIGRANTS
Le soleil de juin éclaire ili mer Mime. La
/saison des tempêtes est -^asséèX Ççile
; voyages est venue. ' '
Dimanche dernier, on courait le grand
prix de Paris , à Longchamp. Lundi, les
rares des chemins de fer étaient encombrées
de colis. Des valets en petite livrée , un sac de
voyage à la main, un manteau sur le bras,
allaient de guichet en guichet, d'un air af-
fairé. A l'entrée des salles d'attente, se pres-
sait une foule aristocratique. Là se trouvaient
les douairières partant pour leurs terres du
Maine ou de l'Anjou, les jeunes femmes par-
tant pour les Pyrénées, les grandes cocodettes
partant pour les bains de mer, les gentils-
hommes terriens allant aménager leurs bois
et soigner leurs "vergers, les sportsmen dis-
posés à suivre les courses de la province,
après avoir suivi celles de la capitale, bref,
tout le faubourg Saint-Germain et une partie
du faubourg Saint-Honoré ; que si les armes
des voyageurs eussent été peintes sur les
portières des wagons, les paysans effarés au-
raient vu, par-dessus les haies, tout l'armoriai
de France passer'devant leurs yeux. Les buts
étaient différents, mais le point de départ
était le même : Paris. Que faire à Paris quand
la Saison est terminée? Or, les. cloches des
chemins de fer sonnaient en même temps le
départ des trains et la fin de la Saison.
Attendez-vous à voir, d'ici à un mois, les
bourgeois oisifs et "lés élégantes du tiers état
imiter l'exemple de l'aristocratie, et partir à
leur tour pour les bords de l'Océan ou du
Rhin.
Mais ce n'est ni de ces voyages ni de ces
voyageurs qu'il s'agit.
émigration, — dit le dictionnaire, — ac-
tion volontaire de quitter sa patrie pour aller
s'établir ailleurs.
Les émigrations sont vieilles comme le mon-
dé. Toutes les colonies grecques, phénicien-
nes, carthaginoises, romaines, furent fondées
par des ,groupes de citoyens qui, suivant l'ex-
- pression de Mirabeau, emportaient leur patrie
à la semelle de leurs souliers-, !
I
Plus tard, les gens du Nord se poussèrent
vers le Midi, afin d'y trouver le soleil tt les
.provisions qui leur manquaient dans leurs
marais et dans leurs bois.
^ Dapg les temps modernes, les grandes émi-
' grations deviennent plus rares. Cependant les
- Maures quittent l'Espagne, afin d'aller prati-
; quer librement leur religion dans d'autres
pays. Lçs protestants français font de même
après Ta révocation de l'édit de Naates, qui
leur assurait le libre exercice de leur culte.
Les Polonais émigrent par milliers, quand de
puissants voisins se partagent leur pays.
En 1790, les nobles abandonnent la France
de la Révolution. En 1848, les disciples de
Fourier prennent la route du Texas, et ceux de
Cabet partent pour fonder l'ïcaria...
A côté de ces émigrations accidentelles, il
est une émigration permanente.
Certaines contrées de l'Europe sont trop
peuplées, d'autres ne le sont pas assez. Dans
d'autres, la fortune publique est mal distri-
buée , la propriété mal. constituée ; le travail
manque, ou la concurrence rend les salaires
insuffisants.
La patrie — on ne saurait trop le répéter,
— n'est pas seulement une expression géo-
graphique. Ce qui la constitue avant tout,
c'est l'égalité des droits pour tous les citoyens
groupés sur un même territoire. Que cette
égalité vienne à faire défaut, et les citoyens,
appauvris et mécontents, se diront, le regard
fixé sur la propriété de leurs voisins : — Il
est au-delà de l'Océan d'immenses pays inha-
bités et fertiles, dans lesquels nous pouvons
êfrro p-ro prêtai awssi. •
L'Irlandais, qu'affame le régime aristo-
cratique anglais, — l'Allemand, que la cons-
titution féodale de l'Allemagne empêche de
s'enrichir, savent tous deux qu'aux Etats-
Unis ils trouveront, pour prix de leur travail,
de l'ale, du bœuf, un champ, et surtout l'éga-
lité.
Aussi partent-ils volontiers-.
L'Allemand surtout est colonisateur par
essence, et cela tient, entre autres causes, il
celle-la, que je n'ai encore trouvée nulle part :
c'est que l'esprit de famille est plus vivace
entre la Vistule et le Rhin que partout ail-
leurs. L'Allemand n'émigre pas seul. Il em-
mène avec lui sa femme, ses enfants, quel-
quefois son père et sa mère. C'est une colonie
dans-la colonie. On se redira les souvenirs
de la terre natale dans la même langue, et, le j
soir, les yeux fixés sur les étoiles, on adorera
Dieu dans. une solitude du Nouveau-Monde,
comme on le priait au bord de l'Elbe, dans un
verger.... - - -' . v<
Le grand mouvement d'émigration qui
"S'accomplit chaque année compte trois princi-
paux points de départ, d'où il se répand sur
le globe entier.
Les Anglais et les Irlandais s'embarquent
à Liverpool. Comptez environ 250,000 voya-
geurs par an.
Les Allemands du Nord se rendent dans les
ports hanséatiques (Hambourg et Brème): Il
faut en compter 90,000 ou 100,000. <
Les Allemands du Sud traversent la France
êt viennent prendre la mer au Havre. Ils sont
en nombre presque égal à ceux du Norel.
Tous se dirigent vers les Etats-Unis, l'Aus-
tralie, la Californie. Depuis trente-fyuit ans,
l'Algérie, qui est aussi fertile et plus rappro-
chée, n'a reçu qu'un nombre insignifiant de
colons; cela tient à des causes particulières,
qu'il ne sera pas trop d'un article entier pour
expliquer....
Lors de la découverte de la Californie,
60,000 Français allèrent y chercher de l'or.
)riais ce n'est là qu'une émigration factice.
Ou songeait à s'enrichir, non à coloniser des
pays nouveaux. C'était un voyage,ce n'était pas
un établissement. En général, nous aimons
l'aventure, le hasard, la chance dans le coup
de main ; mais nous sommes sédentaires, !et
nous n'allions pas la patience à l'esprit d'ini-
tiative comme les Angle-Saxons, nos maîtres
e-fr matière d'établissements tointains. "'--
Montons le boulevard de Strasbourg. En-
trons dans la gare de l'Est, et prenons au
passage les émigrants, nos hôtes d'un jour.
A quatre heures du matin arrive le convoi
des Suisses, à midi celui des Allemands. Ils
ont, les premiers une journée, les autres une
demi-journée pour visiter Paris. Car tous
repartiront à huit heures du soir, pour le
Havre.
Les voici allant et venant sur le quai de la
gare. On les met en rangs, et un cicerone,
que distingue une casquette spéciale, dirige
ce régiment de volontaires effarés, à travers
les places et les rues.
..- (j , ;
'— La preuve que j'ai vu la mer, disait lin
bonnetier de la rue Saint-Denis, c'est que
j'en ai rapporté plpin cette bouteille d'eau.
• " Il était parti, le dimanche matin, pour le
Havre, et il s'était retrouvé, le lundi, à l'ou-
verture de sa boutique.
Les émigrants voient Paris comme ce bon-
netier Ivait- vu la m&r.
Et encore!... _.
L'un a. une commission pour la colonie
luxembourgeoise de la Chapelle et de la Va-
lette. L'autre doit remettre une lettre à un
sergent-major de Strasbourg. Un troisième a
accepté la mission délicate d'apporter une
fleur desséchée, mais cueillie au pays, a une
jeune servante en bonnet de velours. Ua
quatrième se"détache tout bonnement de la
bande, parce qu'il préfère boire une chope à
voir les tableaux du Louvre ou les animaux
du jardin des Plantes... :
A
Les journalistes, désireux de produire de
l'effet en s'adressant à la sensibilité de leurs
lecteurs, ont l'habitude de s'attendrir sur le
délabrement et la pauvreté de ces ruches tra-
vailleuses qui s'en vont chercher à vivre sous
un autre ciel.
Tout cela est bientôt dit.
La vérité est que les émigrants suisses et
allemands, s'ils ne sont pas des millionnaires,
sont loin aussi d'être des mendiants. Ils .
payent, en moyenne, cinq cents francs pour
leur passage. Des agences se chargent
pour ce prix, non-seulement du transport de
leurs personnes et de leurs bagages, mais en-
core de tomHes-frais de-nourriture et de loge-
ment, depuis le point de départ jusqu'au point
d'arrivée. Ce point est déterminé. Les émi-
grants d'il y a dix ans ont écrit à ceux d'au-
jourd'hui qu'une place, un emploi, un coin-
de terre fertile, les attendait.
Ils savent où ils vont et-'ce qu'ils feront.
Ni aventuriers, ni révolutionnaires, ils ont
compris que les Etats-Unis d'Amérique sont
la terre bénie des travailleurs. En effet, ils y
sont heureux.
Ce qui le prouve, c'est l'exemple de quel-
ques-uns d'entre eux. Pris du mal du pays, ils -
sont revenus dans la mère-patrie. Ils s'y
sont installés. Un an ll'e s'était pas passé,
qu'ils repartaient pour l'Amérique.
Voyez les Alsaciens et les Luxembourgeois
établis à Paris. Chaque soir ils disent : -
Quand donc nous sera-t-il possible de re-
ROCAMBOLE
N° 222 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
■
Eo 222
CINQUIÈME PARTIE
L'ENFER DE MISTRESS BURTON
XXII
Si un abîme se fût entr'ouvert sous les pas
du révérend Peters Town, il n'eùt certes pas
éprouvé une plus violente épouvante.
Ces hommes austères, de mœurs ascétiques,
fanatisés par leur ambition, et qui vont droit à
leur but mystérieux sans jamais s'arrêter, sont
sujets à ces terreurs soudaines.
Voirie numéro du 22 novembre.
Le révérend,qui avait juré la perte de l'hom-
me gris et de tous ceux qui servaient l'Irlande,
se fit sur-le-champ ce raisonnement :
— De chasseur, je suis devenu gibier, de vain-
queur, vaincu. Si j'avais tenu cet homme en
mon pouvoir, j'aurais été sans pitié. Il me tient
et il va me tuer, c'est son droit.
Le pont était désert, la'nuit épaisse, le brouil-
lard noyait jusqu'à la clarté des réverbères, et
le révérend Peters Town était entouré de trois
hommes dont un seul eût suffi gour le réduire
à l'impuissance.
La peur rend muet.
Le révérend ne prononça donc pas un mot, il
ne fit pas un geste.
• Comme une victime, il attendit que ses bour-
reaux frappassent.
— Votre Honneur m'excusera , dit alors
l'homme gris, si je prends quelques petites pré-
cautions.
Et, avec une adresse de jongleur indien, il
passa au cou du révérend un cordon de soie
qu'il suffisait de serrer pour l'étrangler.
En même temps, il dit à l'un des deux hom-
mes recrutés dans le public house :
— Mets à Son Honneur les gants que je t'ai
donnés.
— Ils vont m'étrangler, puis me jeter dans la
Tamise, pensait le révérend, dont la gorge cris-
pée n'aurait pas même pu laisser passer un gé-
missement ou un cri.
Le complice de l'homme gris tira alors' de sa
poche non point des gants, mais un instrument
des plus vulgaires, sans lequel le bon gendarme
français voyage rarement, et qu'on appelle une
paire de menottes.
En dix secondes, le révérend eut un cordon
au cou, les mains attachées, et, par excès de
précaution , on lui passa une ficelle autour
des chevilles, de façon à lui ôter le libre usage
de ses jambes.
Tous ces préparatifs, au lieu de compléter la
sinistre épouvante qui s'était emparée du révé-
rend, produisirent l'effet contraire.
Dans son cerveau affolé, une lueur d'espoir
brilla tout à coup. *
— S'ils voulaient me tuer, pensa.-t-il, ils se
seraient bornés à m'étrangler et à me jeter pas
dessus le parapet. Non, ils veulent me garder
prisonnier.
Ce qui semblait venir à l'appui de cette opi-
nion, c'était le bruit d'avirons qui retentissait
sur le fleuve, et qui vint tout à coup mourir au-
dessous du pont.
Alors l'homme gris dit au révérend :
— Votre Honneur sera plein d'indulgence, et
comprendra que nous ne vop.4w.s pas qu'il nous
échappe •
Dès lors, le révérend fut fixé. On en voulait à.
sa liberté, non à sa vie.
— Seulement, ajouta l'homme gris qui tira un
poignard def dessous son carrick, Votre Honneur
comprendra que si le moindre cri lui échappait,
je serais contraint de lui enfoncer ce jouet dans
la gorge.
Peters Town eut enfin un geste de résigna-
tion .
Du moment où on lui laissait la vie, rien
n'était désespéré, ni même perdu. Les hommes
comme lui ne renoncent jamais à prendre leur
revanche tôt ou tard.
Alors l'homme gris se pencha sur le parapet
et siffla de nouveau. i
Un coup de sifflet monta, en réponse au sien,
ces profondeurs de l'abîme perdu dans le brouil-
lard.
— Parfait ! murmura celui que Shokmg appe-
lait le maître. Et il s'adressa encore au révé-
rend : :
— Nous allons vous faire suivre un petit che.
min qui va vous paraître périlleux, dit-il. 4ais
Harris est un robuste compère, et il ne vous
lâchera pas. Ainsi ne craignez rien. \ i
Malgré l'obscurité, Peters Town,qui commen."
çait à respirer, put voir alors un des deux hom-
mes, le plus grand et celui qui paraissait le plu.!i"
robuste dérouler une corde à nœuds qu'il portait
JOURNAL QUOTIDIEN
& cent le nnméro
5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois inois. Six mois. tJn Mk
Paris 5 fr. 9 fr.. fi.® fr.
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Administrateur : E. DELSAUX.
S0» année. \- DIMANCHE 11 JUIN 1868.- ",,No 787
■■■ ■ •• jpf ——u
K -Directeur-Propriétairé A J A N N I N.
Rédacteur en chef: A. DE BALAT H IEl\ BRAG EtONNBJ
BORÉAUX D'ABONNEMENT : 9, rne Drouot.
. . ADMINISTRATION : 13. Dlace Brada.
PARTS, 13 JUIN 1868
LES ÉMIGRANTS
Le soleil de juin éclaire ili mer Mime. La
/saison des tempêtes est -^asséèX Ççile
; voyages est venue. ' '
Dimanche dernier, on courait le grand
prix de Paris , à Longchamp. Lundi, les
rares des chemins de fer étaient encombrées
de colis. Des valets en petite livrée , un sac de
voyage à la main, un manteau sur le bras,
allaient de guichet en guichet, d'un air af-
fairé. A l'entrée des salles d'attente, se pres-
sait une foule aristocratique. Là se trouvaient
les douairières partant pour leurs terres du
Maine ou de l'Anjou, les jeunes femmes par-
tant pour les Pyrénées, les grandes cocodettes
partant pour les bains de mer, les gentils-
hommes terriens allant aménager leurs bois
et soigner leurs "vergers, les sportsmen dis-
posés à suivre les courses de la province,
après avoir suivi celles de la capitale, bref,
tout le faubourg Saint-Germain et une partie
du faubourg Saint-Honoré ; que si les armes
des voyageurs eussent été peintes sur les
portières des wagons, les paysans effarés au-
raient vu, par-dessus les haies, tout l'armoriai
de France passer'devant leurs yeux. Les buts
étaient différents, mais le point de départ
était le même : Paris. Que faire à Paris quand
la Saison est terminée? Or, les. cloches des
chemins de fer sonnaient en même temps le
départ des trains et la fin de la Saison.
Attendez-vous à voir, d'ici à un mois, les
bourgeois oisifs et "lés élégantes du tiers état
imiter l'exemple de l'aristocratie, et partir à
leur tour pour les bords de l'Océan ou du
Rhin.
Mais ce n'est ni de ces voyages ni de ces
voyageurs qu'il s'agit.
émigration, — dit le dictionnaire, — ac-
tion volontaire de quitter sa patrie pour aller
s'établir ailleurs.
Les émigrations sont vieilles comme le mon-
dé. Toutes les colonies grecques, phénicien-
nes, carthaginoises, romaines, furent fondées
par des ,groupes de citoyens qui, suivant l'ex-
- pression de Mirabeau, emportaient leur patrie
à la semelle de leurs souliers-, !
I
Plus tard, les gens du Nord se poussèrent
vers le Midi, afin d'y trouver le soleil tt les
.provisions qui leur manquaient dans leurs
marais et dans leurs bois.
^ Dapg les temps modernes, les grandes émi-
' grations deviennent plus rares. Cependant les
- Maures quittent l'Espagne, afin d'aller prati-
; quer librement leur religion dans d'autres
pays. Lçs protestants français font de même
après Ta révocation de l'édit de Naates, qui
leur assurait le libre exercice de leur culte.
Les Polonais émigrent par milliers, quand de
puissants voisins se partagent leur pays.
En 1790, les nobles abandonnent la France
de la Révolution. En 1848, les disciples de
Fourier prennent la route du Texas, et ceux de
Cabet partent pour fonder l'ïcaria...
A côté de ces émigrations accidentelles, il
est une émigration permanente.
Certaines contrées de l'Europe sont trop
peuplées, d'autres ne le sont pas assez. Dans
d'autres, la fortune publique est mal distri-
buée , la propriété mal. constituée ; le travail
manque, ou la concurrence rend les salaires
insuffisants.
La patrie — on ne saurait trop le répéter,
— n'est pas seulement une expression géo-
graphique. Ce qui la constitue avant tout,
c'est l'égalité des droits pour tous les citoyens
groupés sur un même territoire. Que cette
égalité vienne à faire défaut, et les citoyens,
appauvris et mécontents, se diront, le regard
fixé sur la propriété de leurs voisins : — Il
est au-delà de l'Océan d'immenses pays inha-
bités et fertiles, dans lesquels nous pouvons
êfrro p-ro prêtai awssi. •
L'Irlandais, qu'affame le régime aristo-
cratique anglais, — l'Allemand, que la cons-
titution féodale de l'Allemagne empêche de
s'enrichir, savent tous deux qu'aux Etats-
Unis ils trouveront, pour prix de leur travail,
de l'ale, du bœuf, un champ, et surtout l'éga-
lité.
Aussi partent-ils volontiers-.
L'Allemand surtout est colonisateur par
essence, et cela tient, entre autres causes, il
celle-la, que je n'ai encore trouvée nulle part :
c'est que l'esprit de famille est plus vivace
entre la Vistule et le Rhin que partout ail-
leurs. L'Allemand n'émigre pas seul. Il em-
mène avec lui sa femme, ses enfants, quel-
quefois son père et sa mère. C'est une colonie
dans-la colonie. On se redira les souvenirs
de la terre natale dans la même langue, et, le j
soir, les yeux fixés sur les étoiles, on adorera
Dieu dans. une solitude du Nouveau-Monde,
comme on le priait au bord de l'Elbe, dans un
verger.... - - -' . v<
Le grand mouvement d'émigration qui
"S'accomplit chaque année compte trois princi-
paux points de départ, d'où il se répand sur
le globe entier.
Les Anglais et les Irlandais s'embarquent
à Liverpool. Comptez environ 250,000 voya-
geurs par an.
Les Allemands du Nord se rendent dans les
ports hanséatiques (Hambourg et Brème): Il
faut en compter 90,000 ou 100,000. <
Les Allemands du Sud traversent la France
êt viennent prendre la mer au Havre. Ils sont
en nombre presque égal à ceux du Norel.
Tous se dirigent vers les Etats-Unis, l'Aus-
tralie, la Californie. Depuis trente-fyuit ans,
l'Algérie, qui est aussi fertile et plus rappro-
chée, n'a reçu qu'un nombre insignifiant de
colons; cela tient à des causes particulières,
qu'il ne sera pas trop d'un article entier pour
expliquer....
Lors de la découverte de la Californie,
60,000 Français allèrent y chercher de l'or.
)riais ce n'est là qu'une émigration factice.
Ou songeait à s'enrichir, non à coloniser des
pays nouveaux. C'était un voyage,ce n'était pas
un établissement. En général, nous aimons
l'aventure, le hasard, la chance dans le coup
de main ; mais nous sommes sédentaires, !et
nous n'allions pas la patience à l'esprit d'ini-
tiative comme les Angle-Saxons, nos maîtres
e-fr matière d'établissements tointains. "'--
Montons le boulevard de Strasbourg. En-
trons dans la gare de l'Est, et prenons au
passage les émigrants, nos hôtes d'un jour.
A quatre heures du matin arrive le convoi
des Suisses, à midi celui des Allemands. Ils
ont, les premiers une journée, les autres une
demi-journée pour visiter Paris. Car tous
repartiront à huit heures du soir, pour le
Havre.
Les voici allant et venant sur le quai de la
gare. On les met en rangs, et un cicerone,
que distingue une casquette spéciale, dirige
ce régiment de volontaires effarés, à travers
les places et les rues.
..- (j , ;
'— La preuve que j'ai vu la mer, disait lin
bonnetier de la rue Saint-Denis, c'est que
j'en ai rapporté plpin cette bouteille d'eau.
• " Il était parti, le dimanche matin, pour le
Havre, et il s'était retrouvé, le lundi, à l'ou-
verture de sa boutique.
Les émigrants voient Paris comme ce bon-
netier Ivait- vu la m&r.
Et encore!... _.
L'un a. une commission pour la colonie
luxembourgeoise de la Chapelle et de la Va-
lette. L'autre doit remettre une lettre à un
sergent-major de Strasbourg. Un troisième a
accepté la mission délicate d'apporter une
fleur desséchée, mais cueillie au pays, a une
jeune servante en bonnet de velours. Ua
quatrième se"détache tout bonnement de la
bande, parce qu'il préfère boire une chope à
voir les tableaux du Louvre ou les animaux
du jardin des Plantes... :
A
Les journalistes, désireux de produire de
l'effet en s'adressant à la sensibilité de leurs
lecteurs, ont l'habitude de s'attendrir sur le
délabrement et la pauvreté de ces ruches tra-
vailleuses qui s'en vont chercher à vivre sous
un autre ciel.
Tout cela est bientôt dit.
La vérité est que les émigrants suisses et
allemands, s'ils ne sont pas des millionnaires,
sont loin aussi d'être des mendiants. Ils .
payent, en moyenne, cinq cents francs pour
leur passage. Des agences se chargent
pour ce prix, non-seulement du transport de
leurs personnes et de leurs bagages, mais en-
core de tomHes-frais de-nourriture et de loge-
ment, depuis le point de départ jusqu'au point
d'arrivée. Ce point est déterminé. Les émi-
grants d'il y a dix ans ont écrit à ceux d'au-
jourd'hui qu'une place, un emploi, un coin-
de terre fertile, les attendait.
Ils savent où ils vont et-'ce qu'ils feront.
Ni aventuriers, ni révolutionnaires, ils ont
compris que les Etats-Unis d'Amérique sont
la terre bénie des travailleurs. En effet, ils y
sont heureux.
Ce qui le prouve, c'est l'exemple de quel-
ques-uns d'entre eux. Pris du mal du pays, ils -
sont revenus dans la mère-patrie. Ils s'y
sont installés. Un an ll'e s'était pas passé,
qu'ils repartaient pour l'Amérique.
Voyez les Alsaciens et les Luxembourgeois
établis à Paris. Chaque soir ils disent : -
Quand donc nous sera-t-il possible de re-
ROCAMBOLE
N° 222 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
■
Eo 222
CINQUIÈME PARTIE
L'ENFER DE MISTRESS BURTON
XXII
Si un abîme se fût entr'ouvert sous les pas
du révérend Peters Town, il n'eùt certes pas
éprouvé une plus violente épouvante.
Ces hommes austères, de mœurs ascétiques,
fanatisés par leur ambition, et qui vont droit à
leur but mystérieux sans jamais s'arrêter, sont
sujets à ces terreurs soudaines.
Voirie numéro du 22 novembre.
Le révérend,qui avait juré la perte de l'hom-
me gris et de tous ceux qui servaient l'Irlande,
se fit sur-le-champ ce raisonnement :
— De chasseur, je suis devenu gibier, de vain-
queur, vaincu. Si j'avais tenu cet homme en
mon pouvoir, j'aurais été sans pitié. Il me tient
et il va me tuer, c'est son droit.
Le pont était désert, la'nuit épaisse, le brouil-
lard noyait jusqu'à la clarté des réverbères, et
le révérend Peters Town était entouré de trois
hommes dont un seul eût suffi gour le réduire
à l'impuissance.
La peur rend muet.
Le révérend ne prononça donc pas un mot, il
ne fit pas un geste.
• Comme une victime, il attendit que ses bour-
reaux frappassent.
— Votre Honneur m'excusera , dit alors
l'homme gris, si je prends quelques petites pré-
cautions.
Et, avec une adresse de jongleur indien, il
passa au cou du révérend un cordon de soie
qu'il suffisait de serrer pour l'étrangler.
En même temps, il dit à l'un des deux hom-
mes recrutés dans le public house :
— Mets à Son Honneur les gants que je t'ai
donnés.
— Ils vont m'étrangler, puis me jeter dans la
Tamise, pensait le révérend, dont la gorge cris-
pée n'aurait pas même pu laisser passer un gé-
missement ou un cri.
Le complice de l'homme gris tira alors' de sa
poche non point des gants, mais un instrument
des plus vulgaires, sans lequel le bon gendarme
français voyage rarement, et qu'on appelle une
paire de menottes.
En dix secondes, le révérend eut un cordon
au cou, les mains attachées, et, par excès de
précaution , on lui passa une ficelle autour
des chevilles, de façon à lui ôter le libre usage
de ses jambes.
Tous ces préparatifs, au lieu de compléter la
sinistre épouvante qui s'était emparée du révé-
rend, produisirent l'effet contraire.
Dans son cerveau affolé, une lueur d'espoir
brilla tout à coup. *
— S'ils voulaient me tuer, pensa.-t-il, ils se
seraient bornés à m'étrangler et à me jeter pas
dessus le parapet. Non, ils veulent me garder
prisonnier.
Ce qui semblait venir à l'appui de cette opi-
nion, c'était le bruit d'avirons qui retentissait
sur le fleuve, et qui vint tout à coup mourir au-
dessous du pont.
Alors l'homme gris dit au révérend :
— Votre Honneur sera plein d'indulgence, et
comprendra que nous ne vop.4w.s pas qu'il nous
échappe •
Dès lors, le révérend fut fixé. On en voulait à.
sa liberté, non à sa vie.
— Seulement, ajouta l'homme gris qui tira un
poignard def dessous son carrick, Votre Honneur
comprendra que si le moindre cri lui échappait,
je serais contraint de lui enfoncer ce jouet dans
la gorge.
Peters Town eut enfin un geste de résigna-
tion .
Du moment où on lui laissait la vie, rien
n'était désespéré, ni même perdu. Les hommes
comme lui ne renoncent jamais à prendre leur
revanche tôt ou tard.
Alors l'homme gris se pencha sur le parapet
et siffla de nouveau. i
Un coup de sifflet monta, en réponse au sien,
ces profondeurs de l'abîme perdu dans le brouil-
lard.
— Parfait ! murmura celui que Shokmg appe-
lait le maître. Et il s'adressa encore au révé-
rend : :
— Nous allons vous faire suivre un petit che.
min qui va vous paraître périlleux, dit-il. 4ais
Harris est un robuste compère, et il ne vous
lâchera pas. Ainsi ne craignez rien. \ i
Malgré l'obscurité, Peters Town,qui commen."
çait à respirer, put voir alors un des deux hom-
mes, le plus grand et celui qui paraissait le plu.!i"
robuste dérouler une corde à nœuds qu'il portait
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