Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1875-08-12
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 août 1875 12 août 1875
Description : 1875/08/12 (Numéro 223). 1875/08/12 (Numéro 223).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE FIGARO JEUDI 12 AOUT 1875
quet est un radical, élu par une majorité ra
dicale, et qu'à l'occasion de la visite du czar
au Palais de Justice, il s'est comporté comme
un grossier malappris. On suppose que M.
Duval n'a pas aimé être accompagné par un
gentleman d'opinions extrêmes et qui sait si
peu se conduire en société.
¥% M. Mommsen, le célèbre historien
allemand qui, après avoir été le pension-
naire de Napoléon III, a témoigné la
plus violente hostilité contre les Fran-
çais, vient de prononcer, à. l'occasion de
la fête de l'Université de Berlin, un dis-
cours où il a eu le courage de se pronon-
cer contre le chauvinisme qui fleurit au.
delà du Rhin.
Il n'y a pas de harangue, a dit l'illustre
historien, plus puissante en faveur de la paix
que la guerre elle-même, surtout si c'est une
guerre qui a et doit avoir pour conséquence
la confection de plaques commémorativer
telles que celles que nous inaugurons aujour-
d'hui. Quand on voit une nation sacrifier
dans chaque guerre tant de ses meilleurs en-
fants, tant de jeunes gens que leurs aptitudes
appelaient à deveftir plus tard des savants,
des artistes des hommes d'Etat, il y a dans
l'énormité de cet enjeu un avertissement d'a-
voir à ne pas jouer avec la guerre avertisse-
ment qu'aucun homme d'Etat allemand, et
surtout qu'aucun souverain allemand ne sau-
rait ne pas entendre.
Il est vrai que M. Mommsènne s'est pas
longtemps tenu dans ces régions philo-
sophiques et sereines et qu'après avoir
félicité les Hohenzollern de n'avoir ja-
mais fait « une guerre inutile il a ter-
miné son discours par toutes les banali-
tés à l'usage des gens qu'on envoie se
faire tuer.
Nous avons fait l'expérience que-le désir et
la volonté de maintenir la paix n'assurent
pas toujours la paix. Il en est de la guerre
comme de l'incendie. Elle est aussi facile à
allumer que difficile à éteindre, Si donc elle
redevient nécessaire, on verra se reproduire
ce qui s'est déjà produit.
L empereur a appelé la nation, et tous sont
venus, disions-nous autrefois. Que l'empe-
reur-nous appelle une fois encore, et les en-
nemis du nom allemand apprendront bientôt
ce que cela signifie, lorsque l'on dit que tous
les Allemands vinrent à l'appel de l'empe-
reur.
Ceux qui auront été appelés ne reviendront
paa uvua, maaa vcm yu a aay vaa au.mtd.
des vainqueurs rentrant dans leur patrie aura
son nom environné d'honneur et rayonnant
de gloire.
̃"
M. Grenier a exécuté d'excellentes
variations dans le Constitutionnel sur le
thème de la distribution des prix.
Avant 1848, l'élite de la jeunesse studieuse
ne manquait jamais, en ces pompes scolaires,
de réclamer la Marseillaise aux musiciens de la
garde nationale. Nous étions convaincus que
cela peinerait fort le roi Louis-Philippe, et
,cette certitude, assez téméraire, de peiner le
roi Louis-Philippe, nous chatouillait le cœur.
La musique delà garde nationale ne se faisait
pas trop prier. Ses bois et ses cuivres émet-
taient incontinent la Marseillaise que natu-
rellement nous n'écoutions pas. Si on l'eût
refusée, il serait advenu une perturba-
tion et subversion irrémédiables de toute la
cérémonie. Après avoir eu préméditément
l'intention de vexer le roi, nous allions, le
soir même, dîner chez son ministre de l'ins-
truétion publique. Et comme nous étions
fiers, hauts et rengorgés I C'est que cela se
rapportait dans notre municipe natal et que
les commères, interrompant leur rouet, en
jasaient sur les portes.
.Jeunes et vieux ne tiennent, en ce monde,
qu'aux choses qui leur sont défendues. Certes,
il ne viendra jamais à l'esprit d'un préfet de
police de prendre un arrêté qui interdise aux
gens de traverser, entre, quatre et cinq heures
de l'après-midi, le boulevard, en marchant sur
les mains et la tête en bas. Ayons la hardiesse
de supposer qu'un tel arrête se produise et
,,»*cd:fluUo UGliialU VUUB
Paris. Il ne se verrait que gens qui rugiraient au
Paris. 11 no se verrait que gens qui rugiraient
qu'on entreprend contre leurs droits et qu'on
violente leur liberté. Et s'il me plaît à moi de
cheminer sur les mains, quel texte de loi me
défend de le faire? Hommes ou collégiens, il
faut-les prendre comme ils sont,et contre eux
ne se fâcher qu'à l'extrême rigueur.
Le fin rédacteur du Constitutionnel fé-
liciteM.Wallon de n'avoir pas, à l'exem-
̃pje de feu Victor Cousin, abusé de «a
fortune pour présenter l'état de ministre
aux jeunes élevés comme le seul qui va-
lût la peine qu'on s'en occupât.
Voila ce qu'on prêchait à notre jeunesse. Un
portefeuille, c'était la « timbale d'argent »
d'une destinée humaine. Aussi les gens nour-
ris de telles doctrines ont-ils bien travaillé.
Ils ont fait le 24 février, puis le 15 mai, puis
les journées de juin plus tard le 4 septembre
et le 18 mare et depuis, nous ne savonscom-
bien de conspirations et coalitions parlemen-
taires, en vue de la timbale. Toute la géné-
ration venue au monde après 1830 est infectée
de ce poison et, franchement, ce n'est pas
sa faute. Les coupables sont ceux qui le lui
ont versé.
̃ A propos de concours généraux. M.
Ed. Fournier a retrouvé et analysé, dans
la Patrie, la composition qui valut à
Alfred de Musset, en 1827,1e second prix
de dissertation latine; le premier prix
Feuilleton ilu FIGARO du 12 Août 1875
'.L'L. '1>
LA '••.̃̃̃̃
LA
CHASSE AUX FANTOMES
PREMIÈRE PARTIE
t' AMOUR DE t'Ott
-̃ l-' V- ̃ xiv
Un homme plus expérimenté que
Prosper de Prévodal et aussi moins
amoureux que lui, n'eût pas manqué de
réfléchir aux paroles de Mme Dachet et
:peut-être en songeant que la manière
dont elle avait pris conge de lui ne vou-
'lait point dire « Je ne vous aime pas ̃»
in'eût-il point perdu tout espoir de tou-
cher le cœur de Mina.
Une femme peut ne pas être indiffé-
rente à la passion d'un galant homme,
let se garder de le laisser voir. Bien plus,
souvent elle semble offensée d'un amour
qu'elle partage ou qu'elle est à la veille
de partager. C'est le dernier chant du
cygne, et les séducteurs émérites ne se
baissent point prendre à ces feintes co-
lères, à ces indignations qui veulent être
d'autant plus vives qu'elles cachent une
faiblesse qu'on redoute de laisser devi-
ner. Que serait le mérite de la conquête,
si la première escarmouche amenait la
victoire?
Mais Prosper de Prévodal ne fit aucune
de ces réflexions; il ne connaissait rien
de la vie civilisée, des conventions mon.
daines, ni des femmes; de l'astuce, delà
[duplicité, de la coquetterie même, il ne
se doutait guère. Il lui suffisait que Mina
Sïui eût dit « Je vous prie de ne plus
bremettre les pieds chez moi», pour qu'il
'"ortît de chez Mme Dachet complètement
échut à M. Eugène Biré, qui, depuis, a
été un orientaliste distingué.
La matière était Quœnam sint judiciorum
motiva? an cuncta ad unum yossint reduci ? i
Quels sont les motifs de nos jugements ? Ne
peuvent-ils pas tous être ramenés à un seul?
La conclusion était affirmative; C'est
à l'évidence que le futur poète ramène
tous les motifs des jugements humains.
M. Ed. Fournier ajoute à ces détails une
lettre fort touchante de la mère d'Alfred
de Musset sur les triomphes universi-
taires de son fils.
J'ai vu dans une enceinte richement dé-
corée, contenant trois ou quatre mille per-
sonnes, les quatre Facultés en grand costume,
réunies à tous les corps enseignants, présidés
par le grand-maître de l'Université, et don-
nant à cette assemblée tout ce qu'elle pouvait
avoir de pompeux et de solennel. La famille
du duc d'Orléans occupait une tribune ré-,
servée; l'intérêt connu de ces princes pour
Alfred ajoutait les douceurs de l'amitié au
prestige de la grandeur. C'est là que j'ai en-
tendu proclamer le nom de mon fils, que je
l'ai vu descendre les gradins aux sons écla-
tants des fanfares, et venir présenter sa jolie
tête blonde pour recevoir la couronne qu'il
avait acquise sur quatre-vingts rivaux, l'élite
de la jeunesse française; il recevait les caresses
et les encouragements du chef de l'instruction
publique la famille d'Orléans le félicitait du
regard, et moi, sa mère, je fusse restée in-
connue dans un coin, si mes larmes ne m'eus-
sent trahie. J'en versai de douces, mais abon-
dantes elles ont appris âmes voisins que
j'étais l'heureuse mère de cet aimable enfant.
Il paraît aussi, d'après cette lettre, que
les parents d'Alfred de Musset désiraient
le voir entrer à l'Ecole polytchnique,
mais les goûts littéraires du jeune
homme l'emportèrent et sa vocation ne
fut point contrariée par les siens.
'11. 14. M..
BOITE AUX LETTRES
Paris, 10 août 1875.
Monsieur le rédacteur,
Dans le numéro du Figaro du 8 août cou-
rant sous le titre: Le Congrès international
de gèogrupinc, vuu» une», «ijjreH »vun- paiié
du projet de canalisation à niveau par le Da-
rien de M. Puydt
« Un autre projet, dû à M. Michel Cheva-
lier, et que M. Levasseur a exposé avec une
grande clarté, consisterait à utiliser le lac de
Nicaragua, à en élever les eaux de façon à
rendre navigables, sur un long parcours, les
dodx rivières qui y prennent naissance.
» Le projet, etc. »
Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas
M. Michel Chevalier qui en est l'auteur, mais
il émane de moi et de M. Thomë de Gamond,
auteur du projet du tunnel sous la Manche,
ce dont fait foi le procès-verbal de la séance.
Seulement M. Michel Chevalier, qui acceptait
d'en être le parrain, fut prié par nous d'en
faire' l'exposé en séance au congres, et, comme
il était obligé de partir pour l'Hérault, il écri-
vit à M. Levasseur de vouloir bien le rem-
placer pour cet exposé.
M. Levasseur a fait, au tableau, devant
le cinquième groupe, la démonstration la plus
claire, la plus haute et la plus éloquente de
mon projet aussi je m'étonne qu'on me fasse
dire, dans mon travail, que deux rivières
prennent naissance dans le lac. Il n'y a que le
Sou-Inou, affluent de l'Atlantique quant à
l'autre, dont on veut parler, le Rio-Grande,
affluent du Pacifique, elle ne prend pas nais-
's&nce dans le lac, mais sera seulement mise
en communication avec lui par une coupure
à travers le seuil de Rivas.
M. Dauzat m'a expliqué depuis qu'il ne fai-
sait point du tout allusion à mon projet lors- '1
qu'il parlait d'ensablèments possibles, car ils
peuvent avoir lieu avec un canal, mais non
avec un véritable bras de mer dp. nlnainitrs
kilomètres de largeur.
Nous vous serons très obligés, monsieur le
rédacteur, M. Thomé de Gamond et moi, de
vouloir bien faire cette rectification dans votre
lus prochain numéro, et vous prions de vou-
loir bien recevoir nos remerciements pour la
manière élogieuse dont vous avez parlé du
projet.
Recevez, monsieur, l'assurance de ma con-
sidération distinguée. y BLANCHET.
1
INFORMATIONS
Le thermomètre, qui avait atteint mardi
trente-deux degrés centigrades, est monté à
trente-trois hier mercredi.
La chaleur était telle que le talon des bot-
tines s'enfonçait littéralement dans 'l'asphalte.
Vous verrez plus loin que le nombre des cas
d'insolation a été positivement effrayant.
Hier a eu lieu à l'Archevêché une réunion
de tous les Evêques places sous la juridiction
de Mgr (Juibert et des Archevêques des mé-
tropoles voisines du diocèse de Paris. Ces ar-
chevêques sont ceux de Rouen, Sens, Tours
et Bourges. r
L'objet de cette réunion, dit-on, était la
question d'une Université catholique.
Hier a eu lieu, dans la salle des Etats, aux
désespéré et la mort dans l'âme. Il n'avait
pas cependant le désir de se guérir de son
amour, ni de le reporter sur une autre
femme: il quittait l'hôtel Dachet, sombre
et jaloux comme Othello et tout prêt à
quelque coup de tête, tel qu'en conçoi-
vent les amoureux de vingt ans qui en
sont à leur première passion.
A coup sûr, s'il espérait que quel-
qu'un lui tendît la perche, il n'attendait
pas ce service de la part du mari, et c'est
cependant ce qui arriva.
Au moment où il allait franchir la
porte cochère, un personnage qu'il ne
voyait pas il marchait sans voir!
mais qui, lui, avait eu le temps de l'exa-
miner durant quelques secondes et de
reconnaître son état de désappointement,
l'arrêta au passage.
Prosper leva les yeux et se trouva en
présence de Robert Dachet.
Cette rencontre du mari amena une
certaine rougeur sur le front du jeune
homme. Pour la première fois, il comprit t
que le langage qu'il venait de tenir à
Mina était une offense au banquier.
Celui-ci n'eut point l'attitude d'un mari
soupçonneux et jaloux.
Il tendit affectueusement la main à
M. de Prévodal et lui dit en souriant
Ce jour sera certainement heureux
pour moi, mon cher comte, puisque je
vous trouve au seuil de ma maison. Vous
veniez me voir?
Oui, répondit Prosper un peu em-
barrassé, mais ne vous trouvant point,
je me suis présenté chez Mme Dachet,
qui a bien voulu me recevoir.
M. de Prévodal ne savait pas men-
tir.
C'est au mieux, répliqua Robert
Dachet. Vous aviez sans doute quelque
communication importante à me faire?
Du tout.
Ah pardon! fit le banquier. Il me
semblait voir sur votre figure quelque
sérieuse préoccupation.
I» II n'en est rien.
Tuileries, la distribution des récompenses du I
Congrès international des sciences géographi-
ques. La cérémonie était présidée par M. Wal* i
lon, ministre de l'instruction publique, assisté '<̃
de MM. le vice-amiral La Roncière le Noury, ]
président du congrès et président de la Société
de géographie de Paris; Delesse, président
d'honneur du jury; le baron Reille, ancien dé-
puté, commissaire général; de Torcy, capi-
taine d'état-major attaché à l'état-major gé-
néral du ministre de la guerre, commissaire
général adjoint; tous les commissaires étran-
gers, un grand nombre de membres de l'Ins-
titut et de délégués des différents ministères.
Le maréchal président est arrivé vers trois
heures, accompagné de son aide de camp, le
colonel d' Absac" précédant de quelques instants
l'arrivée du grand duc Constantin et celle de
M. Buffet, vice-président du conseil.
Au nombre des exposants récompensés,
nous citerons la maison Yves et Barret, hono-
rée d'une médaille d'or de 1™ classe pour ses
clichés typographiques, grâce auxquels les
plans et cartes de l'Etat-Major peuvent être
tirés en relief avec une rapidité considérable,
dix mille exemplaires par jour, au lieu dé
cinquante, maximum donné par la lithogra-
phie, et par conséquent revenant à un prix
bien plus modéré.
On a également remarqué les réductions
photo-typographiques qui permettent de
reproduire sur les cartes de poche tous les
détails les plus minutieux des grandes cartes..
Les communications sont rétablies avec
Aulus (Ariége), Ceux qui doivent puiser la
santé a ces sources merveilleuses appren.
dront avec joie qu'Aulus n'est plus inondé. j
que de baigneurs.
Un Italien, appartenant à l'une des plus
illustres familles de son pays, le chevalier
Rafaële d'Este, un descendant des duca de
Ferrare, est mort hier à Paris.
Il tirait son origine d'un bâtard d'Alphonse
d'Este, le mari de Lucrèce Borgia.
Le chevalier d'Este ne laisse pas d'héritiers
de son nom. Il avait une fortune considéra-
ble, qui passe à des collatéraux. j
M. le Préfet de police vient, nous dit-on, de
prendre une excellente mesure.
II interdit d'une façon formelle aux mar-
chands de chevaux et aux particuliers de
faire conduire dans Paris des attelages à
quatre chevaux et en tandems, sans que le
cocher soit muni d'un certificat attestant qu'il
a loo ctxpauRés nécessaires.
Ces certificats seraient délivrés par des ina-
pecteurs que la préfecture de police dôlé* j
gnerait à cet effet. j
î
On vient de dresser la statistique des in»
cendies à Paris pendant la précédente année.
Le corps des sapeurs-pompiers de Paris a
été appelé, pendant 1874, à éteindre cinq cent-
quatre incendies, dont 132 ont causé des dé-
gâts sérieux et 372 des dégâts légers.
Les assurances couvraient les pertes immo-
bilières dans 497 cas et les pertes mobilières
dans 384 cas seulement.
Pour les deux grands incendies de la rue
de Citeaux et du passage de Ménilmontant et
pour l'explosion d'un gazomètre du cours de
Vincennes, le montant des dégâts n'a pu être
évalué- jusqu'à présent. Pour les 501 autres
incendies, on estime les pertes subies à trois
millions quatre cent soixante-quatorze mille
cent dix francs,- dont 3,400,850 francs pour
129 feux importants et 73,260 francs pour
les 372 autres cas, considérés comme n'ayant
occasionné que des dégâts légers.
Les incendies ont été signalés en beaucoup
plus grand nombre de sept heures du soir
a minuit et surtout entre neuf et dix (41
cas). De deux heures à huit heures du ma-
tin les cas sont assez rares. Sous le rapport
des jours de la semaine les feux sérieux se
répartissent de la manière suivante
Lundi. 1.. 13
Mardi 23 s
Mercredi. 18 J
Jeudi: 23 j
Vonrt-t .1.6.
Samedi. 23 Ï.
Dimanche. 17
Total 132
Si nous relevons maintenant les causes des
incendies, nous trouvons
Alcool 9, allumettes chimiques 16, becs de gaz
6, braises mal éteintes 9, chaufferettes 5, combus-
tibles près du foyer 6, goudron, éther et benzine
8, étincelles 20, explosions de produits chimiques
ou de chaudières 4, falots 3, fermentations 6,
fourneaux abandonnés 11, fuites de gaz 7, fumeurs
2, frottements mécaniques 2, papiers mal éteints
22, lampes à gaz liquides 3, lumières diverses 47,
séchage du bois ou du linge il, pétrole, essence
minérale 18, surchauffes de fours 4, tisons et char-
bons 6, bouches de chaleur 6, calorifères sur par-
quets 11, cheminées adossées à du bois 23, che-
minées sans trémie 37, cheminées crevassées 8,
cheminées traversées par des charpentes 16, tuyaux
traversant des boiseries 17, causes inconnues 160.
En 1874, le feu a éclaté dans:
10 baraques, 35 ateliers d'ouvriers, 17 fabriques,
1 bateau, 31 boutiques, 8 bureaux, 13 cabinets, 53
caves, 130 chambres, 4 chantiers de bois, 16 com-
bles, 6 écuries, 1 église, 12 fournils, 7 greniers à
fourrages, 20 cuisines et laboratoires, 3 magasins
de produits chimiques, 16 autres magasins, 21 cloi-
sons, 68 parquets, 6 séchoirs, 10 théâtres, concerts,
bals, 1 voiture isolée,
et divers autres endroits qu'il serait trop long
d'énumérer.
11 y a eu trois explosions de gaz et trois
explosions de chaudières. 1
J'en suis ravi. Montez donc chez
moi, nous fumerons un cigare et nous
causerons. sérieusement.
Alors, c'est vous, observa Prosper,
qui avez des confidences à me faire ?
Confidences n'est pas précisément
le vrai mot; cependant il s'agit de vous,
mon cher comte, et de vos intérêts la
chose est donc sérieuse.
Oh ohl dit Prévodal, vous piquez
ma curiosité. Je vous suis, monsieur le
financier.
Robert Dachet passa son bras sous ce-
lui de Prosper et les deux hommes en-
trèrent ainsi dans le cabinet du banquier,
qui était situé, comme nous l'avons dit,
au premier étage de l'hôtel.
Si Mina eût vu de sa fenêtre l'attitude
familière de son mari et de Prosper,
elle eût été singulièrement surprise.
Mon cher comte, dit Robert Dachet
après avoir présenté un cigare au jeune
homme, vous entrez à peine dans la vie
et cependant vous avez toute la maturité
d'esprit que donnent la réflexion et la
méditation permettez-moi donc de vous
parler en homme soucieux de votre ave-
nir. Vous avez sans doute de l'ambition?
Moi? fit Prévodal un peu surpris de
ce début solennel, je ne sais pas ce que
c'est que l'ambition 1
Oh! l'ambition n'exclut pas le plai«
sir, répliqua Dachet à notre époque, les
personnagess les plus considérables mè-
nent très bien ces deux choses de front.
Nous voyons ministres, sénateurs, dé-
putés, grands administrateurs et finan-
ciers célèbres sacrifier à ces deux grands
mobiles de la vie.
Soit dit Prosper, je suis peut-être
comme le bourgeois de Molière. J'ai sans
doute de l'ambition sans le savoir.
Il est certain, reprit Dachet, que
dans ce siècle de conceptions hardies et
de vastes entreprises l'avenir appartient
aux hommes de parole et aux hommes
d'affaires. Il n'y a donc aujourd'hui, se-
lon moi. crue deux professions Dossihles
Pendant la même année, les pompiers ont
jpéré dix sauvetages, dont une personne reti-
rée vivante de dessous un éboulement et neuf
iiutres retirées des puits ou égouts (quatre
mortes, cinq vivantes).
On travaille en ce moment à l'une des plus
anciennes églises de Paris, laquelle avait be-
soin de réparations urgentes Saint-Nicolas-
du-Chardonnet que les bonnes gens du
quartier appellent toujours Saint-Nicolas-du-
Chardonneret.
Ce que bien peu de Parisiens savent, c'est
D'abord que cette petite église renferme des
tableaux de Lebrun et de Coypel, et des
sculptures de Girardon et de Coysevox;
Ensuite qu'elle offre cette particularité cu-
rieuse de n avoir pas de portail, j'entends par
là que le portail reste encore à élever et à
sculpter, et cela depuis bientôt deux cents
ans.
Avec beaucoup de rapporteurs comme M.
Viollet Le Duc, le pauvre portail court le ris-
que de rester longtemps comme il est, et les,
tableaux de Lebrun et de Coypel auront bien
de la peine à trouver leurs pendants. Que
voulez-vous? le conseil municipal n'aime pas
les tableaux religieux.
Le Figaro vous donnera demain le compte
rendu de la grande fête qui a lieu aujourd'hui
dans l'établissement Besselièvre au profit des
inondés. Ce que nous pouvons signaler
d'avance, c'est la variété extrême des objets
offerts. Cela tient à ce que tout le commerce
parisien a voulu apporter son offrande.
C'est ainsi qu'à côté de bronzes de Barbe-
dienne sont exposés deux chapeaux offerts
par Mme Mélanie Percheron Si ce sont des
dames qui gagnent, ail right, mais si ce sont
des gentlemen ?
Bah! Il en trouveront toujours le place-
ment.
Sous l'Empire, il avait sérieusement été
question d'installer dans la plaine de Neuilly-
sur-Marne, un polygone pour l'exercice du
canon, en prenant pour cible la butte d'Avron,
qui, par son élévation, offre bien plus de
garanties contre les boulets égarés que les
petites buttes artificielles do Vincennes,
maintenant surtout que l'on a beaucoup bâti
du côté de Charenton et que les améliorations
faites aux promenades y attirent de plus en
plus les promeneurs.
Or, depuis quelques jours, des ingénieurs
militaires étudient et jalonnent la butte
d'Avron, du côté de la plaine de Neuilly-sur-
Marne les habitants de ces parages se préoc-
cupent beaucoup de ce que Ion veut y faire;
les uns disent un polygone, les autres une
redoute.
Nous croyons, nous, que c'est un polygone.
Hier, à quatre heures, ont eu lieu à Sèvres
les obseques du pauvre Breton,gardien de la
capsulerie des Hautes-Bruyères, et dont le
corps a été retrouvé entièrement calciné à
douze pas de l'explosion de la poudrière.
Les directeurs et tous les ouvriers ont as-
sisté à cette cérémonie. Le sieur Breton était
depuis vingt-trois ans dans l'établissement.
Il n'était âgé que de trente-huit ans.
Un accident est arrivé hier matin sur le
chemin de fer de l'Ouest (ligne de Bretagne).
Le train-poste n° 28 qui part de Brest à
deux heures de l'après-midi, avait à minuit
trouvé au Mans une telle affluence de voya-
geurs qu'il avait fallu le dédoubler. Les deux
convois étaient donc partis, du Mans, l'un
suivant l'autre, à cinq minutes de distance
mais craignant sans doute d'être rejoint, le
mécanicien du premier convoi avait forcé un
peu la vitesse et se trouvait d'environ trois
minutes en avance sur l'heure réglementaire.
A deux heures moins deux, au lieu de deux
heures une minute, on arrivait à la station
de la Loupe, à 44 kilomètres de Chartres. Un
train de marchandises s'y trouvait, comptant
avoir le temps nécessaire pour se garer. Le
chef du train-poste ne l'aperçut pas et une
collision eut lieu, amortio 'liou»<»woment par
le raionwoooinont ^«o nécessitait rentrée en
gare. Le choc n'en fut pas moins assez vio-
lent, le wagon-poste fut brisé; deux autres voi-
tures furent avariées et une quinzaine de. voya-
geurs plus ou moins contusionnés. Aucun
cependant n'a été blessé grièvement. et tous
ont pu revenir à Paris, soit par le même con-
voi, qui a repris sa route, soit par la deuxième
section, arrivée quelques minutes après sur
le lieu de l'accident.
Somme toute, on a g$è quitte pour quelques
contusions et deux heures de retard. Les
deux sections du train sont arrivées à la gare
Montparnasse, à '6 h. 50 au lieu de 4 h. 45.
Quatorze cas d'insolation hier mercredi à
Paris 1
Voici les noms des victimes de la chaleur
MM. Thomas de Phiviers, Rossin et J. Fèvre,
tous trois assez grièvement atteints pour que
leurs jours soient en danger; MM. E. Dumas,
H. Fortin, D. Vanicleaux,'F. Jacob, M. Mar-
celin, Mmes Guillemand, Dorset. Maraste,Ro-
que, Fernandoz et Givet.
Cette dernière, frappée aux Champs-Ely-
sées, est la femme d'un officier .supérieur de
la garnison de Paris.
Gaston Vassy.
Les obsèques de M. J.-B. Viguèsaîne, mem-
bre du conseil du Comptoir d'escompte, au-
ront lieu vendredi 13 courant, à midi très
précis, en l'église Sainte-Marguerite.
celle d'avocat et celle de financier; l'une 1
et l'autre conduiront certainement au
pouvoir, c'est-à-dire à la domination,
ce qui est le seul but qu'un homme de
valeur puisse envier. Pour être avocat,
il faut avoir fait des études spéciales et
posséder l'art de la parole, ce qui exige
des travaux considérables et des apti-
tudes particulières pour être financier,
il suffit d'avoir un grand nom, un titre
comme vous, monsieur le comte- ou
de posséder la science des chiffres,
comme moi; l'avantage est donc du côté
de la finance, du côté du monde des af-
faires. La noblesse française l'a si bien
compris, que, depuis 1830, elle s'est al-
liée à la haute banque et s'est inféodée
dans toutes les grandes entreprises, no-
tamment dans les chemins de fer, c'est
ce qui l'a sauvée de l'oubli et de l'indif-
férence.
M. de Prévodal n'écoutait que distrai-
tement, sa pensée était ailleurs.
Dachet eut un imperceptible sourire.
Toutcela ne semble pas vous inté-
resser beaucoup 1 dit-il subitement à
Prosper.
Au contraire, continuez, je vous
prie.
Ces théories étant pour moi de pro-
fondes vérités, j'en ai fait le guide de
ma vie et je m'en suis admirablement
trouvé inconnu et pauvre, il y a dix
ans, je suis, aujourd'hui, riche et l'un
des premiers dans le monde financier
de Paris; et, certes, je ne m'arrêterai
pas là. En ce moment je rêve d'une af-
faire colossale, et l'intérêt que je vous
porte me pousse à vous y associer à titre
administrateur fondateur. Quelques
mots suffiront pour vous faire com-
prendre mon projet et vous en expliquer
toute l'importance je veux faire de Pa-
ris un port de mer, la reine de toutes les
cités européennes, une nouvelle Venise;
la ville la plus populeuse de l'Europe et
la nWcommercante du monde.
GAZETTE DES TRIBUNAUX j 1 à
COUR d'assises Affaire Roques. –Une femme ]
de soixante- sept ans assassinée par son 3
fils pour 200 francs. ]
Auguste Roques a trente ans. Il est né
à Verdun. Sa physionomie est essentiel-
lement antipathique. Il a les traits durs,
la barbe rouge, l'œil sardonique. Sa phy-
sionomie se crispe par instants comme
s'il voulait rire, ou s'il voulait s'empê-
cher de pleurer. D'autres fois, il détourne
la tête du regard du président qui 1' in-
terroge, et il tambourine avec le bout
de ses doigts sur la barre de bois qui
est devant lui. Puis son regard s'allume
et lance des éclairs. Après cela, il se
passe fiévreusement la main sur le front
et il baisse la tête. Son visage inspire
tantôt la haine et tantôt le remords.
Le banc du ministère public est occupe
par M. le procureur général Imgarde de
Leffemberg: celui de la défense par Me
Dauzon.
L'acte d'accusation est un pur chef-
d'œuvre. Il est conçu à la façon d'Edgar
Poë. Il n'existe pour ainsi dire aucune
preuve matérielle de la culpabilité de
Roques, et pourtant qui ne le trouverait
coupable après avoir lu l'ensemble des
déductions savamment échafaudées par
le rédacteur du merveilleux document
suivant:
La femme Roques, qui avait atteint, en
1875, sa soixante-septième année, était res-
tée -veuve avec trois fils l'aîné, Frédéric,
directeur du dépôt de papier de la maison
Vaissier, habitait avec elle un appartement
composé de quatre pièces, sis au troisième
étage d'une maison dépendant du lycée Louis-
le-Grand et dépourvue de concierge le plus
jeune, Edmond, était surveillant général dans
ce lycée et venait voir constamment sa mère.
Elle n'avait qu'à se louer de la conduite irré-
prochable de ces jeunes gens qui lui témoi-
gnaient autant de tendresse que de déférence.
Il n'en était pas de même de son troisième
fils, l'accusé Auguste Roques, homme pares-
seux, débauché et d'un caractère violent, qui,
après avoir, comme son frère Frédéric partagé
le logement de sa mère, l'avait quittée il y a
dix-huit mois environ pour aller vivre ma-
ritalement, rue Mosnier, avec une femme de
mœurs légères séparée de son mari, la femme
Gressier, née Nautier, dont il avait fait la
~1_ ~L_1 _1,1:4 f. 1-nnnlle i~
rencontre aans un uai jjuuhu eu <* i«i)uouu
avait lié son existence, malgré les observa-
tions de sa famille et de ses amis.
Un voyage de quelques semaines dans le
Midi, en compagnie de sa mère, n'avait fait
qu'interrompre momentanément ces relations
qu'il s'était empressé de reprendre à son re-
tour. En 1870, a sa libération du service mi-
litaire, son frère aîné l'avait fait entrer en
qualité de commis aux écritures dans la mai-
son qu'il dirigeait. En 1872, il l'avait fait
agréer comme sous-caissier, aux appointe-
ments de 200 francs par mois, plus une part
de 5 0/0 dans les bénéfices, et une gratifica-
tion annuelle. Pour subvenir aux dépenses
de sa vie irrégulière, qui étaient hors de pro-
portion avec ses émoluments, Auguste Roques
s'appropria une partie du montant des fac-
tures qu'il était chargé d'encaisser ou des va-
leurs que les banquiers payaient entre ses
mains. Son frère ayant constaté ces détour-
nements, lui retira la tenue de la caisse en le
conservant comme simple employé.
Le 9 mars dernier, l'accuse enlevait une
nouvelle somme de 3,300 francs qui portait à
plus de 15,000 francs le chiffre total de ses
détournements, s'enfuyait en Belgique avec
sa maîtresse, y dissipait rapidement le produit
4e ce dernier abus de confiance, et revenait à
Paris, rue Mosnier, au bout de quinze jours,
dénué de toutes ressources. Sa situation était
à peu près sans issue: il avait perdu sa place
ii «'avait dIus d'argent e*. oii^rchaît vainement
à en emprunter ae côté et d'autre; il en était
réduit, ainsi que sa concubine, à contracter
des dettes et à se faire nourrir à crédit ou par
complaisance; il engageait sa montre et sa
chaîne de son côté la femme Gressier mettait
en gage ses bijoux et vendait ses effets pour
faire face aux dépenses communes les plus
indispensables.
Le 3 juin, dans l'après-midi, Auguste Ro-
ques se rendait rue Saint-Jacques et faisait
ouvrir par un serrurier, le sieur Haize, la
porte principale du logement de sa mère, qui
était absente il y prenait des effets. lui ap-
partenant et les vendait moyennant 25 francs
a un brocanteur qu'il avait appelé par la fe-
nêtre puis, étant allé dans un cafe du voisi-
nage, il faisait mander, par un des garçons,
un commissionnaire, le sieur Blanc, et char-
geait celui-ci d'aller porter, rue Mosnier, une
enveloppe contenant une somme de 15 francs,
composée de trois pièces de 5 francs en ar-
gent cette somme fut fidèlement remise à la
femme Gressier.
Le surlendemain 5 juin, l'accusé, qui avait
laissé croire à sa maîtresse qu'il avait de l'ar-
gent à recevoir de son ancien patron, lui an-
nonça, en la quittant le matin, qu'il allait
émarger et qu'il lui enverrait peut-être de
l'argent dans la journée.
En effet, à cinq heures du soir, se trouvant
dans la brasserie du Rhin, place de la Sor-
bonne, il envoyait quérir, par le garçon Raguse
le commissionnaire Blanc et lui remettait un,
lettre accompagnée d'une somme de 130 fr.,
C'est une grande idée dit grave-
ment Prévodal.
N'est-ce pas? reprit Robert Dachet,
et ce sera un grand honneur que d'atta-
cher son nom à cette entreprise.
En effet.
En outre de l'honneur, il y aura
considération et profit. Les études que
j'ai fait exécuter ont démontré l'exis-
tence de mines et houillères à exploi-
ter. la possibilité de grands travaux
d'irrigation qui donneront une plus-va-
lue considérable aux terrains traversés
par le canal à exécuter, plus value qui
profitera, pour la plus grande partie aux
fondateurs de l'entreprise. Enfin, comme
cette immense opération sera d'une uti-
lité publique incontestable, Paris, l'Etat
et toutes les communes auxquelles elle
devra apporter une vie nouvelle s'y asso-
cieront par de larges subventions.
C'est probable.
Alors vous êtes avec moi et je puis
inscrire votre nom en tête de la liste
des administrateurs-fondateurs.
Mon cher banquier, dit insoucieu-
sement Prévodal, j'admire vos grandes
conceptions, mais je ne puis vous suivre
sur ce terrain. En vous écoutant, j'ai
fait mon examen de conscience décidé-
ment, je ne suis point ambitieux?
Quoi! s'écria Robert Dachet qui te-
nait en réserve un puissant argument,
vous refusez la croix?
La croix? dit Prosper tout surpris;
de quelle croix parlez-vous ?
Mais de la Légion d'honneur, que
le gouvernement ne manquera pas de
donner aux créateurs de Paris port de
mer, Qui donc l'aura mieux méritée que
les fondateurs de cette entreprise natio-
nale ?
Personne, à coup sûr répondit
Prosper; cependant je vous assure que
cela me tente peu.
-Eh quoi à votre âge, le ruban
rouge ne vous tente pas ?
Que m'MDorte dit indifféremment
le
Dmposée de cinq pièces de 20 fr. et de troi"
iècos do 10 fr. Il lui donnait en même temj^
ordre de porter cette lettre et cette somnia
la femme Gressier, rue Mosnier, ajoutait
es mots Je serai là vers sept heures. »
Une heure après, sa maîtresse recevait hjs
30 fr. et, suivant les instructions écrites
ointes à l'envoi, les consacrait en partie à
layer quelques dettes criardes.
Auguste Roques n'a pu expliquer d'une w
nanière plausible la possession de cette
iomme. En vain prétond-il qu'elle formait le
'eliquat des fonds par lui détournés avant sa
uite en Belgique. Le dénûment dans lequel `'
1 était plongé depuis son retour, les extré-
nités auxquelles il se trouvait réduit, no-
amment losqu'il vendait l'avant-veille ses
lerniers eflets ne permettent pas d'ad-
nettre qu'il eût encore en réserve une somme
-elativcment importante. Les 130 francs qu'il
t envoyés à sa concubine, le 5 juin, étaient
lonc le produit d'un vol et leur origine ne
;e révèle que trop clairement si l'on songe
lue, le même jour, on constate la disparition
lans l'appartement de sa mère d'une somme
l'onviron 200 francs également composée de
Diôce d'or, ainsi que l'ont établi les constata-
;ions faites à la suite d'un drame lugubre,
lue le moment est venu d'exposer.
Le 5 juin, vers sept heures un quart da
soir, Frédéric Roques, rentrant au domicile
:ju'il occupait en commun avec sa mère, trou-
vait la porto principale, la seule dont il avait
la clef, fermée intérieurement au verrou il
remarquait en même temps, sur le palier de
l'escalier, un panier contenant du linge blan-
chi, qui avait été déposé vers six heures par
la femme Prévost, blanchisseuse. Il alla faire
un tour de promenade et revint au bout d'une
heure; il se trouva dans l'escalier avec la
femme Prévost, et tous deux constatèrent que
le panier de linge n'était plus devant la porte
qui, cependant, restait fermée au dedans. Il
revint pour la troisième fois vers huit heures
un quart avec un serrurier par lequel il fit
ouvrir la porte latérale, celle de la cuisine qui
était fermée au moins à un tour et qui ne put
être ouverte qu'à l'aide d'une fausse clef; ce
serrurier, le sieur Haize, fit observer qu'il
avait déjà été mandé l'avant-veille pour ou
vrir la même porte c'était à lui en effet que
l'accusé s'était adressé" lorsqu'il était venu
prendre les vêtements.
En entrant dans la cuisine, Frédéric Ro-
ques remarqua que le panier de linge s'y
trouvait déposé à sa place habituelle; mais a
peine eut-il fait quelques pas dans l'apparte-
ment qu'un spectacle affreux s'offrit à ses re-
gards dans un étroit et sombre couloir,
conduisant de l'antichambre aux cabinets, le
corps de sa mère était étendu sans vie sur le
carreau. Ses vêtements n'étaient point en dé;
sordre, mais ils étaient maculés de sang; tout
le long de ce corridor coulaient deux ruis-
seaux de sang partant d'une large flaque',
à l'endroit où gisait le cadavre. Frédéric Ilo-
ques pensa dans le premier moment que sa s
mère avait pu être frappée d'une attaque
d'apoplexie et sefblesser en tombant sur l'an-
gle d'une caisse en |bois placée dans le cou-
loir mais cette hypothèse ne résista pointa
l'examen médical auquel il fut presque aussi-
tôt procédé.
Le docteur Laquérie constata l'existence, an
côté gauche du front, de deux plaies parallèles
très profondes, ainsi que d'autres plaies sur
le sommet de la tête, et la présence, au côté
droit du cou, d'un sillon circulaire produit
par la pression d'une corde. On découvrit
sur la caisse en bois placée dans le couloir,
au milieu de quelques chiffons, une corde
lisse, formant lacet et s'adaptant parfaitement
aux ecchymoses constatées sur le cou on
retrouva aussi dans la chambre à coucher de
la veuve Roques, au pied du lit, uno barre de
fer qui était habituellement déposée dans un
angle derrière la cheminée cette barre de
fer présentait, à deux de ses côtés, des taches
de sang au milieu desquelles s'apercevaient
des brins de cheveux blancs,
Ces divers éléments ont permis l'homme
de l'art d'affirmer que la mort de la veuve
Roques était le résultat d'un crime et de re-
constituer la scène au cours de laquelle ello
avait succombé.
Attaquée par surprise, elle' avait été étour-
die d'abord par un conpda poings asséné en-«
tre les yeux, qui avait occasionné une hémor»
ragie nasale ainsi que des ecchymoses aux
paupières. L'assassin avait ensuite cherché &
étrangler à l'aide de la corde, mais il n'a-
vait pu y parvenir, le cou n'ayant point été
serré complétement; enfin il avait porté à sa
victime des coups mortels en la frappant deux
fois à la tempe et deux fois derrière la tête
avec la barre de fer qui avait fracturé le
crâne et enfoncé les fragments dans la pulpe
cérébrale. Il n'y avait eu ni lutte ni résis-
tance de la part de la malheureuse femme.
Les meubles n'avaient point été fracturés,
mais on constatait la disparition d'une somme
d'environ 200 francs qui aurait dû se retrou-
ver au domicile de la veuve Roques, ainsi
que d'un portefeuille contenant des papiers
de famille, et l'on remarquait sur la commode
de sa chambre deux porte-monnaie vides.
Toutes les circonstances qui avaient ac«
compagné ce crime accusaient Roques. L'as- w
sassin était évidemment un familier do la
maison. Il avait dû entrer à l'aide d'une clef
qu'il possédait à l'avance, ou se faire intro-
duire par la victime, qui, fort défiante de son
naturel, n'ouvrait point au premier venu; it
avait une connaissance suffisante les lieux
pour choisir le lieu le plus propice it crime
le couloir obscur et écarté.
Il avait eu assez d'influence sur la veuve-
Roques pour l'y entraîner, car le sang ré«
pandu démontre que c'est là seulement qu'ell(
a été frappée il est allé prendre la barre d(
fer derrière la cheminée de la chambre à cou
M. de Prévodal, qui ne songeait qu'à soi
amour repoussé.
Que vous importe l'honneur me
dites-vous mais la considération, la
fortune ?
Je suis assez riche Quant à ce que
que vous appelez la considération, si je
vous comprends bien il-me suffit d'avoir
l'estime de moi-même.
L'estime de vous-même, dit avec
un sourire narquois Robert Dachet, cela
peut, à la rigueur, suffire à soixante ans,
mais à vingt ans c'est un mince bagage
pour faire son chemin dans la vie.
Qu'est-ce qne vous entendez par
« faire son chemin dans la vie », mon
cher monsieur Dachet? demanda Pros-
per.
x Mais, plaire, aimer, être aimé, en-
vié être sinon le premier, ce qui est
difficile, du moins n'être pas dans ce
qu'on désigne sous cette appellation pé-
nible « le tout le monde! » Pensez-vous,
par exemple, que, si grand que soit le
mérite d'un homme pauvre, il aura les
mêmes chances de succès dans la vie
qu'un compétiteur du même mérite et
riche? Croyez-vous que la renommée,
une grande position ne sont pas des
aides puissantes en amour? N'estimez-
vous pas que la femme est faible, vani-
teuse, pleine de préjugés et l'esclave des
lois mondaines? Or, le monde préconise
la richesse, la considération, les hon-
neurs, et quoi qu'on en ait dit, la dé-
coration en est un; donc, la femmé
aime toutes ces choses, et presque tou-
jours même, c'est ce qu'elle aime le plus
chez l'homme f
Vous jetez le trouble dans mon
esprit, mon cher banquier mais vous n$
me convertissez pas.
ARMAND I,APOINrÉ?
{la suite i demain.).
quet est un radical, élu par une majorité ra
dicale, et qu'à l'occasion de la visite du czar
au Palais de Justice, il s'est comporté comme
un grossier malappris. On suppose que M.
Duval n'a pas aimé être accompagné par un
gentleman d'opinions extrêmes et qui sait si
peu se conduire en société.
¥% M. Mommsen, le célèbre historien
allemand qui, après avoir été le pension-
naire de Napoléon III, a témoigné la
plus violente hostilité contre les Fran-
çais, vient de prononcer, à. l'occasion de
la fête de l'Université de Berlin, un dis-
cours où il a eu le courage de se pronon-
cer contre le chauvinisme qui fleurit au.
delà du Rhin.
Il n'y a pas de harangue, a dit l'illustre
historien, plus puissante en faveur de la paix
que la guerre elle-même, surtout si c'est une
guerre qui a et doit avoir pour conséquence
la confection de plaques commémorativer
telles que celles que nous inaugurons aujour-
d'hui. Quand on voit une nation sacrifier
dans chaque guerre tant de ses meilleurs en-
fants, tant de jeunes gens que leurs aptitudes
appelaient à deveftir plus tard des savants,
des artistes des hommes d'Etat, il y a dans
l'énormité de cet enjeu un avertissement d'a-
voir à ne pas jouer avec la guerre avertisse-
ment qu'aucun homme d'Etat allemand, et
surtout qu'aucun souverain allemand ne sau-
rait ne pas entendre.
Il est vrai que M. Mommsènne s'est pas
longtemps tenu dans ces régions philo-
sophiques et sereines et qu'après avoir
félicité les Hohenzollern de n'avoir ja-
mais fait « une guerre inutile il a ter-
miné son discours par toutes les banali-
tés à l'usage des gens qu'on envoie se
faire tuer.
Nous avons fait l'expérience que-le désir et
la volonté de maintenir la paix n'assurent
pas toujours la paix. Il en est de la guerre
comme de l'incendie. Elle est aussi facile à
allumer que difficile à éteindre, Si donc elle
redevient nécessaire, on verra se reproduire
ce qui s'est déjà produit.
L empereur a appelé la nation, et tous sont
venus, disions-nous autrefois. Que l'empe-
reur-nous appelle une fois encore, et les en-
nemis du nom allemand apprendront bientôt
ce que cela signifie, lorsque l'on dit que tous
les Allemands vinrent à l'appel de l'empe-
reur.
Ceux qui auront été appelés ne reviendront
paa uvua, maaa vcm yu a aay vaa au.mtd.
des vainqueurs rentrant dans leur patrie aura
son nom environné d'honneur et rayonnant
de gloire.
̃"
M. Grenier a exécuté d'excellentes
variations dans le Constitutionnel sur le
thème de la distribution des prix.
Avant 1848, l'élite de la jeunesse studieuse
ne manquait jamais, en ces pompes scolaires,
de réclamer la Marseillaise aux musiciens de la
garde nationale. Nous étions convaincus que
cela peinerait fort le roi Louis-Philippe, et
,cette certitude, assez téméraire, de peiner le
roi Louis-Philippe, nous chatouillait le cœur.
La musique delà garde nationale ne se faisait
pas trop prier. Ses bois et ses cuivres émet-
taient incontinent la Marseillaise que natu-
rellement nous n'écoutions pas. Si on l'eût
refusée, il serait advenu une perturba-
tion et subversion irrémédiables de toute la
cérémonie. Après avoir eu préméditément
l'intention de vexer le roi, nous allions, le
soir même, dîner chez son ministre de l'ins-
truétion publique. Et comme nous étions
fiers, hauts et rengorgés I C'est que cela se
rapportait dans notre municipe natal et que
les commères, interrompant leur rouet, en
jasaient sur les portes.
.Jeunes et vieux ne tiennent, en ce monde,
qu'aux choses qui leur sont défendues. Certes,
il ne viendra jamais à l'esprit d'un préfet de
police de prendre un arrêté qui interdise aux
gens de traverser, entre, quatre et cinq heures
de l'après-midi, le boulevard, en marchant sur
les mains et la tête en bas. Ayons la hardiesse
de supposer qu'un tel arrête se produise et
,,»*cd:fluUo UGliialU VUUB
Paris. Il ne se verrait que gens qui rugiraient au
Paris. 11 no se verrait que gens qui rugiraient
qu'on entreprend contre leurs droits et qu'on
violente leur liberté. Et s'il me plaît à moi de
cheminer sur les mains, quel texte de loi me
défend de le faire? Hommes ou collégiens, il
faut-les prendre comme ils sont,et contre eux
ne se fâcher qu'à l'extrême rigueur.
Le fin rédacteur du Constitutionnel fé-
liciteM.Wallon de n'avoir pas, à l'exem-
̃pje de feu Victor Cousin, abusé de «a
fortune pour présenter l'état de ministre
aux jeunes élevés comme le seul qui va-
lût la peine qu'on s'en occupât.
Voila ce qu'on prêchait à notre jeunesse. Un
portefeuille, c'était la « timbale d'argent »
d'une destinée humaine. Aussi les gens nour-
ris de telles doctrines ont-ils bien travaillé.
Ils ont fait le 24 février, puis le 15 mai, puis
les journées de juin plus tard le 4 septembre
et le 18 mare et depuis, nous ne savonscom-
bien de conspirations et coalitions parlemen-
taires, en vue de la timbale. Toute la géné-
ration venue au monde après 1830 est infectée
de ce poison et, franchement, ce n'est pas
sa faute. Les coupables sont ceux qui le lui
ont versé.
̃ A propos de concours généraux. M.
Ed. Fournier a retrouvé et analysé, dans
la Patrie, la composition qui valut à
Alfred de Musset, en 1827,1e second prix
de dissertation latine; le premier prix
Feuilleton ilu FIGARO du 12 Août 1875
'.L'L. '1>
LA '••.̃̃̃̃
LA
CHASSE AUX FANTOMES
PREMIÈRE PARTIE
t' AMOUR DE t'Ott
-̃ l-' V- ̃ xiv
Un homme plus expérimenté que
Prosper de Prévodal et aussi moins
amoureux que lui, n'eût pas manqué de
réfléchir aux paroles de Mme Dachet et
:peut-être en songeant que la manière
dont elle avait pris conge de lui ne vou-
'lait point dire « Je ne vous aime pas ̃»
in'eût-il point perdu tout espoir de tou-
cher le cœur de Mina.
Une femme peut ne pas être indiffé-
rente à la passion d'un galant homme,
let se garder de le laisser voir. Bien plus,
souvent elle semble offensée d'un amour
qu'elle partage ou qu'elle est à la veille
de partager. C'est le dernier chant du
cygne, et les séducteurs émérites ne se
baissent point prendre à ces feintes co-
lères, à ces indignations qui veulent être
d'autant plus vives qu'elles cachent une
faiblesse qu'on redoute de laisser devi-
ner. Que serait le mérite de la conquête,
si la première escarmouche amenait la
victoire?
Mais Prosper de Prévodal ne fit aucune
de ces réflexions; il ne connaissait rien
de la vie civilisée, des conventions mon.
daines, ni des femmes; de l'astuce, delà
[duplicité, de la coquetterie même, il ne
se doutait guère. Il lui suffisait que Mina
Sïui eût dit « Je vous prie de ne plus
bremettre les pieds chez moi», pour qu'il
'"ortît de chez Mme Dachet complètement
échut à M. Eugène Biré, qui, depuis, a
été un orientaliste distingué.
La matière était Quœnam sint judiciorum
motiva? an cuncta ad unum yossint reduci ? i
Quels sont les motifs de nos jugements ? Ne
peuvent-ils pas tous être ramenés à un seul?
La conclusion était affirmative; C'est
à l'évidence que le futur poète ramène
tous les motifs des jugements humains.
M. Ed. Fournier ajoute à ces détails une
lettre fort touchante de la mère d'Alfred
de Musset sur les triomphes universi-
taires de son fils.
J'ai vu dans une enceinte richement dé-
corée, contenant trois ou quatre mille per-
sonnes, les quatre Facultés en grand costume,
réunies à tous les corps enseignants, présidés
par le grand-maître de l'Université, et don-
nant à cette assemblée tout ce qu'elle pouvait
avoir de pompeux et de solennel. La famille
du duc d'Orléans occupait une tribune ré-,
servée; l'intérêt connu de ces princes pour
Alfred ajoutait les douceurs de l'amitié au
prestige de la grandeur. C'est là que j'ai en-
tendu proclamer le nom de mon fils, que je
l'ai vu descendre les gradins aux sons écla-
tants des fanfares, et venir présenter sa jolie
tête blonde pour recevoir la couronne qu'il
avait acquise sur quatre-vingts rivaux, l'élite
de la jeunesse française; il recevait les caresses
et les encouragements du chef de l'instruction
publique la famille d'Orléans le félicitait du
regard, et moi, sa mère, je fusse restée in-
connue dans un coin, si mes larmes ne m'eus-
sent trahie. J'en versai de douces, mais abon-
dantes elles ont appris âmes voisins que
j'étais l'heureuse mère de cet aimable enfant.
Il paraît aussi, d'après cette lettre, que
les parents d'Alfred de Musset désiraient
le voir entrer à l'Ecole polytchnique,
mais les goûts littéraires du jeune
homme l'emportèrent et sa vocation ne
fut point contrariée par les siens.
'11. 14. M..
BOITE AUX LETTRES
Paris, 10 août 1875.
Monsieur le rédacteur,
Dans le numéro du Figaro du 8 août cou-
rant sous le titre: Le Congrès international
de gèogrupinc, vuu» une», «ijjreH »vun- paiié
du projet de canalisation à niveau par le Da-
rien de M. Puydt
« Un autre projet, dû à M. Michel Cheva-
lier, et que M. Levasseur a exposé avec une
grande clarté, consisterait à utiliser le lac de
Nicaragua, à en élever les eaux de façon à
rendre navigables, sur un long parcours, les
dodx rivières qui y prennent naissance.
» Le projet, etc. »
Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas
M. Michel Chevalier qui en est l'auteur, mais
il émane de moi et de M. Thomë de Gamond,
auteur du projet du tunnel sous la Manche,
ce dont fait foi le procès-verbal de la séance.
Seulement M. Michel Chevalier, qui acceptait
d'en être le parrain, fut prié par nous d'en
faire' l'exposé en séance au congres, et, comme
il était obligé de partir pour l'Hérault, il écri-
vit à M. Levasseur de vouloir bien le rem-
placer pour cet exposé.
M. Levasseur a fait, au tableau, devant
le cinquième groupe, la démonstration la plus
claire, la plus haute et la plus éloquente de
mon projet aussi je m'étonne qu'on me fasse
dire, dans mon travail, que deux rivières
prennent naissance dans le lac. Il n'y a que le
Sou-Inou, affluent de l'Atlantique quant à
l'autre, dont on veut parler, le Rio-Grande,
affluent du Pacifique, elle ne prend pas nais-
's&nce dans le lac, mais sera seulement mise
en communication avec lui par une coupure
à travers le seuil de Rivas.
M. Dauzat m'a expliqué depuis qu'il ne fai-
sait point du tout allusion à mon projet lors- '1
qu'il parlait d'ensablèments possibles, car ils
peuvent avoir lieu avec un canal, mais non
avec un véritable bras de mer dp. nlnainitrs
kilomètres de largeur.
Nous vous serons très obligés, monsieur le
rédacteur, M. Thomé de Gamond et moi, de
vouloir bien faire cette rectification dans votre
lus prochain numéro, et vous prions de vou-
loir bien recevoir nos remerciements pour la
manière élogieuse dont vous avez parlé du
projet.
Recevez, monsieur, l'assurance de ma con-
sidération distinguée. y BLANCHET.
1
INFORMATIONS
Le thermomètre, qui avait atteint mardi
trente-deux degrés centigrades, est monté à
trente-trois hier mercredi.
La chaleur était telle que le talon des bot-
tines s'enfonçait littéralement dans 'l'asphalte.
Vous verrez plus loin que le nombre des cas
d'insolation a été positivement effrayant.
Hier a eu lieu à l'Archevêché une réunion
de tous les Evêques places sous la juridiction
de Mgr (Juibert et des Archevêques des mé-
tropoles voisines du diocèse de Paris. Ces ar-
chevêques sont ceux de Rouen, Sens, Tours
et Bourges. r
L'objet de cette réunion, dit-on, était la
question d'une Université catholique.
Hier a eu lieu, dans la salle des Etats, aux
désespéré et la mort dans l'âme. Il n'avait
pas cependant le désir de se guérir de son
amour, ni de le reporter sur une autre
femme: il quittait l'hôtel Dachet, sombre
et jaloux comme Othello et tout prêt à
quelque coup de tête, tel qu'en conçoi-
vent les amoureux de vingt ans qui en
sont à leur première passion.
A coup sûr, s'il espérait que quel-
qu'un lui tendît la perche, il n'attendait
pas ce service de la part du mari, et c'est
cependant ce qui arriva.
Au moment où il allait franchir la
porte cochère, un personnage qu'il ne
voyait pas il marchait sans voir!
mais qui, lui, avait eu le temps de l'exa-
miner durant quelques secondes et de
reconnaître son état de désappointement,
l'arrêta au passage.
Prosper leva les yeux et se trouva en
présence de Robert Dachet.
Cette rencontre du mari amena une
certaine rougeur sur le front du jeune
homme. Pour la première fois, il comprit t
que le langage qu'il venait de tenir à
Mina était une offense au banquier.
Celui-ci n'eut point l'attitude d'un mari
soupçonneux et jaloux.
Il tendit affectueusement la main à
M. de Prévodal et lui dit en souriant
Ce jour sera certainement heureux
pour moi, mon cher comte, puisque je
vous trouve au seuil de ma maison. Vous
veniez me voir?
Oui, répondit Prosper un peu em-
barrassé, mais ne vous trouvant point,
je me suis présenté chez Mme Dachet,
qui a bien voulu me recevoir.
M. de Prévodal ne savait pas men-
tir.
C'est au mieux, répliqua Robert
Dachet. Vous aviez sans doute quelque
communication importante à me faire?
Du tout.
Ah pardon! fit le banquier. Il me
semblait voir sur votre figure quelque
sérieuse préoccupation.
I» II n'en est rien.
Tuileries, la distribution des récompenses du I
Congrès international des sciences géographi-
ques. La cérémonie était présidée par M. Wal* i
lon, ministre de l'instruction publique, assisté '<̃
de MM. le vice-amiral La Roncière le Noury, ]
président du congrès et président de la Société
de géographie de Paris; Delesse, président
d'honneur du jury; le baron Reille, ancien dé-
puté, commissaire général; de Torcy, capi-
taine d'état-major attaché à l'état-major gé-
néral du ministre de la guerre, commissaire
général adjoint; tous les commissaires étran-
gers, un grand nombre de membres de l'Ins-
titut et de délégués des différents ministères.
Le maréchal président est arrivé vers trois
heures, accompagné de son aide de camp, le
colonel d' Absac" précédant de quelques instants
l'arrivée du grand duc Constantin et celle de
M. Buffet, vice-président du conseil.
Au nombre des exposants récompensés,
nous citerons la maison Yves et Barret, hono-
rée d'une médaille d'or de 1™ classe pour ses
clichés typographiques, grâce auxquels les
plans et cartes de l'Etat-Major peuvent être
tirés en relief avec une rapidité considérable,
dix mille exemplaires par jour, au lieu dé
cinquante, maximum donné par la lithogra-
phie, et par conséquent revenant à un prix
bien plus modéré.
On a également remarqué les réductions
photo-typographiques qui permettent de
reproduire sur les cartes de poche tous les
détails les plus minutieux des grandes cartes..
Les communications sont rétablies avec
Aulus (Ariége), Ceux qui doivent puiser la
santé a ces sources merveilleuses appren.
dront avec joie qu'Aulus n'est plus inondé. j
que de baigneurs.
Un Italien, appartenant à l'une des plus
illustres familles de son pays, le chevalier
Rafaële d'Este, un descendant des duca de
Ferrare, est mort hier à Paris.
Il tirait son origine d'un bâtard d'Alphonse
d'Este, le mari de Lucrèce Borgia.
Le chevalier d'Este ne laisse pas d'héritiers
de son nom. Il avait une fortune considéra-
ble, qui passe à des collatéraux. j
M. le Préfet de police vient, nous dit-on, de
prendre une excellente mesure.
II interdit d'une façon formelle aux mar-
chands de chevaux et aux particuliers de
faire conduire dans Paris des attelages à
quatre chevaux et en tandems, sans que le
cocher soit muni d'un certificat attestant qu'il
a loo ctxpauRés nécessaires.
Ces certificats seraient délivrés par des ina-
pecteurs que la préfecture de police dôlé* j
gnerait à cet effet. j
î
On vient de dresser la statistique des in»
cendies à Paris pendant la précédente année.
Le corps des sapeurs-pompiers de Paris a
été appelé, pendant 1874, à éteindre cinq cent-
quatre incendies, dont 132 ont causé des dé-
gâts sérieux et 372 des dégâts légers.
Les assurances couvraient les pertes immo-
bilières dans 497 cas et les pertes mobilières
dans 384 cas seulement.
Pour les deux grands incendies de la rue
de Citeaux et du passage de Ménilmontant et
pour l'explosion d'un gazomètre du cours de
Vincennes, le montant des dégâts n'a pu être
évalué- jusqu'à présent. Pour les 501 autres
incendies, on estime les pertes subies à trois
millions quatre cent soixante-quatorze mille
cent dix francs,- dont 3,400,850 francs pour
129 feux importants et 73,260 francs pour
les 372 autres cas, considérés comme n'ayant
occasionné que des dégâts légers.
Les incendies ont été signalés en beaucoup
plus grand nombre de sept heures du soir
a minuit et surtout entre neuf et dix (41
cas). De deux heures à huit heures du ma-
tin les cas sont assez rares. Sous le rapport
des jours de la semaine les feux sérieux se
répartissent de la manière suivante
Lundi. 1.. 13
Mardi 23 s
Mercredi. 18 J
Jeudi: 23 j
Vonrt-t .1.6.
Samedi. 23 Ï.
Dimanche. 17
Total 132
Si nous relevons maintenant les causes des
incendies, nous trouvons
Alcool 9, allumettes chimiques 16, becs de gaz
6, braises mal éteintes 9, chaufferettes 5, combus-
tibles près du foyer 6, goudron, éther et benzine
8, étincelles 20, explosions de produits chimiques
ou de chaudières 4, falots 3, fermentations 6,
fourneaux abandonnés 11, fuites de gaz 7, fumeurs
2, frottements mécaniques 2, papiers mal éteints
22, lampes à gaz liquides 3, lumières diverses 47,
séchage du bois ou du linge il, pétrole, essence
minérale 18, surchauffes de fours 4, tisons et char-
bons 6, bouches de chaleur 6, calorifères sur par-
quets 11, cheminées adossées à du bois 23, che-
minées sans trémie 37, cheminées crevassées 8,
cheminées traversées par des charpentes 16, tuyaux
traversant des boiseries 17, causes inconnues 160.
En 1874, le feu a éclaté dans:
10 baraques, 35 ateliers d'ouvriers, 17 fabriques,
1 bateau, 31 boutiques, 8 bureaux, 13 cabinets, 53
caves, 130 chambres, 4 chantiers de bois, 16 com-
bles, 6 écuries, 1 église, 12 fournils, 7 greniers à
fourrages, 20 cuisines et laboratoires, 3 magasins
de produits chimiques, 16 autres magasins, 21 cloi-
sons, 68 parquets, 6 séchoirs, 10 théâtres, concerts,
bals, 1 voiture isolée,
et divers autres endroits qu'il serait trop long
d'énumérer.
11 y a eu trois explosions de gaz et trois
explosions de chaudières. 1
J'en suis ravi. Montez donc chez
moi, nous fumerons un cigare et nous
causerons. sérieusement.
Alors, c'est vous, observa Prosper,
qui avez des confidences à me faire ?
Confidences n'est pas précisément
le vrai mot; cependant il s'agit de vous,
mon cher comte, et de vos intérêts la
chose est donc sérieuse.
Oh ohl dit Prévodal, vous piquez
ma curiosité. Je vous suis, monsieur le
financier.
Robert Dachet passa son bras sous ce-
lui de Prosper et les deux hommes en-
trèrent ainsi dans le cabinet du banquier,
qui était situé, comme nous l'avons dit,
au premier étage de l'hôtel.
Si Mina eût vu de sa fenêtre l'attitude
familière de son mari et de Prosper,
elle eût été singulièrement surprise.
Mon cher comte, dit Robert Dachet
après avoir présenté un cigare au jeune
homme, vous entrez à peine dans la vie
et cependant vous avez toute la maturité
d'esprit que donnent la réflexion et la
méditation permettez-moi donc de vous
parler en homme soucieux de votre ave-
nir. Vous avez sans doute de l'ambition?
Moi? fit Prévodal un peu surpris de
ce début solennel, je ne sais pas ce que
c'est que l'ambition 1
Oh! l'ambition n'exclut pas le plai«
sir, répliqua Dachet à notre époque, les
personnagess les plus considérables mè-
nent très bien ces deux choses de front.
Nous voyons ministres, sénateurs, dé-
putés, grands administrateurs et finan-
ciers célèbres sacrifier à ces deux grands
mobiles de la vie.
Soit dit Prosper, je suis peut-être
comme le bourgeois de Molière. J'ai sans
doute de l'ambition sans le savoir.
Il est certain, reprit Dachet, que
dans ce siècle de conceptions hardies et
de vastes entreprises l'avenir appartient
aux hommes de parole et aux hommes
d'affaires. Il n'y a donc aujourd'hui, se-
lon moi. crue deux professions Dossihles
Pendant la même année, les pompiers ont
jpéré dix sauvetages, dont une personne reti-
rée vivante de dessous un éboulement et neuf
iiutres retirées des puits ou égouts (quatre
mortes, cinq vivantes).
On travaille en ce moment à l'une des plus
anciennes églises de Paris, laquelle avait be-
soin de réparations urgentes Saint-Nicolas-
du-Chardonnet que les bonnes gens du
quartier appellent toujours Saint-Nicolas-du-
Chardonneret.
Ce que bien peu de Parisiens savent, c'est
D'abord que cette petite église renferme des
tableaux de Lebrun et de Coypel, et des
sculptures de Girardon et de Coysevox;
Ensuite qu'elle offre cette particularité cu-
rieuse de n avoir pas de portail, j'entends par
là que le portail reste encore à élever et à
sculpter, et cela depuis bientôt deux cents
ans.
Avec beaucoup de rapporteurs comme M.
Viollet Le Duc, le pauvre portail court le ris-
que de rester longtemps comme il est, et les,
tableaux de Lebrun et de Coypel auront bien
de la peine à trouver leurs pendants. Que
voulez-vous? le conseil municipal n'aime pas
les tableaux religieux.
Le Figaro vous donnera demain le compte
rendu de la grande fête qui a lieu aujourd'hui
dans l'établissement Besselièvre au profit des
inondés. Ce que nous pouvons signaler
d'avance, c'est la variété extrême des objets
offerts. Cela tient à ce que tout le commerce
parisien a voulu apporter son offrande.
C'est ainsi qu'à côté de bronzes de Barbe-
dienne sont exposés deux chapeaux offerts
par Mme Mélanie Percheron Si ce sont des
dames qui gagnent, ail right, mais si ce sont
des gentlemen ?
Bah! Il en trouveront toujours le place-
ment.
Sous l'Empire, il avait sérieusement été
question d'installer dans la plaine de Neuilly-
sur-Marne, un polygone pour l'exercice du
canon, en prenant pour cible la butte d'Avron,
qui, par son élévation, offre bien plus de
garanties contre les boulets égarés que les
petites buttes artificielles do Vincennes,
maintenant surtout que l'on a beaucoup bâti
du côté de Charenton et que les améliorations
faites aux promenades y attirent de plus en
plus les promeneurs.
Or, depuis quelques jours, des ingénieurs
militaires étudient et jalonnent la butte
d'Avron, du côté de la plaine de Neuilly-sur-
Marne les habitants de ces parages se préoc-
cupent beaucoup de ce que Ion veut y faire;
les uns disent un polygone, les autres une
redoute.
Nous croyons, nous, que c'est un polygone.
Hier, à quatre heures, ont eu lieu à Sèvres
les obseques du pauvre Breton,gardien de la
capsulerie des Hautes-Bruyères, et dont le
corps a été retrouvé entièrement calciné à
douze pas de l'explosion de la poudrière.
Les directeurs et tous les ouvriers ont as-
sisté à cette cérémonie. Le sieur Breton était
depuis vingt-trois ans dans l'établissement.
Il n'était âgé que de trente-huit ans.
Un accident est arrivé hier matin sur le
chemin de fer de l'Ouest (ligne de Bretagne).
Le train-poste n° 28 qui part de Brest à
deux heures de l'après-midi, avait à minuit
trouvé au Mans une telle affluence de voya-
geurs qu'il avait fallu le dédoubler. Les deux
convois étaient donc partis, du Mans, l'un
suivant l'autre, à cinq minutes de distance
mais craignant sans doute d'être rejoint, le
mécanicien du premier convoi avait forcé un
peu la vitesse et se trouvait d'environ trois
minutes en avance sur l'heure réglementaire.
A deux heures moins deux, au lieu de deux
heures une minute, on arrivait à la station
de la Loupe, à 44 kilomètres de Chartres. Un
train de marchandises s'y trouvait, comptant
avoir le temps nécessaire pour se garer. Le
chef du train-poste ne l'aperçut pas et une
collision eut lieu, amortio 'liou»<»woment par
le raionwoooinont ^«o nécessitait rentrée en
gare. Le choc n'en fut pas moins assez vio-
lent, le wagon-poste fut brisé; deux autres voi-
tures furent avariées et une quinzaine de. voya-
geurs plus ou moins contusionnés. Aucun
cependant n'a été blessé grièvement. et tous
ont pu revenir à Paris, soit par le même con-
voi, qui a repris sa route, soit par la deuxième
section, arrivée quelques minutes après sur
le lieu de l'accident.
Somme toute, on a g$è quitte pour quelques
contusions et deux heures de retard. Les
deux sections du train sont arrivées à la gare
Montparnasse, à '6 h. 50 au lieu de 4 h. 45.
Quatorze cas d'insolation hier mercredi à
Paris 1
Voici les noms des victimes de la chaleur
MM. Thomas de Phiviers, Rossin et J. Fèvre,
tous trois assez grièvement atteints pour que
leurs jours soient en danger; MM. E. Dumas,
H. Fortin, D. Vanicleaux,'F. Jacob, M. Mar-
celin, Mmes Guillemand, Dorset. Maraste,Ro-
que, Fernandoz et Givet.
Cette dernière, frappée aux Champs-Ely-
sées, est la femme d'un officier .supérieur de
la garnison de Paris.
Gaston Vassy.
Les obsèques de M. J.-B. Viguèsaîne, mem-
bre du conseil du Comptoir d'escompte, au-
ront lieu vendredi 13 courant, à midi très
précis, en l'église Sainte-Marguerite.
celle d'avocat et celle de financier; l'une 1
et l'autre conduiront certainement au
pouvoir, c'est-à-dire à la domination,
ce qui est le seul but qu'un homme de
valeur puisse envier. Pour être avocat,
il faut avoir fait des études spéciales et
posséder l'art de la parole, ce qui exige
des travaux considérables et des apti-
tudes particulières pour être financier,
il suffit d'avoir un grand nom, un titre
comme vous, monsieur le comte- ou
de posséder la science des chiffres,
comme moi; l'avantage est donc du côté
de la finance, du côté du monde des af-
faires. La noblesse française l'a si bien
compris, que, depuis 1830, elle s'est al-
liée à la haute banque et s'est inféodée
dans toutes les grandes entreprises, no-
tamment dans les chemins de fer, c'est
ce qui l'a sauvée de l'oubli et de l'indif-
férence.
M. de Prévodal n'écoutait que distrai-
tement, sa pensée était ailleurs.
Dachet eut un imperceptible sourire.
Toutcela ne semble pas vous inté-
resser beaucoup 1 dit-il subitement à
Prosper.
Au contraire, continuez, je vous
prie.
Ces théories étant pour moi de pro-
fondes vérités, j'en ai fait le guide de
ma vie et je m'en suis admirablement
trouvé inconnu et pauvre, il y a dix
ans, je suis, aujourd'hui, riche et l'un
des premiers dans le monde financier
de Paris; et, certes, je ne m'arrêterai
pas là. En ce moment je rêve d'une af-
faire colossale, et l'intérêt que je vous
porte me pousse à vous y associer à titre
administrateur fondateur. Quelques
mots suffiront pour vous faire com-
prendre mon projet et vous en expliquer
toute l'importance je veux faire de Pa-
ris un port de mer, la reine de toutes les
cités européennes, une nouvelle Venise;
la ville la plus populeuse de l'Europe et
la nWcommercante du monde.
GAZETTE DES TRIBUNAUX j 1 à
COUR d'assises Affaire Roques. –Une femme ]
de soixante- sept ans assassinée par son 3
fils pour 200 francs. ]
Auguste Roques a trente ans. Il est né
à Verdun. Sa physionomie est essentiel-
lement antipathique. Il a les traits durs,
la barbe rouge, l'œil sardonique. Sa phy-
sionomie se crispe par instants comme
s'il voulait rire, ou s'il voulait s'empê-
cher de pleurer. D'autres fois, il détourne
la tête du regard du président qui 1' in-
terroge, et il tambourine avec le bout
de ses doigts sur la barre de bois qui
est devant lui. Puis son regard s'allume
et lance des éclairs. Après cela, il se
passe fiévreusement la main sur le front
et il baisse la tête. Son visage inspire
tantôt la haine et tantôt le remords.
Le banc du ministère public est occupe
par M. le procureur général Imgarde de
Leffemberg: celui de la défense par Me
Dauzon.
L'acte d'accusation est un pur chef-
d'œuvre. Il est conçu à la façon d'Edgar
Poë. Il n'existe pour ainsi dire aucune
preuve matérielle de la culpabilité de
Roques, et pourtant qui ne le trouverait
coupable après avoir lu l'ensemble des
déductions savamment échafaudées par
le rédacteur du merveilleux document
suivant:
La femme Roques, qui avait atteint, en
1875, sa soixante-septième année, était res-
tée -veuve avec trois fils l'aîné, Frédéric,
directeur du dépôt de papier de la maison
Vaissier, habitait avec elle un appartement
composé de quatre pièces, sis au troisième
étage d'une maison dépendant du lycée Louis-
le-Grand et dépourvue de concierge le plus
jeune, Edmond, était surveillant général dans
ce lycée et venait voir constamment sa mère.
Elle n'avait qu'à se louer de la conduite irré-
prochable de ces jeunes gens qui lui témoi-
gnaient autant de tendresse que de déférence.
Il n'en était pas de même de son troisième
fils, l'accusé Auguste Roques, homme pares-
seux, débauché et d'un caractère violent, qui,
après avoir, comme son frère Frédéric partagé
le logement de sa mère, l'avait quittée il y a
dix-huit mois environ pour aller vivre ma-
ritalement, rue Mosnier, avec une femme de
mœurs légères séparée de son mari, la femme
Gressier, née Nautier, dont il avait fait la
~1_ ~L_1 _1,1:4 f. 1-nnnlle i~
rencontre aans un uai jjuuhu eu <* i«i)uouu
avait lié son existence, malgré les observa-
tions de sa famille et de ses amis.
Un voyage de quelques semaines dans le
Midi, en compagnie de sa mère, n'avait fait
qu'interrompre momentanément ces relations
qu'il s'était empressé de reprendre à son re-
tour. En 1870, a sa libération du service mi-
litaire, son frère aîné l'avait fait entrer en
qualité de commis aux écritures dans la mai-
son qu'il dirigeait. En 1872, il l'avait fait
agréer comme sous-caissier, aux appointe-
ments de 200 francs par mois, plus une part
de 5 0/0 dans les bénéfices, et une gratifica-
tion annuelle. Pour subvenir aux dépenses
de sa vie irrégulière, qui étaient hors de pro-
portion avec ses émoluments, Auguste Roques
s'appropria une partie du montant des fac-
tures qu'il était chargé d'encaisser ou des va-
leurs que les banquiers payaient entre ses
mains. Son frère ayant constaté ces détour-
nements, lui retira la tenue de la caisse en le
conservant comme simple employé.
Le 9 mars dernier, l'accuse enlevait une
nouvelle somme de 3,300 francs qui portait à
plus de 15,000 francs le chiffre total de ses
détournements, s'enfuyait en Belgique avec
sa maîtresse, y dissipait rapidement le produit
4e ce dernier abus de confiance, et revenait à
Paris, rue Mosnier, au bout de quinze jours,
dénué de toutes ressources. Sa situation était
à peu près sans issue: il avait perdu sa place
ii «'avait dIus d'argent e*. oii^rchaît vainement
à en emprunter ae côté et d'autre; il en était
réduit, ainsi que sa concubine, à contracter
des dettes et à se faire nourrir à crédit ou par
complaisance; il engageait sa montre et sa
chaîne de son côté la femme Gressier mettait
en gage ses bijoux et vendait ses effets pour
faire face aux dépenses communes les plus
indispensables.
Le 3 juin, dans l'après-midi, Auguste Ro-
ques se rendait rue Saint-Jacques et faisait
ouvrir par un serrurier, le sieur Haize, la
porte principale du logement de sa mère, qui
était absente il y prenait des effets. lui ap-
partenant et les vendait moyennant 25 francs
a un brocanteur qu'il avait appelé par la fe-
nêtre puis, étant allé dans un cafe du voisi-
nage, il faisait mander, par un des garçons,
un commissionnaire, le sieur Blanc, et char-
geait celui-ci d'aller porter, rue Mosnier, une
enveloppe contenant une somme de 15 francs,
composée de trois pièces de 5 francs en ar-
gent cette somme fut fidèlement remise à la
femme Gressier.
Le surlendemain 5 juin, l'accusé, qui avait
laissé croire à sa maîtresse qu'il avait de l'ar-
gent à recevoir de son ancien patron, lui an-
nonça, en la quittant le matin, qu'il allait
émarger et qu'il lui enverrait peut-être de
l'argent dans la journée.
En effet, à cinq heures du soir, se trouvant
dans la brasserie du Rhin, place de la Sor-
bonne, il envoyait quérir, par le garçon Raguse
le commissionnaire Blanc et lui remettait un,
lettre accompagnée d'une somme de 130 fr.,
C'est une grande idée dit grave-
ment Prévodal.
N'est-ce pas? reprit Robert Dachet,
et ce sera un grand honneur que d'atta-
cher son nom à cette entreprise.
En effet.
En outre de l'honneur, il y aura
considération et profit. Les études que
j'ai fait exécuter ont démontré l'exis-
tence de mines et houillères à exploi-
ter. la possibilité de grands travaux
d'irrigation qui donneront une plus-va-
lue considérable aux terrains traversés
par le canal à exécuter, plus value qui
profitera, pour la plus grande partie aux
fondateurs de l'entreprise. Enfin, comme
cette immense opération sera d'une uti-
lité publique incontestable, Paris, l'Etat
et toutes les communes auxquelles elle
devra apporter une vie nouvelle s'y asso-
cieront par de larges subventions.
C'est probable.
Alors vous êtes avec moi et je puis
inscrire votre nom en tête de la liste
des administrateurs-fondateurs.
Mon cher banquier, dit insoucieu-
sement Prévodal, j'admire vos grandes
conceptions, mais je ne puis vous suivre
sur ce terrain. En vous écoutant, j'ai
fait mon examen de conscience décidé-
ment, je ne suis point ambitieux?
Quoi! s'écria Robert Dachet qui te-
nait en réserve un puissant argument,
vous refusez la croix?
La croix? dit Prosper tout surpris;
de quelle croix parlez-vous ?
Mais de la Légion d'honneur, que
le gouvernement ne manquera pas de
donner aux créateurs de Paris port de
mer, Qui donc l'aura mieux méritée que
les fondateurs de cette entreprise natio-
nale ?
Personne, à coup sûr répondit
Prosper; cependant je vous assure que
cela me tente peu.
-Eh quoi à votre âge, le ruban
rouge ne vous tente pas ?
Que m'MDorte dit indifféremment
le
Dmposée de cinq pièces de 20 fr. et de troi"
iècos do 10 fr. Il lui donnait en même temj^
ordre de porter cette lettre et cette somnia
la femme Gressier, rue Mosnier, ajoutait
es mots Je serai là vers sept heures. »
Une heure après, sa maîtresse recevait hjs
30 fr. et, suivant les instructions écrites
ointes à l'envoi, les consacrait en partie à
layer quelques dettes criardes.
Auguste Roques n'a pu expliquer d'une w
nanière plausible la possession de cette
iomme. En vain prétond-il qu'elle formait le
'eliquat des fonds par lui détournés avant sa
uite en Belgique. Le dénûment dans lequel `'
1 était plongé depuis son retour, les extré-
nités auxquelles il se trouvait réduit, no-
amment losqu'il vendait l'avant-veille ses
lerniers eflets ne permettent pas d'ad-
nettre qu'il eût encore en réserve une somme
-elativcment importante. Les 130 francs qu'il
t envoyés à sa concubine, le 5 juin, étaient
lonc le produit d'un vol et leur origine ne
;e révèle que trop clairement si l'on songe
lue, le même jour, on constate la disparition
lans l'appartement de sa mère d'une somme
l'onviron 200 francs également composée de
Diôce d'or, ainsi que l'ont établi les constata-
;ions faites à la suite d'un drame lugubre,
lue le moment est venu d'exposer.
Le 5 juin, vers sept heures un quart da
soir, Frédéric Roques, rentrant au domicile
:ju'il occupait en commun avec sa mère, trou-
vait la porto principale, la seule dont il avait
la clef, fermée intérieurement au verrou il
remarquait en même temps, sur le palier de
l'escalier, un panier contenant du linge blan-
chi, qui avait été déposé vers six heures par
la femme Prévost, blanchisseuse. Il alla faire
un tour de promenade et revint au bout d'une
heure; il se trouva dans l'escalier avec la
femme Prévost, et tous deux constatèrent que
le panier de linge n'était plus devant la porte
qui, cependant, restait fermée au dedans. Il
revint pour la troisième fois vers huit heures
un quart avec un serrurier par lequel il fit
ouvrir la porte latérale, celle de la cuisine qui
était fermée au moins à un tour et qui ne put
être ouverte qu'à l'aide d'une fausse clef; ce
serrurier, le sieur Haize, fit observer qu'il
avait déjà été mandé l'avant-veille pour ou
vrir la même porte c'était à lui en effet que
l'accusé s'était adressé" lorsqu'il était venu
prendre les vêtements.
En entrant dans la cuisine, Frédéric Ro-
ques remarqua que le panier de linge s'y
trouvait déposé à sa place habituelle; mais a
peine eut-il fait quelques pas dans l'apparte-
ment qu'un spectacle affreux s'offrit à ses re-
gards dans un étroit et sombre couloir,
conduisant de l'antichambre aux cabinets, le
corps de sa mère était étendu sans vie sur le
carreau. Ses vêtements n'étaient point en dé;
sordre, mais ils étaient maculés de sang; tout
le long de ce corridor coulaient deux ruis-
seaux de sang partant d'une large flaque',
à l'endroit où gisait le cadavre. Frédéric Ilo-
ques pensa dans le premier moment que sa s
mère avait pu être frappée d'une attaque
d'apoplexie et sefblesser en tombant sur l'an-
gle d'une caisse en |bois placée dans le cou-
loir mais cette hypothèse ne résista pointa
l'examen médical auquel il fut presque aussi-
tôt procédé.
Le docteur Laquérie constata l'existence, an
côté gauche du front, de deux plaies parallèles
très profondes, ainsi que d'autres plaies sur
le sommet de la tête, et la présence, au côté
droit du cou, d'un sillon circulaire produit
par la pression d'une corde. On découvrit
sur la caisse en bois placée dans le couloir,
au milieu de quelques chiffons, une corde
lisse, formant lacet et s'adaptant parfaitement
aux ecchymoses constatées sur le cou on
retrouva aussi dans la chambre à coucher de
la veuve Roques, au pied du lit, uno barre de
fer qui était habituellement déposée dans un
angle derrière la cheminée cette barre de
fer présentait, à deux de ses côtés, des taches
de sang au milieu desquelles s'apercevaient
des brins de cheveux blancs,
Ces divers éléments ont permis l'homme
de l'art d'affirmer que la mort de la veuve
Roques était le résultat d'un crime et de re-
constituer la scène au cours de laquelle ello
avait succombé.
Attaquée par surprise, elle' avait été étour-
die d'abord par un conpda poings asséné en-«
tre les yeux, qui avait occasionné une hémor»
ragie nasale ainsi que des ecchymoses aux
paupières. L'assassin avait ensuite cherché &
étrangler à l'aide de la corde, mais il n'a-
vait pu y parvenir, le cou n'ayant point été
serré complétement; enfin il avait porté à sa
victime des coups mortels en la frappant deux
fois à la tempe et deux fois derrière la tête
avec la barre de fer qui avait fracturé le
crâne et enfoncé les fragments dans la pulpe
cérébrale. Il n'y avait eu ni lutte ni résis-
tance de la part de la malheureuse femme.
Les meubles n'avaient point été fracturés,
mais on constatait la disparition d'une somme
d'environ 200 francs qui aurait dû se retrou-
ver au domicile de la veuve Roques, ainsi
que d'un portefeuille contenant des papiers
de famille, et l'on remarquait sur la commode
de sa chambre deux porte-monnaie vides.
Toutes les circonstances qui avaient ac«
compagné ce crime accusaient Roques. L'as- w
sassin était évidemment un familier do la
maison. Il avait dû entrer à l'aide d'une clef
qu'il possédait à l'avance, ou se faire intro-
duire par la victime, qui, fort défiante de son
naturel, n'ouvrait point au premier venu; it
avait une connaissance suffisante les lieux
pour choisir le lieu le plus propice it crime
le couloir obscur et écarté.
Il avait eu assez d'influence sur la veuve-
Roques pour l'y entraîner, car le sang ré«
pandu démontre que c'est là seulement qu'ell(
a été frappée il est allé prendre la barre d(
fer derrière la cheminée de la chambre à cou
M. de Prévodal, qui ne songeait qu'à soi
amour repoussé.
Que vous importe l'honneur me
dites-vous mais la considération, la
fortune ?
Je suis assez riche Quant à ce que
que vous appelez la considération, si je
vous comprends bien il-me suffit d'avoir
l'estime de moi-même.
L'estime de vous-même, dit avec
un sourire narquois Robert Dachet, cela
peut, à la rigueur, suffire à soixante ans,
mais à vingt ans c'est un mince bagage
pour faire son chemin dans la vie.
Qu'est-ce qne vous entendez par
« faire son chemin dans la vie », mon
cher monsieur Dachet? demanda Pros-
per.
x Mais, plaire, aimer, être aimé, en-
vié être sinon le premier, ce qui est
difficile, du moins n'être pas dans ce
qu'on désigne sous cette appellation pé-
nible « le tout le monde! » Pensez-vous,
par exemple, que, si grand que soit le
mérite d'un homme pauvre, il aura les
mêmes chances de succès dans la vie
qu'un compétiteur du même mérite et
riche? Croyez-vous que la renommée,
une grande position ne sont pas des
aides puissantes en amour? N'estimez-
vous pas que la femme est faible, vani-
teuse, pleine de préjugés et l'esclave des
lois mondaines? Or, le monde préconise
la richesse, la considération, les hon-
neurs, et quoi qu'on en ait dit, la dé-
coration en est un; donc, la femmé
aime toutes ces choses, et presque tou-
jours même, c'est ce qu'elle aime le plus
chez l'homme f
Vous jetez le trouble dans mon
esprit, mon cher banquier mais vous n$
me convertissez pas.
ARMAND I,APOINrÉ?
{la suite i demain.).
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