Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-04-16
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 16 avril 1870 16 avril 1870
Description : 1870/04/16 (A5,N1458). 1870/04/16 (A5,N1458).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716886w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
5 eent. le numéro.
5 cent. le numéro.
ADDNNEMENTS. — Trois mois Six mois UN M
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements .6
11 Administrateur : BOURDILLIAT. go
5fne année — SAMEDI 16 AVRIL 1870. - N° 1458
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER-BRAGELONNB
. BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, £»iso Droiiot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 15 AVRIL 1870
LE ROMAN
D'UN JEUNE HOMME PAUVRE
III
Le dernier asile de l'espoir e ftiAh{'
iiient le cœur d'un homme amoureux.
Henri Teulafc, en revenant à Paris, espé-
rait encore. Il verrait Mme de Broglie, il la
,rencontrerait; quelque suivie, quelque en-
tourée qu'elle pût être, il trouverait moyen
de lui parler.
Qu'on ne s'y trompe pas, là est, le mot du
drame : la grande dame avait souri-, rougi,
baissé les yeux; le bachelier pauvre s'étail
cru aimé par elle, et, dans la confiance de
son orgueil, dans la' permanence de sa pas-
sion, il ne pouvait croire à une émotion toute
passagère, à fleur de peau, de celle qu'il avait
crue toute à lui — sinon suivant le monde,
du moins par l'clmo et le. désir. ^
Aussi qui continue-t-il à accuser? Les
gens qui se mettent entre Mme de Broglie
et lui, le père Lefebvre, un autre jésuite le
père Bazin, surtout M. Raymond.de Broglie
et la vieille parente Mme de Soutoff.
Il devient imprudent, parce qu'il est exas-
péré. Il s'adresse aux autres parents, aux
amis de la maison; il 'essaie de les gagner à
sa cause, d'en faire ses protecteurs. Sa cons-
cience capitule; il laisse entrevoir que la
princesse et lui s'entendraient sans les tiers
qui les séparent. Il écrit lettres sur lettres ;
on ne l'ui répond pas. Son existence n'a plus
qu'un but : parler tl Mme de Broglie, s'ex-
pliquer de vive voix, puisque toute corres-
pondance lui est défendue. Quand elle sort,
elle le trouve sur son passage. Quand elle
entre dans un magasin, il y entre sur ses
pas. Un îotir, la voiture de la princesse dé-
bouche au pas de la porte cochère de l'hôtel;
il s'élance sur le marchepied, il pénètre dans
l'intérieur. -
Elle, avait pris son parti. Soit que le sen-
timent auquel croyait si profondément le
j jeune homme n'eût fait que l'effleurer, soit i
qu'elle obéit aux conseils de sa famille et de, ¡
ses directeurs, soit enfin qu'elle eût raisonné :
et se fut répondu — en femme du faubourg <
Saint-Germain — que toute union était im-
possible entre un pauvre diable de précepteur .
comme Henri Teulat et une grande dame
comme elle, — elle s'était affermie conlre
'v d&ur de statue à chacun^dos élans du jeune (
'hLokime.
penri perdit la tête. La réalité finissait • ;
.p^ l'emporter sur l'aveuglement. i
/— Oui! oui! — lui criait sa raison. En
• admeltant. que tu aies été aimé, tu ne l'es
plus. Tout le monde est d'accord contre toi.
Tu gênes, tu pèses, tu persécules. On te
tient pour un obstacle à toute paix et à tout
avenir'...
- Alors, il avait des accès de rage. Un soir,
lui, le séminariste, le précepteur vêtu de
noir et discret, il prit des pierres et les lan-
ça contre l'hôtel de ses anciens maîtres.
M. Raymond de Broglio crut que la ré-
sistance par l'inertie n'était plus possible ; il
alla trouver un employé supérieur de la po-
lice, M. Mettetal, et lui demanda de proté-
ger sa belle-sœur. M. Mettetal intervint of-
ficieusement; il fit venir Henri Teulat, il lui
donna des con sens, il l'engagea à retourner
en province, et s'il ne voulait pas le faire, —
du moins à vivre comme si Mme de Bro-
glie habitait à cent lieues de là.
Le jeune homme répondit :
— On vous a communiqué, mes lettres,
monsieur, relisez-les; vous verre? que je
n'ai jamais menacé personne. J'ai rencontré
la princesse, il est vrai ; je l'ai saluée, mais
je ne lui ai jamais adressé la parole. Ma
conduite n'a rien de blâmable.
— C'est égal, il faut quitter Paris.
— Je ne le quitterai pas. J'ai une place
qui me rapporte environ 6,000 francs; si je
la perdais, qui nourrirait ma mère et mes
deux sœurs?... |
Ceci se passait le 6 janvier. Le 7, Henri
écrivait à Mme de Broglie :
« Hi'.'r, j'ai trouvé en rentrant chez moi
une invitation h me rendre à'la préfecture
de.police; monsieur votre beau-frère a fait
là une lâcheté... Il m'a. insulté dans une lüt-
tre qu'il a écrite contre moi. Cet homme est
un lâche... »
f
Le 18, Henri écrit de nouveau; il écrit le
22, le 23, le 1er, le 7 février. A mesure qu'il 1
.avance, il croit davantage aux persécutions;
mais il est résolu à tenir tête à toutes,-non
'
content de se défendre, il menace.':
Le 12 février, il prend la plume : *
« Madame la princesse, ^
« Vous "voyez que plus nous 'avançons,
plus lo mal grandit. Je ne puis accepter la
position que vous m'avez faite. Vous savez
que ce sont vos agaceries qui m'ont perdu, r
vous savez que vous m'avez perdu. Je crois
avoir fait. beaucoup pour éviter de vous
compromettre, vous avez répondu à tout ce 1
que j'ai fait dans de bonnes intentions par 5
les insultes, le mépris, l'indifférence. i
« Vous voulez un procès scandaleux, vous
l'aurez; je sais à quoi j'e dois m'attendre, je
ne serai pas assez lâche pour faire connaître
vos torts au public. " :
« On m'a ; menacé de m'attaquer en diffa-
mation. '
« Je sais que je serai condamné, mais
condamné injustement et à cause de vous.
« La souffrance, même dans une prison,
sera moins pénible pour moi qu'une appa-
rence de bonheur dans une belle position,
en me trouvant sous le coup des injures de
M. votre beau-frère et des insultes de Mme
Soutoff.
« Non, madame la princesse, je ne vou-
lais pas vous perdre, je ne voulais que votre
estime et votre sympathie, et j'aurais été le
plus.heureux des hommes.
« Jugez-moi comme vous voudrez, prin-
cesse, on me condamnera aussi comme vous
voudrez, et ie sais encore une fois à quoi je
dois m'attendre.
« Chaque fois que je vous ai vue avec les
personnes à votre service, et deux fois avec
Michel, je me suis tenu à l'écart.
« Tout ce que je fais pour vous être
agréable vous porte donc malheur.
« Vous pouvez me faire traiter comme
bon vous semblera ; plus vous me ferez
souffrir, plus je croirai expier toutes les fau-
tes que l'on me fait faire.
« S'il y a encore un avenir pour moi, il
dépend de vous, de vous seule.
« Sauvez-vous, Mme la princesse, si vous
ne voulez pas me sauver !
« Un homme qui n'a voulu que vous faire
du bien, à vous et-à vos énfants, et que vous
faites souffrir injustement aujourd'hui. —,
HENRI TEULAT. » '
Il allait mettre cette lettre à la poste; des
agents se présentèrent pour l'arrêter.
— Je vous demande cinq minutes, — dit-
il, — et il ajouta ce post-scriplum :
« On vient m'arrête^ je me soumets.Vous
faites condamner un innocent. Je jure que
^out ce que j'ai dit ést vrai.
« Adieu, princesse, je n'ai pas la force de
vous en vouloir ; on vous a rendue méchante.
Je ne crains pas la souffrance. Priez pour
ma more et pour ceux que j'aime, mais ne
leur écrivez pas.
« Adieu. — H. T. »
— « Ma sœur ne saurait vivre sous cette
menace perpétuelle, » avait dit M. Raymond
de Broglie.
Et M. Mettetal avait fait signer à M. le
préfet de police, — chargé de veiller à la
sûreté des individus, — un ordre d'arres-
tation.
Pendant sept jours, Henri T,oolat demeura
au Dépôt. •
Chaque jour, OR lui demandait :
— « Voulez-vous partir? »
Il répondait :
— « Non ! »
Comme on ne pouvait le garder perpé-
tuellement en compagnie de repris de jus-
tice, de voleurs et de vagabonds, il fallut
aviser.
Trois médecins intervinrent.
Le premier, 1\1. Lassègue, conclut à la
folie persécutante. Le second, M. Gérard de
Cayeux, à une monomanie raisonnante. Le
j troisième, M. Dagron, à un délire, ^partiel,
caractérisé par des obsessions amoureuses.
Le premier rapport, longuement motive,
fut suivi d'une décision préfectorale. Teulat
serait interné dans l'asile Sainte-Anne. Il y
resta une semaine, au bout de laquelle il fut
envoyé dans l'asile de Ville-Evrard.
Henri Teulat, traité de fou, retrouva son
sang-froid pour se défendra. Sa plainte força
les portes des prisons et des asiles. Elle ar-
riva jusqu'à son frère..
M. l'abbé Teulat vint à Paris;,il alla trou-
ver M. Mettetal et lui dit :
— Mon frère n'est pas fou; je vous déclare
que, s'il ne m'est pas rendu demain à midi,
je serai à la même heure'chez M. le prési-
dent de tribunal.
M. Mettetal'ne pouvait intervenir directe-
1 ment :
La plainte de M. Raymond de Broglie
avait amené l'arrestation; mais la détention
élait le fait du double rapport de M. Lu i
j sègue et de M. Gérard de Cayeux. Ces mes-
| sieurs, M. de Broglie, reconnurent-ils qu'ils
j s'étaient trompés ?. Redoutèrent-ils le scan-
1 dale d'un procès? Quoi qu'il en soit, un cer-
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XIX
Journal d'un fou de Bedlam
CHAPITRE IV
19
Heureusement, auprès de lady Eveline,
seule et affolée, il y avait un homme, et un
homme de résolution.
C'était Tom.
Tom ne perdit point la tête.
Tom devina tout de suite pourquoi on avait
volé l'enfant.
A Londres, on vole les enfants, comme on
fait le mouchoir, comme on brise le carreau
d'un bijoutier.
C'est même un commerce assez lucratif.
Telle mendiante qui a bien du mal à gagner
sa vie, ferait des affaires d'or si elle avait un
enfant dans ses bras quand elle implore la
charité publique.
Et puis il y a les nourriaseuses d'enfants qui
ont depuis longtemps fait disparaître au fond
de la Tamise les pauvres petites créatures qu'on
leur avait confiées.
Un beau jour, les parents de ces enfants
d'amour viennent les réclamer.
Les enfants sont morts ; il faut bien les
remplacer.
Et puis encore il y a les bohémiens, les sal-
timbanques, les comédiens ambulants qui
cherchent des enfants et les volent avec une
dextérité remarquable.
Mais Tom ne pensa ni aux mendiants, ni aux
nourrisseuses., ni aux saltimbauq es.
Et Tom se dit :
— Le voleur, c'est sir Arthur-George Pem-
bletqm, officier de la marine royale.
Il y avait longtemps que sir George n'avait (
paru à Londres, ostensiblement, du moins.
Lady Eveline ne l'avait point revu depuis la
nuit fatale.
Mais Tom, un soir, avait vu rôder un hom-
me dans Hyde Park, et cet homme, bien qu'il
| fût vêtu comme un rough, Tom l'avait re-
| connu.
C'était sir George. *
' YTom se mit donc à la recherche de sir
George, sûr que l'enfant était en son pouvoir.
Tom était Ecossais, mais il avait passé son
enfance à Londres, et il savait par cœur tous
les mystères de la grande \iHe. ]
Aussi eut-il bien vite retrouvé sir George. j
Celui-ci s'était caché dans une ruelle du j
Wapping, sur les confins de WiUie-Chapellê, j
dans une maison haute et noire où ne logeaient
que les gens du peuple.
• Tom tomba chez lu.i comme la foudre, 11n
matin, quand le gentleman était encore au
lit.
Tom avait deux pistolets à la main.
Sir George était sans arme?.
Tom lui mit un pistolet sur le front et lui
dit :
— Si vous ne me rendez pas l'enfant, je
vous tue !
Sir George feignit d'abord une grande sur-
prise.
— De quel enfant paries-tu, misérable?
dit-il.
— Du fils aîné de la-cly Eveline.
Sir George protesta.
Il n'avait pas vu le fils de lady Evel-ine ; il
ne savait ce que Tom voulait dire?
Mais Tom ajouta :
— Je vous donne cinq minutes. Si dans cinq
minutes vous ne m'avez pas rendu l'enfant,
vous êtes un homme mort.
Il y avait tant de froide résolution dans le 1
; regard de l'Ecossais, que sir George eut
peur.
Il avoua tout.
] L'enfant volé avait été remis à des saltim-
j banques, qui devaient l'élever dans leur mé-
i tier.
| Tom trouverait ces saltimbanques dans Mail
: en Road, tout auprès de la vVork-:.o se.
M -is Tom dit à sir Gecrge :
— Je vous crois. Seulement je veux que vous
i veniez avec moi.
Et je vous tue comme un clikn, si voua
cherchez à m'échapper.
Et il, força sir George à s'habiller.
! Sir George avait dit vrai.
Les saltimbanques étaient dans Mail en
Ro .d. et l'enfant se trouvait en leur posses-
sion.
Tom reprit l'enfant dans ses bras et se sauva.
Ce jour-là, sir George disparut encore et
plusieurs mois s'écoulèrent sans qu'on je re\ÎU
Pourquoi sir George avait-il enlevé 1 enfant
de lady E véline?
Sir George était un misérable.; il haïssait
son frère lord Pembleton, il haïssait lady Eve-
line qu'il avait tant aimée, mais il adorait cet
enfant qui venait de naître, le s-econd fils de
lady Eveline, qui était l'enfant du crime, son
! fils à lui. /
J Or, en faisant disparaître le fils aîné, celui
! qui succéderait à lord E vandale dans ses Liens
I et ses titres, n'était-ce pas assurer ces même
Yoir le numéro du 12 juin 1869.
JOURNAL QUOTIDIEN
5 eent. le numéro.
5 cent. le numéro.
ADDNNEMENTS. — Trois mois Six mois UN M
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements .6
11 Administrateur : BOURDILLIAT. go
5fne année — SAMEDI 16 AVRIL 1870. - N° 1458
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER-BRAGELONNB
. BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, £»iso Droiiot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 15 AVRIL 1870
LE ROMAN
D'UN JEUNE HOMME PAUVRE
III
Le dernier asile de l'espoir e ftiAh{'
iiient le cœur d'un homme amoureux.
Henri Teulafc, en revenant à Paris, espé-
rait encore. Il verrait Mme de Broglie, il la
,rencontrerait; quelque suivie, quelque en-
tourée qu'elle pût être, il trouverait moyen
de lui parler.
Qu'on ne s'y trompe pas, là est, le mot du
drame : la grande dame avait souri-, rougi,
baissé les yeux; le bachelier pauvre s'étail
cru aimé par elle, et, dans la confiance de
son orgueil, dans la' permanence de sa pas-
sion, il ne pouvait croire à une émotion toute
passagère, à fleur de peau, de celle qu'il avait
crue toute à lui — sinon suivant le monde,
du moins par l'clmo et le. désir. ^
Aussi qui continue-t-il à accuser? Les
gens qui se mettent entre Mme de Broglie
et lui, le père Lefebvre, un autre jésuite le
père Bazin, surtout M. Raymond.de Broglie
et la vieille parente Mme de Soutoff.
Il devient imprudent, parce qu'il est exas-
péré. Il s'adresse aux autres parents, aux
amis de la maison; il 'essaie de les gagner à
sa cause, d'en faire ses protecteurs. Sa cons-
cience capitule; il laisse entrevoir que la
princesse et lui s'entendraient sans les tiers
qui les séparent. Il écrit lettres sur lettres ;
on ne l'ui répond pas. Son existence n'a plus
qu'un but : parler tl Mme de Broglie, s'ex-
pliquer de vive voix, puisque toute corres-
pondance lui est défendue. Quand elle sort,
elle le trouve sur son passage. Quand elle
entre dans un magasin, il y entre sur ses
pas. Un îotir, la voiture de la princesse dé-
bouche au pas de la porte cochère de l'hôtel;
il s'élance sur le marchepied, il pénètre dans
l'intérieur. -
Elle, avait pris son parti. Soit que le sen-
timent auquel croyait si profondément le
j jeune homme n'eût fait que l'effleurer, soit i
qu'elle obéit aux conseils de sa famille et de, ¡
ses directeurs, soit enfin qu'elle eût raisonné :
et se fut répondu — en femme du faubourg <
Saint-Germain — que toute union était im-
possible entre un pauvre diable de précepteur .
comme Henri Teulat et une grande dame
comme elle, — elle s'était affermie conlre
'v
'hLokime.
penri perdit la tête. La réalité finissait • ;
.p^ l'emporter sur l'aveuglement. i
/— Oui! oui! — lui criait sa raison. En
• admeltant. que tu aies été aimé, tu ne l'es
plus. Tout le monde est d'accord contre toi.
Tu gênes, tu pèses, tu persécules. On te
tient pour un obstacle à toute paix et à tout
avenir'...
- Alors, il avait des accès de rage. Un soir,
lui, le séminariste, le précepteur vêtu de
noir et discret, il prit des pierres et les lan-
ça contre l'hôtel de ses anciens maîtres.
M. Raymond de Broglio crut que la ré-
sistance par l'inertie n'était plus possible ; il
alla trouver un employé supérieur de la po-
lice, M. Mettetal, et lui demanda de proté-
ger sa belle-sœur. M. Mettetal intervint of-
ficieusement; il fit venir Henri Teulat, il lui
donna des con sens, il l'engagea à retourner
en province, et s'il ne voulait pas le faire, —
du moins à vivre comme si Mme de Bro-
glie habitait à cent lieues de là.
Le jeune homme répondit :
— On vous a communiqué, mes lettres,
monsieur, relisez-les; vous verre? que je
n'ai jamais menacé personne. J'ai rencontré
la princesse, il est vrai ; je l'ai saluée, mais
je ne lui ai jamais adressé la parole. Ma
conduite n'a rien de blâmable.
— C'est égal, il faut quitter Paris.
— Je ne le quitterai pas. J'ai une place
qui me rapporte environ 6,000 francs; si je
la perdais, qui nourrirait ma mère et mes
deux sœurs?... |
Ceci se passait le 6 janvier. Le 7, Henri
écrivait à Mme de Broglie :
« Hi'.'r, j'ai trouvé en rentrant chez moi
une invitation h me rendre à'la préfecture
de.police; monsieur votre beau-frère a fait
là une lâcheté... Il m'a. insulté dans une lüt-
tre qu'il a écrite contre moi. Cet homme est
un lâche... »
f
Le 18, Henri écrit de nouveau; il écrit le
22, le 23, le 1er, le 7 février. A mesure qu'il 1
.avance, il croit davantage aux persécutions;
mais il est résolu à tenir tête à toutes,-non
'
content de se défendre, il menace.':
Le 12 février, il prend la plume : *
« Madame la princesse, ^
« Vous "voyez que plus nous 'avançons,
plus lo mal grandit. Je ne puis accepter la
position que vous m'avez faite. Vous savez
que ce sont vos agaceries qui m'ont perdu, r
vous savez que vous m'avez perdu. Je crois
avoir fait. beaucoup pour éviter de vous
compromettre, vous avez répondu à tout ce 1
que j'ai fait dans de bonnes intentions par 5
les insultes, le mépris, l'indifférence. i
« Vous voulez un procès scandaleux, vous
l'aurez; je sais à quoi j'e dois m'attendre, je
ne serai pas assez lâche pour faire connaître
vos torts au public. " :
« On m'a ; menacé de m'attaquer en diffa-
mation. '
« Je sais que je serai condamné, mais
condamné injustement et à cause de vous.
« La souffrance, même dans une prison,
sera moins pénible pour moi qu'une appa-
rence de bonheur dans une belle position,
en me trouvant sous le coup des injures de
M. votre beau-frère et des insultes de Mme
Soutoff.
« Non, madame la princesse, je ne vou-
lais pas vous perdre, je ne voulais que votre
estime et votre sympathie, et j'aurais été le
plus.heureux des hommes.
« Jugez-moi comme vous voudrez, prin-
cesse, on me condamnera aussi comme vous
voudrez, et ie sais encore une fois à quoi je
dois m'attendre.
« Chaque fois que je vous ai vue avec les
personnes à votre service, et deux fois avec
Michel, je me suis tenu à l'écart.
« Tout ce que je fais pour vous être
agréable vous porte donc malheur.
« Vous pouvez me faire traiter comme
bon vous semblera ; plus vous me ferez
souffrir, plus je croirai expier toutes les fau-
tes que l'on me fait faire.
« S'il y a encore un avenir pour moi, il
dépend de vous, de vous seule.
« Sauvez-vous, Mme la princesse, si vous
ne voulez pas me sauver !
« Un homme qui n'a voulu que vous faire
du bien, à vous et-à vos énfants, et que vous
faites souffrir injustement aujourd'hui. —,
HENRI TEULAT. » '
Il allait mettre cette lettre à la poste; des
agents se présentèrent pour l'arrêter.
— Je vous demande cinq minutes, — dit-
il, — et il ajouta ce post-scriplum :
« On vient m'arrête^ je me soumets.Vous
faites condamner un innocent. Je jure que
^out ce que j'ai dit ést vrai.
« Adieu, princesse, je n'ai pas la force de
vous en vouloir ; on vous a rendue méchante.
Je ne crains pas la souffrance. Priez pour
ma more et pour ceux que j'aime, mais ne
leur écrivez pas.
« Adieu. — H. T. »
— « Ma sœur ne saurait vivre sous cette
menace perpétuelle, » avait dit M. Raymond
de Broglie.
Et M. Mettetal avait fait signer à M. le
préfet de police, — chargé de veiller à la
sûreté des individus, — un ordre d'arres-
tation.
Pendant sept jours, Henri T,oolat demeura
au Dépôt. •
Chaque jour, OR lui demandait :
— « Voulez-vous partir? »
Il répondait :
— « Non ! »
Comme on ne pouvait le garder perpé-
tuellement en compagnie de repris de jus-
tice, de voleurs et de vagabonds, il fallut
aviser.
Trois médecins intervinrent.
Le premier, 1\1. Lassègue, conclut à la
folie persécutante. Le second, M. Gérard de
Cayeux, à une monomanie raisonnante. Le
j troisième, M. Dagron, à un délire, ^partiel,
caractérisé par des obsessions amoureuses.
Le premier rapport, longuement motive,
fut suivi d'une décision préfectorale. Teulat
serait interné dans l'asile Sainte-Anne. Il y
resta une semaine, au bout de laquelle il fut
envoyé dans l'asile de Ville-Evrard.
Henri Teulat, traité de fou, retrouva son
sang-froid pour se défendra. Sa plainte força
les portes des prisons et des asiles. Elle ar-
riva jusqu'à son frère..
M. l'abbé Teulat vint à Paris;,il alla trou-
ver M. Mettetal et lui dit :
— Mon frère n'est pas fou; je vous déclare
que, s'il ne m'est pas rendu demain à midi,
je serai à la même heure'chez M. le prési-
dent de tribunal.
M. Mettetal'ne pouvait intervenir directe-
1 ment :
La plainte de M. Raymond de Broglie
avait amené l'arrestation; mais la détention
élait le fait du double rapport de M. Lu i
j sègue et de M. Gérard de Cayeux. Ces mes-
| sieurs, M. de Broglie, reconnurent-ils qu'ils
j s'étaient trompés ?. Redoutèrent-ils le scan-
1 dale d'un procès? Quoi qu'il en soit, un cer-
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XIX
Journal d'un fou de Bedlam
CHAPITRE IV
19
Heureusement, auprès de lady Eveline,
seule et affolée, il y avait un homme, et un
homme de résolution.
C'était Tom.
Tom ne perdit point la tête.
Tom devina tout de suite pourquoi on avait
volé l'enfant.
A Londres, on vole les enfants, comme on
fait le mouchoir, comme on brise le carreau
d'un bijoutier.
C'est même un commerce assez lucratif.
Telle mendiante qui a bien du mal à gagner
sa vie, ferait des affaires d'or si elle avait un
enfant dans ses bras quand elle implore la
charité publique.
Et puis il y a les nourriaseuses d'enfants qui
ont depuis longtemps fait disparaître au fond
de la Tamise les pauvres petites créatures qu'on
leur avait confiées.
Un beau jour, les parents de ces enfants
d'amour viennent les réclamer.
Les enfants sont morts ; il faut bien les
remplacer.
Et puis encore il y a les bohémiens, les sal-
timbanques, les comédiens ambulants qui
cherchent des enfants et les volent avec une
dextérité remarquable.
Mais Tom ne pensa ni aux mendiants, ni aux
nourrisseuses., ni aux saltimbauq es.
Et Tom se dit :
— Le voleur, c'est sir Arthur-George Pem-
bletqm, officier de la marine royale.
Il y avait longtemps que sir George n'avait (
paru à Londres, ostensiblement, du moins.
Lady Eveline ne l'avait point revu depuis la
nuit fatale.
Mais Tom, un soir, avait vu rôder un hom-
me dans Hyde Park, et cet homme, bien qu'il
| fût vêtu comme un rough, Tom l'avait re-
| connu.
C'était sir George. *
' YTom se mit donc à la recherche de sir
George, sûr que l'enfant était en son pouvoir.
Tom était Ecossais, mais il avait passé son
enfance à Londres, et il savait par cœur tous
les mystères de la grande \iHe. ]
Aussi eut-il bien vite retrouvé sir George. j
Celui-ci s'était caché dans une ruelle du j
Wapping, sur les confins de WiUie-Chapellê, j
dans une maison haute et noire où ne logeaient
que les gens du peuple.
• Tom tomba chez lu.i comme la foudre, 11n
matin, quand le gentleman était encore au
lit.
Tom avait deux pistolets à la main.
Sir George était sans arme?.
Tom lui mit un pistolet sur le front et lui
dit :
— Si vous ne me rendez pas l'enfant, je
vous tue !
Sir George feignit d'abord une grande sur-
prise.
— De quel enfant paries-tu, misérable?
dit-il.
— Du fils aîné de la-cly Eveline.
Sir George protesta.
Il n'avait pas vu le fils de lady Evel-ine ; il
ne savait ce que Tom voulait dire?
Mais Tom ajouta :
— Je vous donne cinq minutes. Si dans cinq
minutes vous ne m'avez pas rendu l'enfant,
vous êtes un homme mort.
Il y avait tant de froide résolution dans le 1
; regard de l'Ecossais, que sir George eut
peur.
Il avoua tout.
] L'enfant volé avait été remis à des saltim-
j banques, qui devaient l'élever dans leur mé-
i tier.
| Tom trouverait ces saltimbanques dans Mail
: en Road, tout auprès de la vVork-:.o se.
M -is Tom dit à sir Gecrge :
— Je vous crois. Seulement je veux que vous
i veniez avec moi.
Et je vous tue comme un clikn, si voua
cherchez à m'échapper.
Et il, força sir George à s'habiller.
! Sir George avait dit vrai.
Les saltimbanques étaient dans Mail en
Ro .d. et l'enfant se trouvait en leur posses-
sion.
Tom reprit l'enfant dans ses bras et se sauva.
Ce jour-là, sir George disparut encore et
plusieurs mois s'écoulèrent sans qu'on je re\ÎU
Pourquoi sir George avait-il enlevé 1 enfant
de lady E véline?
Sir George était un misérable.; il haïssait
son frère lord Pembleton, il haïssait lady Eve-
line qu'il avait tant aimée, mais il adorait cet
enfant qui venait de naître, le s-econd fils de
lady Eveline, qui était l'enfant du crime, son
! fils à lui. /
J Or, en faisant disparaître le fils aîné, celui
! qui succéderait à lord E vandale dans ses Liens
I et ses titres, n'était-ce pas assurer ces même
Yoir le numéro du 12 juin 1869.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.37%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.37%.
- Collections numériques similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
- Auteurs similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k4716886w/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k4716886w/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k4716886w/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k4716886w/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k4716886w
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k4716886w
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k4716886w/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest