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Du bon usage du chocolat…

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1 mars 2024

La BnF vous donne rendez-vous pour une nouvelle série, « A la table de Gallica ». Chaque premier vendredi du mois, découvrez un document issu de nos collections les plus gourmandes ! A l'approche de Pâques, nous vous invitons à découvrir le « bon usage du chocolat », à travers un livre de Nicolas de Blegny publié en 1687.

Le Bon Usage du thé, du caffé et du chocolat pour la preservation & pour la guerison des maladies, de Nicolas de Blegny, Paris, chez Estienne Michallet, 1687

Au XVIIe siècle, les écrits sur le chocolat traitent souvent aussi du thé et du café, à l’image de cet ouvrage de Nicolas de Blegny (1643?-1722) qui propose de nombreuses planches gravées. Au-delà des sections consacrées à ses origines, à sa préparation, à sa dégustation, aux ustensiles qui lui sont associés, la question des vertus et inconvénients de chacune de ces substances pour la santé est examinée.

Le chocolat s’y trouve recommandé contre des maux aussi variés que le rhume, la toux et les indigestions, ou pour réparer les voix fatiguées des orateurs. Charlatan non dénué de talent, usurpant les titres de chirurgien et médecin à la cour de Louis XIV, Blegny propose même une recette de chocolat antivénérien. Pourtant, sous l’Ancien Régime, les vertus médicinales du chocolat sont discutées et tous les médecins n’en conseillent pas la consommation.

Les premiers chapitres renseignent sur le « cacaiufère ou arbre du cacao » et sur les recettes mises au point par les Aztèques. Les Espagnols les ont adaptées à leur goût : outre le cacao et le sucre, ils ajoutent de la vanille, également découverte au Nouveau Monde, et du poivre d’Inde – qui n’est, nous dit Blegny, pas toujours du goût des Français. Cannelle, girofle, musc et ambre peuvent être utilisés pour parfumer la pâte.

    

« Cacaiufere ou arbre du cacao », « cacao ou fruict du cacauifere », Nicolas de Blegny, Le Bon Usage du thé, du caffé et du chocolat pour la preservation & pour la guerison des maladies, Paris, chez Estienne Michallet, 1687

Les étapes de fabrication du chocolat, en tablette ou en boisson, se trouvent minutieusement décrites et illustrées. Pour préparer le cacao, il faut d’abord le griller puis séparer les pelures à mesure qu’elles se détachent des fèves. On réduit en pâte les morceaux ainsi obtenus en les compressant, avec un rouleau de fer, sur une pierre dure et plate, dite « pierre à chocolat », qu’on échauffe avec un brasier.

« Posture d’un homme faisant la paste de chocolat », Nicolas de Blegny, Le Bon Usage du thé, du caffé et du chocolat pour la preservation & pour la guerison des maladies, Paris, chez Estienne Michallet, 1687

Il faut ensuite extraire le beurre de cacao en excès, avec un pressoir, en veillant à conserver juste ce qu’il faut pour qu’il demeure savoureux.

« Pressoir servant à dégraisser le cacao », Nicolas de Blegny, Le Bon Usage du thé, du caffé et du chocolat pour la preservation & pour la guerison des maladies, Paris, chez Estienne Michallet, 1687

Le cacao dégraissé est remis sur la pierre et incorporé au sucre préalablement tamisé. Vient alors l’ajout des parfums et des aromates, puis, si l’on souhaite faire des tablettes, la mise en moule.

Le livre renseigne sur les prix pratiqués pour ces douceurs, naturellement fonction de leur qualité. Il explique les façons d’identifier un chocolat mal conservé (odeur aigre, rance, moisissures en surface) et les manières de bien le préserver : dans du papier gris, dans une boîte hermétique, dans une armoire, dans un lieu sec… Le voici  aussi à l’abri des gourmands ! Si, plutôt qu’en tablette, on préfère le déguster en boisson – mode le plus agréable d’après l’ouvrage –, il faudra se munir de deux indispensables accessoires : la chocolatière et le moulinet, qui permet de faire mousser le breuvage. Là encore, une planche détaille les différents types de modèles existants.

« Moulinets de diverses formes pour faire mousser le chocolat », Nicolas de Blegny, Le Bon Usage du thé, du caffé et du chocolat pour la preservation & pour la guerison des maladies, Paris, chez Estienne Michallet, 1687

Le volume se conclut sur un catalogue des remèdes et produits commercialisés par Blegny,  qui ne manque pas de souligner le bon accueil que leur ont déjà fait le Roi et la Cour : ainsi de ses « cassolettes royales », petites lampes à liqueur censées parfumer et désinfecter les chambres. Doté d’un sens du commerce frisant la malhonnêteté, Nicolas de Blegny fait de ses ouvrages de véritables livrets publicitaires. C’est d’ailleurs lui qui conçoit le livre des Adresses de la ville de Paris, sous le pseudonyme d’Abraham du Pradel, destiné à paraître chaque année pour recommander aux lecteurs les principaux commerces et marchands parisiens. En réalité, Blegny y fait avant tout l’éloge de ses propres talents et produits. Le deuxième volume, qui voit le jour en 1692, est attaqué en justice et interdit, mettant un terme à cette aventure éditoriale.   

Abraham Du Pradel (Nicolas de Blegny), Les Adresses de la ville de Paris, avec le Tresor des almanachs. Livre commode en tous lieux, en tous temps & en toutes conditions, Paris, 1691

D’abord principalement cantonné aux livres de voyage et de médecine, le chocolat gagne les livres de cuisine à la fin du XVIIe siècle : François Massialot l’introduit comme ingrédient culinaire à part entière dans ses ouvrages. Le chocolat peut se déguster en boisson mais aussi sous sa forme solide, « car il s’en fait des dragées, des biscuits, du massepain, des tablettes et plusieurs autres sortes de friandises ». Massialot (1160?-1733) nous livre ainsi la recette de crème de chocolat, des biscuits de chocolat et, côté salé, de la macreuse (sorte de canard) en ragoût au chocolat.

François Massialot, Le Cuisinier roial et bourgeois, à Paris, chez Charles de Sercy, 1691

Au XVIIe comme au XVIIIe siècle, la consommation du chocolat reste réservée à une élite : ce n’est qu’au XIXe siècle, avec la révolution industrielle, qu’elle se démocratisera.

Isabelle Degrange
Chargée de collections en Gastronomie à la Bibliothèque nationale de France

« Cacao theobroma, cacao cultivé », Fr.-Richard de Tussac et Pierre-Joseph Redouté, Flore des Antilles, ou Histoire générale, botanique, rurale et économique des végétaux indigènes des Antilles, Paris, 1808-1827

Pour aller plus loin

- Coron, Sabine (dir.), Livres en bouche : cinq siècles d’art culinaire français, du XIVe au XVIIIe siècle. Exposition, Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, du 21 novembre 2001 au 17 février 2002. Paris, Hermann, 2001, p. 151-154
- Boyer, Anne, « Quelques livres relatifs au chocolat aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Papilles, no 10-11, mars 1996

- Découvrir les Sélections de Gallica dédiées au café, thé et chocolat

- Lire d’autres billets du blog Gallica sur le chocolat :
Petite histoire des œufs de Pâques
Le développement de l'industrie chocolatière en France

Série « Histoire de chocolatiers » :
Le Suisse Suchard, un chocolat allemand ?
Van Houten, le cacao en procès
La chocolaterie Menier

Bibliographie sélective « Le chocolat dans tous ses états » (2013)

Commentaires

Soumis par Buj le 16/04/2024

Merci beaucoup. J'ai etrouvé avec plaisir ces ouvrages que j'avais découvert àla BNF il y a bien des années, quand étudiante de Jean-Louis Flandrin j e travaillais sur le chocolat à Paris aux 17ème et 18ème siècles.

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