Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1882-10-30
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 octobre 1882 30 octobre 1882
Description : 1882/10/30 (Numéro 106). 1882/10/30 (Numéro 106).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k524408v
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/02/2008
Seizième Année Troisième Série Numéro 1@6
PARIS F AS Cent!meS. DÉPARTEMENTS ET GARES ~<~ CENTIME~
nmdi 30 Octobre i8M
A''SS.TrH['BU'T6.' MISTER
f)~7'ec
ABONNEMENTS
Pana Départements
Unmois. 5fr. Un mois. 6~
Trois mots. 13 50 Trois mois. 16 ff~
Six mois. 27 fr. Six mois. 32fr.\
Unan. 54 fr.Unan. 64ft'
Etranger
Troismois(Union postale). 18 fr.
RÉDACTION
9, boulevard des Italiens, 9
DE DEUX HEU&ES A MINUIT
.t~t~
JEE,. IDE F~N-B
7!edo;c
ANNONCES
MM. CH. IjA&RAN&E, CERF & G''
6,PI.ACEDELABOURSE,<) 6
JT< & !LdMMM
ADMINISTRATION
CEDtXHEURESACtNQHEUmES
beutevard .ABONNEMENTS, PETtTES ANNONCES
RENSEIGNEMENTS
9, boulevard des Italiens, 9
PARis JOMmL
S-E i~i~TS~oM
BBt)B)z) Et B'~âH aa~M~B~a
rendant dix ans, j'ai été patron, c'est-
à-dire que, pendant dix longues an nées,
levé dès l'aube et couché bien plus tard
qu'après minuit, il m'a fallu chaque
jour battre le pavé, inventer des moyens
nouveaux, faire antichambre chez l'in-
termédiaire, subir la morgue du client,
calmer la mauvaise humeur des commis,
séduire les banquiers supporter les
plaintes et les mécontentements pres-
que toujours injustes des impatients et
tout cetapour faire-marcher un outilla-
ge payé par des tas de cent mille francs
et donner du travail à deux cent cin-
quante hommes qui ne m'en savaient pas
l'ombre d'une obligation, bien au con-
traire t
Que de fois j'ai fait travailler à perte
pour moi, ann de ne pas renvoyer une
équipe qui, sans cela, se serait trouvée
sur le pavé!
Plus que personne, l'ouvrier parisien
a l'indépendance du cœur. Il ne pense
qu'à lui. ne s'occupe que de lui et passe
tout son temps à récriminer et a se
plaindre. Toujours grincheux et jamais
satisfait, sans cesse il veut plus qu'il
ne gagne et plus qu'il ne mérite.
Pourri de défauts, perclus de vices, il
s'apparaît à lui-même comme le modèle
achevé du parfait citoyen. Il a de sa va-
leur une si haute idée que c'est avec le
plus superbe orgueil qu'fl se mire dans
son camarade. 1
Je l'avoue, il y a des exceptions, mais
elles sont bien rares et confirment la rè-
gle.
Né oudevenu licheur et paresseux, ne
croyez pas qu'il boive parce que le tra-
vail lui sèche la gorge ou que la sueur
l'épuise.
D'abord, il y a ~rès peu de professions
où il sue à grosses gouttes il travaille
avec trop de prudence et de circonspec-
tion pour cela;
II bait sans soif comme il bavarde
sans discernement. La verrée n'est qu'un
prétexte pour faire halte et s'arrêter de-
vant la besogne.
Le zinc est le mirage qui le séduit et
l'attire il ne se trouve bien que là. De-
vant le tourniquet ou le gobelet aux dés,
son œil s'allume, sa bouche se fond et
un épanouissement sincère vous crie
tout-Ie bonheur qu'il éprouve de se sen-
tir arraché au travail.
J'en ai connu dont la journée tout
entière n'était qu'une perpetuelle prome-
nade de l'atelier à l'auberge et de l'au-
berge à l'atelier ce qu'ils avalaient de
saloperies sans être ivres, c'est à n'y pas
croire) l
Eh bien, malgré cet avachissement
et cette flânerie, l'ouvrier parisien n'en
touche pas moins des journées qui sont
le double de celles d'un employé. Mais
cela ne lui sufnt plus, et, ce qu'il ambi-
tionne aujourd'hui, c'est d'être le maître.
Sous l'Empire, ils ont commencé à es-
carmoucher régulièrement contre les
patrons. Déjà chaque revendication était
immédiatement suivie d'une autre, et, si
on avait le malheur de mettre l'ongle
dans le piège qu'ils vous tendaient, im-
-médiatement on s'apercevait qu'on était
pris jusques au coude.
Le sort de l'ouvrier est fort enviable
il gagne plus que sësbesoins, puisque,
trouvant le moyen ~le so~r la mo~ié
de son gain, l'autre est presque suffi-
sante à faire vivre sa famille. Il marche
dans la vie.libre et sans entrave aucun
ne l'arrête, si ce .n'est lui, –le chô-
mage étant fort rare.
Rien de tout cela cependant ne le sa-
tisfait ni ne le contente; toujours il veut
davantage sans cesse il' revendique et
continuellement il menace.
Son but est d'être libre, dé n'obéira
personne et de gaguer tout l'argent.
Seulement il prétend n'être astremt à
aucun contrôle, et nulle obligation ne
lui incombera.
Voilà la justice des masses, liberté,
égalité, fraternité) Oui. mais pour
elles seules) 1
On parle toujours de la sueur du peu-
ple eh bien. et les angoisses, les tor-
tures et les aSres des patrons toujours
menacés, vous comptez donc cela pour
rien?.
Plus je vais, plus je me rends compte
que le pire despotisme vient d'en bas.
Je les connais à fond, je les ai tant
pratiqués Des heures entières ils m'ont
assassiné par leurs conversations sans
but et sans logique, tarant à hue~et ré-
pondant à comme un niveau toujours mobile, sans
cesse remuant et que rien ne saurait
'nxer.
Chez l'ouvrier vous rencontrerez beau-
coup de la nature de l'enfant, maisde l'en-
fant mopveux et mal éduqué. Accessibles
plus que qui que ce soit à toutes les uto-
pies et à tous les rêves, ils le sont aussi
à tous ~es dévouements et à toutes les
grandeurs. Ce sont des croyants, et.
quand quelque hâbleur leur crie du
haut d'une tribune Egalité, droits et
indépendance 'instinctivement ils se
soulèvent, tout prêts à mourir pour ces
mots sonores et vides de sens.
C'est extraordinaire comme depuis
vingt ans on a bourré ce malheureux
peuple de mensonges! Ce que chaque
jour les ambitieux.font entrer dans ces
pauvres cervelles de niaiseries et d'im-
bécillités dépasse toute imagination. On
le grise d'illusions, on le gave de pro-
messes, et lui croit à tout sans broncher.
Une chose est à craindre, c'est qu'il
s'appelle légion et qu'on le discipline
pour la grève auss-i bien qu'on l'enrégi-
mente pour le vote.
L'ouvrier est certainement l'ennemi
le plus redoutable contre lequel lepa-
trort ait à lutter. Permettez moi donc
un instant d'appeler toute votre atten-
tion sur la position si intéressante de ce
malheureux que tant d'envies et de ca-
lamités couchent en joue.
Quand l'industriel ne possède pas une
de ces grosses fortunes qui le blindent
contre l'adversité et les mauvaises chan-
ices sans cesse renaissantes/son sort
est vraiment bien à plaindre.
Toujours sur la brèche, combattant
sans relâche, tout, depuis la concurrence
jusqu'à l'usure, le menace et l'épuise.
Les outils s'usent. La matière première
renchérit, les clients règlent mal, les
effets reviennent en souffrance, et ce-
pendant à chaque échéance il faut bou-
.cher tous les trous et combler tous les
vides. Pour cela, ce sont de perpétuels
sacrifices chez le banquier, chez le four-
nisseur, et parfois chez. le concurrent
lui-même.
Alors qu'il n'a pas encore reçu un cen-
time de son travail, il faut toutles quinze
jours payer intégratement les ouvriers,
et cela sous peine d'arrêt dans les tra-
vaux et de ce discrédit précurseur ha-
bituel de la ruine d'un homme. 1
L'existence de cet en vie. est un enfer ) 1
Pour lui, point de repos, point de dé-
tente toujours à la merci d'une mau-
vaise nouvelle et àla veille d'un désastre,
c'est le cœur oppressé et l'œil chargé de
crainte qu'il ouvre ses lettres. Jusque
dans son intérieur, il se sent assailli d'a-
mertume et de tristesse, et souvent, ni
les sourires de sa femme, et ni les ca-
resses de ses enfants ne sont capables de
rendre la sérénité à cette pauvre âme
ulcérée par les soucis et la peur du len-
demain. Que de fois cette famille si
chère, au lieu d'être une consolation
pour son cœur, devient un motif de plus
pour lui d'appréhender et de frémir ) 1
Ah t comme ceux dont je parle et qui
liront ces lignes me comprendront
L'ouvrier rentre chaque soir dans sa
demeure, tranquille et sans appréhen-
sion. II mange plus ou moins bien, mais
d'habitude quand il n'a pas par trop
bu d'un excellent appétit.
Quand il s'endort, c'est dans le calme
et l'insouciance qu'il s'étend. Qui l'in-
quiéterait ? La journée de demain sera.
semblable à celle d'aujourd'hui. Samedi
on touchera et dimanche on nocera
Lorsque le ménage est un peu en re-
tard, le boulanger accorde crédit; mais,
pour le patron dont demain sera jour
d'échéance, la banque n'attendra pas
une seule minute, et, s'il n'est pas prêt,
ce sera chez l'huissier que sonnera pour
lui l'heure de la ruine.
Non, jamais je ne serai, en de pareil-
les circonstances, du côté de l'ouvrier
contre le patron car celui qu'on avait
coutume d'appeler le faible est à cette
heure devenu le fort, et je ne me sens
de miséricorde et de tendresse que pour 1
les lutteurs et les accablés.
Que les ouvriers fassent des grèves et
imposent des lois, ils n'ont aucun risque
à courir. L'Angleterre, l'Allemagne,
l'Italie et aussi FAmérique, offrent des
caisses toutes prêtes pour les secourir
et leur permettre d'attendre.
Le petit industriel, lui, ne peut ni lut-
ter, ni discuter, car il sombre si le débat
se prolonge 1
Ils ne finissent pas toujours bien ce-
'pendant, les grévistes; souvent, quoi
qù'its aient tout fait pour elle, l'anarchie
les dévore.
J'en ai connu un, excellent ouvrier,
intelligence délicate, mais que l'envie
et les litres avaient absolument dévoyé.
Toute l'absinthe qu'il avait bue. se
'tourna un jour en nel et il devint l'en-
nemi acharné des maîtres.
La femme, morte toute jeune, avait
laissé trois enfants et une grand'mère.
Elle venait me voir souvent à l'atelier
avec les petits, pleurant et gémissant
sur son malheureux gendre, que chaque
jour la folie emportait davantage.
Sous la Commune ses colères et ses*
jactances lui donnèrent du galon. Le
jour des massacres de Montmartre, je
passai devant le collège Rollin.
Dans les cours, des pelotons d'exécu-
tion fusillaient les vaincus.
Par instants et à travers de grands
silences, on entendait, derrière les mu-
railles, de gourdes décharges, puis des
gémissements, un cri suprême et des
bruits de commandement.
Sur le boulevard, devant la porte du
collège, une vieille était là, hurlant et
pleurant trois enfants l'accompa-
gnaient, deux garçons et une petite
fille, s'accrochant à son tablier. La
vieille était la grand-mère et les petits
les enfants de l'ouvrier dont je parle.
Le père, pris et entraîné par les sol-
dats, se trouvait au milieu des victimes.
La vieille femme qui l'avait suivi se
tenait dans l'entrebâillement de la porte
gardée par des sentinelles; elle avait sous
le bras un drap blanc.
Ah i suppliait-elle, laissez moi
l'ensevelir je ne veux pas qu'il aille tout
nu dans la terre! Voilà ses petits enfants;
eux n'ont point fait de mal t Laissez-moi
le voir laissez-moi le voir t
Et elle s'arrachât les cheveux, et les
enfants, comme les nls de Niobé se tor-
daient dans les larmes.
ToutH coup un lourd fourgon, rempli
de cadavres, sortit de la cour. 1
Les morts étaient là-dedàns.pèle-mêle,
et il y en avait tant que les jambes bal-
lottaient dans le vide. j
La femme'se précipita sur ce tas de
fusillés, essayant de soulever ces chairs
pantelantes.
Un ofncier dit < On les mène au ci-
metière. Vous pouvez les suivre. r
La grand'mère se mit en marche, te-
nant d'une main la cbarette et traînant
derrière elle les enfants du fusillé.
Je la suivis; on arriva au fond du ci- <
metiëre Montmartre, ou un immense
ossuaire yenajt d'être creusé. s
Les soldats les précipitaient dans de la
chaux; mais, au moment où on allait y
jeter son gendre, la vieille le saisit au
passage.
Toute ma vie je me souviendrai de ce
vieillard, penché sur ce mort, l'essuyant
) avec son tablier et étânchant avec ses
lèvres le sang qui coulait des blessures.
Mnets, les petits enfants se tenaient
accroupis près de leur père pendant la
funèbre toilette.
La vieille l'ensevelit dans le drap blanc
puis ayant coupé aux fils et à la nlle de
longues mèches de cheveux blonds, elle
les enveloppa dans le linceul avec une
boucle des siens, tout gris.
Elle me reconnut.
–Ah t monsieur, s'écria-t-elle en me
montrant le cadavre, c'est eux qui l'ont
perdu t
Qui, eux? lui demandai-je.
Alors, le cerveau aSolé et les yeux
perdus parmi les morts
Je ne sais pas. balbutia-t-elle.
Je le savais, moi.
LOUtS DAVYL
Nos Echos
AUJOURD'HU! 1
A 6 heures, dîner au Grand-Hôtel, admission
jusqu'à 6 heures et demie.
Pendant la durée du dîner, l'oreheatre de
M. Deagranges jouera dans la nouveiïa salle da
musique.
MEMO
Potage pot au feu
Hors-d'œuvre
Filets de dorades à la portugaise
Pommes .de terre à l'anglaise
Côtes de bœuf à la Dauphine
Timbale Gtand-Hûtel
Poularde delà Bresse au cresson
Salade
Petits pois au beurre
G&tea.u Richelieu
Glace
Dame blanche
Desserts
Le salon des dames est ouvert aux voyageurs.
Piano, tables de jeux.– D!ner à la carte au ros-
taurant. Billards au Café Divan.
Le programme du dîner-concert. (Voir & la
4' page.)
Musée Grévm, 10, boulevard Montmartre.
De onze heures du matin à onze heures du aoir.
=~
Opéra, 7 h. 3/4.–La-A~ce.
Français, 8 h. ~4. Les Cor&MK.N.
Opéra-Comique, 8 h.–Mt'~no~.
LE MOMDE CT t.A V)t.LE
On parle d'une lettre-manifeste que le
prince Napoléon adresserait à un ami po-
h tique le jour où la grève de l'ameuble-
ment sera déclarée ou aura définitive-
ment avorté.
Le bruit coùraithier soir, sur les bou-
levards, que la police avait prévenu cer-
tains journaux que des M~cMMs sesaM< comédiens rôdaient autour de la
maison où habite M. Octave Mirbeau,
avec l'intention avouée de l'assommer.
Nous avons la conviction qu'en eSet.
ces ihdi vidas ne sont pas des comédiens:
nous n'en connaissons pas qui soit ca-
pable de tendre un pareil guet-apens.
Le nihiliste-fantôme.
Le prince Krapotkine, le chef des co-
mités nihilistes de France, d'Angle-
terre et de Suisse, dont nous parlons
plus loin, qu'on disait à Genève, a été vu
à Paris.
Le prince, qui vient sans doute sur-
veiller de près la fusion des nihilistes
avec les anarchistes français.se .cache et
ne couche pas deux nuits de suite dans
le même endroit. Hier, à ome heures du
matin, il quittait la rue de la Glacière et
se rendait rue Saint-Jacques, chez le co-
lonel LavroN, qui fait partie du comité
nihiliste de Paris. 1
L'état de M. Bourdin, le maître d'ar-
mes du 119° de ligne, si malheureuse-
ment blessé dans un assaut avec M. de
Dion, continue à être fort grave.
Une pleurésie s'est déclarée hier
néanmoins, les médecins conservent
quelque espoir.
On annonce l'apparition prochaine
d'un très curieux album intitulé ~'jE~-
crM~e ~'jE~s~e.
Plus de quarante silhouettes, dues au
spirituel crayon du dessinateur Mars,
figurent dans cette publication de haut
luxe, qui ne sera point mise dans le
commerce, et dont il ne sera tiré que
cent exemplaires numérotés. 1
La préface de cet ouvrage, qui sera
orné d'un tr&s beau portrait par Carolus
Duran.est de notre confrère M. Adolphe
Tavernier, rédacteur en chef du journal
~'Zt'SCr:?Me.
Publications de bans
M, César-Elzéar-Arthaud de la Fer-
rière, propriétaire, épouse Mlle Mar-
guerite-Elisa Junot d'Abrantès.
M. Edmond-Pierre de Barrère, con-
sul général de France, à Jérusalem,
épouse Mlle Augustine-MarieLeDoulcet
dePontécoulant.
Un chiSre éloquent cinq mille onze
personnes ont visité hier le musée Gré-
vin.
Notre excellent confrère Edouard
Rod, le jeune romancier de grand ta-
lent, auteur de -Pa~K~g FeM~
vient de se marier, à Florence, avec Mlle
ValentineGronin.
Dialogue < bien parisien
Vous savez bien, la plus jolie iëmme
deParis?.
Ea brune duchesse ou la Monde
comtesse?
La blonde comtesse. Eh bien t elle"
se sépare.
Bah! alors ce.sera la plus jolie sé-
parée.
Mme la duchesse de Fernan-Nunez.
souffrante depuis quelques jours, a été
obligée de retarder son voyage eh Es-
pagne, où elle compte se rendre pour
assister aux couches de sa fille, Mme la
duchessej&'Albe.
~rd
"Une jeune veuve remariée, scanda-
leusement riche un mari, homme de
science un beau cuirassier voilà le
début. °
Hôtel à vendre, avenue des Champs
Elysées, voilà le dénouement.
NOUVELLES A LA MAtN
Le vieux duc de Brunswick, maquillé
A outrance comme d'habitude, sortait
un soir de l'Opéra.
Oh s'écrie un gavroche, qu'est-ce
que c'est qu~a?
Eh ben t quoi ? dit un ~utre. Tu ne
vois donc pas que c'est une vieille ac-
trice )
-r.. ~t~f~t~'
Cueilli dMS un journal bien in-
formé
< M. X. dont la santé était depuis
longtemps chancelante, vient de mou-
rir subitement. On prévoyait depuis
longtemps cet événement inattendu.
Un de nos amis 'annonçait dernière-
ment à son oncle, l'homme le plus mi-
santhrope et le plus grincbeux~de France
et de Savoie, la naissance d'un gros
garçon.
Un enfant superbe, mon oncle, et
d'une précocité phénoménale. Figurez-
vous qu'en venant au monde il avait
déjà une dent) 1
Ah ) dit l'oncle. Et contre qui ?
UN DOMtNO
UNE BOMBE
parée.
M.. Octale Mirbeau nous demande
l'insertion de la lettre suivante, qu'il a
adressée à M. Francis Magnard et à nos
confrères du matin.
Nous en laissons à l'auteur toute la
responsabilité.
Comme nous ne nous départissons ja-
mais de l'impartialité et de la. courtoisie
dans nos relations avec nos confrères, il
est bien entendu que nous publierons
toutes les pièces de l'aSaire.
A M.OtMtëMf .Ff~MCM .M'<~M~, f~acCM chef <%M FIGARO
Paris, le 29 octobre 1882.
Monsieur le rédacteur en chef,
Il y a quinze jours environ, dans votre
cabinet, nous causions de l'~tc~ a:
/Mt~e.'
Ah ) me dîtes-vous, ces cabotins com-
mencent à m'énerver. Ma parole! ils pren
nent tous les jours une importance plus
insupportable. It faut les éreinter. Et,
avec votre vibration, vous qui ne devez
pas les aimer, vous ferez très bien cet ar-
ticle.
.Votre proposition correspondait à ma
manière de voir. Comme vous, je n'aime
pas les comédiens; c'est une affaire de
goût. Je me chargeai de l'article.
Une indisposition m'ayant empêcha pen-
dant quelque temps de paraître au journa!,
vous m'écriviez la lettre suivante
Lundi.
Mon cher collaborateur,
Un mot de vous à Valter m'apprend que vous
allez mieux; j'en suis fort aise. Je crois que le
procès Mayer-Coquetin, qu'on ~plaide mardi,
donnera, de la saveur & votre article sur « lè Co-
médien o.
médien Très cordialement,
F. MAGNARD.
Le lendemain, autre lettre
Mardi soir.
Mon cher collaborateur, Mardi soir.
Vous savez que je compte Oi&aohfnte~ sur
vous pour demam soir mercredi. Toujours o le.
Comédien n'est-ce pas ? Vous avez dû réussir
cela.
Très cordialement,
F. MAGNARD.
L'article paraît. Vous n'étiez pas absent
du journal. Vous l'avez vu, corrigé, ap-
prouvé.
Mieux encore, le soir de l'apparition de
l'article, vous ne m'avez pas marchandé
vos félicitations.
Très bien bravo c'est votre meil-
leur ) Et puis quoi ? Ils crieront ? Le public
sera ravi Excellent
Te! est l'historique exact de notre article
le Comédien ·
Là-dessus, tapage énorme, 'discussions,
réunions, revendications, et provocations.
N'allez pas au Figaro, me dit un de
nos confrères, il y a un débordement de
comédiens. Laissez mol voir Magnard au-
paravant. Je vous tiendrai au courant.
Notre confrère va vous voir. Après vous
avoir vu
Tenez-vous tranquille, me dit-il. Vos
droits seront pleinement sauvegardés par
Magnard. Vous pouvez dormir sur vos
deux oreilles.
Le lendemain, je lisais dans le -Ft~-o
le désaveu de l'article publié dans le -Ft-
~o, l'idée première venait de vous, mon-
sieur le rédacteur en chef du Figaro. Ga-
lamment même, vous faisiez rejeter sur
moi seul toute la responsabilité.
Mon sentiment absolu, et le sentiment
dés hommes autorisés dont J'avais immé-
diatement pris conseil, était que ne de-
vais aucune espèce de réparation. Car, de
l'aveu unanime, il n'y avait aucune mé-
prise possible, en dépit de M. Vitu, sur le
caractère impersonnel, purement philoso-
phique et littéraire, de ma thèse.
C'est dans ces dispositions que hier sa-
medi, accompagné d'un de nos amis com-
muns, j'allai au Figaro porter ma démis-
sion.
Mais non, mais non, avez vous ob-
jecté. Vous avez jusqu'Ici très mal conduit
votre aifaire. Il ne vous reste qu'un
moyen d'en sortir. Mon petit, faut. vous
battre. a.
C'était le cadet da mes soucis. Et, lassé
de voir s'éterniser toutes ces discussions.
et contrairement à la ligne de cohdufte
tracée d'un commun accord en~e me~con
t seils et moi, j'admis le principe d'une re-
paration à accorder aux comédiens faisant
partie de l'Association des artistes drama-
tiques.
Une note, signée de moi, fut conçue dans
ce sens. A onze heures du soir, je venais
moi-même voir l'épreuve. Et alors, à tête
reposée, je pus spêciner que le comédien
auquel j'étais tout pr6t à accorder satis-
faction, au nom de tous, serait désigné
par le comité de l'Association. C'était plus
logique, plus précis, et c'était mon droit le
plus élémentaire.
ComBOe vous n'étiez pas là, je priai M.
Bataille de vous notiûer ce détail, et.
j'allai me coucher en attendant le -F'~M
du lendemain matin.
Or, le -Ft~o du lendemain matin, qui,
par l'organe de son rédactedr en chef,avait
collaboré à mon article (wo~ cher eo~6o-
~~M~, vous ne le nierez pas) qui l'avait
désavoué ensuite, qui voulait me faire
battre après, ne contenait rien du tout.
Eh bien monsieur Magnard, < mon cher
collaborateur', je reprends ma proposition,
je la maintiens et je la complète:
i° Vous recevrez demain la visite de deux
de mes amis, chargés de vous demander
réparation de la double injure que vous
m'avez faite en me désavouant, et en n'in-
sérant pas ma note destinée à clore l'inci-
dent.
2" il est entendu que je me tiens & la dis-
position de celui de MM. les comédiens
qui sera désigné, au nom de l'Association,
par le Comité même de l'Association des
artistes dramatiques, sous la présidence
de M. Halanzier.
Je vous connais assez, < mon cher colla-
borateur pour être assuré que vous n'hé-
siterez pas à vous tenir, comme moi, à la
disposition de ce même comédien, ou d'un
autre, si vous l'aimez mieux, puisque no-
tre responsabilité est égale dans cette
aventure, et que nous sommes deux com-
plices.
Recevez, monsieur, l'assurance de ma
parfaite considération.
0. MiRBEAU.
Bloc-Notes Parisien
MADAME LA MARQ!JfSE DE CASTELLANE
Cette idéale jeune femme, que le roman
envie à la réalité, et qui semble une figure
échappée de la suave collection de saintes
mondaines dont Jules Sand'eau est le pein-
tre attitré, a failli périr, l'autre jour, sur
le perron de son château de Rochecotte.
On sait que la marquise est la 'première
amazone de France. Seule, la duchesse
d'Uzès pourrait peut-être lui disputer le
prix. Mme de Castellahe, née Juigné, ado-
rée de tous ceux qui ont l'honneur de la
connaître, admirée de tous ceux qui la
voient, est, à proprement parler, la Ma-
done de la chasse. Je ne veux pas dire
d'une si parfaite chrétienne qu'elle est une
Diane. Il ne faut pas puiser, pour elle,'dans
le vocabulaire païen.
On avait amené devant le château
un fort beau pur-sang, sous poil gris
c'était la première fois qu'il allait être
monté en femme. La marquise se mit en
selle. Aussitôt, le cheval se cabre, se ren-
verse sur elle. il s'en est fallu d'un centi-
mètre ou deux que la blonde tête aux doux
yeux bleus ne fût brisée contre les marches
de pierre.
Touîe la journée et toute I~nuit, la mar-
quise de Castellane est restée sans con-
naissance. Puis, la vie a paru revenir. Ce-
pendant, le médecin deTours,qui ne quitte
pour ainsi dire pas le chevet de la blessée
depuis cet horible accident, demande en-
core deux jours avant de se prononcer.
On peut dire ~ue toute la Touraine et
tout l'Anjou forment des vœux et adres-
sent au ciel leurs prières pour le prompt
rétablissement de celle que le château et
la chaumière chérissent et respectent éga-
lement, car elle est la bienfaitrice de l'une
et le charme de l'autref
Toujours levée à six heures du matin,
commençant toutes ses journées par une
messe dévotement entendue dans la cha-
pelle de Rochecotte,où l'on admire une co-
pie renommée de la Vierge de Saint-Sixte
la première aux bonnes œuvres comme aux
belles chasses, cette jeune femme réalise °
en elle l'union des plus hautes vertus et
des plus élégantes allures. Elle a trois fils,
à l'éducation desquels elle préside avec sa
grâce pleine de dignité. Elle se plaît sur-
tout, dans cette historique demeure de Ro-
checotte, où l'entourent à la fois tant de
souvenirs et de portraits de famille et tant
de parentés, d'amitiés, de voisinages les
Chempschevrier, les Maillé, les Pontle-
voy, les Montesquieu, les Beaumont, les
Contades-Giseux, les Sesmaisons, les la
Bouillerie, etc., etc.
Au rez-de-chaussée du château, dans un
premier salon, voici, sous verre,, l'ëpée
d'honneur à poignée d'or, que la ville de
Lyon offrit au maréchal de Castellane, qui
semble garder ses décorations, semées au-
tour d'elle. Dans le grand salon, le portrait
de la jeune marquise la remplace en ce
moment, puisqu'elle est confinée dans
sa chambre; il fait pendant à celui de
sa belle-sœur, la princesse Galitzin et vis-
à-vis à celui de la marquise douairière de
Castellane, née TMleyrand-Périgord, celle
qui ajouta aux attraits et aux richesses de
la résidence une importante partie de la
collection des princes de Courlande, for-
mée surtout de maîtres hollandais du dix-
septième siècle.
C'est certainement une des belles de-
meures de France que Rochecotte, un des
spectmens significatifs de l'architecture du
dtx-septième siècle. Les bâtiments, sans
être tout à fait au sommet de la colline,
sont assez élevés pour jouir d'une vue
étendue sur la rive droite de la Loire, vers
laquelle descend le parc par des étages i
successifs d'arbres et de prairies. Tours
d un côté, Saumur de l'autre, forment les
deux points extrêmes du panorama que ]
1 œil p?ut embrasser. La station de Saint- ] 1
Patrice est en bas et fait, en quelque sorte, t
suite à Rochecotte, <
C'est l:i. ~ea ce moment sougr~ patiem. <
)~ent, douce~ enverslt mal, souriant même ]
au danger, cette jeune héroïne, âme de <
paladtn, trempée dans ~es eaux réconfor. 1
e
tantes de la foi. Sans doute la Providence
a voulu nous montrer qu'elle n'était pas
invulnérable, tout en étant le diamant
le plus rare. Mais elle ne vqudra pas
enlever pour longtemps à tout ce qui
1 aime et à tout ce qu'elle aime à ses pa-
tents, a ses amis, à ses pauvres, la châte-
laine de Rochecotte.
TOUT-PARtS
LHfSTORE DUN~ DÉCRET
t Mercredi dernier, 25 octobre, quel-
qu'un frappait au guichet derrière le-
c quel se tient l'employé chargé de rece-
voir les annonces du journal ? Monsieur, dit le visiteur, je viens
pour faire insérer quelques lignes con-
cernant ma maison.
Et, en même temps, il passait un papier
sur lequel l'employé jeta d'abord négli~
s gemment les yeux; puis &on attention
parut plus vivement soIlicitée.Ennn, s'a-
dressant à celui qui attondaitia réponse,
l'argent en main
Monsieur, je ne puis donner votre
annonce sans consulter l'administrateuï-
du j ournal. Veuillez me suivre.
Et le visiteur suivit l'employé auprès
de M. Simonnet, le P~c~o~e de la rédac-
tion.
M. Simonnet blêmit en lisant les quel-
ques lignes que lui soumettait l'em-
ployé, et, d'une voix assurôe.il prononça
( ces mots
Je ne puis prendre sur moi de faire
passer votre annonce, qui me semble
dangereuse. Je dois consulter le direc-
teur du C~M~oM.
Et le visiteur suivit cette fois l'admi-
nistrateur jusqu'au cabinet de M. Ar-
thur Meyer, le priant d'attendre dans
le salon.
Au bout d'un instant, le porteur du
mystérieux papier fut introduit dans le
cabinet de notre directeur.
C'est vous, monsieur C. Wide-
mann,qui nous demandez de publier ces
lignes?
Oui, monsieur.
Mais vous ignorez sans doute que
ce que vous demandez est impossible
Nous ne pouvons, sans tomber, –vous
d'abord, nous ensuite,– sous le coup de
la loi, accéder à votre désir. Vous exer-
cez un métier clandestin, et ce serait fo-
lie de notre part de mettre à notre qua-
trième page ces trois lignes
IWMAMîTf ?"°"s autres produits expIosiMes.
1~ 1 MÏI i Vente au C. Wi'demann,
i/iiUinmu clumiste, 57, rue au Maire, Paris.
C'est une erreur, répondit M. Wi-
demann rien ne vous empêcha de pu-
blier ces quelques mots. Je comprends
votre émotion à l'époque troublée où
nous rivons, pleine de menaces contre
la société, en présence des agissements
des compagnons anarchistes, il vous
semble prodigieux qu'on puisse tenir
fabrique et boutique ouvertes de dyna-
mite, de nitro-glycérine, de picrate de
potasse et autres matières explosibles
lorsque la poudre,- qui est si peu offen-
sive lorsqu'elle ne tue pas les hommes
mais sert simplement d'amusement à '`
ceux qui en veulent à la plume et au
poil, est soumise à une régie et ne
peut être fabriquée que sous le contrôle
de l'Etat; cependant cela est.
Vous en êtes .convaincu ? reprit M
Arthur Meyer.
-Absolument sûr.La dernière édition
du livre de Briant et Chandé, 2~M-~
chimie et de médecine ~~M, ne fait
mention d'aucune loi ayant trait à la
fabrication et à la vente des matières.
explosibtes que je vous ai citées tout à
l'heure. Et tenez, je vais vous dire la
vérité ce n'est pas tant pour la réclame
que je viens, que pour ouvrir les yeux a.
ces messieurs qui nous gouvernent II v
a deux jours, je dînais avec plusieurs
amis.parmi lesquels s'en trouvait un, em-
ployé supérieur du ministère de l'mté-
rieur. J'arrivai à parler des matières
.explosibles et de l'absence absolue de loi
régissant ce produit et les produits simi-
laires. Mnn ami repoussa mon afûrma-
tion de là une discussion qui se termina.
par un pan: il fat convenu que le fc~
rais insérer la réclame dans un grpnd
journal, qui, selon lui, larefuser~t et
au cas prévu de non-insertion, ie'de~
vrais payer un excellent dîner. à
charge de revanche si les faits me don~
naient raison. Voua savez maintenant le
grand service que nous pouvons rendre
vous plaît-il d'insérer mon annonce ?
Votre annonce passera demain, ré-
pliqua notre directeur.
Et, de fait, le lendemain elle passa, en
qu~rième.page a la date du 26-ctobrS
Mais ici l'histoire com~
menoe,
L'employé supérieur, en ouvrant le
G'aM~M, constata avec stupeur la perte
de son pan. Le ministre de l'intérieur
prévenu, ût venir M. Schnerb, directeur
de la sûreté générale, puis M. Cames-
casse. On tint conseil. Le premier mo~-
yement de ces messieurs, qui ignorent
les lois comme ils se vantent d'ignorer
la messe, fut de poursuivre le Can~M
et M. Widemann comme perturbateurs.
de 1 ordre public, voire de ies
arrêter tout comme M. Crié, av~c daR
menottes, quitte après à les relâcher
sans excuses pour la bévue commise.
Un se demanda si.
avant d opérer, il serait pas prudent
de consulter 19~ Peut-
~~Me de Ë~ ~~nn, ont tous les deux
raison. Bien leur en prit.
Au-BM~~M~a, néant en ça (mi
concerne la fabrication et la vent& de la
dynamite et autres engins anarchistes
né&nt, comme dans le casier judiciaire
de certains coquins habiles que lajus-
tjce n'a jamais pu attemdM.
PARIS F AS Cent!meS. DÉPARTEMENTS ET GARES ~<~ CENTIME~
nmdi 30 Octobre i8M
A''SS.TrH['BU'T6.' MISTER
f)~7'ec
ABONNEMENTS
Pana Départements
Unmois. 5fr. Un mois. 6~
Trois mots. 13 50 Trois mois. 16 ff~
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PARis JOMmL
S-E i~i~TS~oM
BBt)B)z) Et B'~âH aa~M~B~a
rendant dix ans, j'ai été patron, c'est-
à-dire que, pendant dix longues an nées,
levé dès l'aube et couché bien plus tard
qu'après minuit, il m'a fallu chaque
jour battre le pavé, inventer des moyens
nouveaux, faire antichambre chez l'in-
termédiaire, subir la morgue du client,
calmer la mauvaise humeur des commis,
séduire les banquiers supporter les
plaintes et les mécontentements pres-
que toujours injustes des impatients et
tout cetapour faire-marcher un outilla-
ge payé par des tas de cent mille francs
et donner du travail à deux cent cin-
quante hommes qui ne m'en savaient pas
l'ombre d'une obligation, bien au con-
traire t
Que de fois j'ai fait travailler à perte
pour moi, ann de ne pas renvoyer une
équipe qui, sans cela, se serait trouvée
sur le pavé!
Plus que personne, l'ouvrier parisien
a l'indépendance du cœur. Il ne pense
qu'à lui. ne s'occupe que de lui et passe
tout son temps à récriminer et a se
plaindre. Toujours grincheux et jamais
satisfait, sans cesse il veut plus qu'il
ne gagne et plus qu'il ne mérite.
Pourri de défauts, perclus de vices, il
s'apparaît à lui-même comme le modèle
achevé du parfait citoyen. Il a de sa va-
leur une si haute idée que c'est avec le
plus superbe orgueil qu'fl se mire dans
son camarade. 1
Je l'avoue, il y a des exceptions, mais
elles sont bien rares et confirment la rè-
gle.
Né oudevenu licheur et paresseux, ne
croyez pas qu'il boive parce que le tra-
vail lui sèche la gorge ou que la sueur
l'épuise.
D'abord, il y a ~rès peu de professions
où il sue à grosses gouttes il travaille
avec trop de prudence et de circonspec-
tion pour cela;
II bait sans soif comme il bavarde
sans discernement. La verrée n'est qu'un
prétexte pour faire halte et s'arrêter de-
vant la besogne.
Le zinc est le mirage qui le séduit et
l'attire il ne se trouve bien que là. De-
vant le tourniquet ou le gobelet aux dés,
son œil s'allume, sa bouche se fond et
un épanouissement sincère vous crie
tout-Ie bonheur qu'il éprouve de se sen-
tir arraché au travail.
J'en ai connu dont la journée tout
entière n'était qu'une perpetuelle prome-
nade de l'atelier à l'auberge et de l'au-
berge à l'atelier ce qu'ils avalaient de
saloperies sans être ivres, c'est à n'y pas
croire) l
Eh bien, malgré cet avachissement
et cette flânerie, l'ouvrier parisien n'en
touche pas moins des journées qui sont
le double de celles d'un employé. Mais
cela ne lui sufnt plus, et, ce qu'il ambi-
tionne aujourd'hui, c'est d'être le maître.
Sous l'Empire, ils ont commencé à es-
carmoucher régulièrement contre les
patrons. Déjà chaque revendication était
immédiatement suivie d'une autre, et, si
on avait le malheur de mettre l'ongle
dans le piège qu'ils vous tendaient, im-
-médiatement on s'apercevait qu'on était
pris jusques au coude.
Le sort de l'ouvrier est fort enviable
il gagne plus que sësbesoins, puisque,
trouvant le moyen ~le so~r la mo~ié
de son gain, l'autre est presque suffi-
sante à faire vivre sa famille. Il marche
dans la vie.libre et sans entrave aucun
ne l'arrête, si ce .n'est lui, –le chô-
mage étant fort rare.
Rien de tout cela cependant ne le sa-
tisfait ni ne le contente; toujours il veut
davantage sans cesse il' revendique et
continuellement il menace.
Son but est d'être libre, dé n'obéira
personne et de gaguer tout l'argent.
Seulement il prétend n'être astremt à
aucun contrôle, et nulle obligation ne
lui incombera.
Voilà la justice des masses, liberté,
égalité, fraternité) Oui. mais pour
elles seules) 1
On parle toujours de la sueur du peu-
ple eh bien. et les angoisses, les tor-
tures et les aSres des patrons toujours
menacés, vous comptez donc cela pour
rien?.
Plus je vais, plus je me rends compte
que le pire despotisme vient d'en bas.
Je les connais à fond, je les ai tant
pratiqués Des heures entières ils m'ont
assassiné par leurs conversations sans
but et sans logique, tarant à hue~et ré-
pondant à
cesse remuant et que rien ne saurait
'nxer.
Chez l'ouvrier vous rencontrerez beau-
coup de la nature de l'enfant, maisde l'en-
fant mopveux et mal éduqué. Accessibles
plus que qui que ce soit à toutes les uto-
pies et à tous les rêves, ils le sont aussi
à tous ~es dévouements et à toutes les
grandeurs. Ce sont des croyants, et.
quand quelque hâbleur leur crie du
haut d'une tribune Egalité, droits et
indépendance 'instinctivement ils se
soulèvent, tout prêts à mourir pour ces
mots sonores et vides de sens.
C'est extraordinaire comme depuis
vingt ans on a bourré ce malheureux
peuple de mensonges! Ce que chaque
jour les ambitieux.font entrer dans ces
pauvres cervelles de niaiseries et d'im-
bécillités dépasse toute imagination. On
le grise d'illusions, on le gave de pro-
messes, et lui croit à tout sans broncher.
Une chose est à craindre, c'est qu'il
s'appelle légion et qu'on le discipline
pour la grève auss-i bien qu'on l'enrégi-
mente pour le vote.
L'ouvrier est certainement l'ennemi
le plus redoutable contre lequel lepa-
trort ait à lutter. Permettez moi donc
un instant d'appeler toute votre atten-
tion sur la position si intéressante de ce
malheureux que tant d'envies et de ca-
lamités couchent en joue.
Quand l'industriel ne possède pas une
de ces grosses fortunes qui le blindent
contre l'adversité et les mauvaises chan-
ices sans cesse renaissantes/son sort
est vraiment bien à plaindre.
Toujours sur la brèche, combattant
sans relâche, tout, depuis la concurrence
jusqu'à l'usure, le menace et l'épuise.
Les outils s'usent. La matière première
renchérit, les clients règlent mal, les
effets reviennent en souffrance, et ce-
pendant à chaque échéance il faut bou-
.cher tous les trous et combler tous les
vides. Pour cela, ce sont de perpétuels
sacrifices chez le banquier, chez le four-
nisseur, et parfois chez. le concurrent
lui-même.
Alors qu'il n'a pas encore reçu un cen-
time de son travail, il faut toutles quinze
jours payer intégratement les ouvriers,
et cela sous peine d'arrêt dans les tra-
vaux et de ce discrédit précurseur ha-
bituel de la ruine d'un homme. 1
L'existence de cet en vie. est un enfer ) 1
Pour lui, point de repos, point de dé-
tente toujours à la merci d'une mau-
vaise nouvelle et àla veille d'un désastre,
c'est le cœur oppressé et l'œil chargé de
crainte qu'il ouvre ses lettres. Jusque
dans son intérieur, il se sent assailli d'a-
mertume et de tristesse, et souvent, ni
les sourires de sa femme, et ni les ca-
resses de ses enfants ne sont capables de
rendre la sérénité à cette pauvre âme
ulcérée par les soucis et la peur du len-
demain. Que de fois cette famille si
chère, au lieu d'être une consolation
pour son cœur, devient un motif de plus
pour lui d'appréhender et de frémir ) 1
Ah t comme ceux dont je parle et qui
liront ces lignes me comprendront
L'ouvrier rentre chaque soir dans sa
demeure, tranquille et sans appréhen-
sion. II mange plus ou moins bien, mais
d'habitude quand il n'a pas par trop
bu d'un excellent appétit.
Quand il s'endort, c'est dans le calme
et l'insouciance qu'il s'étend. Qui l'in-
quiéterait ? La journée de demain sera.
semblable à celle d'aujourd'hui. Samedi
on touchera et dimanche on nocera
Lorsque le ménage est un peu en re-
tard, le boulanger accorde crédit; mais,
pour le patron dont demain sera jour
d'échéance, la banque n'attendra pas
une seule minute, et, s'il n'est pas prêt,
ce sera chez l'huissier que sonnera pour
lui l'heure de la ruine.
Non, jamais je ne serai, en de pareil-
les circonstances, du côté de l'ouvrier
contre le patron car celui qu'on avait
coutume d'appeler le faible est à cette
heure devenu le fort, et je ne me sens
de miséricorde et de tendresse que pour 1
les lutteurs et les accablés.
Que les ouvriers fassent des grèves et
imposent des lois, ils n'ont aucun risque
à courir. L'Angleterre, l'Allemagne,
l'Italie et aussi FAmérique, offrent des
caisses toutes prêtes pour les secourir
et leur permettre d'attendre.
Le petit industriel, lui, ne peut ni lut-
ter, ni discuter, car il sombre si le débat
se prolonge 1
Ils ne finissent pas toujours bien ce-
'pendant, les grévistes; souvent, quoi
qù'its aient tout fait pour elle, l'anarchie
les dévore.
J'en ai connu un, excellent ouvrier,
intelligence délicate, mais que l'envie
et les litres avaient absolument dévoyé.
Toute l'absinthe qu'il avait bue. se
'tourna un jour en nel et il devint l'en-
nemi acharné des maîtres.
La femme, morte toute jeune, avait
laissé trois enfants et une grand'mère.
Elle venait me voir souvent à l'atelier
avec les petits, pleurant et gémissant
sur son malheureux gendre, que chaque
jour la folie emportait davantage.
Sous la Commune ses colères et ses*
jactances lui donnèrent du galon. Le
jour des massacres de Montmartre, je
passai devant le collège Rollin.
Dans les cours, des pelotons d'exécu-
tion fusillaient les vaincus.
Par instants et à travers de grands
silences, on entendait, derrière les mu-
railles, de gourdes décharges, puis des
gémissements, un cri suprême et des
bruits de commandement.
Sur le boulevard, devant la porte du
collège, une vieille était là, hurlant et
pleurant trois enfants l'accompa-
gnaient, deux garçons et une petite
fille, s'accrochant à son tablier. La
vieille était la grand-mère et les petits
les enfants de l'ouvrier dont je parle.
Le père, pris et entraîné par les sol-
dats, se trouvait au milieu des victimes.
La vieille femme qui l'avait suivi se
tenait dans l'entrebâillement de la porte
gardée par des sentinelles; elle avait sous
le bras un drap blanc.
Ah i suppliait-elle, laissez moi
l'ensevelir je ne veux pas qu'il aille tout
nu dans la terre! Voilà ses petits enfants;
eux n'ont point fait de mal t Laissez-moi
le voir laissez-moi le voir t
Et elle s'arrachât les cheveux, et les
enfants, comme les nls de Niobé se tor-
daient dans les larmes.
ToutH coup un lourd fourgon, rempli
de cadavres, sortit de la cour. 1
Les morts étaient là-dedàns.pèle-mêle,
et il y en avait tant que les jambes bal-
lottaient dans le vide. j
La femme'se précipita sur ce tas de
fusillés, essayant de soulever ces chairs
pantelantes.
Un ofncier dit < On les mène au ci-
metière. Vous pouvez les suivre. r
La grand'mère se mit en marche, te-
nant d'une main la cbarette et traînant
derrière elle les enfants du fusillé.
Je la suivis; on arriva au fond du ci- <
metiëre Montmartre, ou un immense
ossuaire yenajt d'être creusé. s
Les soldats les précipitaient dans de la
chaux; mais, au moment où on allait y
jeter son gendre, la vieille le saisit au
passage.
Toute ma vie je me souviendrai de ce
vieillard, penché sur ce mort, l'essuyant
) avec son tablier et étânchant avec ses
lèvres le sang qui coulait des blessures.
Mnets, les petits enfants se tenaient
accroupis près de leur père pendant la
funèbre toilette.
La vieille l'ensevelit dans le drap blanc
puis ayant coupé aux fils et à la nlle de
longues mèches de cheveux blonds, elle
les enveloppa dans le linceul avec une
boucle des siens, tout gris.
Elle me reconnut.
–Ah t monsieur, s'écria-t-elle en me
montrant le cadavre, c'est eux qui l'ont
perdu t
Qui, eux? lui demandai-je.
Alors, le cerveau aSolé et les yeux
perdus parmi les morts
Je ne sais pas. balbutia-t-elle.
Je le savais, moi.
LOUtS DAVYL
Nos Echos
AUJOURD'HU! 1
A 6 heures, dîner au Grand-Hôtel, admission
jusqu'à 6 heures et demie.
Pendant la durée du dîner, l'oreheatre de
M. Deagranges jouera dans la nouveiïa salle da
musique.
MEMO
Potage pot au feu
Hors-d'œuvre
Filets de dorades à la portugaise
Pommes .de terre à l'anglaise
Côtes de bœuf à la Dauphine
Timbale Gtand-Hûtel
Poularde delà Bresse au cresson
Salade
Petits pois au beurre
G&tea.u Richelieu
Glace
Dame blanche
Desserts
Le salon des dames est ouvert aux voyageurs.
Piano, tables de jeux.– D!ner à la carte au ros-
taurant. Billards au Café Divan.
Le programme du dîner-concert. (Voir & la
4' page.)
Musée Grévm, 10, boulevard Montmartre.
De onze heures du matin à onze heures du aoir.
=~
Opéra, 7 h. 3/4.–La-A~ce.
Français, 8 h. ~4. Les Cor&MK.N.
Opéra-Comique, 8 h.–Mt'~no~.
LE MOMDE CT t.A V)t.LE
On parle d'une lettre-manifeste que le
prince Napoléon adresserait à un ami po-
h tique le jour où la grève de l'ameuble-
ment sera déclarée ou aura définitive-
ment avorté.
Le bruit coùraithier soir, sur les bou-
levards, que la police avait prévenu cer-
tains journaux que des M~cMMs se
maison où habite M. Octave Mirbeau,
avec l'intention avouée de l'assommer.
Nous avons la conviction qu'en eSet.
ces ihdi vidas ne sont pas des comédiens:
nous n'en connaissons pas qui soit ca-
pable de tendre un pareil guet-apens.
Le nihiliste-fantôme.
Le prince Krapotkine, le chef des co-
mités nihilistes de France, d'Angle-
terre et de Suisse, dont nous parlons
plus loin, qu'on disait à Genève, a été vu
à Paris.
Le prince, qui vient sans doute sur-
veiller de près la fusion des nihilistes
avec les anarchistes français.se .cache et
ne couche pas deux nuits de suite dans
le même endroit. Hier, à ome heures du
matin, il quittait la rue de la Glacière et
se rendait rue Saint-Jacques, chez le co-
lonel LavroN, qui fait partie du comité
nihiliste de Paris. 1
L'état de M. Bourdin, le maître d'ar-
mes du 119° de ligne, si malheureuse-
ment blessé dans un assaut avec M. de
Dion, continue à être fort grave.
Une pleurésie s'est déclarée hier
néanmoins, les médecins conservent
quelque espoir.
On annonce l'apparition prochaine
d'un très curieux album intitulé ~'jE~-
crM~e ~'jE~s~e.
Plus de quarante silhouettes, dues au
spirituel crayon du dessinateur Mars,
figurent dans cette publication de haut
luxe, qui ne sera point mise dans le
commerce, et dont il ne sera tiré que
cent exemplaires numérotés. 1
La préface de cet ouvrage, qui sera
orné d'un tr&s beau portrait par Carolus
Duran.est de notre confrère M. Adolphe
Tavernier, rédacteur en chef du journal
~'Zt'SCr:?Me.
Publications de bans
M, César-Elzéar-Arthaud de la Fer-
rière, propriétaire, épouse Mlle Mar-
guerite-Elisa Junot d'Abrantès.
M. Edmond-Pierre de Barrère, con-
sul général de France, à Jérusalem,
épouse Mlle Augustine-MarieLeDoulcet
dePontécoulant.
Un chiSre éloquent cinq mille onze
personnes ont visité hier le musée Gré-
vin.
Notre excellent confrère Edouard
Rod, le jeune romancier de grand ta-
lent, auteur de -Pa~K~g FeM~
vient de se marier, à Florence, avec Mlle
ValentineGronin.
Dialogue < bien parisien
Vous savez bien, la plus jolie iëmme
deParis?.
Ea brune duchesse ou la Monde
comtesse?
La blonde comtesse. Eh bien t elle"
se sépare.
Bah! alors ce.sera la plus jolie sé-
parée.
Mme la duchesse de Fernan-Nunez.
souffrante depuis quelques jours, a été
obligée de retarder son voyage eh Es-
pagne, où elle compte se rendre pour
assister aux couches de sa fille, Mme la
duchessej&'Albe.
~rd
"Une jeune veuve remariée, scanda-
leusement riche un mari, homme de
science un beau cuirassier voilà le
début. °
Hôtel à vendre, avenue des Champs
Elysées, voilà le dénouement.
NOUVELLES A LA MAtN
Le vieux duc de Brunswick, maquillé
A outrance comme d'habitude, sortait
un soir de l'Opéra.
Oh s'écrie un gavroche, qu'est-ce
que c'est qu~a?
Eh ben t quoi ? dit un ~utre. Tu ne
vois donc pas que c'est une vieille ac-
trice )
-r.. ~t~f~t~'
Cueilli dMS un journal bien in-
formé
< M. X. dont la santé était depuis
longtemps chancelante, vient de mou-
rir subitement. On prévoyait depuis
longtemps cet événement inattendu.
Un de nos amis 'annonçait dernière-
ment à son oncle, l'homme le plus mi-
santhrope et le plus grincbeux~de France
et de Savoie, la naissance d'un gros
garçon.
Un enfant superbe, mon oncle, et
d'une précocité phénoménale. Figurez-
vous qu'en venant au monde il avait
déjà une dent) 1
Ah ) dit l'oncle. Et contre qui ?
UN DOMtNO
UNE BOMBE
parée.
M.. Octale Mirbeau nous demande
l'insertion de la lettre suivante, qu'il a
adressée à M. Francis Magnard et à nos
confrères du matin.
Nous en laissons à l'auteur toute la
responsabilité.
Comme nous ne nous départissons ja-
mais de l'impartialité et de la. courtoisie
dans nos relations avec nos confrères, il
est bien entendu que nous publierons
toutes les pièces de l'aSaire.
A M.OtMtëMf .Ff~MCM .M'<~M~, f~acCM chef <%M FIGARO
Paris, le 29 octobre 1882.
Monsieur le rédacteur en chef,
Il y a quinze jours environ, dans votre
cabinet, nous causions de l'~tc~ a:
/Mt~e.'
Ah ) me dîtes-vous, ces cabotins com-
mencent à m'énerver. Ma parole! ils pren
nent tous les jours une importance plus
insupportable. It faut les éreinter. Et,
avec votre vibration, vous qui ne devez
pas les aimer, vous ferez très bien cet ar-
ticle.
.Votre proposition correspondait à ma
manière de voir. Comme vous, je n'aime
pas les comédiens; c'est une affaire de
goût. Je me chargeai de l'article.
Une indisposition m'ayant empêcha pen-
dant quelque temps de paraître au journa!,
vous m'écriviez la lettre suivante
Lundi.
Mon cher collaborateur,
Un mot de vous à Valter m'apprend que vous
allez mieux; j'en suis fort aise. Je crois que le
procès Mayer-Coquetin, qu'on ~plaide mardi,
donnera, de la saveur & votre article sur « lè Co-
médien o.
médien Très cordialement,
F. MAGNARD.
Le lendemain, autre lettre
Mardi soir.
Mon cher collaborateur, Mardi soir.
Vous savez que je compte Oi&aohfnte~ sur
vous pour demam soir mercredi. Toujours o le.
Comédien n'est-ce pas ? Vous avez dû réussir
cela.
Très cordialement,
F. MAGNARD.
L'article paraît. Vous n'étiez pas absent
du journal. Vous l'avez vu, corrigé, ap-
prouvé.
Mieux encore, le soir de l'apparition de
l'article, vous ne m'avez pas marchandé
vos félicitations.
Très bien bravo c'est votre meil-
leur ) Et puis quoi ? Ils crieront ? Le public
sera ravi Excellent
Te! est l'historique exact de notre article
le Comédien ·
Là-dessus, tapage énorme, 'discussions,
réunions, revendications, et provocations.
N'allez pas au Figaro, me dit un de
nos confrères, il y a un débordement de
comédiens. Laissez mol voir Magnard au-
paravant. Je vous tiendrai au courant.
Notre confrère va vous voir. Après vous
avoir vu
Tenez-vous tranquille, me dit-il. Vos
droits seront pleinement sauvegardés par
Magnard. Vous pouvez dormir sur vos
deux oreilles.
Le lendemain, je lisais dans le -Ft~-o
le désaveu de l'article publié dans le -Ft-
~o, l'idée première venait de vous, mon-
sieur le rédacteur en chef du Figaro. Ga-
lamment même, vous faisiez rejeter sur
moi seul toute la responsabilité.
Mon sentiment absolu, et le sentiment
dés hommes autorisés dont J'avais immé-
diatement pris conseil, était que ne de-
vais aucune espèce de réparation. Car, de
l'aveu unanime, il n'y avait aucune mé-
prise possible, en dépit de M. Vitu, sur le
caractère impersonnel, purement philoso-
phique et littéraire, de ma thèse.
C'est dans ces dispositions que hier sa-
medi, accompagné d'un de nos amis com-
muns, j'allai au Figaro porter ma démis-
sion.
Mais non, mais non, avez vous ob-
jecté. Vous avez jusqu'Ici très mal conduit
votre aifaire. Il ne vous reste qu'un
moyen d'en sortir. Mon petit, faut. vous
battre. a.
C'était le cadet da mes soucis. Et, lassé
de voir s'éterniser toutes ces discussions.
et contrairement à la ligne de cohdufte
tracée d'un commun accord en~e me~con
t seils et moi, j'admis le principe d'une re-
paration à accorder aux comédiens faisant
partie de l'Association des artistes drama-
tiques.
Une note, signée de moi, fut conçue dans
ce sens. A onze heures du soir, je venais
moi-même voir l'épreuve. Et alors, à tête
reposée, je pus spêciner que le comédien
auquel j'étais tout pr6t à accorder satis-
faction, au nom de tous, serait désigné
par le comité de l'Association. C'était plus
logique, plus précis, et c'était mon droit le
plus élémentaire.
ComBOe vous n'étiez pas là, je priai M.
Bataille de vous notiûer ce détail, et.
j'allai me coucher en attendant le -F'~M
du lendemain matin.
Or, le -Ft~o du lendemain matin, qui,
par l'organe de son rédactedr en chef,avait
collaboré à mon article (wo~ cher eo~6o-
~~M~, vous ne le nierez pas) qui l'avait
désavoué ensuite, qui voulait me faire
battre après, ne contenait rien du tout.
Eh bien monsieur Magnard, < mon cher
collaborateur', je reprends ma proposition,
je la maintiens et je la complète:
i° Vous recevrez demain la visite de deux
de mes amis, chargés de vous demander
réparation de la double injure que vous
m'avez faite en me désavouant, et en n'in-
sérant pas ma note destinée à clore l'inci-
dent.
2" il est entendu que je me tiens & la dis-
position de celui de MM. les comédiens
qui sera désigné, au nom de l'Association,
par le Comité même de l'Association des
artistes dramatiques, sous la présidence
de M. Halanzier.
Je vous connais assez, < mon cher colla-
borateur pour être assuré que vous n'hé-
siterez pas à vous tenir, comme moi, à la
disposition de ce même comédien, ou d'un
autre, si vous l'aimez mieux, puisque no-
tre responsabilité est égale dans cette
aventure, et que nous sommes deux com-
plices.
Recevez, monsieur, l'assurance de ma
parfaite considération.
0. MiRBEAU.
Bloc-Notes Parisien
MADAME LA MARQ!JfSE DE CASTELLANE
Cette idéale jeune femme, que le roman
envie à la réalité, et qui semble une figure
échappée de la suave collection de saintes
mondaines dont Jules Sand'eau est le pein-
tre attitré, a failli périr, l'autre jour, sur
le perron de son château de Rochecotte.
On sait que la marquise est la 'première
amazone de France. Seule, la duchesse
d'Uzès pourrait peut-être lui disputer le
prix. Mme de Castellahe, née Juigné, ado-
rée de tous ceux qui ont l'honneur de la
connaître, admirée de tous ceux qui la
voient, est, à proprement parler, la Ma-
done de la chasse. Je ne veux pas dire
d'une si parfaite chrétienne qu'elle est une
Diane. Il ne faut pas puiser, pour elle,'dans
le vocabulaire païen.
On avait amené devant le château
un fort beau pur-sang, sous poil gris
c'était la première fois qu'il allait être
monté en femme. La marquise se mit en
selle. Aussitôt, le cheval se cabre, se ren-
verse sur elle. il s'en est fallu d'un centi-
mètre ou deux que la blonde tête aux doux
yeux bleus ne fût brisée contre les marches
de pierre.
Touîe la journée et toute I~nuit, la mar-
quise de Castellane est restée sans con-
naissance. Puis, la vie a paru revenir. Ce-
pendant, le médecin deTours,qui ne quitte
pour ainsi dire pas le chevet de la blessée
depuis cet horible accident, demande en-
core deux jours avant de se prononcer.
On peut dire ~ue toute la Touraine et
tout l'Anjou forment des vœux et adres-
sent au ciel leurs prières pour le prompt
rétablissement de celle que le château et
la chaumière chérissent et respectent éga-
lement, car elle est la bienfaitrice de l'une
et le charme de l'autref
Toujours levée à six heures du matin,
commençant toutes ses journées par une
messe dévotement entendue dans la cha-
pelle de Rochecotte,où l'on admire une co-
pie renommée de la Vierge de Saint-Sixte
la première aux bonnes œuvres comme aux
belles chasses, cette jeune femme réalise °
en elle l'union des plus hautes vertus et
des plus élégantes allures. Elle a trois fils,
à l'éducation desquels elle préside avec sa
grâce pleine de dignité. Elle se plaît sur-
tout, dans cette historique demeure de Ro-
checotte, où l'entourent à la fois tant de
souvenirs et de portraits de famille et tant
de parentés, d'amitiés, de voisinages les
Chempschevrier, les Maillé, les Pontle-
voy, les Montesquieu, les Beaumont, les
Contades-Giseux, les Sesmaisons, les la
Bouillerie, etc., etc.
Au rez-de-chaussée du château, dans un
premier salon, voici, sous verre,, l'ëpée
d'honneur à poignée d'or, que la ville de
Lyon offrit au maréchal de Castellane, qui
semble garder ses décorations, semées au-
tour d'elle. Dans le grand salon, le portrait
de la jeune marquise la remplace en ce
moment, puisqu'elle est confinée dans
sa chambre; il fait pendant à celui de
sa belle-sœur, la princesse Galitzin et vis-
à-vis à celui de la marquise douairière de
Castellane, née TMleyrand-Périgord, celle
qui ajouta aux attraits et aux richesses de
la résidence une importante partie de la
collection des princes de Courlande, for-
mée surtout de maîtres hollandais du dix-
septième siècle.
C'est certainement une des belles de-
meures de France que Rochecotte, un des
spectmens significatifs de l'architecture du
dtx-septième siècle. Les bâtiments, sans
être tout à fait au sommet de la colline,
sont assez élevés pour jouir d'une vue
étendue sur la rive droite de la Loire, vers
laquelle descend le parc par des étages i
successifs d'arbres et de prairies. Tours
d un côté, Saumur de l'autre, forment les
deux points extrêmes du panorama que ]
1 œil p?ut embrasser. La station de Saint- ] 1
Patrice est en bas et fait, en quelque sorte, t
suite à Rochecotte, <
C'est l:i. ~ea ce moment sougr~ patiem. <
)~ent, douce~ enverslt mal, souriant même ]
au danger, cette jeune héroïne, âme de <
paladtn, trempée dans ~es eaux réconfor. 1
e
tantes de la foi. Sans doute la Providence
a voulu nous montrer qu'elle n'était pas
invulnérable, tout en étant le diamant
le plus rare. Mais elle ne vqudra pas
enlever pour longtemps à tout ce qui
1 aime et à tout ce qu'elle aime à ses pa-
tents, a ses amis, à ses pauvres, la châte-
laine de Rochecotte.
TOUT-PARtS
LHfSTORE DUN~ DÉCRET
t Mercredi dernier, 25 octobre, quel-
qu'un frappait au guichet derrière le-
c quel se tient l'employé chargé de rece-
voir les annonces du journal ? Monsieur, dit le visiteur, je viens
pour faire insérer quelques lignes con-
cernant ma maison.
Et, en même temps, il passait un papier
sur lequel l'employé jeta d'abord négli~
s gemment les yeux; puis &on attention
parut plus vivement soIlicitée.Ennn, s'a-
dressant à celui qui attondaitia réponse,
l'argent en main
Monsieur, je ne puis donner votre
annonce sans consulter l'administrateuï-
du j ournal. Veuillez me suivre.
Et le visiteur suivit l'employé auprès
de M. Simonnet, le P~c~o~e de la rédac-
tion.
M. Simonnet blêmit en lisant les quel-
ques lignes que lui soumettait l'em-
ployé, et, d'une voix assurôe.il prononça
( ces mots
Je ne puis prendre sur moi de faire
passer votre annonce, qui me semble
dangereuse. Je dois consulter le direc-
teur du C~M~oM.
Et le visiteur suivit cette fois l'admi-
nistrateur jusqu'au cabinet de M. Ar-
thur Meyer, le priant d'attendre dans
le salon.
Au bout d'un instant, le porteur du
mystérieux papier fut introduit dans le
cabinet de notre directeur.
C'est vous, monsieur C. Wide-
mann,qui nous demandez de publier ces
lignes?
Oui, monsieur.
Mais vous ignorez sans doute que
ce que vous demandez est impossible
Nous ne pouvons, sans tomber, –vous
d'abord, nous ensuite,– sous le coup de
la loi, accéder à votre désir. Vous exer-
cez un métier clandestin, et ce serait fo-
lie de notre part de mettre à notre qua-
trième page ces trois lignes
IWMAMîTf ?"°"s autres produits expIosiMes.
1~ 1 MÏI i Vente au C. Wi'demann,
i/iiUinmu clumiste, 57, rue au Maire, Paris.
C'est une erreur, répondit M. Wi-
demann rien ne vous empêcha de pu-
blier ces quelques mots. Je comprends
votre émotion à l'époque troublée où
nous rivons, pleine de menaces contre
la société, en présence des agissements
des compagnons anarchistes, il vous
semble prodigieux qu'on puisse tenir
fabrique et boutique ouvertes de dyna-
mite, de nitro-glycérine, de picrate de
potasse et autres matières explosibles
lorsque la poudre,- qui est si peu offen-
sive lorsqu'elle ne tue pas les hommes
mais sert simplement d'amusement à '`
ceux qui en veulent à la plume et au
poil, est soumise à une régie et ne
peut être fabriquée que sous le contrôle
de l'Etat; cependant cela est.
Vous en êtes .convaincu ? reprit M
Arthur Meyer.
-Absolument sûr.La dernière édition
du livre de Briant et Chandé, 2~M-~
chimie et de médecine ~~M, ne fait
mention d'aucune loi ayant trait à la
fabrication et à la vente des matières.
explosibtes que je vous ai citées tout à
l'heure. Et tenez, je vais vous dire la
vérité ce n'est pas tant pour la réclame
que je viens, que pour ouvrir les yeux a.
ces messieurs qui nous gouvernent II v
a deux jours, je dînais avec plusieurs
amis.parmi lesquels s'en trouvait un, em-
ployé supérieur du ministère de l'mté-
rieur. J'arrivai à parler des matières
.explosibles et de l'absence absolue de loi
régissant ce produit et les produits simi-
laires. Mnn ami repoussa mon afûrma-
tion de là une discussion qui se termina.
par un pan: il fat convenu que le fc~
rais insérer la réclame dans un grpnd
journal, qui, selon lui, larefuser~t et
au cas prévu de non-insertion, ie'de~
vrais payer un excellent dîner. à
charge de revanche si les faits me don~
naient raison. Voua savez maintenant le
grand service que nous pouvons rendre
vous plaît-il d'insérer mon annonce ?
Votre annonce passera demain, ré-
pliqua notre directeur.
Et, de fait, le lendemain elle passa, en
qu~rième.page a la date du 26-ctobrS
Mais ici l'histoire com~
menoe,
L'employé supérieur, en ouvrant le
G'aM~M, constata avec stupeur la perte
de son pan. Le ministre de l'intérieur
prévenu, ût venir M. Schnerb, directeur
de la sûreté générale, puis M. Cames-
casse. On tint conseil. Le premier mo~-
yement de ces messieurs, qui ignorent
les lois comme ils se vantent d'ignorer
la messe, fut de poursuivre le Can~M
et M. Widemann comme perturbateurs.
de 1 ordre public, voire de ies
arrêter tout comme M. Crié, av~c daR
menottes, quitte après à les relâcher
sans excuses pour la bévue commise.
Un se demanda si.
avant d opérer, il serait pas prudent
de consulter 19~ Peut-
~~Me de Ë~ ~~nn, ont tous les deux
raison. Bien leur en prit.
Au-BM~~M~a, néant en ça (mi
concerne la fabrication et la vent& de la
dynamite et autres engins anarchistes
né&nt, comme dans le casier judiciaire
de certains coquins habiles que lajus-
tjce n'a jamais pu attemdM.
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