Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-09-07
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 07 septembre 1866 07 septembre 1866
Description : 1866/09/07 (N141). 1866/09/07 (N141).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717327m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
. ANCIENNE PRESSE ILLUSTRÉE
JOURNAL QUOTIDIEN, - ILLUSTRÉ LE DIMANCHE
à eeot. le numéro
5 cent. Je numéro.
'
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Pajcifc^r-i»*^ .. à fr. » fr. J 8 fr.
J^^apfpxnent»^ 8 f t 28 -
VENDREDI 7 SEPTEMBRE 1866. — No 441.
BUREAUX D'A»*Knnement : boulevard des Italiens.
ADMIS!» TRATI0N : 15, rue Breda.
LE CANON DU PALAIS-ROYAL
,,"Jl"l'l. Í
Dieu soft li»«ûlTr?tait une fausse peur!
. Le voilà t Nous l'avons encore, nops l'au-
rons toujours.
Quelle main sacrilège aurait osé nous l'en-
lever, ce canon célèbre, plus fameux, tout
petit qu'il est, que les canons mêmes qui dé-
corent les approches du palais des braves, —
le canon du Palais-Royal?
Nous l'aimons tous, nous autres Parisiens,
ce canon pacifique sur lequel nos pères et nos
grands-pères réglaient leur montre, et qui cé-
lébra le jour de votre naissance, de la mien-
ne, pour peu qu'il fit soleil ce jour-4à sur le
coup de midi.
Que de choses il a vues s'accomplir, que de :
révolutions il a vues se faire., que de gouver-
nements il a vus passer, depuis le jour (12 juil-
let 1189), où Ca mille Desnioul iiis, debout, sur
une table de café, un pistolet à la main, ha-
ranguait la foule,et détachani une feuille verte
d'une branche voisine, arborait à son chapeau
la première cocarde révolutionnaire, celle de-
vant laquelle tombèrent, deux jours plus tard,
les remparts séculaires de la Bastille.
Il a vu, ce .canon, défiler en tumulte, le,
10 août 1792, les hordes des Marseillais cou-
lant à la prise des Tuileries ;
Il a vu, le 10 novembre 1793, s'arrêter un
. moment, sur la place du Palais-National, la
charrette qui portait à la guillotine le maitre
de ce beau jardin, Philippe-Egalité;
Il a vu, pendant pius-tte—^uinze ans, au re-
tour de chacune de nos campagnes triom-
phantes, nos braves,promener, sous les tilleuls
qui l'avoisinent, « leurs habits bleus par la
victoire usés;»
Il a vu, le 31 mai 1814, les uniformes rus-
ses, prussiens, autrichiens, s'attabler au café
de la Rotonde, étonné de les revoir nuire-
ment que comme prisonniers de guerre ;
Il a vu, moins d'une année après, le dra-
peau blanc restauré battre en retraite devant
Je drapeau tricolore, puis revenir pour dispa-
raître de rechef au bout de quinze ans ;
Il a vu en mai 1830, 'bouillonner l'échauffou-
rée populaire qui signala la fête donnée parlé
duc d'Orléans à Charles X et au roi de Naples,
son beau-père, et luire la flamme du bûcher
de chaises qui valut à l'histoire le mot célèbre
et prophétique de M. de Saivandy :
« Monseigneur, nous dansons sur un vol-
can ; »
(Le piédestal de l'Apollon, son voisin, con-
serve encore, à pins de tren te ans de distance,
la trace de cet auto-da-fé.)
Il a vu, (lix-huit ans après, â travers les
guichets de la galerie vitrée, étinceler un autre
bûcher où périrent des livres sans prix, des
meubles précieux, des tableaux admirables,
des trésors de tout genre, victimes bien inno-
centes du vandalisme populaire.
Que n'en a-t-il pas vu, de grandes et de
petites choses !
Et le sac du café de la Paix (aujourd'hui le
théâtre du Palais-Royal), mis au pillage par
les gardes du corps de Louis XVIII ;
Et le café Lamhlin, le quartier-général, le
champ d'asile des Vieux de la Vieille, au
temps de la Restauration ;
Et les maisons de jeu, sanctuaire de la
roulette, du creps et du trente et quarante,
dont l'écho argentin, doux comme la voix
des Sirènes, attirait les passants dans l'an-
tre du refait, pour les ogorger sans merci ;
Et les galeries de bois, ce bazar sordide et
vermoulu, peuplé de marchandes pour rire
et de filous pour tout de bon, où s'entassaient,
les pieds dans la crotte ou dans la poussière,
la vieille et la jeune garde des viveurs de
Paris; où Ladvocat, le Mécène et l'idole de la
littérature, trônait dans la mesquine échope
où naquirent les ltlesséniennes, les Médita-
tions poétiques et les Chansons de Réranger ;
Et les loques orgueilleuses du Diogène mo-
derne, Chodruc Duclos, dit l'Homme à la
barbe ;
Et combien encore que j'oublie !...
Non, nous ne te perdrons pas, canon célè-
bre, sur lequel Oreste ne manquait jamais de
régler sa montre, quand Oreste s'appelait
Talma, et que Louis-Philippe, avant d'aban-
donner le Palais-Royal pour les Tuileries,
s'amusa maintes fois à faire partir une heure
avant l'échéance, en riant, inpetto, de la per-
turbation que ce tour d'écolier allait causer
dans le train de vie du quartier...
« Un soir, » raconte feu Paul d'Ivry, le
créateur de la chronique quotidienne, dans
feu le journal le Messager, « un soir, j'avisai
en sortant du Théâtre-Français un rentier
collé à une des grilles des galeries. On lui
demanda ce qu'il faisait là ; il répondit gra-
vement;
i ^Jirftencls le canon de minuit pour
mettre ma montre à l'heure. »
f
Je vous vois sourire. Vous vous dites :
« Il était bien naïf, ce digne homme de ren-
tier. »
Eh bien! bon Parisien, il ne l'était guère
plus que M. Prudhomme, qui attend pa-
tiemment, les coudes sur le grillage, le pas-
sage de « l'astre du jour » au méridien, pour
régler sa montre, et qui croit fermement em-
porter l'heure officielle dans son gousset.
C'est encore une illusion qu'il lui faut perdre.
Le midi officiel, le midi de la Bourse, de la
Banque et des horlogers, n'est pas toujours
d'accord avec le midi vrai.
L'artilleur céleste qui met le feu au canon
du Palais-Royal est tantôt en avance, tan-
tôt, en retard sur ce qu'on appelle l'heure
moyenne.
Le mois de février est un de ceux où se
produit la plus grande différence entre le midi
vrai, indiqué par le coup de canon, et le midi
moyen, que doivent sonner les horloges de la
ville exactement réglées. Le 3 de ce mois, il y a
déjà plus de 14 minutes que les horloges ont
sonné midi, quand l'artillerie du Palais-Royal
se fait entendre. Le 11 février est le jour de
l'année où le midi moyen est le plus en avance,
sur le midi vrai ; ce jour-là, les horloges son-
nent 14 minutes 32 secondes avant le coup r
de canon.
A .partir de ce moment, le midi vrai se rap-
proche du midi moyen, mais si insensible- .
ment, que le 27 février il y a encore 13 mi-
nutes de différence entre eux. Ce n'est qu'au
15 avril qu'ils se rejoignent et que le coup de
canon part au moment précis où midi sonne.
même concordance des deux midis a lieu en-
suite le 15 juin, le 1" septembre et le 25 dé-
cembre.
Il y à de même, dans l'année, une période
pendant laquelle le midi moyen est considé-
rablement en retard sur le midi vrai : c'est
celle des mois d'octobre et de novembre.
' Au 20 octobre, ce retard est déjà de plus
d'un quart le 3 et le 4 no-
vembre, il y aora dèjv1 f6 minutes et 18 se-
condes que le qrop de ca...,on se fait en-
tendre au Palais-Royal, midi sonnera
aux horloges de la eilile.
Au 16 novembre, îes horloges feront en-
core, comme au 20 octobre, de pîos d'un
quart d'heure en retard sur 4e canon ; ce ne
sera que le 25 du mois suivant, jourde ftoël,
que l'équilibre sera rétabli.
D'où il résulte que le soleil, dont la mar-f
che, suivant une loi immuable, s'accélère eti
se ralentit, tour à tour, est d'accord avec l'heu-
re moyenne des horloges à quatre époques
qui répondent à la position des points apogée
[ et périgée.
Ces éclaircissements, que j'emprunte à un
astronome contrôlé par le bureau des Jongi-
tudes (nous ne sommes pas si savants, nous
autres journalistes), feront comprendre à M.
Prudhomme comment la Bourse peut sonner
midi plus ou moins un quart, quand le Palais-
Royal dit midi juste, sans qu'ils aient tort ni'
l'un ni l'autre. , "
Preuve, pour le constater en passant, que
l'ordre social est géré par des conventions. Le
mortel qui s'entêterait à rester dans la vérité
et qui réglerait en toute saison sa journée sur
le canon du Palais-Royal, risquerait, les trois
quarts du temps, de manquer le coche.
I
f
Il paraît, au diré d'un journal, que ce canon,
qui n'est, en résumé, qu'une variété de la.
méridienne, — autrement dit un cadran solaire
ii. répétition, — a eu pour précurseur une hor-
loge construite, sur les plans de Buffon, au
labyrinthe du Jardin-des-Plantes; elle fat
exécutée par les soins de l'architecte Ver-
niquet.
Selon les données de l'illustre naturaliste,
Verniquet fit bâtir au faîte du monticule un
massif en maçonnerie, sur lequel le serrurier
Mille éleva le kiosque en fer cuirassé de cui-
vre qui existe encore aujourd'hui.
Ce kiosque, dont via frise porte pour ins-
cription : Homs non numéro nisi serenas (Je
ne compte que les heures sereines), est sur-
monté d'une sphère armillaire posée sur un
piédouche; mais le globe terrestre qu'on yi
voit suspendu, remplissait alors l'office de
marteau pour sonner l'heure sur un gong
chinois qui servait de timbre.
Ce marteau correspondait à un contre-
LE DERNIER MOT
ROCAMBOLE
PREMIÈRE PARTIE
LES RAVAGEURS
PAR
PONSON DU TERRAIL
XVIII
La nuit était étoilée comme une nuit de juin,
mais la lune était absente.
Les hauteurs de Charenton étaient étince.
lantes de lumière, et Rocambole, debout dans la
barque, sa montre à la main, avait les yeux
fixés sur la ligne du chemin de fer de Paris à
Lyon.
Rocambole faisait le calcul suivant:
— Les Indiens se sont trompés, ce n'est pas
à onze heures que le train qu'ils veulent prendre
passera à Charenton, c'est à onz? heures et de-
mie. Avec un arrêt à Maisons-Alfort il n'arri-
vera à Villeneuve qu'à minuit.
(1) Voir le; aaaiiro» paru* dopait la H Mât,
Mais de la station de Villeneuve à la maison
isolée, il y a un bon quart-d'heure de marche,
en revenant sur ses pas.
Nous, au contraire, nous débarquerons juste
en face, par conséquent nous arriverons avant
eux.
La Mort-des-braves avait pris un aviron, •
Marmouset un autre ; quant au Chanoine, il
s'était placé à l'arriére avec un troisième qu'il
manœuvrait comme une godille.
Jamais canot d'Asnières luttant aux régates
pour avoir le prix, n'avait filé plus rapidement.
Et comme Rocambole était devenu silencieux,
les bandits respectaient ce silence et n'osaient
l'interroger.
Marmouset tint parole, la barque marcha si
vite et si droit que le train du chemin de fer était¿'
encore dans la gare de Paris que déjà Rocam-
bole et ses compagnons se trouvaient en face de
la maison isolée.
Alors le Maître dit:
— Abordez, quand nous serons vers la berge,
je vous dirai de quoi il s'agit. j
A onze heures du soir, en hiver, la campagne
est déserte.
Villeneuve Saint-Georges si bruyant et si
peuplé en été en est réduit à sa population de
petits rentiers, de pajsana et de mariniers, gens
qui se couchent de bonne heure et redoutent les
bises de novembre. J
Marmouset, d'un coup d'aviron, avait poussé j
la. barque dans une touffe de saules.
La Mort-des-braves jeta l'amarre autour d'une
branche, et sauta lestement à terre.
Le Chanoine allait en faire autant, lorsque
Rocambole lui dit :
— Eh bien! tu ne prends donc pas ton
merlin ? *
— Mais, dit le Chanoine, vous m'avez dit que
c'était inutile.
— J'ai changé d'avis, prends-le.
En même temps Rocambole fouiHa sous le
banc et en retira un paquet de cord'es de l'é-
paisseur du doigt, comme tous les pêcheurs ont
coutume d'en avoir et qui leur servent à diffé-
rents usages.
Puis, à son tour, il sauta sur la berge.
— Maintenant, mes enfants, dit-il, écoutez-
moi bien.
— Parlez, Maître.
— Savez-vous ce que sont ces deux hommes
qui buvaient dans un coin chez le père Heur-
tebise? -
— Non.
— Ce sont les affiliés d'une autre bande 'de
voleurs et d'wsassinV
— Des camarades, quoi ! fit naïvement la
Chanoine.
— Ils parlaient de faire le m¡"me coup que
nous.
— Pas dégoûtés du tout ! ricana Marmou-
set.
r- Je n'ai pas envie de partager, moi, dit 'la.
Mort-des-braves.
— Ni moi, dit froidement, Rocambole.
— Qu'ordonnez-vous donc, Maitre? fit le i
Chanoine.
— Venez, vous le saurez.
Et Rocamuoll', quittant la berge, se dirigea
vers le chemin creux qui montait vers la grille
du parc.
Tandis qu'il marchait d'un pas alerte, un coup
de sifflet bruyant se fit entendre dans le loin-
tain.
C'était le train qui sortait de la gare d&
Paris.
Pour venir de la station du chemin de fer il
la grille, il n'y avait pas d'autre route que ce
sentier encaissé entre deux murs dans lequel
Rocambole et ses compagnons venaient de s'en-
gager. -
A cent mètres de la grille du parc, l'un des
deux murs avait subiun éboulëmont, et une large
brèche permettait de pénétrer dans la propriété
T
^
. ANCIENNE PRESSE ILLUSTRÉE
JOURNAL QUOTIDIEN, - ILLUSTRÉ LE DIMANCHE
à eeot. le numéro
5 cent. Je numéro.
'
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Pajcifc^r-i»*^ .. à fr. » fr. J 8 fr.
J^^apfpxnent»^ 8 f t 28 -
VENDREDI 7 SEPTEMBRE 1866. — No 441.
BUREAUX D'A»*Knnement : boulevard des Italiens.
ADMIS!» TRATI0N : 15, rue Breda.
LE CANON DU PALAIS-ROYAL
,,"Jl"l'l. Í
Dieu soft li»«ûlTr?tait une fausse peur!
. Le voilà t Nous l'avons encore, nops l'au-
rons toujours.
Quelle main sacrilège aurait osé nous l'en-
lever, ce canon célèbre, plus fameux, tout
petit qu'il est, que les canons mêmes qui dé-
corent les approches du palais des braves, —
le canon du Palais-Royal?
Nous l'aimons tous, nous autres Parisiens,
ce canon pacifique sur lequel nos pères et nos
grands-pères réglaient leur montre, et qui cé-
lébra le jour de votre naissance, de la mien-
ne, pour peu qu'il fit soleil ce jour-4à sur le
coup de midi.
Que de choses il a vues s'accomplir, que de :
révolutions il a vues se faire., que de gouver-
nements il a vus passer, depuis le jour (12 juil-
let 1189), où Ca mille Desnioul iiis, debout, sur
une table de café, un pistolet à la main, ha-
ranguait la foule,et détachani une feuille verte
d'une branche voisine, arborait à son chapeau
la première cocarde révolutionnaire, celle de-
vant laquelle tombèrent, deux jours plus tard,
les remparts séculaires de la Bastille.
Il a vu, ce .canon, défiler en tumulte, le,
10 août 1792, les hordes des Marseillais cou-
lant à la prise des Tuileries ;
Il a vu, le 10 novembre 1793, s'arrêter un
. moment, sur la place du Palais-National, la
charrette qui portait à la guillotine le maitre
de ce beau jardin, Philippe-Egalité;
Il a vu, pendant pius-tte—^uinze ans, au re-
tour de chacune de nos campagnes triom-
phantes, nos braves,promener, sous les tilleuls
qui l'avoisinent, « leurs habits bleus par la
victoire usés;»
Il a vu, le 31 mai 1814, les uniformes rus-
ses, prussiens, autrichiens, s'attabler au café
de la Rotonde, étonné de les revoir nuire-
ment que comme prisonniers de guerre ;
Il a vu, moins d'une année après, le dra-
peau blanc restauré battre en retraite devant
Je drapeau tricolore, puis revenir pour dispa-
raître de rechef au bout de quinze ans ;
Il a vu en mai 1830, 'bouillonner l'échauffou-
rée populaire qui signala la fête donnée parlé
duc d'Orléans à Charles X et au roi de Naples,
son beau-père, et luire la flamme du bûcher
de chaises qui valut à l'histoire le mot célèbre
et prophétique de M. de Saivandy :
« Monseigneur, nous dansons sur un vol-
can ; »
(Le piédestal de l'Apollon, son voisin, con-
serve encore, à pins de tren te ans de distance,
la trace de cet auto-da-fé.)
Il a vu, (lix-huit ans après, â travers les
guichets de la galerie vitrée, étinceler un autre
bûcher où périrent des livres sans prix, des
meubles précieux, des tableaux admirables,
des trésors de tout genre, victimes bien inno-
centes du vandalisme populaire.
Que n'en a-t-il pas vu, de grandes et de
petites choses !
Et le sac du café de la Paix (aujourd'hui le
théâtre du Palais-Royal), mis au pillage par
les gardes du corps de Louis XVIII ;
Et le café Lamhlin, le quartier-général, le
champ d'asile des Vieux de la Vieille, au
temps de la Restauration ;
Et les maisons de jeu, sanctuaire de la
roulette, du creps et du trente et quarante,
dont l'écho argentin, doux comme la voix
des Sirènes, attirait les passants dans l'an-
tre du refait, pour les ogorger sans merci ;
Et les galeries de bois, ce bazar sordide et
vermoulu, peuplé de marchandes pour rire
et de filous pour tout de bon, où s'entassaient,
les pieds dans la crotte ou dans la poussière,
la vieille et la jeune garde des viveurs de
Paris; où Ladvocat, le Mécène et l'idole de la
littérature, trônait dans la mesquine échope
où naquirent les ltlesséniennes, les Médita-
tions poétiques et les Chansons de Réranger ;
Et les loques orgueilleuses du Diogène mo-
derne, Chodruc Duclos, dit l'Homme à la
barbe ;
Et combien encore que j'oublie !...
Non, nous ne te perdrons pas, canon célè-
bre, sur lequel Oreste ne manquait jamais de
régler sa montre, quand Oreste s'appelait
Talma, et que Louis-Philippe, avant d'aban-
donner le Palais-Royal pour les Tuileries,
s'amusa maintes fois à faire partir une heure
avant l'échéance, en riant, inpetto, de la per-
turbation que ce tour d'écolier allait causer
dans le train de vie du quartier...
« Un soir, » raconte feu Paul d'Ivry, le
créateur de la chronique quotidienne, dans
feu le journal le Messager, « un soir, j'avisai
en sortant du Théâtre-Français un rentier
collé à une des grilles des galeries. On lui
demanda ce qu'il faisait là ; il répondit gra-
vement;
i ^Jirftencls le canon de minuit pour
mettre ma montre à l'heure. »
f
Je vous vois sourire. Vous vous dites :
« Il était bien naïf, ce digne homme de ren-
tier. »
Eh bien! bon Parisien, il ne l'était guère
plus que M. Prudhomme, qui attend pa-
tiemment, les coudes sur le grillage, le pas-
sage de « l'astre du jour » au méridien, pour
régler sa montre, et qui croit fermement em-
porter l'heure officielle dans son gousset.
C'est encore une illusion qu'il lui faut perdre.
Le midi officiel, le midi de la Bourse, de la
Banque et des horlogers, n'est pas toujours
d'accord avec le midi vrai.
L'artilleur céleste qui met le feu au canon
du Palais-Royal est tantôt en avance, tan-
tôt, en retard sur ce qu'on appelle l'heure
moyenne.
Le mois de février est un de ceux où se
produit la plus grande différence entre le midi
vrai, indiqué par le coup de canon, et le midi
moyen, que doivent sonner les horloges de la
ville exactement réglées. Le 3 de ce mois, il y a
déjà plus de 14 minutes que les horloges ont
sonné midi, quand l'artillerie du Palais-Royal
se fait entendre. Le 11 février est le jour de
l'année où le midi moyen est le plus en avance,
sur le midi vrai ; ce jour-là, les horloges son-
nent 14 minutes 32 secondes avant le coup r
de canon.
A .partir de ce moment, le midi vrai se rap-
proche du midi moyen, mais si insensible- .
ment, que le 27 février il y a encore 13 mi-
nutes de différence entre eux. Ce n'est qu'au
15 avril qu'ils se rejoignent et que le coup de
canon part au moment précis où midi sonne.
même concordance des deux midis a lieu en-
suite le 15 juin, le 1" septembre et le 25 dé-
cembre.
Il y à de même, dans l'année, une période
pendant laquelle le midi moyen est considé-
rablement en retard sur le midi vrai : c'est
celle des mois d'octobre et de novembre.
' Au 20 octobre, ce retard est déjà de plus
d'un quart le 3 et le 4 no-
vembre, il y aora dèjv1 f6 minutes et 18 se-
condes que le qrop de ca...,on se fait en-
tendre au Palais-Royal, midi sonnera
aux horloges de la eilile.
Au 16 novembre, îes horloges feront en-
core, comme au 20 octobre, de pîos d'un
quart d'heure en retard sur 4e canon ; ce ne
sera que le 25 du mois suivant, jourde ftoël,
que l'équilibre sera rétabli.
D'où il résulte que le soleil, dont la mar-f
che, suivant une loi immuable, s'accélère eti
se ralentit, tour à tour, est d'accord avec l'heu-
re moyenne des horloges à quatre époques
qui répondent à la position des points apogée
[ et périgée.
Ces éclaircissements, que j'emprunte à un
astronome contrôlé par le bureau des Jongi-
tudes (nous ne sommes pas si savants, nous
autres journalistes), feront comprendre à M.
Prudhomme comment la Bourse peut sonner
midi plus ou moins un quart, quand le Palais-
Royal dit midi juste, sans qu'ils aient tort ni'
l'un ni l'autre. , "
Preuve, pour le constater en passant, que
l'ordre social est géré par des conventions. Le
mortel qui s'entêterait à rester dans la vérité
et qui réglerait en toute saison sa journée sur
le canon du Palais-Royal, risquerait, les trois
quarts du temps, de manquer le coche.
I
f
Il paraît, au diré d'un journal, que ce canon,
qui n'est, en résumé, qu'une variété de la.
méridienne, — autrement dit un cadran solaire
ii. répétition, — a eu pour précurseur une hor-
loge construite, sur les plans de Buffon, au
labyrinthe du Jardin-des-Plantes; elle fat
exécutée par les soins de l'architecte Ver-
niquet.
Selon les données de l'illustre naturaliste,
Verniquet fit bâtir au faîte du monticule un
massif en maçonnerie, sur lequel le serrurier
Mille éleva le kiosque en fer cuirassé de cui-
vre qui existe encore aujourd'hui.
Ce kiosque, dont via frise porte pour ins-
cription : Homs non numéro nisi serenas (Je
ne compte que les heures sereines), est sur-
monté d'une sphère armillaire posée sur un
piédouche; mais le globe terrestre qu'on yi
voit suspendu, remplissait alors l'office de
marteau pour sonner l'heure sur un gong
chinois qui servait de timbre.
Ce marteau correspondait à un contre-
LE DERNIER MOT
ROCAMBOLE
PREMIÈRE PARTIE
LES RAVAGEURS
PAR
PONSON DU TERRAIL
XVIII
La nuit était étoilée comme une nuit de juin,
mais la lune était absente.
Les hauteurs de Charenton étaient étince.
lantes de lumière, et Rocambole, debout dans la
barque, sa montre à la main, avait les yeux
fixés sur la ligne du chemin de fer de Paris à
Lyon.
Rocambole faisait le calcul suivant:
— Les Indiens se sont trompés, ce n'est pas
à onze heures que le train qu'ils veulent prendre
passera à Charenton, c'est à onz? heures et de-
mie. Avec un arrêt à Maisons-Alfort il n'arri-
vera à Villeneuve qu'à minuit.
(1) Voir le; aaaiiro» paru* dopait la H Mât,
Mais de la station de Villeneuve à la maison
isolée, il y a un bon quart-d'heure de marche,
en revenant sur ses pas.
Nous, au contraire, nous débarquerons juste
en face, par conséquent nous arriverons avant
eux.
La Mort-des-braves avait pris un aviron, •
Marmouset un autre ; quant au Chanoine, il
s'était placé à l'arriére avec un troisième qu'il
manœuvrait comme une godille.
Jamais canot d'Asnières luttant aux régates
pour avoir le prix, n'avait filé plus rapidement.
Et comme Rocambole était devenu silencieux,
les bandits respectaient ce silence et n'osaient
l'interroger.
Marmouset tint parole, la barque marcha si
vite et si droit que le train du chemin de fer était¿'
encore dans la gare de Paris que déjà Rocam-
bole et ses compagnons se trouvaient en face de
la maison isolée.
Alors le Maître dit:
— Abordez, quand nous serons vers la berge,
je vous dirai de quoi il s'agit. j
A onze heures du soir, en hiver, la campagne
est déserte.
Villeneuve Saint-Georges si bruyant et si
peuplé en été en est réduit à sa population de
petits rentiers, de pajsana et de mariniers, gens
qui se couchent de bonne heure et redoutent les
bises de novembre. J
Marmouset, d'un coup d'aviron, avait poussé j
la. barque dans une touffe de saules.
La Mort-des-braves jeta l'amarre autour d'une
branche, et sauta lestement à terre.
Le Chanoine allait en faire autant, lorsque
Rocambole lui dit :
— Eh bien! tu ne prends donc pas ton
merlin ? *
— Mais, dit le Chanoine, vous m'avez dit que
c'était inutile.
— J'ai changé d'avis, prends-le.
En même temps Rocambole fouiHa sous le
banc et en retira un paquet de cord'es de l'é-
paisseur du doigt, comme tous les pêcheurs ont
coutume d'en avoir et qui leur servent à diffé-
rents usages.
Puis, à son tour, il sauta sur la berge.
— Maintenant, mes enfants, dit-il, écoutez-
moi bien.
— Parlez, Maître.
— Savez-vous ce que sont ces deux hommes
qui buvaient dans un coin chez le père Heur-
tebise? -
— Non.
— Ce sont les affiliés d'une autre bande 'de
voleurs et d'wsassinV
— Des camarades, quoi ! fit naïvement la
Chanoine.
— Ils parlaient de faire le m¡"me coup que
nous.
— Pas dégoûtés du tout ! ricana Marmou-
set.
r- Je n'ai pas envie de partager, moi, dit 'la.
Mort-des-braves.
— Ni moi, dit froidement, Rocambole.
— Qu'ordonnez-vous donc, Maitre? fit le i
Chanoine.
— Venez, vous le saurez.
Et Rocamuoll', quittant la berge, se dirigea
vers le chemin creux qui montait vers la grille
du parc.
Tandis qu'il marchait d'un pas alerte, un coup
de sifflet bruyant se fit entendre dans le loin-
tain.
C'était le train qui sortait de la gare d&
Paris.
Pour venir de la station du chemin de fer il
la grille, il n'y avait pas d'autre route que ce
sentier encaissé entre deux murs dans lequel
Rocambole et ses compagnons venaient de s'en-
gager. -
A cent mètres de la grille du parc, l'un des
deux murs avait subiun éboulëmont, et une large
brèche permettait de pénétrer dans la propriété
T
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