Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-06-24
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 juin 1870 24 juin 1870
Description : 1870/06/24 (A5,N1527). 1870/06/24 (A5,N1527).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716955p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
1
5 cent. le '1 numéro.
5 cent. le Itiwîèro1.
1
j ABONNEMENTS.— Troismoîs FixMo!: Un 21
î Paris 5 fr. © fr. 98 fr.
j Départements 6 11 SS
Administrateur: BOURDILLIAT.
5me année — VENDREDI 24 JUIN 1870 — N° 1527
u
Rédacteur en chef: A. DB B A. LUTHIER-BRAGELONNE '•
BUREAUX d'an o mneme\* r: 1), PuaDrouot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaira.
PARIS, 23 JUIN 1870
LES SAUTERELLES
A sept cent soixante kilomètresNtié-Mar^.
seille, au delà de la Méditerranée, battue
d'un côté par les flots de la mer, de l'autre
par les vagues de sable du désert, s'étend
une région favorisée. Son étendue est celle
de soixante-huit do nos départements, à peu
i près les trois quarts de celle de la France.
Mais les habitants y sont sept ou huit fois
moins nombreux.
Deux grandes divisions du sol : le Tell et
le Sahara.
Le Tell, ce sont les vallées arrosées par
des rivières et les plaines coupées par des
bois. Là, on laboure, on sème, on récolte.
Le Sahara, ou Région des Palmiers, ne
produit que des pâturages. Ses plaines arides
sont semées d'oasis. Au delà, s'étend le
Désert.
La population est mélangée à l'infini. Es-
pagnols, Maures, Juifs, Turcs, Nègres, Bé-
douins, un amas de peuples de toutes les
races et de toutes les origines, couvre
le sol.
Les Bédouins eux-mêmes se subdivisent
en Kabyles, tribus de sang vandale, séden-
taires et agricoles, — ceux du Tell, et en
Arabes proprement dits, nomades et pas-
teurs, — ceux du Sahara.
Les Kabyles, logés dans des maisons de
pierres, représentent vaguement, en Afrique,
nos anciennes communes ayant leurs privi-
lèges et leurs lois, tandis que les Arabes,
' transportant llLl gré du maître leurs tentes
en peaux de chameau, rappellent l'organisa-
tion aristocratique et paternelle des sociélés
à leur début. A eux les sables sans fin, les
plaines sans culture, les montagnes nues; à
eux aussi les grands horizons, les vertes
' oasis et les pâturages abrités; à eux la vie
de privations et d'aventures, qui fait les
poètes et les soldats...
Les livres, les tableaux, les récits des
voyageurs, les rapports officiels ont popula-
risé en France ce pays et les mœurs de ceux
^ui l'habilcnt.
'^j0a.sait qu'avant 1830 la suzeraineté tur-
quevpesait sur la féodalité bédouine, qui pe-
sattii son tour sur la niasse du peuple.
;C"Qh sait encore que la conquête française
fut un bien pour^ces malheureux, livrés aux
ûeux ou trois tyrannies superposées des so-
ciétés orientales.
Les Français, lorsqu'ils envahissent et
colonisent, ne ressemblent eu rien aux
Saxons. Ces derniers, en effet, se substituent
purement et simplement aux anciens tyr:-:'!s,
et les vaincus ne gagent rien au changement
de maître, — voyez l'Inde; ou bien ils re-
foulent et détruisent les premiers posses-
seurs du sol pour prendre leur place, —
voyez les Etals-Unis d'Amérique.
Les Français, au contraire, essayent d'a-
méliorer le sort des indigènes. Ils apportent
avec eux de meilleures lois, des coutumes
plus douces, et ce sentiment de fraternité,
aussi naturel chez eux dans la conquête que
l'élan dans la bataille.
La colonisation marche moins vite; car on
civilise, au lieu d'exterminer. M ai s l'huma-
nité trouve son compte à ce système, et les
droits de l'humanité, n'en déplaise à l'aris-
tocratie anglaise, sont supérieurs à la ri-
chesse de la mère-patrie.
Aujourd'hui l'Algérie est une province
française. Tout ce qui touche à ses intérêts
nous intéresse. On se félicite, de ce qui peut
lui arriver d'heureux ; on s'attriste de ses
désastres et de ses douleurs...
C'est pourquoi, ces jours-ci, on s'est réjoui
en France d'une dépêche d'Alger — annon-
çant que le banc da sauterelles que redou-
tait notre colonie avait passé sans s'abattre
sur elle, se dirigeant vers le Maroc et vers
l'Ouest.
Les sauterelles sont familières à tout le
monde. Depuis le citadin jusqu'au paysan et
depuis le gamin des faubourgs jusqu'au pe-
tit pâtre de la monlagne, il n'est personne
qui n'ait présents le petit corps allongé, brun
ou vert, la grande tête verticale, les yeux
ronds et saillants, les longues antennes, les i
élythcs inclinées qui recouvrent les ailes, et 1
les longues pattes de derrière propres au
saut, de ces insectes. ;
Leur histoire est populaire, comme celle
de toutes les invasions fata'es ù. l'humanité.
Les sauterelles se développent par millions
et par milliards dans les déserts de l'Arabie
et sur les plateaux de l'Asie.
A de certaines époques de l'année, elles
s'élèvent en l'air et montent jusqu'à ce
qu'elles trouvent un courant. Alors, elles se
laissent aller et le courant les emporte. D'en
ljas, leur masse innombrable apparaît com-
me un nuage qui obscurcit la lumière du
soleil ; mais du nuage sort un frémissement
sourd, pareil au murmure des foules. Alors,
les paysans, les gens habitués à observer les
phénomènes de la nature, se montrent —
effrayés —le nuage vivant, qui passe au-
dessus de leur tête.
— Pourvu qu'il ne tombe pas ici ! — se
disent-ils avec effroi.
Ainsi parlaient les Arabes de l'Algérie,
songeant à leurs moissons, à la fertilité de
leurs champs, à l'abondance dt leurs recel- \
tes. Allaient-ils donc encore une fois con-
naître la famine, voir mourir leurs femmes
leurs enfants, mourir eux-mêmes de besoin?
Mais bientôt des cris de joie ont rompu
l'attente oppressée de l'alarme. *
Les sauterelles avaient passé.
Parfois, pourtant, elles s'abattent. Le
nuage éclate, et l'on dirait une pluie d'orage
qui tombe. Sous cette pluie, les feuilles des
arbres disparaissent, les branches s'affais-
sent, toute végétation est anéantie.
Si l'orage se prolonge, les sauterelles for-
ment sur la terre des couches épaisses; leurs
cadavres entassés se décomposent.
Ce n'est plus la famine qu'elles ont appor-
tée, c'est la peste.
! Saint Augustin raconte qu'une peste pro-
duite par les sauterelles détruisit 800,000
habilants de l'Afrique romaine. Des Mgions
entières de soldats romains étaient occupée
sur les frontières occidenlales de l'Asie, à
détruire ces armées d'insecles, plus redouta-
bles cent fois que des armées d'hommes. Ja-
mais, en effet, les Barbares, — hommes,
femmes, enfants, traînant après eux leur ;
bot .il et leurs chariots, — n'ont eu la puis-,
sance d'entassement et d'extermination des-
sauterelles, qui se détachent du ciel comme
la tempête pour couvrir la terre comme le
déluge.
Un voyageur anglais, Barrow, rapporte
qu'en 1784 et en 1797 les sauterelles cou-
vraient plusieurs centaines de lieues carMes
I de l'Afrique. Balayées vers la mer par un
vent du nord-est, rejetées sur la côte parlas.
vagues, elles formèrent un banc de cadaveea
haut de plus d'un mètre et long de huit my-
rinmèlres.
Les villes d'Arles et de Marseille étaient
encore sous le coup de cette épouvante, lors-
qu'on 1813 elles payèrent 45,000 francs pour
la destruction de 90,000 kilogrammes d'œu>fe
de sauterelles.
Ainsi, l'on ne saurait taxer de fable hér&Ï-
que la menace du Moïse aux ennemis de
, son peuple :
/
« Je ferai venir demain dans votre pays
'les sa.uterell'es, qui couvriront la surface de
■ la terre, en sorte qu'elle ne paraîtra plue,
et qui mangeront tout ce que la grêle a'a
pas gâlé; car elles rongeront tous les arbres
qui poussent d-ans les champs, elles rempli-
1 ront vos maisons, les maisons de vos scpy.i..'
teurs et de tous les Egyptiens.- »
A la pensée que les sau Lerelles sa sont abat-
tues à diverses reprises sur la Russie et le
Danube, l'Espagne, l'Italie, la. France, l'es-
prit s'inquiète, et l'imagination fait revivre ;
ces immenses fourmillements d'insectes,
dont le passago laisse la terre nue et#s
hommes sans ressources contre la faim.
Puisse l'effroyable nuage, qui a passé sa F
notre colonie, ne pas s'être arrêté sur le Ma-
roc et n'avoir assombri que la plaine dé-
serte de l'Océan !...
I *
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LXXXVIII
88
Le port de Douglas est tout petit et la ville
n'est pas grande.
Des rues étroites, des maisons basses, quel-
ques édifices çà et là en carton-pierre.
Telle est la capitale do l'île de Man.
A peine fut-il débarqué que M. John Dell
se mit à marcha à grands pas.
— Mon cher monsieur, lui dit Marmouset,
il ne s'agit pas de courir, il faut encore savoir
où l'on va.
j — Nous allons chez la somnambule, répon-
dit M. John Bell.
— D'accord; mais où est-elle?
— Je n'en sais rien.
— Eh bien ! dit Marmouset, laissez-moi me
renseigner alors.
Marmouset ne parlait ainsi que parce qu'il
avait remarqué, au moment où il mettait le
pied sur le quai, un jeune homme qui le re-
gardait avec attention.
Ce jeune homme était vêtu comme un pê-
cheur ; il portait la grosse vareuse en toile
goudronnée et le bonnet de laine brune, mais
il avait les mains blanches.
A la façon dont il regardait Marmouset, ce-
lui-ci avait compris que cet homme ne lui
était pas aussi étranger qu'il pouvait le
croire. *
Et comme Marmouset s'était mis en route,
ce jeune homme avait paru vouloir le sui-
vre.
> Marmouset alla droit à luis
i
— Pardon, lui dit -il, pourriez-vous me don-
ner un renseignement?
— Volontiers, répondit cet homme avea un
sourire.
— N'y a-t-il pas une somnambule à Dou-
glas ?
■ — Oui, dit le pêcheur.
— Où demeure-t-elle ?
— Je vai-s vous conduire.
Et le prétendu pêcheur cligna de l'œil.
M. John Beel ajouta vivement :
— Il y a une guinée pour vous, mon ami ;
mais allongez donc le pas, je vous prie. Est-ce
loin?
— Tout droit devant nous, au haut de eette
rue, dit le pêcheur.
M. John Bell se mit à marcher en avant.
Alors le pêcheur se trouva côte à côte avec
Marmouset et lui dit :
— Est-ce vous qu'on appelle sir Arthur?
— Pour le moment, dit Marmouset en sou-
riant.
ï — Bien 1 dit l'IaûonRiU Alors j'ai 1Ble Mis-
» sionpouf YQïis»
.i
Et il lui giissa un papier dans les rnain-'é'.
— Qu'est-ee que cela ? dit Marmouset
— Un télégramme.
-••fr-
— D'où vient-il ?
— De Liverpool ; il est arrivé il y a me
heure.
Marmouset ouvrit le télégramme et lut ;
a Prévenez somnambule qu'elle retienne M.
« John Bell. Faites que sir Arthur m'&îîssûie*
a R... a
Le télégramme portait cette adresse
Gevrge Blœk, Douglas, ile tk'Mrn.
Marmouset regarda cet homme, Lviîs il
fit le signe mystérieux des fénians",
George Blask répondit par le même sigae-
Après qyrai, Marmouset lui dit :
' — La recommandation du maître était inu-
tile,
— Pourquei ?
, — Parce que nous sommes prisonniers loi!&,
— Bah! dit le îénian George Black, fcfeJI
maître ne voulait pas que vous restiez, Je
«feargerais Mea de TOUS enlever du port
~ Jcjr le numéro da 12 juin 1809,
[texteillisible]
JOURNAL QUOTIDIEN
1
5 cent. le '1 numéro.
5 cent. le Itiwîèro1.
1
j ABONNEMENTS.— Troismoîs FixMo!: Un 21
î Paris 5 fr. © fr. 98 fr.
j Départements 6 11 SS
Administrateur: BOURDILLIAT.
5me année — VENDREDI 24 JUIN 1870 — N° 1527
u
Rédacteur en chef: A. DB B A. LUTHIER-BRAGELONNE '•
BUREAUX d'an o mneme\* r: 1), PuaDrouot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaira.
PARIS, 23 JUIN 1870
LES SAUTERELLES
A sept cent soixante kilomètresNtié-Mar^.
seille, au delà de la Méditerranée, battue
d'un côté par les flots de la mer, de l'autre
par les vagues de sable du désert, s'étend
une région favorisée. Son étendue est celle
de soixante-huit do nos départements, à peu
i près les trois quarts de celle de la France.
Mais les habitants y sont sept ou huit fois
moins nombreux.
Deux grandes divisions du sol : le Tell et
le Sahara.
Le Tell, ce sont les vallées arrosées par
des rivières et les plaines coupées par des
bois. Là, on laboure, on sème, on récolte.
Le Sahara, ou Région des Palmiers, ne
produit que des pâturages. Ses plaines arides
sont semées d'oasis. Au delà, s'étend le
Désert.
La population est mélangée à l'infini. Es-
pagnols, Maures, Juifs, Turcs, Nègres, Bé-
douins, un amas de peuples de toutes les
races et de toutes les origines, couvre
le sol.
Les Bédouins eux-mêmes se subdivisent
en Kabyles, tribus de sang vandale, séden-
taires et agricoles, — ceux du Tell, et en
Arabes proprement dits, nomades et pas-
teurs, — ceux du Sahara.
Les Kabyles, logés dans des maisons de
pierres, représentent vaguement, en Afrique,
nos anciennes communes ayant leurs privi-
lèges et leurs lois, tandis que les Arabes,
' transportant llLl gré du maître leurs tentes
en peaux de chameau, rappellent l'organisa-
tion aristocratique et paternelle des sociélés
à leur début. A eux les sables sans fin, les
plaines sans culture, les montagnes nues; à
eux aussi les grands horizons, les vertes
' oasis et les pâturages abrités; à eux la vie
de privations et d'aventures, qui fait les
poètes et les soldats...
Les livres, les tableaux, les récits des
voyageurs, les rapports officiels ont popula-
risé en France ce pays et les mœurs de ceux
^ui l'habilcnt.
'^j0a.sait qu'avant 1830 la suzeraineté tur-
quevpesait sur la féodalité bédouine, qui pe-
sattii son tour sur la niasse du peuple.
;C"Qh sait encore que la conquête française
fut un bien pour^ces malheureux, livrés aux
ûeux ou trois tyrannies superposées des so-
ciétés orientales.
Les Français, lorsqu'ils envahissent et
colonisent, ne ressemblent eu rien aux
Saxons. Ces derniers, en effet, se substituent
purement et simplement aux anciens tyr:-:'!s,
et les vaincus ne gagent rien au changement
de maître, — voyez l'Inde; ou bien ils re-
foulent et détruisent les premiers posses-
seurs du sol pour prendre leur place, —
voyez les Etals-Unis d'Amérique.
Les Français, au contraire, essayent d'a-
méliorer le sort des indigènes. Ils apportent
avec eux de meilleures lois, des coutumes
plus douces, et ce sentiment de fraternité,
aussi naturel chez eux dans la conquête que
l'élan dans la bataille.
La colonisation marche moins vite; car on
civilise, au lieu d'exterminer. M ai s l'huma-
nité trouve son compte à ce système, et les
droits de l'humanité, n'en déplaise à l'aris-
tocratie anglaise, sont supérieurs à la ri-
chesse de la mère-patrie.
Aujourd'hui l'Algérie est une province
française. Tout ce qui touche à ses intérêts
nous intéresse. On se félicite, de ce qui peut
lui arriver d'heureux ; on s'attriste de ses
désastres et de ses douleurs...
C'est pourquoi, ces jours-ci, on s'est réjoui
en France d'une dépêche d'Alger — annon-
çant que le banc da sauterelles que redou-
tait notre colonie avait passé sans s'abattre
sur elle, se dirigeant vers le Maroc et vers
l'Ouest.
Les sauterelles sont familières à tout le
monde. Depuis le citadin jusqu'au paysan et
depuis le gamin des faubourgs jusqu'au pe-
tit pâtre de la monlagne, il n'est personne
qui n'ait présents le petit corps allongé, brun
ou vert, la grande tête verticale, les yeux
ronds et saillants, les longues antennes, les i
élythcs inclinées qui recouvrent les ailes, et 1
les longues pattes de derrière propres au
saut, de ces insectes. ;
Leur histoire est populaire, comme celle
de toutes les invasions fata'es ù. l'humanité.
Les sauterelles se développent par millions
et par milliards dans les déserts de l'Arabie
et sur les plateaux de l'Asie.
A de certaines époques de l'année, elles
s'élèvent en l'air et montent jusqu'à ce
qu'elles trouvent un courant. Alors, elles se
laissent aller et le courant les emporte. D'en
ljas, leur masse innombrable apparaît com-
me un nuage qui obscurcit la lumière du
soleil ; mais du nuage sort un frémissement
sourd, pareil au murmure des foules. Alors,
les paysans, les gens habitués à observer les
phénomènes de la nature, se montrent —
effrayés —le nuage vivant, qui passe au-
dessus de leur tête.
— Pourvu qu'il ne tombe pas ici ! — se
disent-ils avec effroi.
Ainsi parlaient les Arabes de l'Algérie,
songeant à leurs moissons, à la fertilité de
leurs champs, à l'abondance dt leurs recel- \
tes. Allaient-ils donc encore une fois con-
naître la famine, voir mourir leurs femmes
leurs enfants, mourir eux-mêmes de besoin?
Mais bientôt des cris de joie ont rompu
l'attente oppressée de l'alarme. *
Les sauterelles avaient passé.
Parfois, pourtant, elles s'abattent. Le
nuage éclate, et l'on dirait une pluie d'orage
qui tombe. Sous cette pluie, les feuilles des
arbres disparaissent, les branches s'affais-
sent, toute végétation est anéantie.
Si l'orage se prolonge, les sauterelles for-
ment sur la terre des couches épaisses; leurs
cadavres entassés se décomposent.
Ce n'est plus la famine qu'elles ont appor-
tée, c'est la peste.
! Saint Augustin raconte qu'une peste pro-
duite par les sauterelles détruisit 800,000
habilants de l'Afrique romaine. Des Mgions
entières de soldats romains étaient occupée
sur les frontières occidenlales de l'Asie, à
détruire ces armées d'insecles, plus redouta-
bles cent fois que des armées d'hommes. Ja-
mais, en effet, les Barbares, — hommes,
femmes, enfants, traînant après eux leur ;
bot .il et leurs chariots, — n'ont eu la puis-,
sance d'entassement et d'extermination des-
sauterelles, qui se détachent du ciel comme
la tempête pour couvrir la terre comme le
déluge.
Un voyageur anglais, Barrow, rapporte
qu'en 1784 et en 1797 les sauterelles cou-
vraient plusieurs centaines de lieues carMes
I de l'Afrique. Balayées vers la mer par un
vent du nord-est, rejetées sur la côte parlas.
vagues, elles formèrent un banc de cadaveea
haut de plus d'un mètre et long de huit my-
rinmèlres.
Les villes d'Arles et de Marseille étaient
encore sous le coup de cette épouvante, lors-
qu'on 1813 elles payèrent 45,000 francs pour
la destruction de 90,000 kilogrammes d'œu>fe
de sauterelles.
Ainsi, l'on ne saurait taxer de fable hér&Ï-
que la menace du Moïse aux ennemis de
, son peuple :
/
« Je ferai venir demain dans votre pays
'les sa.uterell'es, qui couvriront la surface de
■ la terre, en sorte qu'elle ne paraîtra plue,
et qui mangeront tout ce que la grêle a'a
pas gâlé; car elles rongeront tous les arbres
qui poussent d-ans les champs, elles rempli-
1 ront vos maisons, les maisons de vos scpy.i..'
teurs et de tous les Egyptiens.- »
A la pensée que les sau Lerelles sa sont abat-
tues à diverses reprises sur la Russie et le
Danube, l'Espagne, l'Italie, la. France, l'es-
prit s'inquiète, et l'imagination fait revivre ;
ces immenses fourmillements d'insectes,
dont le passago laisse la terre nue et#s
hommes sans ressources contre la faim.
Puisse l'effroyable nuage, qui a passé sa F
notre colonie, ne pas s'être arrêté sur le Ma-
roc et n'avoir assombri que la plaine dé-
serte de l'Océan !...
I *
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
LXXXVIII
88
Le port de Douglas est tout petit et la ville
n'est pas grande.
Des rues étroites, des maisons basses, quel-
ques édifices çà et là en carton-pierre.
Telle est la capitale do l'île de Man.
A peine fut-il débarqué que M. John Dell
se mit à marcha à grands pas.
— Mon cher monsieur, lui dit Marmouset,
il ne s'agit pas de courir, il faut encore savoir
où l'on va.
j — Nous allons chez la somnambule, répon-
dit M. John Bell.
— D'accord; mais où est-elle?
— Je n'en sais rien.
— Eh bien ! dit Marmouset, laissez-moi me
renseigner alors.
Marmouset ne parlait ainsi que parce qu'il
avait remarqué, au moment où il mettait le
pied sur le quai, un jeune homme qui le re-
gardait avec attention.
Ce jeune homme était vêtu comme un pê-
cheur ; il portait la grosse vareuse en toile
goudronnée et le bonnet de laine brune, mais
il avait les mains blanches.
A la façon dont il regardait Marmouset, ce-
lui-ci avait compris que cet homme ne lui
était pas aussi étranger qu'il pouvait le
croire. *
Et comme Marmouset s'était mis en route,
ce jeune homme avait paru vouloir le sui-
vre.
> Marmouset alla droit à luis
i
— Pardon, lui dit -il, pourriez-vous me don-
ner un renseignement?
— Volontiers, répondit cet homme avea un
sourire.
— N'y a-t-il pas une somnambule à Dou-
glas ?
■ — Oui, dit le pêcheur.
— Où demeure-t-elle ?
— Je vai-s vous conduire.
Et le prétendu pêcheur cligna de l'œil.
M. John Beel ajouta vivement :
— Il y a une guinée pour vous, mon ami ;
mais allongez donc le pas, je vous prie. Est-ce
loin?
— Tout droit devant nous, au haut de eette
rue, dit le pêcheur.
M. John Bell se mit à marcher en avant.
Alors le pêcheur se trouva côte à côte avec
Marmouset et lui dit :
— Est-ce vous qu'on appelle sir Arthur?
— Pour le moment, dit Marmouset en sou-
riant.
ï — Bien 1 dit l'IaûonRiU Alors j'ai 1Ble Mis-
» sionpouf YQïis»
.i
Et il lui giissa un papier dans les rnain-'é'.
— Qu'est-ee que cela ? dit Marmouset
— Un télégramme.
-••fr-
— D'où vient-il ?
— De Liverpool ; il est arrivé il y a me
heure.
Marmouset ouvrit le télégramme et lut ;
a Prévenez somnambule qu'elle retienne M.
« John Bell. Faites que sir Arthur m'&îîssûie*
a R... a
Le télégramme portait cette adresse
Gevrge Blœk, Douglas, ile tk'Mrn.
Marmouset regarda cet homme, Lviîs il
fit le signe mystérieux des fénians",
George Blask répondit par le même sigae-
Après qyrai, Marmouset lui dit :
' — La recommandation du maître était inu-
tile,
— Pourquei ?
, — Parce que nous sommes prisonniers loi!&,
— Bah! dit le îénian George Black, fcfeJI
maître ne voulait pas que vous restiez, Je
«feargerais Mea de TOUS enlever du port
~ Jcjr le numéro da 12 juin 1809,
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