Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-05-04
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 mai 1852 04 mai 1852
Description : 1852/05/04 (Numéro 125). 1852/05/04 (Numéro 125).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMERO 125.
Bll^JEAIIY : rue de Vmtoiâ (Palais-Royal), ni IO j
B
1852.-MARDI 4 MAI.
VKIX 0E t'ABOMUOT
PARlg....... 13 t. PAR TH1MESTBÏ.
DÉPARTEMENS. 16 ï. —
JN NUMÉRO : >0 CENTIMES.'
; root les pats frnuitGBM, m reporter
&n tableau qui sera publié dans le Journal,
les lo et 18 de ohaque mai».
Ut abonnement datent du i" «11$
d* chaque moi*.
S'adresser, tranco, pourra rédaction,'i. M! CoCBSTAVCtl&iairî,
te* articles déposes M sont pas rendusj
mm
9
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
O n l 'atone.
dam let département, aux Messageries et aux Directions d'poste.—A Londres, c /itx MM. CO f Uttt ensl I S 'adresser , franco^ pour l'administration} i Mï Dinain, directeur. !
— A Strasbourg, chez M. AjJSXANDRX, pour l'AMemaone. ÎLesannonoes sont reçutis au bureau du'journal; etchei M. PANÎS, régisse», to, place de la Bourse
PARIS, 3 MAI.
Les événemens de décembre 1881 ont
constaté une différence profonde dans l'é
tat moral des deux grandes divisions de
la France. Les provinces situées au nord
de la Loire ont toutes çonservé une tran
quillité profonde, et c'est à peine si çà
et là quelques mesures de précaution ont
été nécessaires pour assurer l'ordre plutôt que
pour le maintenir. Au sud de la Loire, les
actes du 2 décembre étaient accueillis com
me une délivrance inespérée par une grande
partie de la population, et en même temps,
comme pour justifier ces transports, les dé
sordres les plus graves éclataient sur un
grand nombre de points, l'autorité se voyait
méconnue et assaillie, et des faits odieuxs'ac-
; composaient. Dans la Provence enfin, l'insur-
reetionmettait au jour une organisation dès
•longtemps { réparée et affectaitdanssa marche
tous les caractères d'un gouvernement. Nous"
n'avons pas à rechercher aujourd'hui les eau-
sesquiavaientfavorisédans le midi de la Fian
ce les développemensdu socialisme, et qui y
avaient fortifié le parti dut. désordre; mais,
cette extension des doctrines anarchiques
dans une /parti» du territoire, lorsque-' le
reste de la France résistait à la contagion,
x appelait évidemment une enquête.
Les missions confiées au colonel Espinasse,
au général Canrobert et à M. Quentin Bau-
chart avaient pour objet cette enquête indis
pensable. Le rapport de M. Quentin Bau-
chart est moins explicite, quoique plus dé-
tail'é, que ceux de ses deux collègues. Il
constate néanmoins, par le chiffre des con
damnations qu'il a fallu maintenir, toute
l'étendue du mal. Il atteste, en outre, que
le socialisme ne désarme point encore ,
et qu'il attend des luttes des partis et
de l'imprévu des événemens un triomphe
sur lequel ses forces seules ne lui permet
tent plus de compter. j
M. Quentin Bauchart explique en quelle
formç il a procédé et comment il a appelé
.en quelque sorte tous les conseils et toutes
les sollicitations, afin d'agrandir la part faite
.à l'indulgence. Personne ne l'accusera d'a
voir accumulé les difficultés, et d'avoir
mis à de trop nombreuses et trop rudes i
conditions l'obtention d'un pardon com
plet Y et, i ce P er, dant, il a dû maintetjir
encore 1,643 condamnations à la transpor-
latiori. C'est à peine si', en tenant compte
des quatre mois de détention déjà subis par ■
les condamnés, il a pu gracier un cou-
pablé sur trois. Combien est grave une
situation où un homme impartial et com-,
palissant- ne croit pas pouvoir faire un
usage plus étendu du pouvoir illimité
-qu'il a de pardonner ! Que se serait-il donc
passé en France si l'on avait attendu ' 4852,
.et si les partis anarchiques,au lieu d'être pris
audépourvupar un gouvernement fort et
résolu, n'avaient eu affaire qu'à une Assem-
blée défaillante et à un pouvoir expiré ou
absent? A ce titre, le rapport de M. Quentin ^
Biuichàrt n'est pas moins utile, à lire que
«eux que nous avons déjà publiés.
CUCHEVAi-ClARIGNY.
Rapport de M. Quentin Bauchart
>——tfBHHUSCÉ^WlÉSIBENT »E LA BÊPUBLIQCE
Monseigneur,
Vous étiez convaincu que, malgré la né
cessité de frapper un grand nombre d'hom-
. mes égarés par de fatales influences, la jus
tice exceptionnelle ne s'était pas néanmoins
écartée des règles d'une haute impartialité ;
mais touché et de leur repentir et au son de
leurs familles, obéissantd'ailleurs aux géné
reuses inspirations de votre ame, vous avez
voulu, en usant de clémence, apporter
un nouvel élément à la pacification des
départemens soulevés un moment par la
guerre civile.
C était la digne inauguration de l'ère nou
velle dans laquelle la France allait entrer,
sous l'empire d'institutions fortes qui déjà
avaient fait sa grandeur. ■
Le 29 mars, en remettant aux grands corps
de l'Etat le" pouvoir dictatorial dont vous
n'aviez; usé que pour étouffer la guerre so
ciale et assurer le" repos du pays, vous ne
vous êtes réservé l'exercice de la toute-puis
sance que pour pardonner.
"Vous n'avez pas voulu de l'amnistie, cette
mesure exclusivement politique, moyen de
popularité fa cU e pour les gouvernemens,
mais qui ouvrfPaveuglément les portes des
prisons aux hommes qui se repentant et à
ceux que le châtiment n'a pas désarmés.
Des commissaires investis de pleins pou-,
voirs ont été choisis par vqus , pour visiter
en votre nom les prisonniers et mettre en
liberté ceux qui malgré leur culpabilité, au-
raieut mérite l'indulgence par la sincérité
de leur repentir.
Deux hommes éminens, dignes à tant de
titres de votre confiance, ont été désignés
pour être les interprètes de voire clémence
et vous m'avez fait l'honneur de m'associer
à leur mission.
J'ai maintenant à vous rendre compte des
mesures que j'ai cru devoir prescrire en vo
tre nom, et de la situation morale et politi
que des populations que j'ai visitées.
L'opinion dans tous les départemens était
manifestement à la clémence : je n'ai vu
d'hésitation que parmi les hommes connus
pourappartenir aux anciens partis. Les corps
constitués qui partout ont demandé à m è
tre présentés à titre d'hommage à votre
personne, ont approuvé très formellement le
but de ma mission; ils ont saisi avec em
pressement cette occasion de reproduire en
termes chaleureux les. adhésions écrites
qu'ils vous avaient précédemment adres
sées, et ils m r ont prié de vous reporter
l'expression de leur sympathie et de leur dé
voûment pour le gouvernement nouveau.
Les membres des différens clergés ont mis
surtout le plus vif empressement à solliciter
des remises d* .jâeines,' et, comme toujours,
tts ont" couvert dé leur" patronage sacra les
plus humbles et les plus pauvres.
Presque toutes les grâces que j'ai accor
dées m'avaient été demandées par eux ou
E*r les juges de paix, les nîiaires, les mem-
res des conseils municipaux ou par des
personnes notables.
Etendre sur le plus grand nombre d'indi
vidus possible les mesures de clémence, sans
diminuer en rien les garanties dues à la so
ciété et à votre gouvernement, qui seul en
e6t le représentant national et légitimé, t a été mon but Pour l'atteindre, je me suis
appuyé dans chaque département sur les
autorités administratives, ui'litairesou ju
diciaires qui avaient partagé les périls de
la lutte et la responsabilité de la répres
sion; j'ai examine, de concert avec les
membres des commissions mixtes et les
inspecteurs généraux de police, la situa
tion . de chaque condamné, .et je n'ai
1>ris aucune résolution sans avoir demandé
eur avis et obtenu leur assentiment, et
même lorsque très rarement un dissenti
ment s'élevait entre les membres de la com- :
mission mixte, j'inclinais le plus souvent,
par excès de prudence, pour le maihtièn de
la condamnation. •
Par les soiçs de cette commission, dont je ;
n'étais en quelque sorte que le président,
une liste préparatoire était dressée, sur la- '
Îuelle étaient portés seulement les noms des j
étenus que l'état des dossiers, examinés -
avec attention, présentait comme suscepti- 1
bles d'être gracies. '
J'ai eu soin dans chaque'département de
maintenir pour chaque commune,^théâtre
de désordres ou siège d'une société secrète,
les condamnations prononcées contre les in
dividus plus coupables, chefs du mouvç- •
ment ou président de la société. ■ • :
Ce premier triage fàit, je me transportais ;
| dans les prisons, accompagné du préfet, du
général au procureur de la République e* des
officiers dé gendarmerie de la localité. Pour
ajouter à la solennité, nous nous y rendions
tous en costume. Là, chaque détenu était
amené isolément devant nous; nous lui fai
sions connaître la condamnation qu'il avait
encourue, les motifs de cette condamnation
et la mission de clémence que je venais rem- »
plir en voire nom; nous sollicitions son
repentir, des aveux complets sur sa par
ticipation aux mouvemens'" insurrection
nels, ou son affiliation aux sociétés secrè
tes. Ses déclarations étaient contrôlées pàr -
les renseignemens fournis par l'instruc
tion judiciaire,-par le préfet et les effi- *
ciersde la gendarmerie qui m'assistaient;
et si son attitude était mauvaise, si les
réponses cachaient des réticences, s'il refu
sait de prendre l'engagement d'être fidèle à
votre gouvernement, il était réintégré dans
la prison. Si, au contraire, le repentir se
manifestait soit par la sincérité des révéla
tions, soit par lés larmes versées au souvenir
des égaremens passés, je lui faisais prêter
serment devant Dieu et devant les hommes
•« de ne plus faire partie des sociétés secrè-
» tes, de respecter les lois, et d'être fidèle à .
» votre personne, p
Je prévenais ces malheureux chez lesquels
le sentiment relrgieux, dans les départemens
du Midi, à conservé toute sa puissance,
que ce serment prêté au nom de Dieu, de
leurs familles, de leurs enfans, de tout ce
qu'ils avaient de plus sacré au monde, en
présence d'hommes qui ne cachaient ni
leurs visages*, ni leurs desseins, les dé
liait de l'imprécation impie que leur avaient
arrachée sur un poignard, dans l'ombre,
des hommes inconnus qui leur mettaient
un b mdeau sur les yeux, et les adjuraient
dé quitter leurs familles, père, mère, épou
se, enfansppour obéir au mot d'ordre de
la guerre civile.
Je leur faisais grâce en votre nom, après
leur avoir fait signer un engagement écrit,
lu à chacun d'eux, et conçu dans les termes !
suivans, uuiforme pour la plupart des dé
partemens que j'ai tra\ersés :
« Je, soussigné, déclare sur l'honneur ac
cepter avec reconnaissance la grâce qui
m'est faite parle prince Louis-Napoléon, et
m'engage à rie pli s faire partie des sociétés
secrètes, à respecter les lois et à être fidèle
au gouvernement que le pays s'est douné
par le vote des 20 et 21 décembre 4851. »
Il faudrait désespérer de l'humanité si leô
protestations qui m'ont été faites étaient
vaines,et il est pérmis de croire que les con
damnés graciés, sous le régime d institutions
forles et bienfaisantes, arriveront^ passer de
la crainte et du respect extérieur de la loi,
à l'apaisement, à la discipline vraie, à l 'air
fection même.
D'ailleurs aucun d'eux n'a étégracié d'une
manière complète; tous olit été renvoyés
sous la surveillance de la"police générale,
et, avant de les rendre à la liberté, an sauf-
conduit leur a été remis, portant la mention
^suivante : « Condamné à (la peine) par la
commission du département.au....; gracié
par le p/ince Louis-Napoléon , et renvoyé
sous la surveillance de la police générale. »
Une admonition sévère leur était adressée
pour leur faire comprendre les obligations
que cette surveillance leur impose, et pour
leur faire connaître que l'administration
avait, par la nouvelle législation, le droit et
le pouvoir de fixer la résidence des individus'
soumis à la surveillance et de frapper de la
transportation à Cayenne ceux qui, par deux
fois, auraient rompu leur ban.
Dans chaque département, j'ai invité les
préfets à adresser après 'mon départ soit
une"circulaire aux agens placés sous leurs
ordres, soit une proclamation aux" citoyens,
pour leur faire connaîtré m'a mission", les
résultats obtenus et les mesures prises pour
"éviter tout désordre : j'ai préféré leur laisser,
l'accomplissement de ce soin, pensant qu'en
les associant ainsi publiquement à mon œu
vre, non seulement je maintiendrais intacte
toute leur force morale, mais que je la gran
dirais, pour ainsi dire, • aux yeux des popu-,
lations et que je rassurerais ainsi les bons
citoyens. : -
Voici par département le compte-rendu
de mes travaux : "
Dans le département du Rhône, j'ai été
• assisté par MM. de Vincent, préfet; Gilar-
din, procureur-gcnéral^ Mellinet, général
de brigade, tous les trois membres' delà
Cflramissj,Oii mixte. Sur I43.d,étequs. 87 ont
éjjèiftriB ® n liberté. Il n'y à pas eu de mou
vement insurrectionnel dans ledépartement,
grâce à l'attitude décidée de l'armée et aux
mesures énergiques prises par les autorités
lors des événemens de décembre.'
Les individus condamnés par la commis
sion mixte étaient inculpés d'affiliation aux
sociétés sécrétés. Les honorables fonction
naires de ce département, qui se sont faits l.ës
auxiliaires de ma mission, ont pensé, que les
quatre' mois de détention subis par les indi
vidus jugés dignes d'être graciés, étaient
l'expiation suffisante de leur égarement, et
quel'on pouvait cioire à la sincérité de leur
repentir.
M. de Vincent, à mon retour à Lyon, m'a
proposé d'ajouter 1CT nouvelles grâces en fa
veur de condamnés à la transportation qui
s'étaient fait remarquerdans la prison parleur
bonne conduite. J'ai fait droit à sa demande.
Le nombre total des miseseu liberté pour ce
département es! donc de 97; reste un contin
gent de 46 condamnés à transporter.
Dins la Drôme, MM. FerJay. préfet;Lapè-
ne, général de brigade ; Pailland-Dumoulin,
i procureur de la République, tous les trois
membres de la commission mixte, m'ont
prêté le concours le plus assidu ; ils m'ont
accompagné à Valence, à Crest et à Monté-
limarl,où étaient détenus au. nombre de 420
.le s condamnés à la transportaiion. De concert
- ; Sv£çV|ixj'ai prononcé-l'elargiteemeritde 206
de et s condamnés. Depuis, line première liste
supplémentaire, contenant 5 propositions de
grâce, in'a été adressée par M. le préfet; j'ai
accordé ces S grâces, et, le lendemain de
sa mise en liberle , l'un des condamnés
libérés disputait au Rhône, au péril de sa
vie, un malheureux prêt à se noyer.
Lors de mon retour à Valence, M. Férlay,
de plus en plus satisfait de la conduite dès
condamnés que j'avais graciés, et touchédt s
sentimens de repentir exprimés p»r 12 dé
tenus condamnés à la transportation, m'a
proposé de leur faire grâce. J'ai déféré au
désir exprimé par cet honorable fonction
naire, au dévoûment éclairé duquel je me
plais ici à rendre hommage.
Il m'exprimait l'espoir d'être mis à même,
par l'amélioration progressive de l'état des
esprits dans son département, de faire bien
tôt au gouvernement des' propositions de
grâce eu faveur de 50 nouveaux détenus.
Le nombre total des mises en liberté pour
la Drôme est de 22 ». Reste un contingent.de
■ 195 condamnés à transporter."
J'ai été assisté dans le département de
Vaucluse par MM. Costa, préfet; Mâyran,
général de brigade, et R( yne, procureur de,
la République, tous trois membres de la
commission mixte. •
50 condamnés à la transportation à Cayen
ne ou en Algérie avaient déjà quitté la Fran
ce à mon arrivée à Avignon.
Sur 171 détenus, 87 ont été mis en liberté.
Depuis, des propositions supplémentaires,
faites par M. le préfet, ont porté le chiffre des
mises rfn liberté à 121.
Restent maintenues pour la répression, en
comptant les décisions exécutées, 100 con
damnations à la transportation.
La commission mixte de ce département
avait prononcé près de 300 internemens. •
Pour des oumers étal dis dans une ville
et y vivant d'une* industrie déterminée,
quelquefois locale, pour des paysans petits
propriétaires faisant valoir quelques par
celles de terre, l'internement est une peine
: plus sévère que la transportation. La leur
infliger, c'est les condamner à la misère et à
l'oisiveté,loin de l'influence moralisatrice de
la famille. Pour les faire vivre, il a fallu pré
lever'des gommes déjà considérables sur les
fon'ds "des bureaux de bienfaisance, ou sur
les fonds de secours mis à la disposition des
autorités préfectorales. ; • '
• Le transporté'travaille pour l'Etat qui le
nourrit et lui accorde, quand il se conduit
; bieti, ilrte co'ncessfon de terre à cultiver à
titre précaire.
L'internement n'est donc une peine infé
rieure à la transportation que pour les in-
uividus jouissant de quelque aisance.
J 'ai dû lever, sur la demande des autori
tés mêmes du département de Vaucluse, 237
internemens prononcés contre des ouvriers
ou artisans.
Dans les Bouches-du-Rhône, MM. de
Suleau, préfet; Hecquet, général de divi
sion; Darbon, juge suppléant, chargé de
l'instruction des procédures politiques, et
Sylvain Blot, inspecteur-général de police,
m'ont prêté leur concours.
Sur. 104 condamnés à la transportation, 31
ont été graciés.
Ces malheureux étaient au château d'If;
au moment de leur embarquement, les con
damnés à l'égard desquels les décisions de la
coinmjssion mixte avaient été maintenues,
saluèrent leur départ du cri de Vive la Ré
publique! Les détenus graciés répondirent
par le cri de vive Napoléon ! plusieurs fois
répété. En débarquant au rivage, ils firent
entendre encore les mêmes acclamations.
Le nombre total des mises en liberté,
pour ce département, a été porté à 46, par
suite des diverses propositionssupplénu ntaî"r
res émanées de M. le préfet. Restent mainte
nues pour la répression, 58 condamuations
à la transportatioir.--
Neuf internemens ont, en outre, été levés.
Dans le Var, MM. Anglès, secrétaire géné
ral de la préfecture, faisant fonction de pré
fet en l'absence de M. Pastoureau eu congé;
Levaillant, général de brigade; Bigorie, pro
cureur de la République à Draguignan; Ro
que, procureur de la République a Toulon;
ae Li?a, sous-préfet de Toulon, et Sylvain
Blot, inspecteur général de police, m'ont as
sisté daus mes diverses opérations.
La commission mixte avait prononcé 783
condamnations à la transporlation*en Algé
rie, dont 69 contre des contumaces; 241 con-,
damnés étaient déjà transportés lors de mon"
arrivée à Toulon.
Après avoir examiné la situation des 473
détenus restans, j'ai piononcé l'élargissement
de 293 d'entre eux.
J'ai relevé de l'ex'.l 209 expulsés sur 335,
et, à la prière dès autorités, j'ai, par les mê
mes raisons ' que dans le département de
Vaucluse, levé 505 internemens sur 513. De
puis mon départ, ii nouvelles grâces ont
été arcordéPS~atrrdéîenTïsdëce département
sur la proposition de MM. Anglès et de Liza.
Le nombre total des mises en liberté pour
le Var est donc de 307 ; restent maintenues
pour la répression 490 condamnations à la
transportation'et 126 à l'expulsion.
M. de Bouville, préfet des Basses-Alpes,
est venu, sur ma demande, me prêter son
concours à Toulon, où étaient réunis, les de-
tenus de son département. «,
La commission mixte des Bssses-Alpes
avait prononcé 935 condamnations à la
transportation èn Algérie, 110 contre des
contumaces.
Sur 865 détenus, 425 ont été rendus à la
liberté. Eu quittant le fort Lamalgue et le
ponton h Généreux , les libérés ont fait en
tendra comme à Marseille, des cris de :
vive l'Empereur ! vive Napoléon ! mille fois
répétés, témoignage touchant de reconnais
sance pour le prince dont la clémence les
rendait à leurs familles et à la liberté.
Depuis j'ai signé une,liste supplémentaire
de 10. nouveilfts grâces que m'avait propo
sées M. le préfet ; le nombre total des mises
en liberté est doue de 435, restent mainte
nues pour la répression 540 condamnations
à la transportation. -
Les détenus dès départemens de Saône-et-
Loire, du Doubs et du Jura étaient concen
trés au lazaret de Marseille pour'être em
barqués pour l'Algérie.
- Le préfet de Sndue-et-Loire, M. de Ro
mand, -est venu dans cette ville pour m'as-
sister avec autant de dévoûment que d'in
telligence dans l'accomplissement de ma
mission. Sur 120 condamnés à la trans
portation, 37 ont été mis en liberté.
Des propositions de grâces supplémentai
res émanées de cet honorable fonctionnaire
ont porté le nombre des libérations a 42.
Reste pour la répression un contingent de
78 transportés. ' , .
La commission mixte du département du
Doubs avait prononcé 21 condamnations à
la transportation; j'ai fait remise de leur
peine à 6 détenus.-
• Pour le Jura, M. le préfet de Chambrun a
mis, lui aussi, le plus louable empresse
ment à se'rendre à Marseille sur mon invi
tation. Sur 70 condamnés à la transporta
tion par la commission mixte de ce dépar
tement, 16 seulement ont pu être graciés; En
présence du petit nombre de condamnations
prononcées dans un département théâtre de
désordres dont s'est émue la France entière;
j'ai dû me montrer-plus sévère. La commis
sion mixte de ce département avait prévenu;
Monseigneur, les généreuses inspirations de
votre cœur, et l'on ue saurait donner assez
d'éloges à ses efforts couronnés du succès le
plus éclatant; la sécurité publiaue n'a pas
été, en effet, un seul instant troublée depuis
les mises en liberté prononcées par elle,. .
nombre des. transportés en Algérie,
pour ce département, n'est plus que de 54.
Dans le Gard, j'ai été assisté par MM. Syl
vain Blot, inspecteur général de poliçe ; Ba-
ragnon, faisant fonctions de préfet ; Tliou-
rel, procureur-général; le général de Lussy;
Lapierre, président.de chambre.
Sur 123 détenus, 45 ont été mis en li
berté.
Uue liste supplémentaire proposés depuis
mon départ par les membres de la commis-"
sion mixte, a porté ce nombre à 49; n stenï
maintenues pour la répression 77 con
damnations à la transportation. 9 contuma
ces ont en outre été graciés.
MM. de Saulxure, préfet de l'-Ardèche; Du-
berne, général de brigade, et.Doudin, subs
titut, tous les trois mt mbres de la commis
sion mixte, m'ont prêté leur concours pour
le département de l'Ardèche.
Sur 98 détenus condamnés à la transpor
tation eu Algérie, 33 ont été mis en liberté,
63 internemens ont été leves*
U ot
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 4 MAI.
REVUE MUSICALE. *
"**. • s •
LE .Ilîir-EURAIVr,
' . . OPÉIU S» CINQ ACTES , •
Paroles de MM. SCRIBE et DE SAINT-GEORGES;
Musique de 9f. UAli^VY;.
D^çorations dfi MM. Nolo et Mubii, Sécha» eXDiéterle,
Oambon, Thierry, Desplechin;
• DirerUssemens. de m . mw-ttoi.
- J'essaierai dé raconter en très peu de mots
£t avec autant de clarté que de brièveté, si
«ela m'est possible, la donnée ët les situations
principales du Juif-Errant, pour aborder
tout de.ïuite l'analyse étendue et conscien
cieuse de Ja nouvelle partitioa.de M. Haléry.
J'arrive cette lois le dernier,contre mon ha
bitude, êt j'ai lu avec attention tout cé
qui a été écrit sur ce grand ouvrage que l'O
péra vient démonter .avec, une splendeur et
une magnificence inouïes. J'aurai donc sur
mes confrères le double avantage dè pouvoir
profiter de leurs lumières.et de p.ouvoir.par-
;lerdes autres représentations, toutes plus,
remarquables que la première, grâce,.au jeu
plus rapide des machines, à la plus graode
assurance des artistes, et à quelques adpits
sacrifices que les auteurs se sont imposes.
• Là difficulté du sujet qu'ils entreprenaient
d#:traiter »'a pa$ échappé A l'experience et
à-l 'h3bileté de MM. .Scribe et Saint-Georges.
Us ent compris qu'il fallait restreindre et
borner â une seule épuque cette immense
épopée, et relier.le personnage isolé et-sym
bolique d'Ahasvérus à une action d^termi-
«rèe. Le théâtre a ses limites et ses règles
qu'on ne saurait franchir ni violer sans tom
ber dans l'absurde. Us wt donc supposé,
comme c'était leur droit, qjjè cet homme,
éternellement poursuivi par la malédiction
de Dieu, souffre non-seulement de sou âup-
ipïice, mais qu'il gouffre.plus cruellement
encore par les malUeurs de sa race erran
ce et proscrite qu'il ne . peut ni . consoler
nii secourir, ayant sans cesse aji^ mps l'é-
pée; de l'ange vengeur. Une fois cette jdée
admise, voici le parti que les auteurs eu mt
tiré;..:..' ■
Au du Xll" sièclea«v environs d'Anve^rs, bandits vienuent
de t»er Ja ■ {emt$e ' de l'empex^r jBeaudoin,
et «Kit sur le point d'égorger sa ÛJAe, fâép
-de dix ans à peine, lorsque le Juif paraît,
met les meurtriers en déroute, prend sous
sa protection l'enfant, et la confie à la bate
lière Tbéodora, autre rejeton de sa race, qui
vit sur les bords de l'Escaut, 1 avec un jeune
frère nommé Léon.
Théodora élèye pieusement la fille dé
Beaudoin, comme sa propre sœur. Elle vient
d'apprendre les revers .et la mort de l'empe
reur ; elle se réfugie dans une retraite inac
cessible , au pied du mont Hérons, et y
veille à l'éducation de Léon et d'Irène. Les
enfans grandissent dans l'innocence et dans
l'abandon d'une mutuelle tendresse; mais le
cœur de Léon se révolte et se trouble ; il
«'ose point s'avouer ce qu'il éprouve. Théo
dora, qui a surpris soo secret, touchée de sa
douleur, s't-'mpresse de,le rassurer ep partie.
Léon n'est point le frère d'Irène ; mais si les
liens du sang ne s'opposent plus à la passion
qu'il à conçue pour la jeune fille, des obsta
cles presque,aussi insurmontables lui défen
dent d'y songer. Au moment où Léon cher
che à péaélrer ce nouveau mystère, Irène
est enlevée par les,bandits du premier acte,
qui, changeant de commerce et d'habit, de
brigands sont devenus marchands d'esclaves
ç.t pourvoyeurs du sérail,
• Le successeur probable de Beaudoin, le
futur empereur Nicéphorr*, assiste, sur une
Iilace de Thessalonique, aux réjouissances de
a Sa i ut-Jean. Des chan ts d'allégresse ' s'élè
vent jusqu'aux nues, des feux de joie sont
9llU!çés sur tous les points ; si l'on pouvait
y griller qpejque juif,Ji fête serait com
plète. Les ravisseurs d'Irène offreut cette
idéale beauté, la fleur de Ipur marchandise,
à l'héritier présomptif de l'empiré. C'est en
vain, qu'elle se défend par ses larmes, par
son innocence A par sa pudeur, Nicéph'ore,
eaflanimé d'une passion soudaine et br utale,
étend déjà le bras sur sa proie, Ionique le
Juif, apparaissant toutà coup, révèle au peu
ple assemblé que cttte jeune fille qu'on veut
traîner pomme yi)e esclave, est la légitime
héritière du trône d'Orient, }a fjlle de l'em
pereur Beaudoin. Sommé de fourni r les preu
ves d'une aussi étrange assertion, Ahasvérus
accepte le jugementde Dieu. Il est jeté dans
les flammes. Mais lé bûcher s'éteint,, le peu
ple crie au n2>r$cje ; et Irène est proclamée
impératrice. ,
. Dans sa nouvelle grandeur, frèae a'& qu'une
pensée, c'est d r embrasser 'l'héodora.et Léon,
(!gs deux compagnons chéris de son enfance;
Ses gflijhsifs ne tardent pas à,être accom
plis. TJïÊOdors. Jtp Léon viennent demander
justiceà l'impératnée" coairalpp bandits qui
ont enlevé leur sœur, Ipène ôtë alors son
voile et se fait connaître. Théodora. est au
comble de la joie, mais le désespoir de Léon
n'a point de bornes, d'autant plus que les
grands de l'empire, le sénat, le peuple et jus
qu'à Thçodora elle-même, pressent la jeune
impératrice d'épouser Nicéphore. Irène, n'é
coutant que son cœur, saisit vivement la
couronne, la met sur sa tête, et d'un regard
fait comprendre à Léon que son amour est *
partagé.
L'entrevue des deux amans a lieu datis
l'oratoire d'Irène. Nicéphore , caché par
une tapisserie,assiste invisible à cette scène,
et confie sa vçngeanco à des sicaires qui lui
promettent de le débjrrasser promptement
de son rival. Ën effet, lés bandits atteignent
Léon près d'un temple en ruine. Nul secours
humain ne peut arracher le jeune homme à
sa perte. Mais le Juif apparaît encore, heu
reux pour la première l'ois depuis tant de
siècles, de ce châtiment de Dieu qui le rend
invulnérable et immortel, llpourraau moins
protéger la victime et lui l'aire un rempart
de son. corps où l'acier s'émousse, où les la
mes se brisent. Hélas ! .il à oublié l'ange im
placable qui, l'épée flamboyante à la main,
le force à reprendre sa marche et à livrer
Léon aux ass issins. 1
Percé au flanc d'un coup de poignard,
précipité,du.ljaut d'un rocher dans la mer,
Léon se retrouve frais et dispos entra les bras
de Théodora et d'Irène. On voit.bien qu'il est
de la famille du Juil'-Errant. L'acier ne mord
pas sur ses chairs; le flot, loin de l'englou
tir, le porte mollement sur la grève. Ahas
vérus est près de lui. Eclairé par une lueur
prophétique, il entrevoit les destinées de sa
race. Le peuplera renversé Nicéphore. Désor
mais, Léon et Irène peuvent régner paisible
ment sur le irfjue d'Orient. Le Juif 8 à qui
Dieu parait enfin" pardonner, pourrait s'é
crier, comme Siméon ; Nuncdiraittis. En ef
fet, sa paupière se ferme. Il eroit enfin que la
mort, si souvent invoquée, a pitié de lui, que
le monde est fini, que l'éternité commence. ~
La trompette du jugement dernier retentit
à son oreille, les tombeaux s'ouvrent^ la sé-
parafjpn des justes et des réprouves s'ac
complit, seloh les prophéties et avec toute
la grandeur apocalyptique. Mais le Juif n'a
fait que rêver. L'inexorable voix de l'ange
lui crie de se remettre en marche : l'infor
tuné se relève avec une morne résignation,
et ferçrjsnd sa pérégrination éternelle.
Voilà le drame et voilà l'intrigue. J1 irçe
semble que, dégagée des détails qui ne fe
raient qu'obscurcir le récit, la Table est assez
claire et aisée à retenir. Dans cette série de
tableaux évidemment destinés par les au-
feuro à frapper l'imagination du public, dans
celte prog'resslon.'rapi^e i'évjfûemenà, de •
catastrophes et de surprises, les personna
ges n'ont guère le temps' de se poser, de se
faire connaître, d'échanger de longues ex
plications ; à peine s'est-on pris de piiié ou
d'affection pour l'un d'eux, il faut qu'il dis
paraisse,emporté par un lourbillon, par une
Lrëtàbe. On dirait que tout le drame subitla
loi du protagoniste ét obéit à ce cri fatal qui
ne lui permet point de' s'arrêter. L'intérêt
d'une œuvre pareille, indépendant de chaque
personnage, 1 ne peut résulter que de l'en
semble et de la grandeur du spectacle; ce ne
peut être qu'un intérêt de curiosité, d'éton-
neirlent, de terreur.Tel qu'il est, néanmoins,
ce poème, et à quelque point de vue qu'on
veuille le juger, on ne peut nier qu'il ren
ferme un grand nombre de situations musi
cales, et qu'il offre le phamp le plus vaste et
le plus varié à l'imagination et à la science
du, compositeur. •
M. Halévy est dans toute la force de l'âge
et dataient. Après avoir doté le théâtre de
nombreux chefs-d'œuvre, il est afrivp 4 ce
point culminant oit l'artiste ; est vraiment
maître de son art. Aujourd'hui, M. Halévy
peut se tromper, le génie de l'homme n'est
pas infaillible ; mais, s'il se trompe, c'est de
parti pris et en parfaite connaissance de
cause. Il sait ce qu'il doit faire, et il ne fait
que ce qu'i} veut. L'instrument ne peut
plus lui tourner dans la nwiri. S'il risqué
un effet nouveau, c'est qu'il lui convient
de le risquer, il en connaît la portée et
le .danger. La science n'a plus ae secrets
pour lui ; tous les procèdes de style lui
sont familiers ; les combinaisons harmo
niques les plus difficiles et les plus com
pliquées pe sont, i our ce gfand ipaifre,
qu'qn JPU çl'enfaqt. partition nouvelle se
fait surtout remarquer par la richesse et l'é
lévation des idées, par la hardiesse et la nou
veauté des conceptions, par la pureté t't l'é
légance des mélodies, enfin par cette exécu
tion savante et magistrale qui rend la pensée
dans toute sa vigueur et dans tout son éejat.
On a reproché à M. Halévy l'pmplpi trop
fréquent fie§ cuivres et. VM cer^iîi àbos
de sonorité. En musique comme en pein
turé, deux écoles sont erf présence : le.s
idéalistes et les coloristes. Je n'ai pas le temps
de discuter ici cette question ; mais, à quel
que avis qu'on se range, il est évi^efit q\je lp
plu? ou moins d'intensité de soi] n'ote rien
q k yajeur (Jes idééè. Ainsi ,pafèiernple, deg
personnes ont manifesté le aésir que M. Ha
lévy réservât pour le tableau du jugement
dernier les nouveaux sax-horns, dont l'effet
est réellement formidable. En supposant
que M. Halévy veuille se priver de fie sur-
droit cfe sonotù'lé, à la fin cFu troisième acte,
sa marche n'en resterait pas moins telle que
le compositeur l'a écrite, c'est-à-dire qu'elle
n'y perdrait ai n'y gagnerait rien comme
valeur musicale. Ou M. Halévy a des idées
ou il n'en a pas ; s'il a des idées, un peu plus,
un peu moins de trompettes ne nuiront ni
ne serviront beaucoup à sa renommée.
Pour citer les beautés nombreuses que
renftrme la musique du Juif-Errant, il me
faudrait presque écrire autant de mot? que
la partition contient de notes. Je prie donc
le |ectèur de m'accorder toute sa bienveil
lance, et de me pardonner le langage aride
et technique que je suis forcé d'employer,
car il s'agit d'apprécier sérieusement uue
œuvre sérieuse, ét la fantaisie ne serait point
de mise avec un maître tel que M. Halévy. Le
premier acte s'ouvre par une petite introduc
tion instrumentale eu la mineur et à quatre
temps, qui exprime la fatigue et la douleur
d'un homme qui marcherait accablé et brisé
sous un poids trop lourd popr ses forces. On
y a TU une qllusiqn à la marche pénible et
chancelante du Juif-Errant. Je crois plutôt
3ué, dans le dessein de l'auteur, cette intro- ■
uction, qui fait partie de son ouverture, se
rapporte à la marche haletanteetdouloureu-
se du Christ, lorsque le divin Sauveur,
ployant sous sa croix, fût apostrophé par le
Jtpi' ayep tant de dureté.
Après l'introduction, l'orchestre annonce
par un mouvement 3/8 en la majeur, la
joyeuse et bruyante kermesse qui se déplQte
sur. la sjène. Un chœur très animé et très
brillant précède un second chœur de marius
eti mi majeur, d'une allure franche et hiftn
açcenipée. La ball^dè de Théodora, en rni
anpeqr, est précédée à son tour d'une ri-,
tôurnelle exécutée par les cors, les bassons !
et les clarinettes. Le basson introduit pour
la première fois dans cette ritournelle une
phrase mystérieuse et som^e qui se résout
d'une manière imprévue et qui sç reproduit
sqvjs aspects à çl^aque apparition du
.Juif. Jl faut Remarquer îmssi sous ces mots ■
Pendant un quart d'heure,
■ C'fist l'arrçt de Dieu, ■
A peine il demeure
Dans le même iieu,
un effet «P et 4? cetntre-hasse, qui se
fô.i^t en.te^dfè à intervalles inégaux, et sem-
tîlènt exprimer le souffle mystérieux, 1,'irré-
sjstihle ouragan qui emporte Ahasvérus, et
enfin le cri final : Marche, marcfie toujours.
La ballade est supérieurement change par
Mme Tedesco, qui descend ç5'uae voix éga
le et jiéiiétra^e depuis 'le sol dièz». aigu
jusqu'au si grave. L'orchestre attaque en-
Isuité une ritournelle dialoguée entre )e§.
violons, les altos et les violoncelles, à la
quelle se mêle le bruit éloigné d'une clo
che qui annonce l'an ivée de la garde de nuit.
Le motif du couvre-feu se dessine au -dessus
d'une gamme de trombonne très piano, qui <
peint merveilleusement cette impression de
vague frayeur qu'on éprouve la nuit dans un
l'eu désert. Après le premier solo, lorsque le
chœur intervient, le motif du chant princi
pal est reproduit à deux reprises par les bas
sons d'une manière originale et inattendue.
Merly a fort bien dit ce solo. Pendant qu'il
prononce ces paroles : .
Aux pied.î seuls de la Vierge
Nous permettons un cierge,
deux notes obstinées fa, sol, exécutées par
le violoncelle,semblent inviter au repos .Nous
voici à l'entrée du Juif. Une ritournelle en
la mineur débute par un trémolo de con
trebasses suivi d'un pizzicato d'un effet som
bre et orageux; Ahasvérus entre au bruit du
tonnerre et à la lueur des éclairs, tandis
que les basses attaquent fortement la phra
se que les bassons avaient déjà indiquée.
La ritournelle se termine par le même piz
zicato, qui va toujours en s'éteignant, et
les aecpns sinistres de la clarinette basse
lui donnent un caractère tout-à-fait fan
tastique. Le chœur des malandrins en ut
mineur se fait remarquer par une mélodie"
heurtée et çaecadée, qui paraît fort bien.con
venir à des brigands-virtuoses, et par des
oppositions parfaitement ménagées. Sur ces
mots d'Ahasvérus r Je sens trenibler la terre+
on est frappé par une entrée de trombones ;
et de contrebasses qui rend fort bien le sens
des paroles et delà situation. La romance ;
d'Ahasvérus en sol: Afil sur ton front de rose, >
est empreinte d'un caractère de douceur ei
de mélancolie. A cette romance, succède uà
fort beau duoen fa mineur, qui estlo mor- <
ceau capital de ce premier acte. Tout le mon-
àe a remarqué la couleur sombre et la tris
tesse profonde de cette phrase : .
Rien ne sa?pend des heuFes.
L'impitoyable cours.
pendant toute la durée du chant d'Ahas
vérus, les cors, les basses, les clarinettes J
n'exécutent quo la tenue d'un accord de fa '
mineur, qui" peint l'immobilité du temps*
par rapport au Juif, et quelle que soit lâ
con texture et la variété de Ja phrase vocale,
cette tenue persiste avec une égalité et une
l&utôur désespérante. Sous ces mots : L'é
clair rayonne, la foudre tonne, le maître à .
placé une gamme ohromatiquè exécutée par,
les violons depuis le sol de la quatrième cor- '
de jusqu'au mi bémol aigu. Enfin, comme
un heureux contraste, à l'explosion violente
Bll^JEAIIY : rue de Vmtoiâ (Palais-Royal), ni IO j
B
1852.-MARDI 4 MAI.
VKIX 0E t'ABOMUOT
PARlg....... 13 t. PAR TH1MESTBÏ.
DÉPARTEMENS. 16 ï. —
JN NUMÉRO : >0 CENTIMES.'
; root les pats frnuitGBM, m reporter
&n tableau qui sera publié dans le Journal,
les lo et 18 de ohaque mai».
Ut abonnement datent du i" «11$
d* chaque moi*.
S'adresser, tranco, pourra rédaction,'i. M! CoCBSTAVCtl&iairî,
te* articles déposes M sont pas rendusj
mm
9
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
O n l 'atone.
dam let département, aux Messageries et aux Directions d'poste.—A Londres, c /itx MM. CO f Uttt ensl I S 'adresser , franco^ pour l'administration} i Mï Dinain, directeur. !
— A Strasbourg, chez M. AjJSXANDRX, pour l'AMemaone. ÎLesannonoes sont reçutis au bureau du'journal; etchei M. PANÎS, régisse», to, place de la Bourse
PARIS, 3 MAI.
Les événemens de décembre 1881 ont
constaté une différence profonde dans l'é
tat moral des deux grandes divisions de
la France. Les provinces situées au nord
de la Loire ont toutes çonservé une tran
quillité profonde, et c'est à peine si çà
et là quelques mesures de précaution ont
été nécessaires pour assurer l'ordre plutôt que
pour le maintenir. Au sud de la Loire, les
actes du 2 décembre étaient accueillis com
me une délivrance inespérée par une grande
partie de la population, et en même temps,
comme pour justifier ces transports, les dé
sordres les plus graves éclataient sur un
grand nombre de points, l'autorité se voyait
méconnue et assaillie, et des faits odieuxs'ac-
; composaient. Dans la Provence enfin, l'insur-
reetionmettait au jour une organisation dès
•longtemps { réparée et affectaitdanssa marche
tous les caractères d'un gouvernement. Nous"
n'avons pas à rechercher aujourd'hui les eau-
sesquiavaientfavorisédans le midi de la Fian
ce les développemensdu socialisme, et qui y
avaient fortifié le parti dut. désordre; mais,
cette extension des doctrines anarchiques
dans une /parti» du territoire, lorsque-' le
reste de la France résistait à la contagion,
x appelait évidemment une enquête.
Les missions confiées au colonel Espinasse,
au général Canrobert et à M. Quentin Bau-
chart avaient pour objet cette enquête indis
pensable. Le rapport de M. Quentin Bau-
chart est moins explicite, quoique plus dé-
tail'é, que ceux de ses deux collègues. Il
constate néanmoins, par le chiffre des con
damnations qu'il a fallu maintenir, toute
l'étendue du mal. Il atteste, en outre, que
le socialisme ne désarme point encore ,
et qu'il attend des luttes des partis et
de l'imprévu des événemens un triomphe
sur lequel ses forces seules ne lui permet
tent plus de compter. j
M. Quentin Bauchart explique en quelle
formç il a procédé et comment il a appelé
.en quelque sorte tous les conseils et toutes
les sollicitations, afin d'agrandir la part faite
.à l'indulgence. Personne ne l'accusera d'a
voir accumulé les difficultés, et d'avoir
mis à de trop nombreuses et trop rudes i
conditions l'obtention d'un pardon com
plet Y et, i ce P er, dant, il a dû maintetjir
encore 1,643 condamnations à la transpor-
latiori. C'est à peine si', en tenant compte
des quatre mois de détention déjà subis par ■
les condamnés, il a pu gracier un cou-
pablé sur trois. Combien est grave une
situation où un homme impartial et com-,
palissant- ne croit pas pouvoir faire un
usage plus étendu du pouvoir illimité
-qu'il a de pardonner ! Que se serait-il donc
passé en France si l'on avait attendu ' 4852,
.et si les partis anarchiques,au lieu d'être pris
audépourvupar un gouvernement fort et
résolu, n'avaient eu affaire qu'à une Assem-
blée défaillante et à un pouvoir expiré ou
absent? A ce titre, le rapport de M. Quentin ^
Biuichàrt n'est pas moins utile, à lire que
«eux que nous avons déjà publiés.
CUCHEVAi-ClARIGNY.
Rapport de M. Quentin Bauchart
>——tfBHHUSCÉ^WlÉSIBENT »E LA BÊPUBLIQCE
Monseigneur,
Vous étiez convaincu que, malgré la né
cessité de frapper un grand nombre d'hom-
. mes égarés par de fatales influences, la jus
tice exceptionnelle ne s'était pas néanmoins
écartée des règles d'une haute impartialité ;
mais touché et de leur repentir et au son de
leurs familles, obéissantd'ailleurs aux géné
reuses inspirations de votre ame, vous avez
voulu, en usant de clémence, apporter
un nouvel élément à la pacification des
départemens soulevés un moment par la
guerre civile.
C était la digne inauguration de l'ère nou
velle dans laquelle la France allait entrer,
sous l'empire d'institutions fortes qui déjà
avaient fait sa grandeur. ■
Le 29 mars, en remettant aux grands corps
de l'Etat le" pouvoir dictatorial dont vous
n'aviez; usé que pour étouffer la guerre so
ciale et assurer le" repos du pays, vous ne
vous êtes réservé l'exercice de la toute-puis
sance que pour pardonner.
"Vous n'avez pas voulu de l'amnistie, cette
mesure exclusivement politique, moyen de
popularité fa cU e pour les gouvernemens,
mais qui ouvrfPaveuglément les portes des
prisons aux hommes qui se repentant et à
ceux que le châtiment n'a pas désarmés.
Des commissaires investis de pleins pou-,
voirs ont été choisis par vqus , pour visiter
en votre nom les prisonniers et mettre en
liberté ceux qui malgré leur culpabilité, au-
raieut mérite l'indulgence par la sincérité
de leur repentir.
Deux hommes éminens, dignes à tant de
titres de votre confiance, ont été désignés
pour être les interprètes de voire clémence
et vous m'avez fait l'honneur de m'associer
à leur mission.
J'ai maintenant à vous rendre compte des
mesures que j'ai cru devoir prescrire en vo
tre nom, et de la situation morale et politi
que des populations que j'ai visitées.
L'opinion dans tous les départemens était
manifestement à la clémence : je n'ai vu
d'hésitation que parmi les hommes connus
pourappartenir aux anciens partis. Les corps
constitués qui partout ont demandé à m è
tre présentés à titre d'hommage à votre
personne, ont approuvé très formellement le
but de ma mission; ils ont saisi avec em
pressement cette occasion de reproduire en
termes chaleureux les. adhésions écrites
qu'ils vous avaient précédemment adres
sées, et ils m r ont prié de vous reporter
l'expression de leur sympathie et de leur dé
voûment pour le gouvernement nouveau.
Les membres des différens clergés ont mis
surtout le plus vif empressement à solliciter
des remises d* .jâeines,' et, comme toujours,
tts ont" couvert dé leur" patronage sacra les
plus humbles et les plus pauvres.
Presque toutes les grâces que j'ai accor
dées m'avaient été demandées par eux ou
E*r les juges de paix, les nîiaires, les mem-
res des conseils municipaux ou par des
personnes notables.
Etendre sur le plus grand nombre d'indi
vidus possible les mesures de clémence, sans
diminuer en rien les garanties dues à la so
ciété et à votre gouvernement, qui seul en
e6t le représentant national et légitimé, t
appuyé dans chaque département sur les
autorités administratives, ui'litairesou ju
diciaires qui avaient partagé les périls de
la lutte et la responsabilité de la répres
sion; j'ai examine, de concert avec les
membres des commissions mixtes et les
inspecteurs généraux de police, la situa
tion . de chaque condamné, .et je n'ai
1>ris aucune résolution sans avoir demandé
eur avis et obtenu leur assentiment, et
même lorsque très rarement un dissenti
ment s'élevait entre les membres de la com- :
mission mixte, j'inclinais le plus souvent,
par excès de prudence, pour le maihtièn de
la condamnation. •
Par les soiçs de cette commission, dont je ;
n'étais en quelque sorte que le président,
une liste préparatoire était dressée, sur la- '
Îuelle étaient portés seulement les noms des j
étenus que l'état des dossiers, examinés -
avec attention, présentait comme suscepti- 1
bles d'être gracies. '
J'ai eu soin dans chaque'département de
maintenir pour chaque commune,^théâtre
de désordres ou siège d'une société secrète,
les condamnations prononcées contre les in
dividus plus coupables, chefs du mouvç- •
ment ou président de la société. ■ • :
Ce premier triage fàit, je me transportais ;
| dans les prisons, accompagné du préfet, du
général au procureur de la République e* des
officiers dé gendarmerie de la localité. Pour
ajouter à la solennité, nous nous y rendions
tous en costume. Là, chaque détenu était
amené isolément devant nous; nous lui fai
sions connaître la condamnation qu'il avait
encourue, les motifs de cette condamnation
et la mission de clémence que je venais rem- »
plir en voire nom; nous sollicitions son
repentir, des aveux complets sur sa par
ticipation aux mouvemens'" insurrection
nels, ou son affiliation aux sociétés secrè
tes. Ses déclarations étaient contrôlées pàr -
les renseignemens fournis par l'instruc
tion judiciaire,-par le préfet et les effi- *
ciersde la gendarmerie qui m'assistaient;
et si son attitude était mauvaise, si les
réponses cachaient des réticences, s'il refu
sait de prendre l'engagement d'être fidèle à
votre gouvernement, il était réintégré dans
la prison. Si, au contraire, le repentir se
manifestait soit par la sincérité des révéla
tions, soit par lés larmes versées au souvenir
des égaremens passés, je lui faisais prêter
serment devant Dieu et devant les hommes
•« de ne plus faire partie des sociétés secrè-
» tes, de respecter les lois, et d'être fidèle à .
» votre personne, p
Je prévenais ces malheureux chez lesquels
le sentiment relrgieux, dans les départemens
du Midi, à conservé toute sa puissance,
que ce serment prêté au nom de Dieu, de
leurs familles, de leurs enfans, de tout ce
qu'ils avaient de plus sacré au monde, en
présence d'hommes qui ne cachaient ni
leurs visages*, ni leurs desseins, les dé
liait de l'imprécation impie que leur avaient
arrachée sur un poignard, dans l'ombre,
des hommes inconnus qui leur mettaient
un b mdeau sur les yeux, et les adjuraient
dé quitter leurs familles, père, mère, épou
se, enfansppour obéir au mot d'ordre de
la guerre civile.
Je leur faisais grâce en votre nom, après
leur avoir fait signer un engagement écrit,
lu à chacun d'eux, et conçu dans les termes !
suivans, uuiforme pour la plupart des dé
partemens que j'ai tra\ersés :
« Je, soussigné, déclare sur l'honneur ac
cepter avec reconnaissance la grâce qui
m'est faite parle prince Louis-Napoléon, et
m'engage à rie pli s faire partie des sociétés
secrètes, à respecter les lois et à être fidèle
au gouvernement que le pays s'est douné
par le vote des 20 et 21 décembre 4851. »
Il faudrait désespérer de l'humanité si leô
protestations qui m'ont été faites étaient
vaines,et il est pérmis de croire que les con
damnés graciés, sous le régime d institutions
forles et bienfaisantes, arriveront^ passer de
la crainte et du respect extérieur de la loi,
à l'apaisement, à la discipline vraie, à l 'air
fection même.
D'ailleurs aucun d'eux n'a étégracié d'une
manière complète; tous olit été renvoyés
sous la surveillance de la"police générale,
et, avant de les rendre à la liberté, an sauf-
conduit leur a été remis, portant la mention
^suivante : « Condamné à (la peine) par la
commission du département.au....; gracié
par le p/ince Louis-Napoléon , et renvoyé
sous la surveillance de la police générale. »
Une admonition sévère leur était adressée
pour leur faire comprendre les obligations
que cette surveillance leur impose, et pour
leur faire connaître que l'administration
avait, par la nouvelle législation, le droit et
le pouvoir de fixer la résidence des individus'
soumis à la surveillance et de frapper de la
transportation à Cayenne ceux qui, par deux
fois, auraient rompu leur ban.
Dans chaque département, j'ai invité les
préfets à adresser après 'mon départ soit
une"circulaire aux agens placés sous leurs
ordres, soit une proclamation aux" citoyens,
pour leur faire connaîtré m'a mission", les
résultats obtenus et les mesures prises pour
"éviter tout désordre : j'ai préféré leur laisser,
l'accomplissement de ce soin, pensant qu'en
les associant ainsi publiquement à mon œu
vre, non seulement je maintiendrais intacte
toute leur force morale, mais que je la gran
dirais, pour ainsi dire, • aux yeux des popu-,
lations et que je rassurerais ainsi les bons
citoyens. : -
Voici par département le compte-rendu
de mes travaux : "
Dans le département du Rhône, j'ai été
• assisté par MM. de Vincent, préfet; Gilar-
din, procureur-gcnéral^ Mellinet, général
de brigade, tous les trois membres' delà
Cflramissj,Oii mixte. Sur I43.d,étequs. 87 ont
éjjèiftriB ® n liberté. Il n'y à pas eu de mou
vement insurrectionnel dans ledépartement,
grâce à l'attitude décidée de l'armée et aux
mesures énergiques prises par les autorités
lors des événemens de décembre.'
Les individus condamnés par la commis
sion mixte étaient inculpés d'affiliation aux
sociétés sécrétés. Les honorables fonction
naires de ce département, qui se sont faits l.ës
auxiliaires de ma mission, ont pensé, que les
quatre' mois de détention subis par les indi
vidus jugés dignes d'être graciés, étaient
l'expiation suffisante de leur égarement, et
quel'on pouvait cioire à la sincérité de leur
repentir.
M. de Vincent, à mon retour à Lyon, m'a
proposé d'ajouter 1CT nouvelles grâces en fa
veur de condamnés à la transportation qui
s'étaient fait remarquerdans la prison parleur
bonne conduite. J'ai fait droit à sa demande.
Le nombre total des miseseu liberté pour ce
département es! donc de 97; reste un contin
gent de 46 condamnés à transporter.
Dins la Drôme, MM. FerJay. préfet;Lapè-
ne, général de brigade ; Pailland-Dumoulin,
i procureur de la République, tous les trois
membres de la commission mixte, m'ont
prêté le concours le plus assidu ; ils m'ont
accompagné à Valence, à Crest et à Monté-
limarl,où étaient détenus au. nombre de 420
.le s condamnés à la transportaiion. De concert
- ; Sv£çV|ixj'ai prononcé-l'elargiteemeritde 206
de et s condamnés. Depuis, line première liste
supplémentaire, contenant 5 propositions de
grâce, in'a été adressée par M. le préfet; j'ai
accordé ces S grâces, et, le lendemain de
sa mise en liberle , l'un des condamnés
libérés disputait au Rhône, au péril de sa
vie, un malheureux prêt à se noyer.
Lors de mon retour à Valence, M. Férlay,
de plus en plus satisfait de la conduite dès
condamnés que j'avais graciés, et touchédt s
sentimens de repentir exprimés p»r 12 dé
tenus condamnés à la transportation, m'a
proposé de leur faire grâce. J'ai déféré au
désir exprimé par cet honorable fonction
naire, au dévoûment éclairé duquel je me
plais ici à rendre hommage.
Il m'exprimait l'espoir d'être mis à même,
par l'amélioration progressive de l'état des
esprits dans son département, de faire bien
tôt au gouvernement des' propositions de
grâce eu faveur de 50 nouveaux détenus.
Le nombre total des mises en liberté pour
la Drôme est de 22 ». Reste un contingent.de
■ 195 condamnés à transporter."
J'ai été assisté dans le département de
Vaucluse par MM. Costa, préfet; Mâyran,
général de brigade, et R( yne, procureur de,
la République, tous trois membres de la
commission mixte. •
50 condamnés à la transportation à Cayen
ne ou en Algérie avaient déjà quitté la Fran
ce à mon arrivée à Avignon.
Sur 171 détenus, 87 ont été mis en liberté.
Depuis, des propositions supplémentaires,
faites par M. le préfet, ont porté le chiffre des
mises rfn liberté à 121.
Restent maintenues pour la répression, en
comptant les décisions exécutées, 100 con
damnations à la transportation.
La commission mixte de ce département
avait prononcé près de 300 internemens. •
Pour des oumers étal dis dans une ville
et y vivant d'une* industrie déterminée,
quelquefois locale, pour des paysans petits
propriétaires faisant valoir quelques par
celles de terre, l'internement est une peine
: plus sévère que la transportation. La leur
infliger, c'est les condamner à la misère et à
l'oisiveté,loin de l'influence moralisatrice de
la famille. Pour les faire vivre, il a fallu pré
lever'des gommes déjà considérables sur les
fon'ds "des bureaux de bienfaisance, ou sur
les fonds de secours mis à la disposition des
autorités préfectorales. ; • '
• Le transporté'travaille pour l'Etat qui le
nourrit et lui accorde, quand il se conduit
; bieti, ilrte co'ncessfon de terre à cultiver à
titre précaire.
L'internement n'est donc une peine infé
rieure à la transportation que pour les in-
uividus jouissant de quelque aisance.
J 'ai dû lever, sur la demande des autori
tés mêmes du département de Vaucluse, 237
internemens prononcés contre des ouvriers
ou artisans.
Dans les Bouches-du-Rhône, MM. de
Suleau, préfet; Hecquet, général de divi
sion; Darbon, juge suppléant, chargé de
l'instruction des procédures politiques, et
Sylvain Blot, inspecteur-général de police,
m'ont prêté leur concours.
Sur. 104 condamnés à la transportation, 31
ont été graciés.
Ces malheureux étaient au château d'If;
au moment de leur embarquement, les con
damnés à l'égard desquels les décisions de la
coinmjssion mixte avaient été maintenues,
saluèrent leur départ du cri de Vive la Ré
publique! Les détenus graciés répondirent
par le cri de vive Napoléon ! plusieurs fois
répété. En débarquant au rivage, ils firent
entendre encore les mêmes acclamations.
Le nombre total des mises en liberté,
pour ce département, a été porté à 46, par
suite des diverses propositionssupplénu ntaî"r
res émanées de M. le préfet. Restent mainte
nues pour la répression, 58 condamuations
à la transportatioir.--
Neuf internemens ont, en outre, été levés.
Dans le Var, MM. Anglès, secrétaire géné
ral de la préfecture, faisant fonction de pré
fet en l'absence de M. Pastoureau eu congé;
Levaillant, général de brigade; Bigorie, pro
cureur de la République à Draguignan; Ro
que, procureur de la République a Toulon;
ae Li?a, sous-préfet de Toulon, et Sylvain
Blot, inspecteur général de police, m'ont as
sisté daus mes diverses opérations.
La commission mixte avait prononcé 783
condamnations à la transporlation*en Algé
rie, dont 69 contre des contumaces; 241 con-,
damnés étaient déjà transportés lors de mon"
arrivée à Toulon.
Après avoir examiné la situation des 473
détenus restans, j'ai piononcé l'élargissement
de 293 d'entre eux.
J'ai relevé de l'ex'.l 209 expulsés sur 335,
et, à la prière dès autorités, j'ai, par les mê
mes raisons ' que dans le département de
Vaucluse, levé 505 internemens sur 513. De
puis mon départ, ii nouvelles grâces ont
été arcordéPS~atrrdéîenTïsdëce département
sur la proposition de MM. Anglès et de Liza.
Le nombre total des mises en liberté pour
le Var est donc de 307 ; restent maintenues
pour la répression 490 condamnations à la
transportation'et 126 à l'expulsion.
M. de Bouville, préfet des Basses-Alpes,
est venu, sur ma demande, me prêter son
concours à Toulon, où étaient réunis, les de-
tenus de son département. «,
La commission mixte des Bssses-Alpes
avait prononcé 935 condamnations à la
transportation èn Algérie, 110 contre des
contumaces.
Sur 865 détenus, 425 ont été rendus à la
liberté. Eu quittant le fort Lamalgue et le
ponton h Généreux , les libérés ont fait en
tendra comme à Marseille, des cris de :
vive l'Empereur ! vive Napoléon ! mille fois
répétés, témoignage touchant de reconnais
sance pour le prince dont la clémence les
rendait à leurs familles et à la liberté.
Depuis j'ai signé une,liste supplémentaire
de 10. nouveilfts grâces que m'avait propo
sées M. le préfet ; le nombre total des mises
en liberté est doue de 435, restent mainte
nues pour la répression 540 condamnations
à la transportation. -
Les détenus dès départemens de Saône-et-
Loire, du Doubs et du Jura étaient concen
trés au lazaret de Marseille pour'être em
barqués pour l'Algérie.
- Le préfet de Sndue-et-Loire, M. de Ro
mand, -est venu dans cette ville pour m'as-
sister avec autant de dévoûment que d'in
telligence dans l'accomplissement de ma
mission. Sur 120 condamnés à la trans
portation, 37 ont été mis en liberté.
Des propositions de grâces supplémentai
res émanées de cet honorable fonctionnaire
ont porté le nombre des libérations a 42.
Reste pour la répression un contingent de
78 transportés. ' , .
La commission mixte du département du
Doubs avait prononcé 21 condamnations à
la transportation; j'ai fait remise de leur
peine à 6 détenus.-
• Pour le Jura, M. le préfet de Chambrun a
mis, lui aussi, le plus louable empresse
ment à se'rendre à Marseille sur mon invi
tation. Sur 70 condamnés à la transporta
tion par la commission mixte de ce dépar
tement, 16 seulement ont pu être graciés; En
présence du petit nombre de condamnations
prononcées dans un département théâtre de
désordres dont s'est émue la France entière;
j'ai dû me montrer-plus sévère. La commis
sion mixte de ce département avait prévenu;
Monseigneur, les généreuses inspirations de
votre cœur, et l'on ue saurait donner assez
d'éloges à ses efforts couronnés du succès le
plus éclatant; la sécurité publiaue n'a pas
été, en effet, un seul instant troublée depuis
les mises en liberté prononcées par elle,. .
nombre des. transportés en Algérie,
pour ce département, n'est plus que de 54.
Dans le Gard, j'ai été assisté par MM. Syl
vain Blot, inspecteur général de poliçe ; Ba-
ragnon, faisant fonctions de préfet ; Tliou-
rel, procureur-général; le général de Lussy;
Lapierre, président.de chambre.
Sur 123 détenus, 45 ont été mis en li
berté.
Uue liste supplémentaire proposés depuis
mon départ par les membres de la commis-"
sion mixte, a porté ce nombre à 49; n stenï
maintenues pour la répression 77 con
damnations à la transportation. 9 contuma
ces ont en outre été graciés.
MM. de Saulxure, préfet de l'-Ardèche; Du-
berne, général de brigade, et.Doudin, subs
titut, tous les trois mt mbres de la commis
sion mixte, m'ont prêté leur concours pour
le département de l'Ardèche.
Sur 98 détenus condamnés à la transpor
tation eu Algérie, 33 ont été mis en liberté,
63 internemens ont été leves*
U ot
FEUILLETON DU CONSTITUTIONNEL, 4 MAI.
REVUE MUSICALE. *
"**. • s •
LE .Ilîir-EURAIVr,
' . . OPÉIU S» CINQ ACTES , •
Paroles de MM. SCRIBE et DE SAINT-GEORGES;
Musique de 9f. UAli^VY;.
D^çorations dfi MM. Nolo et Mubii, Sécha» eXDiéterle,
Oambon, Thierry, Desplechin;
• DirerUssemens. de m . mw-ttoi.
- J'essaierai dé raconter en très peu de mots
£t avec autant de clarté que de brièveté, si
«ela m'est possible, la donnée ët les situations
principales du Juif-Errant, pour aborder
tout de.ïuite l'analyse étendue et conscien
cieuse de Ja nouvelle partitioa.de M. Haléry.
J'arrive cette lois le dernier,contre mon ha
bitude, êt j'ai lu avec attention tout cé
qui a été écrit sur ce grand ouvrage que l'O
péra vient démonter .avec, une splendeur et
une magnificence inouïes. J'aurai donc sur
mes confrères le double avantage dè pouvoir
profiter de leurs lumières.et de p.ouvoir.par-
;lerdes autres représentations, toutes plus,
remarquables que la première, grâce,.au jeu
plus rapide des machines, à la plus graode
assurance des artistes, et à quelques adpits
sacrifices que les auteurs se sont imposes.
• Là difficulté du sujet qu'ils entreprenaient
d#:traiter »'a pa$ échappé A l'experience et
à-l 'h3bileté de MM. .Scribe et Saint-Georges.
Us ent compris qu'il fallait restreindre et
borner â une seule épuque cette immense
épopée, et relier.le personnage isolé et-sym
bolique d'Ahasvérus à une action d^termi-
«rèe. Le théâtre a ses limites et ses règles
qu'on ne saurait franchir ni violer sans tom
ber dans l'absurde. Us wt donc supposé,
comme c'était leur droit, qjjè cet homme,
éternellement poursuivi par la malédiction
de Dieu, souffre non-seulement de sou âup-
ipïice, mais qu'il gouffre.plus cruellement
encore par les malUeurs de sa race erran
ce et proscrite qu'il ne . peut ni . consoler
nii secourir, ayant sans cesse aji^ mps l'é-
pée; de l'ange vengeur. Une fois cette jdée
admise, voici le parti que les auteurs eu mt
tiré;..:..' ■
Au du Xll" siècle
de t»er Ja ■ {emt$e ' de l'empex^r jBeaudoin,
et «Kit sur le point d'égorger sa ÛJAe, fâép
-de dix ans à peine, lorsque le Juif paraît,
met les meurtriers en déroute, prend sous
sa protection l'enfant, et la confie à la bate
lière Tbéodora, autre rejeton de sa race, qui
vit sur les bords de l'Escaut, 1 avec un jeune
frère nommé Léon.
Théodora élèye pieusement la fille dé
Beaudoin, comme sa propre sœur. Elle vient
d'apprendre les revers .et la mort de l'empe
reur ; elle se réfugie dans une retraite inac
cessible , au pied du mont Hérons, et y
veille à l'éducation de Léon et d'Irène. Les
enfans grandissent dans l'innocence et dans
l'abandon d'une mutuelle tendresse; mais le
cœur de Léon se révolte et se trouble ; il
«'ose point s'avouer ce qu'il éprouve. Théo
dora, qui a surpris soo secret, touchée de sa
douleur, s't-'mpresse de,le rassurer ep partie.
Léon n'est point le frère d'Irène ; mais si les
liens du sang ne s'opposent plus à la passion
qu'il à conçue pour la jeune fille, des obsta
cles presque,aussi insurmontables lui défen
dent d'y songer. Au moment où Léon cher
che à péaélrer ce nouveau mystère, Irène
est enlevée par les,bandits du premier acte,
qui, changeant de commerce et d'habit, de
brigands sont devenus marchands d'esclaves
ç.t pourvoyeurs du sérail,
• Le successeur probable de Beaudoin, le
futur empereur Nicéphorr*, assiste, sur une
Iilace de Thessalonique, aux réjouissances de
a Sa i ut-Jean. Des chan ts d'allégresse ' s'élè
vent jusqu'aux nues, des feux de joie sont
9llU!çés sur tous les points ; si l'on pouvait
y griller qpejque juif,Ji fête serait com
plète. Les ravisseurs d'Irène offreut cette
idéale beauté, la fleur de Ipur marchandise,
à l'héritier présomptif de l'empiré. C'est en
vain, qu'elle se défend par ses larmes, par
son innocence A par sa pudeur, Nicéph'ore,
eaflanimé d'une passion soudaine et br utale,
étend déjà le bras sur sa proie, Ionique le
Juif, apparaissant toutà coup, révèle au peu
ple assemblé que cttte jeune fille qu'on veut
traîner pomme yi)e esclave, est la légitime
héritière du trône d'Orient, }a fjlle de l'em
pereur Beaudoin. Sommé de fourni r les preu
ves d'une aussi étrange assertion, Ahasvérus
accepte le jugementde Dieu. Il est jeté dans
les flammes. Mais lé bûcher s'éteint,, le peu
ple crie au n2>r$cje ; et Irène est proclamée
impératrice. ,
. Dans sa nouvelle grandeur, frèae a'& qu'une
pensée, c'est d r embrasser 'l'héodora.et Léon,
(!gs deux compagnons chéris de son enfance;
Ses gflijhsifs ne tardent pas à,être accom
plis. TJïÊOdors. Jtp Léon viennent demander
justiceà l'impératnée" coairalpp bandits qui
ont enlevé leur sœur, Ipène ôtë alors son
voile et se fait connaître. Théodora. est au
comble de la joie, mais le désespoir de Léon
n'a point de bornes, d'autant plus que les
grands de l'empire, le sénat, le peuple et jus
qu'à Thçodora elle-même, pressent la jeune
impératrice d'épouser Nicéphore. Irène, n'é
coutant que son cœur, saisit vivement la
couronne, la met sur sa tête, et d'un regard
fait comprendre à Léon que son amour est *
partagé.
L'entrevue des deux amans a lieu datis
l'oratoire d'Irène. Nicéphore , caché par
une tapisserie,assiste invisible à cette scène,
et confie sa vçngeanco à des sicaires qui lui
promettent de le débjrrasser promptement
de son rival. Ën effet, lés bandits atteignent
Léon près d'un temple en ruine. Nul secours
humain ne peut arracher le jeune homme à
sa perte. Mais le Juif apparaît encore, heu
reux pour la première l'ois depuis tant de
siècles, de ce châtiment de Dieu qui le rend
invulnérable et immortel, llpourraau moins
protéger la victime et lui l'aire un rempart
de son. corps où l'acier s'émousse, où les la
mes se brisent. Hélas ! .il à oublié l'ange im
placable qui, l'épée flamboyante à la main,
le force à reprendre sa marche et à livrer
Léon aux ass issins. 1
Percé au flanc d'un coup de poignard,
précipité,du.ljaut d'un rocher dans la mer,
Léon se retrouve frais et dispos entra les bras
de Théodora et d'Irène. On voit.bien qu'il est
de la famille du Juil'-Errant. L'acier ne mord
pas sur ses chairs; le flot, loin de l'englou
tir, le porte mollement sur la grève. Ahas
vérus est près de lui. Eclairé par une lueur
prophétique, il entrevoit les destinées de sa
race. Le peuplera renversé Nicéphore. Désor
mais, Léon et Irène peuvent régner paisible
ment sur le irfjue d'Orient. Le Juif 8 à qui
Dieu parait enfin" pardonner, pourrait s'é
crier, comme Siméon ; Nuncdiraittis. En ef
fet, sa paupière se ferme. Il eroit enfin que la
mort, si souvent invoquée, a pitié de lui, que
le monde est fini, que l'éternité commence. ~
La trompette du jugement dernier retentit
à son oreille, les tombeaux s'ouvrent^ la sé-
parafjpn des justes et des réprouves s'ac
complit, seloh les prophéties et avec toute
la grandeur apocalyptique. Mais le Juif n'a
fait que rêver. L'inexorable voix de l'ange
lui crie de se remettre en marche : l'infor
tuné se relève avec une morne résignation,
et ferçrjsnd sa pérégrination éternelle.
Voilà le drame et voilà l'intrigue. J1 irçe
semble que, dégagée des détails qui ne fe
raient qu'obscurcir le récit, la Table est assez
claire et aisée à retenir. Dans cette série de
tableaux évidemment destinés par les au-
feuro à frapper l'imagination du public, dans
celte prog'resslon.'rapi^e i'évjfûemenà, de •
catastrophes et de surprises, les personna
ges n'ont guère le temps' de se poser, de se
faire connaître, d'échanger de longues ex
plications ; à peine s'est-on pris de piiié ou
d'affection pour l'un d'eux, il faut qu'il dis
paraisse,emporté par un lourbillon, par une
Lrëtàbe. On dirait que tout le drame subitla
loi du protagoniste ét obéit à ce cri fatal qui
ne lui permet point de' s'arrêter. L'intérêt
d'une œuvre pareille, indépendant de chaque
personnage, 1 ne peut résulter que de l'en
semble et de la grandeur du spectacle; ce ne
peut être qu'un intérêt de curiosité, d'éton-
neirlent, de terreur.Tel qu'il est, néanmoins,
ce poème, et à quelque point de vue qu'on
veuille le juger, on ne peut nier qu'il ren
ferme un grand nombre de situations musi
cales, et qu'il offre le phamp le plus vaste et
le plus varié à l'imagination et à la science
du, compositeur. •
M. Halévy est dans toute la force de l'âge
et dataient. Après avoir doté le théâtre de
nombreux chefs-d'œuvre, il est afrivp 4 ce
point culminant oit l'artiste ; est vraiment
maître de son art. Aujourd'hui, M. Halévy
peut se tromper, le génie de l'homme n'est
pas infaillible ; mais, s'il se trompe, c'est de
parti pris et en parfaite connaissance de
cause. Il sait ce qu'il doit faire, et il ne fait
que ce qu'i} veut. L'instrument ne peut
plus lui tourner dans la nwiri. S'il risqué
un effet nouveau, c'est qu'il lui convient
de le risquer, il en connaît la portée et
le .danger. La science n'a plus ae secrets
pour lui ; tous les procèdes de style lui
sont familiers ; les combinaisons harmo
niques les plus difficiles et les plus com
pliquées pe sont, i our ce gfand ipaifre,
qu'qn JPU çl'enfaqt. partition nouvelle se
fait surtout remarquer par la richesse et l'é
lévation des idées, par la hardiesse et la nou
veauté des conceptions, par la pureté t't l'é
légance des mélodies, enfin par cette exécu
tion savante et magistrale qui rend la pensée
dans toute sa vigueur et dans tout son éejat.
On a reproché à M. Halévy l'pmplpi trop
fréquent fie§ cuivres et. VM cer^iîi àbos
de sonorité. En musique comme en pein
turé, deux écoles sont erf présence : le.s
idéalistes et les coloristes. Je n'ai pas le temps
de discuter ici cette question ; mais, à quel
que avis qu'on se range, il est évi^efit q\je lp
plu? ou moins d'intensité de soi] n'ote rien
q k yajeur (Jes idééè. Ainsi ,pafèiernple, deg
personnes ont manifesté le aésir que M. Ha
lévy réservât pour le tableau du jugement
dernier les nouveaux sax-horns, dont l'effet
est réellement formidable. En supposant
que M. Halévy veuille se priver de fie sur-
droit cfe sonotù'lé, à la fin cFu troisième acte,
sa marche n'en resterait pas moins telle que
le compositeur l'a écrite, c'est-à-dire qu'elle
n'y perdrait ai n'y gagnerait rien comme
valeur musicale. Ou M. Halévy a des idées
ou il n'en a pas ; s'il a des idées, un peu plus,
un peu moins de trompettes ne nuiront ni
ne serviront beaucoup à sa renommée.
Pour citer les beautés nombreuses que
renftrme la musique du Juif-Errant, il me
faudrait presque écrire autant de mot? que
la partition contient de notes. Je prie donc
le |ectèur de m'accorder toute sa bienveil
lance, et de me pardonner le langage aride
et technique que je suis forcé d'employer,
car il s'agit d'apprécier sérieusement uue
œuvre sérieuse, ét la fantaisie ne serait point
de mise avec un maître tel que M. Halévy. Le
premier acte s'ouvre par une petite introduc
tion instrumentale eu la mineur et à quatre
temps, qui exprime la fatigue et la douleur
d'un homme qui marcherait accablé et brisé
sous un poids trop lourd popr ses forces. On
y a TU une qllusiqn à la marche pénible et
chancelante du Juif-Errant. Je crois plutôt
3ué, dans le dessein de l'auteur, cette intro- ■
uction, qui fait partie de son ouverture, se
rapporte à la marche haletanteetdouloureu-
se du Christ, lorsque le divin Sauveur,
ployant sous sa croix, fût apostrophé par le
Jtpi' ayep tant de dureté.
Après l'introduction, l'orchestre annonce
par un mouvement 3/8 en la majeur, la
joyeuse et bruyante kermesse qui se déplQte
sur. la sjène. Un chœur très animé et très
brillant précède un second chœur de marius
eti mi majeur, d'une allure franche et hiftn
açcenipée. La ball^dè de Théodora, en rni
anpeqr, est précédée à son tour d'une ri-,
tôurnelle exécutée par les cors, les bassons !
et les clarinettes. Le basson introduit pour
la première fois dans cette ritournelle une
phrase mystérieuse et som^e qui se résout
d'une manière imprévue et qui sç reproduit
sqvjs aspects à çl^aque apparition du
.Juif. Jl faut Remarquer îmssi sous ces mots ■
Pendant un quart d'heure,
■ C'fist l'arrçt de Dieu, ■
A peine il demeure
Dans le même iieu,
un effet «P et 4? cetntre-hasse, qui se
fô.i^t en.te^dfè à intervalles inégaux, et sem-
tîlènt exprimer le souffle mystérieux, 1,'irré-
sjstihle ouragan qui emporte Ahasvérus, et
enfin le cri final : Marche, marcfie toujours.
La ballade est supérieurement change par
Mme Tedesco, qui descend ç5'uae voix éga
le et jiéiiétra^e depuis 'le sol dièz». aigu
jusqu'au si grave. L'orchestre attaque en-
Isuité une ritournelle dialoguée entre )e§.
violons, les altos et les violoncelles, à la
quelle se mêle le bruit éloigné d'une clo
che qui annonce l'an ivée de la garde de nuit.
Le motif du couvre-feu se dessine au -dessus
d'une gamme de trombonne très piano, qui <
peint merveilleusement cette impression de
vague frayeur qu'on éprouve la nuit dans un
l'eu désert. Après le premier solo, lorsque le
chœur intervient, le motif du chant princi
pal est reproduit à deux reprises par les bas
sons d'une manière originale et inattendue.
Merly a fort bien dit ce solo. Pendant qu'il
prononce ces paroles : .
Aux pied.î seuls de la Vierge
Nous permettons un cierge,
deux notes obstinées fa, sol, exécutées par
le violoncelle,semblent inviter au repos .Nous
voici à l'entrée du Juif. Une ritournelle en
la mineur débute par un trémolo de con
trebasses suivi d'un pizzicato d'un effet som
bre et orageux; Ahasvérus entre au bruit du
tonnerre et à la lueur des éclairs, tandis
que les basses attaquent fortement la phra
se que les bassons avaient déjà indiquée.
La ritournelle se termine par le même piz
zicato, qui va toujours en s'éteignant, et
les aecpns sinistres de la clarinette basse
lui donnent un caractère tout-à-fait fan
tastique. Le chœur des malandrins en ut
mineur se fait remarquer par une mélodie"
heurtée et çaecadée, qui paraît fort bien.con
venir à des brigands-virtuoses, et par des
oppositions parfaitement ménagées. Sur ces
mots d'Ahasvérus r Je sens trenibler la terre+
on est frappé par une entrée de trombones ;
et de contrebasses qui rend fort bien le sens
des paroles et delà situation. La romance ;
d'Ahasvérus en sol: Afil sur ton front de rose, >
est empreinte d'un caractère de douceur ei
de mélancolie. A cette romance, succède uà
fort beau duoen fa mineur, qui estlo mor- <
ceau capital de ce premier acte. Tout le mon-
àe a remarqué la couleur sombre et la tris
tesse profonde de cette phrase : .
Rien ne sa?pend des heuFes.
L'impitoyable cours.
pendant toute la durée du chant d'Ahas
vérus, les cors, les basses, les clarinettes J
n'exécutent quo la tenue d'un accord de fa '
mineur, qui" peint l'immobilité du temps*
par rapport au Juif, et quelle que soit lâ
con texture et la variété de Ja phrase vocale,
cette tenue persiste avec une égalité et une
l&utôur désespérante. Sous ces mots : L'é
clair rayonne, la foudre tonne, le maître à .
placé une gamme ohromatiquè exécutée par,
les violons depuis le sol de la quatrième cor- '
de jusqu'au mi bémol aigu. Enfin, comme
un heureux contraste, à l'explosion violente
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