Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-06-12
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 12 juin 1872 12 juin 1872
Description : 1872/06/12 (A6,N2227). 1872/06/12 (A6,N2227).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47152994
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
L'interpellation du baron Chaurand sur les
écoles de Lyon, qui devait venir hier a été
ajournée, d'accord avec le ministre de i ins-
truction publique, jusqu'après le vote de la
loi militaire.
- Il résulte d'une statistique qui vient d'être
dressée à la préfecture de police que le nom-
ire des individus arrêtés dans le département
'de la Seine, pour divers motifs, du 15 au 31
inai, est de 1370, soit en moyenne de 91 par
(jour...
Sur ce nombre, les deux tiers environ s ont
des vagabonds et des ivrognes dont la plus
grande partie ont été mis en liberté.
■ C'est le 15 juin que la frégate à voiles la
Virginie doit appareiller pour la Nouvelle-Ca-
lédonie, L'administration des chiourmes s'oc-
cupe de choisir avec un soin minutieux les
Condamnés que cette frégato doit emporter.
SLes premiers désignés sont les condamnés po-
étiques.
L'ÉMANCIPATION DE LA FEMME
Hier a eu lieu, au Palais-Royal, chez Corazza, le
banquet des adeptes de l'émancipation civile des
femmes. Plus de deux cents personnes des deux sexes
y assistaient. On remarquait MM. Laboulaye, Schœl-
cher, de Lacretelle, Naquet, Tiersot, députés ; Gué-
roult, Louis Jourdan, E. de Pompéry, Eug. Nus, As-
sollant, Alexandre Weill, Lemonnier, Sauvety, Mas-
sol, Varella, rédacteur d'El-Arnericanoj Mmes Maria
Deraismes, Gagneur, Angélique Arnaud, etc.
MM. Laboulaye, de Lacretelle, Guérpult, Naquet,
.Lemonnier, Léon Richer, Mmes Deraismes et Ar-
naud, dans des discours fréquemment applaudis, ont
'exposé le but à atteindre et combien il importait,
dans l'intérêt même de l'avenir du pays, que cette
grave question de l'émancipation morale et intellec-
tuelle de la femme reçût une prompte solution.
M. Louis Blanc n'a pas pu assister à cette réu-
nion.
M. Victor Hugo, également empêché, a 'adrGssé à
M. Léon Richer une lettre dont nous reproduisons
les principaux passages :
Paris, le 8 juin 1872.
Monsieur,
Je m'associe du fond du cœur à votre utile
manifestation. Depuis quarante ans, je plaide la
grande cause sociale à laquelle vous vous dé-
vouez noblement.
> il est douloureux de le dire : dans la civilisa-
tion actuelle, il y a une esclave. La loi a des eu-
phrmÎsmes, ce que j'appelle une esclave, elle
l'appelle une mineure : cette mineure selon la
tloi, cette esclave selon la réalité c'est la femme.
L'homme a chargé inégalement les deux pla-
teaux du Code, dont l'équilibre importe à la
conscience humaine ; l'homme a fait verser tous
les droits de son côté et tous les devoirs du côté
le la femme. De là un trouble profond. De là la
servitude de la femme. Dans notre législation
ytèlle qu'elle est, la femme ne possède pas, elle
Veste pas en justice, elle ne vote pas, elle ne
compte pas, elle n'est pas. Il y a des citoyens, il
,n'y a pas de citoyennes. C'est là un état violent :
il faut qu'il cesse
.............................
Nous philosophes, nous contemplateurs de
l'idéal social, ne nous lassons pas. Continuons
j&otre œuvre. Etudions sous toutes ses faces, et
iavec une bonne volonté croissante, ce pathéti-
que problème de la femme, dont la solution ré-
Isioudrait presque la question sociale tout entière.
Apportons dans l'étude de ce problème plus mè-
tffie que la justice ; apportons y la vénération ;
'àppoltons-y la compassion. Quoi ! il y a un être,
un être sacréi, qui nous a formés de sa chair, vi-
vifiés de son sang, nourris de son lait, remplis
:ae son cœur, illuminés de son âme, et cet être
souffre, et cet être saigne, pleure, languit, trem-
ble ! Ah ! dévouons-nous, servons-le, défendons-
le, secourons-le, protégeons-le ! Baisons lespieds
"de notre mère ! N
Avant peu, n'en doutons pas, justice sera ren-
due et justice sera faite. L'homme à lui seul
n'est pas l'homme ; l'homme, plus la femme,
plus l'enfant, cette créature une ét triple consti-
tue la. vraie unité humaine. Toute l'oi'gi.inisation
sociale doit découler de là. Assurer le droit de
l'homme sous cette triple forme, tel doit être le
but de cette providence d'en bas que nous appe-
lons la loi.
Redoublons de persévérance et d'efforts. On
en viendra, espérons-le, à comprendre qu'une
société est mal faite quand l'enfant est laissé
sans lumière, quand la femme est maintenue
sans initiative, quand la servitude se déguise
sous le nom de tutelle, quand la charge est
d'autant plus lourde que l'épaule est plus faible,
et l'on reconnaîtra que, même au point de vue
de notre égoïsme, il est difficile de composer le
bonheur de l'homme avec la souffrance de la
femme.
Je vous serre la main, monsieur.
VICTOR HUGO.
LE GRAND PRIX DE PARIS
Le grand prix de Paris a été couru, dimanche
sur la piste de Longchamps, au milieu d'une
foule immense et par un temps superbe, quoi-
que incertain.
Les tribunes étaient pleines. Les plus jolies
femmes de Paris semblaient s'y être donné ren-
dez-vous. Les toilettes étaient fort élégantes.
Dans la tribune du milieu, entourant M. le
président de la République, dont le visage tra-
hissait une santé excellente et un air de belle
humeur, on remarquait le prince et la princesse
Orloff, le maréchal Mac-Mahon, le général de
Cissey, le général Ladmirault, M. Victor Le-
franc, M. de Rémusat, M. et Mme Léon Say,
Mme Jules Simon, le duc et la duchesse de Gal-
liera, Mlle Dosne, M. Horace de Choiseul, les
généraux Vinoy, Appert, Clinchant, Douay, M.
Teisserenc de Bort et le préfet de police, M.
Léon Renault.
Avouons-le avec courage : la France a été
vaincue dimanche, comme nous l'avons annoncé
hier.
Le vainquenr du grand prix est Crémorne, ap-
partenant à M. Savile.
Le montant du prix gagné par M. Savile s'é-
lève à 138,300 francs.
Le duc de Hamilton et M. Lefèvre touchent,
le premier 10,000 f., et le second 5,000 f., comme
propriétaires de Barbillon, arrivé 28, et de Reine,
arrivée 3e.
La victoire du cheval anglais a été très-peu
acclamée. Seuls, les membres du Jockey-Club,
1 par courtoisie sans doute, ont poussé des hour-
rahs formidables devant le vainqueur.
Crémorne s'est embarqué hier pour Ascot où
l'attendent de nouveaux lauriers, en présence de
la reine Victoria.
Le retour des courses dans Paris a été jfort
animé, surtout aux Champs-Elysées.
On estime à plus de cent mille le nombre des
curieux qui ont foulé avant-hier la plaine de
Longchamps.
Il paraît que M. Savile a gagné près de
600,000 fr. dans cette journée.
Par contre, beaucoup de parieurs, partisans de
Berryer et de Revigny, auraient perdu des sommes
considérables.
h'Avenir national assure que la victoire de Cré-
morne a causé de véritables catastrophes, sur-
tout dans le camp des partisans de Little-Agnèss
que sa récente victoire sur Bevigny avait mis en
vedette.
Dimanche soir, au café Riche, le bilan des pa-
rieurs battus était effrayant- On citait entre au-
tres la perte de cent mille francs faite par' M. le
duc de B..., pour avoir trop compté sur le pou-
lain du duc d'Hamilton.
Espérons que la France prenira sa revanche
la semaine prochaine.
Du reste, nous sommes actuellement manche;
à manche avec l'Angieterre.
Elle a remporté le grand prix quatre fois de-
puis sa fondation. La France a vaincu quatre fois
également.
AMÉDÉE BLONDEAU.
PARIS
LA SANTÉ PUBLIQUE. — Le bulletin de la morta-
lité, à Paris, du 23 au 29 mars, présente à peu
près les mêmes chiffres que la semairu précé-
dente : 825 décès au lieu de 844.
Parmi les causes, nous relevons II cas de
rougeole, — 18 de fièvre typhoïde, — 45 de
bronchite, — 60 de pneumonie, — 6 d'angine
couenneuse, — 17 de croup, — 165 de phthisie.
En 1870, la semaine correspondante avait donné
1,262 décès.
LES PARENTS IMPRUDENTS. — On ne saurait trop
signaler les accidents dont l'imprudence des pa-
rents rend les enfants victimes.
Avant-hier, le sieur Pariot, charron, rue Myr-
rha, 37, avait laissé sa fille, âgée de cinq ans,
seule dans sa chambre, où se trouvaient un poêle
allumé et des vêtements au séchage autour de
ce poêle. Une étincelle jaillit sur ces vêtements
et y mit le feu. La pauvre petite voulut les
éteindre; les flammes gagnèrent sa robe, si bien
qu'à sa rentrée le père trouva l'enfant étendue
sans connaissance sur le carreau et atteinte de
brûlures très-graves. On l'a portée à l'hôpital
Lariboisière, mais les médecins désespèrent de
la sauver.
La veilie pareil malheur était arrivé chez la
dame Lecourt, blanchisseuse, rue Blomet, qui
avait laissé enfermés sous clé ses quatre petits
enfants et qui, à son retour du lavoir, a trouvé
complètement carbonisée l'aînée de ces enfants,
âgée de sept ans. Les autres enfants avaient
heureusement échappé. — G. Y
BONDY. — L'exploitation de la voirie de Bondy
a été adjugée avant-hier à une compagnie an-
glaise.
Les anciens concessionnaires — compagnie
Lesage et Richer — ne payaient les matières en-
voyées dans les bassins qu'à raison de 70 cent.
le mètre cube.
Aujourd'hui ces mêmes produits seront payés
6 fr. 07 c., c'est-à-dire que le prix en est pres-
que décuplé. Au lieu de 300,000 francs, c'est
près de 5 millions qui vont, de ce chef, rentrer
annuellement dans la caisse municipale.
Les matières désinfectées et transformées en
riches engrais, cessseront d'incommoder et d'em-
pester les quinze ou seize communes qui envi-
ronnent Bondy.
Mme Chappe, somnambule sous la direction d'un
médecin, de 1 heure à 4 heures, rue de Turin, 231
TRIBUNAUX
3e CONSEIL DE GUERRE
Présidence du colonel Dulac.
Fin de l'audience du 8 juin.
Affaira du fort de Vincennes. — Oc-
cupation et tentative de reddition
du fort aux Prussiens par les in-
surgés. — Arrestations illégales.
— Pillages.
L'interrogatoire des accusés terminé, M. le prési-
dent passe à celui des témoins.
Le premier d'entre eux, le sieur Simon Gafiré, né-
gociant, maire de VIncennes) dépose ainsi :
Le 20 mars, j'ai reçu un ordre de la Commune de
Paris pour livrer le fort de Vincennes. J'ai prévenu
le général Ribourt. Le lendemain, 3,000 Parisiens
sont arrivés, et lorsque les habitants de Vincennes
allaient occuper le fort, les ouvriers ouvrirent les
portes et tout te monde s'y précipita pêle-mêle. La
convention n'autorisait qu'une garnison de 200 hom-
mes et non de 3,000. M. Faltot m'a prévenu que je
ne commandais plus la garde nationale de Vincen-
nes. J'ai voulu faire voter les habitants sur le dra-
peau à mettre à la mairie. J'ai dressé procès-verbal
de l'envahissement de la mairie ; on m'a acclamé et
plusieurs m'ont embrassé. Debray est l'un des onze
qui se sont emparés de la mairie. Le 16 mai, je me
suis retiré à Fontenay.
M. Collin, adjudant d'artillerie. — Je suis resté au
fort, jusqu'au 24 avril. Je gardais les magasins d' -
bllleinent ; j'avais un grand nombre de eheva.\u¡
Faltot me donna un certain nombre d'hommes pou?
les soigner. On n'a pas pillé mon magasin, mais qv'
m'a forcé de donner des effets. Faltot m'a offert de
l'a ,--incemeiit et de l'argent que j'ai refusé Le 24
avril au matin, Faltot fils m'a engagé à partir, car
cela devenait dangereux. Je l'ai remercié et, avec le
maréchal-des-logis de mon régiment, j'ai pu arrivât
à Fontenay. Faltot fils devait s'enfuir avec nous.
M. Guilhem, commissaire de surveillance au che-
min de fer, était à Nogent-sur-Marne, et avait sou-
vent affaire au général bavarois qui y séjournaIt. Le
général envoyait des parlementaires pour faire main-
tenir les conventions. Un jour, dit te témoin, le gé-
néral me montra la lettre signée par les officiers eo.
s'écriant : « Qu'en pensez-vous ? Ces gens-là se di-
sent officiers de la garde nationale ! Ce ne sont pas
même des Français. »
On entend ensuite le témoin Pavillon.
M. le président. — En quelle qualité serviez-vous
dans l'armée? — R. J'ai servi dans l'armée neuf ans
en Afrique, de 1844 à 1853.
D. Bien ; mais à Paris, pendant le siège et la Com« •
mune, qu'étiez-vous? — R. J'étais chef d'c:,:cadron.
d'état-major des gardes nationales de la Seine.
D. Dites-nous ce que vous savez. — R. Dans 18;'
courant du mois de mai j'obtins l'autorisation d4
rallier les gardes nationaux de l'ordre, ceux de Vin- ;
cennes et des communes environnantes afin de ten,
ter un coup de main pour reprendre le fort de Vin-
cennes. Je m'étais installé à Fontenay pour créer
des intelligences avec Vincenues et rallier les forces
qui m'étaient nécessaires.
Les anciennes autorités de Vincennes me prêtèrent
leur concours et m'assurèrent celui des gardes na.
tionaux de l'ordre; elles me mirent en rapport avec
le garde d'artillerie du fort qui se chargeait de nous;
introduire dans la place la nuit, par la.' poterne qui
est derrière le donjon.
Sur le point d'agir, ces notables de Vincennes
voulurent, avant toute tentative, faire une démarche
à Versailles, auprès du Gouvernement. Je les con-
duisis auprès du ministre de l'intérieur.
Le ministre les renvoya au lendemain pour leur
donner une réponse. j ï
Le jour même, en quittant le ministère, nous ap*
prîmes la rentrée des troupes dans Paris. ( <
C'était le 21 mai. Quelques jours après, je me reiî-î
dis à Vincennes avec les gendarmes, le commissaire')
de police, l'adjoint du maire M. Minot ; nous rén"'
nîmes les gardes nationaux, nous occupâmes la mai. •
l'je et fîmes changer le drapeau rouge. <
Il était huit heures du soir, je me présentai auf
tort et demandai le colonel Faltot. i i
Là, je remarquai qu'un individu, qui avait une fi..tf
gure ignoble, avait une très-grande autorité sur léST
au!res; cet individu a été fusillé, c'est, je crois, ïs
nommé Violet (Vialiet). ;
Je leur remis mes pouvoirs et ils me firent passer
dans une autre salle pour ne pas délibérer en ma.'
présence. Leur décision se résuma ainsi : le gouver-';
nement leur donnerait douze passeports en blanc
pour passer en Suisse, et en échange ils me reniet,- !
traient le tort. " >
Je me retirai, jugeant en moi-même qu'il était
inutile de faire au gouvernement une pareille ouver-
ture. Je pressentais bien, par l'approche de la fusillade
vers la barrière ci Il Trône, que !a remise du tort n'é-
tait qu'une question de temps.
Je me rendis à Saint-Denis et de là à YCl'sp.iIleg.,,'
Le 28, au matin, la porte de Vincennes était occupée *
par les troupes du général Vinoy, qui était rue
Picpus.
Le général me l'envoya. à Vincennes. Je dis à Faltot*
que des ordres étaient arrivés de Versailles; que la
général Vinoy voulait que la garnison se rendit à
discrétion. Les fédérés refusèrent de rendre 1'0 fore
sans avoir des conditions écrites. ; J,
J'eus l'occasion de parler quelques minutes à Fa!':;'
tôt seul ; il me montra un ordre signé des membres'
de la Commune qui lui avaient confié le comman- *<
dement du fort, en me disant : « Je ne puis pas tra*^
hir, je ne dois pas rendre le fort. » Je l'engagea; h■
monter sur le 'donjon pour contempler l'œuvre --
gens auxquels il vouiait rester fidèle, et lui fis j
en môme temps de la fusillade des otages; il ba
la tête et parut consterné. «
— Je ne puis pas, me dit-il, je ne suis pas le maSV:
tre icf et suis surveillé de tous côtés.
C'est alors que je lui proposai de faire arrêter cens,
qui s'obstinaient à ne pas rendre le fort et de .le*'
faire incarcérer au donjon, l'assurant que tous CC!!'::':
qui participeraient à cette tâche atténueraient leur
faute et' obtiendraient l'indulgence du conseil ê#'
g!.erre.
Je le quittai. Ses fils, sa femme, l'aumônier, f
mon instiugation, le poussèrent dans'cette voie-là, ,
Le,29 au matin, à sept heures moins dix minuM:^
le général Hoff se retira sans bruit avec ses troupes*'
Les fédérés s'étaient aperçus de la retraite des Al-
lemands ; je craignais qu'ils he profitassent de 7A~
moment pour évacuer le fort. Aussi, je n'hésitais
N° 53. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XIII
Ruses et faits de guerre
L'espèce de pénitence, imposée par sœur An-
nonciation à Mlle Bernard, produisit sur celle-ci
un effet aussi étrange qu'inexplicable.
— Quoi! balbutia-t elle d'une voix haletante,
Je resterai... seule... en prière... la nuit... dans
notre chapelle... devant la statue de la Vierge
qui tient le rameau d'or !...
— C'est la forme consacrée de la Réparation,
répondit laprofesse. Craignez-vous donc que sainte
Marie vous punisse de votre petit accès d'incré-
,dnlité?
— Non... non... J'obéirai... Je remplacerai
sœur Prisca... Je...
Le trouble croissant d'Elise lui coupa la pa-
role. Peut-être même aurait-il attiré l'attention
soupçonneuse de la surveillante, si la cloche,
carillonnant la fin de la récréation, ne lui eût
rappelé, en même temps, que la règle de son
ordre prescrivait une courte oraison, quand son-
nait une heure quelconque.
Pendant qu'elle priait avec ferveur, sa proté-
i gée se remit un peu; et toutes deux se mêlè-
i rent bientôt aux groupes d'élèves qui rentraient
j en classes.
j — Après la Réparation, dit alors Annonciation
| à la jeune fille, vous rédigerez la réponse à la
j lettre de votre bienfaiteur. Aussitôt écrite, vous
: la soumettrez à la révision de notre révérende
] supérieure : elle daignera vous attendre, afin
que la missive, jetée à la poste aujourd'hui,
puisse partir pour le Havre par le courrier de
demain matin.
Mlle Bernard se soumit sans doute scrupuleu-
seument aux invitations de sa sous-maîtresse,
car, dans la soirée, vers dix heures, elle se pré-
senta au parloir particulier de la mère Sainte-
! Agnès."
j Elle tendit à la majestueuse religieuse, avec
j les marques de respect d'usage, une feuille de
de papier, presque entièrement couverte de fine
et élégante écriture.
— Comme vous tremblez, ma chère enfant,
remarqua, non sans quelque surprise, l'a&ci;ique
directrice.
— C'est que... j'ai eu froid... et peur... à la
Réparation, révérende mère, répondit d'une fa-
çon presque inintelligible la pupille du philo-
sophe.
Et elle s'affaissa, plutôt qu'elle ne s'assit, sur
un escabeau, quoique ce fût chose défendue de-
vant la supérieure.
Celle-ci, absorbée par sa lecture de censeur,
ne remarqua point l'infraction.
Après avoir mûrement pesé les termes de l'é-
crit, elle y aj^vita quelques lignes de sa main,
puis tourna la tète vers Elise, qui se releva,
poussée par un invisible ressort.
C'est convenable comme forme et comme
français, dit-elle sentencieusement . Donnez-moi
votre enveloppe, que j'y cachette ces pages.
— Oh! révérende mère, ne prenez pas cette
peine, je vous en conjure! s'écria alors la pen-
sionnaire, qui sembla subitement galvanisée.
D'un mouvement où l'empressement avait un
caractère fiévreux, elle enleva le papier des
doigts de la religieuse, et, le remettant en qua-
tre, l'introduisit rapidement dans le pli gommé
qu'elle mouilla et referma avec la même viva-
cité de prestidigitateur.
Cepennant, la promptitude de l'opération n'ex-
pliquait pas suffisamment la sueur qui lui cou-
lait des tempes, en achevant la fermeture de sa
lettre.
La pièce était à peine éclairée, selon l'humble
ou parcimonieuse habitude des institutions con-
gréganistes. Mère Sainte-Agnès ne remarqua pas
l'extraordinaire émotion de sa visiteuse, qu'elle
congédia du geste, en gardant devers elle le
message, dûment cacheté et adressé.
— Mon Dieu! murmurait avec angoisse la fille
putative de Cambronne, en gagnant son dortoir,
pourvu qu'on ne s'aperçoive de rien!... 0 Vier-
ge miséricordieuse, m'absoudrez-vous jamais de
mon sacrilège!
Quel qu'il fût, il resta sans doute ignoré, et
n'eut pas de suites fâcheuses pour la coupable,
car, à l'époque où commença l'étrange guerre
déclarée par le vieux chiffonnier au couvent du
Gros-Caillou, Mlle Elise Bernard y était généra-
ment considérée" comme la meilleure, la plus
distinguée et la mieux instruite des pension-
naires.
Pourtant elle eut un moment de naïve terreur
à l'apparition des serpents du père Dehayes ;
elle crut à un châtiment céleste, dirigé tout spé-
cialement contre elle 1
Mais, comme pour rassurer sa consciencè ù -
i morée, les anguilles de buisson ne lui adressèrea?.
pas l'ombre d'une insignifiante démonstration. ■ \
Car le lecteur a deviné quelle mystérieux
besogne brassaient certaine nuit, dans la g ;
gouille du moutier, Matagatos, transformant p<î.?
ablation les matous monacaux en lapins
gouttière, et le charmeur de reptiles les rempli
çant par les plus familières mais les plus inof«[
fensives de ses couleuvres. < , .)
Hâtons-nous de le dire à la gloire du TucK?^'
ayant vendu très-bien ses trois superbes civets-
apocryphes à un restaurateur de la barrière
Maine, s'étant avantageusement débarrassé ils
ses trois fausses peaux de martre-zibeline che2:
un fourreur du Temple, il dédommagea ample -
ment, sans en souffler mot à Cambronne, !#
trappeur parisien du sacrifice de ses ophidiens.,"
que celui-ci prenait dans les bois des cnvirorl;;;'
et que certains gargottiers lui payaient moitié
du prix ordinaire des anguilles, afin d'en confo
tionner des pseudo-matelottes. (Authentique,)-'
Cependant, le jardinier du pensionnat se livrât'
à une telle chasse aux rampants que, le lende»'
main de leur invasion, il n'en restait plus un d&
vivant sous les herbes.
Cela n'en bouleversa pas moins la bcnoîf4
communauté pendant quarante-huit heures. Au
moindre froissement insolite de leurs jupes, c'é-
taient des cris d'effroi parmi les élèves, se 8upr<
posant étreintes-à la façon du groupe terrible de
Laocoon. Les sœurs laies et même plusieurs
professes eurent de cruelles transes, car souvsat'
leur imagination troublée changea en boa coiiS»
trictor la corde de leur ceinture, battant leuff
genoux dans l'obscurité.
(La mité à dmuêid
JULES CAUVAIN.
. Voir 1® avméro d'iûer,
écoles de Lyon, qui devait venir hier a été
ajournée, d'accord avec le ministre de i ins-
truction publique, jusqu'après le vote de la
loi militaire.
- Il résulte d'une statistique qui vient d'être
dressée à la préfecture de police que le nom-
ire des individus arrêtés dans le département
'de la Seine, pour divers motifs, du 15 au 31
inai, est de 1370, soit en moyenne de 91 par
(jour...
Sur ce nombre, les deux tiers environ s ont
des vagabonds et des ivrognes dont la plus
grande partie ont été mis en liberté.
■ C'est le 15 juin que la frégate à voiles la
Virginie doit appareiller pour la Nouvelle-Ca-
lédonie, L'administration des chiourmes s'oc-
cupe de choisir avec un soin minutieux les
Condamnés que cette frégato doit emporter.
SLes premiers désignés sont les condamnés po-
étiques.
L'ÉMANCIPATION DE LA FEMME
Hier a eu lieu, au Palais-Royal, chez Corazza, le
banquet des adeptes de l'émancipation civile des
femmes. Plus de deux cents personnes des deux sexes
y assistaient. On remarquait MM. Laboulaye, Schœl-
cher, de Lacretelle, Naquet, Tiersot, députés ; Gué-
roult, Louis Jourdan, E. de Pompéry, Eug. Nus, As-
sollant, Alexandre Weill, Lemonnier, Sauvety, Mas-
sol, Varella, rédacteur d'El-Arnericanoj Mmes Maria
Deraismes, Gagneur, Angélique Arnaud, etc.
MM. Laboulaye, de Lacretelle, Guérpult, Naquet,
.Lemonnier, Léon Richer, Mmes Deraismes et Ar-
naud, dans des discours fréquemment applaudis, ont
'exposé le but à atteindre et combien il importait,
dans l'intérêt même de l'avenir du pays, que cette
grave question de l'émancipation morale et intellec-
tuelle de la femme reçût une prompte solution.
M. Louis Blanc n'a pas pu assister à cette réu-
nion.
M. Victor Hugo, également empêché, a 'adrGssé à
M. Léon Richer une lettre dont nous reproduisons
les principaux passages :
Paris, le 8 juin 1872.
Monsieur,
Je m'associe du fond du cœur à votre utile
manifestation. Depuis quarante ans, je plaide la
grande cause sociale à laquelle vous vous dé-
vouez noblement.
> il est douloureux de le dire : dans la civilisa-
tion actuelle, il y a une esclave. La loi a des eu-
phrmÎsmes, ce que j'appelle une esclave, elle
l'appelle une mineure : cette mineure selon la
tloi, cette esclave selon la réalité c'est la femme.
L'homme a chargé inégalement les deux pla-
teaux du Code, dont l'équilibre importe à la
conscience humaine ; l'homme a fait verser tous
les droits de son côté et tous les devoirs du côté
le la femme. De là un trouble profond. De là la
servitude de la femme. Dans notre législation
ytèlle qu'elle est, la femme ne possède pas, elle
Veste pas en justice, elle ne vote pas, elle ne
compte pas, elle n'est pas. Il y a des citoyens, il
,n'y a pas de citoyennes. C'est là un état violent :
il faut qu'il cesse
.............................
Nous philosophes, nous contemplateurs de
l'idéal social, ne nous lassons pas. Continuons
j&otre œuvre. Etudions sous toutes ses faces, et
iavec une bonne volonté croissante, ce pathéti-
que problème de la femme, dont la solution ré-
Isioudrait presque la question sociale tout entière.
Apportons dans l'étude de ce problème plus mè-
tffie que la justice ; apportons y la vénération ;
'àppoltons-y la compassion. Quoi ! il y a un être,
un être sacréi, qui nous a formés de sa chair, vi-
vifiés de son sang, nourris de son lait, remplis
:ae son cœur, illuminés de son âme, et cet être
souffre, et cet être saigne, pleure, languit, trem-
ble ! Ah ! dévouons-nous, servons-le, défendons-
le, secourons-le, protégeons-le ! Baisons lespieds
"de notre mère ! N
Avant peu, n'en doutons pas, justice sera ren-
due et justice sera faite. L'homme à lui seul
n'est pas l'homme ; l'homme, plus la femme,
plus l'enfant, cette créature une ét triple consti-
tue la. vraie unité humaine. Toute l'oi'gi.inisation
sociale doit découler de là. Assurer le droit de
l'homme sous cette triple forme, tel doit être le
but de cette providence d'en bas que nous appe-
lons la loi.
Redoublons de persévérance et d'efforts. On
en viendra, espérons-le, à comprendre qu'une
société est mal faite quand l'enfant est laissé
sans lumière, quand la femme est maintenue
sans initiative, quand la servitude se déguise
sous le nom de tutelle, quand la charge est
d'autant plus lourde que l'épaule est plus faible,
et l'on reconnaîtra que, même au point de vue
de notre égoïsme, il est difficile de composer le
bonheur de l'homme avec la souffrance de la
femme.
Je vous serre la main, monsieur.
VICTOR HUGO.
LE GRAND PRIX DE PARIS
Le grand prix de Paris a été couru, dimanche
sur la piste de Longchamps, au milieu d'une
foule immense et par un temps superbe, quoi-
que incertain.
Les tribunes étaient pleines. Les plus jolies
femmes de Paris semblaient s'y être donné ren-
dez-vous. Les toilettes étaient fort élégantes.
Dans la tribune du milieu, entourant M. le
président de la République, dont le visage tra-
hissait une santé excellente et un air de belle
humeur, on remarquait le prince et la princesse
Orloff, le maréchal Mac-Mahon, le général de
Cissey, le général Ladmirault, M. Victor Le-
franc, M. de Rémusat, M. et Mme Léon Say,
Mme Jules Simon, le duc et la duchesse de Gal-
liera, Mlle Dosne, M. Horace de Choiseul, les
généraux Vinoy, Appert, Clinchant, Douay, M.
Teisserenc de Bort et le préfet de police, M.
Léon Renault.
Avouons-le avec courage : la France a été
vaincue dimanche, comme nous l'avons annoncé
hier.
Le vainquenr du grand prix est Crémorne, ap-
partenant à M. Savile.
Le montant du prix gagné par M. Savile s'é-
lève à 138,300 francs.
Le duc de Hamilton et M. Lefèvre touchent,
le premier 10,000 f., et le second 5,000 f., comme
propriétaires de Barbillon, arrivé 28, et de Reine,
arrivée 3e.
La victoire du cheval anglais a été très-peu
acclamée. Seuls, les membres du Jockey-Club,
1 par courtoisie sans doute, ont poussé des hour-
rahs formidables devant le vainqueur.
Crémorne s'est embarqué hier pour Ascot où
l'attendent de nouveaux lauriers, en présence de
la reine Victoria.
Le retour des courses dans Paris a été jfort
animé, surtout aux Champs-Elysées.
On estime à plus de cent mille le nombre des
curieux qui ont foulé avant-hier la plaine de
Longchamps.
Il paraît que M. Savile a gagné près de
600,000 fr. dans cette journée.
Par contre, beaucoup de parieurs, partisans de
Berryer et de Revigny, auraient perdu des sommes
considérables.
h'Avenir national assure que la victoire de Cré-
morne a causé de véritables catastrophes, sur-
tout dans le camp des partisans de Little-Agnèss
que sa récente victoire sur Bevigny avait mis en
vedette.
Dimanche soir, au café Riche, le bilan des pa-
rieurs battus était effrayant- On citait entre au-
tres la perte de cent mille francs faite par' M. le
duc de B..., pour avoir trop compté sur le pou-
lain du duc d'Hamilton.
Espérons que la France prenira sa revanche
la semaine prochaine.
Du reste, nous sommes actuellement manche;
à manche avec l'Angieterre.
Elle a remporté le grand prix quatre fois de-
puis sa fondation. La France a vaincu quatre fois
également.
AMÉDÉE BLONDEAU.
PARIS
LA SANTÉ PUBLIQUE. — Le bulletin de la morta-
lité, à Paris, du 23 au 29 mars, présente à peu
près les mêmes chiffres que la semairu précé-
dente : 825 décès au lieu de 844.
Parmi les causes, nous relevons II cas de
rougeole, — 18 de fièvre typhoïde, — 45 de
bronchite, — 60 de pneumonie, — 6 d'angine
couenneuse, — 17 de croup, — 165 de phthisie.
En 1870, la semaine correspondante avait donné
1,262 décès.
LES PARENTS IMPRUDENTS. — On ne saurait trop
signaler les accidents dont l'imprudence des pa-
rents rend les enfants victimes.
Avant-hier, le sieur Pariot, charron, rue Myr-
rha, 37, avait laissé sa fille, âgée de cinq ans,
seule dans sa chambre, où se trouvaient un poêle
allumé et des vêtements au séchage autour de
ce poêle. Une étincelle jaillit sur ces vêtements
et y mit le feu. La pauvre petite voulut les
éteindre; les flammes gagnèrent sa robe, si bien
qu'à sa rentrée le père trouva l'enfant étendue
sans connaissance sur le carreau et atteinte de
brûlures très-graves. On l'a portée à l'hôpital
Lariboisière, mais les médecins désespèrent de
la sauver.
La veilie pareil malheur était arrivé chez la
dame Lecourt, blanchisseuse, rue Blomet, qui
avait laissé enfermés sous clé ses quatre petits
enfants et qui, à son retour du lavoir, a trouvé
complètement carbonisée l'aînée de ces enfants,
âgée de sept ans. Les autres enfants avaient
heureusement échappé. — G. Y
BONDY. — L'exploitation de la voirie de Bondy
a été adjugée avant-hier à une compagnie an-
glaise.
Les anciens concessionnaires — compagnie
Lesage et Richer — ne payaient les matières en-
voyées dans les bassins qu'à raison de 70 cent.
le mètre cube.
Aujourd'hui ces mêmes produits seront payés
6 fr. 07 c., c'est-à-dire que le prix en est pres-
que décuplé. Au lieu de 300,000 francs, c'est
près de 5 millions qui vont, de ce chef, rentrer
annuellement dans la caisse municipale.
Les matières désinfectées et transformées en
riches engrais, cessseront d'incommoder et d'em-
pester les quinze ou seize communes qui envi-
ronnent Bondy.
Mme Chappe, somnambule sous la direction d'un
médecin, de 1 heure à 4 heures, rue de Turin, 231
TRIBUNAUX
3e CONSEIL DE GUERRE
Présidence du colonel Dulac.
Fin de l'audience du 8 juin.
Affaira du fort de Vincennes. — Oc-
cupation et tentative de reddition
du fort aux Prussiens par les in-
surgés. — Arrestations illégales.
— Pillages.
L'interrogatoire des accusés terminé, M. le prési-
dent passe à celui des témoins.
Le premier d'entre eux, le sieur Simon Gafiré, né-
gociant, maire de VIncennes) dépose ainsi :
Le 20 mars, j'ai reçu un ordre de la Commune de
Paris pour livrer le fort de Vincennes. J'ai prévenu
le général Ribourt. Le lendemain, 3,000 Parisiens
sont arrivés, et lorsque les habitants de Vincennes
allaient occuper le fort, les ouvriers ouvrirent les
portes et tout te monde s'y précipita pêle-mêle. La
convention n'autorisait qu'une garnison de 200 hom-
mes et non de 3,000. M. Faltot m'a prévenu que je
ne commandais plus la garde nationale de Vincen-
nes. J'ai voulu faire voter les habitants sur le dra-
peau à mettre à la mairie. J'ai dressé procès-verbal
de l'envahissement de la mairie ; on m'a acclamé et
plusieurs m'ont embrassé. Debray est l'un des onze
qui se sont emparés de la mairie. Le 16 mai, je me
suis retiré à Fontenay.
M. Collin, adjudant d'artillerie. — Je suis resté au
fort, jusqu'au 24 avril. Je gardais les magasins d' -
bllleinent ; j'avais un grand nombre de eheva.\u¡
Faltot me donna un certain nombre d'hommes pou?
les soigner. On n'a pas pillé mon magasin, mais qv'
m'a forcé de donner des effets. Faltot m'a offert de
l'a ,--incemeiit et de l'argent que j'ai refusé Le 24
avril au matin, Faltot fils m'a engagé à partir, car
cela devenait dangereux. Je l'ai remercié et, avec le
maréchal-des-logis de mon régiment, j'ai pu arrivât
à Fontenay. Faltot fils devait s'enfuir avec nous.
M. Guilhem, commissaire de surveillance au che-
min de fer, était à Nogent-sur-Marne, et avait sou-
vent affaire au général bavarois qui y séjournaIt. Le
général envoyait des parlementaires pour faire main-
tenir les conventions. Un jour, dit te témoin, le gé-
néral me montra la lettre signée par les officiers eo.
s'écriant : « Qu'en pensez-vous ? Ces gens-là se di-
sent officiers de la garde nationale ! Ce ne sont pas
même des Français. »
On entend ensuite le témoin Pavillon.
M. le président. — En quelle qualité serviez-vous
dans l'armée? — R. J'ai servi dans l'armée neuf ans
en Afrique, de 1844 à 1853.
D. Bien ; mais à Paris, pendant le siège et la Com« •
mune, qu'étiez-vous? — R. J'étais chef d'c:,:cadron.
d'état-major des gardes nationales de la Seine.
D. Dites-nous ce que vous savez. — R. Dans 18;'
courant du mois de mai j'obtins l'autorisation d4
rallier les gardes nationaux de l'ordre, ceux de Vin- ;
cennes et des communes environnantes afin de ten,
ter un coup de main pour reprendre le fort de Vin-
cennes. Je m'étais installé à Fontenay pour créer
des intelligences avec Vincenues et rallier les forces
qui m'étaient nécessaires.
Les anciennes autorités de Vincennes me prêtèrent
leur concours et m'assurèrent celui des gardes na.
tionaux de l'ordre; elles me mirent en rapport avec
le garde d'artillerie du fort qui se chargeait de nous;
introduire dans la place la nuit, par la.' poterne qui
est derrière le donjon.
Sur le point d'agir, ces notables de Vincennes
voulurent, avant toute tentative, faire une démarche
à Versailles, auprès du Gouvernement. Je les con-
duisis auprès du ministre de l'intérieur.
Le ministre les renvoya au lendemain pour leur
donner une réponse. j ï
Le jour même, en quittant le ministère, nous ap*
prîmes la rentrée des troupes dans Paris. ( <
C'était le 21 mai. Quelques jours après, je me reiî-î
dis à Vincennes avec les gendarmes, le commissaire')
de police, l'adjoint du maire M. Minot ; nous rén"'
nîmes les gardes nationaux, nous occupâmes la mai. •
l'je et fîmes changer le drapeau rouge. <
Il était huit heures du soir, je me présentai auf
tort et demandai le colonel Faltot. i i
Là, je remarquai qu'un individu, qui avait une fi..tf
gure ignoble, avait une très-grande autorité sur léST
au!res; cet individu a été fusillé, c'est, je crois, ïs
nommé Violet (Vialiet). ;
Je leur remis mes pouvoirs et ils me firent passer
dans une autre salle pour ne pas délibérer en ma.'
présence. Leur décision se résuma ainsi : le gouver-';
nement leur donnerait douze passeports en blanc
pour passer en Suisse, et en échange ils me reniet,- !
traient le tort. " >
Je me retirai, jugeant en moi-même qu'il était
inutile de faire au gouvernement une pareille ouver-
ture. Je pressentais bien, par l'approche de la fusillade
vers la barrière ci Il Trône, que !a remise du tort n'é-
tait qu'une question de temps.
Je me rendis à Saint-Denis et de là à YCl'sp.iIleg.,,'
Le 28, au matin, la porte de Vincennes était occupée *
par les troupes du général Vinoy, qui était rue
Picpus.
Le général me l'envoya. à Vincennes. Je dis à Faltot*
que des ordres étaient arrivés de Versailles; que la
général Vinoy voulait que la garnison se rendit à
discrétion. Les fédérés refusèrent de rendre 1'0 fore
sans avoir des conditions écrites. ; J,
J'eus l'occasion de parler quelques minutes à Fa!':;'
tôt seul ; il me montra un ordre signé des membres'
de la Commune qui lui avaient confié le comman- *<
dement du fort, en me disant : « Je ne puis pas tra*^
hir, je ne dois pas rendre le fort. » Je l'engagea; h■
monter sur le 'donjon pour contempler l'œuvre --
gens auxquels il vouiait rester fidèle, et lui fis j
en môme temps de la fusillade des otages; il ba
la tête et parut consterné. «
— Je ne puis pas, me dit-il, je ne suis pas le maSV:
tre icf et suis surveillé de tous côtés.
C'est alors que je lui proposai de faire arrêter cens,
qui s'obstinaient à ne pas rendre le fort et de .le*'
faire incarcérer au donjon, l'assurant que tous CC!!'::':
qui participeraient à cette tâche atténueraient leur
faute et' obtiendraient l'indulgence du conseil ê#'
g!.erre.
Je le quittai. Ses fils, sa femme, l'aumônier, f
mon instiugation, le poussèrent dans'cette voie-là, ,
Le,29 au matin, à sept heures moins dix minuM:^
le général Hoff se retira sans bruit avec ses troupes*'
Les fédérés s'étaient aperçus de la retraite des Al-
lemands ; je craignais qu'ils he profitassent de 7A~
moment pour évacuer le fort. Aussi, je n'hésitais
N° 53. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XIII
Ruses et faits de guerre
L'espèce de pénitence, imposée par sœur An-
nonciation à Mlle Bernard, produisit sur celle-ci
un effet aussi étrange qu'inexplicable.
— Quoi! balbutia-t elle d'une voix haletante,
Je resterai... seule... en prière... la nuit... dans
notre chapelle... devant la statue de la Vierge
qui tient le rameau d'or !...
— C'est la forme consacrée de la Réparation,
répondit laprofesse. Craignez-vous donc que sainte
Marie vous punisse de votre petit accès d'incré-
,dnlité?
— Non... non... J'obéirai... Je remplacerai
sœur Prisca... Je...
Le trouble croissant d'Elise lui coupa la pa-
role. Peut-être même aurait-il attiré l'attention
soupçonneuse de la surveillante, si la cloche,
carillonnant la fin de la récréation, ne lui eût
rappelé, en même temps, que la règle de son
ordre prescrivait une courte oraison, quand son-
nait une heure quelconque.
Pendant qu'elle priait avec ferveur, sa proté-
i gée se remit un peu; et toutes deux se mêlè-
i rent bientôt aux groupes d'élèves qui rentraient
j en classes.
j — Après la Réparation, dit alors Annonciation
| à la jeune fille, vous rédigerez la réponse à la
j lettre de votre bienfaiteur. Aussitôt écrite, vous
: la soumettrez à la révision de notre révérende
] supérieure : elle daignera vous attendre, afin
que la missive, jetée à la poste aujourd'hui,
puisse partir pour le Havre par le courrier de
demain matin.
Mlle Bernard se soumit sans doute scrupuleu-
seument aux invitations de sa sous-maîtresse,
car, dans la soirée, vers dix heures, elle se pré-
senta au parloir particulier de la mère Sainte-
! Agnès."
j Elle tendit à la majestueuse religieuse, avec
j les marques de respect d'usage, une feuille de
de papier, presque entièrement couverte de fine
et élégante écriture.
— Comme vous tremblez, ma chère enfant,
remarqua, non sans quelque surprise, l'a&ci;ique
directrice.
— C'est que... j'ai eu froid... et peur... à la
Réparation, révérende mère, répondit d'une fa-
çon presque inintelligible la pupille du philo-
sophe.
Et elle s'affaissa, plutôt qu'elle ne s'assit, sur
un escabeau, quoique ce fût chose défendue de-
vant la supérieure.
Celle-ci, absorbée par sa lecture de censeur,
ne remarqua point l'infraction.
Après avoir mûrement pesé les termes de l'é-
crit, elle y aj^vita quelques lignes de sa main,
puis tourna la tète vers Elise, qui se releva,
poussée par un invisible ressort.
C'est convenable comme forme et comme
français, dit-elle sentencieusement . Donnez-moi
votre enveloppe, que j'y cachette ces pages.
— Oh! révérende mère, ne prenez pas cette
peine, je vous en conjure! s'écria alors la pen-
sionnaire, qui sembla subitement galvanisée.
D'un mouvement où l'empressement avait un
caractère fiévreux, elle enleva le papier des
doigts de la religieuse, et, le remettant en qua-
tre, l'introduisit rapidement dans le pli gommé
qu'elle mouilla et referma avec la même viva-
cité de prestidigitateur.
Cepennant, la promptitude de l'opération n'ex-
pliquait pas suffisamment la sueur qui lui cou-
lait des tempes, en achevant la fermeture de sa
lettre.
La pièce était à peine éclairée, selon l'humble
ou parcimonieuse habitude des institutions con-
gréganistes. Mère Sainte-Agnès ne remarqua pas
l'extraordinaire émotion de sa visiteuse, qu'elle
congédia du geste, en gardant devers elle le
message, dûment cacheté et adressé.
— Mon Dieu! murmurait avec angoisse la fille
putative de Cambronne, en gagnant son dortoir,
pourvu qu'on ne s'aperçoive de rien!... 0 Vier-
ge miséricordieuse, m'absoudrez-vous jamais de
mon sacrilège!
Quel qu'il fût, il resta sans doute ignoré, et
n'eut pas de suites fâcheuses pour la coupable,
car, à l'époque où commença l'étrange guerre
déclarée par le vieux chiffonnier au couvent du
Gros-Caillou, Mlle Elise Bernard y était généra-
ment considérée" comme la meilleure, la plus
distinguée et la mieux instruite des pension-
naires.
Pourtant elle eut un moment de naïve terreur
à l'apparition des serpents du père Dehayes ;
elle crut à un châtiment céleste, dirigé tout spé-
cialement contre elle 1
Mais, comme pour rassurer sa consciencè ù -
i morée, les anguilles de buisson ne lui adressèrea?.
pas l'ombre d'une insignifiante démonstration. ■ \
Car le lecteur a deviné quelle mystérieux
besogne brassaient certaine nuit, dans la g ;
gouille du moutier, Matagatos, transformant p<î.?
ablation les matous monacaux en lapins
gouttière, et le charmeur de reptiles les rempli
çant par les plus familières mais les plus inof«[
fensives de ses couleuvres. < , .)
Hâtons-nous de le dire à la gloire du TucK?^'
ayant vendu très-bien ses trois superbes civets-
apocryphes à un restaurateur de la barrière
Maine, s'étant avantageusement débarrassé ils
ses trois fausses peaux de martre-zibeline che2:
un fourreur du Temple, il dédommagea ample -
ment, sans en souffler mot à Cambronne, !#
trappeur parisien du sacrifice de ses ophidiens.,"
que celui-ci prenait dans les bois des cnvirorl;;;'
et que certains gargottiers lui payaient moitié
du prix ordinaire des anguilles, afin d'en confo
tionner des pseudo-matelottes. (Authentique,)-'
Cependant, le jardinier du pensionnat se livrât'
à une telle chasse aux rampants que, le lende»'
main de leur invasion, il n'en restait plus un d&
vivant sous les herbes.
Cela n'en bouleversa pas moins la bcnoîf4
communauté pendant quarante-huit heures. Au
moindre froissement insolite de leurs jupes, c'é-
taient des cris d'effroi parmi les élèves, se 8upr<
posant étreintes-à la façon du groupe terrible de
Laocoon. Les sœurs laies et même plusieurs
professes eurent de cruelles transes, car souvsat'
leur imagination troublée changea en boa coiiS»
trictor la corde de leur ceinture, battant leuff
genoux dans l'obscurité.
(La mité à dmuêid
JULES CAUVAIN.
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