Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-03-31
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 31 mars 1870 31 mars 1870
Description : 1870/03/31 (A5,N1442). 1870/03/31 (A5,N1442).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716871f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
~ JOURNAL QUOTJDIEKr'
-
1 5 cent. le y numéro.
-
-
5 centr Je numéro.
'ABONNEMENTS. -« Trois mois six fiiÓiÍ -tn an
Paris........ 5 fr. 9 fr. 18 fr. ,
. Départements 6 11 89 1
~ 1 ~ Administrateur : BOURDILLIAT.
tSme année ■— JEUDI 3i MARS 1870. fc N° 1442
Rédacteur en chef: A. DE"BALATHIER-BRÀGELONNK
' BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, S*ÎA©HARAÏSOT
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire. 5
PARIS, 30 MARS 1870
COMÉDIE-FRANÇAISE
DALILA
Il y a des courants d'idées, comme il y a
des courants d'air. Tantôt c'est le vent du
nord qui souffle et la courtisane amoureuse
qui hante les cerveaux ; tantôt c'est le vent
du midi qui rase le sol et l'honnête femme
qui reprend le haut du paver; à certains
jours, vent d'ouest et croisade contre les
,vieux préjugés; à certains autres, vent d'est
et guerre de l'honneur contre l'argent. Il se
trouve toujours un tempérament sensible
aux variations du vent et un esprit vigou-
reux qui donne une forme à l'idée. C'est
Ponsard ou Emile Augier, Alexandre Du-
mas fils ou Théodore Barrière. Puis vien-
nent les esprits à la suite, moins audacieux
ou moins naïfs, mai.- plus délicats et ne
heurlant jamais. Ils s'emparent de l'idée;
. instruits par l'expérience d'autrui, ils la dé-
veloppent sans les banalités et les brutalités
de la première fois; ils lui donnent une
forme à la mode; ils la poétisent ou la rape-
tissent selon les besoins de la cause, et ils
réussissent parce que l'idée est bonne-d'a-
bord, ensuite parce que leur imagination,
affranchie, des soucis de l'invention, peut
s'exercer en toute liberté.
M. Octave Feuillet est le -premier de ces
esprits à la suite, le premier des seconds.
Le succès des proverbes de Musset lui a
donné ridée de faire des proverbes; Rédemp-
tion et Dalila 'sont des sœurs cadettes de la
Dame aux Camélias et des Filles de marbre ;
le Roman diin jeune homme pauvre, s'il a pré-
cédé le Duc Job, a suivi l'Ilonneu), et l'Argent.
Le manufacturier épousant une fille noble de
la Belle au bois dormant est frère de l'ingé-
nieur qui crie hourrah dans les Ganaches et
de l'autre jeune savant qui porte un habit
bleu dans Par droit de Conquête. Reste Mont-
joie. Mais aussi M ont joie est la meilleure
pièce de M. Octave Feuillet. Lù, il ne s'est
inspiré que de Molière. Supprimez le dé-
nouaient enfantin qui gâte cette comédie, et
vous aurez une des œuvres les plus, naturel-
les, les plus philosophiques, res plus vrai-
ment belles de notre théâtre : la Vieillesse de
Don Juan. Cet homme égoïste, c'est-à-dire
indifférent à tout ce qui n'est pas lui, arri-
vant à l'heure où être aimé devient un be-
'aota, et se trouvànt à cette heure seul et
jtfiié de toute affection ! voilà la comédie, la
fée.®, la grande comédie!... -
^M. Octave Feuillet s'est hâté de sortir de
Cte^ourant et de revenir à la poésie et à l'es-
alp, r impt des salons.
Peut-être a-t-il eu raison ; car son tempé-
rament est là : il il'est-ni assez franc pour les
masses, ni assez original pour les esprits
élevés. Son public est précisément trié dans
le monde qui obéit à la convention.
Les femmes de la société contemporaine,
qui ne sont ni cavalièrement perverties com-
me les grandes dames de la Fronde et de la
Régence, ni foncièrement honnêtes comme
les bourgeoises du tiers état, mettent au-
dessus de tous les romans les romans comme
M. de Camors, et au-dessus de tous les dra-
mes les drames comme Julie et Dalila. Les
hommes sont un peu plus rebelles ; pas un
gentleman cependant qai ne tienne M. Feuil-
let pour le plus moral et le mieux élevé des
écrivains.
Dalila — jouée pour la première fois au
Vaudeville en 1857-est l'histoire d'un com-
positeur, faible et lâche, qui renonce à une
jeune fille honnête qu'il aime et dont il est
aimé, pour suivre une courtisane titrée, dont
la conquête a flatté sa vanité. La jeune fille
abandonnée meurt de chagrin, et le musi-
cien use son inspiration et son talent à^ se
ctillmttre dans les plaisirs, les lièvres, les ja-
lÓusies et les tortures d'un amour qui devait
être un caprice et qui est devenù une liai-
son. Il finit par succomber à la tâche, et il
expire sur une grande route d'Italie.
La morale du drame se trouve au premier
acte dans le sermon d'un vieux maître alle-
mand, dont le jeune compositeur est l'élève
favori.
—■ André, le ciel t'a do,ué avec une muni-
ficence que j'ai souvent admirée. Il t'a fait
musicien et poëte, il t'a donné la lyre et la
harpe, il a exhaussé ton jeune front pour y
placer deux couronnes. Mon fils, tu n'as
qu'une façon de t'acquitter envers Dieu : il
t'a prêté le génie, rends-lui la vertu ; il t'a
fait grand, sois honnête.
— Oui, maître.
— Sois honnête! Et si ce n'est pas assez
que ta conscience te le commande, sache que
l'intérêt même de ton avenir l'exige! Ne
pense pas, en effet, jeune homme, trouver
une aspiration sincère et durable dans les
émotions du désordre, dans la fougue des
sens et dans l'excitation maladive des pas-
sions... Le délire n'est point la force! Ah!
je n'ignore pas, crois-le bien, les dangers
qui t'attendent... Je sais quelles tentations
redoutables assiégent l'imagination et la vie
fiévreuse de l'artiste; je sais quels philtres
puissants se glissent dans ses veines sans
cesse enflammées; je lésais, et tu le sauras
bientôt toi-même, si tu né le sais déjà...
AJais si tu n'as pas le courage de repousser
ces entraînements vulgaires, je te le dis, tu
es perdu! Tu ne fourniras pas ta course!...
Souviens-toi que les anciens, dans leurs pro-
fondes allégories, appelaient du même nom
la vertu, et la force ! qu'ils faisaient les muses
chastes, et qu'ils donnaient aux vestales la
garde du feu sacré ! Règle donc ton cœur et
règle ta vie....Tout est là! (Il se lève.) Dans
tes nuits de défaillance, mon fils, évoque à
ton aide les ombres des vaillants et des for ts,
évoque ces illustres bénédictins de notre art,
les seuls peut-être qui aient touché du front
les voûtes de l'idéal : Palestrina, Beetho-
ven, Mozard... Ah l ceux-là n'étaient pas
seulement de grands hommes... ils étaient
des saints!
L'antithèse du vieux musicien est un di-
lettante monomane, qui, lui; croit, au con-
traire, que pour donner plusieurs notes il
faut avoir vécu plusieurs vies, et que pour
exprimer les passions il est indispensable de
les avoir éprouvées. Ce dilettante érige son
opinion en système, invente et organise des
aventures pour le jeune homme qu'il proté-
ge, convaincu que le talent est au prix d'une
existence à la diable.
Le jeune imbécile va du vieux qui lui dit :
(( — Marie-toi, et demande l'inspiration à
ton foyer, » à l'autre qui lui procure des
maîtresses et lui crie : « — Soupe, voyage el
divertis-toi de toutes les façons. » Quant à
se décider par lui-même et à agir à sa guise,
il n'y pense même pas. C'est une personna-
lité d'écolier, sans initiative, sans volonté et
sans ressort.
Charles Monseleta écrit sa meilleure page i
sur Dalila. |
« Dalila fait le procès à tous les hommes
d'inspiration qui désertent le foyer. Mort,
Dieu 1 que Rossini, dans sa puissance et|
dans sa jeunesse, eût donc ri de votre foyer;"1
lui dont la vie n'a été qu'éclat, plaisir, tu";
multe. Votre foyer? Essayez d'y amener les '
avides de lumière, les hardis, les domina^:
teurs, les abbés Prévost, les Mirabeau, les;
Balzac ! Ils y resteront une heure ou un -
jour, juste le temps qu'il faut à Prév'ostt
pour pleurer sur Manon, à Mirabeau'pouir
enlever Sophie, et à Balzac pour découvrit;
un drame derrière votre traversin. Ensuite,'\
comme ils reprendront leur course vers la \
Hollande, vers Paris et vers la Russie! 1
« On ne bâtit pas pour les aigles des gué-'j
rites de douanier. Il est des hommes à qui !
d'excessives distractions sont indispensables; -
après d'excessifs travaux. Le galop du che-"
val de lord Byron, retentissant sur les daller
de Venise, était aussi nécessaire 4 l'apaiser
ment de l'auteur du Corsaire, que l'est fianaf|
doute chaque soir une infusion de tilleul a;
l'auteur de Dalila. M. Octave Feuillet aime)
la vie tranquille et cachée, C'est bien ; il peut
tout à son aise en célébrer les douceurs,"
mais sans comparaison, sans raillerie, saïis5
blâme pour ceux qui ont choisi la lutte en
publie. A défaut de courage, qu'il ait la gé-
nérosité; et surtout que, dans son orgueil'-;
leuse sagesse, il ne jette pas toujours son:
foyer à la tête des gens ! ' »
... « Hélas ! il y aura toujours la grande ef!
la petite vue. Sous une treille latine, un;
homme est là, qui trébuche et qui chante-'
Quelqu'un passe, dédaigneux en murmu-
rant : — Ivrogne ! Un autre le salue, et l&
nomme : —Horace. »
Il y a, à Paris, un comédien qui a la spé-
ci alité des rôles difficiles, en dehors de la na-*
ture et de la vérité, et qui en fait passer l'in-
vraisemblance par la conviction (j. l'empor-
tement de son jeu.
Cet acteur, 'c'est Lafontaine.
"Dalila avait paru d'abord dans la revue des
Deux Mondes ; le premier, il eut l'idée de'
mettre à la scène le drame dé M. Octave
Feuillet. Il alla trouver ce dernier dans son;
foyer normand; il l'amena à Paris pour
préparer une représentation qui devait être;
un triomphe..
Lorsque Lafontaine entra à la Comédie-,
Française, ce fut avec l'espérance d'y joue?'
mess=""3
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
III
Vanda s'était retournée bien souvent, et elle
marchait la dernière, tandis que les compa-
gnons de Rocambole s'éloignaient du baril de
poudre et gagnaient la salle circulaire.
— Plus vite ! avait crié le maître, plus vite I
Marmouset, qui marchait en tête, avait pré-
cipité sa marche.
Et tous arrivèrent ainsi à la salle circulaire.
Alors Marmouset dit à Vanda :
— Nous sommes à quatre cents mètres de
distance du baril; mais comme le souterrain
est percé en droite ligne, nous pourrons voir
l'explosion.
Voir le numéro du 12 juin 1869.
En même temps, il passait derrière lui la
torche qu'il tenait à la main.
Alors on put voir Rocambole et Milou dans
le lointain, grâce à la clarté de la torche qu'ils ■
avaient gardée. ,
Le maître et Milon étaient l'un près de
l'autre, immobiles, attendant l'explosion.
Vanda frissonnait de tous ses membres.
Non pour elle, car elle avait prouvé son hé-
roïsme et son mépris de la vie,
Mais pour Rocambole, à l'amour de qui elle
avait renoncé et que, cependant, elle aimait
toujours.
Deux minutes s'écoulèrent.
— C'est long ! disaient les autres.
— Non, répondit Marmouset, il faut don-
ner à la mèche le temps de brûler.
Puis il ajouta :
— Couchez-vous tous à terre.
— Pourquoi? demanda la Mort-des-Braves.
— Parce que l'explosion vous y couchera
tout à l'heure, et que si vous attendez ce mo-
ment, vous risquez de vous casser une jambe
ou un bras;
Tous obéirent, excepté Vanda.
— Moi, je veux voir! dit-elle.
Et elle avait toujours les yeux fixés sur Mi-
lon et Rocambole, qui lui apparaissaient dans
l'éloignement, au milieu du cercle de lumière
décrit par la torche, comme des êtres micros-
copiques.
— Eh bien ! moi aussi, dit Marmouset.
Et comme Vanda, il demeura debout.
Tout à coup la mèche enflammée se trouva
en contact avec le baril. ;
Jamais plus épouvantable coup de tonnerre
ne se fit entendre.
Et l'ébranlement fut tel que Vanda et Mar-
mouset furent jetés la face contre terre.
Mais ils demeurèrent les yeux ouverts.
O miracle!
A la place de la torche que tenait Rocam-
bole et qui s'était brusquement éteinte, une
lumière blanche, ronde comme la lune, se
montra à l'extrémité du souterrain.
Le baril de poudre avait, du même coup,
rejeté la muraille en arrière et la roche en
avant.
'Le maître ne s'était point trompé , dans ses
calculs. La galerie avait joué le rôle d'un ca-
non.Cette lumière qui brillait dans le lointain,
c'était le jour, le jour au bord de la Tamise.
Au même instant, deux ombres s'agitèrent
sur le sol. , , .. ,,
C'étaient Milon et Rocambole qui, jetés
violemment à terre par la secousse, se redres-
saient. '
La voix du maître parvint aux oreilles de
Marmouset et de Vanda.
— En avant ! criait-il, en avant -I
Et on les vit, Milon et lui, qui s'élançaient
vers le point lumineux, c'est-à-dire vers l'ori-
fice de la galerie.
Les autres compagnons de Marmouset et de
Vanda s'étaient pareillement relevés.
— En avant ! répéta Marmouset.
Et tous se mirent à venir sur les pas de Ro-
cambole et de Milon. '
Mais tout à coup un nouveau bruit se fit,
un fracas plutôt.
*
La lumière blanche disparut...
Le sol trembla comme tout à 1 heure, etf;
Marmouset, qui marchait le premier, s arrêta
la sueur au front.
C'était la'voûte de la galerie qui s 'effondrait,
et un nouveau bloc de roche fermait le sou-
terrain une seconde fois.
Cette fois une épouvante indescriptible s em-
para des compagnons du maître.
Les torches étaient éteintes, et les ténèbres i
enveloppaient Marmouset, Vanda et ceux qur
les suivaient.. ,
Le sol tremblait sous leurs pieds ; des cra-
quements sourds retentissaient à une faible A
distance.
— Nous sommes perdus ! dit Vanda.
— Qui sait ? fit Marmouset.
Sa torche était éteinte ; mais il 1 avait tou-,
jours dans la main.
— Il faut y voir tout d'abord, dit-il. t
Et il tira de sa poche un briquet avec leque11
la torche fut rallumée.
Les craquements avaient cesse ; le sol ne {,
crépitait plus sous leurs pieds, et tout étale;
rentré dans le silence.
— En avant 1 répéta Marmouset.
— En avant ! dit Vanda.
Polyte portait dans ses bras sa chère Pauli-
ne, qui s'était évanouie de frayeur. :
Marmouset, sa torche à la main, tenait tau";' ;
jours la tête'de la petite troupe.
On arriva ainsi à l'endroit ou le baril avait ; -
pris feu ; on passa sur les débris de la mu-
On'put voir la paroi de la galerie entamée^
L par le frottement de la roche.
1
~ JOURNAL QUOTJDIEKr'
-
1 5 cent. le y numéro.
-
-
5 centr Je numéro.
'ABONNEMENTS. -« Trois mois six fiiÓiÍ -tn an
Paris........ 5 fr. 9 fr. 18 fr. ,
. Départements 6 11 89 1
~ 1 ~ Administrateur : BOURDILLIAT.
tSme année ■— JEUDI 3i MARS 1870. fc N° 1442
Rédacteur en chef: A. DE"BALATHIER-BRÀGELONNK
' BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, S*ÎA©HARAÏSOT
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire. 5
PARIS, 30 MARS 1870
COMÉDIE-FRANÇAISE
DALILA
Il y a des courants d'idées, comme il y a
des courants d'air. Tantôt c'est le vent du
nord qui souffle et la courtisane amoureuse
qui hante les cerveaux ; tantôt c'est le vent
du midi qui rase le sol et l'honnête femme
qui reprend le haut du paver; à certains
jours, vent d'ouest et croisade contre les
,vieux préjugés; à certains autres, vent d'est
et guerre de l'honneur contre l'argent. Il se
trouve toujours un tempérament sensible
aux variations du vent et un esprit vigou-
reux qui donne une forme à l'idée. C'est
Ponsard ou Emile Augier, Alexandre Du-
mas fils ou Théodore Barrière. Puis vien-
nent les esprits à la suite, moins audacieux
ou moins naïfs, mai.- plus délicats et ne
heurlant jamais. Ils s'emparent de l'idée;
. instruits par l'expérience d'autrui, ils la dé-
veloppent sans les banalités et les brutalités
de la première fois; ils lui donnent une
forme à la mode; ils la poétisent ou la rape-
tissent selon les besoins de la cause, et ils
réussissent parce que l'idée est bonne-d'a-
bord, ensuite parce que leur imagination,
affranchie, des soucis de l'invention, peut
s'exercer en toute liberté.
M. Octave Feuillet est le -premier de ces
esprits à la suite, le premier des seconds.
Le succès des proverbes de Musset lui a
donné ridée de faire des proverbes; Rédemp-
tion et Dalila 'sont des sœurs cadettes de la
Dame aux Camélias et des Filles de marbre ;
le Roman diin jeune homme pauvre, s'il a pré-
cédé le Duc Job, a suivi l'Ilonneu), et l'Argent.
Le manufacturier épousant une fille noble de
la Belle au bois dormant est frère de l'ingé-
nieur qui crie hourrah dans les Ganaches et
de l'autre jeune savant qui porte un habit
bleu dans Par droit de Conquête. Reste Mont-
joie. Mais aussi M ont joie est la meilleure
pièce de M. Octave Feuillet. Lù, il ne s'est
inspiré que de Molière. Supprimez le dé-
nouaient enfantin qui gâte cette comédie, et
vous aurez une des œuvres les plus, naturel-
les, les plus philosophiques, res plus vrai-
ment belles de notre théâtre : la Vieillesse de
Don Juan. Cet homme égoïste, c'est-à-dire
indifférent à tout ce qui n'est pas lui, arri-
vant à l'heure où être aimé devient un be-
'aota, et se trouvànt à cette heure seul et
jtfiié de toute affection ! voilà la comédie, la
fée.®, la grande comédie!... -
^M. Octave Feuillet s'est hâté de sortir de
Cte^ourant et de revenir à la poésie et à l'es-
alp, r impt des salons.
Peut-être a-t-il eu raison ; car son tempé-
rament est là : il il'est-ni assez franc pour les
masses, ni assez original pour les esprits
élevés. Son public est précisément trié dans
le monde qui obéit à la convention.
Les femmes de la société contemporaine,
qui ne sont ni cavalièrement perverties com-
me les grandes dames de la Fronde et de la
Régence, ni foncièrement honnêtes comme
les bourgeoises du tiers état, mettent au-
dessus de tous les romans les romans comme
M. de Camors, et au-dessus de tous les dra-
mes les drames comme Julie et Dalila. Les
hommes sont un peu plus rebelles ; pas un
gentleman cependant qai ne tienne M. Feuil-
let pour le plus moral et le mieux élevé des
écrivains.
Dalila — jouée pour la première fois au
Vaudeville en 1857-est l'histoire d'un com-
positeur, faible et lâche, qui renonce à une
jeune fille honnête qu'il aime et dont il est
aimé, pour suivre une courtisane titrée, dont
la conquête a flatté sa vanité. La jeune fille
abandonnée meurt de chagrin, et le musi-
cien use son inspiration et son talent à^ se
ctillmttre dans les plaisirs, les lièvres, les ja-
lÓusies et les tortures d'un amour qui devait
être un caprice et qui est devenù une liai-
son. Il finit par succomber à la tâche, et il
expire sur une grande route d'Italie.
La morale du drame se trouve au premier
acte dans le sermon d'un vieux maître alle-
mand, dont le jeune compositeur est l'élève
favori.
—■ André, le ciel t'a do,ué avec une muni-
ficence que j'ai souvent admirée. Il t'a fait
musicien et poëte, il t'a donné la lyre et la
harpe, il a exhaussé ton jeune front pour y
placer deux couronnes. Mon fils, tu n'as
qu'une façon de t'acquitter envers Dieu : il
t'a prêté le génie, rends-lui la vertu ; il t'a
fait grand, sois honnête.
— Oui, maître.
— Sois honnête! Et si ce n'est pas assez
que ta conscience te le commande, sache que
l'intérêt même de ton avenir l'exige! Ne
pense pas, en effet, jeune homme, trouver
une aspiration sincère et durable dans les
émotions du désordre, dans la fougue des
sens et dans l'excitation maladive des pas-
sions... Le délire n'est point la force! Ah!
je n'ignore pas, crois-le bien, les dangers
qui t'attendent... Je sais quelles tentations
redoutables assiégent l'imagination et la vie
fiévreuse de l'artiste; je sais quels philtres
puissants se glissent dans ses veines sans
cesse enflammées; je lésais, et tu le sauras
bientôt toi-même, si tu né le sais déjà...
AJais si tu n'as pas le courage de repousser
ces entraînements vulgaires, je te le dis, tu
es perdu! Tu ne fourniras pas ta course!...
Souviens-toi que les anciens, dans leurs pro-
fondes allégories, appelaient du même nom
la vertu, et la force ! qu'ils faisaient les muses
chastes, et qu'ils donnaient aux vestales la
garde du feu sacré ! Règle donc ton cœur et
règle ta vie....Tout est là! (Il se lève.) Dans
tes nuits de défaillance, mon fils, évoque à
ton aide les ombres des vaillants et des for ts,
évoque ces illustres bénédictins de notre art,
les seuls peut-être qui aient touché du front
les voûtes de l'idéal : Palestrina, Beetho-
ven, Mozard... Ah l ceux-là n'étaient pas
seulement de grands hommes... ils étaient
des saints!
L'antithèse du vieux musicien est un di-
lettante monomane, qui, lui; croit, au con-
traire, que pour donner plusieurs notes il
faut avoir vécu plusieurs vies, et que pour
exprimer les passions il est indispensable de
les avoir éprouvées. Ce dilettante érige son
opinion en système, invente et organise des
aventures pour le jeune homme qu'il proté-
ge, convaincu que le talent est au prix d'une
existence à la diable.
Le jeune imbécile va du vieux qui lui dit :
(( — Marie-toi, et demande l'inspiration à
ton foyer, » à l'autre qui lui procure des
maîtresses et lui crie : « — Soupe, voyage el
divertis-toi de toutes les façons. » Quant à
se décider par lui-même et à agir à sa guise,
il n'y pense même pas. C'est une personna-
lité d'écolier, sans initiative, sans volonté et
sans ressort.
Charles Monseleta écrit sa meilleure page i
sur Dalila. |
« Dalila fait le procès à tous les hommes
d'inspiration qui désertent le foyer. Mort,
Dieu 1 que Rossini, dans sa puissance et|
dans sa jeunesse, eût donc ri de votre foyer;"1
lui dont la vie n'a été qu'éclat, plaisir, tu";
multe. Votre foyer? Essayez d'y amener les '
avides de lumière, les hardis, les domina^:
teurs, les abbés Prévost, les Mirabeau, les;
Balzac ! Ils y resteront une heure ou un -
jour, juste le temps qu'il faut à Prév'ostt
pour pleurer sur Manon, à Mirabeau'pouir
enlever Sophie, et à Balzac pour découvrit;
un drame derrière votre traversin. Ensuite,'\
comme ils reprendront leur course vers la \
Hollande, vers Paris et vers la Russie! 1
« On ne bâtit pas pour les aigles des gué-'j
rites de douanier. Il est des hommes à qui !
d'excessives distractions sont indispensables; -
après d'excessifs travaux. Le galop du che-"
val de lord Byron, retentissant sur les daller
de Venise, était aussi nécessaire 4 l'apaiser
ment de l'auteur du Corsaire, que l'est fianaf|
doute chaque soir une infusion de tilleul a;
l'auteur de Dalila. M. Octave Feuillet aime)
la vie tranquille et cachée, C'est bien ; il peut
tout à son aise en célébrer les douceurs,"
mais sans comparaison, sans raillerie, saïis5
blâme pour ceux qui ont choisi la lutte en
publie. A défaut de courage, qu'il ait la gé-
nérosité; et surtout que, dans son orgueil'-;
leuse sagesse, il ne jette pas toujours son:
foyer à la tête des gens ! ' »
... « Hélas ! il y aura toujours la grande ef!
la petite vue. Sous une treille latine, un;
homme est là, qui trébuche et qui chante-'
Quelqu'un passe, dédaigneux en murmu-
rant : — Ivrogne ! Un autre le salue, et l&
nomme : —Horace. »
Il y a, à Paris, un comédien qui a la spé-
ci alité des rôles difficiles, en dehors de la na-*
ture et de la vérité, et qui en fait passer l'in-
vraisemblance par la conviction (j. l'empor-
tement de son jeu.
Cet acteur, 'c'est Lafontaine.
"Dalila avait paru d'abord dans la revue des
Deux Mondes ; le premier, il eut l'idée de'
mettre à la scène le drame dé M. Octave
Feuillet. Il alla trouver ce dernier dans son;
foyer normand; il l'amena à Paris pour
préparer une représentation qui devait être;
un triomphe..
Lorsque Lafontaine entra à la Comédie-,
Française, ce fut avec l'espérance d'y joue?'
mess=""3
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
III
Vanda s'était retournée bien souvent, et elle
marchait la dernière, tandis que les compa-
gnons de Rocambole s'éloignaient du baril de
poudre et gagnaient la salle circulaire.
— Plus vite ! avait crié le maître, plus vite I
Marmouset, qui marchait en tête, avait pré-
cipité sa marche.
Et tous arrivèrent ainsi à la salle circulaire.
Alors Marmouset dit à Vanda :
— Nous sommes à quatre cents mètres de
distance du baril; mais comme le souterrain
est percé en droite ligne, nous pourrons voir
l'explosion.
Voir le numéro du 12 juin 1869.
En même temps, il passait derrière lui la
torche qu'il tenait à la main.
Alors on put voir Rocambole et Milou dans
le lointain, grâce à la clarté de la torche qu'ils ■
avaient gardée. ,
Le maître et Milon étaient l'un près de
l'autre, immobiles, attendant l'explosion.
Vanda frissonnait de tous ses membres.
Non pour elle, car elle avait prouvé son hé-
roïsme et son mépris de la vie,
Mais pour Rocambole, à l'amour de qui elle
avait renoncé et que, cependant, elle aimait
toujours.
Deux minutes s'écoulèrent.
— C'est long ! disaient les autres.
— Non, répondit Marmouset, il faut don-
ner à la mèche le temps de brûler.
Puis il ajouta :
— Couchez-vous tous à terre.
— Pourquoi? demanda la Mort-des-Braves.
— Parce que l'explosion vous y couchera
tout à l'heure, et que si vous attendez ce mo-
ment, vous risquez de vous casser une jambe
ou un bras;
Tous obéirent, excepté Vanda.
— Moi, je veux voir! dit-elle.
Et elle avait toujours les yeux fixés sur Mi-
lon et Rocambole, qui lui apparaissaient dans
l'éloignement, au milieu du cercle de lumière
décrit par la torche, comme des êtres micros-
copiques.
— Eh bien ! moi aussi, dit Marmouset.
Et comme Vanda, il demeura debout.
Tout à coup la mèche enflammée se trouva
en contact avec le baril. ;
Jamais plus épouvantable coup de tonnerre
ne se fit entendre.
Et l'ébranlement fut tel que Vanda et Mar-
mouset furent jetés la face contre terre.
Mais ils demeurèrent les yeux ouverts.
O miracle!
A la place de la torche que tenait Rocam-
bole et qui s'était brusquement éteinte, une
lumière blanche, ronde comme la lune, se
montra à l'extrémité du souterrain.
Le baril de poudre avait, du même coup,
rejeté la muraille en arrière et la roche en
avant.
'Le maître ne s'était point trompé , dans ses
calculs. La galerie avait joué le rôle d'un ca-
non.Cette lumière qui brillait dans le lointain,
c'était le jour, le jour au bord de la Tamise.
Au même instant, deux ombres s'agitèrent
sur le sol. , , .. ,,
C'étaient Milon et Rocambole qui, jetés
violemment à terre par la secousse, se redres-
saient. '
La voix du maître parvint aux oreilles de
Marmouset et de Vanda.
— En avant ! criait-il, en avant -I
Et on les vit, Milon et lui, qui s'élançaient
vers le point lumineux, c'est-à-dire vers l'ori-
fice de la galerie.
Les autres compagnons de Marmouset et de
Vanda s'étaient pareillement relevés.
— En avant ! répéta Marmouset.
Et tous se mirent à venir sur les pas de Ro-
cambole et de Milon. '
Mais tout à coup un nouveau bruit se fit,
un fracas plutôt.
*
La lumière blanche disparut...
Le sol trembla comme tout à 1 heure, etf;
Marmouset, qui marchait le premier, s arrêta
la sueur au front.
C'était la'voûte de la galerie qui s 'effondrait,
et un nouveau bloc de roche fermait le sou-
terrain une seconde fois.
Cette fois une épouvante indescriptible s em-
para des compagnons du maître.
Les torches étaient éteintes, et les ténèbres i
enveloppaient Marmouset, Vanda et ceux qur
les suivaient.. ,
Le sol tremblait sous leurs pieds ; des cra-
quements sourds retentissaient à une faible A
distance.
— Nous sommes perdus ! dit Vanda.
— Qui sait ? fit Marmouset.
Sa torche était éteinte ; mais il 1 avait tou-,
jours dans la main.
— Il faut y voir tout d'abord, dit-il. t
Et il tira de sa poche un briquet avec leque11
la torche fut rallumée.
Les craquements avaient cesse ; le sol ne {,
crépitait plus sous leurs pieds, et tout étale;
rentré dans le silence.
— En avant 1 répéta Marmouset.
— En avant ! dit Vanda.
Polyte portait dans ses bras sa chère Pauli-
ne, qui s'était évanouie de frayeur. :
Marmouset, sa torche à la main, tenait tau";' ;
jours la tête'de la petite troupe.
On arriva ainsi à l'endroit ou le baril avait ; -
pris feu ; on passa sur les débris de la mu-
On'put voir la paroi de la galerie entamée^
L par le frottement de la roche.
1
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93.71%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93.71%.
- Collections numériques similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
- Auteurs similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k4716871f/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k4716871f/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k4716871f/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k4716871f/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k4716871f
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k4716871f
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k4716871f/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest