Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-05-01
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 mai 1868 01 mai 1868
Description : 1868/05/01 (A3,N743). 1868/05/01 (A3,N743).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717745x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
1
5 cent. le numéro - ~ JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro '
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris a fr. 9 fr. fi 8 fr.
Départements.. S ze
AdministrateurJrEC- ÔELJFEA-'UÎFE.
»"Ille année. — VENDREDI ler MAI 4 868: — N° 743
Directeur-Proprié taire : J A N N I N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER BIUGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9. pue R)rouot. -
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
Les tirages des premi|fSjîiurnpros de : j
L'HOMME AU^^ÎEMMrS -J
ont été vite epmses. .., \. J \,,',,/'
Nous avons réimprimé man-
quants, et l'on peut se procurer aujourd'hui
\ tous les exemplaires parus de notre drame
judiciaire :
A Paris, chez les libraires, les marchands
de journaux, et dans nos bureaux de la rue
du Croissant, de la rue Drouot et de la, rue
Breda. i
En province, chez nos correspondants, et
chez tous les marchands de journaux.
Si le public ne les trouve pas chez un mar-
chand, il les trouvera facilement chez un
autre.
PARIS, 30 AVRIL 1868.
LA FÊTE DES RAMONEURS
A LONDRES
Demain, chers lecteurs, une joyeuse pro-
cession égayera les rues de Londres. '
J'ai sous les yeux une gravure du Monde
illustré qui la représente dans sa pompe.
Cette gravure est d'Edmond Morin. Rien de
plus bizarrement poétique. Figurez-vous d'a-
bord un buisson animé, un monceau de ver-
dure et de fleurs qui marche, laissant entre-
voir à travers le feuillage la tête grimaçante
du porteur enfoui. Autour de ce buisson,
saute, danse, s'agite un petit monde à la phy-
sionomie-pittoresque et diaprée. Ce sont des
clowns jaunes et noirs, des bergères 1 oses,
des marquis mordorés, des paillasses, des
pierrot?, des jockeys, des débardeurs. Cher-
chez sous les perruques, vous trouverez des
visages de seize ans et des minois de douze.
Les joues rouges sont barbouillées de suie;
les yeux brillent. On s'amuse ici, on s'amuse
vraiment, sans convention, à bouche et à
jambes que veux-tu. Et, comme pour donner,
par le contraste, plus de relief au mouvement
du tableau, un musicien anglais, un véritable
gentleman, tape gravement sur sa grosse
caisse et souffle avec solennité dans sa flûte
de Pan. C'est sur l'accompagnement de cette
harmonie primitive que nos petits gars joufflus
s'en donnent à cœur joie.
Ils se réjouissent, et il y a de quoi.
Le premier rrai est vcnu.
L'heure de la collecte a sonné. Nos mas-
ques ramassent, chemin faisant, les schellings
et les pence.
Demain, la plupart partiront pour retourner
dans leur patrie.
Là-bas, bien loin, du côté de' l'Italie et de
la Suisse, est un admirable pays.
Les montagnes s'y succèdent, pareilles aux
gradins d'un immense amphithéâtre. Le
Mont blanc est au sommet; les collines du
Dauphiné sont à la base. Entre les monta-
gnes amoncelées, les torrents ont creusé des
vallées. Çà et là, des lacs d'un bleu profond
apparaissent derrière un rideau d'arbres
énormes. Toutes les révolutions du globe ont
laissé leur empreinte sur ce sol inégal et bou-
leversé. Les aspects varient à chaque pas. Ici,
la vallée fertile a l'aspect d'un jardin ; là, les
' pentes désolées ne portent que des cailloux.
Quelle terre bénie produit ces châtaigniers,
pareils aux troncs géants de l'Inde ? Dans
quelle terre maudite poussent ces maigres
récoltes, que des terrasses en pierres sèches
empêchent de crouler dans les précipices?...
A pays montagneux Dieu ne mesure pas
le vent, mais le terrain.
L'homme, pour vivre, est forcé de lutter
contre la nature. Dans cette lutte, il puise
l'amour du pays. •'
— Ce clos où germe un blé maigre, cette
chaumière exposée aux avalanches et aux
tempête i, c'est ma chaumière et c'est mon.
clos. Rien ne saurait les remplacer: ni les
palais les plus riches, ni les plaines les plus
fécondes. Boire l'eau sans iode du torrent, et
manger ma galette de sarrazin, les yeux fixés
sur les points neigeux des grandes Alpes, vaut
pour moi tous les festins étrangers. Si je
pars, c'est pour revenir. Ma pauvreté va se
réchauffer aux foyers d'autrui pendant l'hiver.
Mais, vienne le dégel, je reprendrai bien vite
la route du pays.
Si jé n'y puis revenir, du moins, je lui se-'
rai fidèle. Poëte, je le chanterai; historien, je
redirai ses fastes; soldat, je porterai haut son
drapeau; industriel, commerçant, ouvrier,
j'accueillerai ceux de mes compatriotes que
mon patronage pourra couvrir, que pourront
servir mon aisance ou ma fortune.
Dans l'effacement des frontières, je sais où
commence ma patrie et où elle finit. Dans la
confusion des races, je reconnais toujours les
miens. Faites des nationalités, des sociétés,
des fédérations nouvelles. Changez les cou-
tumes, les costumes et les lois... Puis, quand
vous croirez tout confondu dans le chaos de
vos formations nouvelles, prononcez le mot
Savoie !
Vous verrez à ce mot les cent mille Sa-
voyards éparpillés sur toute la-surface du
monde, sortir de la foule, se réunir et tour-
ner leurs têtes carrées vers la montagne.
Paris et Londres sont bien. Mais Chambéry
est mieux,
[ Ainsi pensent les Savoyards grands et pe-
tits.
Ces idées-là se prennent avec le lait, — au
berceau.
On est brave, intelligent, probe, religieux,
économe, on a toutes les qualités de la vie
de famille...
Mais on est pauvre.
Il faut faire fortune. Et comme, ici, il y a,
plus de châtaignes que de gros sous, on
part...
On s'en va sans calculer ni les fatigues de
la route, ni les chances d'un établissement
lointain, m les misères, ni les maladies. Ce
n'est pas de tout cela qu'il s'agit, mais de ga-
gner assez d'argent pour revenir acheter un
champ de seigle dans la montagne.
Alors, on se bâtira une cabane, et l'on fera
souche à son tour, et l'on enverra ses enfants,
comme l'on est allé soi-même, vivre quel-
ques années de leur vie sur la terre étrangère,
èt payer rançon que toute existence hu-
maine doit au travail et à la pauvreté.
Il y a trente mille Savoyards à Paris; il y
en a autant et plus peut-être à Londres. Mais
les nouveaux sont protégés par les anciens,
les riches assistent les pauvres, et la
double colonie prospère à l'abri de cette
tradition fraternelle.
Voygz-Londres telle que votre imagination
peut la concevoir d'après les récits que
vous avez entendus et les livres que vous
avez lus : une ville sans fin, traversée par un
fleuve qui porte des vaisseaux comme la mer,
avec des parcs grands comme des forêts, des
faubourgs qui sont eux-mêmes des villes,
d'immenses quartiers, serrés et noirs, où le
soleil, ne luit jamais, et d'autres quartiers
clairs et riants, les plus grands seigneurs et
les plus pauvres diables, une armée de mil-
lionnaires et des armées de mendiants, —
quelque chose d'unique et d'étrange, le résul-
tat le plus complet d'une civilisation aristo-
cratique, où l'on est libre de tout, même de
mourir-de faim, — et l'on en abuse! Puis,"au
milieu de cette fourmilière humaine qui s'a-
gite sans relâche, dans laquelle les visages
ne connaissent que la double expression du
travail, et du plaisir à outrance, placez nos
bonnes têtes carrées de Savoyards, aux joues
fraîches, à la physionomie naïve et rusée.
Vous éprouverez immédiatement une ?ensa-
tion de repos et vous comprendrez la joie des
gentlemen et des ladies à voir défiler sous
leurs fenêtres le cortège des ramoneurs!...
Cette fête du IIT mai a sa légende.
Il y a bien des années de cela, mais on s'en
souvient encore, une grande dame anglaise,
Lady Mary Wortley Montague, fut un jour
plongée dans le deuil et dans les larmes.
On lui avait volé son unique enfant, son
fils, l'héritier du nom.
Inutile d'énumérer les efforts et les recher-
- ches. Tout fut vain.
Une année se passa, une autre année en-
core. Rien. Il n'y avait plus qu'à déses-
pérer.
Vers le commencement de la troisième an-
née, un matin de printemps, le 1 'r mai, le
tambourin et la flûte de Pan des ramoneurs
retentirent sous les fenêtres de l'hôtel Mon-
tague.
La maîtresse - de maison, depuis * qu'elle
avait perdu son fils, regardait tous les enfants
que le hasard plaçait sur son chemin.
Elle regarda,et quelles ne furent pas sa sur-
prise et sa joie en reconnaissant le futur pair
d'Angleterre, le visage barbouillé de suie, qui
se démenait comme un possédé au milieu de
ses petits compagnons !...
Eh quoi! c'était lui!... un lord! Oui ! vrai-
ment; et, qui plus est, un lord enchanté d'ê-
tre ramoneur, et qui pleura quand il lui fallut
rentrer dans l'hôtel héréditaire.
Depuis, une fois par an, à pareil jour,
cet hôtel se pare comme pour une fête
royale.
Une immense table est dressée, sur laquelle
on entasse les mets les plus recherchés et les
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIS
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXXV
N° 179
Nous voulons parler de l'abbé Samuel, ce
jeune et ardent apôtre, que le peuple du Wap-
ping, du Sout,,Yai k et de Rotherithe adorait.
On était au dimanche matin.
Voir le numéro du 22 novembre.
L'abbé Samuel avait célébré la messe dans la
pauvre église de Saint-Gilles, devant une as-
sistance de fidèles agenouillés sur les dalles, car
les catholiques de Londres sont trop indigents
pour payer des bancs et des chaises.
Il était monté en chaire, et son sermon, d'une
éloquente simplicité, avait eu pour thème : la
charité.
- Donnez, vous qui êtes pauvres, avait-il
dit; l'obole du publicain est plus agréable au
Seigneur que les richesses du pharisien.
Donnez la moitié du morceau de pain noir
que vous avez à ceux qui ont faim, et Dieu
tiendra cette aumône pour agréable.
Puis il avait parlé du peuple d'Israël, pour-
suivant à travers le désert sa marche vers la
terre promise, et il avait comparé l'Eglise d'Ir-
lande à ces antiques serviteurs de Dieu que les
Egyptiens avaient bannis.
Et tandis qu'il parlait, ni lui, ni aucun des fi-
dèles n'avait remarqué deux hommes vêtus de
noir, qui le trouvaient derrière un pilier, écou-
tant attenti\
Quand il descendit de la tribune sacrée pour
reprendre l'office interrompu, ces deux hommes
se glissèrent hors de l'église, s'éloignèrent d'un
pas rapide dans la direction de Soho square et
et ne s'arrêtèrent que sur la petite place de
' CTaven-chapel.
Alors ces deux hommes, dont l'un était vieux
et l'autre jeune encore' se regardèrent.
— Eh bien! dit le dernier, que pensez-vous de
cet homme ?
— Je pense, répondit le vieux, qui n'était au-
tre que cet austère clergyman que nous avons vu
déjà an compagnie de miss Ellen et qui répon-
dait au nom du révérend Peters Town, je pense
que si de tels hommes étaient nombreux dans
le clergé catholique, la moitié du Royaume-Uni
'unirait par se convertir à leur foi.
— C'est mon opinion aussi. Heureusement
qu'il est presque seul à Londres.
— Oui, mais il a su se créer de nombreux
disciples. - • .....
Le révérend Peters Town hocha la tête :
— Il est unf des deux hommes quêtons redou-
tons, dit-il. - ; t . J -.
— Quel est l'kutoefr A.
. —Ce personnage ihtffôwable qui met la po-
lice sur les dent9,) 4t;l 4u'on appelle du singu-
lier nom de l' homme gris'i: : ' ■
— N'avez-vous pas' reçu un billet de miss
Ellen Palmure, ce matin ?
— Oui. Elle me dit que dans trois jours, cet
homme sera en notre pouvoir. Mais c'est celui-
là que je voudrais avoir, ajouta le révérend Pe-
ters Town, faisant allusion à l'abbé Samuel.
— Hélas ! dit le jeune clergyman, vous savez
que c'est impossible. La liberté anglaise tolère
le culte catholique, et aucune preuve n'existe de
la complicité de l'abbé Samuel avec les rebelles
Irlandais.
— Ecoutez, mon jeune ami, reprit le révérend
Peters Town, tandis qu'il débitait son sermon,
j'ai beaucoup réfléchi.
— Ah!
— Cet homme est peut-être ambitieux...,
— Je ne crois pas.
— Je le crois, moi, et peut-être pourrions-
nous le gagner...
— Pas en lui offrant des richesses toujours;
il a distribué son patrimoine en aumônes.
— Les honneurs le séduiraient peut-être.
— Je ne le pense pas non plus.
— Eh bien 1 dit encore le révérend Peters
Town, je donnerais beaucoup à la seule fin de
causer une heure avec lui.
— Quelle singulière idéal
— J'ai formé un projet.
— Lequel? ! ••
— C'est d'avoinavec lui une entrevu®.
— Quand?
— Aujourd'hui même.
— Et vous lui demanderiez cette entrevue î
— Non pas moi, mais vous.
Le jeune clergyman était stupéfait et regardait
le révérend Peters Town d'un œil effare.
1
5 cent. le numéro - ~ JOURNAL QUOTIDIEN 5 cent. le numéro '
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris a fr. 9 fr. fi 8 fr.
Départements.. S ze
AdministrateurJrEC- ÔELJFEA-'UÎFE.
»"Ille année. — VENDREDI ler MAI 4 868: — N° 743
Directeur-Proprié taire : J A N N I N.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER BIUGELONNE.
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9. pue R)rouot. -
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
Les tirages des premi|fSjîiurnpros de : j
L'HOMME AU^^ÎEMMrS -J
ont été vite epmses. .., \. J \,,',,/'
Nous avons réimprimé man-
quants, et l'on peut se procurer aujourd'hui
\ tous les exemplaires parus de notre drame
judiciaire :
A Paris, chez les libraires, les marchands
de journaux, et dans nos bureaux de la rue
du Croissant, de la rue Drouot et de la, rue
Breda. i
En province, chez nos correspondants, et
chez tous les marchands de journaux.
Si le public ne les trouve pas chez un mar-
chand, il les trouvera facilement chez un
autre.
PARIS, 30 AVRIL 1868.
LA FÊTE DES RAMONEURS
A LONDRES
Demain, chers lecteurs, une joyeuse pro-
cession égayera les rues de Londres. '
J'ai sous les yeux une gravure du Monde
illustré qui la représente dans sa pompe.
Cette gravure est d'Edmond Morin. Rien de
plus bizarrement poétique. Figurez-vous d'a-
bord un buisson animé, un monceau de ver-
dure et de fleurs qui marche, laissant entre-
voir à travers le feuillage la tête grimaçante
du porteur enfoui. Autour de ce buisson,
saute, danse, s'agite un petit monde à la phy-
sionomie-pittoresque et diaprée. Ce sont des
clowns jaunes et noirs, des bergères 1 oses,
des marquis mordorés, des paillasses, des
pierrot?, des jockeys, des débardeurs. Cher-
chez sous les perruques, vous trouverez des
visages de seize ans et des minois de douze.
Les joues rouges sont barbouillées de suie;
les yeux brillent. On s'amuse ici, on s'amuse
vraiment, sans convention, à bouche et à
jambes que veux-tu. Et, comme pour donner,
par le contraste, plus de relief au mouvement
du tableau, un musicien anglais, un véritable
gentleman, tape gravement sur sa grosse
caisse et souffle avec solennité dans sa flûte
de Pan. C'est sur l'accompagnement de cette
harmonie primitive que nos petits gars joufflus
s'en donnent à cœur joie.
Ils se réjouissent, et il y a de quoi.
Le premier rrai est vcnu.
L'heure de la collecte a sonné. Nos mas-
ques ramassent, chemin faisant, les schellings
et les pence.
Demain, la plupart partiront pour retourner
dans leur patrie.
Là-bas, bien loin, du côté de' l'Italie et de
la Suisse, est un admirable pays.
Les montagnes s'y succèdent, pareilles aux
gradins d'un immense amphithéâtre. Le
Mont blanc est au sommet; les collines du
Dauphiné sont à la base. Entre les monta-
gnes amoncelées, les torrents ont creusé des
vallées. Çà et là, des lacs d'un bleu profond
apparaissent derrière un rideau d'arbres
énormes. Toutes les révolutions du globe ont
laissé leur empreinte sur ce sol inégal et bou-
leversé. Les aspects varient à chaque pas. Ici,
la vallée fertile a l'aspect d'un jardin ; là, les
' pentes désolées ne portent que des cailloux.
Quelle terre bénie produit ces châtaigniers,
pareils aux troncs géants de l'Inde ? Dans
quelle terre maudite poussent ces maigres
récoltes, que des terrasses en pierres sèches
empêchent de crouler dans les précipices?...
A pays montagneux Dieu ne mesure pas
le vent, mais le terrain.
L'homme, pour vivre, est forcé de lutter
contre la nature. Dans cette lutte, il puise
l'amour du pays. •'
— Ce clos où germe un blé maigre, cette
chaumière exposée aux avalanches et aux
tempête i, c'est ma chaumière et c'est mon.
clos. Rien ne saurait les remplacer: ni les
palais les plus riches, ni les plaines les plus
fécondes. Boire l'eau sans iode du torrent, et
manger ma galette de sarrazin, les yeux fixés
sur les points neigeux des grandes Alpes, vaut
pour moi tous les festins étrangers. Si je
pars, c'est pour revenir. Ma pauvreté va se
réchauffer aux foyers d'autrui pendant l'hiver.
Mais, vienne le dégel, je reprendrai bien vite
la route du pays.
Si jé n'y puis revenir, du moins, je lui se-'
rai fidèle. Poëte, je le chanterai; historien, je
redirai ses fastes; soldat, je porterai haut son
drapeau; industriel, commerçant, ouvrier,
j'accueillerai ceux de mes compatriotes que
mon patronage pourra couvrir, que pourront
servir mon aisance ou ma fortune.
Dans l'effacement des frontières, je sais où
commence ma patrie et où elle finit. Dans la
confusion des races, je reconnais toujours les
miens. Faites des nationalités, des sociétés,
des fédérations nouvelles. Changez les cou-
tumes, les costumes et les lois... Puis, quand
vous croirez tout confondu dans le chaos de
vos formations nouvelles, prononcez le mot
Savoie !
Vous verrez à ce mot les cent mille Sa-
voyards éparpillés sur toute la-surface du
monde, sortir de la foule, se réunir et tour-
ner leurs têtes carrées vers la montagne.
Paris et Londres sont bien. Mais Chambéry
est mieux,
[ Ainsi pensent les Savoyards grands et pe-
tits.
Ces idées-là se prennent avec le lait, — au
berceau.
On est brave, intelligent, probe, religieux,
économe, on a toutes les qualités de la vie
de famille...
Mais on est pauvre.
Il faut faire fortune. Et comme, ici, il y a,
plus de châtaignes que de gros sous, on
part...
On s'en va sans calculer ni les fatigues de
la route, ni les chances d'un établissement
lointain, m les misères, ni les maladies. Ce
n'est pas de tout cela qu'il s'agit, mais de ga-
gner assez d'argent pour revenir acheter un
champ de seigle dans la montagne.
Alors, on se bâtira une cabane, et l'on fera
souche à son tour, et l'on enverra ses enfants,
comme l'on est allé soi-même, vivre quel-
ques années de leur vie sur la terre étrangère,
èt payer rançon que toute existence hu-
maine doit au travail et à la pauvreté.
Il y a trente mille Savoyards à Paris; il y
en a autant et plus peut-être à Londres. Mais
les nouveaux sont protégés par les anciens,
les riches assistent les pauvres, et la
double colonie prospère à l'abri de cette
tradition fraternelle.
Voygz-Londres telle que votre imagination
peut la concevoir d'après les récits que
vous avez entendus et les livres que vous
avez lus : une ville sans fin, traversée par un
fleuve qui porte des vaisseaux comme la mer,
avec des parcs grands comme des forêts, des
faubourgs qui sont eux-mêmes des villes,
d'immenses quartiers, serrés et noirs, où le
soleil, ne luit jamais, et d'autres quartiers
clairs et riants, les plus grands seigneurs et
les plus pauvres diables, une armée de mil-
lionnaires et des armées de mendiants, —
quelque chose d'unique et d'étrange, le résul-
tat le plus complet d'une civilisation aristo-
cratique, où l'on est libre de tout, même de
mourir-de faim, — et l'on en abuse! Puis,"au
milieu de cette fourmilière humaine qui s'a-
gite sans relâche, dans laquelle les visages
ne connaissent que la double expression du
travail, et du plaisir à outrance, placez nos
bonnes têtes carrées de Savoyards, aux joues
fraîches, à la physionomie naïve et rusée.
Vous éprouverez immédiatement une ?ensa-
tion de repos et vous comprendrez la joie des
gentlemen et des ladies à voir défiler sous
leurs fenêtres le cortège des ramoneurs!...
Cette fête du IIT mai a sa légende.
Il y a bien des années de cela, mais on s'en
souvient encore, une grande dame anglaise,
Lady Mary Wortley Montague, fut un jour
plongée dans le deuil et dans les larmes.
On lui avait volé son unique enfant, son
fils, l'héritier du nom.
Inutile d'énumérer les efforts et les recher-
- ches. Tout fut vain.
Une année se passa, une autre année en-
core. Rien. Il n'y avait plus qu'à déses-
pérer.
Vers le commencement de la troisième an-
née, un matin de printemps, le 1 'r mai, le
tambourin et la flûte de Pan des ramoneurs
retentirent sous les fenêtres de l'hôtel Mon-
tague.
La maîtresse - de maison, depuis * qu'elle
avait perdu son fils, regardait tous les enfants
que le hasard plaçait sur son chemin.
Elle regarda,et quelles ne furent pas sa sur-
prise et sa joie en reconnaissant le futur pair
d'Angleterre, le visage barbouillé de suie, qui
se démenait comme un possédé au milieu de
ses petits compagnons !...
Eh quoi! c'était lui!... un lord! Oui ! vrai-
ment; et, qui plus est, un lord enchanté d'ê-
tre ramoneur, et qui pleura quand il lui fallut
rentrer dans l'hôtel héréditaire.
Depuis, une fois par an, à pareil jour,
cet hôtel se pare comme pour une fête
royale.
Une immense table est dressée, sur laquelle
on entasse les mets les plus recherchés et les
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
QUATRIÈME PARTIS
UN DRAME DANS LE SOUTWARK
XXXV
N° 179
Nous voulons parler de l'abbé Samuel, ce
jeune et ardent apôtre, que le peuple du Wap-
ping, du Sout,,Yai k et de Rotherithe adorait.
On était au dimanche matin.
Voir le numéro du 22 novembre.
L'abbé Samuel avait célébré la messe dans la
pauvre église de Saint-Gilles, devant une as-
sistance de fidèles agenouillés sur les dalles, car
les catholiques de Londres sont trop indigents
pour payer des bancs et des chaises.
Il était monté en chaire, et son sermon, d'une
éloquente simplicité, avait eu pour thème : la
charité.
- Donnez, vous qui êtes pauvres, avait-il
dit; l'obole du publicain est plus agréable au
Seigneur que les richesses du pharisien.
Donnez la moitié du morceau de pain noir
que vous avez à ceux qui ont faim, et Dieu
tiendra cette aumône pour agréable.
Puis il avait parlé du peuple d'Israël, pour-
suivant à travers le désert sa marche vers la
terre promise, et il avait comparé l'Eglise d'Ir-
lande à ces antiques serviteurs de Dieu que les
Egyptiens avaient bannis.
Et tandis qu'il parlait, ni lui, ni aucun des fi-
dèles n'avait remarqué deux hommes vêtus de
noir, qui le trouvaient derrière un pilier, écou-
tant attenti\
Quand il descendit de la tribune sacrée pour
reprendre l'office interrompu, ces deux hommes
se glissèrent hors de l'église, s'éloignèrent d'un
pas rapide dans la direction de Soho square et
et ne s'arrêtèrent que sur la petite place de
' CTaven-chapel.
Alors ces deux hommes, dont l'un était vieux
et l'autre jeune encore' se regardèrent.
— Eh bien! dit le dernier, que pensez-vous de
cet homme ?
— Je pense, répondit le vieux, qui n'était au-
tre que cet austère clergyman que nous avons vu
déjà an compagnie de miss Ellen et qui répon-
dait au nom du révérend Peters Town, je pense
que si de tels hommes étaient nombreux dans
le clergé catholique, la moitié du Royaume-Uni
'unirait par se convertir à leur foi.
— C'est mon opinion aussi. Heureusement
qu'il est presque seul à Londres.
— Oui, mais il a su se créer de nombreux
disciples. - • .....
Le révérend Peters Town hocha la tête :
— Il est unf des deux hommes quêtons redou-
tons, dit-il. - ; t . J -.
— Quel est l'kutoefr A.
. —Ce personnage ihtffôwable qui met la po-
lice sur les dent9,) 4t;l 4u'on appelle du singu-
lier nom de l' homme gris'i: : ' ■
— N'avez-vous pas' reçu un billet de miss
Ellen Palmure, ce matin ?
— Oui. Elle me dit que dans trois jours, cet
homme sera en notre pouvoir. Mais c'est celui-
là que je voudrais avoir, ajouta le révérend Pe-
ters Town, faisant allusion à l'abbé Samuel.
— Hélas ! dit le jeune clergyman, vous savez
que c'est impossible. La liberté anglaise tolère
le culte catholique, et aucune preuve n'existe de
la complicité de l'abbé Samuel avec les rebelles
Irlandais.
— Ecoutez, mon jeune ami, reprit le révérend
Peters Town, tandis qu'il débitait son sermon,
j'ai beaucoup réfléchi.
— Ah!
— Cet homme est peut-être ambitieux...,
— Je ne crois pas.
— Je le crois, moi, et peut-être pourrions-
nous le gagner...
— Pas en lui offrant des richesses toujours;
il a distribué son patrimoine en aumônes.
— Les honneurs le séduiraient peut-être.
— Je ne le pense pas non plus.
— Eh bien 1 dit encore le révérend Peters
Town, je donnerais beaucoup à la seule fin de
causer une heure avec lui.
— Quelle singulière idéal
— J'ai formé un projet.
— Lequel? ! ••
— C'est d'avoinavec lui une entrevu®.
— Quand?
— Aujourd'hui même.
— Et vous lui demanderiez cette entrevue î
— Non pas moi, mais vous.
Le jeune clergyman était stupéfait et regardait
le révérend Peters Town d'un œil effare.
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