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Rire aux dépens des critiques et des visiteurs du Salon

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Evénement central de la vie artistique, culturelle et sociale au cours du XIXe siècle, lieu mondain et populaire où l’on veut à la fois voir et être vu, le Salon attire des centaines de milliers de visiteurs. Les salons comiques et caricaturaux s’amusent de ce « théâtre » parisien. Allons donc rire au Salon…

 

Des critiques en embuscade

Public particulier du Salon, particulièrement attentif, les critiques sont des visiteurs assidus, avisés courtisés et craints. Le Salon, évènement considérable, a entraîné, dès ses premiers temps, la naissance de la critique d’art pratiquée par des journalistes, grands écrivains… qui se font ainsi « salonniers ».

Les salons caricaturaux, représentent les critiques, journalistes, chroniqueurs, écrivains arpentant le Salon l’air important, sentencieux ou indifférent, très sollicités, assiégés par les artistes… Leur jugement jugé arbitraire est souvent dénoncé.

 
Des rédacteurs du Charivari et Gustave Planche :
Revue charivarique du salon de 1846 / Cham. Le Charivari, 1846, 17 avril
 

Des modèles plus ou moins gracieux, vaniteux et chatouilleux

 Un autre public spécifique est particulièrement attentif aux œuvres et à leur disposition : les « exposés », c’est à dire les modèles ayant posé pour la réalisation d’une œuvre ou y figurant. Les salons caricaturaux qui les croquent souvent face à l’œuvre les représentant, mettent l’accent sur leur vanité et rapportent leurs diverses réactions, contentement, contestations auprès de l’artiste…

 

Un public compact, toujours plus nombreux et des visiteurs bien typés

 
 

 

Chaque salon est l’objet d’un véritable engouement. Des milliers de visiteurs les plus divers, près d'un million en 1846, s’y pressent. Cet intérêt est lié au développement d'une bourgeoisie urbaine éduquée et aux progrès de l’alphabétisation des classes populaires.
Ce public donne l’occasion d’établir des typologies de personnages, des physionomies, dans la lignée des physiologies (selon la catégorie sociale, le métier, le caractère, l’apparence physique…). Ci-dessous, un échantillon de spectateurs exprime des réactions diverses devant la toile de Thomas Couture, Romains de la décadence :
 

 
Les Guêpes au Salon . Les Guêpes illustrées. 1847, mars 

 

Les dessinateurs de salons comiques notent aussi la différence de public entre les jours où l’accès au Salon est payant et celui où l’accès est gratuit…

Le public des jours payants est représenté élégant, moins nombreux, souvent mondain et snob :

 

 

Celui des jours gratuits est nombreux, dans un oxygène raréfié, masse serrée, chaotique, bruyante, spontanée, familiale et plus populaire. Ce nouveau public est parfois rejeté par ceux qui ne souhaitent pas voir les hiérarchies perturbées.

De nombreux militaires défilent dans les allées du Salon, facilement identifiables à leur uniforme. Ils sont aussi souvent représentés dans les œuvres exposées : portraits, scènes de batailles…

 
Salon de 1868 / Cham, 1868 Promenade au Salon de 1865 / Bertall. Journal amusant, 1865, 27 mai

 

On moque les bourgeois, leurs critères d’achat peu artistiques…

 

…leur terreur devant certains sujets politiques et historiques…
 

 

On rencontre des enfants, charmants ou terribles, de sortie en famille, et l’on rit de leurs réflexions fraiches et de leurs comportements spontanés.

 

 
Le Salon dépeint par BertallJournal amusant, 1867, 15 juin
Le Salon de 1874 / Stop. Journal amusant, 1874, 16 mai

A l’écoute des visiteurs

Attentifs à la réception des œuvres, reconnaissant la légitimité du jugement des visiteurs, les caricaturistes représentent souvent leurs réactions. Les beaux-arts, à la différence des autres arts autorisent le commentaire à voix haute devant l’œuvre. Ces réflexions sont utilisées pour faire rire, les auteurs des salons comiques semblent ainsi simplement les recueillir…
Les caricaturistes choisissent les réactions exprimées par un public « de sortie au Salon », qui n’est pas un public de connaisseurs : goût bourgeois, conservateur et souvent hostile à toute innovation, goût des sujets facilement lisibles et « ressemblants », valorisation de la compétence technique, de la qualité d’exécution traditionnelle et du bon sens, incapacité à apprécier les vrais talents, ton censeur, expéditif, plein de préjugés…
 
L’incompréhension, la perplexité, la naïveté devant les œuvres sont courantes… tout comme l’ennui :

 

 

Les salons caricaturaux présentent aussi souvent les réactions du public confronté à des œuvres jugées « inconvenantes ». Les caricaturistes moquent pères de famille et autres hommes qui ne sont pas insensibles aux charmes des belles visiteuses ou des odalisques, baigneuses et nudités représentées. Un autre public est réellement ou faussement choqué, jaloux… et il convient de veiller à détourner le regard des enfants et des jeunes filles de certaines œuvres…

 

Ce public, est aussi représenté épuisé après cette visite bien éprouvante…

 

 

…impatient de pouvoir se reposer au buffet…
 
Situé près des salles des sculptures, refuge et réconfort attendu par un public parfois plus connaisseur et gourmet de cuisine que de peinture, le buffet semble un lieu toujours trop petit, pris d’assaut par une foule affamée…

 

Il est source de nombreuses plaisanteries artistiques et culinaires.

  
Le Salon de 1857 / Cham, 1857 et suite
Le Grelot au Salon : le Salon de 1872 / Bertall. Paris, 1872

 

A suivre prochainement… 
Salons caricaturaux. 9, Rire dans les galeries des peintures au Salon
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