Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1928-05-07
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 mai 1928 07 mai 1928
Description : 1928/05/07 (Numéro 128). 1928/05/07 (Numéro 128).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k2954955
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LOUÉ PAR CEUX-CI, BLÂMÉ PAR CEUX-LA, ME MOQUANT DES SOTS, BRAVANT LES MECHANTS,
JE ME PRESSE DE RIRE DE TOUT. DE PEUR D'ÉTRE OBLIGÉ D'EN PLEURER.
•;»̃ BEAUMARCHAIS.
Édité en ['Hôtel du FIGARO
14, Rond-Point des Cfiamps'ECyse'es. Paris C& ArrondJ
Io3" Anne* B." 128 de 1923
PuBftcations Annexes LE FIGARO Littéraire,
LE FiGARO Artistique liïustre'. LE FIGARO des Etats-Unis,
La Page Cofoniafe% «
LUNDI 7 MAI 1928
LUNDI 7 MAI 1928
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CHRONIQUE DU « FIGA RO »
Jardins secrets
Il est entendu que tout ce qui de-
vient doit périr, et que les plus belles
œuvres humaines sont, en partie du
'moins, caduques au bout de quelques
années. On choisit d'ordinaire, pour
s'en apercevoir, l'occasion d'un anni-
versaire, un centenaire de préférence,
et les survivants, avec une satisfaction
mal déguisée, prennent soin de consi-
gner cette observation très philosophi-
que dans leurs éloges, afin que ceux-ci
ne ressemblent point aux roses du Ben-
gale, qui sont sans épines mais sans
parfum.
Les survivants n'ignorent pas que pa-
reille mauvaise fortune leur est réser-
vée mais comme ,ils ne seront plus là
pour le voir, ils s'en consolent par avan-
ce aisément, et le précédent des confrè-
res qui ont quitté ce bas monde avant
eux les aide à se faire une raison. Et
puis, sait-on jamais ? Ils se flattent
peut-être de tourner la loi fatale.
On n'a point rompu avec un usage si
humain trop humain à propos de
la commémoration de Taine, et la plu-
part de ses livres ont passé un mauvais
quart d'heure le quart d'heure du cen-
tenaire, qui est quelque chose comme
•celui de Rabelais dans l'ordre de la cé-
lébrité. Mais voici où les détracteurs
du maître ne s'attendaient guère ce
qui, du monument qu'il a si laborieuse-
ment élevé, a semblé dater plus et
menacer ruine, ce n'est point telle doc-
trine hasardée, tel système trop rigide,
telle formule inutilement provocante
ce sont les deux plus honorables traits
de son caractère et que, par paren-
thèse, ils puissent nous étonner, nous
choquer à ce point, cela n'est pas trop
honorable pour l'époque charmante où
nous avons la disgrâce de vivre.
Citez devant un jeune homme d'au-
jourd'hui (entre quinze et quarante
ans) la fière épitaphe que Taine a rédi-
gée pour sa tombe, Veritatem unice di-
lexit, et traduisez-la, car le jeune hom-
me d'aujourd'hui n'entend pas le latin
vous le verrez sourire avec un air de
supériorité. Pour le jeune homme d'au-
jourd'hui, qui n'entend pas non plus
très bien le français, et à qui toute spé-
culation est indifférente, sauf au sens de
l'industrie, du commerce ou de la bour-
se, la vérité, surtout si l'on commet
l'imprudence de lui attribuer une ma-
juscule, est une de ces idoles que Ba-
con a dénoncées, une de ces entités que
Taine précisément a poursuivies de ses
sarcasmes. Aimer la vérité Et pour
elle-même ? On n'en revient pas. Quel
ingénu Quelle dupe Nos contempo-
rains, qui affectent en leur langage un
aimable laisser-aller, diraient plus vo-
ilontiers « Quelle poire! » A moins tou-
tefois qu'ils ne prennent la chose au
tragique et ne déclarent ennemi du
peuple le maniaque dangereux qui avait
cette superstition de la vérité.
Mais ce n'est point encore là ce qui,
îchez Taine, scandalise plus nos con-
temporains d'âge tendre ou presque
mûr l'auteur de l'Intelligence et des
jOrigines n'a-t-il pas affiché cette pré-
tention inouïe d'interdire aux prome-
neurs, aux curieux, aux badauds l'en-
trée de son jardin secret ? Il a, en ter-
mes plus familiers, invité le- public de
son temps et la postérité e!le:-mJêm,e à se
mêler de ce qui les regarde.
Il n'a pas défendu que l'on imprimât
ses lettres, parce qu'elles peuvent offrir
quelque intérêt d'ordre philosophique
ou, littéraire mais il a commandé que
J'on en retranchât tout ce qui aurait pu
devenir sujet de conversation dans le
salon de Mme Gibou, et ses volontés
dernières ont été observées scrupuleu-
jsement.
De son vivant, il a fui l'interview et
tenu les photographes à l'écart. Mau-
passant voulut un jour faire un procès
à Charpentier, son éditeur, qui avait
reproduit en tête d'un livre nouveau sa
photographie, sans autorisation mais,
a l'époque où Maupassant faillit enga-
ger ce procès, outre qu'il était Nor-
mand, il avait déjà des bizarreries. C'est
en parfaite santé de l'esprit, sinon du
ebrps, que Taine manifesta cette pho-
bie du portrait et naturellement pour
de tout autres motifs que Lamartine,
qui ne souffrait point que l'on répandît
dans les journaux des caricatures de
son visage, « fait à la ressemblance de
Pieu ».
Il n'est pas surprenant que cette atti-
tude, ce quant-à-soi de Taine irrite, of-
fense les hommes de ce temps-ci car
elle est comme une critique indirecte
et anticipée, mais nette et fort dure de
deux de leurs pires défauts ou, plus
exactement, de leurs pires vulgarités.
Deux sentiments se sont depuis peu
presque totalement perdus, qui avaient
jusqu'alors passé pour indispensables
à la bonne tenue de la société l'élé-
mentaire pudeur à l'égard de nous-mê-
mes et l'élémentaire discrétion à l'égard
d'autrui.
Ce que l'on ose écrire de soi dans les
js ouvenirs, mémoires ou autres groduç-
tions similaires passe toute imagina-
tion on ne parle pas de la décence. Il
est concevable que, selon le précepte
évangélique, ici bien étrangement ap-
pliqué, on se croie libre de traiter en-
suite le prochain comme l'on s'est traité
soi-même et si le prochain se rebiffe,
c'est très sincèrement que l'on tombe
des nues. On se rappelle ce mot d'un
chambellan de la reine Victoria, refu-
sant pour elle, au cours d'un voyage
royal, un présent de bas de soie « Une
reine d'Angleterre n'a pas de jambes. »
Aujourd'hui que toutes les femmes les
montrent jusqu'au-dessus du genou,
quelle femme oserait les cacher, et une
reine même oserait-elle dire qu'elle n'en
a pas ?
On a la rage de vivre dans une mai-
son de verre ce n'est pas pour ne rien
cacher, c'est pour tout montrer. On re-
proche à Taine, comme une injure aux
moeurs présentes, de n'avoir pas con-
senti de vivre dans une maison de
verre, quoiqu'il n'eût rien à ca-
cher. J'ai même vu je ne sais plus où
qu'on lui reprochait de n'avoir jamais
eu rien à cacher Cela nous juge.
Pour être tout à fait équitable, il faut
reconnaître que ces façons de mufles
l'Académie, qui ne tient compte que
du bon usage de la langue, mais qui
est bien forcée de tenir compte du mau-
vais usage des mœurs, a dû récemment
accueillir ce mot inélégant ces fa-
çons, dis-je, de mufles, ne datent pas
à la rigueur des dix dernières années.
Certaines notes, par exemple, du jour-
nal des Goncourt sont comme une pré-
figuration (bien atténuée par la cour-
toisie parfaite de ces deux gentilshom-
mes de lettres), une préfiguration des
naïvetés disons naïvetés que
l'on se permet aujourd'hui sans songer
à mal. On sait comment le bon Zola a
timidement insinué que ses amis Gon-
court n'avaient peut-être pas toujours
très bien compris ses prupos. Taine.
plus rude, dit crûment que les Goncourt
ne comprenaient rien de ce qu'ils écou-
taient, « faute d'une culture suffisan-
te ». Il rompit avec ses « amis ». Je me
souviens que Goncourt en était ulcéré,
et se targuait d'avoir été, contre les ap-
parences, fort discret car il n'avait
point raconté une indigestion de Taine
chez la Princesse. Nous retrouverons
probablement cette indigestion dans le
journal encprc inédit. Que tout cela est
donc intéressant 1
Abèl Hermant,
de CAcaJémïe français*.
LA S.F.I.O. v
APRÈS LA BATAILLE
Est-ce de l'amour, est-ce de la haine
que j'éprouve pour cette fille-là ? se de-
mandait Lassouche, dans un vaudeville du
Palais-Royal.
Est-ce de l'amour, est-ce de la haine
que nous avons pour ces communistes ?
se demandaient hier, en leur Congrès,
les socialistes de la Seine. Certes, ils sont
bien en colère contre le parti de Moscou
dont l'attitude, au second tour, leur a coû-
té tant de pertes. Mais ils en parlent com-
me des amoureux trahis et qui ne deman-
dent qu'à pardonner. Et M. Léon Blum,
résumant les sentiments de la majorité de
son parti, de s'écrier « Plutôt un com-
muniste qu'un réactionnaire avéré. » (Mais
où commence la réaction ?) Et, sans doute,
à la manière d'Alceste, le leader du parti
S. F. I. O. doit penser que son faible est
étrange! pour ces bolchévistes qui ont dé-
gradé une partie •de la classe ouvrière
« Moscou a perverti les chefs, les chefs
ont perverti leurs troupes, » Et cepen-
dant, M. Blum ajoute « Plutôt Duclos
que Kerillis %̃
Eh parbleu, on le savait bien. Et point
n'était besoin de la séance d'hier pour
être persuadé que, quelque mauvaise hu-
meur que puisse éprouver le socialisme
contre ces enfants terribles que Moscou a
gâtés, ils resteront les frères dont on a
besoin et dont il ne se séparera jamais
que momentanément et en surface.
Au Congrès d'hier une autre question
s'est posée « Sommes-nous vainqueurs
ou vaincus ? ,» Poser la question, c'est la
résoudre. Jamais cliché ne reprit mieux
son relief que celui-ci dans la circons-
tance. Un parti a toujours tendance, après
la bataille, à exagérer son succès, à dimi-
nuer ses échecs. Le doute est un indice
péjoratif. Et cet orateur a eu raison qui
a fait remarquer que pour un parti révo-
lutionnaire piétiner c'est reculer, et que
lorsque les chefs du parti sont battus, par
exemple, dans la Seine, le Nord et la Haute-
Vienne, crier victoire est risible.
C'est pour cela ausi que le socialisme
ne se séparera pas de sitôt ni des mé-
chants communistes de gauche, ni des so-
cialisants radicaux contre lesquels se dé-
chaînaient hier certains candidats mal-
heureux du deuxième tour.
Henri Vonoven.
LE FIGARO
Fondé le 14 Janvier 1826
Anciens Directeurs H. DE Villemessant,
F. MAGNARD, G. CALMETTE, A. CAPUS,
R. DE FLERS.
ADMINISTRATION RÉDACTION PUBLICITÉ ANNONCES
14, ROND-POINT DES CHAMPS-ELYSÉES. PARIS
Téléphone Flysées 12-58, 12-61, 02-65, 98-31 à 98-34.
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On s'abonne dans tous les Bureaux de Poste de France 1
Chèoue postal J4*-S3 Paris
A Strasbourg
et à Metz
M. Raymond Poincaré vient de
prendre la parole à Strasbourg
v et à Metz. Ses discours étaient
attendus par toute la r rance, qui sait com-
ment de lamentables campagnes de pro-
pagande antinationale jettent le trouble
dans les départements recouvrés, et com-
ment les mécontentements nés des erreurs
de la politique sont âprement exploités. Les
élections sont d'hier le procès de Colmar
dure encore. C'est dans ces circonstances
que le chef du gouvernement a fait enten-
dre sa voix.
Par trois discours, où les souvenirs per-
sonnels se mêlent à l'évocation de l'His-
toire, il a, avant d'arriver à une conclusion
d'ordre politique, rappelé avec émotion
tout ce qui atteste l'intimité, l'affection, la
confiance qui lient les départements recou-
vrés à la patrie. A Strasbourg d'abord,
s'adressant aux Amis de l'Université, M.
Poincaré a parlé de cette sensibilité et de
cette intelligence alsaciennes, que l'Alle-
magne, préoccupée d'étouffer la voix des
consciences, prétendait soumettre à la cul-
ture germanique, et il a défini le rôle ma^
gnifique que joue en France et dans le
monde le foyer spirituel placé aux confins
de deux civilisations.
A Metz ensuite, à la fête du Souvenir
Français, le président du Conseil a rap-
pelé les heures splendides qui ont suivi
l'armistice, et les jours qui ont suivi la paix,
durant lesquels, malgré des désillusions, la
France était consolée de bien des tristesses
par le retour au foyer national des dépar-
tements retrouvés après une si longue sé-
paration. Il a affirmé avec force .que la
France était résolue à ne jamais se laisser
reprendre la moindre parcelle de l'Alsace
et de la Lorraine, que d'ailleurs nos voi-
sins se sont engagés à ne jamais reconqué-
rir, et il a ajouté qu'elle ne consentirait pas
non plus à la création d'un Etat neutre et
autonome, dont la vie fragile préparerait
fatalement de nouveaux conflits,
Enfin, dans l'atmosphère ainsi créée par
ces déclarations, M. Raymond Poincaré
a prononcé, au banquet des maires à Metz,
les paroles d'ordre politique qui étaient né-
cessaires. Il a dit que le gouvernement avait
promis dès la première heure aux dépar-
tements recouvrés de s'inspirer de leurs
vœux, de conserver aussi longtemps qu'ils
le désireraient leur statut scolaire et reli-
gieux, c'est-à-dire l'instruction confession-
nelle et bilingue, et le régime concordataire.
Ces promesses-là ne doivent jamais être
oubliées elles doivent être tenues par les
administrations et les délégués du gouver-
nement. C'est pour s'en être écarté que
l'extravagante et coupable politique du
Cartel a provoqué une douloureuse agita-
tion. Les paroles prononcées à Strasbourg
et à Metz par le président du Conseil, qui
a les affaires d'Alsace et de Lorraine sous
son contrôle, constituent un engagement so-
lennel et annoncent une politique qui de-
vra se traduire exactement dans la réalité.
ANDRÉ CHAUMEIX.
LA'COUPE DE FRANCE
VICTOIRE
DU RED STAR OLYMPIQUE
Le président de la République a assisté
hier à la rencontre finale de la Coupe de
France de football jouée sur la pelouse du
grandiose et si plendide Stade Olympique
de Colombes, entre les équipes parisiennes
du Red Star-Olympique et du Cercle Athlé-
tique de Paris.
C'est au Red Star que sont revenues la
victoire et la garde, pendant un' an, du tro-
phée qui la consacre.
Le Red Star a gagné par 3 buts à 1.
L'écart des points ne traduit pas éqùitable-
ment la physionomie d'une rencontre dans
laquelle l'équipe qui a succombé n'a été
récompensée ni de son jeu infiniment plus
joli, plus élégant, plus travaillé, ni de ses
efforts. Elle n'a pas su, il est vrai, saisir la
victoire qui tant de fois s'est offerte à elle.
Une hésitation, de l'affolement à l'instant
décisif lui ont fait perdre d'admirables oc-
casions.
Plus athlétique, plus équilibrée, prati-
quant un jeu sobre, robuste et pénétrant,
l'équipe du Red Star a tiré par contre une
victorieuse part à une près de toutes
les occasions qu'elle eut de marquer.
L'équipe qui a gagné s'est, au surplus,
montrée solidement constituée. Elle a fait
preuve d'une remarquable entente entre
toutes les lignes dans l'attaque et la dé-
fense.
Après le match, le président de la Ré-
publique, qu'accompagnait M. Bokanowski,
ministre du commerce et de l'aéronauti-
que, s'est fait présenter les joueurs des
deux équipes, a félicité l'équipe victorieu-
se, celle du Red Star, et loué de sa vail-
lance l'équipe battue, celle du Cercle
Athlétique de Paris, dont la victoire tant
désirée en raison de son exemplaire car-
rière sportive aurait été follement accla-
mée par la foule 20.000 spectateurs,
Frantz-Reichel.
(Voir le compte rendu de la partie en ru-
brique sportive).
EN DEUXIEME PAGE
LA CHRONIQUE DRAMATIQUE
par Mme Gérard d'Houville
En troisième page Le Congrès so-
cialiste. un quartier d'Antomj sous
les eaux. d
LES AFEAIRES EXTÉRIEURES
Le Drame Chinois
Le deuxième acte du drame chinois sem-
ble toucher à sa fin.
Au début de la guerre civile les Sudistes
partirent en guerre contre le Nord pour
s'attaquer à la forteresse du mandarinat.
Ce fut la période héroïque. L'enthousiasme
qui animait les troupes et leurs jeunes
chefs, les porta, en marches rapides, de
Canton aux rives du Yangtsé, mais les dé-
vastations, les troubles et attentats qui
signalèrent leur passage, en particulier à
Hankéou et à Nankin, ne pouvaient laisser
indifférents les organisateurs de la révo-
lution mondiale. Les agents de Moscou qui
furent les inspirateurs de ces désordres,
prirent bientôt la haute main sur les chefs
du mouvement le virus bolchévique péné-
tra bientôt le corps social de la Chine, au
point de paralyser les efforts de ceux qui
voulaient orienter la jeune République vers
des destinées meilleures, en rapport avec
les justes aspirations d'un peuple honnête
et travailleur.
La IIP Internationale crut pouvoir ex-
ploiter, conformément à son programme de
désagrégation universelle, un terrain qui
lui paraissait éminemment favorable à l'ac-
complissement de son œuvre destructive.
Ici, il fit fausse route. Le bon sens popu-
laire se révolta contre le régime de barba-
rie qui sapait les bases d'une civilisation
millénaire pour lui substituer une dicta-
ture, cruelle et tyrannique, comme la vieille
Chine n'en avait jamais connu sous ses
souverains les plus indignes.
A l'encontre de ce qui s'est passé dans
certains pays d'Europe, le bolchévisme fut
balayé en quelques mois; il a seulement
laissé certains foyers mal éteints qui pour-
raient provoquer un nouvel incendie si les
maîtres de la Chine nouvelle laissaient atti-
ser le feu par le souffle venu de Moscou.
Ayant échappé, dans une certaine mesure,
à l'emprise communiste, les partis en pré-
sence, désormais plus libres de leurs mou-
vements, ont déclanché une offensive gé-
nérale la guerre civile a repris un cours
plus rapide pour aboutir cette fois, semble-
t-M, à un résultat décisif bien qu'il soit
prudent de réserver ses pronostics quand
il s'agit d'un pays où l'on se bat en négo-
ciant et où il est plus difficile de distinguer
quel est l'ennemi que de savoir où il se
trouve.
Il est à remarquer que les opérations se
sont toujours déroulées le long des voies
ferrées, le réseau routier né se prêtant pas
au transport rapide des hommes, du maté-
riel et des approvisionnements. C'est en
suivant la Jigne de Nankin,, à Tientsin que
l'armée du généralissime sudiste, Chang
Kaï Chek, s'est avancée jusqu'au cœur du
Chantoung déjà la capitale de cette pro-
vince, Tsi-Nan-Fou, est tombée en son pou-
voir. Un événement très grave, moins en
lui-même que par ses conséquences, a mar-
qué l'entrée des troupes victorieuses dans
cette ville.
"*2Ç •̃̃•̃'•̃ •̃••̃-•
,Le Japon, inquiet de la tournure que
prenaient les événements et, surtout, de la
direction suivie par l'armée nationaliste,
avait récemment augmenté sa garnison de
Tsin-Tao (ancienne colonie, allemande) et
envoyé des renforts à Tsi-Nan-Fou pour
protéger ses nationaux. Les troupes chi-
noises ayant envahi la concession japo-
naise, une collision s'est produite, qui s'est
transformée en une véritable bataille en-
tre 4.000 Japonais et 35.000 Chinois.
Chang Kaï Chek vient d'arriver sur les
lieux il constatera, une fois de plus, que
ses soldats, comme d'ailleurs ceux du Nord,
échappent à la main des chefs il fera sans
doute des excuses, et les opérations se
poursuivront, tandis que le Japon, accrois-
sant vraisemblablement ses effectifs dans
la zone des belligérants, n'oubliera pas l'in-
jure qu'il a subie 'et dont jl gardera un
profond ressentiment..
Actuellement, le Nord est en mauvaise
posture sur les 18 provinces de la Chine
il ne reste au gouvernement de Pékin que
le Chili et une faible partie du Chantoung.
C'est peu pour recruter des combattants et
se procurer des ressources financières. Il
est vrai que, de l'autre côté de la grande
muraille, il dispose de la Mandchourie,
vaste réservoir d'hommes et de produits
de toutes sortes, où l'on a, d'ailleurs, abon-
damment puisé mais là il est en contact
immédiat avec les Japonais qui, depuis
longtemps, ont pris pied dans le Liao-
Toung, d'où ils surveillent leur Sud-Mand-
chourien ainsi que les exploitations auto-
risées par les traités de part et d'autre de
la voie ferrée.
Des difficultés ont récemment surgi en-
tre les deux pays à propos d'un emprunt
américain consenti au gouvernement de
Tokio en vue de l'extension du réseau
ferré japonais en Mandchourie.
Mais ceci est le problème de demain
il prendra toute son acuité quand la guerre
civile aura pris fin, si jamais elle se ter-
mine.
La Mandchourie sera le refuge de
Tchang-So-Lin au cas où les armées natio-
nalistes le chasseraient de Pékin. Cet an-
cien chef de brigands, qui a jusqu'ici tenu
tête à l'orage, n'est plus obéi, dit-on, par
ses subordonnés cependant ses généraux
jurent de résister jusqu'au dernier homme
et son principal lieutenant, jadis débardeur
sur les quais, type du soudard brave et ga-
lant, a déclaré qu'il ne reviendrait du
champ de bataille que '« dessus ou des-
sous », ce qui s'explique quand on sait
qu'il se fait suivre de son cercueil.
Quoi qu'il en soit le dé est jeté. Si le
deuxième acte du drame chinois se termine
par la victoire des armées nationalistes, les
difficultés renaîtront au moment de l'en-
trée des alliés sudistes à Pékin.
Ce sera la course à la dictature, lutte
entre le généralissime Tchang-So-Lin et
son rival, le maréchal chrétien Feng-Yu-
Siang, ancien protégé des bolchévistes, qui
a trahi successivement tous les partis.
»
La guerre reprendra sans doute entre les
généraux victorieux, comme elle se pour-
suit, d'ailleurs, au Sud du Yangtsé, entre
les chefs des clans cantonais :et kouangsi-
nais, sans parler des moindres seigneurs
féodaux qui intriguent, et se battent pour
arrondir leurs fiefs. Pendant ce temps le
peuple chinois, encore plus malheureux
que sous le régime mandarinal, pourtant
très corrompu, se demande quand il verra
luire le jour où il pourra jouir du produit
de son travail.
En changeant de maître, il n'a pas jus-
qu'ici amélioré son sort.
On disait jadis que l'art du mandarin,
qui levait souvent des taxes illégales, était
de plumer la poule sans la faire crier. Est-
on arrivé au moment où la poule ne crie
plus parce que, avec, ses plumes, elle a
perdu sa chair ? '?
Général Vidal,
Ancien attaché militaire en Chine.
]ÉCHOS
La Température
Ciel nuageux avec éclaircies. Orages épars.
Température en baisse légère.
Chirurgien consciencieux.
Dans le volume qu'il écrivit sous le
titre l'Esprit d'Esculape, et en collabo-
ration avec le docteur Witkowski, le re-
gretté docteur Cabanès contait cette
anecdote concernant le chirurgien Mai-
sonneuve
Celui-ci fut appelé un jour à Orléans
pour une opération arrivé à destina-
tion, il trouva le malade. passé de vie à
trépas.
Que comptez-vous faire ? lui de-
manda-t-on.
M'en retourner, tout simplement.
Et vos honoraires ?
Le prix convenu. 1,500 francs.
Mais vous n'avez pas fait l'opéra-
tion
Qu'à cela ne tienne. où est le ma-
lade ? '?
INSTANTANÉ
TITAYNA
Voilà un livre qui ajoutera encore à la « lé-
gende » de l'auteur!
Nous la croyions partie au loin, notre énig-
matique Titayna! C'est bien des impressions
de « voyage », en effet, qu'elle nous livre au-
jourd'hui, mais de ce voyage étemel où les
amants de tous les temps, n'est-ce pas?, l'ont
précédée.
Le charme inouï de la langue, la simplicité
des moyens, l'olliciante personnalité de l'au-
teur; tout concourt vraiment. faire de ce
Voyage autour de ma maîtresse une des plus
remarquables réussites du roman féminin d'au-
jourd'hui.
Une contravention méritée.
Le nombre des personnes qui, dans
la rue, glissent sur des épluchures
d'oranges et se blessent grièvement
dans leur chute augmente.
Pour éviter cet accident stupide, une
note de service rappelant les arrêtés
préfectoraux a été lue aux agents dans
les postes de police.
Le même jour, boulevard Saint-Mi-
chel, un jeune homme jetait sur le trot-
toir une épluchure de banane. Un gar-
dien de la paix pria le délinquant de la
ramasser.
Je préfère récolter une contraven-
tion, répondit celui-ci.
S'assurant alors de l'identité du jeu-
ne homme, l'agent constata qu'il avait
devant lui un étudiant allemand en in-
fraction aux règlements concernant les
étrangers.
–«* «–
Un scandale au pays des Soviets.
Deux poètes soviétiques, Jarov et
Outkine, viennent de faire le tour de
l'Europe. Dès leur retour à Moscou, ils
firent des conférences et louèrent l'or-
dre, la propreté et la politesse qu'ils
observèrent en Occident.
Les deux voyageurs racontèrent à
leurs auditeurs stupéfaits que dans les
hôtels ils laissaient leurs chaussures à
la porte de leur chambre et les retrou-
vaient propres le lendemain, « alors
que chez nous, constatait Jarov, on
n'est jamais sûr de les revoir, même en
les mettant sous son oreiller ».
La presse lance l'anathème contre
l'esprit bourgeois des camarades poètes.
La liberté de l'enseignement.
La Turquie est devenue un pays tout
à fait moderne. Dans son désir de tou-
jours faire mieux dans l'ancien Empire
des sultans, aujourd'hui République
dictatoriale, .Mustapha Kemal ne fait
pas de distinction il copie tout, jus-
qu'aux défauts.
La Turquie religieuse que nous con-
nûmes ne croit plus à Mahomet et ne
veut point encore croire en Dieu. Trois
institutrices d'une école américaine de
Constantinople viennent, en effet, d'être
condamnées à une amende et à un em-
prisonnement de trois jours parce que
certaines de leurs élèves se sont conver-
ties au christianisme. C'est ce qu'on ap-
pelle, en bon turc, la liberté de l'ensei-
gnement.
Coquilles.
Sur une affiche qu'on peut voir dans
Paris, un grand hôtel de ville d'eaux in-
vite sa clientèle à retenir des chambres
à l'avance pour les week-hend (sic).
Un grand magasin s'adresse aux
voyageurs du métro et, par affiche aus-
si, annonce la vente à prix réduits de
tapis provenant de diverses expositions,
notamment « le Salon des femmes
peintes ».
Cette coquille, il est vrai, n'implique
pas forcément une inexactitude.
Le Masque de Fer.
Les Fleurs
de Toulouse
Par TRISTAN DEREME
Connaissez-vous la belle ville de Tou-
louse ? Elle est heureuse et sourit dans
le parfum des violettes, sous une lu-
mière chaude qui s'attarde aux monu-
ments de brique rouge. C'est la ville
de François Maynard et du docte Cujas;
c'est la ville de Pibrac, poète que de-
vraient mieux honorer certains de nos
peintres, s'il est vrai qu'en un de ses
quatrains il s'est plu à louer la vérité
sous la figure d'un cube
La Vérité d'un cube droit se forme, ?
Cube contraire au léger mouvement
Son plan carré jamais ne se dément,
Et en tous sens a toujours même forme.
C'est ici que naquit Ephraïm Mikhaël,
dont le buste rêve « dans tel square
quelconque et calme de la ville »;
comme chantait jadis Francis Carco.
Mais le square n'est point quelconque;
iî est charmant sous ses feuillages, tan-
dis qu'en son bassin nagent des pois-
sons noirs, des poissons blancs et des
poissons rouges, autour de la statue de.
Goudouli.
Goudouli, c'est un autre poète, que les
Toulousains d'autrefois virent deviser;
certain soir, au seuil d'une auberge,
avec le jeune Molière, qui errait par les
provinces. Goudouli sut trouver des
protecteurs; l'un d'eux, premier baron
du royaume et filleul du Béarnais, s'ap-
pelait Montmorency; et vous savez
comment, dans la cour du Capitole, le
glaive du Cardinal lui trancha le col;
dont fut veuve cette Marie-Félice des
Ursins que, sous le nom de Sylvie, Théo-
phile chantait aux retraites de Chan-
tilly. Toulouse est un nid magnifique
aux rêveries; ce n'est que poésie et mu-
sique les Toulousains vous disent que
si vous frappez du pied l'un quelcon-
que de leurs pavés, il donne le la. On
ne peut, en ces rues, considérer une fe-
nêtre ou une cheminée sans que s'élè-
vent des souvenirs émouvants, gracieux;
allègres ou mélancoliques. C'est la ville,
dit-on, que fonda Polyphème et la capi-
tale de la reine Pédauque. C'est ici que,
sous les yeux de Raymond de La
Tailhède, mourut Jules Tellier; ici que
Victor Hugo cueillit ses premières pal-
mes, qui étaient des fleurs; et c'est aussi
la ville de Baour-Lormian, qui répon-
dait à M. Pinaud, secrétaire perpétuel
de l'Académie des Jeux Floraux: « La
lettre que vous m'avez fait l'honneur de
m'écrire m'a surpris au milieu d'une
fluxion et d'un déménagement. »]
Baour, l'auteur de la Jérusalem déli-
vrée, un autre Tasse, enfin!
Ci-git le Tasse de Toulouse,
Qui mourut in-quarto, gui remourut in'-douse,
Et qui, ressuscité dans un f ormat nouveau,
Vient de mourir in-octavo.
Or, jeudi dernier, pour la six cent
quatrième fois, Toulouse célébrait sa
fête annuelle des Fleurs. Ainsi, tous les
3 mai, depuis l'an 1324, l'Académie des
Jeux Floraux décerne aux poètes l'Ama-
rante d'or et. les six fleurs d'argent la
Violette, le Souci, l'Eglantine, le Lis, la
Primevère et l'Œillet. C'est l'églantine,
au temps jadis, qu'emporta un certain
Fabre le Fabre d'Eglantine qui chan-
tait « Il pleut, il pleut, bergère. » II
est d'autres prix.
'Au Capitole, dans la salle des Illus-
tres, que la foule emplissait, le maré-
chal Joffre présidait la cérémonie. Le
maréchal est maître es jeux, comme le
fut Voltaire, et, selon l'usage, on enten-
dit l'éloge de Clémence Isaure. Il était,
cette année, prononcé par Mgr de Car-
salade du Pont, évêque de Perpignan,
et, lui aussi, maître ès jeux. Le véné-
rable prélat a passé les quatre-vingts
ans, et il parlait avec flamme, ayant
jeté ses notes sur la table; et l'on eût
pensé qu'il improvisait son discours.
« Et moi qui achève de passer, disait-
il, moi qui ai déjà commencé ma der-
nière veillée, que viens-je faire ici, si-
non obéir à cet instinct de survie, qui
hante tous les hommes ? Je viens,
comme le vieux Faust, demander à Clé-
mence Isaure la faveur d'approcher mes
lèvres de la coupe immortelle, qu'elle
tend à ses sujets fidèles, je viens boire
à ses pieds de l'immortalité. Encore
que je sois sur ce bord extrême de la
vie d'où il n'y a plus qu'un coup d'aile
à donner pour s'envoler vers les cimes
éternelles, vous daignez m'accueillir.
Déjà je ne suis plus le vieillard d'hier,
mon sang circule plus chaud dans mes
veines, mon cœur bat le rythme' des
jours de ma jeunesse. »
Et ce n'était point vaine rhétorique.
Quelle est donc, direz-vous, cette Clé-
mence Isaure qui sait accomplir de tels
miracles? •
J'ose à peine le dire. Cette « nymphe
excellente », comme parlait, en 1575,
François de Clary, et qui fut la bienfai-
trice, sinon la fondatrice des Jeux Flo-
raux, je crains bien qu'elle ne soit ja-
mais née en aucun lieu du monde. Pour-
tant, en 1527, Etienne Dolet la louait
en vers latins, et trois cent soixante,
cinq ans plus tard, au Conseil municii
pal de Toulouse, Jaurès la déclarait inx-,
JE ME PRESSE DE RIRE DE TOUT. DE PEUR D'ÉTRE OBLIGÉ D'EN PLEURER.
•;»̃ BEAUMARCHAIS.
Édité en ['Hôtel du FIGARO
14, Rond-Point des Cfiamps'ECyse'es. Paris C& ArrondJ
Io3" Anne* B." 128 de 1923
PuBftcations Annexes LE FIGARO Littéraire,
LE FiGARO Artistique liïustre'. LE FIGARO des Etats-Unis,
La Page Cofoniafe% «
LUNDI 7 MAI 1928
LUNDI 7 MAI 1928
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CHRONIQUE DU « FIGA RO »
Jardins secrets
Il est entendu que tout ce qui de-
vient doit périr, et que les plus belles
œuvres humaines sont, en partie du
'moins, caduques au bout de quelques
années. On choisit d'ordinaire, pour
s'en apercevoir, l'occasion d'un anni-
versaire, un centenaire de préférence,
et les survivants, avec une satisfaction
mal déguisée, prennent soin de consi-
gner cette observation très philosophi-
que dans leurs éloges, afin que ceux-ci
ne ressemblent point aux roses du Ben-
gale, qui sont sans épines mais sans
parfum.
Les survivants n'ignorent pas que pa-
reille mauvaise fortune leur est réser-
vée mais comme ,ils ne seront plus là
pour le voir, ils s'en consolent par avan-
ce aisément, et le précédent des confrè-
res qui ont quitté ce bas monde avant
eux les aide à se faire une raison. Et
puis, sait-on jamais ? Ils se flattent
peut-être de tourner la loi fatale.
On n'a point rompu avec un usage si
humain trop humain à propos de
la commémoration de Taine, et la plu-
part de ses livres ont passé un mauvais
quart d'heure le quart d'heure du cen-
tenaire, qui est quelque chose comme
•celui de Rabelais dans l'ordre de la cé-
lébrité. Mais voici où les détracteurs
du maître ne s'attendaient guère ce
qui, du monument qu'il a si laborieuse-
ment élevé, a semblé dater plus et
menacer ruine, ce n'est point telle doc-
trine hasardée, tel système trop rigide,
telle formule inutilement provocante
ce sont les deux plus honorables traits
de son caractère et que, par paren-
thèse, ils puissent nous étonner, nous
choquer à ce point, cela n'est pas trop
honorable pour l'époque charmante où
nous avons la disgrâce de vivre.
Citez devant un jeune homme d'au-
jourd'hui (entre quinze et quarante
ans) la fière épitaphe que Taine a rédi-
gée pour sa tombe, Veritatem unice di-
lexit, et traduisez-la, car le jeune hom-
me d'aujourd'hui n'entend pas le latin
vous le verrez sourire avec un air de
supériorité. Pour le jeune homme d'au-
jourd'hui, qui n'entend pas non plus
très bien le français, et à qui toute spé-
culation est indifférente, sauf au sens de
l'industrie, du commerce ou de la bour-
se, la vérité, surtout si l'on commet
l'imprudence de lui attribuer une ma-
juscule, est une de ces idoles que Ba-
con a dénoncées, une de ces entités que
Taine précisément a poursuivies de ses
sarcasmes. Aimer la vérité Et pour
elle-même ? On n'en revient pas. Quel
ingénu Quelle dupe Nos contempo-
rains, qui affectent en leur langage un
aimable laisser-aller, diraient plus vo-
ilontiers « Quelle poire! » A moins tou-
tefois qu'ils ne prennent la chose au
tragique et ne déclarent ennemi du
peuple le maniaque dangereux qui avait
cette superstition de la vérité.
Mais ce n'est point encore là ce qui,
îchez Taine, scandalise plus nos con-
temporains d'âge tendre ou presque
mûr l'auteur de l'Intelligence et des
jOrigines n'a-t-il pas affiché cette pré-
tention inouïe d'interdire aux prome-
neurs, aux curieux, aux badauds l'en-
trée de son jardin secret ? Il a, en ter-
mes plus familiers, invité le- public de
son temps et la postérité e!le:-mJêm,e à se
mêler de ce qui les regarde.
Il n'a pas défendu que l'on imprimât
ses lettres, parce qu'elles peuvent offrir
quelque intérêt d'ordre philosophique
ou, littéraire mais il a commandé que
J'on en retranchât tout ce qui aurait pu
devenir sujet de conversation dans le
salon de Mme Gibou, et ses volontés
dernières ont été observées scrupuleu-
jsement.
De son vivant, il a fui l'interview et
tenu les photographes à l'écart. Mau-
passant voulut un jour faire un procès
à Charpentier, son éditeur, qui avait
reproduit en tête d'un livre nouveau sa
photographie, sans autorisation mais,
a l'époque où Maupassant faillit enga-
ger ce procès, outre qu'il était Nor-
mand, il avait déjà des bizarreries. C'est
en parfaite santé de l'esprit, sinon du
ebrps, que Taine manifesta cette pho-
bie du portrait et naturellement pour
de tout autres motifs que Lamartine,
qui ne souffrait point que l'on répandît
dans les journaux des caricatures de
son visage, « fait à la ressemblance de
Pieu ».
Il n'est pas surprenant que cette atti-
tude, ce quant-à-soi de Taine irrite, of-
fense les hommes de ce temps-ci car
elle est comme une critique indirecte
et anticipée, mais nette et fort dure de
deux de leurs pires défauts ou, plus
exactement, de leurs pires vulgarités.
Deux sentiments se sont depuis peu
presque totalement perdus, qui avaient
jusqu'alors passé pour indispensables
à la bonne tenue de la société l'élé-
mentaire pudeur à l'égard de nous-mê-
mes et l'élémentaire discrétion à l'égard
d'autrui.
Ce que l'on ose écrire de soi dans les
js ouvenirs, mémoires ou autres groduç-
tions similaires passe toute imagina-
tion on ne parle pas de la décence. Il
est concevable que, selon le précepte
évangélique, ici bien étrangement ap-
pliqué, on se croie libre de traiter en-
suite le prochain comme l'on s'est traité
soi-même et si le prochain se rebiffe,
c'est très sincèrement que l'on tombe
des nues. On se rappelle ce mot d'un
chambellan de la reine Victoria, refu-
sant pour elle, au cours d'un voyage
royal, un présent de bas de soie « Une
reine d'Angleterre n'a pas de jambes. »
Aujourd'hui que toutes les femmes les
montrent jusqu'au-dessus du genou,
quelle femme oserait les cacher, et une
reine même oserait-elle dire qu'elle n'en
a pas ?
On a la rage de vivre dans une mai-
son de verre ce n'est pas pour ne rien
cacher, c'est pour tout montrer. On re-
proche à Taine, comme une injure aux
moeurs présentes, de n'avoir pas con-
senti de vivre dans une maison de
verre, quoiqu'il n'eût rien à ca-
cher. J'ai même vu je ne sais plus où
qu'on lui reprochait de n'avoir jamais
eu rien à cacher Cela nous juge.
Pour être tout à fait équitable, il faut
reconnaître que ces façons de mufles
l'Académie, qui ne tient compte que
du bon usage de la langue, mais qui
est bien forcée de tenir compte du mau-
vais usage des mœurs, a dû récemment
accueillir ce mot inélégant ces fa-
çons, dis-je, de mufles, ne datent pas
à la rigueur des dix dernières années.
Certaines notes, par exemple, du jour-
nal des Goncourt sont comme une pré-
figuration (bien atténuée par la cour-
toisie parfaite de ces deux gentilshom-
mes de lettres), une préfiguration des
naïvetés disons naïvetés que
l'on se permet aujourd'hui sans songer
à mal. On sait comment le bon Zola a
timidement insinué que ses amis Gon-
court n'avaient peut-être pas toujours
très bien compris ses prupos. Taine.
plus rude, dit crûment que les Goncourt
ne comprenaient rien de ce qu'ils écou-
taient, « faute d'une culture suffisan-
te ». Il rompit avec ses « amis ». Je me
souviens que Goncourt en était ulcéré,
et se targuait d'avoir été, contre les ap-
parences, fort discret car il n'avait
point raconté une indigestion de Taine
chez la Princesse. Nous retrouverons
probablement cette indigestion dans le
journal encprc inédit. Que tout cela est
donc intéressant 1
Abèl Hermant,
de CAcaJémïe français*.
LA S.F.I.O. v
APRÈS LA BATAILLE
Est-ce de l'amour, est-ce de la haine
que j'éprouve pour cette fille-là ? se de-
mandait Lassouche, dans un vaudeville du
Palais-Royal.
Est-ce de l'amour, est-ce de la haine
que nous avons pour ces communistes ?
se demandaient hier, en leur Congrès,
les socialistes de la Seine. Certes, ils sont
bien en colère contre le parti de Moscou
dont l'attitude, au second tour, leur a coû-
té tant de pertes. Mais ils en parlent com-
me des amoureux trahis et qui ne deman-
dent qu'à pardonner. Et M. Léon Blum,
résumant les sentiments de la majorité de
son parti, de s'écrier « Plutôt un com-
muniste qu'un réactionnaire avéré. » (Mais
où commence la réaction ?) Et, sans doute,
à la manière d'Alceste, le leader du parti
S. F. I. O. doit penser que son faible est
étrange! pour ces bolchévistes qui ont dé-
gradé une partie •de la classe ouvrière
« Moscou a perverti les chefs, les chefs
ont perverti leurs troupes, » Et cepen-
dant, M. Blum ajoute « Plutôt Duclos
que Kerillis %̃
Eh parbleu, on le savait bien. Et point
n'était besoin de la séance d'hier pour
être persuadé que, quelque mauvaise hu-
meur que puisse éprouver le socialisme
contre ces enfants terribles que Moscou a
gâtés, ils resteront les frères dont on a
besoin et dont il ne se séparera jamais
que momentanément et en surface.
Au Congrès d'hier une autre question
s'est posée « Sommes-nous vainqueurs
ou vaincus ? ,» Poser la question, c'est la
résoudre. Jamais cliché ne reprit mieux
son relief que celui-ci dans la circons-
tance. Un parti a toujours tendance, après
la bataille, à exagérer son succès, à dimi-
nuer ses échecs. Le doute est un indice
péjoratif. Et cet orateur a eu raison qui
a fait remarquer que pour un parti révo-
lutionnaire piétiner c'est reculer, et que
lorsque les chefs du parti sont battus, par
exemple, dans la Seine, le Nord et la Haute-
Vienne, crier victoire est risible.
C'est pour cela ausi que le socialisme
ne se séparera pas de sitôt ni des mé-
chants communistes de gauche, ni des so-
cialisants radicaux contre lesquels se dé-
chaînaient hier certains candidats mal-
heureux du deuxième tour.
Henri Vonoven.
LE FIGARO
Fondé le 14 Janvier 1826
Anciens Directeurs H. DE Villemessant,
F. MAGNARD, G. CALMETTE, A. CAPUS,
R. DE FLERS.
ADMINISTRATION RÉDACTION PUBLICITÉ ANNONCES
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Téléphone Flysées 12-58, 12-61, 02-65, 98-31 à 98-34.
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On s'abonne dans tous les Bureaux de Poste de France 1
Chèoue postal J4*-S3 Paris
A Strasbourg
et à Metz
M. Raymond Poincaré vient de
prendre la parole à Strasbourg
v et à Metz. Ses discours étaient
attendus par toute la r rance, qui sait com-
ment de lamentables campagnes de pro-
pagande antinationale jettent le trouble
dans les départements recouvrés, et com-
ment les mécontentements nés des erreurs
de la politique sont âprement exploités. Les
élections sont d'hier le procès de Colmar
dure encore. C'est dans ces circonstances
que le chef du gouvernement a fait enten-
dre sa voix.
Par trois discours, où les souvenirs per-
sonnels se mêlent à l'évocation de l'His-
toire, il a, avant d'arriver à une conclusion
d'ordre politique, rappelé avec émotion
tout ce qui atteste l'intimité, l'affection, la
confiance qui lient les départements recou-
vrés à la patrie. A Strasbourg d'abord,
s'adressant aux Amis de l'Université, M.
Poincaré a parlé de cette sensibilité et de
cette intelligence alsaciennes, que l'Alle-
magne, préoccupée d'étouffer la voix des
consciences, prétendait soumettre à la cul-
ture germanique, et il a défini le rôle ma^
gnifique que joue en France et dans le
monde le foyer spirituel placé aux confins
de deux civilisations.
A Metz ensuite, à la fête du Souvenir
Français, le président du Conseil a rap-
pelé les heures splendides qui ont suivi
l'armistice, et les jours qui ont suivi la paix,
durant lesquels, malgré des désillusions, la
France était consolée de bien des tristesses
par le retour au foyer national des dépar-
tements retrouvés après une si longue sé-
paration. Il a affirmé avec force .que la
France était résolue à ne jamais se laisser
reprendre la moindre parcelle de l'Alsace
et de la Lorraine, que d'ailleurs nos voi-
sins se sont engagés à ne jamais reconqué-
rir, et il a ajouté qu'elle ne consentirait pas
non plus à la création d'un Etat neutre et
autonome, dont la vie fragile préparerait
fatalement de nouveaux conflits,
Enfin, dans l'atmosphère ainsi créée par
ces déclarations, M. Raymond Poincaré
a prononcé, au banquet des maires à Metz,
les paroles d'ordre politique qui étaient né-
cessaires. Il a dit que le gouvernement avait
promis dès la première heure aux dépar-
tements recouvrés de s'inspirer de leurs
vœux, de conserver aussi longtemps qu'ils
le désireraient leur statut scolaire et reli-
gieux, c'est-à-dire l'instruction confession-
nelle et bilingue, et le régime concordataire.
Ces promesses-là ne doivent jamais être
oubliées elles doivent être tenues par les
administrations et les délégués du gouver-
nement. C'est pour s'en être écarté que
l'extravagante et coupable politique du
Cartel a provoqué une douloureuse agita-
tion. Les paroles prononcées à Strasbourg
et à Metz par le président du Conseil, qui
a les affaires d'Alsace et de Lorraine sous
son contrôle, constituent un engagement so-
lennel et annoncent une politique qui de-
vra se traduire exactement dans la réalité.
ANDRÉ CHAUMEIX.
LA'COUPE DE FRANCE
VICTOIRE
DU RED STAR OLYMPIQUE
Le président de la République a assisté
hier à la rencontre finale de la Coupe de
France de football jouée sur la pelouse du
grandiose et si plendide Stade Olympique
de Colombes, entre les équipes parisiennes
du Red Star-Olympique et du Cercle Athlé-
tique de Paris.
C'est au Red Star que sont revenues la
victoire et la garde, pendant un' an, du tro-
phée qui la consacre.
Le Red Star a gagné par 3 buts à 1.
L'écart des points ne traduit pas éqùitable-
ment la physionomie d'une rencontre dans
laquelle l'équipe qui a succombé n'a été
récompensée ni de son jeu infiniment plus
joli, plus élégant, plus travaillé, ni de ses
efforts. Elle n'a pas su, il est vrai, saisir la
victoire qui tant de fois s'est offerte à elle.
Une hésitation, de l'affolement à l'instant
décisif lui ont fait perdre d'admirables oc-
casions.
Plus athlétique, plus équilibrée, prati-
quant un jeu sobre, robuste et pénétrant,
l'équipe du Red Star a tiré par contre une
victorieuse part à une près de toutes
les occasions qu'elle eut de marquer.
L'équipe qui a gagné s'est, au surplus,
montrée solidement constituée. Elle a fait
preuve d'une remarquable entente entre
toutes les lignes dans l'attaque et la dé-
fense.
Après le match, le président de la Ré-
publique, qu'accompagnait M. Bokanowski,
ministre du commerce et de l'aéronauti-
que, s'est fait présenter les joueurs des
deux équipes, a félicité l'équipe victorieu-
se, celle du Red Star, et loué de sa vail-
lance l'équipe battue, celle du Cercle
Athlétique de Paris, dont la victoire tant
désirée en raison de son exemplaire car-
rière sportive aurait été follement accla-
mée par la foule 20.000 spectateurs,
Frantz-Reichel.
(Voir le compte rendu de la partie en ru-
brique sportive).
EN DEUXIEME PAGE
LA CHRONIQUE DRAMATIQUE
par Mme Gérard d'Houville
En troisième page Le Congrès so-
cialiste. un quartier d'Antomj sous
les eaux. d
LES AFEAIRES EXTÉRIEURES
Le Drame Chinois
Le deuxième acte du drame chinois sem-
ble toucher à sa fin.
Au début de la guerre civile les Sudistes
partirent en guerre contre le Nord pour
s'attaquer à la forteresse du mandarinat.
Ce fut la période héroïque. L'enthousiasme
qui animait les troupes et leurs jeunes
chefs, les porta, en marches rapides, de
Canton aux rives du Yangtsé, mais les dé-
vastations, les troubles et attentats qui
signalèrent leur passage, en particulier à
Hankéou et à Nankin, ne pouvaient laisser
indifférents les organisateurs de la révo-
lution mondiale. Les agents de Moscou qui
furent les inspirateurs de ces désordres,
prirent bientôt la haute main sur les chefs
du mouvement le virus bolchévique péné-
tra bientôt le corps social de la Chine, au
point de paralyser les efforts de ceux qui
voulaient orienter la jeune République vers
des destinées meilleures, en rapport avec
les justes aspirations d'un peuple honnête
et travailleur.
La IIP Internationale crut pouvoir ex-
ploiter, conformément à son programme de
désagrégation universelle, un terrain qui
lui paraissait éminemment favorable à l'ac-
complissement de son œuvre destructive.
Ici, il fit fausse route. Le bon sens popu-
laire se révolta contre le régime de barba-
rie qui sapait les bases d'une civilisation
millénaire pour lui substituer une dicta-
ture, cruelle et tyrannique, comme la vieille
Chine n'en avait jamais connu sous ses
souverains les plus indignes.
A l'encontre de ce qui s'est passé dans
certains pays d'Europe, le bolchévisme fut
balayé en quelques mois; il a seulement
laissé certains foyers mal éteints qui pour-
raient provoquer un nouvel incendie si les
maîtres de la Chine nouvelle laissaient atti-
ser le feu par le souffle venu de Moscou.
Ayant échappé, dans une certaine mesure,
à l'emprise communiste, les partis en pré-
sence, désormais plus libres de leurs mou-
vements, ont déclanché une offensive gé-
nérale la guerre civile a repris un cours
plus rapide pour aboutir cette fois, semble-
t-M, à un résultat décisif bien qu'il soit
prudent de réserver ses pronostics quand
il s'agit d'un pays où l'on se bat en négo-
ciant et où il est plus difficile de distinguer
quel est l'ennemi que de savoir où il se
trouve.
Il est à remarquer que les opérations se
sont toujours déroulées le long des voies
ferrées, le réseau routier né se prêtant pas
au transport rapide des hommes, du maté-
riel et des approvisionnements. C'est en
suivant la Jigne de Nankin,, à Tientsin que
l'armée du généralissime sudiste, Chang
Kaï Chek, s'est avancée jusqu'au cœur du
Chantoung déjà la capitale de cette pro-
vince, Tsi-Nan-Fou, est tombée en son pou-
voir. Un événement très grave, moins en
lui-même que par ses conséquences, a mar-
qué l'entrée des troupes victorieuses dans
cette ville.
"*2Ç •̃̃•̃'•̃ •̃••̃-•
,Le Japon, inquiet de la tournure que
prenaient les événements et, surtout, de la
direction suivie par l'armée nationaliste,
avait récemment augmenté sa garnison de
Tsin-Tao (ancienne colonie, allemande) et
envoyé des renforts à Tsi-Nan-Fou pour
protéger ses nationaux. Les troupes chi-
noises ayant envahi la concession japo-
naise, une collision s'est produite, qui s'est
transformée en une véritable bataille en-
tre 4.000 Japonais et 35.000 Chinois.
Chang Kaï Chek vient d'arriver sur les
lieux il constatera, une fois de plus, que
ses soldats, comme d'ailleurs ceux du Nord,
échappent à la main des chefs il fera sans
doute des excuses, et les opérations se
poursuivront, tandis que le Japon, accrois-
sant vraisemblablement ses effectifs dans
la zone des belligérants, n'oubliera pas l'in-
jure qu'il a subie 'et dont jl gardera un
profond ressentiment..
Actuellement, le Nord est en mauvaise
posture sur les 18 provinces de la Chine
il ne reste au gouvernement de Pékin que
le Chili et une faible partie du Chantoung.
C'est peu pour recruter des combattants et
se procurer des ressources financières. Il
est vrai que, de l'autre côté de la grande
muraille, il dispose de la Mandchourie,
vaste réservoir d'hommes et de produits
de toutes sortes, où l'on a, d'ailleurs, abon-
damment puisé mais là il est en contact
immédiat avec les Japonais qui, depuis
longtemps, ont pris pied dans le Liao-
Toung, d'où ils surveillent leur Sud-Mand-
chourien ainsi que les exploitations auto-
risées par les traités de part et d'autre de
la voie ferrée.
Des difficultés ont récemment surgi en-
tre les deux pays à propos d'un emprunt
américain consenti au gouvernement de
Tokio en vue de l'extension du réseau
ferré japonais en Mandchourie.
Mais ceci est le problème de demain
il prendra toute son acuité quand la guerre
civile aura pris fin, si jamais elle se ter-
mine.
La Mandchourie sera le refuge de
Tchang-So-Lin au cas où les armées natio-
nalistes le chasseraient de Pékin. Cet an-
cien chef de brigands, qui a jusqu'ici tenu
tête à l'orage, n'est plus obéi, dit-on, par
ses subordonnés cependant ses généraux
jurent de résister jusqu'au dernier homme
et son principal lieutenant, jadis débardeur
sur les quais, type du soudard brave et ga-
lant, a déclaré qu'il ne reviendrait du
champ de bataille que '« dessus ou des-
sous », ce qui s'explique quand on sait
qu'il se fait suivre de son cercueil.
Quoi qu'il en soit le dé est jeté. Si le
deuxième acte du drame chinois se termine
par la victoire des armées nationalistes, les
difficultés renaîtront au moment de l'en-
trée des alliés sudistes à Pékin.
Ce sera la course à la dictature, lutte
entre le généralissime Tchang-So-Lin et
son rival, le maréchal chrétien Feng-Yu-
Siang, ancien protégé des bolchévistes, qui
a trahi successivement tous les partis.
»
La guerre reprendra sans doute entre les
généraux victorieux, comme elle se pour-
suit, d'ailleurs, au Sud du Yangtsé, entre
les chefs des clans cantonais :et kouangsi-
nais, sans parler des moindres seigneurs
féodaux qui intriguent, et se battent pour
arrondir leurs fiefs. Pendant ce temps le
peuple chinois, encore plus malheureux
que sous le régime mandarinal, pourtant
très corrompu, se demande quand il verra
luire le jour où il pourra jouir du produit
de son travail.
En changeant de maître, il n'a pas jus-
qu'ici amélioré son sort.
On disait jadis que l'art du mandarin,
qui levait souvent des taxes illégales, était
de plumer la poule sans la faire crier. Est-
on arrivé au moment où la poule ne crie
plus parce que, avec, ses plumes, elle a
perdu sa chair ? '?
Général Vidal,
Ancien attaché militaire en Chine.
]ÉCHOS
La Température
Ciel nuageux avec éclaircies. Orages épars.
Température en baisse légère.
Chirurgien consciencieux.
Dans le volume qu'il écrivit sous le
titre l'Esprit d'Esculape, et en collabo-
ration avec le docteur Witkowski, le re-
gretté docteur Cabanès contait cette
anecdote concernant le chirurgien Mai-
sonneuve
Celui-ci fut appelé un jour à Orléans
pour une opération arrivé à destina-
tion, il trouva le malade. passé de vie à
trépas.
Que comptez-vous faire ? lui de-
manda-t-on.
M'en retourner, tout simplement.
Et vos honoraires ?
Le prix convenu. 1,500 francs.
Mais vous n'avez pas fait l'opéra-
tion
Qu'à cela ne tienne. où est le ma-
lade ? '?
INSTANTANÉ
TITAYNA
Voilà un livre qui ajoutera encore à la « lé-
gende » de l'auteur!
Nous la croyions partie au loin, notre énig-
matique Titayna! C'est bien des impressions
de « voyage », en effet, qu'elle nous livre au-
jourd'hui, mais de ce voyage étemel où les
amants de tous les temps, n'est-ce pas?, l'ont
précédée.
Le charme inouï de la langue, la simplicité
des moyens, l'olliciante personnalité de l'au-
teur; tout concourt vraiment. faire de ce
Voyage autour de ma maîtresse une des plus
remarquables réussites du roman féminin d'au-
jourd'hui.
Une contravention méritée.
Le nombre des personnes qui, dans
la rue, glissent sur des épluchures
d'oranges et se blessent grièvement
dans leur chute augmente.
Pour éviter cet accident stupide, une
note de service rappelant les arrêtés
préfectoraux a été lue aux agents dans
les postes de police.
Le même jour, boulevard Saint-Mi-
chel, un jeune homme jetait sur le trot-
toir une épluchure de banane. Un gar-
dien de la paix pria le délinquant de la
ramasser.
Je préfère récolter une contraven-
tion, répondit celui-ci.
S'assurant alors de l'identité du jeu-
ne homme, l'agent constata qu'il avait
devant lui un étudiant allemand en in-
fraction aux règlements concernant les
étrangers.
–«* «–
Un scandale au pays des Soviets.
Deux poètes soviétiques, Jarov et
Outkine, viennent de faire le tour de
l'Europe. Dès leur retour à Moscou, ils
firent des conférences et louèrent l'or-
dre, la propreté et la politesse qu'ils
observèrent en Occident.
Les deux voyageurs racontèrent à
leurs auditeurs stupéfaits que dans les
hôtels ils laissaient leurs chaussures à
la porte de leur chambre et les retrou-
vaient propres le lendemain, « alors
que chez nous, constatait Jarov, on
n'est jamais sûr de les revoir, même en
les mettant sous son oreiller ».
La presse lance l'anathème contre
l'esprit bourgeois des camarades poètes.
La liberté de l'enseignement.
La Turquie est devenue un pays tout
à fait moderne. Dans son désir de tou-
jours faire mieux dans l'ancien Empire
des sultans, aujourd'hui République
dictatoriale, .Mustapha Kemal ne fait
pas de distinction il copie tout, jus-
qu'aux défauts.
La Turquie religieuse que nous con-
nûmes ne croit plus à Mahomet et ne
veut point encore croire en Dieu. Trois
institutrices d'une école américaine de
Constantinople viennent, en effet, d'être
condamnées à une amende et à un em-
prisonnement de trois jours parce que
certaines de leurs élèves se sont conver-
ties au christianisme. C'est ce qu'on ap-
pelle, en bon turc, la liberté de l'ensei-
gnement.
Coquilles.
Sur une affiche qu'on peut voir dans
Paris, un grand hôtel de ville d'eaux in-
vite sa clientèle à retenir des chambres
à l'avance pour les week-hend (sic).
Un grand magasin s'adresse aux
voyageurs du métro et, par affiche aus-
si, annonce la vente à prix réduits de
tapis provenant de diverses expositions,
notamment « le Salon des femmes
peintes ».
Cette coquille, il est vrai, n'implique
pas forcément une inexactitude.
Le Masque de Fer.
Les Fleurs
de Toulouse
Par TRISTAN DEREME
Connaissez-vous la belle ville de Tou-
louse ? Elle est heureuse et sourit dans
le parfum des violettes, sous une lu-
mière chaude qui s'attarde aux monu-
ments de brique rouge. C'est la ville
de François Maynard et du docte Cujas;
c'est la ville de Pibrac, poète que de-
vraient mieux honorer certains de nos
peintres, s'il est vrai qu'en un de ses
quatrains il s'est plu à louer la vérité
sous la figure d'un cube
La Vérité d'un cube droit se forme, ?
Cube contraire au léger mouvement
Son plan carré jamais ne se dément,
Et en tous sens a toujours même forme.
C'est ici que naquit Ephraïm Mikhaël,
dont le buste rêve « dans tel square
quelconque et calme de la ville »;
comme chantait jadis Francis Carco.
Mais le square n'est point quelconque;
iî est charmant sous ses feuillages, tan-
dis qu'en son bassin nagent des pois-
sons noirs, des poissons blancs et des
poissons rouges, autour de la statue de.
Goudouli.
Goudouli, c'est un autre poète, que les
Toulousains d'autrefois virent deviser;
certain soir, au seuil d'une auberge,
avec le jeune Molière, qui errait par les
provinces. Goudouli sut trouver des
protecteurs; l'un d'eux, premier baron
du royaume et filleul du Béarnais, s'ap-
pelait Montmorency; et vous savez
comment, dans la cour du Capitole, le
glaive du Cardinal lui trancha le col;
dont fut veuve cette Marie-Félice des
Ursins que, sous le nom de Sylvie, Théo-
phile chantait aux retraites de Chan-
tilly. Toulouse est un nid magnifique
aux rêveries; ce n'est que poésie et mu-
sique les Toulousains vous disent que
si vous frappez du pied l'un quelcon-
que de leurs pavés, il donne le la. On
ne peut, en ces rues, considérer une fe-
nêtre ou une cheminée sans que s'élè-
vent des souvenirs émouvants, gracieux;
allègres ou mélancoliques. C'est la ville,
dit-on, que fonda Polyphème et la capi-
tale de la reine Pédauque. C'est ici que,
sous les yeux de Raymond de La
Tailhède, mourut Jules Tellier; ici que
Victor Hugo cueillit ses premières pal-
mes, qui étaient des fleurs; et c'est aussi
la ville de Baour-Lormian, qui répon-
dait à M. Pinaud, secrétaire perpétuel
de l'Académie des Jeux Floraux: « La
lettre que vous m'avez fait l'honneur de
m'écrire m'a surpris au milieu d'une
fluxion et d'un déménagement. »]
Baour, l'auteur de la Jérusalem déli-
vrée, un autre Tasse, enfin!
Ci-git le Tasse de Toulouse,
Qui mourut in-quarto, gui remourut in'-douse,
Et qui, ressuscité dans un f ormat nouveau,
Vient de mourir in-octavo.
Or, jeudi dernier, pour la six cent
quatrième fois, Toulouse célébrait sa
fête annuelle des Fleurs. Ainsi, tous les
3 mai, depuis l'an 1324, l'Académie des
Jeux Floraux décerne aux poètes l'Ama-
rante d'or et. les six fleurs d'argent la
Violette, le Souci, l'Eglantine, le Lis, la
Primevère et l'Œillet. C'est l'églantine,
au temps jadis, qu'emporta un certain
Fabre le Fabre d'Eglantine qui chan-
tait « Il pleut, il pleut, bergère. » II
est d'autres prix.
'Au Capitole, dans la salle des Illus-
tres, que la foule emplissait, le maré-
chal Joffre présidait la cérémonie. Le
maréchal est maître es jeux, comme le
fut Voltaire, et, selon l'usage, on enten-
dit l'éloge de Clémence Isaure. Il était,
cette année, prononcé par Mgr de Car-
salade du Pont, évêque de Perpignan,
et, lui aussi, maître ès jeux. Le véné-
rable prélat a passé les quatre-vingts
ans, et il parlait avec flamme, ayant
jeté ses notes sur la table; et l'on eût
pensé qu'il improvisait son discours.
« Et moi qui achève de passer, disait-
il, moi qui ai déjà commencé ma der-
nière veillée, que viens-je faire ici, si-
non obéir à cet instinct de survie, qui
hante tous les hommes ? Je viens,
comme le vieux Faust, demander à Clé-
mence Isaure la faveur d'approcher mes
lèvres de la coupe immortelle, qu'elle
tend à ses sujets fidèles, je viens boire
à ses pieds de l'immortalité. Encore
que je sois sur ce bord extrême de la
vie d'où il n'y a plus qu'un coup d'aile
à donner pour s'envoler vers les cimes
éternelles, vous daignez m'accueillir.
Déjà je ne suis plus le vieillard d'hier,
mon sang circule plus chaud dans mes
veines, mon cœur bat le rythme' des
jours de ma jeunesse. »
Et ce n'était point vaine rhétorique.
Quelle est donc, direz-vous, cette Clé-
mence Isaure qui sait accomplir de tels
miracles? •
J'ose à peine le dire. Cette « nymphe
excellente », comme parlait, en 1575,
François de Clary, et qui fut la bienfai-
trice, sinon la fondatrice des Jeux Flo-
raux, je crains bien qu'elle ne soit ja-
mais née en aucun lieu du monde. Pour-
tant, en 1527, Etienne Dolet la louait
en vers latins, et trois cent soixante,
cinq ans plus tard, au Conseil municii
pal de Toulouse, Jaurès la déclarait inx-,
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