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La nigelle

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16 octobre 2023

Cette plante délicate décrite par certains comme « l’herbe miraculeuse » recèle de nombreuses vertus. Connue depuis l’Antiquité - la reine Néfertiti  aurait utilisé l’huile de nigelle pour sublimer son teint - son usage est à la fois culinaire, médicinal et cosmétique.
 

Madeleine-Françoise Basseporte (1701-1780), Recueil de dessins de fleurs, gouache sur vélin

La nigelle (Nigella L.) est une plante annuelle qui appartient à la famille des Renonculacées. Son nom viendrait du latin tardif nigella, dérivé de nigellus, « noirâtre » en référence à la couleur noire de ses graines. Les Grecs la nommaient melanthion, de « melas » qui veut dire noir et « anthos » fleur. On dénombre une vingtaine d’espèces de nigelles dans le monde.

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Nigella Romana, Nigella Hispanica, Anonyme [S.n.] ([S.l.]) [S.d.], portefeuille 40, plantes, folio 67

La nigelle a des feuilles divisées en fines lanières, les fleurs en étoiles régulières ont pour particularité que leurs parties voyantes et colorées sont constituées par des sépales tandis que les pétales qui contiennent le nectar ont la forme de petits cornets ventrus beaucoup plus courts. Les étamines sont nombreuses, insérées en spirale et entourent cinq longs pistils. La nigelle est de couleur blanche, bleu clair, bleu foncé voire violet selon les espèces. Le fruit à la forme d’une capsule, il contient les graines de forme triangulaire qui noircissent à l’air.

Elemens de botanique, ou Methode pour connoître les plantes. II. [Planche 134 ] /. Par Mr Pitton Tournefort... [T. I-III], Paris, 1694

Ses vertus thérapeutiques et condimentaires sont connues depuis l’Antiquité. Au Ier siècle, Dioscoride, médecin grec, cite les usages de la nigelle : elle sert à soigner les maux de tête, la congestion nasale, les rages de dents et lutte contre les vers intestinaux. Elle était aussi utilisée comme diurétique et favorisait les menstruations et la montée de lait.

Livre des simples médecines, manuscrit français, 1401-1500

Leonhart Fuchs donne une description détaillée de la nigelle dans son ouvrage De Historia stirpium commentarii insignes [...]. La nigelle agit contre les ulcères et diverses douleurs, contre les maladies pulmonaires et améliore la digestion. Elle fait partie des plantes dont la culture est recommandée dans les domaines royaux par Charlemagne dans le capitulaire de Villis. Jusqu’au XVIe siècle, en Europe, ses graines très parfumées étaient fréquemment employées en cuisine pour leur goût piquant comme succédané du poivre. A partir du XVIIe, la nigelle entre dans la fabrication d’eaux de toilette et de poudres parfumées. En Orient, elle est souvent  utilisée dans la préparation de pains ou de gâteaux. Aujourd’hui, les graines servent à fabriquer une huile recommandée en phytothérapie.
 

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Leonhart Fuchs, De Historia stirpium commentarii insignes […], 1542

Dénommée cheveux de Vénus, (love-in-a-mist ), barbiche, barbe de capucin, barbue, patte d'araignée, araignée , épousée sans voile ; dame en haillons (ragged lady) ; dame au bois ; nigelle des Dames, le diable dans un buisson (devil-in-a-bush) ; l’herbe de l’évêque (bishop’s wort) ; la fleur de Sainte-Catherine mais aussi poivrette, toute-épice, herbe aux épices, cumin noir et faux cumin… Elle est également connue sous le nom de gith dans l’Antiquité et au Moyen Âge et a souvent été confondue avec la nielle.

Manfredus de Monte Imperiali, Livre des herbes et des plantes, manuscrit, 1301-1350

En France, on trouve principalement quatre espèces de nigelles :
La nigelle de France (Nigella gallica Jord.) ou nigelle d’Espagne (Nigella hispanica L.) : on la rencontre surtout dans le sud-ouest et le midi de la France. Elle affectionne les terrains calcaires pauvres mais bien exposés. Elle mesure entre 20 et 40 cm et possède des rameaux courts, la fleur solitaire est de couleur bleu. Elle était beaucoup plus présente au 19e siècle du fait du mode de cultures non-intensives.

George Nicholson, Dictionnaire pratique d'horticulture et de jardinage, Vilmorin-Andrieux et Cie, 1892-1899

La nigelle des champs (Nigella arvensis L.), plus petite que les autres nigelles (de 10 à 30 cm de hauteur) fleurit plus tardivement. Elle présente des rameaux écartés, de grandes fleurs isolées de 5 à 10 pétales de couleur bleu clair. Son fruit est divisé en 5 capsules allongées et soudées à la base. C’est une plante messicole, également en forte régression, en raison de sa grande sensibilité aux désherbants.

 Amédée Masclef, Atlas des plantes de France utiles, nuisibles et ornementales : 400 planches coloriées... Tome 2, 1891

La nigelle cultivée (Nigella sativa L.) est plus rare. Ses feuilles sont finement divisées en petites lanières courtes, la fleur est de couleur bleu pâle parfois bleu foncé ou blanc, avec cinq à dix pétales. Ses graines sont utilisées comme remède traditionnel ou comme condiment dans de nombreux pays du monde. Ces trois espèces sont protégées sur le territoire.

Jean Bourdichon, Horae ad usum Romanum, dites Grandes Heures d'Anne de Bretagne, manuscrit latin, 1503-1508

La nigelle de Damas (Nigella damascena L.) est l’espèce la plus commune ; elle pousse dans les jardins et les champs et fleurit en juin-juillet. Elle se distingue des autres espèces par une collerette de feuilles, sous forme de lanières enchevêtrées, positionnées sous la fleur, appelée bractées ou involucre. Son fruit ressemble à une grosse capsule bombée. En raison de ses qualités esthétiques, elle est souvent cultivée pour l’ornement.

Frise de roses et de nigelles sur papier peint, impression à la planche,  Manufacture Duserre et Cie, 18e siècle

La nigelle de Damas existe sous deux formes. Dans la première, la plus connue, la fleur présente des sépales bleus et des pétales petits et en forme de poche, nectarifères, dans la seconde, les sépales bleutés sont en nombre anormalement élevé et les pétales, normalement petits et en forme de poches, sont absents. Cette évolution morphologique de Nigella damascena est connue depuis le début du XVIIe siècle. Elle a été décrite par Charles de l’Ecluse, célèbre botaniste, dans son traité Rariorum Plantarum Historia

Philipp Miller,  Figures of the most beautiful, useful and uncommon plants described in "The Gardeners dictionary"... Volume 2, Londres, 1771

En 2013, des chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et du Laboratoire de génétique quantitative et Evolution ont réussi à identifier le gène mutant, responsable de la forme sans pétale et la façon dont il a été transmis entre générations. L’étude a été effectuée à partir de 3 300 spécimens récoltés durant 4 siècles et issus de 42 herbiers du monde entier. Cette mutation a pu être privilégiée par hasard par les premiers horticulteurs en raison des qualités esthétiques de la fleur.

Pour aller plus loin 

- Consultez ici la présentation de l’étude génétique sur la nigelle de Damas ainsi que sur le site du MNHN
- Visitez la section Botanique du parcours Gallica La Nature en images.
- Rédécouvrez les autres billets de L'herbier de Gallica

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