Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-03-30
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 30 mars 1870 30 mars 1870
Description : 1870/03/30 (A5,N1441). 1870/03/30 (A5,N1441).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47168701
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro. JOURNAL QUOTIDIEN S cent. le numéro/
ÀTtTTM-^'RM'FNTS.— Trois mois Six mois Un an
PÏÏ^ .\... 5 fr. Ofr. t8 fr.
Départements 6 H
. ADMINISTRATEUR : BOURDILLIAT. 2;8
I)m. amÊe — MERCREDI 30 MARS 1870. — N° 1441
Rédacteur en chef: A. DE BALAT^IER-BRAGELONNB ,
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, ¡."\8lleDrollot
ADMINISTRATION : 13, quai ,,"oUaire.
PARIS, 29 MARS 1870
LE PARALYTIQUE
DU
FAUBOURG SAINT-HONORÉ
Les crimes succèdent aux crimes. On rr
jblâme les journaux de trop sacrifier à la lit-
térature de cour d'assises. Ne pourraient-ils
pas répondre qu'ils ne sont que des échos?
« J'ai vu mon temps, et j'ai écrit ce livre.» ^
Eh bien! c'est cela : les journaux voient leur <
* . u
temps. ■
Ah! certes, il serait meilleur de regarder
dans l'avenir, de supposer le progrès des CI
mœurs, l'adoucissement des lois, d 'admeLLre- P
dans une réalité imaginaire les beaux rêves
de justice qu'on se plaît à faire pour se re-
lever un peu de l'écœurement cotempo-
rain!
Mais le présent est là, il commande, et les
sténographes de cour d'assises prennent dans
les journaux la place des écrivains, des let-
trés et des critiques. j
L'affaire de Tours est terminée, celle de ■
Mons continue, une de celles do Paris com- ^
mence.
C'est une sale affaire. Hier, vous avez lu
l'acte d'accusation; aujourd'hui, vous lirez j
les débats.' Ce Lathouwers, cet aventurier •
de vingt-sept ans, tour à tour enfant de
chœur, employé de chemins de fer, ouvrier
carrossier, domeslique, infirmier dans des
hospices, se présente avec un caractère ca-
fard et sinistre. Il se fait recommander par
des prêtres et des religieuses; il entre les
yeux baissés dans les maisons, on le-prend
pour un saint. Mais à peine a-t-il mis le
pied dans la rue que le cabaret l'attire. Là,
en tête-à-tête avec une bouteille d'absinthe,
il boit, il se soûle, il rêve des infamies ou
des crimes. Une fois déjà, il a été condamné'
à deux .ans de prison pour attentat aux
mœurs. Il avoue son crime avec cette tran-
quillité que le ministère public ne manque
jamais de traiter de cynique. L'épisode le,'
plus épouvantable peut-être de la boucherie
du faubourg Saint-Honoré a été celui-ci :
fouwers vient de couper le cou à sa mat-
e, il se tourne vers son maître, para-
en enfance, pâle cependant d'une émo-
suprÓmc, et, d'un ton railleur :
Q u'est-ce que monsieur diL de ça?
L'imagination ne saurait rien trouver de j
plus atroce que cette situation et que ce
mot. ^ .
La paralysie est une maladie compliquée ; J
tantôt, elle est complète; et non-seulement - {
les membres sont incapables d'agir, mais en- 1
core le cerveau est incapable de penser; tan-
tôt, au contraire, dite laisse l'intelligence in- (
tacte en privant le corps de sensibilité, et j
c'est alors qu'est le véritable, supplice : con-
cevoir et ne pouvoir rendre, penser et ne
pouvoir exprimer, vouloir et ne pouvoir
faire. *
M. Lombard — paraît-il — est complète-
ment paralysé.-
Pourtant, il a pâli.
Et l'on se rappelle celte guérison miracu-
leuse des paralytiques de l'hôpital de Vienne.
La ville' allait ê.lre prise d'assaut; les bom-
bes tombaient sur les places et dans les rues;
les maisons brûlaient. Quand les habitants
virent que tout était perdu, ils sortirent de
chez eux pour se réfugier dans les casemates
et les églises. Les vieillards s'appuyaient
sur.des bâtons, les malades se traînaient le
long des murs; les paralytiques, .sentirent
qu'ils allaient demeurer seuls, abandonnés
sur leur lit. Alors, l'émotion fit ce que n'a-
vaient pu faire ni les stimulants, ni les to-
piques, ni aucun des remèdes à la douzaine J
' dont se servent les médecins dans les-cas qui
leur semblent incurables. Ils crièrent, ils se
| remuèrent, ils se mirent à marcher ; ils réus-
j sirent à sortir de l'hôpital.
La différence qui existe entre up ptlralyti- j
que et un mort, — a-t-on dit, — c'est qu'un 1
paralytique est un mort qui souffre, au ri eu
~ qu'un mort est un paralytique qui ne souffre
pas.
Cela est plus ingénieux que vrai. Vivre,
même en souffrant, paraîtra toujours préfé- i
rable au non-être ou à l'inconnu.
Souvent, du reste, la paralysie n'affecte
qu'un membre, et le malade, à force de dé-
sir et de patience, arrive à lui substituer un
autre membre et à' faire accomplir à ce der-
nier les mêfaes fonclions.
Ainsi, le peintre Jouvenet avait été con-
traint d'abandonner son art à la suite d'une
paralysie du bras droit. Il confia à son élève
Rétout le soin d'achever plusieurs tableaux
qu'il avait commencés avant sa maladie. Un
jour qu'il le regardait travailler, il eut un
grand mouvement de colère et d'impatience
en trouvant sa pensée mal rendue. Il saisit
un pinceau de la main gauche et donna quel-
ques touches au tableau. Encouragé par ce
premier succès, il se mit au travail et par- |
vint à faire tout entier le beau tableau de la
Visitation qui se trouve, dans le chceur de
Notre-Dame de Paris.
Un Corse fit mieux que de remplacer la
main droite par la main gauche, il suppléa
à là vue par le toucher. Aveugle, il distin-
guait les livres de sa bibliothèque, recon-
naissait les. gravures au burin, à l'eau-forte
ou sur bois, jouait au tric-trac, etc.
Après la cécité vint l'a surdité, puis une
paralysie presque complète.
La cause de la paralysie est presque tou-
jours un excès de travail ou de plaisir. No-
.tre homme élait Lrès-riche et avait abusé de
. tout.
Au bout d'un peu de temps, il ne lui resta
plus, sur toute la surface du corps, qu'une
' joue qui ne fût pas paralysée. Dans une telle
' extrémité, il trouva encore un moyen de
' communiquer avec ceux qui l 'entourait, en
J se faisant tracer lès contours des lettres sur
" la joue sensible On arrivait- ainsi, en y met-
tant le temps, à lui transmettre des phrases
entières. Son fils lui apprit le retour de
Louis XVIII et la promulgation de la Charte
- ! constitutionnelle.
Un oculiste célèbre, M. Sichel, avait re- |
marqué que, dans la plupart des maladies
de l'œil, le nerf optique était paralyse, et il j
essayait de ressusciter ce nerf par lARe brû" j
lure-sur la tête. \. ,
Les médecins spécialistes, qui se pr\>mè- !
nent depuis quelques années avec une bvîfce ^ f
électrique à la main, partent du même pd.nt, j
de'départ en essayant, par un usage gradixé ,
de leur batterie, de guérir la paralysie deg:\
bras ou des jambes. '. |
•Si les malades étaient très-forts, œ sys- „ »
tème opérerait certainement des demi-gué-
risons; mais, appliqué à des vieillards et à
des hommes usés par le travail ou le plaisir,
il n'amène le plus souvent que des commo-
tions fâcheuses. Le paralytique est galva-
nisé, puis il retombe.
Eh ! mon Dieu ! c'est l'histoire de nos
paralytiques de Vienne de tout à l'heure. Il
y a gros à parier qu'une fois, en. sûreté ils
retrouvèrent leur paralysie.
— M. Lombard a pâli.
% C'est son assassin lui-même qui l'a djt.
Pourtant, amis, parents, tous ceux de son
entourage, savent que la paralysie a frappé
son cerveau comme ses membres, et qu'il
est depuis longtemps plongé dans cet état
d'enfance qui réduit l'homme, — suivant ■
l'expression de Lacordairc, — à l'état d'un-
tube digestif percé aux deux bouts.
Le crime dont il a été témom? 1-3 couteau,
le sang, les cris de l'assassin, les plaintes de
la Victime, ont-ils produit sur lui l'effet
d'une pile électrique? A-t-il retrouvé l'intel-
ligence sous le coup de la terreur?...
Un instant, on l'a cru; on a espéré; mais .
la nuit s'est faite de nouveau, et l'on a pu
s'apercevoir de l'insensibilité absolue du -
pauvre M. Lombard.
Cette insensibilité, après tout, n'est-elle
pas un bienfait ? L'invention des bourreaux
pourrait-elle jamais trouver un plus horri
ble supplice que celui d'un homme attaché,
voyant souffrir et mourir la femme qu'il
aime, sans pouvoir faire un mouvement
pour venir à son secours?
Ce supplice, s'il a été celui de M. Lom-
bard, n'a du moins duré qu'une minute, et
le souvenir ne le renouvellera pas.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
II
2
Le maître avait parlé.
11 fallait obéir.. *
D'ailleurs l'heure du péril était loin encore.
Marmouset dit à l'oreille de Mllon :
— Construisons toujours la muraille, nous
verrons après.
— Ça y est, dit Milon.
Et on se mit à l'œuvre.
En outre de Marmouset, de Milon, de Vanda,
de Polyte et de Pauline, il y avait encore trois
personnes dans le souterrain..
L'une était le matelot William, celui que
Jadis l'homme gris avait terrassé.
Voir le numéro du 12 juin 1869.
Puis, la Mort-des-braves, _ et enfin Jean le j ]
boucher que jadis on appelait, au bagne, Jean :
le bourreau. Il .
Ceux-là n'eussent même pas osé discuter un .
ordre du maître.
Rocambole leur fit un signe.
Tous trois revinrent en arrière pour y pren-
dre le b-aril de poudre.
Milon les suivit. , A
Le baril était lourd ; mais pousse, traîné,
porté par les quatre hommes, il fut arrache a
la place qu'il occupait depuis deux cents ans.
Puis on le posa contre là. roche, sur le flanc,
la mèche en arrière.
— A la muraille, maintenant! dit Rocam-
bole.
Et il regarda sa monfre.
Tous avaient des torches:
— Qu'on les éteigne, dit Rocambole, une
seule suffit! .
Chacun souffla sa torche, excepté lui.
— Le maître a de la précaution, murmura
Milon..
— Sans doute, répondit Marmouset à * voix
basse. Nous sommes ici pour sept ou huit heu-
res peut-ëLe, et si nous brûlions toutes nos
torches à la fois, nous courrions grand risque
de demeurer dans les ténèbres.
On se mit donc à la besogne.
Les blocs de roche furent apportés un à un.
Avec la pioche dont il était armé, Rocambole
les équarrissait au besoin et faisait l office du
m '!, ,- i) ri. 1
Le mur montait peu à peu.
Quand il fut à deux pieds du sol, on prit la
mèche avec soin et on l'allongea eii y ajoutant
la chemise de Milon taillée en minces la-
nières.
Puis on la fit passer sur le mur et déborder
au dehors...
Avec la pioche, Rocambole cassait de petits
morceaux de roche qu'il disposait tout à l en-
tour, de façon à faire une sorte de lumière
semblable à celle d'un eanon.
Quand la mèche fut ainsi protégée, on con-
tinua la muraille. '
Chacun, hommes et femmes, apportait sa
pierre et le mur montait, montait toujours.
Quatre heures âpre?, il avait atteint le som-
ment de la voûte.
Le baril de poudre se trouvait alors empri-
sonné entre le mur et le bloc de roche. ^ !
Le mur avait dix ou douze pieds d'épais-
5+;UI'.Selon le.?, calculs de Rocambole, il devait
. avoir une force de résistance triple de celle ue
la roche.
Alors le maître tira sa montre.
— Est-ce le moment? demanda Milon.
— Non, pas enc-ore, dit Rocambole.
H y a pourtant joliment longtemps que
n^us travaillons!
— Quatre heures seulement.
II Et,1 ia marée n'est pas redescendue en-
C:>Milon soupira; puis, au bout d'un instant
de silence *
Cnm- hie;: : de temps encore? fit-il.
— Trois heures. ,
Ah! bien alors, les policemen ont le
~ temps de venir.
— Espérons qu'ils ne viendront pas, ditRo-
cambole avec calme.. ,
Et il s'assit sur un bloc de roche qui n avait
pas trouvé son emploi. , «
Et comme ses compagnons 1 entouraient :
— Ecoutez-moi bien maintenant, dit-il.
On eût entendu voler une mouche dans la
souterrain.
Rocambole poursuivit : '
— Je crois fermement à notre délivrance.
Cependant, je puis me tromper dans mes cal-
; CUh' Je ne le pense pas, dit Marmouset. '
Moi non plus, mais enfin il faut toutsup- ^
poser.
— Bon! murmura Milotl.
— Si nous ne pouvons projeter le rocher en
avant, il faut nous attendre à un nouvel
rxrouleL Vanda, nous gérions tou.
ensevelis et écrasas ?
- Pcut-ê're oui, peut-être non.
Et Rocambole, le sourire aux lèvres, pour-
Quand 'l'heure de mettre le feu à la mè- .
che sera veau, vous vous en irez tous à a itra
extrémité du souterrain, et ne vous arrêttrez
que dans cette salle circulaire où cette jeune
fille nous attendait.
Et il désigna Pauline d 'un geste.
— Mais vous, maître? #
Il ne s'agit pas de moi, dit Roç^inbole. Je ;
êarle, écoutez. , ..
Il prononça ces mots d un ton impérieux et
tous courbèrent la tête..
1 . — L'explo3iQJl aura heu. contwma-t-i
- .a-^ ' . : " ' -I
■* ■ '
5 cent. le numéro. JOURNAL QUOTIDIEN S cent. le numéro/
ÀTtTTM-^'RM'FNTS.— Trois mois Six mois Un an
PÏÏ^ .\... 5 fr. Ofr. t8 fr.
Départements 6 H
. ADMINISTRATEUR : BOURDILLIAT. 2;8
I)m. amÊe — MERCREDI 30 MARS 1870. — N° 1441
Rédacteur en chef: A. DE BALAT^IER-BRAGELONNB ,
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, ¡."\8lleDrollot
ADMINISTRATION : 13, quai ,,"oUaire.
PARIS, 29 MARS 1870
LE PARALYTIQUE
DU
FAUBOURG SAINT-HONORÉ
Les crimes succèdent aux crimes. On rr
jblâme les journaux de trop sacrifier à la lit-
térature de cour d'assises. Ne pourraient-ils
pas répondre qu'ils ne sont que des échos?
« J'ai vu mon temps, et j'ai écrit ce livre.» ^
Eh bien! c'est cela : les journaux voient leur <
* . u
temps. ■
Ah! certes, il serait meilleur de regarder
dans l'avenir, de supposer le progrès des CI
mœurs, l'adoucissement des lois, d 'admeLLre- P
dans une réalité imaginaire les beaux rêves
de justice qu'on se plaît à faire pour se re-
lever un peu de l'écœurement cotempo-
rain!
Mais le présent est là, il commande, et les
sténographes de cour d'assises prennent dans
les journaux la place des écrivains, des let-
trés et des critiques. j
L'affaire de Tours est terminée, celle de ■
Mons continue, une de celles do Paris com- ^
mence.
C'est une sale affaire. Hier, vous avez lu
l'acte d'accusation; aujourd'hui, vous lirez j
les débats.' Ce Lathouwers, cet aventurier •
de vingt-sept ans, tour à tour enfant de
chœur, employé de chemins de fer, ouvrier
carrossier, domeslique, infirmier dans des
hospices, se présente avec un caractère ca-
fard et sinistre. Il se fait recommander par
des prêtres et des religieuses; il entre les
yeux baissés dans les maisons, on le-prend
pour un saint. Mais à peine a-t-il mis le
pied dans la rue que le cabaret l'attire. Là,
en tête-à-tête avec une bouteille d'absinthe,
il boit, il se soûle, il rêve des infamies ou
des crimes. Une fois déjà, il a été condamné'
à deux .ans de prison pour attentat aux
mœurs. Il avoue son crime avec cette tran-
quillité que le ministère public ne manque
jamais de traiter de cynique. L'épisode le,'
plus épouvantable peut-être de la boucherie
du faubourg Saint-Honoré a été celui-ci :
fouwers vient de couper le cou à sa mat-
e, il se tourne vers son maître, para-
en enfance, pâle cependant d'une émo-
suprÓmc, et, d'un ton railleur :
Q u'est-ce que monsieur diL de ça?
L'imagination ne saurait rien trouver de j
plus atroce que cette situation et que ce
mot. ^ .
La paralysie est une maladie compliquée ; J
tantôt, elle est complète; et non-seulement - {
les membres sont incapables d'agir, mais en- 1
core le cerveau est incapable de penser; tan-
tôt, au contraire, dite laisse l'intelligence in- (
tacte en privant le corps de sensibilité, et j
c'est alors qu'est le véritable, supplice : con-
cevoir et ne pouvoir rendre, penser et ne
pouvoir exprimer, vouloir et ne pouvoir
faire. *
M. Lombard — paraît-il — est complète-
ment paralysé.-
Pourtant, il a pâli.
Et l'on se rappelle celte guérison miracu-
leuse des paralytiques de l'hôpital de Vienne.
La ville' allait ê.lre prise d'assaut; les bom-
bes tombaient sur les places et dans les rues;
les maisons brûlaient. Quand les habitants
virent que tout était perdu, ils sortirent de
chez eux pour se réfugier dans les casemates
et les églises. Les vieillards s'appuyaient
sur.des bâtons, les malades se traînaient le
long des murs; les paralytiques, .sentirent
qu'ils allaient demeurer seuls, abandonnés
sur leur lit. Alors, l'émotion fit ce que n'a-
vaient pu faire ni les stimulants, ni les to-
piques, ni aucun des remèdes à la douzaine J
' dont se servent les médecins dans les-cas qui
leur semblent incurables. Ils crièrent, ils se
| remuèrent, ils se mirent à marcher ; ils réus-
j sirent à sortir de l'hôpital.
La différence qui existe entre up ptlralyti- j
que et un mort, — a-t-on dit, — c'est qu'un 1
paralytique est un mort qui souffre, au ri eu
~ qu'un mort est un paralytique qui ne souffre
pas.
Cela est plus ingénieux que vrai. Vivre,
même en souffrant, paraîtra toujours préfé- i
rable au non-être ou à l'inconnu.
Souvent, du reste, la paralysie n'affecte
qu'un membre, et le malade, à force de dé-
sir et de patience, arrive à lui substituer un
autre membre et à' faire accomplir à ce der-
nier les mêfaes fonclions.
Ainsi, le peintre Jouvenet avait été con-
traint d'abandonner son art à la suite d'une
paralysie du bras droit. Il confia à son élève
Rétout le soin d'achever plusieurs tableaux
qu'il avait commencés avant sa maladie. Un
jour qu'il le regardait travailler, il eut un
grand mouvement de colère et d'impatience
en trouvant sa pensée mal rendue. Il saisit
un pinceau de la main gauche et donna quel-
ques touches au tableau. Encouragé par ce
premier succès, il se mit au travail et par- |
vint à faire tout entier le beau tableau de la
Visitation qui se trouve, dans le chceur de
Notre-Dame de Paris.
Un Corse fit mieux que de remplacer la
main droite par la main gauche, il suppléa
à là vue par le toucher. Aveugle, il distin-
guait les livres de sa bibliothèque, recon-
naissait les. gravures au burin, à l'eau-forte
ou sur bois, jouait au tric-trac, etc.
Après la cécité vint l'a surdité, puis une
paralysie presque complète.
La cause de la paralysie est presque tou-
jours un excès de travail ou de plaisir. No-
.tre homme élait Lrès-riche et avait abusé de
. tout.
Au bout d'un peu de temps, il ne lui resta
plus, sur toute la surface du corps, qu'une
' joue qui ne fût pas paralysée. Dans une telle
' extrémité, il trouva encore un moyen de
' communiquer avec ceux qui l 'entourait, en
J se faisant tracer lès contours des lettres sur
" la joue sensible On arrivait- ainsi, en y met-
tant le temps, à lui transmettre des phrases
entières. Son fils lui apprit le retour de
Louis XVIII et la promulgation de la Charte
- ! constitutionnelle.
Un oculiste célèbre, M. Sichel, avait re- |
marqué que, dans la plupart des maladies
de l'œil, le nerf optique était paralyse, et il j
essayait de ressusciter ce nerf par lARe brû" j
lure-sur la tête. \. ,
Les médecins spécialistes, qui se pr\>mè- !
nent depuis quelques années avec une bvîfce ^ f
électrique à la main, partent du même pd.nt, j
de'départ en essayant, par un usage gradixé ,
de leur batterie, de guérir la paralysie deg:\
bras ou des jambes. '. |
•Si les malades étaient très-forts, œ sys- „ »
tème opérerait certainement des demi-gué-
risons; mais, appliqué à des vieillards et à
des hommes usés par le travail ou le plaisir,
il n'amène le plus souvent que des commo-
tions fâcheuses. Le paralytique est galva-
nisé, puis il retombe.
Eh ! mon Dieu ! c'est l'histoire de nos
paralytiques de Vienne de tout à l'heure. Il
y a gros à parier qu'une fois, en. sûreté ils
retrouvèrent leur paralysie.
— M. Lombard a pâli.
% C'est son assassin lui-même qui l'a djt.
Pourtant, amis, parents, tous ceux de son
entourage, savent que la paralysie a frappé
son cerveau comme ses membres, et qu'il
est depuis longtemps plongé dans cet état
d'enfance qui réduit l'homme, — suivant ■
l'expression de Lacordairc, — à l'état d'un-
tube digestif percé aux deux bouts.
Le crime dont il a été témom? 1-3 couteau,
le sang, les cris de l'assassin, les plaintes de
la Victime, ont-ils produit sur lui l'effet
d'une pile électrique? A-t-il retrouvé l'intel-
ligence sous le coup de la terreur?...
Un instant, on l'a cru; on a espéré; mais .
la nuit s'est faite de nouveau, et l'on a pu
s'apercevoir de l'insensibilité absolue du -
pauvre M. Lombard.
Cette insensibilité, après tout, n'est-elle
pas un bienfait ? L'invention des bourreaux
pourrait-elle jamais trouver un plus horri
ble supplice que celui d'un homme attaché,
voyant souffrir et mourir la femme qu'il
aime, sans pouvoir faire un mouvement
pour venir à son secours?
Ce supplice, s'il a été celui de M. Lom-
bard, n'a du moins duré qu'une minute, et
le souvenir ne le renouvellera pas.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
II
2
Le maître avait parlé.
11 fallait obéir.. *
D'ailleurs l'heure du péril était loin encore.
Marmouset dit à l'oreille de Mllon :
— Construisons toujours la muraille, nous
verrons après.
— Ça y est, dit Milon.
Et on se mit à l'œuvre.
En outre de Marmouset, de Milon, de Vanda,
de Polyte et de Pauline, il y avait encore trois
personnes dans le souterrain..
L'une était le matelot William, celui que
Jadis l'homme gris avait terrassé.
Voir le numéro du 12 juin 1869.
Puis, la Mort-des-braves, _ et enfin Jean le j ]
boucher que jadis on appelait, au bagne, Jean :
le bourreau. Il .
Ceux-là n'eussent même pas osé discuter un .
ordre du maître.
Rocambole leur fit un signe.
Tous trois revinrent en arrière pour y pren-
dre le b-aril de poudre.
Milon les suivit. , A
Le baril était lourd ; mais pousse, traîné,
porté par les quatre hommes, il fut arrache a
la place qu'il occupait depuis deux cents ans.
Puis on le posa contre là. roche, sur le flanc,
la mèche en arrière.
— A la muraille, maintenant! dit Rocam-
bole.
Et il regarda sa monfre.
Tous avaient des torches:
— Qu'on les éteigne, dit Rocambole, une
seule suffit! .
Chacun souffla sa torche, excepté lui.
— Le maître a de la précaution, murmura
Milon..
— Sans doute, répondit Marmouset à * voix
basse. Nous sommes ici pour sept ou huit heu-
res peut-ëLe, et si nous brûlions toutes nos
torches à la fois, nous courrions grand risque
de demeurer dans les ténèbres.
On se mit donc à la besogne.
Les blocs de roche furent apportés un à un.
Avec la pioche dont il était armé, Rocambole
les équarrissait au besoin et faisait l office du
m '!, ,- i) ri. 1
Le mur montait peu à peu.
Quand il fut à deux pieds du sol, on prit la
mèche avec soin et on l'allongea eii y ajoutant
la chemise de Milon taillée en minces la-
nières.
Puis on la fit passer sur le mur et déborder
au dehors...
Avec la pioche, Rocambole cassait de petits
morceaux de roche qu'il disposait tout à l en-
tour, de façon à faire une sorte de lumière
semblable à celle d'un eanon.
Quand la mèche fut ainsi protégée, on con-
tinua la muraille. '
Chacun, hommes et femmes, apportait sa
pierre et le mur montait, montait toujours.
Quatre heures âpre?, il avait atteint le som-
ment de la voûte.
Le baril de poudre se trouvait alors empri-
sonné entre le mur et le bloc de roche. ^ !
Le mur avait dix ou douze pieds d'épais-
5+;UI'.Selon le.?, calculs de Rocambole, il devait
. avoir une force de résistance triple de celle ue
la roche.
Alors le maître tira sa montre.
— Est-ce le moment? demanda Milon.
— Non, pas enc-ore, dit Rocambole.
H y a pourtant joliment longtemps que
n^us travaillons!
— Quatre heures seulement.
II Et,1 ia marée n'est pas redescendue en-
C:>Milon soupira; puis, au bout d'un instant
de silence *
Cnm- hie;: : de temps encore? fit-il.
— Trois heures. ,
Ah! bien alors, les policemen ont le
~ temps de venir.
— Espérons qu'ils ne viendront pas, ditRo-
cambole avec calme.. ,
Et il s'assit sur un bloc de roche qui n avait
pas trouvé son emploi. , «
Et comme ses compagnons 1 entouraient :
— Ecoutez-moi bien maintenant, dit-il.
On eût entendu voler une mouche dans la
souterrain.
Rocambole poursuivit : '
— Je crois fermement à notre délivrance.
Cependant, je puis me tromper dans mes cal-
; CUh' Je ne le pense pas, dit Marmouset. '
Moi non plus, mais enfin il faut toutsup- ^
poser.
— Bon! murmura Milotl.
— Si nous ne pouvons projeter le rocher en
avant, il faut nous attendre à un nouvel
rxrouleL Vanda, nous gérions tou.
ensevelis et écrasas ?
- Pcut-ê're oui, peut-être non.
Et Rocambole, le sourire aux lèvres, pour-
Quand 'l'heure de mettre le feu à la mè- .
che sera veau, vous vous en irez tous à a itra
extrémité du souterrain, et ne vous arrêttrez
que dans cette salle circulaire où cette jeune
fille nous attendait.
Et il désigna Pauline d 'un geste.
— Mais vous, maître? #
Il ne s'agit pas de moi, dit Roç^inbole. Je ;
êarle, écoutez. , ..
Il prononça ces mots d un ton impérieux et
tous courbèrent la tête..
1 . — L'explo3iQJl aura heu. contwma-t-i
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