Titre : L'Ordre
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1947-01-05
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32829724j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 05 janvier 1947 05 janvier 1947
Description : 1947/01/05 (A19,N608)-1947/01/06. 1947/01/05 (A19,N608)-1947/01/06.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t51178063
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-1857
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/11/2021
19- Année - Nouvelle Série - No 608
Pour et contre
la
par André STIBIO
"reconduction”
Nous voici tous amenés, par la force même d’un acte gou
vernemental hardi, s’attaquant enfin aux réalités au lieu de se
perdre dans la logomachie partisane, à nous demander si la
reconduction pure et simple de l’équipe actuelle ne sera pas
dans quelques jours une nécessité. Nous sortons de longs mois
consacrés à des débats épuisants et stériles sur les mérites et les
défauts du tripartisme. Dans la coalition chacun tirait sur l’autre,
mais c'est, le pays qui faisait les fruits de cette lutte souterraine.
Comme l’écrivait hier Francisque Gay, dont la signature reparaît
à la première page de Z’Aube, comme nous l’avions dit nous-
mêmes il y a peu, le pays fait spontanément la comparaison
eutxe- une équipe cohérente et les équipes discordantes. Cette
comparaison est nettement à l’avantage du premier des deux
systèmes, et, l’opinion supporterait d’autant plus mal d’être ra
menée, après la crise gouvernementale, aux inconvénients du
second qu’il a apprécié les avantages de l’union sans fissure de
quelques ministres disciplinés derrière un chef respecté.
A cet égard, l’expérience Blum n’aura pas seulement déter
miné un-choc économique, elle aura dispersé un grand nombre
de fantômes politiques qui troublaient nos nuits et nos jours.
Nous étions enfermés dans des contradictions en apparence irré
ductibles. Léon Blum a eu la possibilité de n’en tenir aucun
compte. Il est arrivé au moment où les adversaires, à bout d’ar
guments et d’exclusives, s’étaient mis d’eux-mêmes hors jeu.
Quand, dans le Populaire, Léon Blum, il y a quelques mois, avait
lancé l’idée d’un gouvernement homogène qui, sur un programme
défini, bénéficierait du soutien des autres partis, il avait l’air
d’avancer un paradoxe. Nous le lui avons dit à l’époque. Cepen
dant ce paradoxe est devenu une réalité, une réalité que d’aucuns
considèrent d’un œil de plus en plus favorable et dont on se de
mande, ici ou là, s’il ne conviendrait pas de la prolonger.
Mais la chose est-elle possible ? Dans quel cas a-t-elle des
chances de l’être ? Il faut compter, naturellement, avec la volonté
et les intentions de Léon Blum, volonté, intentions sur lesquelles
il s’est exprimé assez nettement pour laisser peu de place au
repentir. Il donnera, constitutionnellement, sa démission. S’il
se voit prié, par le nouveau président de la République, de for
mer le prochain gouvernement, et s’il accepte, malgré ses fati
gues, ce ne peut être que pour reprendre l’offre d’un ministère
de large union dont les membres s’engageraient, bien entendu,
à soutenir la politique des prix instaurée par l’équipe actuelle.
Notons que les problèmes économiques, qui absorbent en ce
moment notre attention, ne sont pas les seuls, qu’il y a l’Indo
chine, l’Allemagne, l’ensemble de notre politique extérieure,
questions graves qui requièrent, en principe, pour être résolues
valablement, une formule gouvernementale moins étroite que
celle-ci.
Cependant ce ministère d’union — ou de concentration —
est-il souhaité aussi vivement qu’il y a un mois ? Pas de doute
en ce qui concerne les communistes. Depuis que nous avons lu
l’article de Francisque Gay, nous en sommes moins sûr pour
ce qui concerne le Mouvement Républicain Populaire. Toute
une partie du M.R.P. éprouve sans doute plus que de l’hésitation
d recommencer avec les communistes le combat au pouvoir des
derniers mois. L’essentiel pour lui est qu’ils ne soient pas dans
la place. Or le ministère homogène les en tient éloignés. Par
ailleurs, le Mouvement Républicain Populaire se dit que l’opi
nion serait sévère aux partis d’un ministère de coalition et
d’abord à lui-même si, par ses divisions, il faisait échouer l’ex
périence Blum, dont le démarrage soulève évidemment dans le
pays bien des espérances.
De sorte que du côté M.R.P. on est tenté de recommander
la « reconduction », de laisser les socialistes se débattre avec
les communistes qui, on le sait, ne veulent d’elle à aucun prix.
Pour faire la « concentration démocratique », désirée des com
munistes, il faut être plusieurs. Si le M.R.P. se récuse, si vers la
droite, appréciant avant tout l’isolement dans lequel les commu
nistes sont aujourd’hui tenus, on est enclin, bien des signes le
montrent, à imiter cette attitude, le ministère homogène « recon
duit » apparaîtra à beaucoup comme la solution la plus satis
faisante.
Tout dépendra alors de ce que fera Léon Blum, mis ainsi,
malgré lui, en opposition avec le parti communiste. Ce que nous
savons de lui nous aulorise à penser qu’il était seul à bien sentir
sa force quand tout le monde croyait à la faiblesse de son entre
prise, mais qu’il est seul à en sentir les faiblesses dans l’instant
où tout le monde, au contraire, salue sa force. Certaines façons
de souhaiter la reconduction de son ministère doivent lui laisser
peu d’illusion sur le désir qu’on nobrrit soit de voir les commu
nistes lui susciter bientôt des embarras sérieux, soit de le voir
procéder lui-même à l’éviction des communistes^
Léon Blum a, jusqu’à présent — et ce fut là sa puissance —
situé son action sur un plan autre que le plan politique, le plan
du salut national. La reconduction ne peut être envisagée qu’à
défaut de toute autre solution, pour assurer au pays les bénéfices
de l’œuvre entreprise et aux nouvelles institutions un départ
sans secousses, pour faire surtout la preuve que la démocratie
est viable. Mais il y faut l’accord de tous — sans exception —
et il est nécessaire, avant de recourir à la reconduction, que cet
accord soit recherché (sans retomber dans les subtilités casuis
tiques interminables d’il y a un mois} pour la participation
gouvernementale des grandes formations politiques.
eGouvernement
ou l’Elysée !
LE M.R.P. EN DISCUTERA
LE 8 JANVIER
Les communistes propose
raient le scrutin public
pour l’élection du Prési
dent de la République
La trêve des confiseurs se pro
longe. Les « milieux bien infor
més » eux-mêmes ignorent tout ac
tuellement des « milieux parlemen
taires ». Qu’on se rassure. Cet état
de choses ne se prolongera pas au-
delà des quelques jours de digestion
traditionnels.
M. Maurice Schumann paraît être
un des rares hommes politiques a
qui les fêtes du Nouvel An n’aient
pas fait perdre le fil de leurs idées.
Il est le seul en tout cas à avoir
songé, en ces journées de liesse, à
la distraction du public. Ame am-
bitieuse et vaste cerveau, il a fait
annoncer son intention de se ren
dre aux Etats-Unis où le requiert
l’examen des « affaires mondiales ».
Pas moins... Et comme les affaires,
même « mondiales » sont néan
moins les affaires, il emmènera
dans ses bagages quelques créations
de notre Haute couture que Mme
Schumann en personne aura la
charge délicate de présenter aux
belles dames d’outre-Atlantique.
lues « pin-up girls » de la rue de
la Paix n’en sont pas encore re
venues.
Souhaitons patriotiquement que
cette extraordinaire équipée se ter
mine aux mieux des intérêts de la
planète et de l’élégance parisienne.
Pendant que M. Maurice Schu
mann portera haut et ferme le pa
villon français sur les rives» de
l’Hudson, le M.R.P. tiendra, le 8
janvier, une importante réunion. Il
s’agira pour lui de fixer son attitude
à l’égard du problème des présiden
ces. Bien que les républicains popu
laires paraissent, dans leur ensem
ble, décidés à soutenir la thèse de
la reconduction du gouvernement
Blum, certains d’entre eux cares
sent l’espoir de remettre M. Georges
Bidault en selle. C’est d’ailleurs sur
ce point que la vieille querelle Bi
dault-Robert Schuman rebondit,
les nombreux supporters de l’ancien
René SAIVE.
(Lire la suite en troisième page)
4 francs
Dimanche 5 et lundi 6 Janvier 1947
L’ORDRE
Directeur politique : Émile BUBÉ
Rédaction, Administration t 31, Rue Tronchet eg Publicité % Régie-Presse, 65, Champs-Elysées
Anjou : 86-40 -= 4 lignes
Après 21 heures : TRUdaine 65-96
M. MARIUS MOUTET DÉCLARE
REUSSIR
“Avant toute négociation ce qui peutêtre
il faut une décision militaire”
IL IMPORTE, AVANT TOUT, DE NOUS DEBARRASSER D’HO CHI MINH ?
On lira plus loin les déclarations
que M. Marins Moutet, avant de
quitter Hanoï, a faites à un rédac
teur de l’A.F.P. Elles ont le double
mérite d’être à la fois claires et fer
mes. et l’on regrette seulement
qu’elles viennent a l’heure précise
où le ministre de la France d’outre-
mer a essuyé le feu de francs-tireurs
viet - namiens. N’en déplaise aux
« francs-tireurs » de Paris, ce ton eût
été plus efficace s’il avait été adopté
plus tôt.
Nous ne sommes pas de ceux qui
souhaitent que la France se lance
dans une guerre coloniale — ou « co
lonialiste », pour employer le jargon
à la mode. Nous pensons seulement,
avec M. Marius Moutet — que per-
sonne n’accusera d’être un boute
feu — qu'il est impossible de négo
cier aussi longtemps que nous n’au
rons pas desserré par la force l’étrein-
te qui avait pour but de nous étouf
fer.
Ce n’est pas là une position de
prestige : c’est une position de bon
sens, un réflexe dicté par l’instinct
de conservation. Quand l’étreinte
sera desserrée, quand le Viêt-Nam
aura compris qu’il s’attaque à plus
fort que lui et qu’il risque de lui en
cuire, il deviendra possible — mais
alors seulement — d’envisager l'ou
verture de pourparlers. Non pas en
vainqueurs, si l’on veut, pour écar
ter ce que le mot peut avoir d’humi
liant pour l’adversaire, mais, en tout
cas, pas en vaincus, pas en gens que
leur faiblesse contraint à composer.
Causer dès maintenant avec le Viêt-
Nam, comme le souhaitent certains,
ce serait avouer notre impuissance
et perdre la face, c’est-à-dire perdre
l’Indochine.
Il reste à savoir, l’heure venue,
avec qui nous causerons. M. Marius
Moutet n’a encore fourni aucune
précision à cet égard. Il a seulement
dit qu’il n’avait pris aucun contact
avec le Viêt-Nam. Mais ensuite ? Le
jour où le Viêt-Nam demandera la
suspension des hostilités qu’il a ou
vertes et se montrera prêt à fournir
des gages, quels seront ceux de ses
représentants que nous considérerons
comme qualifiés ?
Si c’est encore M. Ho Chi MInh
qui est admis à traiter au nom de
son pays, on pourra dire que ce
n’était pas la peine de nous battre.
Car, enfin, de deux choses lune : ou
bien M. Ho Chi MInh ne représente
rien, et, dans Ce cas, il serait aussi
vain demain qu’il rétait hier de si
gner un accord avec lui ; ou bien il
représente quelque chose, ' et alors,
étant responsable de la prémédita
tion et du guet-apens, il est Inad
missible qu’on fasse encore fonds sur
lui.
Pour l’instant, d’ailleurs, nous
n’en sommes pas là. La parole est au
canon, et elle doit lui rester aussi
longtemps que ce sera nécessaire.
Mais il serait bon que, des mainte
nant, M. Ho Chi MInh sût que, quel
les que puissent être ses paroles de
paix derrière chacune desquelles se
dissimule un acte de guerre, il est
disqualifié aux yeux de la France.
Claude VIVIER ES.
e en troisième page :
LES DECLARATIONS
DE M. MOUTET
ET LES INFORMATIONS
D’INDOCHINE
Les guuuUô enquêtes de ^«C^cbte»
Destin des transports
aériens français
par Robert DAISEY et René POLLIER
L’AGE DE L’AIR
Dans un ciel vert d'espérance
passe un avion. Bien peu de chose,
en vérité, chose bien commune de
plus : un avion, mais il en vole
tout le temps. Quelle importance ?
Personne n’y attache, en effet,
d’importance. Un avion est un
avion et, pourtant, n'est-ce pas
un symbole ? Le symbole de la
masse qui se déplace à l’intérieur
d’un volume, le symbole de la vic
toire de l’homme sur la quatrième
dimension ! Le train ou l’automo-
bile roulent sur rails ou sur route.
Le navire navigue sur l’eau. L’avion,
libre, vole dans les airs, n’ayant à
vaincre que les lois de la pesan
teur. C’est le grand triomphe du
vingtième siècle. Nous sommes en
trés dans l’âge de l’air et combien
peu s’en rendent compte !
Age de l’air, aviation, transports
aériens, tout découle de cette don-
née de la pénétration dans la qua
trième dimension. Le progrès mar
che à une vitesse folle, à une vi-
tesse de progression géométrique.
, Les guerres, hélas ! n’ont pas man
qué d’y ajouter leur grain et, en
ce début de l’année 1947, il n’est
pas vain de se demander où nous
, allons.
Nous allons réellement vers’ un
développement accentué des trans
ports aériens en raison même de
ce simple fait : en toute chose, la
vitesse triomphe.
L’avion, dernier venu des moyens
de transport, n’en a pas moins
déjà bouleversé la face du globe.
En dehors de son rôle militaire,
qui ne nous intéresse pas, qui au
rait pensé, il y a cinquante ans,
que Paris et New-York seraient un
jour à douze heures de vol, sinon
moins, avec le « Republic Rain-
bow », que, de Paris à Londres, un
avion à réaction mettrait 23 mi
nutes, que Saigon serait à moins
de trente heures de la capitale
française, etc. ?...
Et nous ne sommes, croyons-le
bien, qu’au début de cet âge de
l’air !
Ces quelques indications de durée
de vol entre diverses capitales ne
donnent qu’une idée bien faible du
rôle que le transport aérien est ap
pelé à jouer.
On a trop l’habitude, de ne con
sidérer qu’un à-côté du problème
et non le problème dans son entier.
L’avion est d’abord un moyen
de transport rapide. Aussi en.
traîne-t-il tous ceux pour qui le
gain de temps est un gain d’ar
gent. Il est donc normal qu’il ac
capare progressivement une grande
partie des transports de voyageurs.
Cependant, l’avion, mieux que tout
autre moyen, est susceptible de vé
hiculer les lettres et tout le fret
postal. Ainsi, des essais sont en
trepris dans la banlieue de Los
Angelès, à l’aide d’hélicoptères,
pour la desserte de bureaux de
poste éloignés du centre de la cité
(on sait que Los Angelès est une
des villes les plus étendues du
monde, de la superficie d’un demi-
département français, ce qui ex
plique les facilités offertes/ à une
telle ligne). Mais l’avion peut éga
lement transporter le fret tout
court. On sait les efforts déployés
par les compagnies privées dans ce
domaine et ceux des constructeurs
pour les satisfaire. Et les visiteurs
du Salon de l’Aviation ont pu voir
l’énorme avion de la Société natio
nale du Centre, ainsi que la ma
quette du Bréguet-761, appareil à
utilisations et à performances meil_
leures.
(Lire la suite en troisième page)
M. JULES MOCH
A LONDRES
M. Jules Moch, ministre des Trans
ports et de la Reconstruction, se
trouve en ce moment à Londres où
il s'est entretenu avec diverses per
sonnalités politiques. Ainsi, il a ren
du une visite à M. Clément Attlee,
président du Conseil, puis a conver
sé avec lord Nahan, ministre britan
nique de l’Aviation civile.
Par ailleurs, la visite de M. Moch
a déjà permis la liquidation d’un
malentendu au sujet de la Sarre.
Les millieux officiels britanniques
ont, en effet, profité de cette occa
sion pour insister sur le fait que,
contrairement à certains bruits qui
ont couru, le gouvernement anglais
n’a fait aucun commentaire sur la
décision française.
Cette décision, précise-t-on, n’a
surpris personne à Londres, où l’on
était parfaitement informé depuis
la déclaration faite à New-York par
M. Couve de Murville. L’unique réac
tion du gouvernement britannique a
été, ajoute-t-on, de demander cer
taines explications complémentaires
à titre d’information sur le fonction
nement du cordon douanier placé
par la France entre la Sarre et l’Al-
Pétain serait mourant
Des informations reçues de Ï’Ile-
d’Yeu laissent présager que Pétain
serait mourant.
Me Isorni, que l’ « Etoile » a
joint dans la soirée, reconnaît en
effet que l'état de santé de l’ex-
maréchal Pétain ne cessait de l'in
quiéter. « Dimanche dernier, nous
dit-il, je me suis longuement en
tretenu avec mon client, il souf
frait alors d’une infection des
voies respiratoires, mais de là à
le déclarer aujourd’hui à l’article
la mort, il y -a tout de même
une marge. »
Une des pages les plus sombres
de notre histoire va-t-elle définiti
vement tourner ?
L'ASSASSIN
de la rue Boulard
n’a pas tenu
ses promesses
ii
Il court toujours
y a plus de quarante-huit
heures que Lucien Bourret a tué
sa maîtresse, Ghislaine Thévenin,
la jolie fleuriste de Montparnasse,
et sa petite fille Anne-Marie. Il y
a 36 heures que la police, se fiant
aux propos entendus dans un bar
du XIII e arrondissement, attend que
l’assassin se livre. Lucien Bourret
cependant n’est pas venu se cons
tituer prisonnier.
D’ailleurs, cette intention de se
constituer prisonnier semble bien,
précaire, après les révélations fai
tes cet après-midi à l’officier de po-
lice Casanova par une jeune fem
me blonde, Madeleine Davoine, de
meurant rue de la Tombe-Issoire.
Celle-ci avait connu
Bourret
alors directeur du journal pour en-
fants, Robinson l’écureuil, par l’in-
termédiaire de journalistes. Elle le
vit pour la der hère • fois en juin
dernier, alors qu’s son journal pé
riclitait.
Avant-hier soir, vers 18 heures,
Bourret frappait à sa porte et lui
demandait de l’héberger « pour
trois ou quatre jours ». Mlle Da
voine se récusa, mais s’offrit à de
mander à une camarade de lui don
ner l’hospitalité. Pendant que s’ef
fectuait cette démarche, Bourret se
rendait à un kiosque et achetait
toutes les éditions des journaux du
soir.
Cette acquisition parut insolite
à la jeune femme qui, néanmoins,
put lui trouver le gîte demandé. Le
rendez-vous était prévu pour 22
heures, mais l’assassin ne se pré
senta pas.
(Lire la suite en deuxième page.)
LA QUOTIDIENNE
LA HAUSSE
ENRAYEE
notre dernière
chance
Le succès de l'expérience dépend surtout des paysans
et de la réduction rapide des dépenses de l’Etat
L’offensive de baisse se généra
lise, certains objectifs sont déjà at
teints, mais il s’agit de s’y mainte
nir et de s’y fortifier, tout en élar
gissant les premières têtes de pont.
Elle a soulevé une immense espé
rance dans certains milieux indus
triels où ouvriers, cadres et patrons,
habitués au planisme de leur entre
prise, étendent volontiers à tous les
secteurs les résultats locaux qu’ils
obtiennent ainsi tous les jours. Les
commerçants se montrent plus
sceptiques, comme il était à prévoir,
mais ils n’en déploient pas moins
une bonne volonté quasi générale.
Reste cette masse de producteurs
dispersés dont le contrôle est quasi
impossible : les paysans. J’étais
parmi ceux de mon pays quand la
radio a transmis la nouvelle. Peu
de commentaires d’abord, puis, les
jours suivants, les langues se sont
un peu déliées. « C’est la bonne
voie, -murmuraient-elles, mais réus
siront-ils avec tous leurs règle
ments et toutes leurs paperasses ? »/
« ils et leurs » étant ces entités
lointaines, parisiennes et vaguement
démoniaques parmi lesquelles mes
compatriotes désignent les responsa
bles du jour. « Et puis, ajoutait-on,
l’Etat devrait bien d’abord donner
l’exemple », car dans ces milieux
directement aux prises avec la na
ture, le bon sens ne perd jamais ses
droits. L’état d’esprit n’y est .donc
pas a priori défavorable, mais on
attendra avant de se décider. Le phé
nomène d’inertie y 'jouera d’autant
plus puissamment que non seule
ment on a déjà pris des habitu-
des mais aussi qu’on y considère
souvent la situation, dans son en
semble, et avec un certain recul.
C'est, en effet, sous cet angle que
les possibilités de réussite doivent
être considérées. De « choc psycho
logique » n’a pas joué à plein puis
que, nous venons de le voir, nous
Sommes encore loin du climat géné
ral de confiance, mais cependant
« l’état d’alerte » a été créé. C’est
déjà beaucoup.
Au point de vue économique, le
moment est d’ailleurs favorable bien
que la simultanéité des augmenta
tions de taxe et de la diminution
ait créé, temporairement, quelque
confusion dans les esprits. L’accélé
ration de la hausse, due pour une
large part à la Conférence écono
mique, s’est atténuée jusqu’à deve
nir nulle en novembre-décembre.
Depuis juillet la production s’est
notablement accrue sans cependant
être toujours nettement ressentie
par le consommateur en raison
d’une certaine rétention perceptible
aux divers échelons de la produc
tion des produits finis et de la dis
tribution. L’augmentation des prix,
en diminuant le pouvoir d’achat de
larges catégories de consommateurs,
a détendu la pression de la demande
sur de nombreux produits, les dé
penses de fin d’année ont aussi ai
dé à ce résultat. Enfin, sur le plan
international et plus particulière
ment aux Etats-Unis, la hausse pa
raît avoir atteint son point culmi
nant, ainsi que nous l’avons déjà
H. BUFFANDEAU.
(Lire la suite en troisième page.)
DES PARTISANS DE HORTHY
voulaient reprendre le pouvoir en Hongrie
Les chefs du mouvement sont sous les verrous
I Budapest, 4 janvier. — On an
nonce officiellement qu’une cons
piration contre-révolutionnaire a
été découverte en Hongrie.
Les conjurés avaient l’intention
de prendre le pouvoir dès le
part des troupes
viétiques.
Cinquante-cinq
d'occupation
arrestations
dé-
so-
J’ai trop souvent ici dénoncé la
èriminelle malfaisance du fm’en
fichisme financier qui ne savait que
recourir à l’impôt sans tenter de
briser le cycle de la hausse pour
ne pas accueillir avec joie l’ini
tiative du gouvernement, même
quand son effet le plus direct est
de préconiser un abattement de
5 pour 100... sur une augmentation
de 30 pour 100 édictée la veille
Dans ce genre la Ville de Paris fait
mieux qui, le jour même, élevait de
35 pour . 100 la taxe locale sur les
transactions. « Donner et retenir
se vaut » est un vieux dicton qui
n’a pas perdu son efficacité.
L’offensive contre la vie chère
ne pourra malheureusement réussir
que dans la mesure très difficile à
observer où elle ne se traduira pas
par un impôt supplémentaire sW
tous ceux dont on restreindra les
bénéfices après avoir considérable
ment accru les charges. Un directeur
de théâtre, qui ne saurait diminuer
ni les cachets de ses artistes, ni les
salaires de ses machinistes et qui
vient de subir une augmentation
massive de frais d’électricité, de
chauffage et d’imposition diverses
aura quelque raison de penser qu’en
lui demandant de répondre à ces
cadeaux par une diminution du prix
des places on condamne à se rom
pre l'équilibre déjà très instable
des entreprises théâtrales.
Je cite cet exemple entre cent.
Quand on va au fond des choses on
est bien obligé de convenir que le
problème de la vie chère et celui
de la monnaie sont devenus quasi
insolubles par suite de l’état dans
lequel nous avons vécu et qui a été
celui de l’anarchie accolé à la
contrainte. Le malheur des temps
veut que, par une politique absurde,
notamment en matière de ravitail
lement, la taxation n’ait eu d’autre
résultat que de faire fuir la matière
taxable alors qu’aujourd’hui seule
la taxation pouvait figer les prix au
départ et assurer la surveillance de
la baisse.
Ainsi l’Etat risque de ne plus
pouvoir assurer l’abaissement des
prix sur un marché qu’il ne contrôle
plus pour avoir voulu le contrôler
avec excès.
Ayons cependant la foi et l’espé
rance. Et grâces soient rendues à
un gouvernement qui permet de dis
tinguer l’optimiste du pessimiste
Le pessimiste, c’est le voyageur du
métro qui, prenant son billet, se
dit : « Je le' paie un franc de plus
qu’hier ! » et l’optimiste celui qui
se dit : y Grâce à Blum je viens 1
d’économiser vingt sous ! >
Pierre LŒWEL.
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Quand le général
von Stulpnagel
complotait - un peu tard -
contre Hitler
LE 20 JUILLET 1944 A PARIS
par L. LEONTIN
Le général Heinrich von Stulp-
nagel, commandant supérieur des
troupes d’occupation en France en
1944, et cousin du général du mê
me nom qui vient d’être transféré
à Paris, a tenté de se suicider
après l’échec du complot du 20 juil
let 1944 dont il était l’un des chefs.
C’est une page peu connue de l’his
toire de la guerre et les Parisiens
qui ont vu le 20 juillet 1944 des
camions transportant des soldats
ignoraient qu’il ne s’agissait pas de
renforts pour la Normandie, mais
d'un complot bien tardif
tramait contre Hitler.
Homme non dénué d’un
sens politique et ayant une
supérieure à celle d’un
qui se
certain
culture
officier
ces, dont les principaux étaient le
colonel von Linsdow, chef d’état-
major de von Stulpnagel, le baron
von Falkenhausen, neveu du géné
ral, le docteur Michel, adjoint ci
vil au chef de l’administration mi
litaire, et Bagratzky, conseiller ju
ridique, actuellement chef de la
police allemande à Baden-Baden.
En octobre 1943, le maréchal
Rommel, le chef militaire le plus
populaire du III e Reich, est devenu
le chef supérieur de von Runstedt.
Les premières opérations d’appro-
che auprès de lui ont été faites par
son chef d’état-major, le général
Speidel, dont le beau-père, le con
seiller du gouvernement Horst, à
Paris, était affilié au groupe de
complices.
Ce n’est qu’après le débarque
ment des alliés en Normandie et
une explication violente avec Hitler
que sont tombées les dernières illu
sions de Rommel. Non seulement
il s’est déclaré partisan d’une ac
tion immédiate, mais il avait pro
posé au capitaine von Teuchert de
rédiger une lettre pour le G.Q.G.
allié. Il aurait même accepté une
capitulation de l’armée sous ré
serve d’un traitement honorable.
Dans l’entre-temps, il y a eu
deux 'événements : von Runstedt
a été remplacé par von Kluge,
cette fois-ci paraissant, enfin, ac
cepter l’idée d’un complot, et, le
17 juillet, Rommel a été grièvement
blessé par une balle tirée d’un
avion volant à basse altitude. Le
19 juillet, tout était prêt à Paris,
même le texte d’un appel à la po
pulation française, détruit le len
demain, après l’échec.
prussien, Heinrich von Stulpnagel
aurait déjà été en relations avec
les milieux de l’opposition contre
le régime, groupés autour de Goer-
deler, ancien maire de Leipzig, et
le général - colonel Beck, chef
d’état-major général, démission
naire après la capitulation de Mu-
nich. Toutefois, il ne s’est pas com
promis et passait pour un général
fidèle au régime. Les bonnes rela
tions apparentes avec le général
S.S. Oberg, le bourreau de Paris,
son ancien camarade de régiment
en 1912, facilitaient sa tâche de
commandant supérieur en France,
bien qu’en réalité ce dernier ait été
chargé de le surveiller.
En mai 1943, le comte von der
Schulenbourg, préfet et membre de
la commission de peignage des ad
ministrations militaires allemandes,
est venu en mission à Paris. Il était
parent de l’ancien ambassadeur du
Reich à Moscou, opposé à une
guerre contre l’U.R.S.S., et qui, en
1942, après la défaite de Stalin
grad, avait tenté en vain de con
vertir à l’idée du complot le maré
chal vo'i Kluge, auquel il a même
offert de franchir les lignes, et
d'offrir la paix au gouvernement
du Kremlin. Appartenant au grou
pe du général Beck, von den Schu
lenbourg est entré en relations
avec le lieutenant-colonel von
Hofakèr, de l’état-major de Stulp
nagel et oncle du colonel von Stau-
fenberg, qui a déposé une bombe
au G.Q.G. le 20 juillet 1944, ainsi
qu’avec le capitaine von Teuchert.
C’est dans l'appartement de von
Stulpnagel, avenue Malakoff, que
les pourparlers sur sa participation
éventuelle à un complot contre
Hitler ont ea lieu. Le plus grand
obstacle était l’attitude énigmati
que du maréchal von Runstedt,
commandant en chef du front
Ouest, et de son chef d’état-major,
le général Zeitzler. Par contre, le
général von Falkenhausen, com
mandant en chef en Belgique’ et
dans le Nord de la France, était
déjà acquis au complot, mais il a
été arrêté fin 1943, peu après l’ar
restation de l’amiral Canaris, chef
du S.R. de Berlin. Libéré par les
Britanniques du camp de concen
tration de Rawensbrück, il est ac
tuellement prisonnier en Angle
terre.
En hiver 1943, un plan d'opéra-
tions de police contre les S.S. a
été élaboré à Paris par les compli-
Le grand jour est
20 juillet. A 16 heures,
Hofacker a informé par
arrivé le
le colonel
téléphone
le capitaine Teuchert de la mort
de Hitler, Himmler et Goering, et
de l’action déclenchée à Berlin. A
18 heures, un démenti a été trans
mis par téléphone, mais Stulpnagel
a, néanmoins, donné des ordres
d’arrestation des S.S. Un quart
d’heure après, von Kluge a appelé
d’urgence von Stulpnagel à son
Q.G. A 21 heures 30, le colonel
Linsdow, malade, a appris officiel
lement l’échec du complot au G.
Q.G. de Hitler.
Or, dans l’entre-temps, le 14 e ré
giment de sécurité a entouré le
siège des S.S., avenue Foch et bou
levard Lannes. Le général Oberg a
été arrêté par le général Briner,
sans offrir de résistance, au mo
ment même où il téléphonait à
Abetz. Les 'chefs des S.S. ont été
transportés à l’Hôtel Continental.
A une centaine de kilomètres de
Paris a eu lieu, à la même heure,
une explication mouvementée entre
von Kluge, qui a déclaré que son
adhésion au complot était subor
donnée à la mort de Hitler, et von
Stulpnagel et le colonel Hofacker
qui n’a pas mâché ses paroles.
Le désarroi était tel que ni von
Kluge ni von Oberg n’ont pris des
mesures de représailles. Mandé chez
(Lire la suite en troisième page)
qui devait suivre, les conjurés de
vaient se réfugier à l’étranger et
former un Gouvernement dissi
dent. Leur slogan était : « Depuis
l’entrée des troupes allemandes en
Hongrie, la politique du pays n’est
plus libre. Avec le départ des trou
pes soviétiques, elle doit le redeve
nir ; légalement, le régime du
19 mars 1944 est toujours en vi
gueur. »
ont
des
été opérées, dont celles de six
——— -f; du mouvement.
principaux chefs
Le septième, le général Veres, est
en fuite.
Certains des conjurés occupaient
des postes dans l’administration
.hongroise et appartenaient à des
partis politiques de droite. La plu
part d’entre eux jouèrent un rôle
important sous le régime Horthy.
Le comité directeur de cette or
ganisation clandestine tenait cha
que semaine une réunion secrète.
Son premier objectif était la dis
solution de la coalition gouverne
mentale actuelle. )
En cas d’échec du « putsch »,
Le gouvernement polonais
reprocherait à l’ambassadeur
de Grande-Bretagne (d’avoir
favorisé l’activité d’un mou-
vement clandestin.
Londres, 4 janvier. — Selon des
nouvelles de source américaine, le
gouvernement polonais reproche
rait à M. Victor Cavendish Ben-
tick, ambassadeur de Grande-Bre
tagne à Varsovie, d’avoir financé les
« activités illégales » du comte
Ksawery Grocholski, qui serait le
chef d’un mouvement clandestin.
D’après ces informations, l’am-
bassadeur de Grande-Bretagne au
rait été arrêté au domicile du comte
Ksawery Grocholski et n’aurait été
relâché qu’en raison de son immu
nité diplomatique. De son côté, le
comte Ksawery Grocholski, qui se
rait accusé d’être un agent du gé
néral Anders, aurait été appréhendé
le 17 octobre et maintenu en état
d’arrestation.
Le maréchal Milch
fait citer comme témoins
MM. Yvon Delbos
et Pierre Cot
Nuremberg, 4 janvier (A.P.). — Le
maréchal Milch, dont le procès se
déroule actuellement à Nuremberg,
a fait citer comme témoins à dé
charge deux anciens ministres fran
çais, MM. Yvon Delbos, ancien mi
nistre des Affaires étrangères, et
P.erre Cot, ancien ministre de l’Air.
Fritz Bergold, avocat de Milch, a
déclaré hier au tribunal américain
que ces deux témoins pourraient cer
tifier que l’accusé avait cherché à
établir en 1937 « une collaboration
pacifique » entre la France, la Bel
gique et l’Allemagne combattant ain
si une thèse de l’accusation qui veut
que Milch aida à la préparation
d’une guerre d’agression.
L’avocat a déclaré que son client
était entré en rapports avec des
membres du cabinec français deux
ans avant que la guerre éclate, leur
proposant un pacte de paix à long
terme « se rapprochant par beau
coup de points de la proposition ac
tuelle de M. Churchill d’une coopé-
ration entre les nations européen-
nes », •
M. VINCENT AURIOL
AU MAROC
Rabat, 4 janvier.
M. Vincent
Auriol, président de l’Assemblée na
tionale, se trouve actuellement au Ma
roc où il vient prendre quelques jours
de repos à Marrakech.
M. Vincent Auriol restera au Maroc
une semaine avant de repartir en
France pour assister à l’ouverture de
la session de l’Assemblée nationale de
1347.
L‘« ORDRE)) DANS LES IDEES
On vous interrogera sur l’Amour
par Lucien FABRE
Claude Barjac, dans une de ces chroniques où
il perce, découvre, met à jour les intentions les plus
$ crêtes des écrivains et écrit, semaine par semaine,
l’une des plus remarquables et véridiques histoires
des lettres françaises, rappelait en passant que Rabe-
Vel va avoir vingt-cinq ans. Et Léon Treich, mali
cieux, de demander aussitôt à l’auteur grisonnant
uelques souvenirs sur ce temps vieux d’un quart
e siècle où il décrocha, comme on disait alors, le
prix Concourt.
« Mon Dieu ! mon prix fut sans histoire :— ou
à peu près. Je ne l’avais pas convoité. Au lieu de
faire campagne, j’étais allé passer les mois de sep
tembre et d’octobre en Roumanie, chez des amis,
sans même que mon éditeur en fût informé de sorte
que, en désespoir de cause, il imprima, brocha, expé
dia — et que le texte fourmille d’erreurs typogra
phiques. Le retard fut tel que les exemplaires des
tinés aux jurés leur furent remis le 30 octobre, der
nier délai admis à cette époque. Le président, Gef-
froy, me raconta plus tard qu’il avait considéré ces
trois volumes d’un œil hostile et en grognant har
gneusement : « Nous nous étions mis d’accord à
notre dernière réunion sur le nom d’un de vos concur
rents après bien des discussions. Je résolus de ne pas
m’occuper de cet ouvrier de l’onzième heure. Mais,
le soir, je trouvai les bouquins sur la table de nuit.
Je ne connaissais même pas votre nom. Le sentiment
du devoir l’emporta : il faut, me dis-je, que je voie
pourtant comment il écrit, cet oiseau-là. J’ouvris l’un
des tomes qui se trouva être le second ; je tombai
en plein dans des combinaisons financières qui me
captivèrent ; au bout de trente pages, je trouvai trop
bête de ne pas reprendre au début. Et je lus d’affi-
lée tout le livre, toute la nuit et une partie de la ma;
tinée. J’en conclus que j’étais ensorcelé et j’alertai
mes confrères. A la réunion suivante, tout le monde
avait lu le livre et opinait en sa faveur. »
Si bien que je faillis n’avoir pas le prix ! Car
l’un des dix signa, le jour de l’attribution, un grand
article étalé sur quatre colonnes dans le Pelit Pari
sien sous le titre : Aujourd’hui, Lucien Fabre rece
vra le prix Concourt à l’unanimité. Ce fut un drame.
Les jurés, furieux contre l’indiscret, parlaient de
revenir au choix qu’ils avaient fait précédemment
Geffroy, Bourges et le malheureux bavard lui-même
le» conjurèrent de ne pas se déjuger. Deux furent
irréductibles dont Léon Daudet, qui emporta l’as-
sentiment de l’autre en arguant du devoir de faire
mentir l’indiscret « au moins sur un point ».
Le livre fut admirablement accueilli et je n’eus
qu’à me louer de la critique. J’avais cependant trem
blé. Car, ayant l’impression, un critique réputé
m’avait conseillé de remplacer le deuxième volume
par une simple phrase : « Il s’enrichit », prétendant
que personne ne comprendrait rien aux opérations de
Rabevel. Je répondis que, sans le récit de ces opéra
tions, personne ne comprendrait rien à Rabevel lui;
même. Valéry m’approuva. C’est lui d’ailleurs qui
m’avait engagé à écrire un roman après lecture de
mon livre sur Les Théories d’Einstein. « Du mo
ment que vous avez rendu passionnante une cathé
drale de calculs, c’est que vous pouvez faire de la
chair vivante avec n’importe quoi : prenez donc de
la chair vivante et elle vivra dans vos livres plus
encore qu’au réel : c’est le propre de l’art roma
nesque. » C’est pourquoi, dans On vous interrogera
sur l’amour, je n’ai pas non plus hésité à faire ce
que Claude Barjac nomme si heureusement l’ana
lyse de l’ineffable car, sans elle, on ne connaîtrait
pas mieux l’héroïne et ses amis qu’on, n’eût connu
Rabevel sans le récit de ses trafics. L’originalité et
l’authenticité ainsi conquises réclament peut-être plus
d’attention de la part du lecteur ; mais Barjac pré
tend que la jouissance artistique en est accrue et
ainsi il se rencontre avec Valéry.
Et avec Clemenceau. Le vieil homme, qui m’ho-
norait de son amitié, avait en effet aimé particuliè
rement le récit des aventures financières. Il aimait
aussi la violence de Rabevel- Mais il me fit un re
proche singulier.
— Comment diable Rabevel a-t-il pu recevoir
d’Angèle une paire de gifles sans riposter ?
— Il est le plus fort et il l’aime.
— Inadmissible. L’instinct est là. Oui, l’ins
tinct. Pas un coq ne se laisserait rosser par une
poule. Pas un mâle. Lisez les zoologistes.
— Je les ai lus. Il y a au moins une exception.
— Une exception ? Laquelle ?
— Les tigres, monsieur le Président.
Et c’était vrai. La, tigresse mord et griffe le
tigre pour l’empêcher d’approcher ses petits ; et le
tigre veut bien en rire. . .
Et le Tigre le voulut bien aussi.
Pour et contre
la
par André STIBIO
"reconduction”
Nous voici tous amenés, par la force même d’un acte gou
vernemental hardi, s’attaquant enfin aux réalités au lieu de se
perdre dans la logomachie partisane, à nous demander si la
reconduction pure et simple de l’équipe actuelle ne sera pas
dans quelques jours une nécessité. Nous sortons de longs mois
consacrés à des débats épuisants et stériles sur les mérites et les
défauts du tripartisme. Dans la coalition chacun tirait sur l’autre,
mais c'est, le pays qui faisait les fruits de cette lutte souterraine.
Comme l’écrivait hier Francisque Gay, dont la signature reparaît
à la première page de Z’Aube, comme nous l’avions dit nous-
mêmes il y a peu, le pays fait spontanément la comparaison
eutxe- une équipe cohérente et les équipes discordantes. Cette
comparaison est nettement à l’avantage du premier des deux
systèmes, et, l’opinion supporterait d’autant plus mal d’être ra
menée, après la crise gouvernementale, aux inconvénients du
second qu’il a apprécié les avantages de l’union sans fissure de
quelques ministres disciplinés derrière un chef respecté.
A cet égard, l’expérience Blum n’aura pas seulement déter
miné un-choc économique, elle aura dispersé un grand nombre
de fantômes politiques qui troublaient nos nuits et nos jours.
Nous étions enfermés dans des contradictions en apparence irré
ductibles. Léon Blum a eu la possibilité de n’en tenir aucun
compte. Il est arrivé au moment où les adversaires, à bout d’ar
guments et d’exclusives, s’étaient mis d’eux-mêmes hors jeu.
Quand, dans le Populaire, Léon Blum, il y a quelques mois, avait
lancé l’idée d’un gouvernement homogène qui, sur un programme
défini, bénéficierait du soutien des autres partis, il avait l’air
d’avancer un paradoxe. Nous le lui avons dit à l’époque. Cepen
dant ce paradoxe est devenu une réalité, une réalité que d’aucuns
considèrent d’un œil de plus en plus favorable et dont on se de
mande, ici ou là, s’il ne conviendrait pas de la prolonger.
Mais la chose est-elle possible ? Dans quel cas a-t-elle des
chances de l’être ? Il faut compter, naturellement, avec la volonté
et les intentions de Léon Blum, volonté, intentions sur lesquelles
il s’est exprimé assez nettement pour laisser peu de place au
repentir. Il donnera, constitutionnellement, sa démission. S’il
se voit prié, par le nouveau président de la République, de for
mer le prochain gouvernement, et s’il accepte, malgré ses fati
gues, ce ne peut être que pour reprendre l’offre d’un ministère
de large union dont les membres s’engageraient, bien entendu,
à soutenir la politique des prix instaurée par l’équipe actuelle.
Notons que les problèmes économiques, qui absorbent en ce
moment notre attention, ne sont pas les seuls, qu’il y a l’Indo
chine, l’Allemagne, l’ensemble de notre politique extérieure,
questions graves qui requièrent, en principe, pour être résolues
valablement, une formule gouvernementale moins étroite que
celle-ci.
Cependant ce ministère d’union — ou de concentration —
est-il souhaité aussi vivement qu’il y a un mois ? Pas de doute
en ce qui concerne les communistes. Depuis que nous avons lu
l’article de Francisque Gay, nous en sommes moins sûr pour
ce qui concerne le Mouvement Républicain Populaire. Toute
une partie du M.R.P. éprouve sans doute plus que de l’hésitation
d recommencer avec les communistes le combat au pouvoir des
derniers mois. L’essentiel pour lui est qu’ils ne soient pas dans
la place. Or le ministère homogène les en tient éloignés. Par
ailleurs, le Mouvement Républicain Populaire se dit que l’opi
nion serait sévère aux partis d’un ministère de coalition et
d’abord à lui-même si, par ses divisions, il faisait échouer l’ex
périence Blum, dont le démarrage soulève évidemment dans le
pays bien des espérances.
De sorte que du côté M.R.P. on est tenté de recommander
la « reconduction », de laisser les socialistes se débattre avec
les communistes qui, on le sait, ne veulent d’elle à aucun prix.
Pour faire la « concentration démocratique », désirée des com
munistes, il faut être plusieurs. Si le M.R.P. se récuse, si vers la
droite, appréciant avant tout l’isolement dans lequel les commu
nistes sont aujourd’hui tenus, on est enclin, bien des signes le
montrent, à imiter cette attitude, le ministère homogène « recon
duit » apparaîtra à beaucoup comme la solution la plus satis
faisante.
Tout dépendra alors de ce que fera Léon Blum, mis ainsi,
malgré lui, en opposition avec le parti communiste. Ce que nous
savons de lui nous aulorise à penser qu’il était seul à bien sentir
sa force quand tout le monde croyait à la faiblesse de son entre
prise, mais qu’il est seul à en sentir les faiblesses dans l’instant
où tout le monde, au contraire, salue sa force. Certaines façons
de souhaiter la reconduction de son ministère doivent lui laisser
peu d’illusion sur le désir qu’on nobrrit soit de voir les commu
nistes lui susciter bientôt des embarras sérieux, soit de le voir
procéder lui-même à l’éviction des communistes^
Léon Blum a, jusqu’à présent — et ce fut là sa puissance —
situé son action sur un plan autre que le plan politique, le plan
du salut national. La reconduction ne peut être envisagée qu’à
défaut de toute autre solution, pour assurer au pays les bénéfices
de l’œuvre entreprise et aux nouvelles institutions un départ
sans secousses, pour faire surtout la preuve que la démocratie
est viable. Mais il y faut l’accord de tous — sans exception —
et il est nécessaire, avant de recourir à la reconduction, que cet
accord soit recherché (sans retomber dans les subtilités casuis
tiques interminables d’il y a un mois} pour la participation
gouvernementale des grandes formations politiques.
eGouvernement
ou l’Elysée !
LE M.R.P. EN DISCUTERA
LE 8 JANVIER
Les communistes propose
raient le scrutin public
pour l’élection du Prési
dent de la République
La trêve des confiseurs se pro
longe. Les « milieux bien infor
més » eux-mêmes ignorent tout ac
tuellement des « milieux parlemen
taires ». Qu’on se rassure. Cet état
de choses ne se prolongera pas au-
delà des quelques jours de digestion
traditionnels.
M. Maurice Schumann paraît être
un des rares hommes politiques a
qui les fêtes du Nouvel An n’aient
pas fait perdre le fil de leurs idées.
Il est le seul en tout cas à avoir
songé, en ces journées de liesse, à
la distraction du public. Ame am-
bitieuse et vaste cerveau, il a fait
annoncer son intention de se ren
dre aux Etats-Unis où le requiert
l’examen des « affaires mondiales ».
Pas moins... Et comme les affaires,
même « mondiales » sont néan
moins les affaires, il emmènera
dans ses bagages quelques créations
de notre Haute couture que Mme
Schumann en personne aura la
charge délicate de présenter aux
belles dames d’outre-Atlantique.
lues « pin-up girls » de la rue de
la Paix n’en sont pas encore re
venues.
Souhaitons patriotiquement que
cette extraordinaire équipée se ter
mine aux mieux des intérêts de la
planète et de l’élégance parisienne.
Pendant que M. Maurice Schu
mann portera haut et ferme le pa
villon français sur les rives» de
l’Hudson, le M.R.P. tiendra, le 8
janvier, une importante réunion. Il
s’agira pour lui de fixer son attitude
à l’égard du problème des présiden
ces. Bien que les républicains popu
laires paraissent, dans leur ensem
ble, décidés à soutenir la thèse de
la reconduction du gouvernement
Blum, certains d’entre eux cares
sent l’espoir de remettre M. Georges
Bidault en selle. C’est d’ailleurs sur
ce point que la vieille querelle Bi
dault-Robert Schuman rebondit,
les nombreux supporters de l’ancien
René SAIVE.
(Lire la suite en troisième page)
4 francs
Dimanche 5 et lundi 6 Janvier 1947
L’ORDRE
Directeur politique : Émile BUBÉ
Rédaction, Administration t 31, Rue Tronchet eg Publicité % Régie-Presse, 65, Champs-Elysées
Anjou : 86-40 -= 4 lignes
Après 21 heures : TRUdaine 65-96
M. MARIUS MOUTET DÉCLARE
REUSSIR
“Avant toute négociation ce qui peutêtre
il faut une décision militaire”
IL IMPORTE, AVANT TOUT, DE NOUS DEBARRASSER D’HO CHI MINH ?
On lira plus loin les déclarations
que M. Marins Moutet, avant de
quitter Hanoï, a faites à un rédac
teur de l’A.F.P. Elles ont le double
mérite d’être à la fois claires et fer
mes. et l’on regrette seulement
qu’elles viennent a l’heure précise
où le ministre de la France d’outre-
mer a essuyé le feu de francs-tireurs
viet - namiens. N’en déplaise aux
« francs-tireurs » de Paris, ce ton eût
été plus efficace s’il avait été adopté
plus tôt.
Nous ne sommes pas de ceux qui
souhaitent que la France se lance
dans une guerre coloniale — ou « co
lonialiste », pour employer le jargon
à la mode. Nous pensons seulement,
avec M. Marius Moutet — que per-
sonne n’accusera d’être un boute
feu — qu'il est impossible de négo
cier aussi longtemps que nous n’au
rons pas desserré par la force l’étrein-
te qui avait pour but de nous étouf
fer.
Ce n’est pas là une position de
prestige : c’est une position de bon
sens, un réflexe dicté par l’instinct
de conservation. Quand l’étreinte
sera desserrée, quand le Viêt-Nam
aura compris qu’il s’attaque à plus
fort que lui et qu’il risque de lui en
cuire, il deviendra possible — mais
alors seulement — d’envisager l'ou
verture de pourparlers. Non pas en
vainqueurs, si l’on veut, pour écar
ter ce que le mot peut avoir d’humi
liant pour l’adversaire, mais, en tout
cas, pas en vaincus, pas en gens que
leur faiblesse contraint à composer.
Causer dès maintenant avec le Viêt-
Nam, comme le souhaitent certains,
ce serait avouer notre impuissance
et perdre la face, c’est-à-dire perdre
l’Indochine.
Il reste à savoir, l’heure venue,
avec qui nous causerons. M. Marius
Moutet n’a encore fourni aucune
précision à cet égard. Il a seulement
dit qu’il n’avait pris aucun contact
avec le Viêt-Nam. Mais ensuite ? Le
jour où le Viêt-Nam demandera la
suspension des hostilités qu’il a ou
vertes et se montrera prêt à fournir
des gages, quels seront ceux de ses
représentants que nous considérerons
comme qualifiés ?
Si c’est encore M. Ho Chi MInh
qui est admis à traiter au nom de
son pays, on pourra dire que ce
n’était pas la peine de nous battre.
Car, enfin, de deux choses lune : ou
bien M. Ho Chi MInh ne représente
rien, et, dans Ce cas, il serait aussi
vain demain qu’il rétait hier de si
gner un accord avec lui ; ou bien il
représente quelque chose, ' et alors,
étant responsable de la prémédita
tion et du guet-apens, il est Inad
missible qu’on fasse encore fonds sur
lui.
Pour l’instant, d’ailleurs, nous
n’en sommes pas là. La parole est au
canon, et elle doit lui rester aussi
longtemps que ce sera nécessaire.
Mais il serait bon que, des mainte
nant, M. Ho Chi MInh sût que, quel
les que puissent être ses paroles de
paix derrière chacune desquelles se
dissimule un acte de guerre, il est
disqualifié aux yeux de la France.
Claude VIVIER ES.
e en troisième page :
LES DECLARATIONS
DE M. MOUTET
ET LES INFORMATIONS
D’INDOCHINE
Les guuuUô enquêtes de ^«C^cbte»
Destin des transports
aériens français
par Robert DAISEY et René POLLIER
L’AGE DE L’AIR
Dans un ciel vert d'espérance
passe un avion. Bien peu de chose,
en vérité, chose bien commune de
plus : un avion, mais il en vole
tout le temps. Quelle importance ?
Personne n’y attache, en effet,
d’importance. Un avion est un
avion et, pourtant, n'est-ce pas
un symbole ? Le symbole de la
masse qui se déplace à l’intérieur
d’un volume, le symbole de la vic
toire de l’homme sur la quatrième
dimension ! Le train ou l’automo-
bile roulent sur rails ou sur route.
Le navire navigue sur l’eau. L’avion,
libre, vole dans les airs, n’ayant à
vaincre que les lois de la pesan
teur. C’est le grand triomphe du
vingtième siècle. Nous sommes en
trés dans l’âge de l’air et combien
peu s’en rendent compte !
Age de l’air, aviation, transports
aériens, tout découle de cette don-
née de la pénétration dans la qua
trième dimension. Le progrès mar
che à une vitesse folle, à une vi-
tesse de progression géométrique.
, Les guerres, hélas ! n’ont pas man
qué d’y ajouter leur grain et, en
ce début de l’année 1947, il n’est
pas vain de se demander où nous
, allons.
Nous allons réellement vers’ un
développement accentué des trans
ports aériens en raison même de
ce simple fait : en toute chose, la
vitesse triomphe.
L’avion, dernier venu des moyens
de transport, n’en a pas moins
déjà bouleversé la face du globe.
En dehors de son rôle militaire,
qui ne nous intéresse pas, qui au
rait pensé, il y a cinquante ans,
que Paris et New-York seraient un
jour à douze heures de vol, sinon
moins, avec le « Republic Rain-
bow », que, de Paris à Londres, un
avion à réaction mettrait 23 mi
nutes, que Saigon serait à moins
de trente heures de la capitale
française, etc. ?...
Et nous ne sommes, croyons-le
bien, qu’au début de cet âge de
l’air !
Ces quelques indications de durée
de vol entre diverses capitales ne
donnent qu’une idée bien faible du
rôle que le transport aérien est ap
pelé à jouer.
On a trop l’habitude, de ne con
sidérer qu’un à-côté du problème
et non le problème dans son entier.
L’avion est d’abord un moyen
de transport rapide. Aussi en.
traîne-t-il tous ceux pour qui le
gain de temps est un gain d’ar
gent. Il est donc normal qu’il ac
capare progressivement une grande
partie des transports de voyageurs.
Cependant, l’avion, mieux que tout
autre moyen, est susceptible de vé
hiculer les lettres et tout le fret
postal. Ainsi, des essais sont en
trepris dans la banlieue de Los
Angelès, à l’aide d’hélicoptères,
pour la desserte de bureaux de
poste éloignés du centre de la cité
(on sait que Los Angelès est une
des villes les plus étendues du
monde, de la superficie d’un demi-
département français, ce qui ex
plique les facilités offertes/ à une
telle ligne). Mais l’avion peut éga
lement transporter le fret tout
court. On sait les efforts déployés
par les compagnies privées dans ce
domaine et ceux des constructeurs
pour les satisfaire. Et les visiteurs
du Salon de l’Aviation ont pu voir
l’énorme avion de la Société natio
nale du Centre, ainsi que la ma
quette du Bréguet-761, appareil à
utilisations et à performances meil_
leures.
(Lire la suite en troisième page)
M. JULES MOCH
A LONDRES
M. Jules Moch, ministre des Trans
ports et de la Reconstruction, se
trouve en ce moment à Londres où
il s'est entretenu avec diverses per
sonnalités politiques. Ainsi, il a ren
du une visite à M. Clément Attlee,
président du Conseil, puis a conver
sé avec lord Nahan, ministre britan
nique de l’Aviation civile.
Par ailleurs, la visite de M. Moch
a déjà permis la liquidation d’un
malentendu au sujet de la Sarre.
Les millieux officiels britanniques
ont, en effet, profité de cette occa
sion pour insister sur le fait que,
contrairement à certains bruits qui
ont couru, le gouvernement anglais
n’a fait aucun commentaire sur la
décision française.
Cette décision, précise-t-on, n’a
surpris personne à Londres, où l’on
était parfaitement informé depuis
la déclaration faite à New-York par
M. Couve de Murville. L’unique réac
tion du gouvernement britannique a
été, ajoute-t-on, de demander cer
taines explications complémentaires
à titre d’information sur le fonction
nement du cordon douanier placé
par la France entre la Sarre et l’Al-
Pétain serait mourant
Des informations reçues de Ï’Ile-
d’Yeu laissent présager que Pétain
serait mourant.
Me Isorni, que l’ « Etoile » a
joint dans la soirée, reconnaît en
effet que l'état de santé de l’ex-
maréchal Pétain ne cessait de l'in
quiéter. « Dimanche dernier, nous
dit-il, je me suis longuement en
tretenu avec mon client, il souf
frait alors d’une infection des
voies respiratoires, mais de là à
le déclarer aujourd’hui à l’article
la mort, il y -a tout de même
une marge. »
Une des pages les plus sombres
de notre histoire va-t-elle définiti
vement tourner ?
L'ASSASSIN
de la rue Boulard
n’a pas tenu
ses promesses
ii
Il court toujours
y a plus de quarante-huit
heures que Lucien Bourret a tué
sa maîtresse, Ghislaine Thévenin,
la jolie fleuriste de Montparnasse,
et sa petite fille Anne-Marie. Il y
a 36 heures que la police, se fiant
aux propos entendus dans un bar
du XIII e arrondissement, attend que
l’assassin se livre. Lucien Bourret
cependant n’est pas venu se cons
tituer prisonnier.
D’ailleurs, cette intention de se
constituer prisonnier semble bien,
précaire, après les révélations fai
tes cet après-midi à l’officier de po-
lice Casanova par une jeune fem
me blonde, Madeleine Davoine, de
meurant rue de la Tombe-Issoire.
Celle-ci avait connu
Bourret
alors directeur du journal pour en-
fants, Robinson l’écureuil, par l’in-
termédiaire de journalistes. Elle le
vit pour la der hère • fois en juin
dernier, alors qu’s son journal pé
riclitait.
Avant-hier soir, vers 18 heures,
Bourret frappait à sa porte et lui
demandait de l’héberger « pour
trois ou quatre jours ». Mlle Da
voine se récusa, mais s’offrit à de
mander à une camarade de lui don
ner l’hospitalité. Pendant que s’ef
fectuait cette démarche, Bourret se
rendait à un kiosque et achetait
toutes les éditions des journaux du
soir.
Cette acquisition parut insolite
à la jeune femme qui, néanmoins,
put lui trouver le gîte demandé. Le
rendez-vous était prévu pour 22
heures, mais l’assassin ne se pré
senta pas.
(Lire la suite en deuxième page.)
LA QUOTIDIENNE
LA HAUSSE
ENRAYEE
notre dernière
chance
Le succès de l'expérience dépend surtout des paysans
et de la réduction rapide des dépenses de l’Etat
L’offensive de baisse se généra
lise, certains objectifs sont déjà at
teints, mais il s’agit de s’y mainte
nir et de s’y fortifier, tout en élar
gissant les premières têtes de pont.
Elle a soulevé une immense espé
rance dans certains milieux indus
triels où ouvriers, cadres et patrons,
habitués au planisme de leur entre
prise, étendent volontiers à tous les
secteurs les résultats locaux qu’ils
obtiennent ainsi tous les jours. Les
commerçants se montrent plus
sceptiques, comme il était à prévoir,
mais ils n’en déploient pas moins
une bonne volonté quasi générale.
Reste cette masse de producteurs
dispersés dont le contrôle est quasi
impossible : les paysans. J’étais
parmi ceux de mon pays quand la
radio a transmis la nouvelle. Peu
de commentaires d’abord, puis, les
jours suivants, les langues se sont
un peu déliées. « C’est la bonne
voie, -murmuraient-elles, mais réus
siront-ils avec tous leurs règle
ments et toutes leurs paperasses ? »/
« ils et leurs » étant ces entités
lointaines, parisiennes et vaguement
démoniaques parmi lesquelles mes
compatriotes désignent les responsa
bles du jour. « Et puis, ajoutait-on,
l’Etat devrait bien d’abord donner
l’exemple », car dans ces milieux
directement aux prises avec la na
ture, le bon sens ne perd jamais ses
droits. L’état d’esprit n’y est .donc
pas a priori défavorable, mais on
attendra avant de se décider. Le phé
nomène d’inertie y 'jouera d’autant
plus puissamment que non seule
ment on a déjà pris des habitu-
des mais aussi qu’on y considère
souvent la situation, dans son en
semble, et avec un certain recul.
C'est, en effet, sous cet angle que
les possibilités de réussite doivent
être considérées. De « choc psycho
logique » n’a pas joué à plein puis
que, nous venons de le voir, nous
Sommes encore loin du climat géné
ral de confiance, mais cependant
« l’état d’alerte » a été créé. C’est
déjà beaucoup.
Au point de vue économique, le
moment est d’ailleurs favorable bien
que la simultanéité des augmenta
tions de taxe et de la diminution
ait créé, temporairement, quelque
confusion dans les esprits. L’accélé
ration de la hausse, due pour une
large part à la Conférence écono
mique, s’est atténuée jusqu’à deve
nir nulle en novembre-décembre.
Depuis juillet la production s’est
notablement accrue sans cependant
être toujours nettement ressentie
par le consommateur en raison
d’une certaine rétention perceptible
aux divers échelons de la produc
tion des produits finis et de la dis
tribution. L’augmentation des prix,
en diminuant le pouvoir d’achat de
larges catégories de consommateurs,
a détendu la pression de la demande
sur de nombreux produits, les dé
penses de fin d’année ont aussi ai
dé à ce résultat. Enfin, sur le plan
international et plus particulière
ment aux Etats-Unis, la hausse pa
raît avoir atteint son point culmi
nant, ainsi que nous l’avons déjà
H. BUFFANDEAU.
(Lire la suite en troisième page.)
DES PARTISANS DE HORTHY
voulaient reprendre le pouvoir en Hongrie
Les chefs du mouvement sont sous les verrous
I Budapest, 4 janvier. — On an
nonce officiellement qu’une cons
piration contre-révolutionnaire a
été découverte en Hongrie.
Les conjurés avaient l’intention
de prendre le pouvoir dès le
part des troupes
viétiques.
Cinquante-cinq
d'occupation
arrestations
dé-
so-
J’ai trop souvent ici dénoncé la
èriminelle malfaisance du fm’en
fichisme financier qui ne savait que
recourir à l’impôt sans tenter de
briser le cycle de la hausse pour
ne pas accueillir avec joie l’ini
tiative du gouvernement, même
quand son effet le plus direct est
de préconiser un abattement de
5 pour 100... sur une augmentation
de 30 pour 100 édictée la veille
Dans ce genre la Ville de Paris fait
mieux qui, le jour même, élevait de
35 pour . 100 la taxe locale sur les
transactions. « Donner et retenir
se vaut » est un vieux dicton qui
n’a pas perdu son efficacité.
L’offensive contre la vie chère
ne pourra malheureusement réussir
que dans la mesure très difficile à
observer où elle ne se traduira pas
par un impôt supplémentaire sW
tous ceux dont on restreindra les
bénéfices après avoir considérable
ment accru les charges. Un directeur
de théâtre, qui ne saurait diminuer
ni les cachets de ses artistes, ni les
salaires de ses machinistes et qui
vient de subir une augmentation
massive de frais d’électricité, de
chauffage et d’imposition diverses
aura quelque raison de penser qu’en
lui demandant de répondre à ces
cadeaux par une diminution du prix
des places on condamne à se rom
pre l'équilibre déjà très instable
des entreprises théâtrales.
Je cite cet exemple entre cent.
Quand on va au fond des choses on
est bien obligé de convenir que le
problème de la vie chère et celui
de la monnaie sont devenus quasi
insolubles par suite de l’état dans
lequel nous avons vécu et qui a été
celui de l’anarchie accolé à la
contrainte. Le malheur des temps
veut que, par une politique absurde,
notamment en matière de ravitail
lement, la taxation n’ait eu d’autre
résultat que de faire fuir la matière
taxable alors qu’aujourd’hui seule
la taxation pouvait figer les prix au
départ et assurer la surveillance de
la baisse.
Ainsi l’Etat risque de ne plus
pouvoir assurer l’abaissement des
prix sur un marché qu’il ne contrôle
plus pour avoir voulu le contrôler
avec excès.
Ayons cependant la foi et l’espé
rance. Et grâces soient rendues à
un gouvernement qui permet de dis
tinguer l’optimiste du pessimiste
Le pessimiste, c’est le voyageur du
métro qui, prenant son billet, se
dit : « Je le' paie un franc de plus
qu’hier ! » et l’optimiste celui qui
se dit : y Grâce à Blum je viens 1
d’économiser vingt sous ! >
Pierre LŒWEL.
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Quand le général
von Stulpnagel
complotait - un peu tard -
contre Hitler
LE 20 JUILLET 1944 A PARIS
par L. LEONTIN
Le général Heinrich von Stulp-
nagel, commandant supérieur des
troupes d’occupation en France en
1944, et cousin du général du mê
me nom qui vient d’être transféré
à Paris, a tenté de se suicider
après l’échec du complot du 20 juil
let 1944 dont il était l’un des chefs.
C’est une page peu connue de l’his
toire de la guerre et les Parisiens
qui ont vu le 20 juillet 1944 des
camions transportant des soldats
ignoraient qu’il ne s’agissait pas de
renforts pour la Normandie, mais
d'un complot bien tardif
tramait contre Hitler.
Homme non dénué d’un
sens politique et ayant une
supérieure à celle d’un
qui se
certain
culture
officier
ces, dont les principaux étaient le
colonel von Linsdow, chef d’état-
major de von Stulpnagel, le baron
von Falkenhausen, neveu du géné
ral, le docteur Michel, adjoint ci
vil au chef de l’administration mi
litaire, et Bagratzky, conseiller ju
ridique, actuellement chef de la
police allemande à Baden-Baden.
En octobre 1943, le maréchal
Rommel, le chef militaire le plus
populaire du III e Reich, est devenu
le chef supérieur de von Runstedt.
Les premières opérations d’appro-
che auprès de lui ont été faites par
son chef d’état-major, le général
Speidel, dont le beau-père, le con
seiller du gouvernement Horst, à
Paris, était affilié au groupe de
complices.
Ce n’est qu’après le débarque
ment des alliés en Normandie et
une explication violente avec Hitler
que sont tombées les dernières illu
sions de Rommel. Non seulement
il s’est déclaré partisan d’une ac
tion immédiate, mais il avait pro
posé au capitaine von Teuchert de
rédiger une lettre pour le G.Q.G.
allié. Il aurait même accepté une
capitulation de l’armée sous ré
serve d’un traitement honorable.
Dans l’entre-temps, il y a eu
deux 'événements : von Runstedt
a été remplacé par von Kluge,
cette fois-ci paraissant, enfin, ac
cepter l’idée d’un complot, et, le
17 juillet, Rommel a été grièvement
blessé par une balle tirée d’un
avion volant à basse altitude. Le
19 juillet, tout était prêt à Paris,
même le texte d’un appel à la po
pulation française, détruit le len
demain, après l’échec.
prussien, Heinrich von Stulpnagel
aurait déjà été en relations avec
les milieux de l’opposition contre
le régime, groupés autour de Goer-
deler, ancien maire de Leipzig, et
le général - colonel Beck, chef
d’état-major général, démission
naire après la capitulation de Mu-
nich. Toutefois, il ne s’est pas com
promis et passait pour un général
fidèle au régime. Les bonnes rela
tions apparentes avec le général
S.S. Oberg, le bourreau de Paris,
son ancien camarade de régiment
en 1912, facilitaient sa tâche de
commandant supérieur en France,
bien qu’en réalité ce dernier ait été
chargé de le surveiller.
En mai 1943, le comte von der
Schulenbourg, préfet et membre de
la commission de peignage des ad
ministrations militaires allemandes,
est venu en mission à Paris. Il était
parent de l’ancien ambassadeur du
Reich à Moscou, opposé à une
guerre contre l’U.R.S.S., et qui, en
1942, après la défaite de Stalin
grad, avait tenté en vain de con
vertir à l’idée du complot le maré
chal vo'i Kluge, auquel il a même
offert de franchir les lignes, et
d'offrir la paix au gouvernement
du Kremlin. Appartenant au grou
pe du général Beck, von den Schu
lenbourg est entré en relations
avec le lieutenant-colonel von
Hofakèr, de l’état-major de Stulp
nagel et oncle du colonel von Stau-
fenberg, qui a déposé une bombe
au G.Q.G. le 20 juillet 1944, ainsi
qu’avec le capitaine von Teuchert.
C’est dans l'appartement de von
Stulpnagel, avenue Malakoff, que
les pourparlers sur sa participation
éventuelle à un complot contre
Hitler ont ea lieu. Le plus grand
obstacle était l’attitude énigmati
que du maréchal von Runstedt,
commandant en chef du front
Ouest, et de son chef d’état-major,
le général Zeitzler. Par contre, le
général von Falkenhausen, com
mandant en chef en Belgique’ et
dans le Nord de la France, était
déjà acquis au complot, mais il a
été arrêté fin 1943, peu après l’ar
restation de l’amiral Canaris, chef
du S.R. de Berlin. Libéré par les
Britanniques du camp de concen
tration de Rawensbrück, il est ac
tuellement prisonnier en Angle
terre.
En hiver 1943, un plan d'opéra-
tions de police contre les S.S. a
été élaboré à Paris par les compli-
Le grand jour est
20 juillet. A 16 heures,
Hofacker a informé par
arrivé le
le colonel
téléphone
le capitaine Teuchert de la mort
de Hitler, Himmler et Goering, et
de l’action déclenchée à Berlin. A
18 heures, un démenti a été trans
mis par téléphone, mais Stulpnagel
a, néanmoins, donné des ordres
d’arrestation des S.S. Un quart
d’heure après, von Kluge a appelé
d’urgence von Stulpnagel à son
Q.G. A 21 heures 30, le colonel
Linsdow, malade, a appris officiel
lement l’échec du complot au G.
Q.G. de Hitler.
Or, dans l’entre-temps, le 14 e ré
giment de sécurité a entouré le
siège des S.S., avenue Foch et bou
levard Lannes. Le général Oberg a
été arrêté par le général Briner,
sans offrir de résistance, au mo
ment même où il téléphonait à
Abetz. Les 'chefs des S.S. ont été
transportés à l’Hôtel Continental.
A une centaine de kilomètres de
Paris a eu lieu, à la même heure,
une explication mouvementée entre
von Kluge, qui a déclaré que son
adhésion au complot était subor
donnée à la mort de Hitler, et von
Stulpnagel et le colonel Hofacker
qui n’a pas mâché ses paroles.
Le désarroi était tel que ni von
Kluge ni von Oberg n’ont pris des
mesures de représailles. Mandé chez
(Lire la suite en troisième page)
qui devait suivre, les conjurés de
vaient se réfugier à l’étranger et
former un Gouvernement dissi
dent. Leur slogan était : « Depuis
l’entrée des troupes allemandes en
Hongrie, la politique du pays n’est
plus libre. Avec le départ des trou
pes soviétiques, elle doit le redeve
nir ; légalement, le régime du
19 mars 1944 est toujours en vi
gueur. »
ont
des
été opérées, dont celles de six
——— -f; du mouvement.
principaux chefs
Le septième, le général Veres, est
en fuite.
Certains des conjurés occupaient
des postes dans l’administration
.hongroise et appartenaient à des
partis politiques de droite. La plu
part d’entre eux jouèrent un rôle
important sous le régime Horthy.
Le comité directeur de cette or
ganisation clandestine tenait cha
que semaine une réunion secrète.
Son premier objectif était la dis
solution de la coalition gouverne
mentale actuelle. )
En cas d’échec du « putsch »,
Le gouvernement polonais
reprocherait à l’ambassadeur
de Grande-Bretagne (d’avoir
favorisé l’activité d’un mou-
vement clandestin.
Londres, 4 janvier. — Selon des
nouvelles de source américaine, le
gouvernement polonais reproche
rait à M. Victor Cavendish Ben-
tick, ambassadeur de Grande-Bre
tagne à Varsovie, d’avoir financé les
« activités illégales » du comte
Ksawery Grocholski, qui serait le
chef d’un mouvement clandestin.
D’après ces informations, l’am-
bassadeur de Grande-Bretagne au
rait été arrêté au domicile du comte
Ksawery Grocholski et n’aurait été
relâché qu’en raison de son immu
nité diplomatique. De son côté, le
comte Ksawery Grocholski, qui se
rait accusé d’être un agent du gé
néral Anders, aurait été appréhendé
le 17 octobre et maintenu en état
d’arrestation.
Le maréchal Milch
fait citer comme témoins
MM. Yvon Delbos
et Pierre Cot
Nuremberg, 4 janvier (A.P.). — Le
maréchal Milch, dont le procès se
déroule actuellement à Nuremberg,
a fait citer comme témoins à dé
charge deux anciens ministres fran
çais, MM. Yvon Delbos, ancien mi
nistre des Affaires étrangères, et
P.erre Cot, ancien ministre de l’Air.
Fritz Bergold, avocat de Milch, a
déclaré hier au tribunal américain
que ces deux témoins pourraient cer
tifier que l’accusé avait cherché à
établir en 1937 « une collaboration
pacifique » entre la France, la Bel
gique et l’Allemagne combattant ain
si une thèse de l’accusation qui veut
que Milch aida à la préparation
d’une guerre d’agression.
L’avocat a déclaré que son client
était entré en rapports avec des
membres du cabinec français deux
ans avant que la guerre éclate, leur
proposant un pacte de paix à long
terme « se rapprochant par beau
coup de points de la proposition ac
tuelle de M. Churchill d’une coopé-
ration entre les nations européen-
nes », •
M. VINCENT AURIOL
AU MAROC
Rabat, 4 janvier.
M. Vincent
Auriol, président de l’Assemblée na
tionale, se trouve actuellement au Ma
roc où il vient prendre quelques jours
de repos à Marrakech.
M. Vincent Auriol restera au Maroc
une semaine avant de repartir en
France pour assister à l’ouverture de
la session de l’Assemblée nationale de
1347.
L‘« ORDRE)) DANS LES IDEES
On vous interrogera sur l’Amour
par Lucien FABRE
Claude Barjac, dans une de ces chroniques où
il perce, découvre, met à jour les intentions les plus
$ crêtes des écrivains et écrit, semaine par semaine,
l’une des plus remarquables et véridiques histoires
des lettres françaises, rappelait en passant que Rabe-
Vel va avoir vingt-cinq ans. Et Léon Treich, mali
cieux, de demander aussitôt à l’auteur grisonnant
uelques souvenirs sur ce temps vieux d’un quart
e siècle où il décrocha, comme on disait alors, le
prix Concourt.
« Mon Dieu ! mon prix fut sans histoire :— ou
à peu près. Je ne l’avais pas convoité. Au lieu de
faire campagne, j’étais allé passer les mois de sep
tembre et d’octobre en Roumanie, chez des amis,
sans même que mon éditeur en fût informé de sorte
que, en désespoir de cause, il imprima, brocha, expé
dia — et que le texte fourmille d’erreurs typogra
phiques. Le retard fut tel que les exemplaires des
tinés aux jurés leur furent remis le 30 octobre, der
nier délai admis à cette époque. Le président, Gef-
froy, me raconta plus tard qu’il avait considéré ces
trois volumes d’un œil hostile et en grognant har
gneusement : « Nous nous étions mis d’accord à
notre dernière réunion sur le nom d’un de vos concur
rents après bien des discussions. Je résolus de ne pas
m’occuper de cet ouvrier de l’onzième heure. Mais,
le soir, je trouvai les bouquins sur la table de nuit.
Je ne connaissais même pas votre nom. Le sentiment
du devoir l’emporta : il faut, me dis-je, que je voie
pourtant comment il écrit, cet oiseau-là. J’ouvris l’un
des tomes qui se trouva être le second ; je tombai
en plein dans des combinaisons financières qui me
captivèrent ; au bout de trente pages, je trouvai trop
bête de ne pas reprendre au début. Et je lus d’affi-
lée tout le livre, toute la nuit et une partie de la ma;
tinée. J’en conclus que j’étais ensorcelé et j’alertai
mes confrères. A la réunion suivante, tout le monde
avait lu le livre et opinait en sa faveur. »
Si bien que je faillis n’avoir pas le prix ! Car
l’un des dix signa, le jour de l’attribution, un grand
article étalé sur quatre colonnes dans le Pelit Pari
sien sous le titre : Aujourd’hui, Lucien Fabre rece
vra le prix Concourt à l’unanimité. Ce fut un drame.
Les jurés, furieux contre l’indiscret, parlaient de
revenir au choix qu’ils avaient fait précédemment
Geffroy, Bourges et le malheureux bavard lui-même
le» conjurèrent de ne pas se déjuger. Deux furent
irréductibles dont Léon Daudet, qui emporta l’as-
sentiment de l’autre en arguant du devoir de faire
mentir l’indiscret « au moins sur un point ».
Le livre fut admirablement accueilli et je n’eus
qu’à me louer de la critique. J’avais cependant trem
blé. Car, ayant l’impression, un critique réputé
m’avait conseillé de remplacer le deuxième volume
par une simple phrase : « Il s’enrichit », prétendant
que personne ne comprendrait rien aux opérations de
Rabevel. Je répondis que, sans le récit de ces opéra
tions, personne ne comprendrait rien à Rabevel lui;
même. Valéry m’approuva. C’est lui d’ailleurs qui
m’avait engagé à écrire un roman après lecture de
mon livre sur Les Théories d’Einstein. « Du mo
ment que vous avez rendu passionnante une cathé
drale de calculs, c’est que vous pouvez faire de la
chair vivante avec n’importe quoi : prenez donc de
la chair vivante et elle vivra dans vos livres plus
encore qu’au réel : c’est le propre de l’art roma
nesque. » C’est pourquoi, dans On vous interrogera
sur l’amour, je n’ai pas non plus hésité à faire ce
que Claude Barjac nomme si heureusement l’ana
lyse de l’ineffable car, sans elle, on ne connaîtrait
pas mieux l’héroïne et ses amis qu’on, n’eût connu
Rabevel sans le récit de ses trafics. L’originalité et
l’authenticité ainsi conquises réclament peut-être plus
d’attention de la part du lecteur ; mais Barjac pré
tend que la jouissance artistique en est accrue et
ainsi il se rencontre avec Valéry.
Et avec Clemenceau. Le vieil homme, qui m’ho-
norait de son amitié, avait en effet aimé particuliè
rement le récit des aventures financières. Il aimait
aussi la violence de Rabevel- Mais il me fit un re
proche singulier.
— Comment diable Rabevel a-t-il pu recevoir
d’Angèle une paire de gifles sans riposter ?
— Il est le plus fort et il l’aime.
— Inadmissible. L’instinct est là. Oui, l’ins
tinct. Pas un coq ne se laisserait rosser par une
poule. Pas un mâle. Lisez les zoologistes.
— Je les ai lus. Il y a au moins une exception.
— Une exception ? Laquelle ?
— Les tigres, monsieur le Président.
Et c’était vrai. La, tigresse mord et griffe le
tigre pour l’empêcher d’approcher ses petits ; et le
tigre veut bien en rire. . .
Et le Tigre le voulut bien aussi.
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