Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-01-21
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 janvier 1868 21 janvier 1868
Description : 1868/01/21 (A3,N642). 1868/01/21 (A3,N642).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47176445
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
& cent. le numéro j JOURNAL QÓOTIDIEN ■ ° ' 5 cool le nomeAJ
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois. en an.
Paris .......... S fr. 9 fr. Il is fr.
Dép.e.rtemeats.. 6 M ne
« Administrateur : E. DELSAUX.
~...
3me année. MARDI 24 JANVIER 1868. — N° 642
À
.Directeur-Propriétaire : J'ANNtN.
Rédacteur en chef: A. DE BALAI HIER BRA'SBLONNB»
BUREAUX d'abonnement : 9, rae Drouot -
Administration : 13, place Brada.
PARIS, 20 JANVIER 1868.
L'EPÉDITION ANGLAISE
EN ABYSSINIE
III
Les consuls captifs
J'ai promis de conter, d'ap^:4a-¥ettfipn
même de M. Lejean, cornmèntil.avait été mis
aux fers par l'ordre du farouche Théodore.
En lisant les lignes que je vais transcrire,
le lecteur sourira' sans ddute plus d'une fois,
-et pensera comme moi que l'ejnpereur ou
négus d'Abyssinie n'a guère de çhancp de re-
pousser l'expédition anglaise, s'il n'y est aidé
' par les obstacles purem.ent matériels que peut
rencontrer l'armée envahissai.te.
Ceci dit, je laisse parler notre voyageur. - .
a Le 3 mars, jè chargeai le fidèle achète du
négus de demander pour moi la permission
de faire le voyage. " ;
A midi, il. vint m'annoncer. que le négus
désirait que' jè. restasse jusqu'au retour.d'un
ex-comptable de - l'isthme de Suez, dônt
Théodore s'était fait, moyennant 500 talaisis,
un envoyé d'cccaszoM près de l'Empereur.des
: Français.
Ceci était contraire à mes devoirs consur
' laires. Je le renvoyai avec invitation d'exposer
cela au négus j mais voyan-t qu'il ne revenait
pas, Je passai mbn uriîfôfhîSf et; stiîvi âeities
. domestiques, j'allai vers la colline royale pour
demander moi-même une audience.
Le négus me vit venir, et comme selon
l'étiquette, je m'étais arrêté à mi-côte, le
chapeau sous le bras, il me fit demander c'e
que je voulais. \fc répondis que je désirais
parler à Sa Majesté elle-même. Il appela alors
trois Européens et les etlbya me demander
de quoi je voulais l'entretenir. Je répondis :
« Je désire demander à aller à Massaoua qui
est mon poste; en second lieu, je désire en-
voyer moi-même deux caisses de présents
destinés à Sa Majesté par mon souverain, et
qui doivent y être arrivées, »
Ce dernier motif ne pouvait manquer d'ef-
frir certaines séductions.. Cependant, il ne fut
pas goûté, car M.'Lejean ajoute :
Pour comprendre l'incroyable scène qui
suivit, il faut savoir trois choses : Théodore,
humilié par un sujet rebellif, venait d'appren-
dre que les Egyptiens avaient occupé sa pro-
vince de Gàilabat'. À cette surexcitation s'en
joignait una.autre' plus;p%sique. Le négus a
lff cognac' fort .mauvais, et il .n'est pas très-
habile de l'aborder passé deux heures après
midi. 0'r,; ce jour là, , m?a,-t-on dit, il était
' 4 » * - • r- ' :
En dernier ûeu/ il avait conné, en 185S,
à un touriste russe de passage une lettre pour
son frère de Russie, où il luipropioêait une
coopération militaire qui leur .permettrait de
se partager l'Orient. Le czar'n'avait pas - ré-
pondu à tette lettre extravagante, et le négus,
craignant un pareil accueil de Napoléon III,
voulait au besoin se réserver un otage..
Quoiqu?il en soit, à'peine les trois inter-
prètes,eureht-ils'parlé que Théodore furieux .
s'écria : ; ;
« Qu'on le prenne! .qu'on le mette aux
:fers;!-... p- :. s. -, 7;*f.T V > • • o. ; '
. Lè'ms (cël(ir!-ëS..auquel il s'adressait passa
.derrière. la°cpllin£ pour requérir "un demi-
bataillon qur y-'sfiftronriâit.
' « Qu'ëàt-ce'^CfuiB' cela ? dit-le,-néjps. Cinq
cenjts hommes PORP. en arrêter
— Que Votre Majesté rernarq,e, (îitle ras-,
qu'il a sous le bras quelqu'è- "GBose 'd.vt*re's"-
brïllant--(c'était mon chapeau- dont, le galon
d'or brillait aux rayons du soleil couchant) et.
que c'est peut-être *-fiiip- machine formidable '
qui peut nous tuer tous. -, 1 ;
" -.lJonkoro (idiot) 1. ne. diras-tu pas bien"
tôt^rr^p^rt-^rrms tuer -sb-vèc se& 6WMmk-Ldix -
hommes ! et qu'on le prenne !» -,
Les hommes commandés, accompagnés des
trois Européens, vinrent à moi, qui étais fort-
loin d'imaginer ce qui s'était passé.
Pendant-que les interprètes me balbu-
tiaient quelques mots inintelligibles, les autres
passèrent sournoisement derrière moi et l'un
d'eux,me jetant les bras autour de là poitrine,
me serra si violemment que je pouvais à peine
respirer : deux autres m'ôtèrent mon chapeau
et mon épée et deux autres enfin me saisi-
rent les poignets.
Plus irrite qu'alarmé, je demandai vive-
ment à l'orateur européen, M. Kienzlen:
Qu'est ceci? — Il tremblait comme la feuille
et me répondit au hasard en anglais : Oh!
never minci, M. consul. (N'y faites pas atten-
Ion, M. le consul).
i Je fus aussitôt entraîné violemment .der-
rière la colline. On me fit arrêter à trente pas
de la tente royale et asseoir, sur une grosse
pierre.
Ig n'avais rien compris à ces brutalités,
mais j'y vis plus clair quand on apporta une
Morde chaîné terminée par deux grosses me-
nottes. Un officier de marque m'en fit passer
linq- au poignet droit, et, armé d'une grosse
pierre, se mit en devoir de me la river. Je ne
saift. si aucun de mes lecteurs connaît cette
sensation, plus morale que physique, d'avoir
ressenti chacun de ces -coups de marteau
dans ses oreilles et dans sa chair à la fois.
C'est au cerveau surtout que ces coups secs
et métalliques retentissent comme des coups
de tonnerre : je ne connais rien de plus -irri-
tant|et de plus douloureux.'Ma surexcitation,
d'abord violente, fit, subitement'placé, à un
cala^ - singulier... j'assistai; avec sang-froid
et aiec une sorte de curiosité bizarre à tous
les fétails de l'opération. -
L$ chose' faite, on attacha, à l'autre bout
de Al. chaîne, un pauvre diable chargé de ré-
pondre sur sa tête que je ne m'évaderais pas,
et je. fus ramené,toujours en grand uniforme,.
à ma tente qu'on avait dressée à quinze pas
de Ipu, et qui fut aussitôt entourée de gardiens
armés < '. ■
" Ç ' " . * !
\rivre avec un compagnon de chaîne est
souverainement incommode, même pour le
diabsmate le plus philosophe." Après avoir,
pendantvThgl-IJÏ^ffgruiidbb liuiffrus, lloeempli'
tant bien que mal toutes les fonctions ordi-
naires de la vie, M. Lejeàn eut le soulagement
de voir accorder à son gardien deux heures
de congé. Il ;en profita pour écrire au négus
une demande d'explication.
Le même 'i'our, vers cinq heures et demie
du soir, unîfjataillon organisé à l'européenne
venait'gravement se ranger devant la tente
du prisonnier : il- était chargé d'escorter la
réponse impériale. Théodore consentait à,
briser les'fers de M. Lejean si celui-ci promet-
tait : 1° son amitié; 2° la remise de son départ
'à une époque ultérieure.
Il n'y^avait pas d'autre parti à prendre que j
d'accepter. Notre consul accepta donc, et, un !
peu après, — à déjeuner, — le consul anglais
Cameron lui disait en riant
— Eh bien! confrère, les fers de Théodore
sont-ils lourds?
— Pourquoi me demander cela? Auriez-
vous l'idée d'en tâter un jour?
— Qui sait? fit Cameron d'un - air mi-gai
mi-sérieux.
On sait le rèste. La nation britannique ne
fut pas plus resp#tée que la nation française
dans la personne de sôn représentant. Seule-
ment, fmoins heureux que Lejean, Cameron
est mort captif.
De là, l'émotion de nos voisins, émotion
bien légitime sans doute. De là,. une expé-
dition que nous souhaitons voir réussir.
dans l'intcrêt de l'humanité. Plaise à Dieu,
toutefois, que trop d'hommes ne périssent
pas dans cette tentative faite pour venger
la mort d'un seul.,
TONY RÉVILLON.
Statistique de l'assistance publique
i Le ministère de l'Intérieur vient de faire dres-
ser un tableau de la situation financière et admi-
nistrative des hospices et hôpitaux de la France;
Ce vaste travail, entrepris en 1865, par le conseil
des inspecteurs généraux de bienfaisance, sera
imprimé dans quelques jours et distribué aux
Chambres législatives.
Il présente des renseignements intéressants
, sur le personnel, l'administration intérieure, les
I recettes, les dépenses, les biens mobiliers et
i immobiliers, bois, eaux, rentes, etc., en un mot,
j sur l'organisation actuelle de tous les établisse-
l ments hospfehërsY' "sîteoss" ' les départe- -
ments.
Les hospices et hôpitaux de Paris ne doivent
pas être compris dans le travail des inspecteurs
généraux du ministère de l'Intérieur; ils sont
soumis à un régime spécial; ils relèvent directe.
ment de l'autorité du préfet dè la Seine, qui
en centralise l'administration et en contrôle le
service par des inspecteurs choisis par lui.
Nous reviendrons sur les établissements hos-
pitaliers de Paris, qui constituent une admi-
nistration considérable.
Les hôpitaux sont les établissements où il
n'est traité que des malades.
Les hospices reçoivent les vieillards, les in-
firmes, les incurables, les orphelins et les en-
fants trouvés.
Les hôpitaux sont au nombre de 337; les
hospices, 199; il y a en outre 734 hôpitaux
généraux ou hôpitaux-hospices. Cette dernière
ROCAMBOLE
N° 73 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
VIII
Le lendemain matin, au petit jour la porte de
la cellule de Ralph s'ouvrit et le gardien chef
entra, ou plutôt il s'effaça pour laisser entrer
avant lui un petit homme en lunettes vertes qui
portait un habit tout chamarré de broderies.
Voir le .numéro du 22 novembre,
C'était le m'édecin de la prison.
Le gardien chef dit d'une voix dure :
— Allons, petit drôle, lève-toi et salue M. le
docteur.
Ralph se mit sur son séant. Il était tout trem-
blant et cependant une pensée bizarre venait de
traverser son cerveau.
Cette voix rude qui lui ordonnait;brutaigment
de se lever lui semblait être eet^îiaêteie ,vgik qui
via veille au soir, en patois irlaÍid'itÍ;', ruifa,:ait dit
"-"(|r§spérer, ajoutant : « ta mèré veillé sfe\£oi,' »
'Cet homme avait l'air dur cependant; il rou-
' lait même de gros yeux qui denrfàierff le fris-
son.
— Ah ! ah ! dit le petit homme aux lunettes
vertes, voilà donc le bambin qui a voulu^f^rcer
la caisse de M. Thomas Elgin ? ... t
Et il regarda Ralpif. curieusement. f
—■ Jolie ligure, diL encore le docteur. C'est'
grand dommage que le club philanthropique pour
la moralisation d. s classes indigéntés, dont|?ai
l'honneur d'être vice-président, n'ait pas eu ce
petit drôle sous la main, peut-être l'aurait-elle
sauvé. |
Et il s'approcha ,eli lit ..de sangle et _a'y,e.s ila,i.
brutalité d'un chirurgien, il se mit à découvrir. le,
bras et l'épaule de l'enfant, c[ui réprima un cri
de douleur. • . ' . ——
- Ré 1 Eté! murmura-t-il. çç M.' Thomas-
Elgin est un Homme ingénieux en vérité ! il
vous a dès:manières' de défendre: ,S9h argent...
j'ai lu. celai tout. au long dans ; le- Msiriiiny-Post,
et éi'ej'rvr^jmeiit fort curieux. ^ .?g
Le^rcM'en,-chef, sans adojiôirjSa.grosse voix,
disait-: ,-:.:: J
.. — Cfe gâSJP&Pêtifc est hors-d'état, votre Hon-
neur, de, faitp un travail ..quelconque.- etnjjg^ne-.
sais entérite à quoi pensent'Jes,; magislrat|.
de-condamner au moulin un; enfant de dix.'
an*' ' « •••. \ ! :-
A ces paroles, te docteuf,releva ses unettes,.
qui avaient peu à peu glissé jusque ^sur 'le
bout dë*s^ôn'nez.et dit d'un ton emphatique : | .;
— Mon cher monsieur Bardel, on ne m'accu-
sera pas d'inhumanité, je"-suppose, moi qui suis
vice-prudent d'un crub iplïitanthropiqùe',"néan-
.'Moiffs, mon opinion est1!l\e:Jiosociété doit se
î sauvegarder, que le plus grand'dés crimes est
le vol et que, ceci posé, il faut châtier sévère-
ment les voleurs, entendez¡vous? - —
— Toujours est-il, reprit m'aitre Bardel, tel
était le nom du gardien-chef, que cet enfant a
reçu une balle dans l'épaule.
— Je ne dis pas non, mais la balle a été ex-
traite; et la blessure n'a rien de dangereux
Ce disant, le docteur se. mit à remuer le bras
de l'enfant, le Televant et l'abaissant et faisant
iouer les articulation" d$ 'èovde et de l'épaule.
, amii-. -
- Bah 1 fit-il, ça n'a pas la moindre gravité,
'- Ah! fit M. Bardel.
— Dans huit jours il n'y paraîtra plus.
—.Mais encore, reprit M. Bardel, faut-il que,
pendant ces huit jours, cet enfant soit envoyé à
l'infirmerie.
— Inutile, mon cher maître, parfaitement
inutile,'. :
Un nuage- passa sur le vierge du gardien-
chef-.- _ - ■ ,
— ,Mai-s. MMnsieut' le docteur... fi;-il.
.7 ,— Je^.Yous répète, mon cher monsieur Bar."
del, que -ce petit drôle peut travailler.
— Dès aujourd'hui?
— Des aujourd'hui,
M. Bardel étoutfa un soupir et s'inclina,
Le docteur ajouta :
— Croyez-moi, j'ai de l'humanité. Sans cela,
je ne serais pas vice-président d'un club phi- -
lanthropifjue. Mais la société a besoin de se
sauvegarder.
Et, sur ces mots, le docteur fit, un pas de re-
traite et M. Bardel l'accompagna et .ferma la
porte de la cellule.
Ralph demeura seul environ une heure.
Avec ce merveilleux instinct que possèdent
les enfants, il avait compris que le^gardien-chef,
avec sa voix brutale et son aspect farouche, lui
portait de l'intérêt ~t que s'il avait été déci
& cent. le numéro j JOURNAL QÓOTIDIEN ■ ° ' 5 cool le nomeAJ
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois. en an.
Paris .......... S fr. 9 fr. Il is fr.
Dép.e.rtemeats.. 6 M ne
« Administrateur : E. DELSAUX.
~...
3me année. MARDI 24 JANVIER 1868. — N° 642
À
.Directeur-Propriétaire : J'ANNtN.
Rédacteur en chef: A. DE BALAI HIER BRA'SBLONNB»
BUREAUX d'abonnement : 9, rae Drouot -
Administration : 13, place Brada.
PARIS, 20 JANVIER 1868.
L'EPÉDITION ANGLAISE
EN ABYSSINIE
III
Les consuls captifs
J'ai promis de conter, d'ap^:4a-¥ettfipn
même de M. Lejean, cornmèntil.avait été mis
aux fers par l'ordre du farouche Théodore.
En lisant les lignes que je vais transcrire,
le lecteur sourira' sans ddute plus d'une fois,
-et pensera comme moi que l'ejnpereur ou
négus d'Abyssinie n'a guère de çhancp de re-
pousser l'expédition anglaise, s'il n'y est aidé
' par les obstacles purem.ent matériels que peut
rencontrer l'armée envahissai.te.
Ceci dit, je laisse parler notre voyageur. - .
a Le 3 mars, jè chargeai le fidèle achète du
négus de demander pour moi la permission
de faire le voyage. " ;
A midi, il. vint m'annoncer. que le négus
désirait que' jè. restasse jusqu'au retour.d'un
ex-comptable de - l'isthme de Suez, dônt
Théodore s'était fait, moyennant 500 talaisis,
un envoyé d'cccaszoM près de l'Empereur.des
: Français.
Ceci était contraire à mes devoirs consur
' laires. Je le renvoyai avec invitation d'exposer
cela au négus j mais voyan-t qu'il ne revenait
pas, Je passai mbn uriîfôfhîSf et; stiîvi âeities
. domestiques, j'allai vers la colline royale pour
demander moi-même une audience.
Le négus me vit venir, et comme selon
l'étiquette, je m'étais arrêté à mi-côte, le
chapeau sous le bras, il me fit demander c'e
que je voulais. \fc répondis que je désirais
parler à Sa Majesté elle-même. Il appela alors
trois Européens et les etlbya me demander
de quoi je voulais l'entretenir. Je répondis :
« Je désire demander à aller à Massaoua qui
est mon poste; en second lieu, je désire en-
voyer moi-même deux caisses de présents
destinés à Sa Majesté par mon souverain, et
qui doivent y être arrivées, »
Ce dernier motif ne pouvait manquer d'ef-
frir certaines séductions.. Cependant, il ne fut
pas goûté, car M.'Lejean ajoute :
Pour comprendre l'incroyable scène qui
suivit, il faut savoir trois choses : Théodore,
humilié par un sujet rebellif, venait d'appren-
dre que les Egyptiens avaient occupé sa pro-
vince de Gàilabat'. À cette surexcitation s'en
joignait una.autre' plus;p%sique. Le négus a
lff cognac' fort .mauvais, et il .n'est pas très-
habile de l'aborder passé deux heures après
midi. 0'r,; ce jour là, , m?a,-t-on dit, il était
' 4 » * - • r- ' :
En dernier ûeu/ il avait conné, en 185S,
à un touriste russe de passage une lettre pour
son frère de Russie, où il luipropioêait une
coopération militaire qui leur .permettrait de
se partager l'Orient. Le czar'n'avait pas - ré-
pondu à tette lettre extravagante, et le négus,
craignant un pareil accueil de Napoléon III,
voulait au besoin se réserver un otage..
Quoiqu?il en soit, à'peine les trois inter-
prètes,eureht-ils'parlé que Théodore furieux .
s'écria : ; ;
« Qu'on le prenne! .qu'on le mette aux
:fers;!-... p- :. s. -, 7;*f.T V > • • o. ; '
. Lè'ms (cël(ir!-ëS..auquel il s'adressait passa
.derrière. la°cpllin£ pour requérir "un demi-
bataillon qur y-'sfiftronriâit.
' « Qu'ëàt-ce'^CfuiB' cela ? dit-le,-néjps. Cinq
cenjts hommes PORP. en arrêter
— Que Votre Majesté rernarq,e, (îitle ras-,
qu'il a sous le bras quelqu'è- "GBose 'd.vt*re's"-
brïllant--(c'était mon chapeau- dont, le galon
d'or brillait aux rayons du soleil couchant) et.
que c'est peut-être *-fiiip- machine formidable '
qui peut nous tuer tous. -, 1 ;
" -.lJonkoro (idiot) 1. ne. diras-tu pas bien"
tôt^rr^p^rt-^rrms tuer -sb-vèc se& 6WMmk-Ldix -
hommes ! et qu'on le prenne !» -,
Les hommes commandés, accompagnés des
trois Européens, vinrent à moi, qui étais fort-
loin d'imaginer ce qui s'était passé.
Pendant-que les interprètes me balbu-
tiaient quelques mots inintelligibles, les autres
passèrent sournoisement derrière moi et l'un
d'eux,me jetant les bras autour de là poitrine,
me serra si violemment que je pouvais à peine
respirer : deux autres m'ôtèrent mon chapeau
et mon épée et deux autres enfin me saisi-
rent les poignets.
Plus irrite qu'alarmé, je demandai vive-
ment à l'orateur européen, M. Kienzlen:
Qu'est ceci? — Il tremblait comme la feuille
et me répondit au hasard en anglais : Oh!
never minci, M. consul. (N'y faites pas atten-
Ion, M. le consul).
i Je fus aussitôt entraîné violemment .der-
rière la colline. On me fit arrêter à trente pas
de la tente royale et asseoir, sur une grosse
pierre.
Ig n'avais rien compris à ces brutalités,
mais j'y vis plus clair quand on apporta une
Morde chaîné terminée par deux grosses me-
nottes. Un officier de marque m'en fit passer
linq- au poignet droit, et, armé d'une grosse
pierre, se mit en devoir de me la river. Je ne
saift. si aucun de mes lecteurs connaît cette
sensation, plus morale que physique, d'avoir
ressenti chacun de ces -coups de marteau
dans ses oreilles et dans sa chair à la fois.
C'est au cerveau surtout que ces coups secs
et métalliques retentissent comme des coups
de tonnerre : je ne connais rien de plus -irri-
tant|et de plus douloureux.'Ma surexcitation,
d'abord violente, fit, subitement'placé, à un
cala^ - singulier... j'assistai; avec sang-froid
et aiec une sorte de curiosité bizarre à tous
les fétails de l'opération. -
L$ chose' faite, on attacha, à l'autre bout
de Al. chaîne, un pauvre diable chargé de ré-
pondre sur sa tête que je ne m'évaderais pas,
et je. fus ramené,toujours en grand uniforme,.
à ma tente qu'on avait dressée à quinze pas
de Ipu, et qui fut aussitôt entourée de gardiens
armés < '. ■
" Ç ' " . * !
\rivre avec un compagnon de chaîne est
souverainement incommode, même pour le
diabsmate le plus philosophe." Après avoir,
pendantvThgl-IJÏ^ffgruiidbb liuiffrus, lloeempli'
tant bien que mal toutes les fonctions ordi-
naires de la vie, M. Lejeàn eut le soulagement
de voir accorder à son gardien deux heures
de congé. Il ;en profita pour écrire au négus
une demande d'explication.
Le même 'i'our, vers cinq heures et demie
du soir, unîfjataillon organisé à l'européenne
venait'gravement se ranger devant la tente
du prisonnier : il- était chargé d'escorter la
réponse impériale. Théodore consentait à,
briser les'fers de M. Lejean si celui-ci promet-
tait : 1° son amitié; 2° la remise de son départ
'à une époque ultérieure.
Il n'y^avait pas d'autre parti à prendre que j
d'accepter. Notre consul accepta donc, et, un !
peu après, — à déjeuner, — le consul anglais
Cameron lui disait en riant
— Eh bien! confrère, les fers de Théodore
sont-ils lourds?
— Pourquoi me demander cela? Auriez-
vous l'idée d'en tâter un jour?
— Qui sait? fit Cameron d'un - air mi-gai
mi-sérieux.
On sait le rèste. La nation britannique ne
fut pas plus resp#tée que la nation française
dans la personne de sôn représentant. Seule-
ment, fmoins heureux que Lejean, Cameron
est mort captif.
De là, l'émotion de nos voisins, émotion
bien légitime sans doute. De là,. une expé-
dition que nous souhaitons voir réussir.
dans l'intcrêt de l'humanité. Plaise à Dieu,
toutefois, que trop d'hommes ne périssent
pas dans cette tentative faite pour venger
la mort d'un seul.,
TONY RÉVILLON.
Statistique de l'assistance publique
i Le ministère de l'Intérieur vient de faire dres-
ser un tableau de la situation financière et admi-
nistrative des hospices et hôpitaux de la France;
Ce vaste travail, entrepris en 1865, par le conseil
des inspecteurs généraux de bienfaisance, sera
imprimé dans quelques jours et distribué aux
Chambres législatives.
Il présente des renseignements intéressants
, sur le personnel, l'administration intérieure, les
I recettes, les dépenses, les biens mobiliers et
i immobiliers, bois, eaux, rentes, etc., en un mot,
j sur l'organisation actuelle de tous les établisse-
l ments hospfehërsY' "sîteoss" ' les départe- -
ments.
Les hospices et hôpitaux de Paris ne doivent
pas être compris dans le travail des inspecteurs
généraux du ministère de l'Intérieur; ils sont
soumis à un régime spécial; ils relèvent directe.
ment de l'autorité du préfet dè la Seine, qui
en centralise l'administration et en contrôle le
service par des inspecteurs choisis par lui.
Nous reviendrons sur les établissements hos-
pitaliers de Paris, qui constituent une admi-
nistration considérable.
Les hôpitaux sont les établissements où il
n'est traité que des malades.
Les hospices reçoivent les vieillards, les in-
firmes, les incurables, les orphelins et les en-
fants trouvés.
Les hôpitaux sont au nombre de 337; les
hospices, 199; il y a en outre 734 hôpitaux
généraux ou hôpitaux-hospices. Cette dernière
ROCAMBOLE
N° 73 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
DEUXIÈME PARTIE
UN MOULIN SANS EAU
VIII
Le lendemain matin, au petit jour la porte de
la cellule de Ralph s'ouvrit et le gardien chef
entra, ou plutôt il s'effaça pour laisser entrer
avant lui un petit homme en lunettes vertes qui
portait un habit tout chamarré de broderies.
Voir le .numéro du 22 novembre,
C'était le m'édecin de la prison.
Le gardien chef dit d'une voix dure :
— Allons, petit drôle, lève-toi et salue M. le
docteur.
Ralph se mit sur son séant. Il était tout trem-
blant et cependant une pensée bizarre venait de
traverser son cerveau.
Cette voix rude qui lui ordonnait;brutaigment
de se lever lui semblait être eet^îiaêteie ,vgik qui
via veille au soir, en patois irlaÍid'itÍ;', ruifa,:ait dit
"-"(|r§spérer, ajoutant : « ta mèré veillé sfe\£oi,' »
'Cet homme avait l'air dur cependant; il rou-
' lait même de gros yeux qui denrfàierff le fris-
son.
— Ah ! ah ! dit le petit homme aux lunettes
vertes, voilà donc le bambin qui a voulu^f^rcer
la caisse de M. Thomas Elgin ? ... t
Et il regarda Ralpif. curieusement. f
—■ Jolie ligure, diL encore le docteur. C'est'
grand dommage que le club philanthropique pour
la moralisation d. s classes indigéntés, dont|?ai
l'honneur d'être vice-président, n'ait pas eu ce
petit drôle sous la main, peut-être l'aurait-elle
sauvé. |
Et il s'approcha ,eli lit ..de sangle et _a'y,e.s ila,i.
brutalité d'un chirurgien, il se mit à découvrir. le,
bras et l'épaule de l'enfant, c[ui réprima un cri
de douleur. • . ' . ——
- Ré 1 Eté! murmura-t-il. çç M.' Thomas-
Elgin est un Homme ingénieux en vérité ! il
vous a dès:manières' de défendre: ,S9h argent...
j'ai lu. celai tout. au long dans ; le- Msiriiiny-Post,
et éi'ej'rvr^jmeiit fort curieux. ^ .?g
Le^rcM'en,-chef, sans adojiôirjSa.grosse voix,
disait-: ,-:.:: J
.. — Cfe gâSJP&Pêtifc est hors-d'état, votre Hon-
neur, de, faitp un travail ..quelconque.- etnjjg^ne-.
sais entérite à quoi pensent'Jes,; magislrat|.
de-condamner au moulin un; enfant de dix.'
an*' ' « •••. \ ! :-
A ces paroles, te docteuf,releva ses unettes,.
qui avaient peu à peu glissé jusque ^sur 'le
bout dë*s^ôn'nez.et dit d'un ton emphatique : | .;
— Mon cher monsieur Bardel, on ne m'accu-
sera pas d'inhumanité, je"-suppose, moi qui suis
vice-prudent d'un crub iplïitanthropiqùe',"néan-
.'Moiffs, mon opinion est1!l\e:Jiosociété doit se
î sauvegarder, que le plus grand'dés crimes est
le vol et que, ceci posé, il faut châtier sévère-
ment les voleurs, entendez¡vous? - —
— Toujours est-il, reprit m'aitre Bardel, tel
était le nom du gardien-chef, que cet enfant a
reçu une balle dans l'épaule.
— Je ne dis pas non, mais la balle a été ex-
traite; et la blessure n'a rien de dangereux
Ce disant, le docteur se. mit à remuer le bras
de l'enfant, le Televant et l'abaissant et faisant
iouer les articulation" d$ 'èovde et de l'épaule.
, amii-. -
- Bah 1 fit-il, ça n'a pas la moindre gravité,
'- Ah! fit M. Bardel.
— Dans huit jours il n'y paraîtra plus.
—.Mais encore, reprit M. Bardel, faut-il que,
pendant ces huit jours, cet enfant soit envoyé à
l'infirmerie.
— Inutile, mon cher maître, parfaitement
inutile,'. :
Un nuage- passa sur le vierge du gardien-
chef-.- _ - ■ ,
— ,Mai-s. MMnsieut' le docteur... fi;-il.
.7 ,— Je^.Yous répète, mon cher monsieur Bar."
del, que -ce petit drôle peut travailler.
— Dès aujourd'hui?
— Des aujourd'hui,
M. Bardel étoutfa un soupir et s'inclina,
Le docteur ajouta :
— Croyez-moi, j'ai de l'humanité. Sans cela,
je ne serais pas vice-président d'un club phi- -
lanthropifjue. Mais la société a besoin de se
sauvegarder.
Et, sur ces mots, le docteur fit, un pas de re-
traite et M. Bardel l'accompagna et .ferma la
porte de la cellule.
Ralph demeura seul environ une heure.
Avec ce merveilleux instinct que possèdent
les enfants, il avait compris que le^gardien-chef,
avec sa voix brutale et son aspect farouche, lui
portait de l'intérêt ~t que s'il avait été déci
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