Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1875-08-13
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 août 1875 13 août 1875
Description : 1875/08/13 (Numéro 224). 1875/08/13 (Numéro 224).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE FIGARO VENDREDI 43 AOUT 1875
plent la terre, cette race et son chef cher-
chent peut-être à guérir car, tous ces
gens-là, c'est la cour des miracles ils ont
tous des plaies; à chacun il manque
quelque chose.
Ah monsieur, mais ils me font
tellement peur à moi
-Eh, justement, ils ne devraient vous
faire que pitié Je vous assure que ce
sont des infirmes. La santé de l'âme, le
vrai bonheur, c'est d'aimer, de faire le
bien c'est de rayonner la joie autour de
soi, de ne voir que des visages heureux
et reconnaissants. voilà l'égoïsme bien
entendu être entouré de parents, d'a-
mis, de pauvres, y n'c;t pour vous
qu'affection et reconnaissance; être par-
tout suivi par des sourires. Aimer, dit le
poète • •
Aimer", aimer, c'est être utile à soi
Se faire aimer, c'est être utile aux autrèsl
Mais, voilà le train qui arrive. J'aper-
çois les clochers de Saint-Gatien, ces
clochers qu'Henri IV voulait mettre dans
un étui. Saisissant mes petits bagages,
je salue la mère, je fais un dernier signe
a la tante, et j'embrasse l'enfant.
Bien des choses à Simonne, mon-
sieur Tonton, me dit la petite Jeanne.
Je vous le promets, mademoiselle
elle le saura demain.
Puis, donnant une poignée de main-
aux jeunes gens « Amusez-vous bien
Si vous saviez combien vous êtes heu-
reux !» »
Ils me regardent d'un air effaré. Le
bonheur est chose si naturelle qu'ils ne
comprennent même pas ce que je veux
leur dire.
Voilà Montlouis, Vauvray, les Girar-
dières.
Eh bien vous savez la nouvelle ?
̃– Eh oui je viens pour cela i
Il est ici.
Au château ? Oh c'est trop fort.
SAINT-GENEST.
P. S. -La prochaine fois je n'espère
pas avoir des aventures aussi extraordi-
naires à vous raconter, mais enfin je
m'engage à vous dire toutes mes im-
pressions de voyage.
s. -g..
+
TÉLÉGRAMMES & CORRESPONDANCES
Dieppe, 11 août. -Mme la marquise
-de Caux profitera de son séjour àJDieppe, qui
doit se prolonger jusqu'au 15 septembre, pour
donner un grand concert de charité. Elle a
tenu à ce que la fête offrît d'autres séductions
encore que celle de sa merveilleuse voix, et
̃elle a groupé autour d'elle Thérèse Castel-
dan, la violoniste le ténor Urio, et Diaz de
So*ria Vianese, l'excellent chef d'orchestre de
'Oûvent-Garden vient exprès à Dieppe pour
raccompagner.
La salle, malheureusement, n'est pas grande.
Aussi les trois quarts des places sont déjà
prises. Toutes sont numérotées. Le prix du
billet est de vingt francs. Le programme est
enchanteur la Traviata, Dinorah (le Tardon
de Ploërmel), l'Ave Maria de Gounod. Gounod
est ici, et est proche voisin du marquis de
Caux.
Les artistes ont voulu coopérer de leur
bourse, comme de leur talent à cette oeuvre
de charité. Le marquis et la marquise de Caux
payent leurs places ainsi les autres.
Les pauvres de Dieppe seront satisfaits.
+< ̃̃ Mowr-DoRE, 11 août. Grâce au
-temps superbe dont nous jouissons ici, la
colonie artistique s'a'grandit Nicolini.'Tam-
berlick, Marie-Rose, Mme de Caters sont ici.
On .parle de l'arrivée prochaine de Christine
Nilsson, de Marie Sass et, comme le domaine
de la fantaisie n'a pas de limites, on dit que
le Maréchal, profitant des loisirs que lui tait
l'assemblée, doit -venir prochainement.
Quoi qu'il en soit, 'dimanche, fête de l'As-
somption, on entendra, à la messe des bai-
gneurs, Marie-Rose et Tamberlick. Mme de
Caters, qu'un deuil récent vient d'appeler à
Paris, sera de retour d'ici là, et nous pour-
rons encore entendre'sabelle et sympathique
voix. Nicolini, qui n'a rien promis encore,
chantera aussi.
La quête, comme toujours, sera affectée à
une oeuvre de bienfaisance. `
Chatjmont, 1-2 août. Une nouvelle
combinaison est mise en avant pour les élec-
tions .sénatoriales dans la Haute-Marne. M.
Peltereau- Villeneuve, député, serait nommé
par l'Assemblée; le prince de Joinville et M.
Génûys, ancien président du tribunal de
Langres, conseiller général, seraient élus par
les électeurs départementaux.
> Autun, 12 août. On construit en
ce moment au Creuzot un marteau-pilon des-
tiné au forgeage des grosses pièces d'acier,
f*nilM
•̃̃•̃̃ ~~n
LA
CHASSE AUX FANTOMES
PREMIERE PARTIE
~1«>ztat ~» ~,·on
'̃'̃: y/̃ XIV '.v. ̃
m Suite, «t
BobertDachet voyaitsa proie lui échap-
perTetii se dit qu'il n'en serait pas ainsi.
Être battu parun jeune homme provincial
ignorant, lui qui se croyait supérieur à
Mittermann, àJ. Starke, à Melven! Lui,
qui avait dominé la comtesse Svitzer 1
lui, qui devait à sa puissance de volonté
d'être millionnaire, d'avoir épousé Mina
Syitzer et d'être l'un des premiers parmi
lè¥"sommités financières de Paris! AI-
lons donc!
"±- N'en parlons plus, mon cher comte,
reprit-il froidëSaent-, je n'avais en vue,
en vous proposant cette affaire, qu'un
seul but: votre intérêt. Quand je dis un
seul but, jé me trompe, j'en avais peut-
être un sëc.ond-; mais comme celui-là est
légèrement entaché d'égoïsme,' vous me
permettrez de le tenir secret.
̃sj Pourquoi donc? observa Prosper.
Celui-là peut-être serait le plus puis.
sant à mes yeux. Parlez, je vous prie,
mon cher Dachet.
M. de Prévodal ne se doutait guère
qu'en ce moment il disait la vérité.
--Vous le voulez? demanda Robert
Dachet.
Je le désire, et si vous me per-
mettez cette forme de manifestation: je
l'exige.
Eh bien! dit le banquier avec une
bonhomie irrésistible, j'avais surtout en.
vue d'établir entre ma maison et vous des
relations plus suivies, plus intimes, une
amitié sérieuse et durable. Je vous ai ex-
primé, la première fois que j'ai eu l'hon-
neur de vous voir, toute la sympathie
que m'inspirait votre personne; j'aurais
désiré que cette sympathie fût partagée
Reproduction autorisée pour les journaux qui
cmt traité avec la société des Gens de lettres.
Le marteau avec sa tige pèsera soixante ton-
nes il aura cinq mètres de chute totale, soit
quatre mètres en déduisant la saillie de la
panne. Il sera deux fois et demie plus puis-
sant que celui du pilon de Krupp.
• ̃ Lille, Î2 août. Dans sa dernière
séance, le conseil municipal de Lille a décidé
qu'une médaille d'or grand module sera of-
ferte au nom de la ville à M. Léon Commerre,
grand prix de Rome dans la section de pein-
ture.
̃ GAND, 10 août. Avant-hier di-
manche, la garde civique de Gand a été pas-
sée en revue par le lieutenant-général comte
du Chastel.
Le temps était superbe, et le coup d'œil
imposant. Cette belle fête militaire s'est ter-
minée par une bonne action. La musique de
la 2e légion a donné, aussitôt après le défilé,
un concert sur la place d'armes. Toute la ville
s'y trouvait. Une quête a été faite pendant le
concert, pour les inondés de France.
Dans l'assistance, on remarquait, un offi-
cier supérieur de l'infanterie française qui a
pu se convaincre de visu de l'élan qu'il y avait
en Belgique pour venir en aide à ses com-
patriotes..
Auguste Marcade.
«
PARIS Aï MILE JOUR
M. Floquet occupe beaucoup la publi-
cité les journaux de son bord auront
fait grand tapage de l'omission, par le
Journal officiel, de son nom parmi les per-
sonnages assistant àr la distribution des
prix du concours général.
On voyait dans cette omission un ou-
trage volontaire à la majesté de « l'élu »
du peuple souverain. »
Le Journal officiel a déclaré ce matin
que cette omission était le résultat d'une
erreur.
La République française avait également
reproché avec violence au Bulletin fran-
çais de n'avoir pas donné in extenso le
discours de M. Wallon. M. Ernest Dau-
det, directeur des journaux officiels,
brutalement pris à partie par la feuille
de M. Gambetta, lui a répondu par une
lettre dont nous reproduisons les pas-
sages essentiels:
Je n'ai pas tronqué le discours de M; le mi-
nistre de l^instruetion publique. J'ai fait, pour
ce discours, ce qui a été fait constamment
au Bulletin français pour des documents de
même nature, ainsi que vous pouvez vous en
convaincre en parcourant sa collection. Lors-
qu'un discours ministériel est reproduit dans
le Journal officiel, il est d'usage que le Bulletin
français se contente de le publier par extraits
ou par analyse. Le format de ce petit journal,
l'obligation qui lui est imposée d'insérer les
actes officiels, souvent volumineux et abon-
dants, expliquent et justifient cette mesure
vingt fois appliquée sans avoir soulevé aucune
critique et qui se justifie d'autant mieux dans
l'espèce que le discours de la Sorbonne ne
m'a été communiqué qu'à une heure avancée
et que la partie officielle était exceptionnelle-
ment chargée ce jour-là. En agissant ainsi
que je l'ai fait, je n'ai donc manqué à aucun e
conyenance. Je ne pourrais me rendre la
même justice si j'avais agi autrement..
II n'est pas exact, monsieur, de dire que
j'ai rayé le nom de M. Floquet de la liste des ~r,
personnages qui assistaient à la distribution i
des prix du grand concours.La vérité est beau-
coup plus simple que vos malveillantes sup-
positions. Ce nom ne figurait pas dans le
compte-rendu de la cérémonie qui m'a été
communiqué par le ministère de l'instruction
publique. Il vous eût été facile de vous en-
quérir de la vérité auprès de M. le président
du conseil municipal de Paris, lequel a su
que le directeur des journaux oftlciels ne
pouvait être rendu responsable de cet oubli.
Vous avez préféré vous livrer à une véhé-
mente attaque contre ma personne; mais vous
avez mal choisi l'occasion, puisqu'il ne reste.
rien des griefs que plusieurs journaux, y
compris le vôtre, ont articulés contre moi, et'
dans l'expression desquels vous les avez tous
dépassés en brutalité et en violence.
Les idées développées par M. de
Girardin dans la France et sur lesquelles
nous avons à plusieurs reprises attiré l'at-
tention du lecteur, ont trouvé un avocat
très décidé dans le Constitutionnel qui
pense comme M. de Girardin que la
France aurait tout intérêt à modifier sa
politique traditionnelle.
La revanche par les armes, le duel à re-
commencer, fût-ce dans dix ans, n'est-ce pas
courir la chance sinistre d'une contribution
de dix milliards cette fois et de'la perte
de plusieurs provinces? Et d'ailleurs, prati-
quement, est-il possible de préparer cette
heure? Si notre puissance militaire montait
de manière à lui créer un visible danger,
est-ce que l'Allemagne aurait la simplicite de
par vous. Vous n'avez pas de famille,
d'amis, de liens dans le monde, je vou-
lais vous offrir toutes ces bonnes choses,
qui sont la base et le point de départ de
l'existence j'espérais que ma maison
serait devenue la vôtre ma famille,
votre famille; mes amis, vos amis.
C'était un rêve doux à mon cœur, une
chimère que je caressais, pardonnez-moi
cette audacieuse pensée et laissez-moi
conserver l'espoir que je n'en serai pas
moins votre ami.
Comme on le pense bien, Prosper de
Prévodal devait se laisser prendre à cette
comédie de l'amitié. C'était, on se le
rappelle, un des fantômes qu'il poursui-
vait._
Disons aussi, car il convient de ne
pas sortir de la vérité et de ne point
créer des personnages par trop héroï-
ques, que tandis que Robert Dachet
faisait étalage de sentiments qu'il n'é-
prouvait pas, M. de Pré>odal, jusque-là
un peu distrait, écoutait de ses deux
oreilles et comprenait fort bien que le
mari ouvrait une porte que la femme
avait fermée impitoyablement deux
heures plus tôt. Pour obtenr ce résultat,
il n'était point de sacrifices que Prosper
ne fût décidé à accomplir.
Il se leva vivement, prit les deux
mains du banquier dans les siennes et
lui dit avec un sentiment de joie qu'il
n'essaya point de dissimuler.
Mon cher Dachet, voilà de bien
bonnes et de bien douces paroles! Je
serais le dernier des ingrats si elles ne
touchaient pas vivement mon cœur, si
je n'acceptais pas avec empressement ce
que vous me proposez. Tenez-moi pour
votre meilleur ami et faites de ma per-
sonne tout ce qu'il vous plaira. Etes-
vous satisfait ? 2
Plus que je ne saurais vous le dire.
Cependant il me faut encore quelque
chose.
Quoi donc?
Votre signature qui m'est indispen.
sable pour constituer la société
La voici, dit Prosper en signant au
bas d'une feuille blanche, est-ce tout?
Pour le moment, oui, répondit Da-
chet en souriant; mais vous n'êtes pas
débarrassé de mon importune amitié,
mon cher comte; ce soir Mme Dachet
et moi vous attendons à dîner. Je vous
préviens que je n'admets aucune ex.
cuse.
Je me garderai bien de vous en
nous permettre delaporter au degré suprême
où elle pourrait être pour elle sérieusement
menaçante? Sur le prétexte fourni par d'inof-
fensives et niaises apparences, n'avons-nous
pas vu l'Allemagne prête à renouveler l'inva-
sion ? Qui de nous a oublié ce moment d'émoi
et de péril trop justifié?
Il nous reste donc à marcher en sens in-
verse de nos traditions belliqueuses et à re-
tourner, pour ainsi dire, notre histoire. Nous
avons assez bataillé, durant vingt-cinq siè-
cles, depuis le Gaulois Sigovèse jusqu'à l'em-
pereur Napoléon III. Usons d'autres armes,
d'armes nouvelles et qui vraisemblablement
sont prédestinées à être les armes des con-
quêtes de l'avenir. Le jour où l'Allemagne
acquerra la persuasion que nous ne méditons
rien d'agressif contre elle, nous serons rede-
venus le premier peuple du monde par la
simple expansion de nos forces intellectuelles,
contre lesquelles on ne mettra pas en batte-
rie les canons Krupp.
Nous comprenons combien ces sujets
sont délicats nous savons à quelles sus-
ceptibilités respectables, à quelles dou-
leurs profondes on risque de se heurter
dans l'ordre de considérations que sou-
lèvent la France et le Constitutionnel,
mais nous devions constater ce mouve-
ment d'idées.
Il n'a fallu que vingt-cinq ans pour
transformer les vainqueurs de Waterloo
en alliés zélés et utiles: ne cherchons-
nous pas tous les jours à faire oublier à
la Russie les souvenirs de sa défaite à
Sébastopol.
7
Oublier, conclut le Constitutionnel, c'est la
grande loi de la vie humaine, dominante dans
les rapports privés, et dominante aussi dans
les rapports internationaux.
Chaque fois qu'on prononce le nom
de M. le duc d'Aumale, les journaux bo-
napartistes affectent de répondre en
parlant de l'héritage du prince de Condé.
Ils oublient que si Bonaparte n'avait pas
fait assassiner le duc d'Enghien, héritier
de cette race illustre, la fortune du prince
de Condé n'aurait jamais été léguée au
quatrième iils de Louis-Philippe.
»* On envoie au Constitutionnel une
nouvelle que nous reproduisons sans
commentaires:
Notre correspondant de Berne, M. Tissot,
dont le récent livre, \oyaqe au pays des mil-
liards, a obtenu un si général et si vif suc-
cès, se trouvait à Hohenschwangau où ré-
side, paraît-il, en ce moment Ip roi de Ba-
vière. Son domicile aurait été brusquement
envahi par des gendarmes et ses papiers sai-
sis ou fouillés. M. Tissot aurait pu s'échapper
et gagner la frontière.
M, Tissot est de nationalité suisse.
Nous reviendrons sur ce pénible incident,
quand des informations plus précises et plus
détaillées nous seront parvenues.
«** Une plaisante historiette du Chari-
vari
Un banquier, sur le point de marier sa
fille, reçoit la visite d'un individu d'assez
mauvaise façon, qui lui dit t
Je viens vous proposer une affaire.
Ah bah i s
Cent mille francs à gagner en cinq mi- j
nutes.
Tiens, tiens! comment ça?
Vous allez donner deux cent mille francs
de dot à mademoiselle votre fille, n'est-il pas
vrai ?
Oui.
Eh bien 1 je la prends pour cent mille.
Bénéfice net pour vous cent mille francs.
On ne dit pas que l'affaire ait été du goût
du papa. -.•
¥\ Bernadille raconte dans le Français
les mésaventures d'un prix d'honneur
devenu un homme de lettres distingué,
qui, sous le ministère Fortoul, avait été,
selon l'usage, invité au dîner ministé-
riel, et qui se trouvait fort gauche, fort
empêtré dans un uniforme que ses pa-
rents n'avaient pu lui renouveler.
Il suait à grosses gouttes en traversant la
cour, malgré le sourire encourageant du
portier; en montant le perron, ses jambes
flageolaient sous lui.
Tout à coup il pâlit, son visage se contracte,
et, se retournant tout d'une pièce, il se sauve
précipitamment.
Qu'as-tu donc? dit son condisciple en
courant après lui et en le rattrapant sous le
vestibule.
Ah! fait le malheureux avec -toutes les
marques du plus violent désespoir, je te l'a-
vais bien dit que nous étions ridicules.
Parle pour toi, dit l'autre, vexé.
Pour toi aussi. Nous ne pouvons entrer.
On ne dîne chez le ministre qu'en habit de
cour. Tu n'as donc pas vu les invités qui
étaient devant nous, en haut du perron?
Tiens, regarde.
présenter, dit Prosper ravi de l'invita-
tion. A ce soir, mon cher Dachet.
A ce soir, mon cher comte.
Lorsque Robert Dachet fut seul, il prit
le papier qui portait la signature de M.
de Prévodal, la plaça dans son bureau
et dit cyniquement:
Et allez donc! Voilà qui vaut trois
millions!
Puis, très satisfait de lui-même, il passa
dans l'appartement de sa femme.
Mina avait essuyé ses larmes et s'était
assise au piano, mais les touches d'ivoire
étaient muettes, sa main les effleurait
sans leur faire produire aucun son.
Robert Dachet entra sans se faire an-
noncer.
Déjà debout, ma chère, dit-il à
Mina, et en toilette! C'est merveil-
leux après une nuit de bal Vous est-il
donc arrivé quelque visite?
Mina rougit et répondit un peu trou-
blée
Oui
Ah 1. Et peut-on, sans être indis-
cret vous demander le. nom du visiteur
ou de la visiteuse?
C'est M. le comte de Prévodal.
Un charmantgentilhomme je l'aime
beaucoup.
Mina ne fit aucune observation.
Vous dites? reprit Robert Dachet.
Moi ? Rien I
Ah pardon. Je croyais que vous
aviez parlé.
Il se fit un silence.
Le banquier reprit:
-Ne partagez-vous pas mon opinion
sur M. de Prévodal?
Laquelle? Vous en avez émis deux
Vraiment? Voyez comme je suis
distrait par votre présence, j'ai oublié la
seconde, vous plairait-il de me la rap-
peler ?
Mina paraissait très contrariée de la
tournure que prenait l'entretien.
Cependant elle s'exécuta.
Je l'aime beaucoup, avez-vous dit.
Eh bien 9
Vous ne supposez pas, Monsieur,
que j'éprouve pareil sentiment pour M.
de Prévodal ?
Non mais vous pourriez le trouver
ce qu'il est réellement: un des gentils-
hommes les plus accomplis qu'on-puisse
rencontrer.
Puisque vous exigez absolument
que je vous dise mon sentiment sur M.
de Prévodal, sachez donc que, si vous
Et d'un doigt fiévreux il montrait deux su-
perbes laquais en bas blancs, en culottes de
velours rouge, en habits chamarrés d'or.
Heureusement, son proviseur vint à passer et
se chargea do l'introduire, en lui donnant
doucement et sans ironie les explications né-
cessaires. Il ne se sentit un peu rassuré qu'en
voyant un de ces superbes personnages s'a-
vancer respectueusement pour lui ouvrir la
porte. Depuis lors, il a fait connaissance avec
les laquais, car il en a un maintenant lui-
même a la porte de son appartement.
F. M.
-!» i.-u».
INFORMATIONS
La journée d'hier a encore été plus chaude
que celle de la veille. Il y a eu trente-trois
degrés de chaleur.
La pluie tombée dans l'après-midi a un
instant rafraichi l'atmosphère, mais bientôt
le soleil a repris le dessus, et le thermomètre
a de nouveau remonté.
La distribution des prix aux élèves de
l'institution nationale des sourds-muets a eu
lieu hier, à une heures
Cette cérémonie, particulièrement intéres-
sante et touchante, avait attiré un public
nombreux dans la salle des séances solen-
nelles.
Après un discours par signes de M. le pré-
sident, et la remise des récompenses aux
lauréats, les enfants se sont réunis dans la
grande cour de l'établissement et ont exécuté
avec un ensemble parfait les manœuvres de
l'école du soldat.
C'était du reste, hier, le jour de la distri-
bution des prix aux deshérités de la nature.
A la même heure, sous la présidence de
M. Desjardins, sous-secrétaire d'Etat, se dé-
cernaient les récompenses dans l'établisse-
ment des Jeunes aveugles, 56, boulevard des
Invalides.
M. le duc de Nemours a accompagné hier
à la gare de l'Ouest une grande partie des
membres de la famille d'Orléans qui se ren-
daientii Trouville.
A propos de l'Exposition de géographie,
constatons que S. A. I. le grand-duc Cons-
tantin est pris d'une singulière passion pour
elle.
Hier encore, il a visité l'Exposition, a onze
heures et demie du matin.
Il paraît que les membres de la commission
géographique ne se contentent pas d'étudier
la surface de la ,terre: ils poussent leurs in-
vestigations jusqu'au dessous.
C'est ainsi qu'hier, soixante membres de la
commission ont fait une excursion souter-
raine dans le grand égoût collecteur, sous la
conduite de M. Couche, ingénieur en chef de
lasillede Paris.
Notre confrère Henry Dallemagne vient
d'avoir la douleur de perdre sa mère.
Mme Dallemagne est morte presque subi-
tement dans sa propriété de Corbeil. <
Mme Dallemagne était une de nos artistes
les plus distinguées, élève de Mme Mirbel. Elle
laisse un grand nombre d'œuvres fort appré-
eiées.
M. Kern, ministre de .Suisse, vient d'en-
voyer à Mme la maréchale de Mac-Mahon
deux cent cinquante mille francs pour les
inondés.
La compagnie Wheeler et Wikion, de New-
York, sur la proposition de son représentant
en France, M. H. Seeling, a offert à Mme la
maréchale de Mac-Mahon, pour les inondés
du Midi, vingt de ses excellentes machines à
coudre, d'une valeur totale de 5,500 francs.
Mme la maréchale, qui a accepté ce don avec
reconnaissance, au nom du comité central, a j
bien voulu se charger d'en assurer la répar- j
tition.
Nous avons dit hier quo dans le tronc
Nous avons dit hier que dans le tronc
«laeé au Grand-Hôtel pour recevoir les of-
frandes destinées aux victimes des inonda-
liions, il a été trouvé un billet de mille francs
déposé par un voyageur resté inconnu.
Le directeur du Grand-Hôtel nous prie de
vouloir bien transmettre au généreux ano-
nyme l'expression de sa gratitude pour une
bonne action si délicatement accomplie.
Un pari assez curieux a été engagé, la nuit
dernière, dans un de nos restaurants de nuit.
Six jeunes gens étaient réunis pour fêter
le retour de l'un d'eux qui venait d'arriver
d'Amérique. Tout en narrant ses aventures
les voyageurs sont tous les mêmes ce-
lui-ci déclara qu'il était, dans un naufrage,
resté onze heures à nager en mer.
On se récria. Un de nos confrères, M. Mo-
vouliez m'être agréable, vous me dis-
penseriez de le recevoir s'il lui prend
fantaisie de revenir ici.
Ah grand Dieu! que me dites-vous
là, ma chère Mina ?
La vérité!
Voilàqui me contrarie énormément.
Mais vous avez sans doute des causes
sérieuses pour me demander de prendre
cette cruelle décision, car, si j'ai bonne
mémoire, vous jugiez autrement M. de
Prévodal à sa première visite.
Mettez, si vous le désirez, qu'il me
déplaît aujourd'hui, dit Mina, qui ne
voulait pas être plus explicite.
Ah 1 ce n'est pas une raison cela 1
Elle me suffit t
Le front de Dachet se plissa: son re-
gard devint dur et méchant, et Mina re-
trouva l'homme du passé, celui qui lui
avait fait une existence si douloureuse.
Pas à moi, ma chère, dit-il sèche-
ment, et j'ai certainement le droit
d'exiger de vous une plus grande fran-
chise. Voyons, parlez, je vous prie.
Mina baissa la tête, toute rougissante,
non pas de ce qu'elle avait à dire, mais
de l'inquisition odieuse que son mari
exerçait sur elle et qu'elle n'osait braver.
Ce matin, dit-elle, et ici-même, M.
de Prévodal m'a dit qu'il m'aimait!
Robert Dachet eut un éclat de rire des
plus mortifiants pour sa femme.
Vraiment s'écria-t-il, et cela vous
fâche? Voilà qui est étrange! Je croyais
que les femmes étaient friandes de ces
sortes d'aveux, toujours fort séduisants
pour leur vanité. Mais rassurez-vous,
ma chère, cela n'a rien de sérieux dans
la bouche des gens de noblesse c'est de
la pure galanterie, la menue monnaie
que les gentils hommes prodiguent à
toutes-les femmes jeunes et jolies, et
qui ne tire point à conséquence. Il n'y a
que les femmes dont la vertu est chan-
celante qui prennent pour choses graves
ces banalités mondaines d'un homme de
bonne maison.'M. le comte de Prévodal
devient mon associé dans une grande
affaire; il viendra souvent ici ce soir
même il dîne avec nous. Je vous prie
donc de le recevoir et de lui faire bon
accueil.
Mina, blessée dans tous ses sentiments
de dignité, essaya un instant de la ré-
volte.
Et si je refusais? dit-elle en con-
templant fixement son mari.
Ce serait inutile, répliqua froide-
rel, déclara que la chose était matériellement C
impossible. Les avis se partagèrent, bref le i
narrateur offrit de parier vingt-cinq louis
qu'il irait à la nage, du pont de l'Alma au
pont d'Asnières.
Le pari fut tenu. La nuit était belle. On
résolut de le vider séance tenante. On partit.
La difficulté fut de trouver un bateau. A
onze heures du soir, les loueurs sont géné-
ralement couchés enfin, on trouva quelqu'un
qui voulut bien en prêter un. Les deux juges
choisis, M. le comte Qstrowski et M. le comte
Richard de Canisy y prirent place avec
M. Morel, tandis que les autres témoins sui-
vaient le long du quai dans une voiture de
la Compagnie générale.
A une heure vingt, le parieur entra à l'eau
et se mit à nager. Le bateau suivait de près,
par mesure de précaution, mais il était con-
venu que si le nageur y touchait, ne fût-ce
que pour s'y appuyer une seconde, le pari
serait perdu. Comme on n'avait pas do lan-
terne à mettre sur le bateau, on prit l'une de
celles de la voiture.
Pendant une demi-heure'il n'y eut aucun
incident si ce n'est que le nageur, à l'ex-em-
ple du capitaine Boyton, se fit donner du ba-
teau une cigarette toute allumée qu'il prit en
faisant la planche. Mais en arrivant à l'aque-
duc d'Auteuil, il se sentit un .peu^ fatigue et,
au pont de Grenelle, il déclara renoncer au
pari.
Il voulut alors remonter en bateau, mais
dans le mouvement qu'il fit pour cela, la lan-
terne tomba à l'eau. Il se précipita pour la
rattraper; les deux juges, ne voulant pas pri-
ver la compagnie des Petites-Voitures de son
bien, firent de même, et tous trois se mirent.
à plonger à l'envi, mais inutilement, car la'
lanterne resta au fond de l'eau.
On a laissé le bateau là et on est revenu
dans la voiture reprendre, au restaurant, le
dîner interrompu.
Un grand banquet a eu lieu avant-hier soir
au restaurant de la Porte-Jaune, au bord du
charmant lac qui se trouve à l'extrémité du
jardin.
Il était offert aux officiers d'artillerie de la.
garnison de Vincennes par le général qui
vient de les passer en revue.
Des musiques militaires ont joué pendant
tout Je temps du repas.
-· v
Les financiers français ne sont pas heureu-
sement les seuls à prendre la fuite en empor-
tant l'argent de leurs clients. Les journaux de
Londres annoncent, comme vous savez, la
fuite de, M. Alexander Collie, qui a fait une
faillite énorme, et qui était en liberté sous
caution.
Il paraît qu'avec un actif de 70,000 livres,
ce négociant était parvenu à mettre en circu-
lation 1 million et demi livres sterling de pa-
pier.
C'est pour cela et pour dépenses exagé-
rées que M. Alexander Collie était poursuivi
judiciairement pomme banqueroutier fraudu-
leux.
Son passif est évalué à 1,889,785 livres, et
son actif réalisable à 250,502.
On vient de prévenir toutes les polices du
continent, et notamment la police de sûreté
française, car on suppose que M. Colliesera
yenu chercher un refuge à Paris.
Rien ne saurait donner une idée de la ter-
rible nuit qu'a passée de mardi à hier Roques,
dont le procès a passionné tout Paris depuis
avant-hier.
De neuf heures du soir à dix leures du
matin, il n'a pas fermé l'œil. Il s'était ner-
veusement tiré la moustache gauche avec
une force machinale si grande qu'il lui en
restait à peine hier matin. Cela a frappé tous
ceux qui ont pu le voir de près.
Depuis le commencement de son proeès, il
n'a voulu prendre aucune nourriture, mais
une grande force nerveuse l'a soutenu mal-
gré ce manque d'aliments.
Il semble beaucoup plus calme depuis sa
condamnation.
Vous connaissez la Vénus d'Iles, cette ter-
rible nouvelle de Mérimée dans laquelle un
homme meurt écrasé par une statue.
Une histoire bien étrange, qui rappelle:
cette légende, vient de se passer a Paris.
Passage Saint -Dominique Saint-Germain,
t9, demeurait depuis quelques années un
vieux monsieur qui n'entretenait de relations
avec personne. Il s'appelait M. de Paumier
et semblait avoir une certaine fortune, à en
juger par le luxe de son appartement, lequel
était notamment orné de statues fort belles,
placées dans le vestibule.
L'une de ces statues, due au ciseau de
Grecchi, représentait sa femme, morte quel-
ques années auparavant.
Il paraît que la conduite do M. de Paumier
n'avait pas été étrangère au décès de sa
femme, et qu'il en avait conservé un violent
remords, car voici ce qui vient de se passer.
Avant-hier matin, on a entendu un grand
bruit, et l'on a trouvé M. de Paumier par
terre dans le vestibule, la poitrine broyée par
la statue de sa femme qui était tombée sur
lui, et qu'il avait évidemment renversée de
ment Dachet; car s'il est vrai que vous
ayez quelque influence sur M. de Prévo-
dal, j'exige que vous en usiea pour le
retenir dans notre maison et la lui faire
trouver agréable.
Mina n'essaya même pas de compren-
dre elle.courba la tête et se soumit.
Mais le soir, à l'neure du dîner, elle
ne put dissimuler devant Prosper le sen-
timent de profonde tristesse quila domi-
nait, et le jeune homme ne rapporta de
cette nouvelle entrevue aucune espé-
rance rassurante pour son amour.
XV
A peu près à l'heure où Prosper de
Prévodal entrait chez Mme Dachet, Ca-
roline Mittermann, encore en robe de
chambre, était assise dans son boudoir
devant un petit bureau en bois de rose,
et écrivait une lettre.
A qui cette lettre était-elle adressée?
A. J. Starke, et voici ce qu'elle di-
sait
« J'ai employé aujourd'hui la diplo-
matie la plus habile et les grands moyens
pour obtenir de Ferdinand la révélation
du lieu ou sont déposées les armes, et
cette fois encore j'ai échoué. Je ne re-
nonce pas, cependant, à lui délier la
langue, mais vous êtes pressé, mon ami,
et moi aussi, et pour arriver prompte-
ment au but, si ardemment désiré, il est
nécessaire que nous nous concertions,
vous et moi, pour faire cesser le mutisme
de mon mari. Mon cerveau enfante mille
combinaisons; je veux vous en soumettre
quelques-unes. Votre remarquable intel-
ligence appréciera ce qu'elles valent, et
au besoin suppléera à la mienne par
quelque inspiration. Et puis -voyez ma
faiblesse je m'imagine qu'une visite
de moi, ce soir, vers dix heures, ne sera
pas sans charme pour vous. Préparez-
vous donc à recevoir dans votre maison
d'Auteuil votre
» CAROLINE. »
Mme Ferdinand Mittermann plia cette
lettre, l'introduisit dans une enveloppe
préparée et dont la suscription était
écrite à l'avance elle ferma cette enve-
loppe en passant ses lèvres sur la partie
gommée et, pour plus de précaution, y
apposa un gros cachet de cire rouge;
puis, elld vint se placer en face de la
cheminée et se mit à tisonner comme
une personne distraite ou en proie à
quelque préoccupation,
son piédestal. Dans sa main crispée, il tenait
un papier ainsi conçu
J'ai fait mourir ma femme de chagrin. Il est
juste qu'elle me tue à son tour. Je ne veux plus
vivre ainsi.
M. de Paumier a rendu le dernier soupir
deux heures après. Il était âgé de cinquante*
neuf ans.
Toujours les suicides
Il y en a encore eu un autre hier, 21, rufl
deBelleville.
Une pauvre fleuriste, Mlle Voisin, B'$&
asphyxiée. On ignore pourquoi.
Un terrible accident est arrivé hier matin
à Saint-Denis.
Il était dix heures du matin. Un certain
nombre de voyageurs attendaient sur le quai
le train circulaire. Parmi eux, se trouvait un
M. Eugène Petit, négociant en coke et en
charbon, notable commerçant, et établi 28,
rue de Saint-Quentin.
Depuis quelques minutes, il arpentait le
quai lorsqu'arriva à toute vitesse l'express do
Cologne.
M. Petit, à ce moment, s'avança au milieu
de la voie, regardant le train qui arrivait de
toute sa rapidité furieuse. En un clin d'oeil,
la machine le heurta et le lança à 3 mètres
environ. Puis, cette masse broyée fut ramas-
sée par les chasse-pierres et traînée pendant
plus de 50 mètres.
Quand le train stoppa, cela n'avait plua
forme humaine: c'était un fouillis rouge de
membres broyés, de tête fracassée, de crâne
ouvert. Il y avait un bras séparé du reste,
qui avait des mouvements convulsifs et qui
s'agitait, ainsi que font, après la décapitation,
les têtes de guillotinés.
Cet horrible amas de dépouilles-sanglantes
a été transporté à la gare du Nord, où on l'a
provisoirement déposé sous un petit hangar;
nous l'avons vu.
M. Petit laisse une veuve désespérée, et
quatre enfants, dont l'un fait son volontariat
d'un an.
On sait combien les rats causent de dé«
gâts, à quel point ils creusent, minent,
et même renversent les murailles les plus
solides, mais on rie savait pas encore qu'ils
pussent mettre le feu à une maison.
C'est cependant de ce nouveau méfait qu'un
rat s'est rendu coupable hier soir.
Vers cinq heures, un incendie éclatait dans
la maison n° 18 de la rue Gaillon; il avait
pris naissance dans la cave de M..Sonnerai,
pharmacien, et menaçait de prendre de grandes
proportions; grâce aux efforts des pompiers
du poste de la Bibliothèque nationale, accou-
rus à la première nouvelle, le feu fut éteint
après une heure et demie de travail: puis on
s'occupa de savoir comment il avait pris nais-
sance.
Dans la cour, on trouva, renversées et bri-
sées, des fioles de phosphore, et comme per-
sonne n'était entre dans cette cour, il en a
fallu conclure que ces fioles ont été ren-
versées par quelque rat, et que leur contenu
s'est spontanément enflammé.
Un autre incendie, qui aurait pu avoir les
suites les plus graves, a éclaté ^17, rue
Bouchardon, à l'imprimerie chromo-lithogra-
phique Badoureau, que vient d'acheter et que
s'occupe, en ce moment, de transformer de
fond en comble, un véritable artiste dans sa
partie, M. Ponsot.
Si un ouvrier -courageux, le sieur Dubin.
en se précipitant au péril de sa vie sur un
immense tas de copeaux qui brûlait, n'eût ar-
rêté les flammes à force de seaux d'eau, c'en
était fait d'une magnifique collection de gra-
vures chromo-lithographiques que M. Pon-
eot destine à l'Exposition de Philadelphie, et
dans laquelle figurent des spécimens, dont
certains, fabriqués pour les plus grandes
maisons de commerce de Paris, sont tirés à
vingt-cinq couleurs. Vous voyez que les
Américains, qui ont fait tant de bruit autour
de leurs procédés, sont dépassés, et que c'eût
été grand dommage si cette collection, desti-
née à assurer la suprématie française, eût
péri.
Nous publiions hier une statistique des in-
cendies pendant l'année 1874. Il est à remar-
quer qu'il-en a éclaté partout, dans le cours
de cette année, excepté dans une imprime.
rie. C'est à cause du danger même, du dan-
ger permanent, que les incendies sont si ra-
res dans ces établissements on est prévenu
et on prend des précautions.
C'est égal, M. Ponsot fera bien de s'assurer.
Outre ses gravures, il a chez lui une collec-
tion de quinze mille pierres lithographiques
à vingt francs l'une, ci trois cent jolis mille
francs sans compter des modèles de des-
sins dont quelques-uns sont dus à des artis-
tes médaillés au Salon de 1875, toutes choses
dont le feu n'eût fait qu'une bouchée.
Un procès des plus comiques va se juger
prochainement devant la 7e chambre.
Il est intenté par M. Mansart, directeur
d'une ménagerie ambulante en train de s'éta-
blir à Saint-Cloud, à un M. Bertod.
M. Bertod est un Suisse, qui fait métier de
vendre des animaux féroces. Or, M. Mansart
Tout à coup le timbre de la pendule
se mit à résonner; Caroline releva la
tête et vit qu,il était trois heures.
Déjà trois heures! s'écria-t-elle, il
est trop tard pour que ma lettre par-
vienne par la poste en temps utile.
Elle agita vivement le cordon d'une
sonnette.
Une servante, assez élégante de toi.
lette, mais lourde de formes, aux che-
veux d'un blond sale et à la figure légè-
rement aplatie, ce qui est le type le plus
commun de la Prussienne, se présenta.
Que désire Madame ? demanda latu-
desque avec un accent allemand très pro«
nonce.
Rien dit Caroline. J'ai changé
d'avis; vous pouvez vous retirer.
En effet, Mme Ferdinand Mittermann,
dans le court instant qui venait de s'é-
couler, avait réfléchi qu'une indiscré-
tion, même involontaire, de sa femme
de chambre pouvait la perdre et qu'il
était d'une imprudence extrême de lui
confier la lettre destinée à J. Starlce.
Elle se rappela subitement que-tous les
domestiques en général sont bavards,
curieux, indiscrets et jaloux de leurs
maîtres, et qu'en particulier sa sou-
brette lui avait semblé avoir toujours
l'oreille au guet et le regard où il ne
devait pas être. Elle se demanda d'où
lui venait cette servante qui n'habitait
sa maison que depuis quelques mois, et,
ne trouvant pas de réponse à l'interro-
gation qu'elle se posait, elle se se dit
J'ai mieux que cela 1
Elle se leva, vint à la fenêtre, souleva
l'un des rideaux de mousseline et re-
garda dans là rue.
A l'un des angles du carrefour qui fai-
sait face à sa maison, elle vit un com-
missionnaire assis sur son crochet et fu-
mant tranquillement sa pipe.
Voici mon affaire, se dit-elle, ces
gens-là sont muets comme le Dieu
Silence.
Elle jeta un châle sur ses épaules, se
chaussa, mit un chapeau orné d'une
épaisse voilette et sortit sans être
aperçue des gsns de la maison.
Elle fit quelques cas dans la rue, et
voyant que le commfss^n'iaire laregar*
dait, elle leva un doigt en a £ir-
Abmand LkvoÙïiS;
[la suite & demain.)
plent la terre, cette race et son chef cher-
chent peut-être à guérir car, tous ces
gens-là, c'est la cour des miracles ils ont
tous des plaies; à chacun il manque
quelque chose.
Ah monsieur, mais ils me font
tellement peur à moi
-Eh, justement, ils ne devraient vous
faire que pitié Je vous assure que ce
sont des infirmes. La santé de l'âme, le
vrai bonheur, c'est d'aimer, de faire le
bien c'est de rayonner la joie autour de
soi, de ne voir que des visages heureux
et reconnaissants. voilà l'égoïsme bien
entendu être entouré de parents, d'a-
mis, de pauvres, y n'c;t pour vous
qu'affection et reconnaissance; être par-
tout suivi par des sourires. Aimer, dit le
poète • •
Aimer", aimer, c'est être utile à soi
Se faire aimer, c'est être utile aux autrèsl
Mais, voilà le train qui arrive. J'aper-
çois les clochers de Saint-Gatien, ces
clochers qu'Henri IV voulait mettre dans
un étui. Saisissant mes petits bagages,
je salue la mère, je fais un dernier signe
a la tante, et j'embrasse l'enfant.
Bien des choses à Simonne, mon-
sieur Tonton, me dit la petite Jeanne.
Je vous le promets, mademoiselle
elle le saura demain.
Puis, donnant une poignée de main-
aux jeunes gens « Amusez-vous bien
Si vous saviez combien vous êtes heu-
reux !» »
Ils me regardent d'un air effaré. Le
bonheur est chose si naturelle qu'ils ne
comprennent même pas ce que je veux
leur dire.
Voilà Montlouis, Vauvray, les Girar-
dières.
Eh bien vous savez la nouvelle ?
̃– Eh oui je viens pour cela i
Il est ici.
Au château ? Oh c'est trop fort.
SAINT-GENEST.
P. S. -La prochaine fois je n'espère
pas avoir des aventures aussi extraordi-
naires à vous raconter, mais enfin je
m'engage à vous dire toutes mes im-
pressions de voyage.
s. -g..
+
TÉLÉGRAMMES & CORRESPONDANCES
Dieppe, 11 août. -Mme la marquise
-de Caux profitera de son séjour àJDieppe, qui
doit se prolonger jusqu'au 15 septembre, pour
donner un grand concert de charité. Elle a
tenu à ce que la fête offrît d'autres séductions
encore que celle de sa merveilleuse voix, et
̃elle a groupé autour d'elle Thérèse Castel-
dan, la violoniste le ténor Urio, et Diaz de
So*ria Vianese, l'excellent chef d'orchestre de
'Oûvent-Garden vient exprès à Dieppe pour
raccompagner.
La salle, malheureusement, n'est pas grande.
Aussi les trois quarts des places sont déjà
prises. Toutes sont numérotées. Le prix du
billet est de vingt francs. Le programme est
enchanteur la Traviata, Dinorah (le Tardon
de Ploërmel), l'Ave Maria de Gounod. Gounod
est ici, et est proche voisin du marquis de
Caux.
Les artistes ont voulu coopérer de leur
bourse, comme de leur talent à cette oeuvre
de charité. Le marquis et la marquise de Caux
payent leurs places ainsi les autres.
Les pauvres de Dieppe seront satisfaits.
+< ̃̃ Mowr-DoRE, 11 août. Grâce au
-temps superbe dont nous jouissons ici, la
colonie artistique s'a'grandit Nicolini.'Tam-
berlick, Marie-Rose, Mme de Caters sont ici.
On .parle de l'arrivée prochaine de Christine
Nilsson, de Marie Sass et, comme le domaine
de la fantaisie n'a pas de limites, on dit que
le Maréchal, profitant des loisirs que lui tait
l'assemblée, doit -venir prochainement.
Quoi qu'il en soit, 'dimanche, fête de l'As-
somption, on entendra, à la messe des bai-
gneurs, Marie-Rose et Tamberlick. Mme de
Caters, qu'un deuil récent vient d'appeler à
Paris, sera de retour d'ici là, et nous pour-
rons encore entendre'sabelle et sympathique
voix. Nicolini, qui n'a rien promis encore,
chantera aussi.
La quête, comme toujours, sera affectée à
une oeuvre de bienfaisance. `
Chatjmont, 1-2 août. Une nouvelle
combinaison est mise en avant pour les élec-
tions .sénatoriales dans la Haute-Marne. M.
Peltereau- Villeneuve, député, serait nommé
par l'Assemblée; le prince de Joinville et M.
Génûys, ancien président du tribunal de
Langres, conseiller général, seraient élus par
les électeurs départementaux.
> Autun, 12 août. On construit en
ce moment au Creuzot un marteau-pilon des-
tiné au forgeage des grosses pièces d'acier,
f*nilM
•̃̃•̃̃ ~~n
LA
CHASSE AUX FANTOMES
PREMIERE PARTIE
~1«>ztat ~» ~,·on
'̃'̃: y/̃ XIV '.v. ̃
m Suite, «t
BobertDachet voyaitsa proie lui échap-
perTetii se dit qu'il n'en serait pas ainsi.
Être battu parun jeune homme provincial
ignorant, lui qui se croyait supérieur à
Mittermann, àJ. Starke, à Melven! Lui,
qui avait dominé la comtesse Svitzer 1
lui, qui devait à sa puissance de volonté
d'être millionnaire, d'avoir épousé Mina
Syitzer et d'être l'un des premiers parmi
lè¥"sommités financières de Paris! AI-
lons donc!
"±- N'en parlons plus, mon cher comte,
reprit-il froidëSaent-, je n'avais en vue,
en vous proposant cette affaire, qu'un
seul but: votre intérêt. Quand je dis un
seul but, jé me trompe, j'en avais peut-
être un sëc.ond-; mais comme celui-là est
légèrement entaché d'égoïsme,' vous me
permettrez de le tenir secret.
̃sj Pourquoi donc? observa Prosper.
Celui-là peut-être serait le plus puis.
sant à mes yeux. Parlez, je vous prie,
mon cher Dachet.
M. de Prévodal ne se doutait guère
qu'en ce moment il disait la vérité.
--Vous le voulez? demanda Robert
Dachet.
Je le désire, et si vous me per-
mettez cette forme de manifestation: je
l'exige.
Eh bien! dit le banquier avec une
bonhomie irrésistible, j'avais surtout en.
vue d'établir entre ma maison et vous des
relations plus suivies, plus intimes, une
amitié sérieuse et durable. Je vous ai ex-
primé, la première fois que j'ai eu l'hon-
neur de vous voir, toute la sympathie
que m'inspirait votre personne; j'aurais
désiré que cette sympathie fût partagée
Reproduction autorisée pour les journaux qui
cmt traité avec la société des Gens de lettres.
Le marteau avec sa tige pèsera soixante ton-
nes il aura cinq mètres de chute totale, soit
quatre mètres en déduisant la saillie de la
panne. Il sera deux fois et demie plus puis-
sant que celui du pilon de Krupp.
• ̃ Lille, Î2 août. Dans sa dernière
séance, le conseil municipal de Lille a décidé
qu'une médaille d'or grand module sera of-
ferte au nom de la ville à M. Léon Commerre,
grand prix de Rome dans la section de pein-
ture.
̃ GAND, 10 août. Avant-hier di-
manche, la garde civique de Gand a été pas-
sée en revue par le lieutenant-général comte
du Chastel.
Le temps était superbe, et le coup d'œil
imposant. Cette belle fête militaire s'est ter-
minée par une bonne action. La musique de
la 2e légion a donné, aussitôt après le défilé,
un concert sur la place d'armes. Toute la ville
s'y trouvait. Une quête a été faite pendant le
concert, pour les inondés de France.
Dans l'assistance, on remarquait, un offi-
cier supérieur de l'infanterie française qui a
pu se convaincre de visu de l'élan qu'il y avait
en Belgique pour venir en aide à ses com-
patriotes..
Auguste Marcade.
«
PARIS Aï MILE JOUR
M. Floquet occupe beaucoup la publi-
cité les journaux de son bord auront
fait grand tapage de l'omission, par le
Journal officiel, de son nom parmi les per-
sonnages assistant àr la distribution des
prix du concours général.
On voyait dans cette omission un ou-
trage volontaire à la majesté de « l'élu »
du peuple souverain. »
Le Journal officiel a déclaré ce matin
que cette omission était le résultat d'une
erreur.
La République française avait également
reproché avec violence au Bulletin fran-
çais de n'avoir pas donné in extenso le
discours de M. Wallon. M. Ernest Dau-
det, directeur des journaux officiels,
brutalement pris à partie par la feuille
de M. Gambetta, lui a répondu par une
lettre dont nous reproduisons les pas-
sages essentiels:
Je n'ai pas tronqué le discours de M; le mi-
nistre de l^instruetion publique. J'ai fait, pour
ce discours, ce qui a été fait constamment
au Bulletin français pour des documents de
même nature, ainsi que vous pouvez vous en
convaincre en parcourant sa collection. Lors-
qu'un discours ministériel est reproduit dans
le Journal officiel, il est d'usage que le Bulletin
français se contente de le publier par extraits
ou par analyse. Le format de ce petit journal,
l'obligation qui lui est imposée d'insérer les
actes officiels, souvent volumineux et abon-
dants, expliquent et justifient cette mesure
vingt fois appliquée sans avoir soulevé aucune
critique et qui se justifie d'autant mieux dans
l'espèce que le discours de la Sorbonne ne
m'a été communiqué qu'à une heure avancée
et que la partie officielle était exceptionnelle-
ment chargée ce jour-là. En agissant ainsi
que je l'ai fait, je n'ai donc manqué à aucun e
conyenance. Je ne pourrais me rendre la
même justice si j'avais agi autrement..
II n'est pas exact, monsieur, de dire que
j'ai rayé le nom de M. Floquet de la liste des ~r,
personnages qui assistaient à la distribution i
des prix du grand concours.La vérité est beau-
coup plus simple que vos malveillantes sup-
positions. Ce nom ne figurait pas dans le
compte-rendu de la cérémonie qui m'a été
communiqué par le ministère de l'instruction
publique. Il vous eût été facile de vous en-
quérir de la vérité auprès de M. le président
du conseil municipal de Paris, lequel a su
que le directeur des journaux oftlciels ne
pouvait être rendu responsable de cet oubli.
Vous avez préféré vous livrer à une véhé-
mente attaque contre ma personne; mais vous
avez mal choisi l'occasion, puisqu'il ne reste.
rien des griefs que plusieurs journaux, y
compris le vôtre, ont articulés contre moi, et'
dans l'expression desquels vous les avez tous
dépassés en brutalité et en violence.
Les idées développées par M. de
Girardin dans la France et sur lesquelles
nous avons à plusieurs reprises attiré l'at-
tention du lecteur, ont trouvé un avocat
très décidé dans le Constitutionnel qui
pense comme M. de Girardin que la
France aurait tout intérêt à modifier sa
politique traditionnelle.
La revanche par les armes, le duel à re-
commencer, fût-ce dans dix ans, n'est-ce pas
courir la chance sinistre d'une contribution
de dix milliards cette fois et de'la perte
de plusieurs provinces? Et d'ailleurs, prati-
quement, est-il possible de préparer cette
heure? Si notre puissance militaire montait
de manière à lui créer un visible danger,
est-ce que l'Allemagne aurait la simplicite de
par vous. Vous n'avez pas de famille,
d'amis, de liens dans le monde, je vou-
lais vous offrir toutes ces bonnes choses,
qui sont la base et le point de départ de
l'existence j'espérais que ma maison
serait devenue la vôtre ma famille,
votre famille; mes amis, vos amis.
C'était un rêve doux à mon cœur, une
chimère que je caressais, pardonnez-moi
cette audacieuse pensée et laissez-moi
conserver l'espoir que je n'en serai pas
moins votre ami.
Comme on le pense bien, Prosper de
Prévodal devait se laisser prendre à cette
comédie de l'amitié. C'était, on se le
rappelle, un des fantômes qu'il poursui-
vait._
Disons aussi, car il convient de ne
pas sortir de la vérité et de ne point
créer des personnages par trop héroï-
ques, que tandis que Robert Dachet
faisait étalage de sentiments qu'il n'é-
prouvait pas, M. de Pré>odal, jusque-là
un peu distrait, écoutait de ses deux
oreilles et comprenait fort bien que le
mari ouvrait une porte que la femme
avait fermée impitoyablement deux
heures plus tôt. Pour obtenr ce résultat,
il n'était point de sacrifices que Prosper
ne fût décidé à accomplir.
Il se leva vivement, prit les deux
mains du banquier dans les siennes et
lui dit avec un sentiment de joie qu'il
n'essaya point de dissimuler.
Mon cher Dachet, voilà de bien
bonnes et de bien douces paroles! Je
serais le dernier des ingrats si elles ne
touchaient pas vivement mon cœur, si
je n'acceptais pas avec empressement ce
que vous me proposez. Tenez-moi pour
votre meilleur ami et faites de ma per-
sonne tout ce qu'il vous plaira. Etes-
vous satisfait ? 2
Plus que je ne saurais vous le dire.
Cependant il me faut encore quelque
chose.
Quoi donc?
Votre signature qui m'est indispen.
sable pour constituer la société
La voici, dit Prosper en signant au
bas d'une feuille blanche, est-ce tout?
Pour le moment, oui, répondit Da-
chet en souriant; mais vous n'êtes pas
débarrassé de mon importune amitié,
mon cher comte; ce soir Mme Dachet
et moi vous attendons à dîner. Je vous
préviens que je n'admets aucune ex.
cuse.
Je me garderai bien de vous en
nous permettre delaporter au degré suprême
où elle pourrait être pour elle sérieusement
menaçante? Sur le prétexte fourni par d'inof-
fensives et niaises apparences, n'avons-nous
pas vu l'Allemagne prête à renouveler l'inva-
sion ? Qui de nous a oublié ce moment d'émoi
et de péril trop justifié?
Il nous reste donc à marcher en sens in-
verse de nos traditions belliqueuses et à re-
tourner, pour ainsi dire, notre histoire. Nous
avons assez bataillé, durant vingt-cinq siè-
cles, depuis le Gaulois Sigovèse jusqu'à l'em-
pereur Napoléon III. Usons d'autres armes,
d'armes nouvelles et qui vraisemblablement
sont prédestinées à être les armes des con-
quêtes de l'avenir. Le jour où l'Allemagne
acquerra la persuasion que nous ne méditons
rien d'agressif contre elle, nous serons rede-
venus le premier peuple du monde par la
simple expansion de nos forces intellectuelles,
contre lesquelles on ne mettra pas en batte-
rie les canons Krupp.
Nous comprenons combien ces sujets
sont délicats nous savons à quelles sus-
ceptibilités respectables, à quelles dou-
leurs profondes on risque de se heurter
dans l'ordre de considérations que sou-
lèvent la France et le Constitutionnel,
mais nous devions constater ce mouve-
ment d'idées.
Il n'a fallu que vingt-cinq ans pour
transformer les vainqueurs de Waterloo
en alliés zélés et utiles: ne cherchons-
nous pas tous les jours à faire oublier à
la Russie les souvenirs de sa défaite à
Sébastopol.
7
Oublier, conclut le Constitutionnel, c'est la
grande loi de la vie humaine, dominante dans
les rapports privés, et dominante aussi dans
les rapports internationaux.
Chaque fois qu'on prononce le nom
de M. le duc d'Aumale, les journaux bo-
napartistes affectent de répondre en
parlant de l'héritage du prince de Condé.
Ils oublient que si Bonaparte n'avait pas
fait assassiner le duc d'Enghien, héritier
de cette race illustre, la fortune du prince
de Condé n'aurait jamais été léguée au
quatrième iils de Louis-Philippe.
»* On envoie au Constitutionnel une
nouvelle que nous reproduisons sans
commentaires:
Notre correspondant de Berne, M. Tissot,
dont le récent livre, \oyaqe au pays des mil-
liards, a obtenu un si général et si vif suc-
cès, se trouvait à Hohenschwangau où ré-
side, paraît-il, en ce moment Ip roi de Ba-
vière. Son domicile aurait été brusquement
envahi par des gendarmes et ses papiers sai-
sis ou fouillés. M. Tissot aurait pu s'échapper
et gagner la frontière.
M, Tissot est de nationalité suisse.
Nous reviendrons sur ce pénible incident,
quand des informations plus précises et plus
détaillées nous seront parvenues.
«** Une plaisante historiette du Chari-
vari
Un banquier, sur le point de marier sa
fille, reçoit la visite d'un individu d'assez
mauvaise façon, qui lui dit t
Je viens vous proposer une affaire.
Ah bah i s
Cent mille francs à gagner en cinq mi- j
nutes.
Tiens, tiens! comment ça?
Vous allez donner deux cent mille francs
de dot à mademoiselle votre fille, n'est-il pas
vrai ?
Oui.
Eh bien 1 je la prends pour cent mille.
Bénéfice net pour vous cent mille francs.
On ne dit pas que l'affaire ait été du goût
du papa. -.•
¥\ Bernadille raconte dans le Français
les mésaventures d'un prix d'honneur
devenu un homme de lettres distingué,
qui, sous le ministère Fortoul, avait été,
selon l'usage, invité au dîner ministé-
riel, et qui se trouvait fort gauche, fort
empêtré dans un uniforme que ses pa-
rents n'avaient pu lui renouveler.
Il suait à grosses gouttes en traversant la
cour, malgré le sourire encourageant du
portier; en montant le perron, ses jambes
flageolaient sous lui.
Tout à coup il pâlit, son visage se contracte,
et, se retournant tout d'une pièce, il se sauve
précipitamment.
Qu'as-tu donc? dit son condisciple en
courant après lui et en le rattrapant sous le
vestibule.
Ah! fait le malheureux avec -toutes les
marques du plus violent désespoir, je te l'a-
vais bien dit que nous étions ridicules.
Parle pour toi, dit l'autre, vexé.
Pour toi aussi. Nous ne pouvons entrer.
On ne dîne chez le ministre qu'en habit de
cour. Tu n'as donc pas vu les invités qui
étaient devant nous, en haut du perron?
Tiens, regarde.
présenter, dit Prosper ravi de l'invita-
tion. A ce soir, mon cher Dachet.
A ce soir, mon cher comte.
Lorsque Robert Dachet fut seul, il prit
le papier qui portait la signature de M.
de Prévodal, la plaça dans son bureau
et dit cyniquement:
Et allez donc! Voilà qui vaut trois
millions!
Puis, très satisfait de lui-même, il passa
dans l'appartement de sa femme.
Mina avait essuyé ses larmes et s'était
assise au piano, mais les touches d'ivoire
étaient muettes, sa main les effleurait
sans leur faire produire aucun son.
Robert Dachet entra sans se faire an-
noncer.
Déjà debout, ma chère, dit-il à
Mina, et en toilette! C'est merveil-
leux après une nuit de bal Vous est-il
donc arrivé quelque visite?
Mina rougit et répondit un peu trou-
blée
Oui
Ah 1. Et peut-on, sans être indis-
cret vous demander le. nom du visiteur
ou de la visiteuse?
C'est M. le comte de Prévodal.
Un charmantgentilhomme je l'aime
beaucoup.
Mina ne fit aucune observation.
Vous dites? reprit Robert Dachet.
Moi ? Rien I
Ah pardon. Je croyais que vous
aviez parlé.
Il se fit un silence.
Le banquier reprit:
-Ne partagez-vous pas mon opinion
sur M. de Prévodal?
Laquelle? Vous en avez émis deux
Vraiment? Voyez comme je suis
distrait par votre présence, j'ai oublié la
seconde, vous plairait-il de me la rap-
peler ?
Mina paraissait très contrariée de la
tournure que prenait l'entretien.
Cependant elle s'exécuta.
Je l'aime beaucoup, avez-vous dit.
Eh bien 9
Vous ne supposez pas, Monsieur,
que j'éprouve pareil sentiment pour M.
de Prévodal ?
Non mais vous pourriez le trouver
ce qu'il est réellement: un des gentils-
hommes les plus accomplis qu'on-puisse
rencontrer.
Puisque vous exigez absolument
que je vous dise mon sentiment sur M.
de Prévodal, sachez donc que, si vous
Et d'un doigt fiévreux il montrait deux su-
perbes laquais en bas blancs, en culottes de
velours rouge, en habits chamarrés d'or.
Heureusement, son proviseur vint à passer et
se chargea do l'introduire, en lui donnant
doucement et sans ironie les explications né-
cessaires. Il ne se sentit un peu rassuré qu'en
voyant un de ces superbes personnages s'a-
vancer respectueusement pour lui ouvrir la
porte. Depuis lors, il a fait connaissance avec
les laquais, car il en a un maintenant lui-
même a la porte de son appartement.
F. M.
-!» i.-u».
INFORMATIONS
La journée d'hier a encore été plus chaude
que celle de la veille. Il y a eu trente-trois
degrés de chaleur.
La pluie tombée dans l'après-midi a un
instant rafraichi l'atmosphère, mais bientôt
le soleil a repris le dessus, et le thermomètre
a de nouveau remonté.
La distribution des prix aux élèves de
l'institution nationale des sourds-muets a eu
lieu hier, à une heures
Cette cérémonie, particulièrement intéres-
sante et touchante, avait attiré un public
nombreux dans la salle des séances solen-
nelles.
Après un discours par signes de M. le pré-
sident, et la remise des récompenses aux
lauréats, les enfants se sont réunis dans la
grande cour de l'établissement et ont exécuté
avec un ensemble parfait les manœuvres de
l'école du soldat.
C'était du reste, hier, le jour de la distri-
bution des prix aux deshérités de la nature.
A la même heure, sous la présidence de
M. Desjardins, sous-secrétaire d'Etat, se dé-
cernaient les récompenses dans l'établisse-
ment des Jeunes aveugles, 56, boulevard des
Invalides.
M. le duc de Nemours a accompagné hier
à la gare de l'Ouest une grande partie des
membres de la famille d'Orléans qui se ren-
daientii Trouville.
A propos de l'Exposition de géographie,
constatons que S. A. I. le grand-duc Cons-
tantin est pris d'une singulière passion pour
elle.
Hier encore, il a visité l'Exposition, a onze
heures et demie du matin.
Il paraît que les membres de la commission
géographique ne se contentent pas d'étudier
la surface de la ,terre: ils poussent leurs in-
vestigations jusqu'au dessous.
C'est ainsi qu'hier, soixante membres de la
commission ont fait une excursion souter-
raine dans le grand égoût collecteur, sous la
conduite de M. Couche, ingénieur en chef de
lasillede Paris.
Notre confrère Henry Dallemagne vient
d'avoir la douleur de perdre sa mère.
Mme Dallemagne est morte presque subi-
tement dans sa propriété de Corbeil. <
Mme Dallemagne était une de nos artistes
les plus distinguées, élève de Mme Mirbel. Elle
laisse un grand nombre d'œuvres fort appré-
eiées.
M. Kern, ministre de .Suisse, vient d'en-
voyer à Mme la maréchale de Mac-Mahon
deux cent cinquante mille francs pour les
inondés.
La compagnie Wheeler et Wikion, de New-
York, sur la proposition de son représentant
en France, M. H. Seeling, a offert à Mme la
maréchale de Mac-Mahon, pour les inondés
du Midi, vingt de ses excellentes machines à
coudre, d'une valeur totale de 5,500 francs.
Mme la maréchale, qui a accepté ce don avec
reconnaissance, au nom du comité central, a j
bien voulu se charger d'en assurer la répar- j
tition.
Nous avons dit hier quo dans le tronc
Nous avons dit hier que dans le tronc
«laeé au Grand-Hôtel pour recevoir les of-
frandes destinées aux victimes des inonda-
liions, il a été trouvé un billet de mille francs
déposé par un voyageur resté inconnu.
Le directeur du Grand-Hôtel nous prie de
vouloir bien transmettre au généreux ano-
nyme l'expression de sa gratitude pour une
bonne action si délicatement accomplie.
Un pari assez curieux a été engagé, la nuit
dernière, dans un de nos restaurants de nuit.
Six jeunes gens étaient réunis pour fêter
le retour de l'un d'eux qui venait d'arriver
d'Amérique. Tout en narrant ses aventures
les voyageurs sont tous les mêmes ce-
lui-ci déclara qu'il était, dans un naufrage,
resté onze heures à nager en mer.
On se récria. Un de nos confrères, M. Mo-
vouliez m'être agréable, vous me dis-
penseriez de le recevoir s'il lui prend
fantaisie de revenir ici.
Ah grand Dieu! que me dites-vous
là, ma chère Mina ?
La vérité!
Voilàqui me contrarie énormément.
Mais vous avez sans doute des causes
sérieuses pour me demander de prendre
cette cruelle décision, car, si j'ai bonne
mémoire, vous jugiez autrement M. de
Prévodal à sa première visite.
Mettez, si vous le désirez, qu'il me
déplaît aujourd'hui, dit Mina, qui ne
voulait pas être plus explicite.
Ah 1 ce n'est pas une raison cela 1
Elle me suffit t
Le front de Dachet se plissa: son re-
gard devint dur et méchant, et Mina re-
trouva l'homme du passé, celui qui lui
avait fait une existence si douloureuse.
Pas à moi, ma chère, dit-il sèche-
ment, et j'ai certainement le droit
d'exiger de vous une plus grande fran-
chise. Voyons, parlez, je vous prie.
Mina baissa la tête, toute rougissante,
non pas de ce qu'elle avait à dire, mais
de l'inquisition odieuse que son mari
exerçait sur elle et qu'elle n'osait braver.
Ce matin, dit-elle, et ici-même, M.
de Prévodal m'a dit qu'il m'aimait!
Robert Dachet eut un éclat de rire des
plus mortifiants pour sa femme.
Vraiment s'écria-t-il, et cela vous
fâche? Voilà qui est étrange! Je croyais
que les femmes étaient friandes de ces
sortes d'aveux, toujours fort séduisants
pour leur vanité. Mais rassurez-vous,
ma chère, cela n'a rien de sérieux dans
la bouche des gens de noblesse c'est de
la pure galanterie, la menue monnaie
que les gentils hommes prodiguent à
toutes-les femmes jeunes et jolies, et
qui ne tire point à conséquence. Il n'y a
que les femmes dont la vertu est chan-
celante qui prennent pour choses graves
ces banalités mondaines d'un homme de
bonne maison.'M. le comte de Prévodal
devient mon associé dans une grande
affaire; il viendra souvent ici ce soir
même il dîne avec nous. Je vous prie
donc de le recevoir et de lui faire bon
accueil.
Mina, blessée dans tous ses sentiments
de dignité, essaya un instant de la ré-
volte.
Et si je refusais? dit-elle en con-
templant fixement son mari.
Ce serait inutile, répliqua froide-
rel, déclara que la chose était matériellement C
impossible. Les avis se partagèrent, bref le i
narrateur offrit de parier vingt-cinq louis
qu'il irait à la nage, du pont de l'Alma au
pont d'Asnières.
Le pari fut tenu. La nuit était belle. On
résolut de le vider séance tenante. On partit.
La difficulté fut de trouver un bateau. A
onze heures du soir, les loueurs sont géné-
ralement couchés enfin, on trouva quelqu'un
qui voulut bien en prêter un. Les deux juges
choisis, M. le comte Qstrowski et M. le comte
Richard de Canisy y prirent place avec
M. Morel, tandis que les autres témoins sui-
vaient le long du quai dans une voiture de
la Compagnie générale.
A une heure vingt, le parieur entra à l'eau
et se mit à nager. Le bateau suivait de près,
par mesure de précaution, mais il était con-
venu que si le nageur y touchait, ne fût-ce
que pour s'y appuyer une seconde, le pari
serait perdu. Comme on n'avait pas do lan-
terne à mettre sur le bateau, on prit l'une de
celles de la voiture.
Pendant une demi-heure'il n'y eut aucun
incident si ce n'est que le nageur, à l'ex-em-
ple du capitaine Boyton, se fit donner du ba-
teau une cigarette toute allumée qu'il prit en
faisant la planche. Mais en arrivant à l'aque-
duc d'Auteuil, il se sentit un .peu^ fatigue et,
au pont de Grenelle, il déclara renoncer au
pari.
Il voulut alors remonter en bateau, mais
dans le mouvement qu'il fit pour cela, la lan-
terne tomba à l'eau. Il se précipita pour la
rattraper; les deux juges, ne voulant pas pri-
ver la compagnie des Petites-Voitures de son
bien, firent de même, et tous trois se mirent.
à plonger à l'envi, mais inutilement, car la'
lanterne resta au fond de l'eau.
On a laissé le bateau là et on est revenu
dans la voiture reprendre, au restaurant, le
dîner interrompu.
Un grand banquet a eu lieu avant-hier soir
au restaurant de la Porte-Jaune, au bord du
charmant lac qui se trouve à l'extrémité du
jardin.
Il était offert aux officiers d'artillerie de la.
garnison de Vincennes par le général qui
vient de les passer en revue.
Des musiques militaires ont joué pendant
tout Je temps du repas.
-· v
Les financiers français ne sont pas heureu-
sement les seuls à prendre la fuite en empor-
tant l'argent de leurs clients. Les journaux de
Londres annoncent, comme vous savez, la
fuite de, M. Alexander Collie, qui a fait une
faillite énorme, et qui était en liberté sous
caution.
Il paraît qu'avec un actif de 70,000 livres,
ce négociant était parvenu à mettre en circu-
lation 1 million et demi livres sterling de pa-
pier.
C'est pour cela et pour dépenses exagé-
rées que M. Alexander Collie était poursuivi
judiciairement pomme banqueroutier fraudu-
leux.
Son passif est évalué à 1,889,785 livres, et
son actif réalisable à 250,502.
On vient de prévenir toutes les polices du
continent, et notamment la police de sûreté
française, car on suppose que M. Colliesera
yenu chercher un refuge à Paris.
Rien ne saurait donner une idée de la ter-
rible nuit qu'a passée de mardi à hier Roques,
dont le procès a passionné tout Paris depuis
avant-hier.
De neuf heures du soir à dix leures du
matin, il n'a pas fermé l'œil. Il s'était ner-
veusement tiré la moustache gauche avec
une force machinale si grande qu'il lui en
restait à peine hier matin. Cela a frappé tous
ceux qui ont pu le voir de près.
Depuis le commencement de son proeès, il
n'a voulu prendre aucune nourriture, mais
une grande force nerveuse l'a soutenu mal-
gré ce manque d'aliments.
Il semble beaucoup plus calme depuis sa
condamnation.
Vous connaissez la Vénus d'Iles, cette ter-
rible nouvelle de Mérimée dans laquelle un
homme meurt écrasé par une statue.
Une histoire bien étrange, qui rappelle:
cette légende, vient de se passer a Paris.
Passage Saint -Dominique Saint-Germain,
t9, demeurait depuis quelques années un
vieux monsieur qui n'entretenait de relations
avec personne. Il s'appelait M. de Paumier
et semblait avoir une certaine fortune, à en
juger par le luxe de son appartement, lequel
était notamment orné de statues fort belles,
placées dans le vestibule.
L'une de ces statues, due au ciseau de
Grecchi, représentait sa femme, morte quel-
ques années auparavant.
Il paraît que la conduite do M. de Paumier
n'avait pas été étrangère au décès de sa
femme, et qu'il en avait conservé un violent
remords, car voici ce qui vient de se passer.
Avant-hier matin, on a entendu un grand
bruit, et l'on a trouvé M. de Paumier par
terre dans le vestibule, la poitrine broyée par
la statue de sa femme qui était tombée sur
lui, et qu'il avait évidemment renversée de
ment Dachet; car s'il est vrai que vous
ayez quelque influence sur M. de Prévo-
dal, j'exige que vous en usiea pour le
retenir dans notre maison et la lui faire
trouver agréable.
Mina n'essaya même pas de compren-
dre elle.courba la tête et se soumit.
Mais le soir, à l'neure du dîner, elle
ne put dissimuler devant Prosper le sen-
timent de profonde tristesse quila domi-
nait, et le jeune homme ne rapporta de
cette nouvelle entrevue aucune espé-
rance rassurante pour son amour.
XV
A peu près à l'heure où Prosper de
Prévodal entrait chez Mme Dachet, Ca-
roline Mittermann, encore en robe de
chambre, était assise dans son boudoir
devant un petit bureau en bois de rose,
et écrivait une lettre.
A qui cette lettre était-elle adressée?
A. J. Starke, et voici ce qu'elle di-
sait
« J'ai employé aujourd'hui la diplo-
matie la plus habile et les grands moyens
pour obtenir de Ferdinand la révélation
du lieu ou sont déposées les armes, et
cette fois encore j'ai échoué. Je ne re-
nonce pas, cependant, à lui délier la
langue, mais vous êtes pressé, mon ami,
et moi aussi, et pour arriver prompte-
ment au but, si ardemment désiré, il est
nécessaire que nous nous concertions,
vous et moi, pour faire cesser le mutisme
de mon mari. Mon cerveau enfante mille
combinaisons; je veux vous en soumettre
quelques-unes. Votre remarquable intel-
ligence appréciera ce qu'elles valent, et
au besoin suppléera à la mienne par
quelque inspiration. Et puis -voyez ma
faiblesse je m'imagine qu'une visite
de moi, ce soir, vers dix heures, ne sera
pas sans charme pour vous. Préparez-
vous donc à recevoir dans votre maison
d'Auteuil votre
» CAROLINE. »
Mme Ferdinand Mittermann plia cette
lettre, l'introduisit dans une enveloppe
préparée et dont la suscription était
écrite à l'avance elle ferma cette enve-
loppe en passant ses lèvres sur la partie
gommée et, pour plus de précaution, y
apposa un gros cachet de cire rouge;
puis, elld vint se placer en face de la
cheminée et se mit à tisonner comme
une personne distraite ou en proie à
quelque préoccupation,
son piédestal. Dans sa main crispée, il tenait
un papier ainsi conçu
J'ai fait mourir ma femme de chagrin. Il est
juste qu'elle me tue à son tour. Je ne veux plus
vivre ainsi.
M. de Paumier a rendu le dernier soupir
deux heures après. Il était âgé de cinquante*
neuf ans.
Toujours les suicides
Il y en a encore eu un autre hier, 21, rufl
deBelleville.
Une pauvre fleuriste, Mlle Voisin, B'$&
asphyxiée. On ignore pourquoi.
Un terrible accident est arrivé hier matin
à Saint-Denis.
Il était dix heures du matin. Un certain
nombre de voyageurs attendaient sur le quai
le train circulaire. Parmi eux, se trouvait un
M. Eugène Petit, négociant en coke et en
charbon, notable commerçant, et établi 28,
rue de Saint-Quentin.
Depuis quelques minutes, il arpentait le
quai lorsqu'arriva à toute vitesse l'express do
Cologne.
M. Petit, à ce moment, s'avança au milieu
de la voie, regardant le train qui arrivait de
toute sa rapidité furieuse. En un clin d'oeil,
la machine le heurta et le lança à 3 mètres
environ. Puis, cette masse broyée fut ramas-
sée par les chasse-pierres et traînée pendant
plus de 50 mètres.
Quand le train stoppa, cela n'avait plua
forme humaine: c'était un fouillis rouge de
membres broyés, de tête fracassée, de crâne
ouvert. Il y avait un bras séparé du reste,
qui avait des mouvements convulsifs et qui
s'agitait, ainsi que font, après la décapitation,
les têtes de guillotinés.
Cet horrible amas de dépouilles-sanglantes
a été transporté à la gare du Nord, où on l'a
provisoirement déposé sous un petit hangar;
nous l'avons vu.
M. Petit laisse une veuve désespérée, et
quatre enfants, dont l'un fait son volontariat
d'un an.
On sait combien les rats causent de dé«
gâts, à quel point ils creusent, minent,
et même renversent les murailles les plus
solides, mais on rie savait pas encore qu'ils
pussent mettre le feu à une maison.
C'est cependant de ce nouveau méfait qu'un
rat s'est rendu coupable hier soir.
Vers cinq heures, un incendie éclatait dans
la maison n° 18 de la rue Gaillon; il avait
pris naissance dans la cave de M..Sonnerai,
pharmacien, et menaçait de prendre de grandes
proportions; grâce aux efforts des pompiers
du poste de la Bibliothèque nationale, accou-
rus à la première nouvelle, le feu fut éteint
après une heure et demie de travail: puis on
s'occupa de savoir comment il avait pris nais-
sance.
Dans la cour, on trouva, renversées et bri-
sées, des fioles de phosphore, et comme per-
sonne n'était entre dans cette cour, il en a
fallu conclure que ces fioles ont été ren-
versées par quelque rat, et que leur contenu
s'est spontanément enflammé.
Un autre incendie, qui aurait pu avoir les
suites les plus graves, a éclaté ^17, rue
Bouchardon, à l'imprimerie chromo-lithogra-
phique Badoureau, que vient d'acheter et que
s'occupe, en ce moment, de transformer de
fond en comble, un véritable artiste dans sa
partie, M. Ponsot.
Si un ouvrier -courageux, le sieur Dubin.
en se précipitant au péril de sa vie sur un
immense tas de copeaux qui brûlait, n'eût ar-
rêté les flammes à force de seaux d'eau, c'en
était fait d'une magnifique collection de gra-
vures chromo-lithographiques que M. Pon-
eot destine à l'Exposition de Philadelphie, et
dans laquelle figurent des spécimens, dont
certains, fabriqués pour les plus grandes
maisons de commerce de Paris, sont tirés à
vingt-cinq couleurs. Vous voyez que les
Américains, qui ont fait tant de bruit autour
de leurs procédés, sont dépassés, et que c'eût
été grand dommage si cette collection, desti-
née à assurer la suprématie française, eût
péri.
Nous publiions hier une statistique des in-
cendies pendant l'année 1874. Il est à remar-
quer qu'il-en a éclaté partout, dans le cours
de cette année, excepté dans une imprime.
rie. C'est à cause du danger même, du dan-
ger permanent, que les incendies sont si ra-
res dans ces établissements on est prévenu
et on prend des précautions.
C'est égal, M. Ponsot fera bien de s'assurer.
Outre ses gravures, il a chez lui une collec-
tion de quinze mille pierres lithographiques
à vingt francs l'une, ci trois cent jolis mille
francs sans compter des modèles de des-
sins dont quelques-uns sont dus à des artis-
tes médaillés au Salon de 1875, toutes choses
dont le feu n'eût fait qu'une bouchée.
Un procès des plus comiques va se juger
prochainement devant la 7e chambre.
Il est intenté par M. Mansart, directeur
d'une ménagerie ambulante en train de s'éta-
blir à Saint-Cloud, à un M. Bertod.
M. Bertod est un Suisse, qui fait métier de
vendre des animaux féroces. Or, M. Mansart
Tout à coup le timbre de la pendule
se mit à résonner; Caroline releva la
tête et vit qu,il était trois heures.
Déjà trois heures! s'écria-t-elle, il
est trop tard pour que ma lettre par-
vienne par la poste en temps utile.
Elle agita vivement le cordon d'une
sonnette.
Une servante, assez élégante de toi.
lette, mais lourde de formes, aux che-
veux d'un blond sale et à la figure légè-
rement aplatie, ce qui est le type le plus
commun de la Prussienne, se présenta.
Que désire Madame ? demanda latu-
desque avec un accent allemand très pro«
nonce.
Rien dit Caroline. J'ai changé
d'avis; vous pouvez vous retirer.
En effet, Mme Ferdinand Mittermann,
dans le court instant qui venait de s'é-
couler, avait réfléchi qu'une indiscré-
tion, même involontaire, de sa femme
de chambre pouvait la perdre et qu'il
était d'une imprudence extrême de lui
confier la lettre destinée à J. Starlce.
Elle se rappela subitement que-tous les
domestiques en général sont bavards,
curieux, indiscrets et jaloux de leurs
maîtres, et qu'en particulier sa sou-
brette lui avait semblé avoir toujours
l'oreille au guet et le regard où il ne
devait pas être. Elle se demanda d'où
lui venait cette servante qui n'habitait
sa maison que depuis quelques mois, et,
ne trouvant pas de réponse à l'interro-
gation qu'elle se posait, elle se se dit
J'ai mieux que cela 1
Elle se leva, vint à la fenêtre, souleva
l'un des rideaux de mousseline et re-
garda dans là rue.
A l'un des angles du carrefour qui fai-
sait face à sa maison, elle vit un com-
missionnaire assis sur son crochet et fu-
mant tranquillement sa pipe.
Voici mon affaire, se dit-elle, ces
gens-là sont muets comme le Dieu
Silence.
Elle jeta un châle sur ses épaules, se
chaussa, mit un chapeau orné d'une
épaisse voilette et sortit sans être
aperçue des gsns de la maison.
Elle fit quelques cas dans la rue, et
voyant que le commfss^n'iaire laregar*
dait, elle leva un doigt en a £ir-
Abmand LkvoÙïiS;
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