Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1930-12-30
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 30 décembre 1930 30 décembre 1930
Description : 1930/12/30 (A24,N6555). 1930/12/30 (A24,N6555).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7648625b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/05/2015
1
248 ANNEE. — N° 6 555- LE NUMÉRO: 50 Centimes --- 5r, rue Saint-Georges. — Tél. : Trudafae 92-80 à 92-84, MARDI 3.0 DECEMBRE 1930
JEAN DE ROVERA
Directeur
.Une ample comédie aux cent actes divers
et dont la scène est l'univers.
(LA FONTAINE.)
REDACTION ADMINISTRATION
51 rue Saint-Georges, Paris (9e)
Téléphone : Trudaine 92-82. 92-83. 92-84
Le Numéro: CINQUANTE centimes
ABONNEMENTS 3 mois 6 mois 1 an
France. 36 » 66 H 125 M
Etranger. 56 » 104 » 200 »
Taxe, suivant pays.. 70 » 125 » 240 »
Adresse télégraphique: COMŒDIA-PARIS
Chèque Postal : 326-72 Paris
Adresser la correspondance sans exception
à M. le directeur de « Comœdia »
En 1931, l'Italie doit cons-
truire 22 sous-marins.
Céla fera-t-il penser, au Quai.
d'Orsay, qu'il faut compter avec
elle et nous voudrions pouvoir
dire sur elle ?
i 'ÉPOQUE ET LES LIVRES
4-.
"La Cité heureuse99
ou examen de notre temps
A la fin de son beau livre- La Cité
heureuse, Franc-Nohain a déclaré ceci:
« On oublie trop que, pour dénombrer
« la population d'une cité, on compte
« par âmes : vingt mille âmes, cent
« mille âmes, un million, plusieurs mil-
« l ions d'âmes. Des âmes. »
Je suppose que la plupart des liseurs
passionnés ont le même réflexe que moi,
la dernière page tournée : ou ils passent
immédiatement à un autre genre d'exer-
cice (correspondance, rédaction de la
feuille d'impôts, lecture d'un journal,
sommeil, etc.) — mauvais signe, pour
le livre! — ou ils se plaisent à rester
quelques instants encore sous le charme
des phrases qui viennent de les émou-
voir, à les récapituler, à les ruminer,
dans une rêverie qui est le prolongement
et je-,,,signe même du plaisir.
Ainsi ai-je fait pour La Cité heureuse.
Et je pensais que si la population d'une
ville doit se dénombrer par âmes, on
pourrait en faire autant pour les ouvra-
gei de l' esprit, à cette différence près
'Gue, pour les ouvrages, une sélection se-
rait opérée, tandis que dans les statisti-
aues, l'idiot, le fou, l'alcoolique comp-
tent chacun pour une âme! Le talent lit-
téraire ne manque certes point; ceux qui
.n'en possèdent pas le dr inné, en pro-
rondeur, arrivent à donner, en surface,
l'illusion. C'est encore un article que
l' on a pu truquer. Ainsi en va-t-il de
certains vins, vendus à bon compte, qui
-JmL tout du grand cru : le parfum, la
.$ouleur, sans oublier la bouteille bien
poussiéreuse et l'étiquette vénérablement
patinée, des vins que l'on ne boit pas
sans une certaine délectation, mais qui
laissent ensuite je ne sais quelle décep-
tion de palais, un arrière-goût de vinai-
gre moisi. Ces vins n'ont pas d'âme.
Ces livres en sont également dépourvus,
La. faute incombe à leur auteur. Mais
comme on boit très vite, on lit, en géné-
ral, avec une telle rapidité que tout
passe. -
Notre devoir reste très net : il con-
siste à arrêter au passage une production
très rare; ^gonflée d'observation, fleurie
de tendresse et à la signaler, ne serait-ce
que par reconnaissance.
Or, La Cité* heureuse, comme bien
des chefs-d'œuvre, par~un Hasard -mira-
culeux qui n'est peut-être pas un hasard,
mais la conscience de l' opportunité,
vient à son heure, l'heure, comme on dit,
de « faire le point H. On n'a jamais eu
un si vif besoin de pensée, je n' entends
point des productions de ces penseurs
professionnels qui abondent en apophteg-
mes reversibles et interchangeables. Une
pensée jeune et mûrie. Jeune par sa fraî-
cheur, par son enthousiasme, par sa foi.
Mûrie par l'expérience, par la sagesse,
en un mot par la vie qui fertilise les ter-
rains riches et dessèche les terres
inaptes.
Il est très doux de murmurer à chaque
fin de chapitre : « Comme il a raison! »
Dans La Cité heureuse, comme dans
L'Art de-vivre de Franc-Nohain, les
marges sont couvertes d'annotations. Je
vous conseille cette lecture sur la table
de travail, le crayon à la main. Un pas-
sage souligné et cimenté, même naïve-
ment, est un passage que l'on retient.
-Je suis sûr que, dans quelques mois,
Franc-Nohaii s'amusera beaucoup et
aura un vif orgueil à feuitiete- les exem-
plaires de son livre mis à la disposition
du public par les cabinets de lecture :
il ne manquera pas d'y trouver, déposés
par des mains inconnues, des témoigna-
ges d'approbation fraternelle.
D'aborJ, à constater : un merveil-
leux équilibre. Le bon sens peut être
haïssable ou divin, selon celui qui nous
r apporte, ou une pesante massue, un
marteau-pilon à écraser les papillons, ou
la plus rare, la plus parfumée, la plus
radieuse des fleurs. Il faut simplement
que celui qui nous l'apporte soit un
poète. La raison de Franc-Nohain ne
nous entraînerait pas si elle n'était que
raisonnable : elle est irisée. Par l' ex-
pression d abord toujours juste, toujours
harmonieuse. Et par l'esprit dont on n'a
jamais fait un plus judicieux emploi.
Je cite au hasard; il s'agit du Droit
et du Devoir : « Nous raisonnons des
« uns et des autres, écrit Franc-Nohain,
« comme s'ils étaient indépendants et,
« surtout, comme si leur -qualité était
« différente, comme s'il était plus flat-
« teur d'accomplir un devoir, plus avan-
« tageux <3* exercer un droit. Le devoir
« n'est p? l'envers du droit, ni le droit
« la doublure du devoir; ils sont, tous
« deux, la même étoffe ». Et au cours
du chapitre consacré à l'argent, question
qui serait vraiment trop sombre « si les
gens qu'elle préoccupe n'y mêlaient
envers et contre tous, un grain de fée-
rie, une pointe de romanesque », sa-
vourez cette conclusion : « Les finan-
« ciers sont les dernières fées et leurs
« clients sont les plus romanesques des
« hommes ». Et voilà, éclairée par un
poète,, toute une face obscure de la
vérité.
Vous trouverez dans cette œuvre beau-
coup de vos impressions personnelles qui
y sont fixées, sans phraséologie, sans dé-
clamation. Telle constatation sur une
époque « livrée à la fois aux cocktails
« et aux eaux minérales, aux stupéfiants
« et aux spécialités pharmaceutiques ».
Et le passage du « train de luxe vio-
« lemment éclairé, avec ses tables joli.
« ment servies, cheminant avec lenteur
(K sous un tunnel, tandis crue les ouvriers
« de la voie, harassés et suants, regar.
« dent. » « J'aimerais mieux, écrit
« Franc-Nohain, — oh! pas besoin d'un
« règlement de la police des chemins de
« fer ni d'un décret — j'aimerais mieux,
« pourtant, quand le train ralentit ainsi,
a qu'on baissât les stores ».
Une âme, vous dis-je. Et un chef-
d'œuvre. Je ne saurais vous en donner
ce que l' on appelle une idée d'ensem-
ble, pas plus que l'on ne peut donner
cette idée des Essais immortels. Tout no-
tre temps est examiné, scruté, jugé avec
une tendre ironie, une pitié souriante. Et
c'est l'Administration, et c'est la Politi-
que, la J-istice et la Littérature, l'En-
seignement (il y a là des pages magis-
trales), les Beaux-Arts et l'Agriculture,
la « Phynance », ce que nous admirons,
ce que nous détestons, ce que nous su-
bissons.
Et comment, me demanderez-vous, ne
se dégage-t-il pas de tout cela une. tris-
tesse affreuse? C'est que le ton de tout
le livre nous prépare à son dénouement.
Franc-Nohain n' expose pas les tares
dans le souterrain où elles s' aggravent,
mais au bon soleil qui les guérit :
« Pour que la collectivité vive, s'écrie-t-
« il, qu'on n'empêche pas, ou le moins
« possible, l'individu d'être heureux ».
Un triumvirat : Puissance, Sagesse,
Amour. « La cité a besoin de bons ci-
« toyens qui lui permettent d'avoir de
« grands hommes. » Et enfin, après
un exposé éloquent, chaleureux, jailli
des profondeurs du cœur, ce cri où l'on
trouve tout ce génie de Gavroche philo-
sophe, ce cri qui ralliera les pauvres con-
temporains traqués, pressurés, mensurés:
« La cité heureuse est celle où l'on
« nous fiche la paix! » Et je vous recom-
mande, sans vouloir l' altérer par une
citation tronquée, le tableau final.
Après L'Art de vivre, La Cité heu-
reuse. Un beau livre qui est aussi un
bon livre, cela fait un grand livre.
Henri DUVERNOIS.
Choses du jour
Choses du Jour
Les derniers moments
du maréchal Joffre
o Joffre se meurt.
Un peu avant seize heure hier, les
professeurs Leriche et Faure, les docteurs
Boulin et Fontaine, après une nouvelle
consultation, signaient le bulletin de santé
suivant, terrible dans son laconisme :
a Faiblesse extrême, état très grave D.
Ce funèbre diagnostic avait moins de
deux heures plus tard sa tragique confir-
mation : à 17 h. 30, le maréchal entrait
dans le coma. Toute la journée il avait
lutté silencieusement contre la mort. En
quittant son chevet, le docteur Fontaine,
maîtrisant difficilement son émotion, avait
confié aux journalistes :
— Notre malade en est arrivé au point
où la science humaine se révèle impuis-
sante. Ses forces déclinent peu à peu, mais
sa lucidité demeure intacte et son cœur fait
preuve d'une résistance inouïe. Mais si
robuste que soit sa constitution, et si te-
nace sa volonté, nous avons, hélas ! perdu
tout espoir.
Au seuil de la maison de santé, une
foule muette et dont le visage trahissait
l'anxiété était demeurée jusqu'au soir in-
sensible à la pluie.
— Comment va le maréchal?
Question mille fois posée à voix basse
aux médecins, aux visiteurs, aux journa-
listes; question à quoi un gamin de quinze
ans donna cette sublime répons-; :
— Le maréchal, M'sieu, il se défend
comme à la Marne.
Dénie incessant des amis et des per-
sonnalités : les généraux Niessel et Rague-
neau, - MM. Millerand, Louis Barthou,
Painlevé, le maréchal Lyautey, M. Qui-
nones de Léon, ambassadeur d'Espagne,
M Henry Paté, Mgr Maglione, nonce apos-
tolique, MM. Jules Cambon, Barrère, le
général Hirschauer, le docteur Charcot,
Mme la générale Pau, MM. Fernand
Bouisson, président de la Chambre, Henry
Chéron, garde des Sceaux, Claude Far-
rère, Loucheur, Dumesnil, Albert Sar-
raut, de Fleuriau, Germain-Martin, Mme
Jane Déroulède, MM. René Doumic, Bi-
net- Val mer, le procureur Donat-Guigue, le
maréchal Franchet d'Esperey, l'ambassa-
deur du Japon, etc.
Mais bientôt l' affreuse nouvelle : « Le
maréchal est dans le coma » s'est répan-
due rue Oudinot. Alors la nuit, plus
épaisse, semble tendre un crêpe immense
sur les murs blafards de la clinique. Des
femmes se signent. A pas feutrés, sem-
ble-t-il, la foule, pressentant que le moin-
dre bruit résonnerait comme un sacrilège,
se disperse lentement.
Elle veut, cette foule, que l'irréparable
s'accomplisse dans le grand silence de sa
douleur, de son affection et de sa recon-
naissance.
A. Delpeyrou.
DE TOUT UN PEU.
a En Turquie, l'agitation s'étant
aggravée, le gouvernement a proclamé
l'état de siège, incarcéré des centaines de
fonctionnaires et convoqué d'urgence le
Parlement.
a On croit que quarante personnes
sont encore ensevelies sous l'éboulement
de la colline de Mustapha. Les pompiers
et la troupe d'Alger procèdent nuit et jour
aux travaux de déblaiement.
CZ5 L'éruption du Murapi aurait fait
1.300 victimes. -Le volcan est encore en
pleine activité.
<::) Huit internes de l'hôpital Saint-
Louis sont suspendus pour trois mois. Ils
avaient joué aux « fantômes ».
CZ5 M. Mussolini vient de décider la
construction de 22 sous-marins au cours
de l'année 1931. Que va dire la conférence
du désarmement navale
AVEZ-VOUS LU B^ruch?.
ALGÉRIE
par Louis CHÉRONNET
Images de Maurice Tranchant
Un album pour les enfants
Si d'aventure vous êtes gêné, à cette
période de l'année, pour savoir quoi don-
ner aux gosses de vos amis et aux vôtres,
ayant eu, je l'espère, le bon sens d'en
avoir : vous passez chez le libraire, et,
sans avoir le temps de lire ce que vous
allez offrir, vous suivez le conseil de la
commise ou du commis, qui n'ont guère
plus que vous parcouru l'album qu'ils
vont vous recommander.
Par une chance bizarre, un éditeur qui
si consacre, d.'habitude, à des ouvrages
pour les grandes personnes, vient de nous
soumettre une histoire de l'Algérie en
gros caractères, brève de, texte et simple
de ton : le sujet est d'actualité.
Ce récit est illustré d'images, les unes
en camaïeu, les autres en couleurs fran-
ches, qui rappellent les images d'Epinal.
Le tout est aimable et gai, et me sem-
ble parfaitement convenir aux enfants de
cinq à dix ans, suivant leur degré de
culture.
On pourrait, ainsi, écrire de bien jo-
lies choses pour les enfants, si l'on avait
h temps et si un éditeur subtil deman-
dait à de subtils jongleurs de lettres
d'accorder leur instrument à l'imagina-
tion ingénue et souple de ces rois in-
conscients de la féerie et du songe que
sont les enfants qui ne lisent pas trop
tôt le journal.
r avais, un jour, eu la pensée d'écrire
une Histoire de l'Eléphant de Laine et
du Caïman de Cristal : c'était, me sem-
blait-il, assez bien agencé, mais j'ai ou-
blié mon conte, et il ne me reste plus
qu'à faire cadeau de mon titre à quel-
que jeune magicienne de lettres qui bro-
dera là-dessus des histoires nonpareilles.
Il y a aussi /'Histoire du Roi des sept
îles.
Il Va Le Conte du Rat et du Castor.
Il y a Le Roi nègre et la princesse
Baldroubouzour.
Mais si notre révérend docteur Mar-
drus s'empare de ce dernier sujet, quel-
Napoléon par Michalowski
Ce tableau est une des Plus remarquables toiles figurant à l'exposition polo-
naise, ouverte en ce moment au Jeu de Paume.
les obscénités ne voudra-t-il point y in-
clure 1
Car, vous ne l'ignorez point, tous les
sujets ont deux côtés et peuvent être trai-
tés suivant deux modes : le réaliste, qui
est le répugnant et le vrai, pour les gran-
des personnes pas propres, et le poéti-
que, pour les enfants, les cœurs ingénus,
les doux, les pauvres, les sylphes, les
elfes, les nonchalants, les rêveurs, les
fées.
Louis THOMAS.
s
Page 2
Les Attractions de la Semaine, par
Gustave Fréjaville.
Page 3
Les femmes et l'amour: Revue des
livres par Gonzague Truc.
Page 4 -
Théâtre et Musique en Province.
La Vie des Ondes.
"NOS ÉCHOS
L
e grand-père. l ,..
1.
L'an dernier, à pareille - épo-
que, un vieillard, les bras charges de
paquets, descendait de taxi, lorsqu'un
de ses paquets lui échappa et roula
sur le sol..
Non sans peine, il se baissa, ra-
massa l'objet, ce Que ,,-':nu' passant
n'avait songé à faire.
Alors qu'il payait,, quelqu'un le re-
connut: c'était Joffre.
Sic transit gloria mundi.
Le duc chauffeur du maréchal.
- Pendant la guerre, le maréchal
Joffre eut un chauffeur de choix, le
duc d'Albuféra" en personne, qui,
alors, portait le titre de marquis.
Et le duc d'Albuféra eut sur les
destinées des Alliés une influence très
grande, bien que tenue fort secrète.
Il fit, en effet, verser son illustre
« patron » dans un fossé. Le maréchal
s'en tira indemne, et pardonna.
Mais quelle tournure aurait pris la
guerre si cet accident avait coûté la
vie au futur vainqueur de la Marne?
u
n neveu de Jules Verne accom-
pagnera Wilkins au Pôle Nord.
Les journaux américains annoncent
que l'explorateur sir George Hubert
Wilkins, qui doit se rendre au Pôle
Nord en submersible, sera accompa-
gné dans son voyage par M. Jean
Verne, neveu du célèbre écrivain.
Le capitaine du sous-marin, M. Da-
menhaver, est venu inviter M. Jean
Verne à se rendre en Amérique pour
assister au baptême du navire auquel
sera donné le nom de Nautilus, en
souvenir du fameux roman précurseur
Vingt mille lieues sous les mers. ,
Ainsi, le neveu va vivre efficace-
ment le rêve de son grand oncle.
Voici qui n'est pas sans allure.
Comœdia prépare
l'Arbre de Noël
des Enfants du Spectacle
Nos lecteurs. trouveront en 2e page
les premières souscriptions reçues par
Comœdia.. Nous publions ci-dessous
celles que nous venons de recevoir.
Premières souscriptions 25.280 fr.
Mme Mercanton 200 >
Mme Emmanuel Gonse-Boas 500 >
Mme Blanche Bilbao 100 >
M. 'Lëredu, sénateur. 200 >
M. Jean Mercanton 100 >
M. Pierre Dasset. 50 >
Mme Pauline Donalda. 100 >
26.530 fr.
Notre souscription reste ouverte jus-
qu'au 15 janvier, date de la fête que
Comœdia organisera .à1 l'Ecole du
Spectacle.
u
n gosse de neuf ans ioue du
revolver.
Il tue un de ses camarades de jeu.
Ceci s'est passé en Italie, mais
pourrait aujourd'hui se passer n'im-
porte où.
Un'petit garçon de neuf ans jouait
avec un de ses camarades âg'- de
onze ans, lorsqu'à la suite d'une dis
cussion légère, il tira de sa poche un
revolver et visa son ami en pronon-
çant des phrases ronflantes. Il pressa
la gâchette, et l'autre petit garçon,
atteint à la tête, tomba raide mort.
Le meurtrier de neuf ans a été
arrêté, ainsi que sa mère.
L'enfant avait profité d'une halte
d'automobilistes près d'une pompe à
essence pour s'emparer du revolver
qui se trouvait à l'intérieur de la voi-
ture. ,
Ceci en dit long. et se passe de
commentaires.
M ussolini annoncé par Dante?
La chose est-elle vraie?. M.
René Caillier s'efforce de le démon-
trer dans un article de La Petite Gi-
ronde.
Partant du fait que le Dante s'éle-
va contre la puissance temporelle eu
Pape,-en contradiction avec les ordres
de celui dont il était le vicaire et lui
reprocha ses alliances avec la France,
M. Caillier voit, dans le Chant 39-du
Purgatoire, l'annonce d'un chef pres-
sant dans sa main puissante l'unité
italienne. Ce chef était-il, dans la pen-
sée de Dante, l'empereur d'Allema-
gne, chef du Saint-Empire romain
germanique, ou tout simplement M.
Mussolini?
« Je vois avec assurance et c'est
pourquoi je le fais connaître, que les
astres doivent bientôt apporter l'heu-
re. Cela sans redouter d'obstacles et
d'arrêts. Cette heure sera celle où
cinq cents et cinq et dix envoyé par
Dieu, anéantira dans la mort la Lar-
ronne et le Géant, qui commet avec
elle des péchés. »
Les péchés contre l'Italie, ainsi
faut-il entendre le' sens du chant dan-
tesque. La Larronne ne serait autré
que la France, et le géant, le Pape,
son complice.
Comme cinq cents et cinq et dix
sont écrits en chiffres romains et que
cela fait DVX, de là à penser qu'il
s'agit du Duce il n'y avait qu'un pas.
Mais le. Pape est-il à ce point l'al-
lié de l'a France, Steeg regnante .P
Et M. Mussolini son ennemi?
Les astres auraient mis, en tout cas,
bigrement longtemps à apporter
l'heure.
Après tout, rien n'est impossible
et cette idée d'un Dux régénérateur
de l'Italie et servant de son unité, que
le poète, vénéré des Italiens, a ancré
dans leur esprit, ne doit pas médio-
crement contribue au prestige du
Dude, alias M. Benito Mussolini. -
HORATIO.
(Voir la suite en troisième page)
La maison du maréchal Joffre à Louceviennes
Un entretien récent
avec le maréchal Joffre
à propos du peintre Bazille
tué à l'ennemi
Où le maréchal refusa de nouveau
la paternité d'un livre publié
sous son nom
Compiègne est le berceau des Penon,
et, aussi, le berceau des miens. Au
XVIIIE siècle, mon bisaïeul, un procu-
reur du roi, a épousé Marie-Anne Pe-
non, et la ville leur a offert à cette occa-
sion une paire de flambeaux d'argent.
En 1789, le procureur est député de
Compiègne : il a pour collègue son
beau-frère, Maître Louis Penon, notaire,
,qui sera emprisonné :lors de la Révolu-
tion et verra son étude pillée.
Maître Louis Penon est le grand-père
de Mme Joffre. De cette parenté si loin-
taine je me suis autorisé un jour afin de
demander un entretien au maréchal.
Depuis longtemps cet homme silen-
cieux m'attirait. Mon adolescence avait
été habituée à l'intensité de sa gloire :
on voyait alors sa photographie partout,
on ne parlait que de lui. Et puis brus-
quement, d'autres noms avaient, dans
l'actualité, remplacé le sien, des noms
augustes que des tiers devaient dresser
les uns contre les autres. »
Jeune,, fervent de ces hautes figures
desquelles on a toujours quelque chose
à apprendre, je voulais approcher au
moins une fois le maréchal. Il m'ac-
corda cette faveur.
Je veux, en ces heures attristées, conter
ici cet entretien, ce qui n'a pour objet
que de rendra au vainqueur de la Marne
un hommage de plus.
A ce moment-là je tentais de remettre
en lumière le peintre Frédéric Bazille;
pour cet engagé volontaire tué en 1870
à vingt-neuf ans, pour ce maître éton-
nant, méridional comme lui, le maréchal
Joffre ne refuserait peut-être pas de
m'appuyer.
Me voici donc' dans le salon de Mme
Joffre, portai mes documents et un li-
vre intitulé La préparation de la guerre
et la conduite des opérations, par le ma-
réchal Joffre.
Quelques minutes de conversation, et
Mme Joffre me conduit dans le bureau
du maréchal. Il me questionne sur ma
famille, puis nous parlons de Bazille.
Longuement, attentivement, il se pen-
che sur les photographies, comme il de-
vait se pencher sur les cartes. Sa voix
est calme, ses gestes paisibles, ses che-
veux très blancs sous là lampe.
L' œuvre lui plaît, mais il ne dit, son
examen terminé, qu'un « je ne le con-
naissais pas, ce n'est pas mon métier »
d'une modestie extrême.
Puis il ajoute :
— Laissez-moi le dossier. Je vous
écrirai.
Je lui 1 tends alors le livre.
— Qu'est-ce ceci?
— Pour Ut. autographe, monsieur le
maréchal.
- Mais il n'est pas de moi! Je ne
l'ai jamais vu!
— Comment ?
— Non. Cet ouvrage semble être la
reproduction d'un rapport secret que j'ai
fait. Il a été publié contre mon gré. En
revêtant de ma signature un de ces exem-
plaires je paraîtrais consacrer une publi-
cation que je considère comme une in-
discrétion.
i- Evidemment, monsieur le maré-
chal, j'ai été, et ne suis pas le seul,
abusé par le titre : vous avez « préparé
la conduite des opérations », sans écrire
ce livre!
Le maréchal, sous ses sourcils plus
blancs que ses cheveux, voit combien
je suis déçu.
Il sourit et, mettant sa main sur mon
épaule :
— C'est gentil d'être venu, de penser
à moi.
Alors, brusquement, j'éprouve le 'be-
soin de lui exprimer tout ce qu'il repré-
sente à nos yeux, aux yeux de ces jeunes
qui entraient dans la vie au début de la
guerre. Il me semble que je paie une
dette. une vieille dette. Je me tais : la
pénombre accuse le silence.
Le maréchal n' a pas bougé.
Et, lentement, voici qu'il se lève,
qu'il prend mes mains dans les siennes
et Qu'il me dit avec une infinie dou-
ceur :
— Vous ne savez pas le plaisir que
vous venez de me faire. On me dit si
rarement ces choses maintenant.
*
Le surlendemain je recevais un mot et
la note qui suit, que les circonstances
ne m'ont pas encore permis d'utiliser et
que je veux publier en ce jour comme
un nouveau témoignage du cœur de
Joffre :
« Frédéric Bazille était un grand pein-
tre méconnu. Son concitoyen, M. Gas-
ton Poulain, s'attache à lui rendre au-
jourd'hui la place qu'il mérite et c'est
justice.
« Ce n'est pas seulement l'artiste qu'il
s'agit de louer et dont d'autres plus com-
pétents rappelleront l'œuvre, mais aussi
le bon Français qui a sacrifié à la Patrie
sa vie et le génie qu'il portait en lui-
même.
« JOFFRE. »
Ainsi m'apparut Joseph Joffre, maré-
chal de France, comme un sage, un véri-
table sage dont la retraite ne masquait
aucune ambition terrassée, et de plus
comme un homme très simple et très
boni
Gaston POULAIN.
Les tribunaux pittoresques
Le Conseil de l'Ordre
des Avocats
découvre l'Amérique
Et sa découverte provoque
une vive réaction
Est-ce la suite des incidents dont est
saisie la Commission d'enquête de la
Chambre? Sans doute. Voici que le
Conseil, de l'Ordre des avocats semble
s'émouvoir et a fait afficher dans la
bibliothèque et au vestjaire une « déci-
sion » qui eçt à lire.
Et qui mérite d'êtrj commentée.
Le troisième paragraphe, notam-
ment, qui débute ainsi : « Se référant
à la règle évidente et traditionnelle d,
l'Ordre, qui interdit à l'avocat de plai-
der contre les personnes dont il a, dans
le mime temps, défendu les inté-
rêts. » eût fait la joie de Courteline
et ne serait pas déplacé dans une co-
médie de M. Tristan Bernard.-
Mais voici cette décision qui est à
découper et à conserver :
« Il est ra—'-lé que les avocats ont
la stricte obligation de s'abstenir de
toute démarche judiciaire dans une
affaire dont ils n auraient pas été offi-
ciellement char^'3.
« Il est rappelé que toute démarche
extra-judiciaire autre que celles qui
sont faites gratuitement en vue 'd'une
grâce sont interdits aux avocats sans
une autorisation expresse et spéciale
du bâtonnier.
« Se référant à la règle évidente et
traditionnelle de l'Ordre qui interdit
à l'avocat de plaider ou de consulter
contre '-s -ersonnes dont il a, dans
le même temps, défendu, les intérêts,
le Conseil estime que ladite rè-le doit,
sans distinction, être appliquée, soit
que 'l'avocat ait été en cette qualité
chargé de ses intérêts, soit qu'à un
titre quelconciue il en ait la garde:
« En cas de doute sur l'application
de cette règle à une espèce donnée,
l'avocat a le devoir de soumettre ses
doutes au bâtonnier. ,
Le Conseil décide que ces dispo-
sitions seront immédiatement aprli-
quées et portées, à la connaissance des
confrères. »
Quand on connaît un peu le Palais
de Justice, on peut imaginer sans peine
l'agitation qui s'est emparée aussitôt
des avocats à la lecture de cette « dé-
cision ».
Que veut signifier la Conseil par
cette manifestation inattenduè ? Ce
texte vise-t-il particulièrement des
avocats qui sont en même temps des
hommes politiques? Veut-on marquer
la séparation oui doit exister entre la
profession d'avocat et celle de député,
de sénateur ou de ministre ?
Mais il est des situations établies.*
Et en ne spécifiant r' .n, le Conseil
ne risque-t-il pas de laisser croire que
ce qui ne peut être que « l'apanage »
de quelques-uns 'est de rratique cou-
rante pour tous ces messieurs du bar-
reau ? T
Le texte de la décision est, du reste,
si volontairement obscur, qu'hier
après-midi, ve:3 quatre heures, devant
deux cents personnes environ, avocats
nour la plupart, on a pu voir un r.iem-
hre du ConseM de l'Ordre, Me de Moro-
Oiafferi, monté sur 1-:s m. - ;hes de la
Cour d'appel comme dans une tri-
bune. explinuerxet commenter. le? r,:-!..
raeraphes de l'ord^ du jour de ces
messieurs du Conseil. <
Georges Delaine.
Entre nous
La danse sar les oeufs
Un brave homme de député vient de
déposer une proposition de loi pour que
les œufs mis en vente et provenant de
l'importation portent une estampille, à
l'encre indélébile, indiquant leur pays
d origine.
C'est une idée. D'abord, ce serait
amusant de savoir qu'on mange des
œufs du iViaroc, ou d'Egypte, ou
d'Amérique ou du Japon. A. table, on
aurait un sujet de conversation tout
trouvé : « Préférez-vous les Marocaine
les Egyptiens? » Il ne doit y avoir au-
cune différence entre eux, mais. pour
causer, on en trouverait certainement :
il y a des .gens qui se feraient fort même
de les distinguer dans une omelette.
Ensuite, avec ce système, les mar-
rhands ne seraient plus tentés de. nous
fa re croire que lés œufs qu'ûls nous ven-
dent ont été pondus, il y a huit jours,
dans les jardins de Versailles, op, le
matin même, au jardin du Luxembourg.
Il y a un expéditeur qui vient d'avoir
une trouvaille. Il publie dans les. jour-
naux des réclames en faveur de ses œufs,
qu'il présente en ces termes : « Œufs-
coque à la fraîcheur stabifisée ». N'est-
ce pas une merveille, cette « fraîcheur
stabilisée » ? Hier encore nous disions -
des œufs de conserve. Mais cette con-
serve sonnait mal. On n'aurait pas osé
d re qu'on achetait des œufs de con-
serve. Ils n'avaient pas une très bonne
presse. Pour tout dire, on ne les consi-j
dérait pas comme. très frais. Mais des
œufs à la « fraîcheur stabilisée » !
Quelle est la petite bourgeoise qui ne se
flatterait d'en servir chez elle? — « Des
œufs à la fraîcheur stabilisée, ma chère!
Vous pensez s'ils doivent être frais! »
Ce commerçant connaît la psycholo..
gie du client. Il s'agit de trouvei le mot
qui les éblouit, et un mot un peu savent.
Vous verrez que ces œufs à la « fraî-
cheur stabilisée » finiront par être consi-
dérés comme plus frais que les œufs du
jour.
Jules VERAN.
248 ANNEE. — N° 6 555- LE NUMÉRO: 50 Centimes --- 5r, rue Saint-Georges. — Tél. : Trudafae 92-80 à 92-84, MARDI 3.0 DECEMBRE 1930
JEAN DE ROVERA
Directeur
.Une ample comédie aux cent actes divers
et dont la scène est l'univers.
(LA FONTAINE.)
REDACTION ADMINISTRATION
51 rue Saint-Georges, Paris (9e)
Téléphone : Trudaine 92-82. 92-83. 92-84
Le Numéro: CINQUANTE centimes
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Etranger. 56 » 104 » 200 »
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Adresse télégraphique: COMŒDIA-PARIS
Chèque Postal : 326-72 Paris
Adresser la correspondance sans exception
à M. le directeur de « Comœdia »
En 1931, l'Italie doit cons-
truire 22 sous-marins.
Céla fera-t-il penser, au Quai.
d'Orsay, qu'il faut compter avec
elle et nous voudrions pouvoir
dire sur elle ?
i 'ÉPOQUE ET LES LIVRES
4-.
"La Cité heureuse99
ou examen de notre temps
A la fin de son beau livre- La Cité
heureuse, Franc-Nohain a déclaré ceci:
« On oublie trop que, pour dénombrer
« la population d'une cité, on compte
« par âmes : vingt mille âmes, cent
« mille âmes, un million, plusieurs mil-
« l ions d'âmes. Des âmes. »
Je suppose que la plupart des liseurs
passionnés ont le même réflexe que moi,
la dernière page tournée : ou ils passent
immédiatement à un autre genre d'exer-
cice (correspondance, rédaction de la
feuille d'impôts, lecture d'un journal,
sommeil, etc.) — mauvais signe, pour
le livre! — ou ils se plaisent à rester
quelques instants encore sous le charme
des phrases qui viennent de les émou-
voir, à les récapituler, à les ruminer,
dans une rêverie qui est le prolongement
et je-,,,signe même du plaisir.
Ainsi ai-je fait pour La Cité heureuse.
Et je pensais que si la population d'une
ville doit se dénombrer par âmes, on
pourrait en faire autant pour les ouvra-
gei de l' esprit, à cette différence près
'Gue, pour les ouvrages, une sélection se-
rait opérée, tandis que dans les statisti-
aues, l'idiot, le fou, l'alcoolique comp-
tent chacun pour une âme! Le talent lit-
téraire ne manque certes point; ceux qui
.n'en possèdent pas le dr inné, en pro-
rondeur, arrivent à donner, en surface,
l'illusion. C'est encore un article que
l' on a pu truquer. Ainsi en va-t-il de
certains vins, vendus à bon compte, qui
-JmL tout du grand cru : le parfum, la
.$ouleur, sans oublier la bouteille bien
poussiéreuse et l'étiquette vénérablement
patinée, des vins que l'on ne boit pas
sans une certaine délectation, mais qui
laissent ensuite je ne sais quelle décep-
tion de palais, un arrière-goût de vinai-
gre moisi. Ces vins n'ont pas d'âme.
Ces livres en sont également dépourvus,
La. faute incombe à leur auteur. Mais
comme on boit très vite, on lit, en géné-
ral, avec une telle rapidité que tout
passe. -
Notre devoir reste très net : il con-
siste à arrêter au passage une production
très rare; ^gonflée d'observation, fleurie
de tendresse et à la signaler, ne serait-ce
que par reconnaissance.
Or, La Cité* heureuse, comme bien
des chefs-d'œuvre, par~un Hasard -mira-
culeux qui n'est peut-être pas un hasard,
mais la conscience de l' opportunité,
vient à son heure, l'heure, comme on dit,
de « faire le point H. On n'a jamais eu
un si vif besoin de pensée, je n' entends
point des productions de ces penseurs
professionnels qui abondent en apophteg-
mes reversibles et interchangeables. Une
pensée jeune et mûrie. Jeune par sa fraî-
cheur, par son enthousiasme, par sa foi.
Mûrie par l'expérience, par la sagesse,
en un mot par la vie qui fertilise les ter-
rains riches et dessèche les terres
inaptes.
Il est très doux de murmurer à chaque
fin de chapitre : « Comme il a raison! »
Dans La Cité heureuse, comme dans
L'Art de-vivre de Franc-Nohain, les
marges sont couvertes d'annotations. Je
vous conseille cette lecture sur la table
de travail, le crayon à la main. Un pas-
sage souligné et cimenté, même naïve-
ment, est un passage que l'on retient.
-Je suis sûr que, dans quelques mois,
Franc-Nohaii s'amusera beaucoup et
aura un vif orgueil à feuitiete- les exem-
plaires de son livre mis à la disposition
du public par les cabinets de lecture :
il ne manquera pas d'y trouver, déposés
par des mains inconnues, des témoigna-
ges d'approbation fraternelle.
D'aborJ, à constater : un merveil-
leux équilibre. Le bon sens peut être
haïssable ou divin, selon celui qui nous
r apporte, ou une pesante massue, un
marteau-pilon à écraser les papillons, ou
la plus rare, la plus parfumée, la plus
radieuse des fleurs. Il faut simplement
que celui qui nous l'apporte soit un
poète. La raison de Franc-Nohain ne
nous entraînerait pas si elle n'était que
raisonnable : elle est irisée. Par l' ex-
pression d abord toujours juste, toujours
harmonieuse. Et par l'esprit dont on n'a
jamais fait un plus judicieux emploi.
Je cite au hasard; il s'agit du Droit
et du Devoir : « Nous raisonnons des
« uns et des autres, écrit Franc-Nohain,
« comme s'ils étaient indépendants et,
« surtout, comme si leur -qualité était
« différente, comme s'il était plus flat-
« teur d'accomplir un devoir, plus avan-
« tageux <3* exercer un droit. Le devoir
« n'est p? l'envers du droit, ni le droit
« la doublure du devoir; ils sont, tous
« deux, la même étoffe ». Et au cours
du chapitre consacré à l'argent, question
qui serait vraiment trop sombre « si les
gens qu'elle préoccupe n'y mêlaient
envers et contre tous, un grain de fée-
rie, une pointe de romanesque », sa-
vourez cette conclusion : « Les finan-
« ciers sont les dernières fées et leurs
« clients sont les plus romanesques des
« hommes ». Et voilà, éclairée par un
poète,, toute une face obscure de la
vérité.
Vous trouverez dans cette œuvre beau-
coup de vos impressions personnelles qui
y sont fixées, sans phraséologie, sans dé-
clamation. Telle constatation sur une
époque « livrée à la fois aux cocktails
« et aux eaux minérales, aux stupéfiants
« et aux spécialités pharmaceutiques ».
Et le passage du « train de luxe vio-
« lemment éclairé, avec ses tables joli.
« ment servies, cheminant avec lenteur
(K sous un tunnel, tandis crue les ouvriers
« de la voie, harassés et suants, regar.
« dent. » « J'aimerais mieux, écrit
« Franc-Nohain, — oh! pas besoin d'un
« règlement de la police des chemins de
« fer ni d'un décret — j'aimerais mieux,
« pourtant, quand le train ralentit ainsi,
a qu'on baissât les stores ».
Une âme, vous dis-je. Et un chef-
d'œuvre. Je ne saurais vous en donner
ce que l' on appelle une idée d'ensem-
ble, pas plus que l'on ne peut donner
cette idée des Essais immortels. Tout no-
tre temps est examiné, scruté, jugé avec
une tendre ironie, une pitié souriante. Et
c'est l'Administration, et c'est la Politi-
que, la J-istice et la Littérature, l'En-
seignement (il y a là des pages magis-
trales), les Beaux-Arts et l'Agriculture,
la « Phynance », ce que nous admirons,
ce que nous détestons, ce que nous su-
bissons.
Et comment, me demanderez-vous, ne
se dégage-t-il pas de tout cela une. tris-
tesse affreuse? C'est que le ton de tout
le livre nous prépare à son dénouement.
Franc-Nohain n' expose pas les tares
dans le souterrain où elles s' aggravent,
mais au bon soleil qui les guérit :
« Pour que la collectivité vive, s'écrie-t-
« il, qu'on n'empêche pas, ou le moins
« possible, l'individu d'être heureux ».
Un triumvirat : Puissance, Sagesse,
Amour. « La cité a besoin de bons ci-
« toyens qui lui permettent d'avoir de
« grands hommes. » Et enfin, après
un exposé éloquent, chaleureux, jailli
des profondeurs du cœur, ce cri où l'on
trouve tout ce génie de Gavroche philo-
sophe, ce cri qui ralliera les pauvres con-
temporains traqués, pressurés, mensurés:
« La cité heureuse est celle où l'on
« nous fiche la paix! » Et je vous recom-
mande, sans vouloir l' altérer par une
citation tronquée, le tableau final.
Après L'Art de vivre, La Cité heu-
reuse. Un beau livre qui est aussi un
bon livre, cela fait un grand livre.
Henri DUVERNOIS.
Choses du jour
Choses du Jour
Les derniers moments
du maréchal Joffre
o Joffre se meurt.
Un peu avant seize heure hier, les
professeurs Leriche et Faure, les docteurs
Boulin et Fontaine, après une nouvelle
consultation, signaient le bulletin de santé
suivant, terrible dans son laconisme :
a Faiblesse extrême, état très grave D.
Ce funèbre diagnostic avait moins de
deux heures plus tard sa tragique confir-
mation : à 17 h. 30, le maréchal entrait
dans le coma. Toute la journée il avait
lutté silencieusement contre la mort. En
quittant son chevet, le docteur Fontaine,
maîtrisant difficilement son émotion, avait
confié aux journalistes :
— Notre malade en est arrivé au point
où la science humaine se révèle impuis-
sante. Ses forces déclinent peu à peu, mais
sa lucidité demeure intacte et son cœur fait
preuve d'une résistance inouïe. Mais si
robuste que soit sa constitution, et si te-
nace sa volonté, nous avons, hélas ! perdu
tout espoir.
Au seuil de la maison de santé, une
foule muette et dont le visage trahissait
l'anxiété était demeurée jusqu'au soir in-
sensible à la pluie.
— Comment va le maréchal?
Question mille fois posée à voix basse
aux médecins, aux visiteurs, aux journa-
listes; question à quoi un gamin de quinze
ans donna cette sublime répons-; :
— Le maréchal, M'sieu, il se défend
comme à la Marne.
Dénie incessant des amis et des per-
sonnalités : les généraux Niessel et Rague-
neau, - MM. Millerand, Louis Barthou,
Painlevé, le maréchal Lyautey, M. Qui-
nones de Léon, ambassadeur d'Espagne,
M Henry Paté, Mgr Maglione, nonce apos-
tolique, MM. Jules Cambon, Barrère, le
général Hirschauer, le docteur Charcot,
Mme la générale Pau, MM. Fernand
Bouisson, président de la Chambre, Henry
Chéron, garde des Sceaux, Claude Far-
rère, Loucheur, Dumesnil, Albert Sar-
raut, de Fleuriau, Germain-Martin, Mme
Jane Déroulède, MM. René Doumic, Bi-
net- Val mer, le procureur Donat-Guigue, le
maréchal Franchet d'Esperey, l'ambassa-
deur du Japon, etc.
Mais bientôt l' affreuse nouvelle : « Le
maréchal est dans le coma » s'est répan-
due rue Oudinot. Alors la nuit, plus
épaisse, semble tendre un crêpe immense
sur les murs blafards de la clinique. Des
femmes se signent. A pas feutrés, sem-
ble-t-il, la foule, pressentant que le moin-
dre bruit résonnerait comme un sacrilège,
se disperse lentement.
Elle veut, cette foule, que l'irréparable
s'accomplisse dans le grand silence de sa
douleur, de son affection et de sa recon-
naissance.
A. Delpeyrou.
DE TOUT UN PEU.
a En Turquie, l'agitation s'étant
aggravée, le gouvernement a proclamé
l'état de siège, incarcéré des centaines de
fonctionnaires et convoqué d'urgence le
Parlement.
a On croit que quarante personnes
sont encore ensevelies sous l'éboulement
de la colline de Mustapha. Les pompiers
et la troupe d'Alger procèdent nuit et jour
aux travaux de déblaiement.
CZ5 L'éruption du Murapi aurait fait
1.300 victimes. -Le volcan est encore en
pleine activité.
<::) Huit internes de l'hôpital Saint-
Louis sont suspendus pour trois mois. Ils
avaient joué aux « fantômes ».
CZ5 M. Mussolini vient de décider la
construction de 22 sous-marins au cours
de l'année 1931. Que va dire la conférence
du désarmement navale
AVEZ-VOUS LU B^ruch?.
ALGÉRIE
par Louis CHÉRONNET
Images de Maurice Tranchant
Un album pour les enfants
Si d'aventure vous êtes gêné, à cette
période de l'année, pour savoir quoi don-
ner aux gosses de vos amis et aux vôtres,
ayant eu, je l'espère, le bon sens d'en
avoir : vous passez chez le libraire, et,
sans avoir le temps de lire ce que vous
allez offrir, vous suivez le conseil de la
commise ou du commis, qui n'ont guère
plus que vous parcouru l'album qu'ils
vont vous recommander.
Par une chance bizarre, un éditeur qui
si consacre, d.'habitude, à des ouvrages
pour les grandes personnes, vient de nous
soumettre une histoire de l'Algérie en
gros caractères, brève de, texte et simple
de ton : le sujet est d'actualité.
Ce récit est illustré d'images, les unes
en camaïeu, les autres en couleurs fran-
ches, qui rappellent les images d'Epinal.
Le tout est aimable et gai, et me sem-
ble parfaitement convenir aux enfants de
cinq à dix ans, suivant leur degré de
culture.
On pourrait, ainsi, écrire de bien jo-
lies choses pour les enfants, si l'on avait
h temps et si un éditeur subtil deman-
dait à de subtils jongleurs de lettres
d'accorder leur instrument à l'imagina-
tion ingénue et souple de ces rois in-
conscients de la féerie et du songe que
sont les enfants qui ne lisent pas trop
tôt le journal.
r avais, un jour, eu la pensée d'écrire
une Histoire de l'Eléphant de Laine et
du Caïman de Cristal : c'était, me sem-
blait-il, assez bien agencé, mais j'ai ou-
blié mon conte, et il ne me reste plus
qu'à faire cadeau de mon titre à quel-
que jeune magicienne de lettres qui bro-
dera là-dessus des histoires nonpareilles.
Il y a aussi /'Histoire du Roi des sept
îles.
Il Va Le Conte du Rat et du Castor.
Il y a Le Roi nègre et la princesse
Baldroubouzour.
Mais si notre révérend docteur Mar-
drus s'empare de ce dernier sujet, quel-
Napoléon par Michalowski
Ce tableau est une des Plus remarquables toiles figurant à l'exposition polo-
naise, ouverte en ce moment au Jeu de Paume.
les obscénités ne voudra-t-il point y in-
clure 1
Car, vous ne l'ignorez point, tous les
sujets ont deux côtés et peuvent être trai-
tés suivant deux modes : le réaliste, qui
est le répugnant et le vrai, pour les gran-
des personnes pas propres, et le poéti-
que, pour les enfants, les cœurs ingénus,
les doux, les pauvres, les sylphes, les
elfes, les nonchalants, les rêveurs, les
fées.
Louis THOMAS.
s
Page 2
Les Attractions de la Semaine, par
Gustave Fréjaville.
Page 3
Les femmes et l'amour: Revue des
livres par Gonzague Truc.
Page 4 -
Théâtre et Musique en Province.
La Vie des Ondes.
"NOS ÉCHOS
L
e grand-père. l ,..
1.
L'an dernier, à pareille - épo-
que, un vieillard, les bras charges de
paquets, descendait de taxi, lorsqu'un
de ses paquets lui échappa et roula
sur le sol..
Non sans peine, il se baissa, ra-
massa l'objet, ce Que ,,-':nu' passant
n'avait songé à faire.
Alors qu'il payait,, quelqu'un le re-
connut: c'était Joffre.
Sic transit gloria mundi.
Le duc chauffeur du maréchal.
- Pendant la guerre, le maréchal
Joffre eut un chauffeur de choix, le
duc d'Albuféra" en personne, qui,
alors, portait le titre de marquis.
Et le duc d'Albuféra eut sur les
destinées des Alliés une influence très
grande, bien que tenue fort secrète.
Il fit, en effet, verser son illustre
« patron » dans un fossé. Le maréchal
s'en tira indemne, et pardonna.
Mais quelle tournure aurait pris la
guerre si cet accident avait coûté la
vie au futur vainqueur de la Marne?
u
n neveu de Jules Verne accom-
pagnera Wilkins au Pôle Nord.
Les journaux américains annoncent
que l'explorateur sir George Hubert
Wilkins, qui doit se rendre au Pôle
Nord en submersible, sera accompa-
gné dans son voyage par M. Jean
Verne, neveu du célèbre écrivain.
Le capitaine du sous-marin, M. Da-
menhaver, est venu inviter M. Jean
Verne à se rendre en Amérique pour
assister au baptême du navire auquel
sera donné le nom de Nautilus, en
souvenir du fameux roman précurseur
Vingt mille lieues sous les mers. ,
Ainsi, le neveu va vivre efficace-
ment le rêve de son grand oncle.
Voici qui n'est pas sans allure.
Comœdia prépare
l'Arbre de Noël
des Enfants du Spectacle
Nos lecteurs. trouveront en 2e page
les premières souscriptions reçues par
Comœdia.. Nous publions ci-dessous
celles que nous venons de recevoir.
Premières souscriptions 25.280 fr.
Mme Mercanton 200 >
Mme Emmanuel Gonse-Boas 500 >
Mme Blanche Bilbao 100 >
M. 'Lëredu, sénateur. 200 >
M. Jean Mercanton 100 >
M. Pierre Dasset. 50 >
Mme Pauline Donalda. 100 >
26.530 fr.
Notre souscription reste ouverte jus-
qu'au 15 janvier, date de la fête que
Comœdia organisera .à1 l'Ecole du
Spectacle.
u
n gosse de neuf ans ioue du
revolver.
Il tue un de ses camarades de jeu.
Ceci s'est passé en Italie, mais
pourrait aujourd'hui se passer n'im-
porte où.
Un'petit garçon de neuf ans jouait
avec un de ses camarades âg'- de
onze ans, lorsqu'à la suite d'une dis
cussion légère, il tira de sa poche un
revolver et visa son ami en pronon-
çant des phrases ronflantes. Il pressa
la gâchette, et l'autre petit garçon,
atteint à la tête, tomba raide mort.
Le meurtrier de neuf ans a été
arrêté, ainsi que sa mère.
L'enfant avait profité d'une halte
d'automobilistes près d'une pompe à
essence pour s'emparer du revolver
qui se trouvait à l'intérieur de la voi-
ture. ,
Ceci en dit long. et se passe de
commentaires.
M ussolini annoncé par Dante?
La chose est-elle vraie?. M.
René Caillier s'efforce de le démon-
trer dans un article de La Petite Gi-
ronde.
Partant du fait que le Dante s'éle-
va contre la puissance temporelle eu
Pape,-en contradiction avec les ordres
de celui dont il était le vicaire et lui
reprocha ses alliances avec la France,
M. Caillier voit, dans le Chant 39-du
Purgatoire, l'annonce d'un chef pres-
sant dans sa main puissante l'unité
italienne. Ce chef était-il, dans la pen-
sée de Dante, l'empereur d'Allema-
gne, chef du Saint-Empire romain
germanique, ou tout simplement M.
Mussolini?
« Je vois avec assurance et c'est
pourquoi je le fais connaître, que les
astres doivent bientôt apporter l'heu-
re. Cela sans redouter d'obstacles et
d'arrêts. Cette heure sera celle où
cinq cents et cinq et dix envoyé par
Dieu, anéantira dans la mort la Lar-
ronne et le Géant, qui commet avec
elle des péchés. »
Les péchés contre l'Italie, ainsi
faut-il entendre le' sens du chant dan-
tesque. La Larronne ne serait autré
que la France, et le géant, le Pape,
son complice.
Comme cinq cents et cinq et dix
sont écrits en chiffres romains et que
cela fait DVX, de là à penser qu'il
s'agit du Duce il n'y avait qu'un pas.
Mais le. Pape est-il à ce point l'al-
lié de l'a France, Steeg regnante .P
Et M. Mussolini son ennemi?
Les astres auraient mis, en tout cas,
bigrement longtemps à apporter
l'heure.
Après tout, rien n'est impossible
et cette idée d'un Dux régénérateur
de l'Italie et servant de son unité, que
le poète, vénéré des Italiens, a ancré
dans leur esprit, ne doit pas médio-
crement contribue au prestige du
Dude, alias M. Benito Mussolini. -
HORATIO.
(Voir la suite en troisième page)
La maison du maréchal Joffre à Louceviennes
Un entretien récent
avec le maréchal Joffre
à propos du peintre Bazille
tué à l'ennemi
Où le maréchal refusa de nouveau
la paternité d'un livre publié
sous son nom
Compiègne est le berceau des Penon,
et, aussi, le berceau des miens. Au
XVIIIE siècle, mon bisaïeul, un procu-
reur du roi, a épousé Marie-Anne Pe-
non, et la ville leur a offert à cette occa-
sion une paire de flambeaux d'argent.
En 1789, le procureur est député de
Compiègne : il a pour collègue son
beau-frère, Maître Louis Penon, notaire,
,qui sera emprisonné :lors de la Révolu-
tion et verra son étude pillée.
Maître Louis Penon est le grand-père
de Mme Joffre. De cette parenté si loin-
taine je me suis autorisé un jour afin de
demander un entretien au maréchal.
Depuis longtemps cet homme silen-
cieux m'attirait. Mon adolescence avait
été habituée à l'intensité de sa gloire :
on voyait alors sa photographie partout,
on ne parlait que de lui. Et puis brus-
quement, d'autres noms avaient, dans
l'actualité, remplacé le sien, des noms
augustes que des tiers devaient dresser
les uns contre les autres. »
Jeune,, fervent de ces hautes figures
desquelles on a toujours quelque chose
à apprendre, je voulais approcher au
moins une fois le maréchal. Il m'ac-
corda cette faveur.
Je veux, en ces heures attristées, conter
ici cet entretien, ce qui n'a pour objet
que de rendra au vainqueur de la Marne
un hommage de plus.
A ce moment-là je tentais de remettre
en lumière le peintre Frédéric Bazille;
pour cet engagé volontaire tué en 1870
à vingt-neuf ans, pour ce maître éton-
nant, méridional comme lui, le maréchal
Joffre ne refuserait peut-être pas de
m'appuyer.
Me voici donc' dans le salon de Mme
Joffre, portai mes documents et un li-
vre intitulé La préparation de la guerre
et la conduite des opérations, par le ma-
réchal Joffre.
Quelques minutes de conversation, et
Mme Joffre me conduit dans le bureau
du maréchal. Il me questionne sur ma
famille, puis nous parlons de Bazille.
Longuement, attentivement, il se pen-
che sur les photographies, comme il de-
vait se pencher sur les cartes. Sa voix
est calme, ses gestes paisibles, ses che-
veux très blancs sous là lampe.
L' œuvre lui plaît, mais il ne dit, son
examen terminé, qu'un « je ne le con-
naissais pas, ce n'est pas mon métier »
d'une modestie extrême.
Puis il ajoute :
— Laissez-moi le dossier. Je vous
écrirai.
Je lui 1 tends alors le livre.
— Qu'est-ce ceci?
— Pour Ut. autographe, monsieur le
maréchal.
- Mais il n'est pas de moi! Je ne
l'ai jamais vu!
— Comment ?
— Non. Cet ouvrage semble être la
reproduction d'un rapport secret que j'ai
fait. Il a été publié contre mon gré. En
revêtant de ma signature un de ces exem-
plaires je paraîtrais consacrer une publi-
cation que je considère comme une in-
discrétion.
i- Evidemment, monsieur le maré-
chal, j'ai été, et ne suis pas le seul,
abusé par le titre : vous avez « préparé
la conduite des opérations », sans écrire
ce livre!
Le maréchal, sous ses sourcils plus
blancs que ses cheveux, voit combien
je suis déçu.
Il sourit et, mettant sa main sur mon
épaule :
— C'est gentil d'être venu, de penser
à moi.
Alors, brusquement, j'éprouve le 'be-
soin de lui exprimer tout ce qu'il repré-
sente à nos yeux, aux yeux de ces jeunes
qui entraient dans la vie au début de la
guerre. Il me semble que je paie une
dette. une vieille dette. Je me tais : la
pénombre accuse le silence.
Le maréchal n' a pas bougé.
Et, lentement, voici qu'il se lève,
qu'il prend mes mains dans les siennes
et Qu'il me dit avec une infinie dou-
ceur :
— Vous ne savez pas le plaisir que
vous venez de me faire. On me dit si
rarement ces choses maintenant.
*
Le surlendemain je recevais un mot et
la note qui suit, que les circonstances
ne m'ont pas encore permis d'utiliser et
que je veux publier en ce jour comme
un nouveau témoignage du cœur de
Joffre :
« Frédéric Bazille était un grand pein-
tre méconnu. Son concitoyen, M. Gas-
ton Poulain, s'attache à lui rendre au-
jourd'hui la place qu'il mérite et c'est
justice.
« Ce n'est pas seulement l'artiste qu'il
s'agit de louer et dont d'autres plus com-
pétents rappelleront l'œuvre, mais aussi
le bon Français qui a sacrifié à la Patrie
sa vie et le génie qu'il portait en lui-
même.
« JOFFRE. »
Ainsi m'apparut Joseph Joffre, maré-
chal de France, comme un sage, un véri-
table sage dont la retraite ne masquait
aucune ambition terrassée, et de plus
comme un homme très simple et très
boni
Gaston POULAIN.
Les tribunaux pittoresques
Le Conseil de l'Ordre
des Avocats
découvre l'Amérique
Et sa découverte provoque
une vive réaction
Est-ce la suite des incidents dont est
saisie la Commission d'enquête de la
Chambre? Sans doute. Voici que le
Conseil, de l'Ordre des avocats semble
s'émouvoir et a fait afficher dans la
bibliothèque et au vestjaire une « déci-
sion » qui eçt à lire.
Et qui mérite d'êtrj commentée.
Le troisième paragraphe, notam-
ment, qui débute ainsi : « Se référant
à la règle évidente et traditionnelle d,
l'Ordre, qui interdit à l'avocat de plai-
der contre les personnes dont il a, dans
le mime temps, défendu les inté-
rêts. » eût fait la joie de Courteline
et ne serait pas déplacé dans une co-
médie de M. Tristan Bernard.-
Mais voici cette décision qui est à
découper et à conserver :
« Il est ra—'-lé que les avocats ont
la stricte obligation de s'abstenir de
toute démarche judiciaire dans une
affaire dont ils n auraient pas été offi-
ciellement char^'3.
« Il est rappelé que toute démarche
extra-judiciaire autre que celles qui
sont faites gratuitement en vue 'd'une
grâce sont interdits aux avocats sans
une autorisation expresse et spéciale
du bâtonnier.
« Se référant à la règle évidente et
traditionnelle de l'Ordre qui interdit
à l'avocat de plaider ou de consulter
contre '-s -ersonnes dont il a, dans
le même temps, défendu, les intérêts,
le Conseil estime que ladite rè-le doit,
sans distinction, être appliquée, soit
que 'l'avocat ait été en cette qualité
chargé de ses intérêts, soit qu'à un
titre quelconciue il en ait la garde:
« En cas de doute sur l'application
de cette règle à une espèce donnée,
l'avocat a le devoir de soumettre ses
doutes au bâtonnier. ,
Le Conseil décide que ces dispo-
sitions seront immédiatement aprli-
quées et portées, à la connaissance des
confrères. »
Quand on connaît un peu le Palais
de Justice, on peut imaginer sans peine
l'agitation qui s'est emparée aussitôt
des avocats à la lecture de cette « dé-
cision ».
Que veut signifier la Conseil par
cette manifestation inattenduè ? Ce
texte vise-t-il particulièrement des
avocats qui sont en même temps des
hommes politiques? Veut-on marquer
la séparation oui doit exister entre la
profession d'avocat et celle de député,
de sénateur ou de ministre ?
Mais il est des situations établies.*
Et en ne spécifiant r' .n, le Conseil
ne risque-t-il pas de laisser croire que
ce qui ne peut être que « l'apanage »
de quelques-uns 'est de rratique cou-
rante pour tous ces messieurs du bar-
reau ? T
Le texte de la décision est, du reste,
si volontairement obscur, qu'hier
après-midi, ve:3 quatre heures, devant
deux cents personnes environ, avocats
nour la plupart, on a pu voir un r.iem-
hre du ConseM de l'Ordre, Me de Moro-
Oiafferi, monté sur 1-:s m. - ;hes de la
Cour d'appel comme dans une tri-
bune. explinuerxet commenter. le? r,:-!..
raeraphes de l'ord^ du jour de ces
messieurs du Conseil. <
Georges Delaine.
Entre nous
La danse sar les oeufs
Un brave homme de député vient de
déposer une proposition de loi pour que
les œufs mis en vente et provenant de
l'importation portent une estampille, à
l'encre indélébile, indiquant leur pays
d origine.
C'est une idée. D'abord, ce serait
amusant de savoir qu'on mange des
œufs du iViaroc, ou d'Egypte, ou
d'Amérique ou du Japon. A. table, on
aurait un sujet de conversation tout
trouvé : « Préférez-vous les Marocaine
les Egyptiens? » Il ne doit y avoir au-
cune différence entre eux, mais. pour
causer, on en trouverait certainement :
il y a des .gens qui se feraient fort même
de les distinguer dans une omelette.
Ensuite, avec ce système, les mar-
rhands ne seraient plus tentés de. nous
fa re croire que lés œufs qu'ûls nous ven-
dent ont été pondus, il y a huit jours,
dans les jardins de Versailles, op, le
matin même, au jardin du Luxembourg.
Il y a un expéditeur qui vient d'avoir
une trouvaille. Il publie dans les. jour-
naux des réclames en faveur de ses œufs,
qu'il présente en ces termes : « Œufs-
coque à la fraîcheur stabifisée ». N'est-
ce pas une merveille, cette « fraîcheur
stabilisée » ? Hier encore nous disions -
des œufs de conserve. Mais cette con-
serve sonnait mal. On n'aurait pas osé
d re qu'on achetait des œufs de con-
serve. Ils n'avaient pas une très bonne
presse. Pour tout dire, on ne les consi-j
dérait pas comme. très frais. Mais des
œufs à la « fraîcheur stabilisée » !
Quelle est la petite bourgeoise qui ne se
flatterait d'en servir chez elle? — « Des
œufs à la fraîcheur stabilisée, ma chère!
Vous pensez s'ils doivent être frais! »
Ce commerçant connaît la psycholo..
gie du client. Il s'agit de trouvei le mot
qui les éblouit, et un mot un peu savent.
Vous verrez que ces œufs à la « fraî-
cheur stabilisée » finiront par être consi-
dérés comme plus frais que les œufs du
jour.
Jules VERAN.
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