Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-05-07
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 07 mai 1868 07 mai 1868
Description : 1868/05/07 (A3,N749). 1868/05/07 (A3,N749).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717751n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
a cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro ,
ABONNEMENTS. —' Trois mois. Six mois. Un an.
Paris 5 fr. 0*fr. 18 fr.
Départements.. a il 99
Administrateur : E. DELSAUX.
;JiU6 année. — JEUDI 7 MA! HJ68. — «..749 : -
. Directeur- Propriétaire: taire : JAN NIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, PUe Oronot. 1.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 6 MAI 1868.
COURRIER DES THÉATRES
Les pièces qui caractérisent un
temps. — M. Meilbac et M. Offen-
bach. — Les féeries. — M. Victo-
rien Sardou. — Les petits théâ-
tres. — Réprise des Bohémiens
de Paris à la Gaité. — Première
représentation du Comte d'Es-
sex au Chatelet.
Un mot à la mode depuis quelque temps
est le mot caractéristique.
On veut absolument que tel livre, telle
pièce, telle chanson ou tel artiste exprime
l'ensemble des faits, des sentiments et des
idées de son temps.
Ainsi, au théâtre, le demi monde et les piè-
ces d'Alexandre Dumas fils, caractérisent une
période d'affaires et de plaisirs sans mora-
lité.
Les Parisiens, les Effrontés, le Fils de
Giboyer, Montjoie, signalent le réveil do l'es-
prit public.
La belle Hélène, Barbe-Bleue, la Grande
Duchesse, !a Vie Parisienne et le Château à
Toto, que le Palais-Royal donnera ce soir,
sont le dernier mot d'une société blasée qui
s'i»,crie : — Blaguons 1 Blaguons les anciens
qu'on imitait sous Louis XIV ; blaguons le
moyen âge qu'on admirait en 1830 ; blaguons
no:-: contemporains et nous-mêmes; blaguons
tout 1...
Il y a du vrai dans la théorie de la carac- I
lêristique.
Depuis vingt ans les conditions de la vie
sont changées.
Je ne puis toucher ici qu'à l'une des faces
de la question. Mais cela suffira pour expli-
quer les trois cents représentations des pièces
de MM. Meilhac, Halévy et Offenbach, et les
cent représentations des pièces de M. Hervé:
Les Parisiens vivent la nuit.
Jusqu'à une heure, le gaz flamboie. Les
cafés regorgent de consommateurs; le public
se presse dans les théâtres ; les passants se
coudoient sur les boulevards et dans les rues.
Pas une vitre derrière laquelle ne brille une
lueur. L'ouvrier lui-même, qui rentre les
firein. brisés par le travail du jour, ne s. cou-
èbe plus après son repas du soir. Il veut pren-
dra part de l'existence nocturne dont les
n.tmeurs viennent jusqu'à lui ; il sort, ou, si (
>sjte jambes refusent de le porter, il lit.
/ Lç résultat?
' C'est à un médecin qu'il faudrait le de-
mander.
Le résultat c'est un tempérament factice -
substitué au tempérament gnaturel des indi-
vidus.
La nature a fait des hommes chez lesquels
le sang domine, d'autres chez lesquels do-
mine la bile, d'autres qui sont surtout.lym-
phatiques et d'autres qui sont surtout ner-
veux.
Avec la vie la nuit, le tempérament ner-
veux, qui est celui des femmes, devient le
tempérament universel.
Les facùltés personnelles disparaissent. Où
il y avait dix individus il n'y en a plus qu'un,
et cet un est im être impressionnable, irri-
table, variable, mobile, passant, au gré de ses
nerfs, d'une activité précipitée à une apathie
profonde.
Sa vie n'est pas abrégée : le propre des na-
tures nerveuses étant de se relever aussi vite
qu'elles s'abattent. Mais sa santé est altérée
et son âme se ressent des malaises de s-on
corps. La force musculaire et la beauté qui
lui est propre disparaissent pour faire place
à une vigueur accidentelle et à une beauté
purement d'expression. Dans la sphère des
lettres, les rêveurs remplacent les penseurs.
La musique qui agit sur les nerfs devient le
premier des arts....
,Et voilà pourquoi M. Meilhac règne et
l . M. OiTenbach est dieu,
Qnànf aux féeries et aiM oomédiir. do
Victorien Sardou, — leur succès s'explique
de même.
Les féeries, par leur spectacle merveilleux,
plaisent aux yeux ; les comédies de M. Sar-
dou, faites d'habi!etés, d'accessoires et de
petits moyens, intéressent l'esprit à la façon
d'un jeu de patience...
Caractéristique i — Il n'y a rien de tel
que les petits jeux pour amuser les vieux en-
fants...
' -■ ■ ■ ■ ' |
Il y a quelques jours, je m'étais promis de
parler théâtres pour annoncer une série de
représentations donnée, à la salle Molière,
par une association que recommande son but
(la Société lyrique des Familles joue au pro-
fit d>'s pauvres.) — Par la même occasion,
me disais-je, je recommanderai aux lecteurs
de !a Petite Presse deux ou trois petits théâ-
tres auxquels il arrive de jouer des pièces in-
téressantes et bien faites, sans que jamais un
journal prononce le nom d- s auteurs et celui
dès-artistes. J'irai du théâtre du Prince-Eu-
gène, qui donne Muguette, de M. Yvan de
Wœstine, aux Nouveautés, où l'on chante Les
Oreilles d'âne, paroles de MM. Langlé et Sa-
vard, musique de M. Armand Roux...
Je pousserai jusqu'à Passy pour annoncer
que le théâtre Rossini est ouvert de nouveau
et qu'une jeune chanteuse légère, Madame
Saborgue, y a débuté avec éclat. Chemin fai-
sant, je m'arrêterai devant le Vaudeville, et
je dirai qu'il y a beaucoup d'esprit dans les
Loups et lesAgneaux, puis devant leGymnace,
et j'ajouterai qu'il y en a plus encore dans le j
Chemin retrouvé. La première de ces pièces a
échoué et la seconde a réussi. Leur défaut à
toutes deux est de dater. Elles sont contem-
poraines, par le courant d'idées, des pièces
qu'on jouait il y a dix ans...
Je voulais dire cela, et d'autres choses en-
core, par exemple le succès obtenu à la Gaîté
par la reprise des Bohémiens de Paris, paroles
de M. d Ennery, musique de M, Arthur...
FouiM' le bitume
Du boulevard, charmant séjour...
On se rappelle son enfance et l'on est tenté
de danser en rond !...
Mais tout cède pour moi au plaisir de vous
parler du grand succès qu'a obtenu hier le
k théâtre du Châttletavec un drame historique,
lê-COmte d'Essex, qui, s'il no caractérise pas
notre temps, a du moins le grand et rare mé-
j rite de ne pas défigurer celui de la reine Eli-
sabeth.
Elisabeth, reine d'Angleterre, est en effet
l'héroïne du nouveau drame.
Un de ses conseillers disait d'elle :
— Elle était plus qu'un homme, et quel-
quefois moins qu'une femme.
Mettons une vieille fille, — assez belle,
d'une beauté froide et sans charme, savante
et pédante, intelligente et méchante, ayant
de la femme le désir de plaire et de l'homme
le sens critique qui lui faisait voir quand elle
ne plaisait pas; se vengeant alors avec une
! cruauté qu'il faut attribuer au sang de ME
père et aux misères d'une enfance passés
dans l'abandon ou la captivité..
Elisabeth fit de l'Angleterre la souveraine
de l'Océan ; elle détruisit des flottes; elle créa
des colonies; elle fut l'alliée d'Henri IV... Elle
sut résister à la mauvaise fortune, gouver-
ner, administrer, épargner... Mais elle"ne sut
pas se faire aimer, et sa vie se passa à la
poursuite de cet impossible!"..."
Le comte d'Essex, soldat brillant, renommé
pour ses galanteries, lui plut.
Il la trompa. Elle le menaça de se venger.
Il conspira; elle le fit juger .et exécuter.
C'est ce tragique épisode de l'histoire que
le drame du Châtelet met en scène.
Essex est pris entre trois passions :! celle
que la reine ressent pour lui ,• celle qu'il
éprouve lui-même pour Catherine Sydney,
et la haine qu'il a inspirée à son compagnon
Howard, dont il a séduit autrefois la femme.
La pièce commence comme une comédie,
par le spectacle des intrigues et des rivalités
de la cour. Mais bientôt le drame éclate.
Elisabeth doute; elle apprend; elle soufflette;
elle tue.
Je sais peu de dénouements plus terribles
que celui du comte d'Essex.
Le condamné a reçu jadis une bagne de la
reine. Cette bague est un talisman. Qu'il la
lui envoie, il aura sa grâce. Elisabeth, qui l'a
fait condamner, mais qui ne veut pas qu'il
meure, prie lady Howard d'aller redemander
l'anneau au prisonnier. Essex le rend ; il est
sauvé. Mais Howard le reprend à sa femme;
Essex est nerdu.
La reine interviendra, trop tard....
L'auteur de ce drame est un homme jeune
encore, dont l'existence a elle-même cet in-
térêt issu des contrastes qu'on aime à trou-
ver au théâtre.
D'abord comédien, puis inventeur, fabri-
cant, auteur enfin, M. Couturier a suivi une
route barrée d'obst;1cles devant lesquels il n'a
jamais reculé, soutenu qu'il était par un
sentiment profond. Il avait, dès ses débuts,
épousé une de ses camarades, une tragé-,
dienne qui a eu son heure de popularité,
madame Cornélie, et c'est pour elle qu'il
trouvait des sujets, faisait des plans, compo-
sait des rôles et cherchait des mots.
Hier, ils ont réussi ensemble.
Madame Cornéliij. violente, inégale, dépas- '
ROCAMBOLE
mess=""N° 184 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XLI
. uaïasons l'abbé Samuel quitter, le front haut,
ia cathédrale de Saint-Paul, et l'homme gris,
montant une bête de pur sang, s'en aller cara-
coler à Hyde - Park avec l'espoir d'y rencontrer
miss Ellen.
Retournons à Rotherithe, où nous allons re-
voir le numéro du 22 novembre.
trouver nos connaissances de la nuit précédente,
John le rough et Nichols. Paddy avait passé
une partie de la nuit avec eux, on s'en souvient;
puis il les avait quittés en leur disant :
— J'ai idée, moi, que le condamné John
Colden n'est pas à Rotherithe.
— 'Et où crois-tu qu'il est? avait demandé
Nichols, fortement découragé par 1 évasion de
Shoking et la disparition de l'Ecossais Mac-
ferson.
— C'est mon secret.
— Comment, ton secret ?
— Oui. ,,
— Tu ne dois pas avoir de secret pour nous,
puisque nous sommes associés, avait dit Ni-
chols.
— Ne te fâche pas, répondit Paddy, et écoute-
moi.
— Parle.
—- Quand je vous ai rencontrés, j'était moi-
même à la recherche de John Colden.
— Ah 1 vraiment?
— Mais je n'agissais pas pour mon compte.
— Et pour qui donc travaillais-tu ?
— Pour une personne puissante qui triplera,
au besoin, la prime offerte par la police.
— Eh bien ?
— Je vous l'ai dit, tout à l'heure, une idée 1
m'est venue et je crois bien que je sais où est
le condamné?
— Pourquoi donc, alors, ne veux-tu pas nous
le dire ?
— Je vous le dirai, mais quand la personne
pour qui je travaillais me l'aura permis, et elle
me le permettra, allez ; et il y a mieux, je sti-
pulerai avec elle pour vous, des conditions de
salaire magnifiques.
• Paddy parlait avec un accent de franchise qui
convainquit Nichols.
— Et quand verras-tu cette personne t
— Cette nuit même, je vais y aller ?
— Où te retrouverons-nous? ,
— Où vous voudrez, dit Paddy, qui ne pré-
voyait pas la besogne et les instructions que lui
donnerait miss Ellen.
— Eh bien ? dit Nichols, ici même, au bord
de l'eau. Nous coucherons dans la péniche. *
— Soit, dit Paddy.
Et il s'en alla.
On sait ce qui s'était passé. Paddy avait fait
partie de l'expédition souterraine accomplie par
miss Ellen et lord Palmure.
On se souvient qu'il avait fait part de ses
soupçons à miss EUen, touchant cette lumière
qui brillait toute la nuit dans le clocher de
Saint-George, et que miss Ellen, devinant que
ce n'était point de John Colden, mais de 1 hom- i
\
me gris qu'il s'agissait, lui avait enjoint d 'aver-
tir l'abbé Samuel.
Miss E!len, qui avait un plan en donnant cet
ordre, avait donc congédié Paddy, modifiant
ainsi du tout au tout la conduite de cet homme
vis-à-vis de ses associés de la nuit.
Donc, Nichols et John le rough qui, le bateau
de police éloigné, étaient retournés chercher un
abri pour le reste de la nuit dans la péniche,
constatèrent, après un long sommeil, que Paddy
n'était pas revenu, bien qu'il leur eût donné
rendez-vous.
Alors John regarda Nichols.
— Veux-tu savoir ma pensée? lui dit-il.
— Parle.
— Eh bien! j'ai idée que Paddy s'est moqué
dénoua.
— Allons donc!
— Ou qu'il nous trahit.
— Au profit de qui?
— Des Irlandais, pardieu ! Sais-tu où il de-
meure?
— Oui, dans le Soutwark, et dans un passage
qui donne dans Adam street.
— Eh bien 1 allons chez lui, nous verront
bien.
Et quittant la péniche, Nichols et John ren.
trèrent dans le Borough, qu'ils traversèrent tqs
entier et se rendirent dans le RoutwarJe.
a cent. le numéro JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro ,
ABONNEMENTS. —' Trois mois. Six mois. Un an.
Paris 5 fr. 0*fr. 18 fr.
Départements.. a il 99
Administrateur : E. DELSAUX.
;JiU6 année. — JEUDI 7 MA! HJ68. — «..749 : -
. Directeur- Propriétaire: taire : JAN NIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER BRAGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, PUe Oronot. 1.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, 6 MAI 1868.
COURRIER DES THÉATRES
Les pièces qui caractérisent un
temps. — M. Meilbac et M. Offen-
bach. — Les féeries. — M. Victo-
rien Sardou. — Les petits théâ-
tres. — Réprise des Bohémiens
de Paris à la Gaité. — Première
représentation du Comte d'Es-
sex au Chatelet.
Un mot à la mode depuis quelque temps
est le mot caractéristique.
On veut absolument que tel livre, telle
pièce, telle chanson ou tel artiste exprime
l'ensemble des faits, des sentiments et des
idées de son temps.
Ainsi, au théâtre, le demi monde et les piè-
ces d'Alexandre Dumas fils, caractérisent une
période d'affaires et de plaisirs sans mora-
lité.
Les Parisiens, les Effrontés, le Fils de
Giboyer, Montjoie, signalent le réveil do l'es-
prit public.
La belle Hélène, Barbe-Bleue, la Grande
Duchesse, !a Vie Parisienne et le Château à
Toto, que le Palais-Royal donnera ce soir,
sont le dernier mot d'une société blasée qui
s'i»,crie : — Blaguons 1 Blaguons les anciens
qu'on imitait sous Louis XIV ; blaguons le
moyen âge qu'on admirait en 1830 ; blaguons
no:-: contemporains et nous-mêmes; blaguons
tout 1...
Il y a du vrai dans la théorie de la carac- I
lêristique.
Depuis vingt ans les conditions de la vie
sont changées.
Je ne puis toucher ici qu'à l'une des faces
de la question. Mais cela suffira pour expli-
quer les trois cents représentations des pièces
de MM. Meilhac, Halévy et Offenbach, et les
cent représentations des pièces de M. Hervé:
Les Parisiens vivent la nuit.
Jusqu'à une heure, le gaz flamboie. Les
cafés regorgent de consommateurs; le public
se presse dans les théâtres ; les passants se
coudoient sur les boulevards et dans les rues.
Pas une vitre derrière laquelle ne brille une
lueur. L'ouvrier lui-même, qui rentre les
firein. brisés par le travail du jour, ne s. cou-
èbe plus après son repas du soir. Il veut pren-
dra part de l'existence nocturne dont les
n.tmeurs viennent jusqu'à lui ; il sort, ou, si (
>sjte jambes refusent de le porter, il lit.
/ Lç résultat?
' C'est à un médecin qu'il faudrait le de-
mander.
Le résultat c'est un tempérament factice -
substitué au tempérament gnaturel des indi-
vidus.
La nature a fait des hommes chez lesquels
le sang domine, d'autres chez lesquels do-
mine la bile, d'autres qui sont surtout.lym-
phatiques et d'autres qui sont surtout ner-
veux.
Avec la vie la nuit, le tempérament ner-
veux, qui est celui des femmes, devient le
tempérament universel.
Les facùltés personnelles disparaissent. Où
il y avait dix individus il n'y en a plus qu'un,
et cet un est im être impressionnable, irri-
table, variable, mobile, passant, au gré de ses
nerfs, d'une activité précipitée à une apathie
profonde.
Sa vie n'est pas abrégée : le propre des na-
tures nerveuses étant de se relever aussi vite
qu'elles s'abattent. Mais sa santé est altérée
et son âme se ressent des malaises de s-on
corps. La force musculaire et la beauté qui
lui est propre disparaissent pour faire place
à une vigueur accidentelle et à une beauté
purement d'expression. Dans la sphère des
lettres, les rêveurs remplacent les penseurs.
La musique qui agit sur les nerfs devient le
premier des arts....
,Et voilà pourquoi M. Meilhac règne et
l . M. OiTenbach est dieu,
Qnànf aux féeries et aiM oomédiir. do
Victorien Sardou, — leur succès s'explique
de même.
Les féeries, par leur spectacle merveilleux,
plaisent aux yeux ; les comédies de M. Sar-
dou, faites d'habi!etés, d'accessoires et de
petits moyens, intéressent l'esprit à la façon
d'un jeu de patience...
Caractéristique i — Il n'y a rien de tel
que les petits jeux pour amuser les vieux en-
fants...
' -■ ■ ■ ■ ' |
Il y a quelques jours, je m'étais promis de
parler théâtres pour annoncer une série de
représentations donnée, à la salle Molière,
par une association que recommande son but
(la Société lyrique des Familles joue au pro-
fit d>'s pauvres.) — Par la même occasion,
me disais-je, je recommanderai aux lecteurs
de !a Petite Presse deux ou trois petits théâ-
tres auxquels il arrive de jouer des pièces in-
téressantes et bien faites, sans que jamais un
journal prononce le nom d- s auteurs et celui
dès-artistes. J'irai du théâtre du Prince-Eu-
gène, qui donne Muguette, de M. Yvan de
Wœstine, aux Nouveautés, où l'on chante Les
Oreilles d'âne, paroles de MM. Langlé et Sa-
vard, musique de M. Armand Roux...
Je pousserai jusqu'à Passy pour annoncer
que le théâtre Rossini est ouvert de nouveau
et qu'une jeune chanteuse légère, Madame
Saborgue, y a débuté avec éclat. Chemin fai-
sant, je m'arrêterai devant le Vaudeville, et
je dirai qu'il y a beaucoup d'esprit dans les
Loups et lesAgneaux, puis devant leGymnace,
et j'ajouterai qu'il y en a plus encore dans le j
Chemin retrouvé. La première de ces pièces a
échoué et la seconde a réussi. Leur défaut à
toutes deux est de dater. Elles sont contem-
poraines, par le courant d'idées, des pièces
qu'on jouait il y a dix ans...
Je voulais dire cela, et d'autres choses en-
core, par exemple le succès obtenu à la Gaîté
par la reprise des Bohémiens de Paris, paroles
de M. d Ennery, musique de M, Arthur...
FouiM' le bitume
Du boulevard, charmant séjour...
On se rappelle son enfance et l'on est tenté
de danser en rond !...
Mais tout cède pour moi au plaisir de vous
parler du grand succès qu'a obtenu hier le
k théâtre du Châttletavec un drame historique,
lê-COmte d'Essex, qui, s'il no caractérise pas
notre temps, a du moins le grand et rare mé-
j rite de ne pas défigurer celui de la reine Eli-
sabeth.
Elisabeth, reine d'Angleterre, est en effet
l'héroïne du nouveau drame.
Un de ses conseillers disait d'elle :
— Elle était plus qu'un homme, et quel-
quefois moins qu'une femme.
Mettons une vieille fille, — assez belle,
d'une beauté froide et sans charme, savante
et pédante, intelligente et méchante, ayant
de la femme le désir de plaire et de l'homme
le sens critique qui lui faisait voir quand elle
ne plaisait pas; se vengeant alors avec une
! cruauté qu'il faut attribuer au sang de ME
père et aux misères d'une enfance passés
dans l'abandon ou la captivité..
Elisabeth fit de l'Angleterre la souveraine
de l'Océan ; elle détruisit des flottes; elle créa
des colonies; elle fut l'alliée d'Henri IV... Elle
sut résister à la mauvaise fortune, gouver-
ner, administrer, épargner... Mais elle"ne sut
pas se faire aimer, et sa vie se passa à la
poursuite de cet impossible!"..."
Le comte d'Essex, soldat brillant, renommé
pour ses galanteries, lui plut.
Il la trompa. Elle le menaça de se venger.
Il conspira; elle le fit juger .et exécuter.
C'est ce tragique épisode de l'histoire que
le drame du Châtelet met en scène.
Essex est pris entre trois passions :! celle
que la reine ressent pour lui ,• celle qu'il
éprouve lui-même pour Catherine Sydney,
et la haine qu'il a inspirée à son compagnon
Howard, dont il a séduit autrefois la femme.
La pièce commence comme une comédie,
par le spectacle des intrigues et des rivalités
de la cour. Mais bientôt le drame éclate.
Elisabeth doute; elle apprend; elle soufflette;
elle tue.
Je sais peu de dénouements plus terribles
que celui du comte d'Essex.
Le condamné a reçu jadis une bagne de la
reine. Cette bague est un talisman. Qu'il la
lui envoie, il aura sa grâce. Elisabeth, qui l'a
fait condamner, mais qui ne veut pas qu'il
meure, prie lady Howard d'aller redemander
l'anneau au prisonnier. Essex le rend ; il est
sauvé. Mais Howard le reprend à sa femme;
Essex est nerdu.
La reine interviendra, trop tard....
L'auteur de ce drame est un homme jeune
encore, dont l'existence a elle-même cet in-
térêt issu des contrastes qu'on aime à trou-
ver au théâtre.
D'abord comédien, puis inventeur, fabri-
cant, auteur enfin, M. Couturier a suivi une
route barrée d'obst;1cles devant lesquels il n'a
jamais reculé, soutenu qu'il était par un
sentiment profond. Il avait, dès ses débuts,
épousé une de ses camarades, une tragé-,
dienne qui a eu son heure de popularité,
madame Cornélie, et c'est pour elle qu'il
trouvait des sujets, faisait des plans, compo-
sait des rôles et cherchait des mots.
Hier, ils ont réussi ensemble.
Madame Cornéliij. violente, inégale, dépas- '
ROCAMBOLE
mess=""N° 184 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIE
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XLI
. uaïasons l'abbé Samuel quitter, le front haut,
ia cathédrale de Saint-Paul, et l'homme gris,
montant une bête de pur sang, s'en aller cara-
coler à Hyde - Park avec l'espoir d'y rencontrer
miss Ellen.
Retournons à Rotherithe, où nous allons re-
voir le numéro du 22 novembre.
trouver nos connaissances de la nuit précédente,
John le rough et Nichols. Paddy avait passé
une partie de la nuit avec eux, on s'en souvient;
puis il les avait quittés en leur disant :
— J'ai idée, moi, que le condamné John
Colden n'est pas à Rotherithe.
— 'Et où crois-tu qu'il est? avait demandé
Nichols, fortement découragé par 1 évasion de
Shoking et la disparition de l'Ecossais Mac-
ferson.
— C'est mon secret.
— Comment, ton secret ?
— Oui. ,,
— Tu ne dois pas avoir de secret pour nous,
puisque nous sommes associés, avait dit Ni-
chols.
— Ne te fâche pas, répondit Paddy, et écoute-
moi.
— Parle.
—- Quand je vous ai rencontrés, j'était moi-
même à la recherche de John Colden.
— Ah 1 vraiment?
— Mais je n'agissais pas pour mon compte.
— Et pour qui donc travaillais-tu ?
— Pour une personne puissante qui triplera,
au besoin, la prime offerte par la police.
— Eh bien ?
— Je vous l'ai dit, tout à l'heure, une idée 1
m'est venue et je crois bien que je sais où est
le condamné?
— Pourquoi donc, alors, ne veux-tu pas nous
le dire ?
— Je vous le dirai, mais quand la personne
pour qui je travaillais me l'aura permis, et elle
me le permettra, allez ; et il y a mieux, je sti-
pulerai avec elle pour vous, des conditions de
salaire magnifiques.
• Paddy parlait avec un accent de franchise qui
convainquit Nichols.
— Et quand verras-tu cette personne t
— Cette nuit même, je vais y aller ?
— Où te retrouverons-nous? ,
— Où vous voudrez, dit Paddy, qui ne pré-
voyait pas la besogne et les instructions que lui
donnerait miss Ellen.
— Eh bien ? dit Nichols, ici même, au bord
de l'eau. Nous coucherons dans la péniche. *
— Soit, dit Paddy.
Et il s'en alla.
On sait ce qui s'était passé. Paddy avait fait
partie de l'expédition souterraine accomplie par
miss Ellen et lord Palmure.
On se souvient qu'il avait fait part de ses
soupçons à miss EUen, touchant cette lumière
qui brillait toute la nuit dans le clocher de
Saint-George, et que miss Ellen, devinant que
ce n'était point de John Colden, mais de 1 hom- i
\
me gris qu'il s'agissait, lui avait enjoint d 'aver-
tir l'abbé Samuel.
Miss E!len, qui avait un plan en donnant cet
ordre, avait donc congédié Paddy, modifiant
ainsi du tout au tout la conduite de cet homme
vis-à-vis de ses associés de la nuit.
Donc, Nichols et John le rough qui, le bateau
de police éloigné, étaient retournés chercher un
abri pour le reste de la nuit dans la péniche,
constatèrent, après un long sommeil, que Paddy
n'était pas revenu, bien qu'il leur eût donné
rendez-vous.
Alors John regarda Nichols.
— Veux-tu savoir ma pensée? lui dit-il.
— Parle.
— Eh bien! j'ai idée que Paddy s'est moqué
dénoua.
— Allons donc!
— Ou qu'il nous trahit.
— Au profit de qui?
— Des Irlandais, pardieu ! Sais-tu où il de-
meure?
— Oui, dans le Soutwark, et dans un passage
qui donne dans Adam street.
— Eh bien 1 allons chez lui, nous verront
bien.
Et quittant la péniche, Nichols et John ren.
trèrent dans le Borough, qu'ils traversèrent tqs
entier et se rendirent dans le RoutwarJe.
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