LA PETITE PRESSE
ft cent. le fiaméro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mais.. on o.
Paris & &. 9 fr. 19 fr.
. Départements.. 8 11 2V - -
- Administrateur ; E. DELSAUX. >
t
. «T année. — - SAMEDI 13 JUIN 18fi8. --Nt 786
Directeur-Proprié taire, : J A N N I N.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE»;
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 12 JUIN 1868
LE CHATEAU DE FONTAINEBLEAU
\ ■ : .
Depuis trois jours, chers lert&liVs' Inape-
rçu r Napoléon III a quiUé les Tmîerfés". Il ha-
bite le château de Fontainebleau, où il vit en
famille, c'est-à-dire n'ayant autour de lui
que cent cinquante ou deux cents personnes.
La Petite Presse vous a donné, il y a deux
•«.ns, une description du château de Fontaine-
bleau. Hier, un de ses rédacteurs vous ser-
vait de guide dans les appartements de la fa-
mille impériale. Je voudrais, élargissant un
peu ce cadre, faire passer devant vous les
principaux épisodes dont la vieille résidence
royale a été le théâtre autrefois.
Un seigneur gallo-romain, nommé Blau-
d,us, s'était bâti une maison auprès d'une
fontaine. Traduisez Blaudus par Blau et
vous aurez Fontaine-B!au.
Bleau, suivant d'autres, était le nom d'un
lévrier du roi Saint-Louis. Ce lévrier, dans
une partie de chasse, vint se désaltérer à une
fontaine inconnue jusque-là, qu'on baptisa
aussitôt Fontaine-Bleau.
Il y a une troisième étymologie, qui me
paraît de beaucoup la meilleure. Ni seigneur,
ni lévrier, tout simplement une fontaine dont
l'eau était belle. De là Fontaine de belle-eau,
Fontaine belle-eau, Fontaine-bleau.
Ce qu'il y a de certain, c'est que la fon-
taine précéda le château, et que le château
précéda la ville.
Lorsque Charles VII, avec l'aide de Jeanne
d'Arc, de Dunois, de Xaintrailles et de quel-
ques autres, eut reconquis la France sur les
Anglais, — il vint s'installer dans un donjon
Entouré de fossés, au milieu de la forêt de
Bière. Ses prédécesseurs séjournaient là vo-
lontiers pendant la saison de la chasse. Lui,
se plut à faire représenter ses victoires sur les
murs. Le soir, quand il avait couru le cerf,
il éprouvait une véritable joie à regarder les
grands coups d'épée qu'on s'était donnés pour
lui.
Ses successeurs, .moins amoureux de la
peinture et des sous bois, eurent chacun une
résidence favorite sur la Loire. Louis XI se
barricada dans le petit manoir de Plessis-les-
j Tour?. Charles VIII joua à la paume dans lès
fossés d'Amboise. Louis Xll se maria et se
I remaria à Blois. 1 .
Le véritable créateur du château de Fontai-
nebleau est François lKT, ——— — .. - .
. C'est l'époque de la Renaissance. ;!
Le manoir féodal se transforme en palais.
Les gentilshommes sortent de leurs armures
de fer pour revêtir des habits de soie. Les
peintres, les sculpteurs, les poëtes et les sa-
vants commencent à compter dans l'Etat. Les
femmes quittent leurs vieilles résidences au
fond des provinces, pour venir à la cour : « Une
cour sans femmes, avait dit François Ier, est
une année sans printemps et un printemps
sans roses. » Il fallait un décor à ces défilés
galants. Le roi s'adressa aux grands artistes
de l'Italie. MichebAnge refusa. Raphaël mou-
rut, la veille de son départ pour la France.
Léonard de Vinci ne vint chez nous que pour
y mourir.
Mais Le Primatice, Le Rosso, Benvenuto
Cellini et quelques autres se rendirent à l'in-
vitation royale et formèrent 'l'Ecole de Fon-
tainebleau, en face de l'Ecole française illus-
trée par Jean Cousin, Jean Goujon, Germain
Pilon et Pierre Lescot. Désormais les châteaux
royaux furent transformés. Les larges pavil-
ions remplacèrent les tours. Les salles d'ar-
mes se changèrent en longues galeries peintes
et sculptées. Dans les jardins, les treillis, les
fruiteries, les bosquets peuplés de statues,
remplacèrent les grands massifs d'arbres sé-
culaires. Les sirènes, les faunes, les salaman-
dres surgirent des fontaines. On mit des col-
liers d'or aux carpes des bassins.
En 4537, Jacques V, roi d'Ecosse, vint
épouser, à Fontainebleau, madame Madeleine,
fille de François Ier.
— Mon Dieu ! que je m'ennuierai, quand
je ne serai plus ici ! s'écria la jeune fille...
En effet, lorsqu'elle se vit au milieu des
montagnes de l'Ecosse, sous un ciel gris, en-
tourée de gens en plaids, elle se trouva si dé-
paysée qu'elle en mourut.
Deux ans après, Charles-Quint demanda à
François Ier la permission de traverser la
France, pour aller apaiser une sédition à
Gand. 11 fut reçu à l'entrée de la forêt par
une troupe de seigneurs et de dames, « dé-
guisés en forme de dieux et de déesses boca-r
gères, qui, au son des halltbois, composè-
rent une danse rustique, puis se perdirent
V-
- dans les ombres des bois. » Pendant toift 1&
séjour de Charles-Quint « le roi le festoya, et
lui donna tous les plaisirs qui se peuvent in-
vente)', comme des chasses royales, tournois,
escarmouches, combats à pied et à cheval, et
sommairement toutes sortes d'esbattements. »
Ce sommairement prouve que les chroniqueurs
de -la; Renaissance -,,étaient, sinon plus respec-
- tueui,duTndhfcpîus discrets que roux d'aujour-
d'hui. Les fêtes du reste succédaient aux fêtes.
Grandes cérémonies pour le baptême de Fran-
çois Il. Grandes cérémonies encore pour le
mariage d'Elisabeth fille d'Henri Il, avec
Philippe II d'Espagne...
! François leI" aimait, pour la mise en scène
de ces splendeurs, à consulter sa belle-fille,
Catherine de Médiois, une Florentine qui
s'entendait en beaux-arts comme en politique.
Lorsque Henri II succéda à son père, ce fut
une reine de la main gauche, Diane de Poi-
,tiers, qui prit la direction des embellisse-
ments de Fontainebleau et se mêla de proté-
ger les artistes et les poëtes. Catherine ne re-
devint reine qu'à la mort de son mari. Mais,
supérieure par l'intelligence à ses trois fils,
François H, Charles IX et Henri 111, elle gou-
verna tour à tour sous leur nom.
La situation était difficile. Le protestantis-
me venait de pénétrer en France, et les guer-
res de religion servaient de prétexte aux ten-
tatives des divers partis qui divisaient le
royaume. La féodalité du Midi trouvait dans
ceux de la religion réformée des soldats pour
combattre l'autorité royale. Les rois, pour se
déftaëre, étaient forcés _. de s'adresser aux
bourgeois des grandes villes qui faisaient
leurs conditions, ou aux seigneurs lorrains,
les Guise, qui se montraient plus exigeants
j encore que les bourgeois. On a beaucoup
reproché ses perfidies à Catherine de Médi-
cis. Elle ne fit guère que mettre en pratique
cette maxime d'état: «Diviser pour régner. »
Cette bonne catholique s'alliait parfois aux
protestants, afin de se défendre contre les
Guise ; et elle n'eût pas mieux demandé de
voir tout le monde d'accord, à la condition
que tout le monde eût reconnu son autorité.
Entre les arquebusades et les convocations
d'Eiats, elle donnait volontiers des fêtes, et
ses cent cinquante filles d'honneur comptaient
parmi les auxiliaires de sa politique. Rien à
Fontainebleau qui rappelât les luttes sombres
de la religion. On demandait à la mythologie
et aux souvenirs de la T ble-Ronde des ins-
pirations poétiques et gracieuses. Il y eut des
combats entre des Grecs et des Troyens lut.
tant pour leurs dames; des tournois, des
tours enchantées. Les bassins étaient peuplés
de naïades, et les dryades apparaissaient à
travers les arbres de la forêt...
Henri III n'aimait pas Fontainebleau.
Henri IV y dépensa deux millions quatre cent.
quarante mille huit cent cinquante livres.
Sully nous a gardé le chiffre. il le trouve
énorme. Le système de M. Haussmann n'ava-i!- :
pas encore prévalu. ,
Le vieux ministre d'Henri IV n'aimait ni
les excès de dépense!?, ni ceux d'aucune sorte :
a Le même jour, dit-il dans ses MénwÍl'n;,
S. M., après avoir chassé l'oiseau, fit une
chasse au loup, eL finit la journée par une
troisième chasse au cerf, qui dura jusqu'à La
nuit, malgré une pluie de trois.ou "quatre
heures. On était alors à six lieuôs,'du;.-gitp.
Le roi arriva un peu fatigué... Voilà ce que
les princes appellent s'amuser ; il ne faut dis-
puter ni des goÚls ni des plaisirs...» Gabrielje
d'Estrées avait remplacé Diane de Poitiers. Il
faut lire l'histoire des Pleines de la main (jatt-
che, par M. Capefiglle. Henri écrit, un jour,
ce billet à son amie : « De nos délicieux dé-
serts de Fontaine-belle-eau. Mes chers amours,
je me porte bien, Dieu merci ! je ne suis mèl-
lade que du désir de vous voir... »
Louis XIII était né à Fontainebleau, il y
revint de temps en temps. Le jour de la Fête-
Dieu de l'année 1633, il y a deux cent trente-
cinq ans aujourd'hui, il y toucha 1269 mala-
des des écrouelles, réunis dans l'allée le long
de l'étang. L'histoire ne nous dit pas com-
bien de ces malades furent guéris. Le cardi-
nal de Richelieu aimait Fontainebleau. C'est
de là qu'il envoya l'ordre d'arrêter Chalais.
C'est là encore qu'il revint, après l'exécution
de Cinq-Mars et de De Thou. Il était malade
et déjà près de la tombe. « On le portait dans
une machine, raconte Tallemant des Réaux,
et, pour ne pas l'incommoder, on rompait les
murailles où il logeait, et si c'était par eau,
on faisait une rampe dès la cour, où il en-
trait et descendait par une fenêtre dont on
avait ôté la croisée. » Ce qui fit dire par allu-
sion à la mort de Cinq-Mars, que cette pré-
ROCAMBOLE
mess=""N°221 LES
PAR
PONSON DU TERRAIL.
CINQUIÈME PARTIE
L'ENFER DE MISTRESS BURTON
XXI
En effet, le révérend Peters Town: qui était
arrivé à Bath square plein d'agitation, s'était
calmé en lisant le billet apporté par M. Bardel
et signé Simouns.
La raison mise en avant ,paf le prétendu agent
de police était si plausible, si Naturelle, que le
^Voirie numéro du 22 novembre.
révérend ne douta pas un seul instant de la vé-
racité de cette assertion.
Car, les Irlandais devaient avoir organisé
à l'entour de Bath square, un véritable cordon
humain qui aurait empêché l'enfant d'y entrer.
1\1. Simouns était donc un habile homme en
cachant son prisonnier, et en attendant au len-
demain pour le reconduire au moulin, renforcé
d'une escouade tout entière de policemen.
Du moins, telle fut l'opinion émise par le
gouverneur de Coid Bath fields, et cette opi-
nion fut si bien partagée par le révérend Peters
Town que celui-ci dit ajors :
— Je n'ai plus rien à faire ici et je vais rentrer
chez moi.
— Mais, mon révérend, lui dit le gouverneur,
comment allez-vous pouvoir vous en aller?
Peter-s TowrJ, qui était arrivé avant que le
brouillard n'eût interrompu la circulation des
voitures, trouva la question bizarre.
M. Bardel,qui assistait à l'entretien, dit à son
tour:
— 11 est difficile, par le brouillard qu'il fait, de
trouver son chemin, monsieur.
— Et une voiture, dit le gouverneur. Cepen-
dant on va essayer de vous en trouver une.
— J'y vais, dit M. Bardel, enchanté de pou-
voir aller raconter à l'homme gris l'effet produit
par la lettre, „
911 sait CP. qui s'était passé dans la tav2rne.
Dix minutes après, M. Bardel revint et an-
nonça qu'il avait un cab et que ce cab était à la
porte.
Alors Peters Town dit au gouverneur:
— Vous vouliez m'offrir l'hospitalité, je vous
la demande pour mon secrétaire.
Et il montrait le clergyman; à qui il dit :
— Vous allez rester ici, mon ami, et demain,
aussitôt que M. Simouns aura amené l'enfant,
vous viendrez me prévenir.
Puis il fit ses adieux au gouverneur et suivit
M. Bardel, ne se doutant guère que le cabman
à qui il allait avoir affaire, était l'homme qu'il
s'était juré de faire pendre à la porte de New-
gate.
Lorsque Peters Town fut dehors, il s'aperçut
en effet, que le brouillard était d'une extrême
densité.
— Hé ! hé ! dit-il au cabman, immobile sur
son siège, pourrez-vous marcher par ce brouil-
lard ?
— Certainement, Votre Honneur, répondit le
prétendu cabman.Votre Honneur n'a qu'à mon-
ter. Où allons-nous ?
— A Notting-hill, dans Elgin-Crescent.
— AU reight / dit le cabman.
L'homme gris fit un appel de rênes, donna
un coup de langue, et rendit la main à son
cheval.
Pendant un grand quart d 'heure,'le révérend,
absorbé par sa joie de voir enfin l'enfant en son
pouvoir, — car il le croyait plus fermement que
jamais aux mains de M. Simouns, — le révé-
rend, disons-nous, ne lit pas la moindre atten-
tion au chemin parcouru.
D'ailleurs, à Londres, où toutes les rues se
ressemblent, il est impossible de se reconnaître
par une nuit de brouillard.
Le cab roulait'rapidement.
Cependant, à un certain moment, l'attention
du révérend fut éveillé.
Le cab passait sur une large place qui était
très-ëclairé?, et il se demanda si le cabman ne
se trompait pas.
Il frappa donc au guichet; le cabman sou-
leva la petite trappe, et demanda ce qu'il vou-
lait.
— Ne vous trompez-vous pas ? lui dit le révé-
rend.
— Non, Votre Honneur.
— Il me semble que nous sommes dans
Leicester square,ce qui serait tout à fait l'opposé
de notre direction.
— C-est Votre Honneur qui se trompe, dit la
cabman. Nous sommes dans Sussex squarc
Kinsington gardens.
ft cent. le fiaméro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mais.. on o.
Paris & &. 9 fr. 19 fr.
. Départements.. 8 11 2V - -
- Administrateur ; E. DELSAUX. >
t
. «T année. — - SAMEDI 13 JUIN 18fi8. --Nt 786
Directeur-Proprié taire, : J A N N I N.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE»;
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rue Drouot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 12 JUIN 1868
LE CHATEAU DE FONTAINEBLEAU
\ ■ : .
Depuis trois jours, chers lert&liVs' Inape-
rçu r Napoléon III a quiUé les Tmîerfés". Il ha-
bite le château de Fontainebleau, où il vit en
famille, c'est-à-dire n'ayant autour de lui
que cent cinquante ou deux cents personnes.
La Petite Presse vous a donné, il y a deux
•«.ns, une description du château de Fontaine-
bleau. Hier, un de ses rédacteurs vous ser-
vait de guide dans les appartements de la fa-
mille impériale. Je voudrais, élargissant un
peu ce cadre, faire passer devant vous les
principaux épisodes dont la vieille résidence
royale a été le théâtre autrefois.
Un seigneur gallo-romain, nommé Blau-
d,us, s'était bâti une maison auprès d'une
fontaine. Traduisez Blaudus par Blau et
vous aurez Fontaine-B!au.
Bleau, suivant d'autres, était le nom d'un
lévrier du roi Saint-Louis. Ce lévrier, dans
une partie de chasse, vint se désaltérer à une
fontaine inconnue jusque-là, qu'on baptisa
aussitôt Fontaine-Bleau.
Il y a une troisième étymologie, qui me
paraît de beaucoup la meilleure. Ni seigneur,
ni lévrier, tout simplement une fontaine dont
l'eau était belle. De là Fontaine de belle-eau,
Fontaine belle-eau, Fontaine-bleau.
Ce qu'il y a de certain, c'est que la fon-
taine précéda le château, et que le château
précéda la ville.
Lorsque Charles VII, avec l'aide de Jeanne
d'Arc, de Dunois, de Xaintrailles et de quel-
ques autres, eut reconquis la France sur les
Anglais, — il vint s'installer dans un donjon
Entouré de fossés, au milieu de la forêt de
Bière. Ses prédécesseurs séjournaient là vo-
lontiers pendant la saison de la chasse. Lui,
se plut à faire représenter ses victoires sur les
murs. Le soir, quand il avait couru le cerf,
il éprouvait une véritable joie à regarder les
grands coups d'épée qu'on s'était donnés pour
lui.
Ses successeurs, .moins amoureux de la
peinture et des sous bois, eurent chacun une
résidence favorite sur la Loire. Louis XI se
barricada dans le petit manoir de Plessis-les-
j Tour?. Charles VIII joua à la paume dans lès
fossés d'Amboise. Louis Xll se maria et se
I remaria à Blois. 1 .
Le véritable créateur du château de Fontai-
nebleau est François lKT, ——— — .. - .
. C'est l'époque de la Renaissance. ;!
Le manoir féodal se transforme en palais.
Les gentilshommes sortent de leurs armures
de fer pour revêtir des habits de soie. Les
peintres, les sculpteurs, les poëtes et les sa-
vants commencent à compter dans l'Etat. Les
femmes quittent leurs vieilles résidences au
fond des provinces, pour venir à la cour : « Une
cour sans femmes, avait dit François Ier, est
une année sans printemps et un printemps
sans roses. » Il fallait un décor à ces défilés
galants. Le roi s'adressa aux grands artistes
de l'Italie. MichebAnge refusa. Raphaël mou-
rut, la veille de son départ pour la France.
Léonard de Vinci ne vint chez nous que pour
y mourir.
Mais Le Primatice, Le Rosso, Benvenuto
Cellini et quelques autres se rendirent à l'in-
vitation royale et formèrent 'l'Ecole de Fon-
tainebleau, en face de l'Ecole française illus-
trée par Jean Cousin, Jean Goujon, Germain
Pilon et Pierre Lescot. Désormais les châteaux
royaux furent transformés. Les larges pavil-
ions remplacèrent les tours. Les salles d'ar-
mes se changèrent en longues galeries peintes
et sculptées. Dans les jardins, les treillis, les
fruiteries, les bosquets peuplés de statues,
remplacèrent les grands massifs d'arbres sé-
culaires. Les sirènes, les faunes, les salaman-
dres surgirent des fontaines. On mit des col-
liers d'or aux carpes des bassins.
En 4537, Jacques V, roi d'Ecosse, vint
épouser, à Fontainebleau, madame Madeleine,
fille de François Ier.
— Mon Dieu ! que je m'ennuierai, quand
je ne serai plus ici ! s'écria la jeune fille...
En effet, lorsqu'elle se vit au milieu des
montagnes de l'Ecosse, sous un ciel gris, en-
tourée de gens en plaids, elle se trouva si dé-
paysée qu'elle en mourut.
Deux ans après, Charles-Quint demanda à
François Ier la permission de traverser la
France, pour aller apaiser une sédition à
Gand. 11 fut reçu à l'entrée de la forêt par
une troupe de seigneurs et de dames, « dé-
guisés en forme de dieux et de déesses boca-r
gères, qui, au son des halltbois, composè-
rent une danse rustique, puis se perdirent
V-
- dans les ombres des bois. » Pendant toift 1&
séjour de Charles-Quint « le roi le festoya, et
lui donna tous les plaisirs qui se peuvent in-
vente)', comme des chasses royales, tournois,
escarmouches, combats à pied et à cheval, et
sommairement toutes sortes d'esbattements. »
Ce sommairement prouve que les chroniqueurs
de -la; Renaissance -,,étaient, sinon plus respec-
- tueui,duTndhfcpîus discrets que roux d'aujour-
d'hui. Les fêtes du reste succédaient aux fêtes.
Grandes cérémonies pour le baptême de Fran-
çois Il. Grandes cérémonies encore pour le
mariage d'Elisabeth fille d'Henri Il, avec
Philippe II d'Espagne...
! François leI" aimait, pour la mise en scène
de ces splendeurs, à consulter sa belle-fille,
Catherine de Médiois, une Florentine qui
s'entendait en beaux-arts comme en politique.
Lorsque Henri II succéda à son père, ce fut
une reine de la main gauche, Diane de Poi-
,tiers, qui prit la direction des embellisse-
ments de Fontainebleau et se mêla de proté-
ger les artistes et les poëtes. Catherine ne re-
devint reine qu'à la mort de son mari. Mais,
supérieure par l'intelligence à ses trois fils,
François H, Charles IX et Henri 111, elle gou-
verna tour à tour sous leur nom.
La situation était difficile. Le protestantis-
me venait de pénétrer en France, et les guer-
res de religion servaient de prétexte aux ten-
tatives des divers partis qui divisaient le
royaume. La féodalité du Midi trouvait dans
ceux de la religion réformée des soldats pour
combattre l'autorité royale. Les rois, pour se
déftaëre, étaient forcés _. de s'adresser aux
bourgeois des grandes villes qui faisaient
leurs conditions, ou aux seigneurs lorrains,
les Guise, qui se montraient plus exigeants
j encore que les bourgeois. On a beaucoup
reproché ses perfidies à Catherine de Médi-
cis. Elle ne fit guère que mettre en pratique
cette maxime d'état: «Diviser pour régner. »
Cette bonne catholique s'alliait parfois aux
protestants, afin de se défendre contre les
Guise ; et elle n'eût pas mieux demandé de
voir tout le monde d'accord, à la condition
que tout le monde eût reconnu son autorité.
Entre les arquebusades et les convocations
d'Eiats, elle donnait volontiers des fêtes, et
ses cent cinquante filles d'honneur comptaient
parmi les auxiliaires de sa politique. Rien à
Fontainebleau qui rappelât les luttes sombres
de la religion. On demandait à la mythologie
et aux souvenirs de la T ble-Ronde des ins-
pirations poétiques et gracieuses. Il y eut des
combats entre des Grecs et des Troyens lut.
tant pour leurs dames; des tournois, des
tours enchantées. Les bassins étaient peuplés
de naïades, et les dryades apparaissaient à
travers les arbres de la forêt...
Henri III n'aimait pas Fontainebleau.
Henri IV y dépensa deux millions quatre cent.
quarante mille huit cent cinquante livres.
Sully nous a gardé le chiffre. il le trouve
énorme. Le système de M. Haussmann n'ava-i!- :
pas encore prévalu. ,
Le vieux ministre d'Henri IV n'aimait ni
les excès de dépense!?, ni ceux d'aucune sorte :
a Le même jour, dit-il dans ses MénwÍl'n;,
S. M., après avoir chassé l'oiseau, fit une
chasse au loup, eL finit la journée par une
troisième chasse au cerf, qui dura jusqu'à La
nuit, malgré une pluie de trois.ou "quatre
heures. On était alors à six lieuôs,'du;.-gitp.
Le roi arriva un peu fatigué... Voilà ce que
les princes appellent s'amuser ; il ne faut dis-
puter ni des goÚls ni des plaisirs...» Gabrielje
d'Estrées avait remplacé Diane de Poitiers. Il
faut lire l'histoire des Pleines de la main (jatt-
che, par M. Capefiglle. Henri écrit, un jour,
ce billet à son amie : « De nos délicieux dé-
serts de Fontaine-belle-eau. Mes chers amours,
je me porte bien, Dieu merci ! je ne suis mèl-
lade que du désir de vous voir... »
Louis XIII était né à Fontainebleau, il y
revint de temps en temps. Le jour de la Fête-
Dieu de l'année 1633, il y a deux cent trente-
cinq ans aujourd'hui, il y toucha 1269 mala-
des des écrouelles, réunis dans l'allée le long
de l'étang. L'histoire ne nous dit pas com-
bien de ces malades furent guéris. Le cardi-
nal de Richelieu aimait Fontainebleau. C'est
de là qu'il envoya l'ordre d'arrêter Chalais.
C'est là encore qu'il revint, après l'exécution
de Cinq-Mars et de De Thou. Il était malade
et déjà près de la tombe. « On le portait dans
une machine, raconte Tallemant des Réaux,
et, pour ne pas l'incommoder, on rompait les
murailles où il logeait, et si c'était par eau,
on faisait une rampe dès la cour, où il en-
trait et descendait par une fenêtre dont on
avait ôté la croisée. » Ce qui fit dire par allu-
sion à la mort de Cinq-Mars, que cette pré-
ROCAMBOLE
mess=""N°221 LES
PAR
PONSON DU TERRAIL.
CINQUIÈME PARTIE
L'ENFER DE MISTRESS BURTON
XXI
En effet, le révérend Peters Town: qui était
arrivé à Bath square plein d'agitation, s'était
calmé en lisant le billet apporté par M. Bardel
et signé Simouns.
La raison mise en avant ,paf le prétendu agent
de police était si plausible, si Naturelle, que le
^Voirie numéro du 22 novembre.
révérend ne douta pas un seul instant de la vé-
racité de cette assertion.
Car, les Irlandais devaient avoir organisé
à l'entour de Bath square, un véritable cordon
humain qui aurait empêché l'enfant d'y entrer.
1\1. Simouns était donc un habile homme en
cachant son prisonnier, et en attendant au len-
demain pour le reconduire au moulin, renforcé
d'une escouade tout entière de policemen.
Du moins, telle fut l'opinion émise par le
gouverneur de Coid Bath fields, et cette opi-
nion fut si bien partagée par le révérend Peters
Town que celui-ci dit ajors :
— Je n'ai plus rien à faire ici et je vais rentrer
chez moi.
— Mais, mon révérend, lui dit le gouverneur,
comment allez-vous pouvoir vous en aller?
Peter-s TowrJ, qui était arrivé avant que le
brouillard n'eût interrompu la circulation des
voitures, trouva la question bizarre.
M. Bardel,qui assistait à l'entretien, dit à son
tour:
— 11 est difficile, par le brouillard qu'il fait, de
trouver son chemin, monsieur.
— Et une voiture, dit le gouverneur. Cepen-
dant on va essayer de vous en trouver une.
— J'y vais, dit M. Bardel, enchanté de pou-
voir aller raconter à l'homme gris l'effet produit
par la lettre, „
911 sait CP. qui s'était passé dans la tav2rne.
Dix minutes après, M. Bardel revint et an-
nonça qu'il avait un cab et que ce cab était à la
porte.
Alors Peters Town dit au gouverneur:
— Vous vouliez m'offrir l'hospitalité, je vous
la demande pour mon secrétaire.
Et il montrait le clergyman; à qui il dit :
— Vous allez rester ici, mon ami, et demain,
aussitôt que M. Simouns aura amené l'enfant,
vous viendrez me prévenir.
Puis il fit ses adieux au gouverneur et suivit
M. Bardel, ne se doutant guère que le cabman
à qui il allait avoir affaire, était l'homme qu'il
s'était juré de faire pendre à la porte de New-
gate.
Lorsque Peters Town fut dehors, il s'aperçut
en effet, que le brouillard était d'une extrême
densité.
— Hé ! hé ! dit-il au cabman, immobile sur
son siège, pourrez-vous marcher par ce brouil-
lard ?
— Certainement, Votre Honneur, répondit le
prétendu cabman.Votre Honneur n'a qu'à mon-
ter. Où allons-nous ?
— A Notting-hill, dans Elgin-Crescent.
— AU reight / dit le cabman.
L'homme gris fit un appel de rênes, donna
un coup de langue, et rendit la main à son
cheval.
Pendant un grand quart d 'heure,'le révérend,
absorbé par sa joie de voir enfin l'enfant en son
pouvoir, — car il le croyait plus fermement que
jamais aux mains de M. Simouns, — le révé-
rend, disons-nous, ne lit pas la moindre atten-
tion au chemin parcouru.
D'ailleurs, à Londres, où toutes les rues se
ressemblent, il est impossible de se reconnaître
par une nuit de brouillard.
Le cab roulait'rapidement.
Cependant, à un certain moment, l'attention
du révérend fut éveillé.
Le cab passait sur une large place qui était
très-ëclairé?, et il se demanda si le cabman ne
se trompait pas.
Il frappa donc au guichet; le cabman sou-
leva la petite trappe, et demanda ce qu'il vou-
lait.
— Ne vous trompez-vous pas ? lui dit le révé-
rend.
— Non, Votre Honneur.
— Il me semble que nous sommes dans
Leicester square,ce qui serait tout à fait l'opposé
de notre direction.
— C-est Votre Honneur qui se trompe, dit la
cabman. Nous sommes dans Sussex squarc
Kinsington gardens.
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