Titre : L'Ordre
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1947-01-04
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32829724j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 04 janvier 1947 04 janvier 1947
Description : 1947/01/04 (A19,N607). 1947/01/04 (A19,N607).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5117805q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-1857
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/11/2021
14
L'EDITORIAL
d’Emile Bué
LA PEUR
] 19- Annee - Nouvelle Serie * Ntt 607
EST
MAUVAISE CONSEILLERE
M. Sumner Welles, ancien sous-secrétaire d’Etat américain,
leader du New York Herald Tribune, reconnaît que parmi les
quatre grandes nations alliées, la France seule a, au sujet de
l’Allemagne, défini une politique qui permet à l’Europe d’espérer
une paix durable, mais il ajoute aussitôt qu’elle n’a, cette poli
tique, qu’une bien petite chance de triompher. Il a sans doute
raison, mais il lui faut convenir avec nous que c’est désolant.
Avec lui, nous voulons croire que les petites nations qui
eurent, comme la France, à souffrir de l’exécrable domination
allemande parviendront à persuader l’Amérique, l’Angleterre et
la Russie que leur intérêt vital respectif n’est pas de ménager
l’Allemagne pour s’en faire une alliée en vue d’une troisième
guerre mondiale, mais de la réduire décidément à la paix.
C’est beaucoup déjà qu’un politique américain, d’aussi grande
autorité que M. Sumner Welles, admette que dans son réalisme
humaniste, notre pays pénètre mieux, aujourd’hui comme en
1919, l’anatomie morale du peuple allemand que les autres na
tions alliées. Il est bien regrettable qu’il ne soit pas demeuré à
la place ^éminente qu’il occupa au State Department puisqu’il
partage entièrement notre opinion au sujet de nos effroyables
voisins de l’Est. Il dit, citant l’un des leurs, Richard Wagner,
qu’ils soupirent toujours après la gloire, qu’ils rêveront toujours
de reconstituer à leur profit l’Empire romain, que les plus calmes
d’entre eux, dans leur évident esprit de controverse, ne cesse
ront pas de poursuivre une politique propre à leur assurer la
domination du monde. Mais il désespère — et il a peut-être tort
— de faire entendre cette incontestable vérité politique à ses
compatriotes. Ceux-ci — je pense aux plus fortunés qui sont sou- ,
vent, c’est vrai, les plus influents — sont toujours tentés pour ,
accroître leurs richesses de sacrifier à l’immédiat le permanent,
au mépris de l’intérêt national, mais il y a les autres, tous les
autres dont l’esprit patriotique demeure libre et sain. Ce sont
ceux-là qu’il doit s’efforcer de convaincre, en leur montrant, i
pièces à l’appui, que Hitler ne visa pas seulement à imposer sa
loi à l’Europe, mais aussi à l’Amérique.
Notre excellent correspondant à Berlin, L. Léontin, nous i
disait hier, de passage à Paris, que les Américains avaient en |
Allemagne recueilli avec grand soin tous les documents propres i
à les renseigner sur les origines de la guerre, bien décidés cette
fois à ne point permettre aux Allemands de soutenir qu’ils n’en 1
furent pas responsables. Alors pourquoi se conduisent-ils comme i
s’ils ignoraient ce qu’ils savent ? Avec l’honnêteté intellectuelle 1
qui caractérise la grande presse américaine, le New York Herald
Tribune l’avoue crûment. Sous la pression de classes dirigeantes
qui redoutent le communisme, le gouvernement de Washington
et le gouvernement de Londres visent à renforcer l’Allemagne
pour en faire, contre la Russie, une sorte de bastion par eux
subventionné. L’inquiétude de cette dernière, la résistance de ses
représentants aux réunions de l’O.N.V. s’expliquent après cela.
La peur est mauvaise conseillère et c’est la peur qui guide à
présent les trois grandes nations alliées, la Russie comme l’Amé
rique et l’Angleterre, pour le malheur du monde.
Tout homme de bonne foi reconnaît à présent que la paix de
1919 fut calomniée, qu’elle eût été durable si l’Angleterre, la
France, qui en étaient garantes, avaient pu s’accorder, si l’An
gleterre n’avait point obligé la France à faire concession sur
concession à l’Allemagne, si elle ne s’était refusée à comprendre
que son intérêt vital était solidaire, étroitement solidaire de
celui de notre pays en la circonstance.
Il ne faudrait pas que cela recommençât.
La paix qui sera signée en mars prochain à Moscou aura le
sort de celle de 1919, si bonne soit-elle sur le papier, si Améri
cains, Anglais et Russes ne se montrent pas, quittant esprit de
défiance, de crainte, décidés à en appliquer toutes les clauses
avec une même''fermeté. Ainsi, comme nous l’avons toujours dit,
toute politique fondée sur l’antisoviétisme qui tend à substituer
l’intérêt de la classe bourgeoise dirigeante, d’ailleurs en l’occur
rence fort mal entendu à l’intérêt national, est-elle criminelle au
premier chef.
L’article de M. Sumner Welles atteste que je n’ai pas eu tort
de croire que les représentants de la France à la prochaine
conférence de la Paix ne seraient pas sans atouts dans leur jeu.
J’ai reproché au Quai d’Orsay de n’être point assez attentif aux
mouvements des nations de l’Est européen qui furent fidèles
amies et alliées de notre pays. Je me félicite de l’appui que me
prête encore sur ce point le leader du New York Herald Tribune
en pressentant le rôle d’importance que peuvent être appelées
à jouer ces nations à la conférence de la Paix.
LA QUOTIDIENNE
Pierre de touche
Je n’ai aucune raison particulière
de louer M. Armand Salacrou qui
est de ces auteurs dont la superbe
ne s’accommode d’aucune critique,
qui, si l’on ne loue pas leurs ou
vrages, estiment qu’on les déprécie,
qu’on porte atteinte à leur consi
dération, qu’on n’est qu’un palto
quet, et qui font partie de ces nou
veaux seigneurs dont l’humeur irri
table ne se brave pas sans danger.
Mais comme ici il ne peut m’attein
dre et que j’ai souci de la vérité,
je dirai que ses Nuits de la colère
sont actuellement la pierre de tou
che par quoi se reconnaissent le
plus facilement du monde les mé
diocres et les purs.
On sait que cette œuvre drama
tique met en scène un ménage qui,
par lâcheté, par peur des consé
quences, par egoïsmes, par souci de
sauver sa peau, livre, pendant l'oc
cupation, à la Gestapo, un résis
tant venu lui demander asile et
qu’elle est essentiellement le drame,
sinon de la collaboration, du moins
de la craintive et vile neutralité.
Les propos imbéciles et affolés que
tiennent l’homme et la femme trou
blés dans leur coite quiétude par
l’apparition d’un combattant sans
uniforme, ce sont — hélas, criantes
de vérité — les réflexions et les
réactions de cette multitude pétai-
niste informe qui considérait pen
dant l’occupation les résistants
comme des trouble-fête dangereux.
On comprend dès lors que la re
production de leurs propos comme
sténographiés ne soient pas sans
provoquer chez eux un sentiment
de gêne et qu’à se contempler au
jourd’hui indiscrètement mis en
scène ils éprouvent quelque animo
sité. A cet égard rien de plus ins
tructif que d’observer le comporte
ment de la salle durant la repré
sentation et de voir avec quelle fu
reur rentrée tous ces braves gens
souffrent de se voir dénudés sur la
scène. Eh bien, oui, ils étaient sem
blables à ce couple affreux. Et puis
après ? Etait-ce pas leur droit ?
C’est pourquoi vous pouvez faci- ■
lement faire de vos amis et con
naissances une épreuve assez déci
sive en les envoyant au théâtre Ma-
rigny et en allant les attendre à
la sortie. A leur teint significatif
et à leur moue méprisante vous .
connaîtrez leur cœur.
Pierre LŒWEL.
LEGION D’HONNEUR
Notre amie Eliacheff (Mme L.)
vient d’être nommée chevalier de
la Légion d’honneur avec la magni
fique citation que voici :
Eliacheff (L.), médecin de 2'
classe : officier de la plus haute va
leur morale. Ayant rallié les Forces
françaises libres au début de 1942
n’a pas hésité à accepter les res
ponsabilités et les difficultés mo
rales et physiques d’un poste pour
lequel elle s’était volontairement
engagée. A fait preuve d’un dévoue
ment total et d’une grande abné
gation en ce dépensant sans comp
ter. A bien mérité la reconnaissance
de la France.
4. Francs
Samed 4 Janvier 1947
L’ORDRE
Directeur politique : Émile BURÉ
Rédaction, Administration : 31, Rue Tronchet
. Anjou : 86-40 — 4 lignes
Publicité : Régie-Presse, 65, Champs-Elysées
Après 21 heures : TRUdaine 65-96
8PL.MADELEINE
ORISc
9800F
CATALOGUE GRATUITÉ
LE GENERAL GAMELIN
continue à ne pas comprendre
l’énormité des responsabilités
encourues par lui en mars 1936
(UNE LETTRE DE L’ANCIEN GÉNÉRALISSIME)
Le général Gamelin nous a
commentaire :
Paris, le 1 er janvier 1947.
Monsieur le directeur,
J’ai pris connaissance de l’article
intitule « Comment le 7 mars 1936
le général Gamelin perdit la guerre »,
paru dans l’ « Ordre » d'hier 31 dé-
cembre.
Je laisse à mon éditeur, la librairie
Plon, le soin de traiter la question du
droit que peut avoir un journal de
publier des extraits aussi longs d’un
ouvrage dont la reproduction, est ré-
semée.
Personnellement, je m’estime le
droit de vous demander de repro
duire en première page de votre
journal la présente lettre et les ob
servations suivantes :
1e Citant la « note du 11 mars
1936 » signée du général Maurin, mi-
ristre de la Guerre, vous avez omis,
notamment, de reproduire l’annota
tion ci-après Y AFFERENTE ET QUE
L'ON TROUVE en bas de la page 210
de mon ouvrage :
« On sait que, au cours de sa dé
fense pendant le procès de Nurem
berg. le maréchal Keitel a présenté
les forces allemandes d’alors comme
beaucoup moins importantes. Mais
comment se fier à ses déclarations ?
adressé la lettre suivante qui nous
exactitudes que l’on trouve dans les
extraits de M. Raymond Cartier, que
vous publiez. Je veux simplement
ajouter : quand j’ai écrit ces lignes,
je ne connaissais que la déposition
du maréchal Keitel. Les autres n’ont
pas modifié mon opinion. Je n’ai
toujours aucune raison de douter des
renseignements, du reste recoupés,
que nous donnait notre 2’ bureau
sur les effectifs de diverses catégo
ries, plus ou moins camouflés, exis-
semble pouvoir se passer de tout
tant en Allemagne. Et je me de
mande si les Français continueront
toujours à prendre comme argent
comptant tout ce que disent les Al
lemands pour les besoins de leur
cause. Ne pourrait-on nous tenir in
définiment pour des « jobards », sur
tout si le résultat en est de nous
accuser entre nous.
Veuillez agréer l’assurance de ma
considération.
Signé : Général GAMELIN.
M. Moutet est rentré à Saigon
sans avoir entamé des négociations
Ho ChiMinh s’adresse au général Leclerc
LETTRE
DE
NEW-YORK
Le désarmement
CHERCHE-T-ON
un Président de la République
ou une majorité politique ?
par André STIBIO
Quand
vérité ?
ments
D’autre
voulait
1 effort
avaient
les Allemands ont-ils dit la
D’une part, nos renseigne-
étaient précis et formels.
part, le maréchal Keitel ne
sans doute pas reconnaître
camouflé que les Allemands
. déjà téalisé à cette époque,
contrairement à toutes leurs allega-
tions officielles. Enfin, en laissant
croire à la faiblesse de l’armée alle
mande, la veille du 7 mars 1936, il
faisait ressortir que Hitler était un
déséquilibré, un « risque tout », sur
qui doivent être rejetés tous les ac
tes reprochés à l’Allemagne, comme
la défaite finale. Puis, quel sadique
plaisir que de ridiculiser le gouverne
ment et le commandement fran
çais ! »
2° Je ne discute pas la question de
mon rôle personnel en l'affaire. Pour
en juger équitablement, il faudrait
d’ailleurs lire les considérations ini
tiales et finales encadrant l’exposé
que vous avez cité et se rendre
compte des possibilités exactes de
L’ARMEE ACTIVE FRANÇAISE à
cette
date. Je ne relève pas les
in-
Le général Clay
commandant en chef
des troupes américaines
en Allemagne
Berlin, 3 janvier. — Le général Lu-
cius Clay va remplacer le général Jo
seph T. Mac Narney, comme com
mandant en chef des troupes améri
caines en Allemagne.
Le général Clay est actuellement
adjoint du général Mac Narney et
délégué américain au Conseil de con-
Saigon, 3 janvier. — Après un
séjour de 34 heures à Hanoï, au
cours duquel il a pu s’entretenir
avec les principales personnalités
françaises et apporter le réconfort
de la présence d’un représentant
du gouvernement français aux po
pulations éprouvées, tant françaises
qu’indochinoises, M. Marius Mou-
tet, ministre de la France d’outre
mer, a regagné Saigon. Il a gagné
immédiatement le haut commissa
riat, où il a poursuivi ses entre
tiens. Il a l’intention de prononcer
demain soir une allocution à Radio-
Saigon.
Le séjour de M. Moutet à Hanoï raconté
par l’envoyé spécial de PA. F. P.
Hanoï, 3 janvier. — Des Jeep
blindées armées de mitrailleuses,
escorteront le cortège ministériel
entre l’aérodrome et Hanoï, le long
de la route de Gialam garnie de
postes militaires.
L’incendie brûle a : loin. Au pas
sage du pont Doumer, le ministre
peut voir brûler la brousse et les
paillottes dans l’île à laquelle s’ap
puie le pont, au milieu du fleuve
Rouge : l’incendie est destiné à
détruire un nid de tireurs qui gê
nait la circulation.
Dans le voisinage, une attaque en
direction de l'aérodrome a été re
poussée encore avant-hier. Le cortè
ge traverse les faubourgs déserts.
Des coups de feu éclatent au loin
dans le quartier annamite; sur la
gauche, des maisons incendiées, des
habitations fortifiées, des tranchées,
des arbres abattus, des murs créne
lés de balles, tout ici ale sinistre
aspect des lieux visités par la guerre.
Le cortège longe le théâtre crevé
par l'artillerie le 19 décembre, puis
un petit lac : les Viet-Namiens sont
à 300 mètres d’ici, et les mitrailleu
ses françaises prennent en enfilade
L’EXPÉRIENCE BLUM UN AVIATEUR
chef d’escale
Le président du gouvernement
donne ses instructions aux préfets
Le décret prescrivant la diminution
générale de 5 % prévoit que des sanc
tions seront prises contre tous ceux
qui ne se conformeront pas aux me
sures adoptées par le gouvernement.
Les infractions seront considérées
comme pratiques de prix illicites,
constatées, poursuivies et réprimées
en tant que telles et les préfets de
vront, de leur côté, ordonner la fer
meture des magasins, bureaux, ate
liers et usines des délinquants en
même temps que veiller à l’affichage
des peines prononcées.
En vue de préciser les modalités
d’application de ce décret, M. Léon
Blum, président du gouvernement
provisoire de la République, a réuni
hier, soir, dans le salon de l’hôtel Ma
tignon habituellement réservé au
Conseil des ministres, les préfets des
départements ainsi que les inspecteurs
généraux de l’Economie nationale.
MM. Depreux, Philip, Tanguy-Prigent,
Laurent, Gazier, Lacoste et Minjoz
assistaient le chef du gouvernement.
M. Léon Blum a d’abord rappelé
le sens des mesures édictées, puis il
a montré qu’il s’agissait d’un retour
nement complet de la tendance de
hausse dont l’objectif n’était pas seu
lement de réduire momentanément
les prix taxés, mais aussi d’aboutir
à des diminutions plus fortes des prix
libres.
M. Léon Blum s’est félicité ensuite
de l’appui qu’il avait trouvé auprès
des grandes organisations patronales
et ouvrières et il a recommandé à
tous les préfets de tenir compte de
ce fait pour assurer l’entière appli
cation du décret.
Il importe également, devait-il sou
ligner, d’amener l’opinion à bien
comprendre la valeur de cette poli-
tique de baisse et, pour cela, il sera
très utile, dans chaque département,
de citer les meilleures des initiatives
qui seront prises par les commerçants.
La persuation a ainsi un rôle capital
à jouer, car l’expérience, si elle vise
à une amélioration de la situation
actuelle, tend aussi, et par cela mê
me, à défendre et sauvegarder les
institutions républicaines.
L’exposé du président Léon Blum
fut ponctué de chaleureux applaudis
sements. Après lui, M. André Philip,
ministre des Finances et de l’Econo-
mie nationale, commenta certains
aspects particuliers du décret de
baisse. M. Tanguy-Prigent, ministre
de l’Agriculture, invita, de son côté,
les préfets à s'appuyer aur les orga
nisations agricoles. M. Minjoz parla
ensuite des problèmes de la distribu
tion ; puis M. Depreux, ministre de
l’Intérieur, conclut en rappelant que
démocratie et autorité n’étaient pas
des termes qui s’opposaient, mais qui
se trouvaient au contraire étroitement
associés. En terminant, il recom
manda lui aussi aux préfets de se
rendre sur les marchés, dans les com
munes et de parler directement à la
population.
— Le meilleur préfet, souligna no- |
tamment le ministre, est celui qui sait
associer l’esprit de la résistance avec
le respect des bonnes traditions admi
nistratives.
La réunion se termina dans une
atmosphère de chaude sympathie qui
montra bien l'accueil rencontré par
le décret gouvernemental. Chacun
espère maintenant et partout l’en
thousiasme a succédé au doute et au
pessimisme. Le choc psychologique est
créé.
Pierre ROCHE.
Il semble que l émulation à la hausse
devienne I émulation à la Laisse
déclare M. Daniel Mayer
Voici le texte de l’allocution pro
noncée par M. Daniel Mayer, hier
soir, devant le micro de la radiodif
fusion nationale :
Vous avez tant et tant entendu, de
puis de nombreuses années, de lis-
cours ministériels vous annonçant
que tout va changer, qu’il serait
normal que vous ayez envie de
tourne rie bouton de votre radio.
Si vous ne le faites pas mainte
nant, c’est parce que vous sentez,
peut-être instinctivement ou confusé
ment, qu’il y a quand même, cette
fois, vraiment, quelque chose de
changé.
Le cycle infernal, la course effré
née entre les salaires et les prix sont
enfin brisés. Alors que depuis tant
d’années les prix montaient en flèche,
depuis trois jours ils ont commencé
de diminuer et il semble que l’émula
tion à la hausse, qui était l’habitude
du commerce et de l’industrie, devien
ne l’émulation à la baisse.
Lorsque la C.G.T. et, d’une manière
générale, toute la classe ouvrière, ré
clament la fixation d’un minimum vi
tal, il faut préciser qu’il s’agit de
tout autre chose qu’un salaire mini-
mum. ,11 définit les besoins • vitaux
des travailleurs, il désigne, non pas
un nombre déterminé de francs, mais
un pouvoir d’achat déterminé ; il se
traduit par un nombre de francs plus
ou moins élevé selon que les prix
somme fixe, mais un rapport entre le
coût et les besoins de la vie.
Pour assurer ce minimum vital, on
a procédé jusqu’à présent en augmen-
tant le taux des salaires, c’est-à-dire
en augmentant le nombre des francs
dont le travailleur dispose. Mais l’ex
périence montre que cette méthode
est non seulement illusoire mais nê-
faste. Les prix, en effet,
proportion des salaires et
d’achat n’est pas accru.
Le gouvernement actuel
montent à
le pouvoir
vient d’es-
sayer une méthode inverse. C’est sur
les prix que nous agissons, c’est par
une action tenace, continue, multi
pliant les trésors d’imagination dont
le peuple dispose, que nous entendons
diminuer les prix, et les diminuer à
une cadence accélérée.
Ainsi, le minimum vital sera assu
ré à chacun. Mais pour cela, nous
avons besoin du concours le plus ac
tif de la population laborieuse, le
meilleur contrôleur économique, c’est
le consommateur, le meilleur ins
pecteur des prix c’est la ménagère,
d un et l’autre doivent être vigi
lants. Ils doivent veiller au civisme
de chacun.
Le fait d’avoir fixé deux paliers de
baisse permettra, dans les 60 jours
qui viennent, la résorption des stocks.
Durant ce temps, la population de
notre pays ne doit rien acheter au
marché noir. Elle doit briser l’espèce
montent au baissent. Il n’est pas une (Lire la Suite en troisième pôge)
à Toulouse
arrête pour espionnage
Les services de la surveillance du
territoire ont arrêté sous l’inculpa
tion d’espionnage pour le compte
des services de renseignements alle
mands repliés en Espagne Jean
Rugammer, né à Bordeaux en 1898,
chef d’escale à Toulouse d’une com
pagnie aérienne.
Pilote de ligne avant la dernière
guerre. Rugammer avait été mobi
lisé en 1939. Il s’était établi arma
teur à Port-Vendres en 1940.
Durant l’occupation il fit partie
du S.O.L., puis s’inscrivit au P.P.F.
Ayant de gros besoins d’argent, il
entra en 1943, par l’intermédiaire
de son beau-frère, bijoutier à Biar
ritz, actuellement en Argentine, au
service de l’Abwehr, organisation de
renseignements de la Wehrmacht.
De novembre 1943 à avril 1944
il suivit à Bordeaux les cours spé
ciaux donnés par des officiers alle
mands aux agents nouvellement re
crutés.
I Puis, muni de fonds importants,
Rugammer fut chargé de surveiller
la frontière pyrénéenne dans l’éven
tualité d’un débarquement allié en
Espagne. C’est à ce moment qu’il
entra en contact avec les services
de renseignements allemands re
pliés dans ce pays.
A la libération, la police fran
çaise ignorait encore l’activité de
Rugammer. Celui-ci, nommé chef
de la base de Marignane avec le
grade de commandant, entra peu
après au service d’une compagnie
aérienne toulousaine qui voulait
créer une ligne Suisse-Andorre-Es
pagne. Peu après cette compagnie
obtenait les autorisations néces
saires du gouvernement espagnol
II a été établi qu’après la libéra
tion, alors qu’il commandait la base
de Marignane, Rugammer avait
réussi à communiquer aux services
allemands d’Espagne d’importants
renseignements sur les mouvements
de l’aviation alliée pendant la der
nière phase des hostilités, ainsi que
sur le développement de notre in- ,
dustrie aéronautique dans la région <
de Toulouse. Il avait également pu :
introduire au Maroc un agent qui 1
devait recevoir par parachutage des ‘
appareils de radio. .
La femme de Rugammer, née '
Madeleine Renoux, sa fille Nelly, et 1
sa bonne Alexandra de la Penh An- I
ton, espagnole née à Burgos, qui 1
n’ignoraient rien de ses activités et |
qui avaient prêté leur concours à ;
plusieurs reprises, ont également :
été écrouées et déférées à la justice
militaire pour complicité.
। la route qui jadis était la promenade
, favorite des Français.
Dans le quartier français, les pas
sants sont rares, aucune circulation,
sauf de véhicules militaires. Les Chi
nois ont arboré un brassard spécial,
pour indiquer qu’ils sont neutres. Le
ministre arrive au gouvernement gé-
néràl où il est reçu par M. Jean Sain-
teny, commissaire de la République
au Tonkin. Son bras droit en échar
pe, celui-ci se déplace le moins pos
sible à cause d'une profonde blessure
dans le dos. M. Sainteny circule seule
ment de sa chambre à son bureau.
Une des premières visites du mi
nistre, dans la matinée, est pour l’Ins
titut Pasteur, dans le secteur encore
interdit dont le voisinage est infesté
de tireurs, surtout pendant la nuit.
Le ministre constate les destruc
tions véritablement scientifiques opé-
rées par lés Vlet-Namiens durant
la journée du là décembre. Sans dé
truire les bâtiments, ils ont incendié
systématiquement les locaux, pièce
par pièce, avec des barils de goudron
et d’essence. Ils ont saccagé tout le
matériel, enlevé les pièces essentielles.
Tout prouve que les destructions
étaient dirigées par des spécialistes
compétents.
Les archives sont un tas de cen
dres. notamment celles concernant
les vaccinations Calmette contre la
tuberculose, précieux travail cou
vrant un demi-siècle d’observations,
et accompli par des médecins fran
çais dans l'intérêt de la population
indochinoise.
Le ministre se rend ensuite à l’hô
pital Yersin. se trouvant à la lisière
du quartier sino-annamite, qui n’est
pas encore dégagé par nos troupes.
Au moment où le ministre et sa
suite traversent la cour de l’hôpital,
une série de coups de feu claquent
et l'on entend le sifflement des bal
les. Le tir est-il dirigé contre le cor
tège ou bien déclenché par le mou-
vement insolite que celui-ci provo
que dans le quartier ? C’est difficile
à dire, mais, en tout cas, les coups
de feu des Viet-Nâmiens sont fait
courant dans toute la ville.
De retour au gouvernement gé
néral, le ministre tient une confé
rence de travail avec les autorités
françaises militaires et civiles, et
reçoit plusieurs visiteurs, notam
ment une délégation de la section
S.F.I.O d’Hanoï. Les conversations
continuent autour de la table de
M. Sainteny, au déjeuner duquel
assistent les principaux représen
tants de l’armée et du gouverne
ment.
Un message d’Ho Chi Minh
au général Leclerc
Saigon, 3 janvier. — « Général et
cher amii, c’est par ces mots Que com
mence un message adressé par Ho
Chi Minh au général Leclerc et que
diffu se m radio viet-namienne.
Dans ce message, Ho Chi Minh dé
clare notamment :
« Vous êtes un soldat et un grand
patriote, vous avez vaincu les enva
hisseurs de votre pays : c’est pour
quoi vous êtes vénéré par le monde et
avant tout par le peuple viet-namien.
« Nous avons tous les deux le
même idéal.
« Votre victoire, si vous réussissez
à nou s battre, serait une souillure
à votre gloire et à votre dignité.
« Une- paix équitable peut encore
être obtenue. Je vous parle à cœur
ouvert, car il m’est très pénible de
voir les jeunes Français et les jeunes
Viet-Namiens, jleur des deux pays,
s’entre-tuer dans la fureur. »
La situation
en Palestine
REVENDICATIONS
AMERICAINES
Jérusalem, 3 Janvier. — La recru
descence de terrorisme signalée au
cours de la nuit en Palestine serait,
selon certains observateurs, la pre
mière manifestation de la constitu
tion d’un « front commun » entre
la bande « Stern » et l’ « Irgun
Zwai Leumi ».
Les deux bandes auraient mis à
profit la trêve qui a régné depuis le
5 décembre pour préparer des opéra
tion- simultanées de plus grande en
vergure, réalisées avec des moyens
plus considérables et parfois nou
veaux, comme par exemple les lance-
flammes.
Des mesures nouvelles seront
certainement prises pour faire face
aux difficultés de la situation, mais
il paraît hautement improbable que
l’ordre puisse être rétabli rapide
ment.
Le
comité des affaires navales
de
la Chambre des représentants améri
caine vient de demander que soient
accordés aux Etats-Unis les « pleins
droits » sur des îles du Pacifique,
actuellement propriétés sous mandat
d’autres nations membres de l’O.N.U.
. La. Nouvelle-Galédonie. est comprise
parmi les Îles rëvendiquées.
Aux dernières nouvelles, les at
tentats se soldent par un officier
tué et cinq soldats blessés à Haïfa,
et à dix blessés à Tel Aviv dont 5
civils juifs. Les terroristes blessés
ont été emportés par leurs camara
des. On apprend enfin que le camp
de détention de Latrun, en Palestine,
qui avait été fermé il y a deux mois,
a été rouvert hier, pour accueillir
près de 80 Jeunes Juifs, arrêtés au
cours de récents controles.
A la présidence de la Fédéral
Reserve Bank
(De notre correspondant particulier.)
New-York, le 22 décembre 1948.
L’Amérique se prépare à célébrer
Noël. Déjà, dans les rues, règne
une atmosphère de fête. Sur Park
Avenue et au Rockfeller Center
s’élèvent d’immenses arbres qu’on
éclaire la nuit, à la grande joie des
badauds. Les magasins sont pleins
d’une foule pressée qui sort les
bras chargés de paquets multico
lores, qu’on voudrait pouvoir en
voyer à tous ceux qui, chez nous,
sont privés de joies pareilles. N’en
déplaise à Bernard Shaw, qui, de
puis cinquante ans, mène une croi
sade contre Noël, qu’il accuse
d’être la fête de la gloutonnerie et
des beuveries, c’est l’âme de Dic
kens, qui fut un de ses chantres
les plus émouvants, qui inspirera
toujours les générations anglo-
saxonnes.
Pendant quelques jours, la poli
tique passera au second rang des
préoccupations. Il est vrai que
l’atmosphère, sous ce rapport, est
bien meilleure qu’il y a un an, à
pareille époque, et on le doit, en
large partie, au changement d’at
titude de Moscou. Celui-ci se ré
vèle plus ou moins dans tous les
domaines. Non seulement, dans les
débats internationaux, mais dans
la presse. Rien n’a fait plus plai-
Les noms des candidats possibles
ou probables sont aujourd’hui
connus de tous, mais tomme nous
avons de l’amitié pour certains
d’entre eux et qu’aucun n’est abso
lument sans mérite, nous éviterons
de leur porter malchance en les
marquant prématurément d’un si
gne trop appuyé. Les scrutins pré
sidentiels ont souvent réservé de
pénibles surprises. Les partants les
plus discrets, quand ils ont bien
mené leur jeu, ont souvent « coif
fé »au poteau d’arrivée des concur
rents plus brillants et qui sem-
blaient d’abord assurés
toire.
Jacques Duclos, qui a
de la vie ¬
nne bonne
sir aux
Anglais
Pravda
dans la
marine
Américains et surtout aux
que la verte réponse de la
au capitaine Andreyev qui,
Flotte rouge, l’organe de la
soviétique, critiquait la
mémoire parlementaire, rappelait
précisément, dans la salle des
conférences du Luxembourg, le jour
où M. Champetier de Ribes et
Georges Marrane se disputaient le
fauteuil de Jules Jeanneney, une
élection présidentielle typique :
celle de Doumer ! L’arrivée de
Briand au Congrès de Versailles
avait été accueillie, racontait Jac
ques Duclos, par des acclamations.
La partie paraissait donc gagnée à
son profit. Un autre candidat, Hen-
nessy, fort des déjeuners succulents
qu’il avait donnés, se croyait cer
tain de son élection au dessert.
Nul ne parlait de Paul Doumer qui
dirigeait, impénétrable, les débats
de l’Assemblée nationale. Et c’est
lui, pourtant, en apparence indif
férent aux intrigues, qui allait
l’emporter sur Briand.
conduite d’un convoi allié à desti
nation de Mourmansk, dans l’été
de 1942. « Le compte rendu et les
conclusions de la Flotte rouge sont
faux », écrit la Pravda ; « ils ne
reflètent pas l’opinion de notre
peuple ». Et le journal officiel rend
hommage au courage et à l’habi-
leté des équipages alliés au cours
Léon GUERDAN.
(Lire la suite en troisième page)
Les Etats-Unis adressent une
nouvelle sommation à l’U.R.
S.S. pour le paiement de ses
dettes de prêt-bail.
Washington, 3 janvier. — On a
annoncé hier officiellement aue les
Etats-Unis avaient adressé pour la troi
sième fois une req u ête à l’U.R.S.S. en
vue du paiement de ses dettes de prêt-
bail, qui se montent à 11 milliards de
dollars (1.320 milliards de francs au
cours Officiel du changé). L’ambassa-
deur des Etats-Unis, s’est rendu en
personne au Kremlin, le 1er janvier
pour remettre au gouvernement de
Moscou une note à ce sujet.
Les deux précédentes notes émanant
du département d’Etat et suggérant
des pourparlers entre les deux puis
sances au sujet du paiement des dettes
souscrites en temps de guerre étaient
restées sans réponse, affirme-t-on de
source officielle : l’U.R.S.S. est le seul
pays Qui n’ait pas rempli ses obliga
tions de in-êt-bail. La France et la
Grande-Bretagne, notamment, signè
rent des accords de règlement à l’oc
casion de la négociation des prêts
américains.
Ces précédents, ajoutés aux indi-
’ ations qu’on peut tirer d’un présent
, politique compliqué, laissent sup-
poser qu’à, moins d’une entente
. préalable entre les partis — chose
, peu probable après ce qui s’est
, passé pour la présidente du Conseil
, de la République ! — on ne com
mencera à voir un peu clair
qu’après le premier tour de scru
tin. Et les dés ne retomberont sans
doute qu’au troisième. Dans un état
de choses normal et depuis qu’il n’y
a qu’une Assemblée souveraine,
c’est le président de cette Assem
blée, Vincent Auriol, qui se trou
verait le plus directement désigné
pour la première magistrature de
l’Etat. La Constitution lui doit
beaucoup. Il en serait donc à l’Ely-
sée un gardien hors de tout soup
çon. Il a une longue expérience
de la vie publique et, depuis deux
ans, il a rendu au pays, à titre
officieux ou officiel, les services
qu’on attend justement du premier
président de la IV e République.
Cependant, il est soumis à réé
lection devant l’Assemblée natio
nale. Le gros de ses voix, lors de
la précédente élection du bureau,
avait été uniquement constitué par
les socialistes et les républicains
populaires. Les communistes, il est
vrai, avaient un motif spécial pour
susciter ce jour-là la candidature
concurrente de Marcel Cachin. Ils
n’étaient pas sûrs de l’attitude so
cialiste au regard de Maurice Tho-
rez. Ce motif a disparu. Les socia
listes, dans l’ensemble, ont voté
pour ce dernier. Ils se sont même,
par la suite, et plus nettement en
core, désistés en faveur de Georges
Marrane. Si bien qu’il ne paraît
pas y avoir, pour l’instant, d’inter-
dit majeur communiste contre
Vincent Auriol, Tout le comporte
ment des communistes nous paraît
d’ailleurs devoir être commandé
par ce qu’ils sauront des « des
sous » probables de la crise gou
vernementale officiellement ouverte
par la démission de Léon Blum et
des intentions de leurs partenaires
en ce qui concerne la composition,
la structure politique du cabinet
suivant.
Ce que l’on gagne d’un côté on
le perd souvent de l’autre et après
le désistement des conseillers socia
listes au Luxembourg, Vincent Au
riol s’est vu menacé de représailles
par les républicains populaires.
Mais ceux-ci ont exécuté également
un violent tir de barrage contre
Edouard Herriot, dont le silence et
la prudence donnent à réfléchir. Si
les républicains populaires sentent
qu’aucun des leurs n’a de chances,
que leur candidat se nomme Geor
ges Bidault, ou Francisque Gay, ou
Robert Schuman, nous croyons
qu’ils seront plus enclins à voter
pour Vincent Auriol que pour
Edouard Herriot, bien que M.
Champetier de Ribes ait bénéficié
du secours du Rassemblement des
Gauches.
Telles seront, à peu près, les con
ditions au départ. Mais ceux qui
parlent de la prochaine élection
présidentielle oublient générale
ment que, dans la situation où nous
sommes, le fait déterminant, capi
tal, sera celui de la couleur poli-
tique qu’on pourra, selon le cas,
assigner à la majorité victorieuse.
Car nous retrouvons partout, dans
les crises gouvernementales, à l’As
semblée nationale, au Conseil de la
République, et nous retrouverons
par conséquent à V ersailles ce
problème : une majorité peut-elle
se cristalliser et si oui quels en
sont les contours politiques ?
On va donc d’abord manœuvrer
au Congrès pour dégager soit une
majorité antimarxiste, soit au con
traire une majorité de « concentra
tion démocratique ». La droite et
le centre s’emploieront à ce que
l’élection soit un échec au com
munisme. Les communistes, fidèles
à leur ligne politique, s’emploieront
à ce qu’elle soit un échec à la réar-
tion. Ce sera le premier choc. Nous
persistons à croire, en raison mê-
me de l’enjeu, qu’il ne sera pas dé
cisif, les forces s’équilibrant ou
compensant de part et d’autre
deux blocs à peu près égaux.
Si le sort de la bataille est à
point incertain — et il le sera
se
en
ce
plutôt que de courir le risque d’une
défaite à quelques voix, défaite qui
aurait des incidences immédiates
sur le plan gouvernemental, on
préférera, une fois de plus, remet
tre toutes les cartes au jeu et cher
cher la solution du problème soit
dans une candidature offrant, si
l’on peut dire, le maximum de neu
tralité, nous allions écrire : de ba
nalité, soit dans une large effusion
d’unanimité laissant à chacun
le droit de s’écrier qu’il n’a pas été
battu. Le nœud gordien de la ma
jorité politique n’aurait pas alors
été tranché et ce serait pour beau
coup un soulagement !
LES CHRONIQUES DE L’« ORDRE»
ILIE SSIEIPS ET ]PANAMIA
par Alexandre ZEVAES
On a annoncé, ces jours-ci, l'arrestation d’un M.
Paul de Lesseps, descendant du « Grand Français ».
Paul de Lesseps raconte que, dans un règlement
de comptes relatif aux fameux terrains d'Alexan-
drette, il aurait été frustré de plusieurs millions, voire
de quatre à cinq milliards, soit par le gouvernement
turc soit par l’Etat français. Et après tout ce n’est
pas impossible.
Mais ce qui paraîtrait, non seulement possible,
mais établi contre le nouveau pensionnaire de Fresnes,
c’est que, durant l’occupation, il se serait livré à
des négociations fâcheuses, mais intéressées, avec les
Allemands. Et c’est ce qui lui vaudrait sa présente
incarcération.
Bon chien chasse de race — et la mésaventure
du Lesseps de 1947 nous remet en mémoire le Fer
dinand de Lesseps qu’évoqua notre ami Pierre
Lœwel dans un livre sur le Canal de Panama et
auquel j’ai moi-même consacré un volume, le Scan
dale du Panama.
On l’avait appelé le Grand Français. Il eût mieux
valu dire : le grand escroc. Avec la perspective de
ses Mille et Une Nuits, avec ce placement califor
nien que le raccardeur d'océans fit, aux yeux des
goujons naïfs, miroiter dans les eaux de l’épargne,
ah ! ce qu’il soutira d’économies petites-bourgeoises,
paysannes et même ouvrières ! Le perceur d’isthmes
fut par-dessus tout un perceur de bas de laine, un
remueur d’argent, contribuant par. le dépouillement
de centaines de milliers de familles à la concentration
financière.
Le « Grand Français » et sa compagnie empochè
rent exactement 1.434.552.281 francs. Que devint
ce milliard et demi arraché à l’épargne française par
la propagande, par la réclame, il faut dire le mot
par le charlatanisme grossier de la compagnie de Pa
nama, avec la complicité du gouvernement, du Par
lement et de la presse ?
C’est à peine si la moitié — 683.132.709 francs
— fut affectée aux réels travaux de construction
du canal. La plus large part fut dilapidée en dé
penses dites administratives, rétribution des membres
du conseil d’administration, frais de représentation
de Ferdinand de Lesseps, hôtel de la compagnie et
mobilier, pots-de-vin à divers parlementaires, rémuné
ration de la publicité journalistique, etc.
Et un beau jour la compagnie dut suspendre les
travaux, déposer son bilan — cependant que le tri
bunal civil de la Seine prononçait la dissolution de
la société et nommait un liquidateur (4 février 1 889).
Détroussés, les actionnaires et obligataires se liguèrent
et, le 28 mars 1 889, déposèrent une plainte entre les
mains du procureur général, le trop connu Quesnay
de Beaurepaire — celui que, par abréviation, Roche-
fort appelait Q. de Beaurepaire. De nouvelles plain
tes s’ajoutèrent ultérieurement à celle-ci. Mais Ques-
hàÿ fit là sourde oreille. Lès victimes s’adressèrent
alors à la Chambre des députés. Et le ministre de
la Justice de l’époque, Fallières, dut donner des or
dres de poursuites à son procureur général.
Mais Quesnay, ne voulant pas contrarier certains
de ses amis qui risquaient d’être pris la main dans le
sac, affecta de réfléchir, musa, gagna le plus de temps
possible. Déjà, dès le mois de janvier 1889, le pro
cureur de la République Banaston avait émis l’opi
nion qu’une information judiciaire s’imposait. Or, à
quelle date Q. de Beaurepaire l‘ordonne-t-il ? Deux
ans après cet avis et un an après l’intervention de la
Chambre — soit le 1 1 juin 1 891. Une instruction
sommaire est confiée au conseiller Prinet, et dix-huit
mois plus tard, le 10 janvier 1893, comparaissent de-
— la Cour les administrateurs du Panama. Il y a
là, assis sur le banc des prévenus, Ferdinand de Les-
seps et son fils Charles, Eiffel, Fontanes et le baron
Cottu. La qualité de grand officier de la Légion
d’honneur de Ferdinand de Lesseps soustrait ces pré
venus de haut'vol à la banalité d’une chambre correc-
vant
tionnelle ordinaire, bonne tout au plus pour les petits
voleurs à la tire et les escrocs dénués d’allure, et en
traîne pour tous la compétence de la première chambre
de la Cour d’appel siégeant correctionnellement.
,C‘est Waldeck-Rousseau qui plaide pour Eiffel
et l’on se rappelle sa péroraison :
Parmi tous ces prévenus, il en était deux qu on
connaissait au-dessus de tous les autres : Ferdinand
de Lesseps et Eiffel ; ils sont aujourd’hui devant vous
en police correctionnelle !... Mais l’histoire à laquelle
ils appartiennent déjà enregistrera votre décision
comme un acte de réparation et de justice ; elle gar
dera, j'en suis assuré, ses sévérités inexorables pour
ceux qui n’ont pas pu leur pardonner d’avoir fait à
la grande humiliée de 1871 l’aumône d'un peu de
gloire.
La France maintenue dans sa position de vaincue,
transformée en mendiante et recevant dans son escar
celle l’obole de gloire que veulent bien lui distribuer
deux flibustiers d’envergure : voilà à quelle image
audacieuse recourt, quand il se drape dans sa robe
d’avocat, le juriste et le républicain qu’est Waldeck-
Rousseau. L’excuse, si, c’en est une, d’une pareille
péroraison, c’est qu’il s’agit de justifier un honoraire
de 1 00.000 francs et d’en donner au client pour son
argent.
Le 9 février, la Cour rend son arrêt et, retenant
les préventions d’escroquerie et d’abus de confiance,
condamne Ferdinand et Charles de Lesseps chacun
à cinq ans d’emprisonnement, Eiffel, Henri Cottu et
Marius Fontanes chacun à deux ans de la même
peine.
Mais ne nous hâtons pas trop de nous apitoyer
sur le sort des illustres condamnés.
Ils se pourvoient, contre l'arrêt qui les frappe,
devant la Cour de cassation, et celle-ci, le 15 juin
B
L'EDITORIAL
d’Emile Bué
LA PEUR
] 19- Annee - Nouvelle Serie * Ntt 607
EST
MAUVAISE CONSEILLERE
M. Sumner Welles, ancien sous-secrétaire d’Etat américain,
leader du New York Herald Tribune, reconnaît que parmi les
quatre grandes nations alliées, la France seule a, au sujet de
l’Allemagne, défini une politique qui permet à l’Europe d’espérer
une paix durable, mais il ajoute aussitôt qu’elle n’a, cette poli
tique, qu’une bien petite chance de triompher. Il a sans doute
raison, mais il lui faut convenir avec nous que c’est désolant.
Avec lui, nous voulons croire que les petites nations qui
eurent, comme la France, à souffrir de l’exécrable domination
allemande parviendront à persuader l’Amérique, l’Angleterre et
la Russie que leur intérêt vital respectif n’est pas de ménager
l’Allemagne pour s’en faire une alliée en vue d’une troisième
guerre mondiale, mais de la réduire décidément à la paix.
C’est beaucoup déjà qu’un politique américain, d’aussi grande
autorité que M. Sumner Welles, admette que dans son réalisme
humaniste, notre pays pénètre mieux, aujourd’hui comme en
1919, l’anatomie morale du peuple allemand que les autres na
tions alliées. Il est bien regrettable qu’il ne soit pas demeuré à
la place ^éminente qu’il occupa au State Department puisqu’il
partage entièrement notre opinion au sujet de nos effroyables
voisins de l’Est. Il dit, citant l’un des leurs, Richard Wagner,
qu’ils soupirent toujours après la gloire, qu’ils rêveront toujours
de reconstituer à leur profit l’Empire romain, que les plus calmes
d’entre eux, dans leur évident esprit de controverse, ne cesse
ront pas de poursuivre une politique propre à leur assurer la
domination du monde. Mais il désespère — et il a peut-être tort
— de faire entendre cette incontestable vérité politique à ses
compatriotes. Ceux-ci — je pense aux plus fortunés qui sont sou- ,
vent, c’est vrai, les plus influents — sont toujours tentés pour ,
accroître leurs richesses de sacrifier à l’immédiat le permanent,
au mépris de l’intérêt national, mais il y a les autres, tous les
autres dont l’esprit patriotique demeure libre et sain. Ce sont
ceux-là qu’il doit s’efforcer de convaincre, en leur montrant, i
pièces à l’appui, que Hitler ne visa pas seulement à imposer sa
loi à l’Europe, mais aussi à l’Amérique.
Notre excellent correspondant à Berlin, L. Léontin, nous i
disait hier, de passage à Paris, que les Américains avaient en |
Allemagne recueilli avec grand soin tous les documents propres i
à les renseigner sur les origines de la guerre, bien décidés cette
fois à ne point permettre aux Allemands de soutenir qu’ils n’en 1
furent pas responsables. Alors pourquoi se conduisent-ils comme i
s’ils ignoraient ce qu’ils savent ? Avec l’honnêteté intellectuelle 1
qui caractérise la grande presse américaine, le New York Herald
Tribune l’avoue crûment. Sous la pression de classes dirigeantes
qui redoutent le communisme, le gouvernement de Washington
et le gouvernement de Londres visent à renforcer l’Allemagne
pour en faire, contre la Russie, une sorte de bastion par eux
subventionné. L’inquiétude de cette dernière, la résistance de ses
représentants aux réunions de l’O.N.V. s’expliquent après cela.
La peur est mauvaise conseillère et c’est la peur qui guide à
présent les trois grandes nations alliées, la Russie comme l’Amé
rique et l’Angleterre, pour le malheur du monde.
Tout homme de bonne foi reconnaît à présent que la paix de
1919 fut calomniée, qu’elle eût été durable si l’Angleterre, la
France, qui en étaient garantes, avaient pu s’accorder, si l’An
gleterre n’avait point obligé la France à faire concession sur
concession à l’Allemagne, si elle ne s’était refusée à comprendre
que son intérêt vital était solidaire, étroitement solidaire de
celui de notre pays en la circonstance.
Il ne faudrait pas que cela recommençât.
La paix qui sera signée en mars prochain à Moscou aura le
sort de celle de 1919, si bonne soit-elle sur le papier, si Améri
cains, Anglais et Russes ne se montrent pas, quittant esprit de
défiance, de crainte, décidés à en appliquer toutes les clauses
avec une même''fermeté. Ainsi, comme nous l’avons toujours dit,
toute politique fondée sur l’antisoviétisme qui tend à substituer
l’intérêt de la classe bourgeoise dirigeante, d’ailleurs en l’occur
rence fort mal entendu à l’intérêt national, est-elle criminelle au
premier chef.
L’article de M. Sumner Welles atteste que je n’ai pas eu tort
de croire que les représentants de la France à la prochaine
conférence de la Paix ne seraient pas sans atouts dans leur jeu.
J’ai reproché au Quai d’Orsay de n’être point assez attentif aux
mouvements des nations de l’Est européen qui furent fidèles
amies et alliées de notre pays. Je me félicite de l’appui que me
prête encore sur ce point le leader du New York Herald Tribune
en pressentant le rôle d’importance que peuvent être appelées
à jouer ces nations à la conférence de la Paix.
LA QUOTIDIENNE
Pierre de touche
Je n’ai aucune raison particulière
de louer M. Armand Salacrou qui
est de ces auteurs dont la superbe
ne s’accommode d’aucune critique,
qui, si l’on ne loue pas leurs ou
vrages, estiment qu’on les déprécie,
qu’on porte atteinte à leur consi
dération, qu’on n’est qu’un palto
quet, et qui font partie de ces nou
veaux seigneurs dont l’humeur irri
table ne se brave pas sans danger.
Mais comme ici il ne peut m’attein
dre et que j’ai souci de la vérité,
je dirai que ses Nuits de la colère
sont actuellement la pierre de tou
che par quoi se reconnaissent le
plus facilement du monde les mé
diocres et les purs.
On sait que cette œuvre drama
tique met en scène un ménage qui,
par lâcheté, par peur des consé
quences, par egoïsmes, par souci de
sauver sa peau, livre, pendant l'oc
cupation, à la Gestapo, un résis
tant venu lui demander asile et
qu’elle est essentiellement le drame,
sinon de la collaboration, du moins
de la craintive et vile neutralité.
Les propos imbéciles et affolés que
tiennent l’homme et la femme trou
blés dans leur coite quiétude par
l’apparition d’un combattant sans
uniforme, ce sont — hélas, criantes
de vérité — les réflexions et les
réactions de cette multitude pétai-
niste informe qui considérait pen
dant l’occupation les résistants
comme des trouble-fête dangereux.
On comprend dès lors que la re
production de leurs propos comme
sténographiés ne soient pas sans
provoquer chez eux un sentiment
de gêne et qu’à se contempler au
jourd’hui indiscrètement mis en
scène ils éprouvent quelque animo
sité. A cet égard rien de plus ins
tructif que d’observer le comporte
ment de la salle durant la repré
sentation et de voir avec quelle fu
reur rentrée tous ces braves gens
souffrent de se voir dénudés sur la
scène. Eh bien, oui, ils étaient sem
blables à ce couple affreux. Et puis
après ? Etait-ce pas leur droit ?
C’est pourquoi vous pouvez faci- ■
lement faire de vos amis et con
naissances une épreuve assez déci
sive en les envoyant au théâtre Ma-
rigny et en allant les attendre à
la sortie. A leur teint significatif
et à leur moue méprisante vous .
connaîtrez leur cœur.
Pierre LŒWEL.
LEGION D’HONNEUR
Notre amie Eliacheff (Mme L.)
vient d’être nommée chevalier de
la Légion d’honneur avec la magni
fique citation que voici :
Eliacheff (L.), médecin de 2'
classe : officier de la plus haute va
leur morale. Ayant rallié les Forces
françaises libres au début de 1942
n’a pas hésité à accepter les res
ponsabilités et les difficultés mo
rales et physiques d’un poste pour
lequel elle s’était volontairement
engagée. A fait preuve d’un dévoue
ment total et d’une grande abné
gation en ce dépensant sans comp
ter. A bien mérité la reconnaissance
de la France.
4. Francs
Samed 4 Janvier 1947
L’ORDRE
Directeur politique : Émile BURÉ
Rédaction, Administration : 31, Rue Tronchet
. Anjou : 86-40 — 4 lignes
Publicité : Régie-Presse, 65, Champs-Elysées
Après 21 heures : TRUdaine 65-96
8PL.MADELEINE
ORISc
9800F
CATALOGUE GRATUITÉ
LE GENERAL GAMELIN
continue à ne pas comprendre
l’énormité des responsabilités
encourues par lui en mars 1936
(UNE LETTRE DE L’ANCIEN GÉNÉRALISSIME)
Le général Gamelin nous a
commentaire :
Paris, le 1 er janvier 1947.
Monsieur le directeur,
J’ai pris connaissance de l’article
intitule « Comment le 7 mars 1936
le général Gamelin perdit la guerre »,
paru dans l’ « Ordre » d'hier 31 dé-
cembre.
Je laisse à mon éditeur, la librairie
Plon, le soin de traiter la question du
droit que peut avoir un journal de
publier des extraits aussi longs d’un
ouvrage dont la reproduction, est ré-
semée.
Personnellement, je m’estime le
droit de vous demander de repro
duire en première page de votre
journal la présente lettre et les ob
servations suivantes :
1e Citant la « note du 11 mars
1936 » signée du général Maurin, mi-
ristre de la Guerre, vous avez omis,
notamment, de reproduire l’annota
tion ci-après Y AFFERENTE ET QUE
L'ON TROUVE en bas de la page 210
de mon ouvrage :
« On sait que, au cours de sa dé
fense pendant le procès de Nurem
berg. le maréchal Keitel a présenté
les forces allemandes d’alors comme
beaucoup moins importantes. Mais
comment se fier à ses déclarations ?
adressé la lettre suivante qui nous
exactitudes que l’on trouve dans les
extraits de M. Raymond Cartier, que
vous publiez. Je veux simplement
ajouter : quand j’ai écrit ces lignes,
je ne connaissais que la déposition
du maréchal Keitel. Les autres n’ont
pas modifié mon opinion. Je n’ai
toujours aucune raison de douter des
renseignements, du reste recoupés,
que nous donnait notre 2’ bureau
sur les effectifs de diverses catégo
ries, plus ou moins camouflés, exis-
semble pouvoir se passer de tout
tant en Allemagne. Et je me de
mande si les Français continueront
toujours à prendre comme argent
comptant tout ce que disent les Al
lemands pour les besoins de leur
cause. Ne pourrait-on nous tenir in
définiment pour des « jobards », sur
tout si le résultat en est de nous
accuser entre nous.
Veuillez agréer l’assurance de ma
considération.
Signé : Général GAMELIN.
M. Moutet est rentré à Saigon
sans avoir entamé des négociations
Ho ChiMinh s’adresse au général Leclerc
LETTRE
DE
NEW-YORK
Le désarmement
CHERCHE-T-ON
un Président de la République
ou une majorité politique ?
par André STIBIO
Quand
vérité ?
ments
D’autre
voulait
1 effort
avaient
les Allemands ont-ils dit la
D’une part, nos renseigne-
étaient précis et formels.
part, le maréchal Keitel ne
sans doute pas reconnaître
camouflé que les Allemands
. déjà téalisé à cette époque,
contrairement à toutes leurs allega-
tions officielles. Enfin, en laissant
croire à la faiblesse de l’armée alle
mande, la veille du 7 mars 1936, il
faisait ressortir que Hitler était un
déséquilibré, un « risque tout », sur
qui doivent être rejetés tous les ac
tes reprochés à l’Allemagne, comme
la défaite finale. Puis, quel sadique
plaisir que de ridiculiser le gouverne
ment et le commandement fran
çais ! »
2° Je ne discute pas la question de
mon rôle personnel en l'affaire. Pour
en juger équitablement, il faudrait
d’ailleurs lire les considérations ini
tiales et finales encadrant l’exposé
que vous avez cité et se rendre
compte des possibilités exactes de
L’ARMEE ACTIVE FRANÇAISE à
cette
date. Je ne relève pas les
in-
Le général Clay
commandant en chef
des troupes américaines
en Allemagne
Berlin, 3 janvier. — Le général Lu-
cius Clay va remplacer le général Jo
seph T. Mac Narney, comme com
mandant en chef des troupes améri
caines en Allemagne.
Le général Clay est actuellement
adjoint du général Mac Narney et
délégué américain au Conseil de con-
Saigon, 3 janvier. — Après un
séjour de 34 heures à Hanoï, au
cours duquel il a pu s’entretenir
avec les principales personnalités
françaises et apporter le réconfort
de la présence d’un représentant
du gouvernement français aux po
pulations éprouvées, tant françaises
qu’indochinoises, M. Marius Mou-
tet, ministre de la France d’outre
mer, a regagné Saigon. Il a gagné
immédiatement le haut commissa
riat, où il a poursuivi ses entre
tiens. Il a l’intention de prononcer
demain soir une allocution à Radio-
Saigon.
Le séjour de M. Moutet à Hanoï raconté
par l’envoyé spécial de PA. F. P.
Hanoï, 3 janvier. — Des Jeep
blindées armées de mitrailleuses,
escorteront le cortège ministériel
entre l’aérodrome et Hanoï, le long
de la route de Gialam garnie de
postes militaires.
L’incendie brûle a : loin. Au pas
sage du pont Doumer, le ministre
peut voir brûler la brousse et les
paillottes dans l’île à laquelle s’ap
puie le pont, au milieu du fleuve
Rouge : l’incendie est destiné à
détruire un nid de tireurs qui gê
nait la circulation.
Dans le voisinage, une attaque en
direction de l'aérodrome a été re
poussée encore avant-hier. Le cortè
ge traverse les faubourgs déserts.
Des coups de feu éclatent au loin
dans le quartier annamite; sur la
gauche, des maisons incendiées, des
habitations fortifiées, des tranchées,
des arbres abattus, des murs créne
lés de balles, tout ici ale sinistre
aspect des lieux visités par la guerre.
Le cortège longe le théâtre crevé
par l'artillerie le 19 décembre, puis
un petit lac : les Viet-Namiens sont
à 300 mètres d’ici, et les mitrailleu
ses françaises prennent en enfilade
L’EXPÉRIENCE BLUM UN AVIATEUR
chef d’escale
Le président du gouvernement
donne ses instructions aux préfets
Le décret prescrivant la diminution
générale de 5 % prévoit que des sanc
tions seront prises contre tous ceux
qui ne se conformeront pas aux me
sures adoptées par le gouvernement.
Les infractions seront considérées
comme pratiques de prix illicites,
constatées, poursuivies et réprimées
en tant que telles et les préfets de
vront, de leur côté, ordonner la fer
meture des magasins, bureaux, ate
liers et usines des délinquants en
même temps que veiller à l’affichage
des peines prononcées.
En vue de préciser les modalités
d’application de ce décret, M. Léon
Blum, président du gouvernement
provisoire de la République, a réuni
hier, soir, dans le salon de l’hôtel Ma
tignon habituellement réservé au
Conseil des ministres, les préfets des
départements ainsi que les inspecteurs
généraux de l’Economie nationale.
MM. Depreux, Philip, Tanguy-Prigent,
Laurent, Gazier, Lacoste et Minjoz
assistaient le chef du gouvernement.
M. Léon Blum a d’abord rappelé
le sens des mesures édictées, puis il
a montré qu’il s’agissait d’un retour
nement complet de la tendance de
hausse dont l’objectif n’était pas seu
lement de réduire momentanément
les prix taxés, mais aussi d’aboutir
à des diminutions plus fortes des prix
libres.
M. Léon Blum s’est félicité ensuite
de l’appui qu’il avait trouvé auprès
des grandes organisations patronales
et ouvrières et il a recommandé à
tous les préfets de tenir compte de
ce fait pour assurer l’entière appli
cation du décret.
Il importe également, devait-il sou
ligner, d’amener l’opinion à bien
comprendre la valeur de cette poli-
tique de baisse et, pour cela, il sera
très utile, dans chaque département,
de citer les meilleures des initiatives
qui seront prises par les commerçants.
La persuation a ainsi un rôle capital
à jouer, car l’expérience, si elle vise
à une amélioration de la situation
actuelle, tend aussi, et par cela mê
me, à défendre et sauvegarder les
institutions républicaines.
L’exposé du président Léon Blum
fut ponctué de chaleureux applaudis
sements. Après lui, M. André Philip,
ministre des Finances et de l’Econo-
mie nationale, commenta certains
aspects particuliers du décret de
baisse. M. Tanguy-Prigent, ministre
de l’Agriculture, invita, de son côté,
les préfets à s'appuyer aur les orga
nisations agricoles. M. Minjoz parla
ensuite des problèmes de la distribu
tion ; puis M. Depreux, ministre de
l’Intérieur, conclut en rappelant que
démocratie et autorité n’étaient pas
des termes qui s’opposaient, mais qui
se trouvaient au contraire étroitement
associés. En terminant, il recom
manda lui aussi aux préfets de se
rendre sur les marchés, dans les com
munes et de parler directement à la
population.
— Le meilleur préfet, souligna no- |
tamment le ministre, est celui qui sait
associer l’esprit de la résistance avec
le respect des bonnes traditions admi
nistratives.
La réunion se termina dans une
atmosphère de chaude sympathie qui
montra bien l'accueil rencontré par
le décret gouvernemental. Chacun
espère maintenant et partout l’en
thousiasme a succédé au doute et au
pessimisme. Le choc psychologique est
créé.
Pierre ROCHE.
Il semble que l émulation à la hausse
devienne I émulation à la Laisse
déclare M. Daniel Mayer
Voici le texte de l’allocution pro
noncée par M. Daniel Mayer, hier
soir, devant le micro de la radiodif
fusion nationale :
Vous avez tant et tant entendu, de
puis de nombreuses années, de lis-
cours ministériels vous annonçant
que tout va changer, qu’il serait
normal que vous ayez envie de
tourne rie bouton de votre radio.
Si vous ne le faites pas mainte
nant, c’est parce que vous sentez,
peut-être instinctivement ou confusé
ment, qu’il y a quand même, cette
fois, vraiment, quelque chose de
changé.
Le cycle infernal, la course effré
née entre les salaires et les prix sont
enfin brisés. Alors que depuis tant
d’années les prix montaient en flèche,
depuis trois jours ils ont commencé
de diminuer et il semble que l’émula
tion à la hausse, qui était l’habitude
du commerce et de l’industrie, devien
ne l’émulation à la baisse.
Lorsque la C.G.T. et, d’une manière
générale, toute la classe ouvrière, ré
clament la fixation d’un minimum vi
tal, il faut préciser qu’il s’agit de
tout autre chose qu’un salaire mini-
mum. ,11 définit les besoins • vitaux
des travailleurs, il désigne, non pas
un nombre déterminé de francs, mais
un pouvoir d’achat déterminé ; il se
traduit par un nombre de francs plus
ou moins élevé selon que les prix
somme fixe, mais un rapport entre le
coût et les besoins de la vie.
Pour assurer ce minimum vital, on
a procédé jusqu’à présent en augmen-
tant le taux des salaires, c’est-à-dire
en augmentant le nombre des francs
dont le travailleur dispose. Mais l’ex
périence montre que cette méthode
est non seulement illusoire mais nê-
faste. Les prix, en effet,
proportion des salaires et
d’achat n’est pas accru.
Le gouvernement actuel
montent à
le pouvoir
vient d’es-
sayer une méthode inverse. C’est sur
les prix que nous agissons, c’est par
une action tenace, continue, multi
pliant les trésors d’imagination dont
le peuple dispose, que nous entendons
diminuer les prix, et les diminuer à
une cadence accélérée.
Ainsi, le minimum vital sera assu
ré à chacun. Mais pour cela, nous
avons besoin du concours le plus ac
tif de la population laborieuse, le
meilleur contrôleur économique, c’est
le consommateur, le meilleur ins
pecteur des prix c’est la ménagère,
d un et l’autre doivent être vigi
lants. Ils doivent veiller au civisme
de chacun.
Le fait d’avoir fixé deux paliers de
baisse permettra, dans les 60 jours
qui viennent, la résorption des stocks.
Durant ce temps, la population de
notre pays ne doit rien acheter au
marché noir. Elle doit briser l’espèce
montent au baissent. Il n’est pas une (Lire la Suite en troisième pôge)
à Toulouse
arrête pour espionnage
Les services de la surveillance du
territoire ont arrêté sous l’inculpa
tion d’espionnage pour le compte
des services de renseignements alle
mands repliés en Espagne Jean
Rugammer, né à Bordeaux en 1898,
chef d’escale à Toulouse d’une com
pagnie aérienne.
Pilote de ligne avant la dernière
guerre. Rugammer avait été mobi
lisé en 1939. Il s’était établi arma
teur à Port-Vendres en 1940.
Durant l’occupation il fit partie
du S.O.L., puis s’inscrivit au P.P.F.
Ayant de gros besoins d’argent, il
entra en 1943, par l’intermédiaire
de son beau-frère, bijoutier à Biar
ritz, actuellement en Argentine, au
service de l’Abwehr, organisation de
renseignements de la Wehrmacht.
De novembre 1943 à avril 1944
il suivit à Bordeaux les cours spé
ciaux donnés par des officiers alle
mands aux agents nouvellement re
crutés.
I Puis, muni de fonds importants,
Rugammer fut chargé de surveiller
la frontière pyrénéenne dans l’éven
tualité d’un débarquement allié en
Espagne. C’est à ce moment qu’il
entra en contact avec les services
de renseignements allemands re
pliés dans ce pays.
A la libération, la police fran
çaise ignorait encore l’activité de
Rugammer. Celui-ci, nommé chef
de la base de Marignane avec le
grade de commandant, entra peu
après au service d’une compagnie
aérienne toulousaine qui voulait
créer une ligne Suisse-Andorre-Es
pagne. Peu après cette compagnie
obtenait les autorisations néces
saires du gouvernement espagnol
II a été établi qu’après la libéra
tion, alors qu’il commandait la base
de Marignane, Rugammer avait
réussi à communiquer aux services
allemands d’Espagne d’importants
renseignements sur les mouvements
de l’aviation alliée pendant la der
nière phase des hostilités, ainsi que
sur le développement de notre in- ,
dustrie aéronautique dans la région <
de Toulouse. Il avait également pu :
introduire au Maroc un agent qui 1
devait recevoir par parachutage des ‘
appareils de radio. .
La femme de Rugammer, née '
Madeleine Renoux, sa fille Nelly, et 1
sa bonne Alexandra de la Penh An- I
ton, espagnole née à Burgos, qui 1
n’ignoraient rien de ses activités et |
qui avaient prêté leur concours à ;
plusieurs reprises, ont également :
été écrouées et déférées à la justice
militaire pour complicité.
। la route qui jadis était la promenade
, favorite des Français.
Dans le quartier français, les pas
sants sont rares, aucune circulation,
sauf de véhicules militaires. Les Chi
nois ont arboré un brassard spécial,
pour indiquer qu’ils sont neutres. Le
ministre arrive au gouvernement gé-
néràl où il est reçu par M. Jean Sain-
teny, commissaire de la République
au Tonkin. Son bras droit en échar
pe, celui-ci se déplace le moins pos
sible à cause d'une profonde blessure
dans le dos. M. Sainteny circule seule
ment de sa chambre à son bureau.
Une des premières visites du mi
nistre, dans la matinée, est pour l’Ins
titut Pasteur, dans le secteur encore
interdit dont le voisinage est infesté
de tireurs, surtout pendant la nuit.
Le ministre constate les destruc
tions véritablement scientifiques opé-
rées par lés Vlet-Namiens durant
la journée du là décembre. Sans dé
truire les bâtiments, ils ont incendié
systématiquement les locaux, pièce
par pièce, avec des barils de goudron
et d’essence. Ils ont saccagé tout le
matériel, enlevé les pièces essentielles.
Tout prouve que les destructions
étaient dirigées par des spécialistes
compétents.
Les archives sont un tas de cen
dres. notamment celles concernant
les vaccinations Calmette contre la
tuberculose, précieux travail cou
vrant un demi-siècle d’observations,
et accompli par des médecins fran
çais dans l'intérêt de la population
indochinoise.
Le ministre se rend ensuite à l’hô
pital Yersin. se trouvant à la lisière
du quartier sino-annamite, qui n’est
pas encore dégagé par nos troupes.
Au moment où le ministre et sa
suite traversent la cour de l’hôpital,
une série de coups de feu claquent
et l'on entend le sifflement des bal
les. Le tir est-il dirigé contre le cor
tège ou bien déclenché par le mou-
vement insolite que celui-ci provo
que dans le quartier ? C’est difficile
à dire, mais, en tout cas, les coups
de feu des Viet-Nâmiens sont fait
courant dans toute la ville.
De retour au gouvernement gé
néral, le ministre tient une confé
rence de travail avec les autorités
françaises militaires et civiles, et
reçoit plusieurs visiteurs, notam
ment une délégation de la section
S.F.I.O d’Hanoï. Les conversations
continuent autour de la table de
M. Sainteny, au déjeuner duquel
assistent les principaux représen
tants de l’armée et du gouverne
ment.
Un message d’Ho Chi Minh
au général Leclerc
Saigon, 3 janvier. — « Général et
cher amii, c’est par ces mots Que com
mence un message adressé par Ho
Chi Minh au général Leclerc et que
diffu se m radio viet-namienne.
Dans ce message, Ho Chi Minh dé
clare notamment :
« Vous êtes un soldat et un grand
patriote, vous avez vaincu les enva
hisseurs de votre pays : c’est pour
quoi vous êtes vénéré par le monde et
avant tout par le peuple viet-namien.
« Nous avons tous les deux le
même idéal.
« Votre victoire, si vous réussissez
à nou s battre, serait une souillure
à votre gloire et à votre dignité.
« Une- paix équitable peut encore
être obtenue. Je vous parle à cœur
ouvert, car il m’est très pénible de
voir les jeunes Français et les jeunes
Viet-Namiens, jleur des deux pays,
s’entre-tuer dans la fureur. »
La situation
en Palestine
REVENDICATIONS
AMERICAINES
Jérusalem, 3 Janvier. — La recru
descence de terrorisme signalée au
cours de la nuit en Palestine serait,
selon certains observateurs, la pre
mière manifestation de la constitu
tion d’un « front commun » entre
la bande « Stern » et l’ « Irgun
Zwai Leumi ».
Les deux bandes auraient mis à
profit la trêve qui a régné depuis le
5 décembre pour préparer des opéra
tion- simultanées de plus grande en
vergure, réalisées avec des moyens
plus considérables et parfois nou
veaux, comme par exemple les lance-
flammes.
Des mesures nouvelles seront
certainement prises pour faire face
aux difficultés de la situation, mais
il paraît hautement improbable que
l’ordre puisse être rétabli rapide
ment.
Le
comité des affaires navales
de
la Chambre des représentants améri
caine vient de demander que soient
accordés aux Etats-Unis les « pleins
droits » sur des îles du Pacifique,
actuellement propriétés sous mandat
d’autres nations membres de l’O.N.U.
. La. Nouvelle-Galédonie. est comprise
parmi les Îles rëvendiquées.
Aux dernières nouvelles, les at
tentats se soldent par un officier
tué et cinq soldats blessés à Haïfa,
et à dix blessés à Tel Aviv dont 5
civils juifs. Les terroristes blessés
ont été emportés par leurs camara
des. On apprend enfin que le camp
de détention de Latrun, en Palestine,
qui avait été fermé il y a deux mois,
a été rouvert hier, pour accueillir
près de 80 Jeunes Juifs, arrêtés au
cours de récents controles.
A la présidence de la Fédéral
Reserve Bank
(De notre correspondant particulier.)
New-York, le 22 décembre 1948.
L’Amérique se prépare à célébrer
Noël. Déjà, dans les rues, règne
une atmosphère de fête. Sur Park
Avenue et au Rockfeller Center
s’élèvent d’immenses arbres qu’on
éclaire la nuit, à la grande joie des
badauds. Les magasins sont pleins
d’une foule pressée qui sort les
bras chargés de paquets multico
lores, qu’on voudrait pouvoir en
voyer à tous ceux qui, chez nous,
sont privés de joies pareilles. N’en
déplaise à Bernard Shaw, qui, de
puis cinquante ans, mène une croi
sade contre Noël, qu’il accuse
d’être la fête de la gloutonnerie et
des beuveries, c’est l’âme de Dic
kens, qui fut un de ses chantres
les plus émouvants, qui inspirera
toujours les générations anglo-
saxonnes.
Pendant quelques jours, la poli
tique passera au second rang des
préoccupations. Il est vrai que
l’atmosphère, sous ce rapport, est
bien meilleure qu’il y a un an, à
pareille époque, et on le doit, en
large partie, au changement d’at
titude de Moscou. Celui-ci se ré
vèle plus ou moins dans tous les
domaines. Non seulement, dans les
débats internationaux, mais dans
la presse. Rien n’a fait plus plai-
Les noms des candidats possibles
ou probables sont aujourd’hui
connus de tous, mais tomme nous
avons de l’amitié pour certains
d’entre eux et qu’aucun n’est abso
lument sans mérite, nous éviterons
de leur porter malchance en les
marquant prématurément d’un si
gne trop appuyé. Les scrutins pré
sidentiels ont souvent réservé de
pénibles surprises. Les partants les
plus discrets, quand ils ont bien
mené leur jeu, ont souvent « coif
fé »au poteau d’arrivée des concur
rents plus brillants et qui sem-
blaient d’abord assurés
toire.
Jacques Duclos, qui a
de la vie ¬
nne bonne
sir aux
Anglais
Pravda
dans la
marine
Américains et surtout aux
que la verte réponse de la
au capitaine Andreyev qui,
Flotte rouge, l’organe de la
soviétique, critiquait la
mémoire parlementaire, rappelait
précisément, dans la salle des
conférences du Luxembourg, le jour
où M. Champetier de Ribes et
Georges Marrane se disputaient le
fauteuil de Jules Jeanneney, une
élection présidentielle typique :
celle de Doumer ! L’arrivée de
Briand au Congrès de Versailles
avait été accueillie, racontait Jac
ques Duclos, par des acclamations.
La partie paraissait donc gagnée à
son profit. Un autre candidat, Hen-
nessy, fort des déjeuners succulents
qu’il avait donnés, se croyait cer
tain de son élection au dessert.
Nul ne parlait de Paul Doumer qui
dirigeait, impénétrable, les débats
de l’Assemblée nationale. Et c’est
lui, pourtant, en apparence indif
férent aux intrigues, qui allait
l’emporter sur Briand.
conduite d’un convoi allié à desti
nation de Mourmansk, dans l’été
de 1942. « Le compte rendu et les
conclusions de la Flotte rouge sont
faux », écrit la Pravda ; « ils ne
reflètent pas l’opinion de notre
peuple ». Et le journal officiel rend
hommage au courage et à l’habi-
leté des équipages alliés au cours
Léon GUERDAN.
(Lire la suite en troisième page)
Les Etats-Unis adressent une
nouvelle sommation à l’U.R.
S.S. pour le paiement de ses
dettes de prêt-bail.
Washington, 3 janvier. — On a
annoncé hier officiellement aue les
Etats-Unis avaient adressé pour la troi
sième fois une req u ête à l’U.R.S.S. en
vue du paiement de ses dettes de prêt-
bail, qui se montent à 11 milliards de
dollars (1.320 milliards de francs au
cours Officiel du changé). L’ambassa-
deur des Etats-Unis, s’est rendu en
personne au Kremlin, le 1er janvier
pour remettre au gouvernement de
Moscou une note à ce sujet.
Les deux précédentes notes émanant
du département d’Etat et suggérant
des pourparlers entre les deux puis
sances au sujet du paiement des dettes
souscrites en temps de guerre étaient
restées sans réponse, affirme-t-on de
source officielle : l’U.R.S.S. est le seul
pays Qui n’ait pas rempli ses obliga
tions de in-êt-bail. La France et la
Grande-Bretagne, notamment, signè
rent des accords de règlement à l’oc
casion de la négociation des prêts
américains.
Ces précédents, ajoutés aux indi-
’ ations qu’on peut tirer d’un présent
, politique compliqué, laissent sup-
poser qu’à, moins d’une entente
. préalable entre les partis — chose
, peu probable après ce qui s’est
, passé pour la présidente du Conseil
, de la République ! — on ne com
mencera à voir un peu clair
qu’après le premier tour de scru
tin. Et les dés ne retomberont sans
doute qu’au troisième. Dans un état
de choses normal et depuis qu’il n’y
a qu’une Assemblée souveraine,
c’est le président de cette Assem
blée, Vincent Auriol, qui se trou
verait le plus directement désigné
pour la première magistrature de
l’Etat. La Constitution lui doit
beaucoup. Il en serait donc à l’Ely-
sée un gardien hors de tout soup
çon. Il a une longue expérience
de la vie publique et, depuis deux
ans, il a rendu au pays, à titre
officieux ou officiel, les services
qu’on attend justement du premier
président de la IV e République.
Cependant, il est soumis à réé
lection devant l’Assemblée natio
nale. Le gros de ses voix, lors de
la précédente élection du bureau,
avait été uniquement constitué par
les socialistes et les républicains
populaires. Les communistes, il est
vrai, avaient un motif spécial pour
susciter ce jour-là la candidature
concurrente de Marcel Cachin. Ils
n’étaient pas sûrs de l’attitude so
cialiste au regard de Maurice Tho-
rez. Ce motif a disparu. Les socia
listes, dans l’ensemble, ont voté
pour ce dernier. Ils se sont même,
par la suite, et plus nettement en
core, désistés en faveur de Georges
Marrane. Si bien qu’il ne paraît
pas y avoir, pour l’instant, d’inter-
dit majeur communiste contre
Vincent Auriol, Tout le comporte
ment des communistes nous paraît
d’ailleurs devoir être commandé
par ce qu’ils sauront des « des
sous » probables de la crise gou
vernementale officiellement ouverte
par la démission de Léon Blum et
des intentions de leurs partenaires
en ce qui concerne la composition,
la structure politique du cabinet
suivant.
Ce que l’on gagne d’un côté on
le perd souvent de l’autre et après
le désistement des conseillers socia
listes au Luxembourg, Vincent Au
riol s’est vu menacé de représailles
par les républicains populaires.
Mais ceux-ci ont exécuté également
un violent tir de barrage contre
Edouard Herriot, dont le silence et
la prudence donnent à réfléchir. Si
les républicains populaires sentent
qu’aucun des leurs n’a de chances,
que leur candidat se nomme Geor
ges Bidault, ou Francisque Gay, ou
Robert Schuman, nous croyons
qu’ils seront plus enclins à voter
pour Vincent Auriol que pour
Edouard Herriot, bien que M.
Champetier de Ribes ait bénéficié
du secours du Rassemblement des
Gauches.
Telles seront, à peu près, les con
ditions au départ. Mais ceux qui
parlent de la prochaine élection
présidentielle oublient générale
ment que, dans la situation où nous
sommes, le fait déterminant, capi
tal, sera celui de la couleur poli-
tique qu’on pourra, selon le cas,
assigner à la majorité victorieuse.
Car nous retrouvons partout, dans
les crises gouvernementales, à l’As
semblée nationale, au Conseil de la
République, et nous retrouverons
par conséquent à V ersailles ce
problème : une majorité peut-elle
se cristalliser et si oui quels en
sont les contours politiques ?
On va donc d’abord manœuvrer
au Congrès pour dégager soit une
majorité antimarxiste, soit au con
traire une majorité de « concentra
tion démocratique ». La droite et
le centre s’emploieront à ce que
l’élection soit un échec au com
munisme. Les communistes, fidèles
à leur ligne politique, s’emploieront
à ce qu’elle soit un échec à la réar-
tion. Ce sera le premier choc. Nous
persistons à croire, en raison mê-
me de l’enjeu, qu’il ne sera pas dé
cisif, les forces s’équilibrant ou
compensant de part et d’autre
deux blocs à peu près égaux.
Si le sort de la bataille est à
point incertain — et il le sera
se
en
ce
plutôt que de courir le risque d’une
défaite à quelques voix, défaite qui
aurait des incidences immédiates
sur le plan gouvernemental, on
préférera, une fois de plus, remet
tre toutes les cartes au jeu et cher
cher la solution du problème soit
dans une candidature offrant, si
l’on peut dire, le maximum de neu
tralité, nous allions écrire : de ba
nalité, soit dans une large effusion
d’unanimité laissant à chacun
le droit de s’écrier qu’il n’a pas été
battu. Le nœud gordien de la ma
jorité politique n’aurait pas alors
été tranché et ce serait pour beau
coup un soulagement !
LES CHRONIQUES DE L’« ORDRE»
ILIE SSIEIPS ET ]PANAMIA
par Alexandre ZEVAES
On a annoncé, ces jours-ci, l'arrestation d’un M.
Paul de Lesseps, descendant du « Grand Français ».
Paul de Lesseps raconte que, dans un règlement
de comptes relatif aux fameux terrains d'Alexan-
drette, il aurait été frustré de plusieurs millions, voire
de quatre à cinq milliards, soit par le gouvernement
turc soit par l’Etat français. Et après tout ce n’est
pas impossible.
Mais ce qui paraîtrait, non seulement possible,
mais établi contre le nouveau pensionnaire de Fresnes,
c’est que, durant l’occupation, il se serait livré à
des négociations fâcheuses, mais intéressées, avec les
Allemands. Et c’est ce qui lui vaudrait sa présente
incarcération.
Bon chien chasse de race — et la mésaventure
du Lesseps de 1947 nous remet en mémoire le Fer
dinand de Lesseps qu’évoqua notre ami Pierre
Lœwel dans un livre sur le Canal de Panama et
auquel j’ai moi-même consacré un volume, le Scan
dale du Panama.
On l’avait appelé le Grand Français. Il eût mieux
valu dire : le grand escroc. Avec la perspective de
ses Mille et Une Nuits, avec ce placement califor
nien que le raccardeur d'océans fit, aux yeux des
goujons naïfs, miroiter dans les eaux de l’épargne,
ah ! ce qu’il soutira d’économies petites-bourgeoises,
paysannes et même ouvrières ! Le perceur d’isthmes
fut par-dessus tout un perceur de bas de laine, un
remueur d’argent, contribuant par. le dépouillement
de centaines de milliers de familles à la concentration
financière.
Le « Grand Français » et sa compagnie empochè
rent exactement 1.434.552.281 francs. Que devint
ce milliard et demi arraché à l’épargne française par
la propagande, par la réclame, il faut dire le mot
par le charlatanisme grossier de la compagnie de Pa
nama, avec la complicité du gouvernement, du Par
lement et de la presse ?
C’est à peine si la moitié — 683.132.709 francs
— fut affectée aux réels travaux de construction
du canal. La plus large part fut dilapidée en dé
penses dites administratives, rétribution des membres
du conseil d’administration, frais de représentation
de Ferdinand de Lesseps, hôtel de la compagnie et
mobilier, pots-de-vin à divers parlementaires, rémuné
ration de la publicité journalistique, etc.
Et un beau jour la compagnie dut suspendre les
travaux, déposer son bilan — cependant que le tri
bunal civil de la Seine prononçait la dissolution de
la société et nommait un liquidateur (4 février 1 889).
Détroussés, les actionnaires et obligataires se liguèrent
et, le 28 mars 1 889, déposèrent une plainte entre les
mains du procureur général, le trop connu Quesnay
de Beaurepaire — celui que, par abréviation, Roche-
fort appelait Q. de Beaurepaire. De nouvelles plain
tes s’ajoutèrent ultérieurement à celle-ci. Mais Ques-
hàÿ fit là sourde oreille. Lès victimes s’adressèrent
alors à la Chambre des députés. Et le ministre de
la Justice de l’époque, Fallières, dut donner des or
dres de poursuites à son procureur général.
Mais Quesnay, ne voulant pas contrarier certains
de ses amis qui risquaient d’être pris la main dans le
sac, affecta de réfléchir, musa, gagna le plus de temps
possible. Déjà, dès le mois de janvier 1889, le pro
cureur de la République Banaston avait émis l’opi
nion qu’une information judiciaire s’imposait. Or, à
quelle date Q. de Beaurepaire l‘ordonne-t-il ? Deux
ans après cet avis et un an après l’intervention de la
Chambre — soit le 1 1 juin 1 891. Une instruction
sommaire est confiée au conseiller Prinet, et dix-huit
mois plus tard, le 10 janvier 1893, comparaissent de-
— la Cour les administrateurs du Panama. Il y a
là, assis sur le banc des prévenus, Ferdinand de Les-
seps et son fils Charles, Eiffel, Fontanes et le baron
Cottu. La qualité de grand officier de la Légion
d’honneur de Ferdinand de Lesseps soustrait ces pré
venus de haut'vol à la banalité d’une chambre correc-
vant
tionnelle ordinaire, bonne tout au plus pour les petits
voleurs à la tire et les escrocs dénués d’allure, et en
traîne pour tous la compétence de la première chambre
de la Cour d’appel siégeant correctionnellement.
,C‘est Waldeck-Rousseau qui plaide pour Eiffel
et l’on se rappelle sa péroraison :
Parmi tous ces prévenus, il en était deux qu on
connaissait au-dessus de tous les autres : Ferdinand
de Lesseps et Eiffel ; ils sont aujourd’hui devant vous
en police correctionnelle !... Mais l’histoire à laquelle
ils appartiennent déjà enregistrera votre décision
comme un acte de réparation et de justice ; elle gar
dera, j'en suis assuré, ses sévérités inexorables pour
ceux qui n’ont pas pu leur pardonner d’avoir fait à
la grande humiliée de 1871 l’aumône d'un peu de
gloire.
La France maintenue dans sa position de vaincue,
transformée en mendiante et recevant dans son escar
celle l’obole de gloire que veulent bien lui distribuer
deux flibustiers d’envergure : voilà à quelle image
audacieuse recourt, quand il se drape dans sa robe
d’avocat, le juriste et le républicain qu’est Waldeck-
Rousseau. L’excuse, si, c’en est une, d’une pareille
péroraison, c’est qu’il s’agit de justifier un honoraire
de 1 00.000 francs et d’en donner au client pour son
argent.
Le 9 février, la Cour rend son arrêt et, retenant
les préventions d’escroquerie et d’abus de confiance,
condamne Ferdinand et Charles de Lesseps chacun
à cinq ans d’emprisonnement, Eiffel, Henri Cottu et
Marius Fontanes chacun à deux ans de la même
peine.
Mais ne nous hâtons pas trop de nous apitoyer
sur le sort des illustres condamnés.
Ils se pourvoient, contre l'arrêt qui les frappe,
devant la Cour de cassation, et celle-ci, le 15 juin
B
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 89.14%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 89.14%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bd6t5117805q/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bd6t5117805q/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bd6t5117805q/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bd6t5117805q/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bd6t5117805q
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bd6t5117805q
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bd6t5117805q/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest