Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-01-20
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 20 janvier 1902 20 janvier 1902
Description : 1902/01/20 (A11,N3399). 1902/01/20 (A11,N3399).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7626581f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/11/2014
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ONZIEME ANNEE. - No 3399 - SIX PAGES - Paris et Départements - CINQ CENTIMES LUNDI 20 JANVIER i902 *
¡il 4:
o FERNAND XAU, Fondateur
Quotidien, Littéraire, Artistique et Politique
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
ioo, RUE RICHELIEU, PARIS
IdSïMM télégraphique : JOURNAL.-RICHELIEU-PARIS
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PARAISSANT TOUS LÊS JOURS
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L »-
CHEZ LAGRAViÏl GE, '■
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6, PLACI SFI TFTi Q c B ,?
et aux bureaux du JOURNAL
Adresser lu mandats-post* à M. TAdministrateur
Les manuscrits soi iuéÑI M lORi pu rendue
NOTES
SUR
LE TEMPS PRÉSENT
Les grands faits ? Tout le monde s'en
occupe. Ils sont là un tas d'officiels, pa-
tentés, brevetés, pourvus de toutes ..es
Investitures, qui font ia toilette de l'His-
toire; la maquillent et la drapent selon
leur goût du moment ; mettent en relief
ce qu'ils considèrent comme ses beau-
tés; gazent ce qu'ils regardent comme
ses imperfections.
Si bien qu'il faut attendre que le fard
tombe, que les voiles s'usent, que ies
paillons s'éteignent, pour discerner la
nature de l'artifice, la vérité de l'illu-
sion.
Alors, les chercheurs se mettent de la
partie, scrutent, furettent, reniflent les
sachets évaporés, les flacons séchés ;
risquent des doigts profanes dans les
coffrets à dentelles et les coffrets à bi-
joux ; chaussent même les besicles an-
ciennes pour déchiffrer les grimoires
jaunis, les billets à teinte d'ivoire; re-
tournent les pastels pour savoir, outre
le nom du peintre, l'adresse de l'enca-
dreur.
Et nous avons Frédéric Masson, Le-
Hôtre, le docteur Cabanès, etc., et nous
connaissons des époques non plus par
le pompeux mensonge des annalistes
contemporains, des «chargés d'affaires»
de la respectabilité publique, mais par
le rapprochement des Mémoires posthu-
mement publiés de quelques indépen-
dants et le labeur menu, précis, déli-
cieusement ironiste, des dénicheurs de
secrets.
Pourquoi donc ne pas faire cela du
vivant de nos époques ? Et puisqu'il n'est
plus de roi, plus de cour — je n'ajouterai
point : partant plus d'intrigues — pour-
quoi ne pas appliquer au régime lui-
même ce système d'observation, si pé-
Temptoire et si gai ?
Croyez-vous que jamais, dans le fin
fond des bibliothèques, plus tard, l'éru-
dit sera mieux renseigné quant à l'atti-
taide de notre Une et Indivisible en 1901,
par la sténographie des discours, le
compte rendu des fêtes, les instantanés
des défilés et accolades, que par la ré-
vélation gauloise et inoffensive de'l'exis-
tence des petite carrés soyeux, avec ap-
position, à l'angle gauche, de l'aigle dé-
coupée dans du papier d'argent, et des-
tinés à ce que vous savez — parlai te-
ment
Au dernier moment, il est vrai, quel-
que scrupule survint quant à l'excès de
télé. Ces inestimables documents de-
meurèrent dans la pénombre ; puis, par
trahison ou maladresse, glissèrent dans
\a. circulation.
Entendons-nous : pour la confiserie 1
Noblesse oblige 1 Us ne pouvaient dé-
choir autrement — excelsior 1 Dans
fcoiït Compiègne les chocolats en furent
papillotes pour les étrennes. Comme
chantait Déroulède :
Nïtehero ! ça n'y fait guère,
.Nitchero ! ça n'y fait rien !
Mais Rabelais peut bien rire sous
tape, aux dépens des Grandgousiers 1
Certes, les amateurs de pittoresque
D'ont pas tous les jours aubaine si rele-
vée, mais dans les sphères plus modes-
tes il reste encore bien à glaner.pour qui
Be distrait, philosophiquement, à rap-
procher le mot de la chose pour consta-
ter le merveilleux antagonisme qui les
divise, et combien, souventes fois, Ceci
cément Cela.
Ainsi, nous sommes en République.
On parle beaucoup de progrès. De l'hé-
ritage de l'Ancienne — toujours la Une
r et Indivisible 1 — on a recueilli, tout au
'moins, la loi du divorce, laquelle, de
façon indéniable, constitue un achemi-
nement vers plus de liberté dans le ma-
na-ge.
Il semblerait que, pour nos démocra-
tes de teinte plus ou moins foncée, le
mot d'ordre dût être : tolérance, indul-
gence à qui pratique lorsqu'ils prêchent,
devance même leurs théories avouées.
Eh bien ! écoutez ceci.
Il y avait un brave homme nommé
Victor Savigny, qui était secrétaire gé-
néral de l'Union des Présidents de So-
ciétés de secours mutuels de France. Ce
brave homme-là s'était dévoué, corps,
âme et ressources, à l'Œuvre d'assis-
tance qui permet aux ouvriers de s'en-
tr'aider. Quinze années, il avait donné
son temps, sa peine, son effort; dont la
première moitié pour rien, et la deuxiè-
me contre de faibles émoluments.
Il est mort récemment sans le sou.
comme tous ceux qui se dévouent
Or, voièi le dialogue qui résume les
laits :
— C'est vous, la veuve de Savigny ?
— Oui, monsieur.
- Quelle est votre situation ?
- Monsieur, dépourvue de tout, je
suis à la charge de ma mère. qui a qua-
tre-vingt-cinq ans !
— Votre certificat de mariage ?
— Je n'en ai pas.
— Comment ! vous n'étiez pas mariés ?
Mais alors, vous n'êtes pas sa veuve !
— Depuis vingt-deux ans, monsieur,
toous vivions ensemble.
— Ça ne nous regarde pas. Vous ne
toii étiez rien !
Et la malheureuse, pour toute aide,
reçoit : 68 francs.
Que cela se passe dans une organisa-
tion rigoriste, ultra .dogmatique etarchi-
réactionnaire, donnant de la main droite
au nom des Commandements, et de la
main gauche au nom du Code (sans que
l'une et l'autre en ignorent), on peut
trouver le procédé peu conforme à la
réelle charité, mais non illogique.
Tandis que là ! Liberté, Egalité; Fra-
ternité. Et la devise de la Société est :
a Un «pour tous, tous pour un ! »
Il est vrai qu'il ne s'agit que d' cr une »
- et d'une qui n'était pas mariée 1
D'ailleurs, en ceci, on ne distingue
guère, et les victimes sont, indifférem-
ment, du masculin ou du féminin, des
tajpeecables ou d'ex-coupables.
r Car une fois que le condamné a expié,
a fini de régler sa dette, il est quitte,
n'est-ce pas, envers ses semblables ?
C'est assez de la suspicion qui, fatale-
ment, demeure ; lui rend l'observance
du devoir plus stricte qu'à d'autres, et
plus pénible, sans que s'y ajoutent des
rigueurs inutiles, des iniquités d'autant
blâmables que s'exerçant en marge des
textes, et contre un désarmé.
Prenons, par exemple, les forçats.
Beaucoup sont peu intéressants, je n'y
contreviens pas. encore que la science
établira, de manière plus certaine qu'au-
jourd'hui, l'échelle des tares héréditai-
res, la proportion des responsabilités
exactes. Mais il en est dont, malgré le
verdict qui les frappa, la culpabilité
n'apparut pas certaine. ou dont le
geste fut déterminé par des mobiles au-
tres que le bas instinct.
Mais quels qu'ils soient, libérés, gra-
ciés, du moment qu'ils ne sont point
passibles du banissement perpétuel, ne
leur doit-on point le retour ? A-t-on bien
le droit d'aggraver la peine prononcée
légalement par une mesure de bon plai-
sir, et d'ajouter l'exil, de fait, à l'épreuve
du bagne?
Une telle question est délicate, je le
sais, et paraîtra oiseuse aux esprits à la
de Maistre, qui concluent plus volon-
tiers à la suppression qu'à l'amende-
ment.
Or, moi, j'y crois, à l'amendement :
j'en ai vu plus d'un exemple. Et quand
un homme a sa famile ici, qui ne l'a pas
abandonné, soit qu'elle l'absolve parce
qu'elle l'aime, soit qu'elle proclame son
innocence, je me demande s'il est habile,
s'il est humain de retenir l'être à bout
d'expiation ou qui fut jugé digne de clé-
mence loin de ce foyer où, en dépit d<3
tout, on l'espère, on l'attend.
Prenons le cas de Forêt. Forêt était ce
gamin dont j'ai dix fois raconté l'his-
toire : qui s'en fut avec des garnements
de son âge, pour chiper des lapins dans
les remises de l'Urbaine, à Saint-Ouen ;
qui fut pris dans une rixe au cours de
laquelle une balle écornifla légèrement
la peau d'un citoyen ; qui malgré ses dé-
négations expresses quant à la posses-
sion et l'emploi du revolver, fut con-
damné à mort ; dont l'a peine fut com-
muée immédiatement, cela va sans dire,
mais qui, depuis neuf ans, était à la
Nouvelle.
M.. Loubet, le 23 septembre, voulut
bien nous accorder sa grâce pleine et en:
tière. Depuis, le malheureux, enchaîné
par son dénuement, par la pauvreté de
sa famille, est là-bas. Les siens m'écri-
vent — mais que faire ?
Ne trouvez-vous pas cela navrant :
cette mère, ces sœurs, qui brûlent de
recevoir l'enfant prodigue, de guérir ses
plaies physiques, morales, au doux
rayonnement de leur invincible affec-
tion ; qui tendent les bras vers l'hori-
zon — et l'autre lâchas, hâlé, brûlé, usé
de fièvre ; plus cinglé par la courbache,
mais écrasé sous l'impuissance, qui re-
garde aussi, lui, partir les navires, em-
menant les riches libérés 1
Attendez, il y a mieux encore.
J'aime la Légion étrangère parce que
le seul fait de son existence vient à l'ap-
pui d'idées qui me sont chères ; puis en
mémoire d'un de ses chefs les meilleurs,
qui fut mon ami : ce Flayelle, mort en
héros après une existence de juste.
Or, regardez cet homme, si las, qui se
traîne sur la route, vers 'la frontière al-
lemande. Le douanier français l'a inter-
rogé ; a tenté de le dissuader d'aller plus
loin ; le suit maintenant d'un regard de
pitié.
C'est que le vagabond — comment le
désigner autrement ? — est vêtu de vieU-
les frusques militaires. , En uniforme
français, sur le sol allemand !
Ce qui doit arriver arrive. Des gendar-
mes se profilent au lointain. L'homme
essaie de fuir. Il est rejoint. On lui pas-
se les menottes. On l'entraîne.
Son compte est bon : il va passer en
conseil de guerre comme insoumis.
C'est un Alsacien-Lorrain qui s'est en-
fui, au' moment de la conscription, pour
venir servir la France. On l'a incorporé,
comme de droit, dans la Légion étran-
gère.
A l'expiration de son service, on lui
a donné, pour vêtements (tandis que,
sans ressources en France, il devait re-
gagner l'Allemagne) ces habits qui sont
l'attestation éclatante de son dévouement
ici, de sa faute là-bas ; qui le désignent
à tous les sévices, à toutes les sévérités 1
Avouez que c'est intelligent — et hu-
main 1
Ah 1 le joli temps que le nôtre, forma-
liste et hypocrite, qui refuse l'aide aux
compagnes de toute une vie ; la rédemp-
tion aux libérés, et la sécurité à ses dé-
voués 1
SÉVERINE.
Pour Philémon et Baucis. — Deux pauvres
vieux, les époux Ducôté, faubourg Saint-Denis,
66, dignes d'intérêt à tous égards et pour qui le
voisinage, d'une commune voix, réclame mon
intercession, se trouvent dans la pire des détres-
ses. Lui, soixante-quinze ans, presque un artiste,
travaillait encore, fabriquait des petits bustes en
plâtre, avant que le chômage fût venu. Elle,
soixante-sept ans, sort de l'hôpital (des baraque-
ments de Lariboisière, où elle séjourna deux
inois) exténuée, épuisée.
L'abri va manquer, après le pain. Ces pauvres
vieux - à eux deux près d'un siècle et demi
d'âge 1 s'en iront par les rues grelottants,
chancelants..T'invoque, pour eux, fci pitié des
lecteurs 1 — S.
ÉCHOS
L
e Président de la République est allé chas-
ser, hier matin, à Rambouillet, avec le
général Dubois, secrétaire général de la Prési-
dence, le commandant Lamy, de sa maison mi-
litaire, et quelques amis personnels.
M. Emile Loubet vient de faire remettre
1,000 francs au maire de Compiègne, pour les
pauvres, « en souvenir des relations cordiales
que les événements de l'an dernier ont établies
entre la ville de Compiègne et lui ».
0
u placera-t-on le Musset d'Antonin Mer-
cié?
Il vient d'être décidé que la statue du poète
s'élèverait sur la place du Théâtre-Français.
On ferait, dans ce but, disparaître prochaine-
ment les édicules qui encombrent cette place,
que l'on convertirait ensuite en square. Mme
Lardin de Musset s'est empressée, pour déférer
au désir de l'Administration, de remettre les
photographies et les cotes du monument des-
tiné à perpétuer l'image de son frère.
E
nfin !
L'énorme carcasse en planches derrière
laquelle avait été entreprise la construction
d'un nouveau Cirque d'Eté n'affligera plus
longtemps la vue des promeneurs qui traver-
sent les Champs-Elysées.
Ordre a été donné de procéder rapidement
au déblaiement du sol, qui, comme nous l'a-
vons dit, se couvrira aussitôt de pelouses, d'ar-
bustes et de fleurs.
Cette transformation devra être complète-
ment réalisée pour le commencement de l'été.
p
our le monument de Gavami.
L'exposition projetée des œuvres du
maître dessinateur pourra-t-elle avoir lieu au
printemps, comme le comité organisateur l'a-
vait d'abord espéré? Les offres des collection-
neurs ne manquent pas, et chaque jour il en
arrive de nouvelles. Mais le temps fera peut-
être défaut, et on serait alors obligé de remet-
tre au commencement de l'hiver cette intéres-
sante manifestation artistique.
Ce qui paraît plus certain, c'est que le mo-
nument Gavarni sera érigé sur la place Saints
Georges. L'autorisation en sera demandée in-
cessamment au Conseil municipal.
Quant aux ressources, le comité ne doute pas
que les recettes de l'exposition des œuvres du
célèbre dessinateur suffiraient amplement à
couvrir les frais du monument.
MÉDAILLON
MONTJOYEUX
Le chroniqueur élégant et fort, qui a écrit
sur l'histoire parisienne de ces dernières an-
nées tant de pages supérieures, est aujourd'hui
l'auteur du Baron Le Cogne, un roman aonc
une qualité saute d'abord aux yeux, c'est qu'il
ne ressemble à aucun autre. L'intérêt qui en
sort dès les premières lignes est saisissant, et
en même temps nouveau. Il y a longtemps que,
dans la description des moeurs contemporaines,
on n'avait vu tant de fantaisie et de réalité, une
si profonde connaissance de Paris et une ima-
gination d'une telle hardiesse.
Pour écrire ce grouillant et joyeux roman
d'aventures, il fallait être autre chose encoie
qu'un romancier de grand talent : il fallait
s'être promené soi-même du haut en bas de Pa-
ris, avoir stationné partout, avoir assisté en
personne aux mille drames et aux mille comé-
dies de nos lieux de fête, de nos boulevards, de
nos champs de courses, de nos faubourgs et de
nos salons.
Tout cela, Mont joyeux l'a vu, observé et dé-
crit bien des fois dans des chroniques bril-
lantes que tous les journaux se sont disputées,
qui ont eu tous les Parisiens pour lecteurs. Il
préparait ainsi la matière de son livre, et c'est
ce qui donne à l'humour du Baron Le Cogne
une , saveur unique dë'Vérité, et au style de
l'écrivain tant de pittoresque et d'éclat.
Cet écrivain est un des plus francs, des plus
solides d'à présent. Il ne s'est pas formé dans
un cabinet de travail, parmi les livres et l'étude,
mais dans la vie elle-même, et aussi il n'imite
personne, il ne ressemble à personne. Et c'est
vraiment une sensation délicieuse que de lire
un roman qu'on n'a pas lu la veille sous un
autre titre, et qui vous intéresse non seulement
aux personnages et aux aventures, mais encore
à l'auteur.
ALFRED CAPtTS.
un
voyage de la reine Marguerite.
La souveraine douairière d'Italie a, de-
puis qu elle est veuve, exprimé plusieurs fois
l'intention d'aller visiter les Lieux Saints. A
son retour, elle passerait par la Roumanie, le
Monténégro et l'Autriche. -
On annonce de Rome que la reine accom-
plira ce vœu au printemps prochain. Elle se
rendrait directement à Jérusalem.
L
'autonomie de la Bavière.
On avait supposé, à Berlin, que la se-
conde Chambre, réunie en œ moment à Mu-
nich, accepterait de substituer au timbre-poste
national le timbre de l'empire, en dépit des ré-
sistances opposées à ce projet par le gouverne-
ment.
Il n'en a rien été. Le président du conseil
vient de déclarer à la tribune que la Bavière a
son timbre-poste indépendant, bien à elle, et
qu'elle entend le garder. «s*.
L
'arbitre de la mode, en Angleterre, c'est le
roi Edouard VII.
Alors qu'il n'était encore que prince de Gal-
les, et dès sa jeunesse, le fils de la reine Victo-
ria était, pour la « gentry », le type souverain
des élégances. Elle se réglait sur sa mise,
s'empressait d'adbpter aveuglément la coupe
de ses vêtements, la forme de ses chapeaux, le
modèle de ses pipes.
Ce privilège de maître de la mode,
Edouard VII ne l'a pas abdiqué en montant
sur le trône. Ces jours-ci, ne s'est-il pas avisé,
sans crier gare, de mettre des parements de
velours aux manches de sa redingote? Il n'en
a pas fallu davantage pour que le Tout-Lon-
dres arborât le lendemain cette innovation, à
la plus grande satisfaction des tailleurs de la
Cité.
L
es sciences historiques.
Il y a déjà longtemps qu'il a été décidé
que le Congrès international des sciences histo-
riques aurait lieu cette année, à Rome. La date
vient d'en être fixée. Il s'ouvrira le 2 avril et
durera dix jours.
L'Académie des inscriptions et belles-lettres
y sera largement représentée.
u
ne église en vente.
Elle dépendait du monastère des Cor-
deliers d'Auch. Désaffectée pendant la Révo-
lution, elle appartenait au ministère de la
guerre, qui, ne sachant qu'en faire, a cru de-
voir la mettre aux enchères. Elle a été adjugée
à un négociant de la ville pour 25,000 francs.
Le vénérable édifice était d'ailleurs en piteux
état; il remontait au sixième siècle 1
r
est, avec la vertu, des accommodements.
On se souvient de cette jeune actrice, Por-
tias Knight, qui prétendait obliger le duc de
Manchester à l'épouser, et qui, sur son refus,
lui avait intenté un procès pour rupture de pro-
messe de mariage.
L'affaire a été conciliée au dernier moment.
Mais il en a coûté au fiancé d'une heure la
somme rondelette de 50,000 francs.
L
Le prince Chigi vient de gagner, devant la
Cour d'appel de Pérouse, le procès qui lui
avait été intenté pour la vente d'un tableau de
Botticelli. La Cour a reconnu que le prince
ignorai que le tableau dût être transporté à
1 étranger. Elle a, par contre, ordonné la con-
fiscation du tableau et condamné les acheteurs
au paiement de son prix et à des dommages
et intérêts envers le ministre de l'instruction pu-
blique. •
E
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n soirée :
P&nmi tous ces ifls de famille,
Quel est cet élégant qui brille,
Et du chic' détient le record. ?
Eh ! c'est un client de « The Sfpori m.
NOUVELLE A LA MAIN,
B
ébé veut tout savoir.
— Alors, les enfants, c'est sous les choux
qu'on les trouve?
— Oui, mon petit
— Habillés?
- Non.
— C'est pour ça qu'on n'peut pas m'dire si
ce sera un p'tit frère ou une p'tite sœur 1
JOINVILLE.
PROPOS D'AMES SIMPLES
LE BAR DES MES
« Té 1 il ne la connaissait pas, cette de-
moiselle. Quelle canaille de vouloir faire
accroire des choses, qu'il était son
amînt 1 Des chansons pour égarer la
justice. Quand un homme maintenînt,
ill tue sa maîtresse, ces messieurs du
jury l'acquittent. Ils appellent ça une pas-
sionnelle. Je t'en flanquerai, moi, des
passionnelles 1 Cette pauvre demoisel-
le, il l'a bienn tuée sous son tunnel pour
la vôler, le munstre. D'abord le Jour-
nal l'a bien dit, toute la journée il avait
suivi des femmes dans les rues de Nice,
le couteau ouvert dans la poche, pour
en tuer une et sans se décider ; cedle d'E-
ze a payé pour les autres, la pauvre bre-
bis du bon Dieu, si jeune et si brave, ce-
la peine, et il les suivait dans les rues
noires pour les pendants d'oreilles et la
chaîne et dire qu'en Marseille nous som-
mes exposées à cela tous les jours. Té 1
une ville de voyageurs, il en passe de
toutes sortes. Ah ! le métier n'est pas
toujours drôle. » Et Thérèse Pujol, ap-
puyée du coude au comptoir du bar, vi-
dait d'un trait son champoreau à la men-
the. C'était au bar Mayol, au coin de la
rue des Récollettes et de la rue Thuban-
neau ; l'étroite boutique, toute en pro-
.fondeur où se réfugient les filles pour-
suivies par les Mœurs, le Bar des Cago-
les, comme l'appellent.les tralneurs du
cours Belzunce et du port. La Cagole,
en patois marseillais, c'est la travailleu-
se en cheveux et en tablier, qui pullule
dans les rues avoisinant le. cours Bel-
zunce et dont l'accoutrement de servan-
te peut faire illusion aux libertins de pas-
sage affriolés d'aventures et de conquêtes
personnelles. Jeune la plupart du temps,
débutante même dans le vice sous l'œil
exercé d'un chiqueur (un souteneur), la
cagole avec son haut chignon et ses che-
veux ramenés en oreilles de chien sur
les tempes, ses pas écossais bien tirés
sous la jupe courte, la taille souple ser-
rée par les cordons d'un tablier, est le
sourire équivoque et falot des petites
rues obscures du Marseille vicieux. Elle
en est le fruit vert et l'alliciante promes-
se de plaisirs coupables avec ses faux
airs de petite fille, sa fraîcheur outrageu-
sement fardée et la gaieté fiévreuse de
son regard, et quel bagout 1 Un foulard
de soie voyante noué de côté autour du
cou comme celui de son amant, complè-
te le signalement de lla cagole. A par-
tir de dix heures du soir, des cris, des
querelles, des scandales entre elles ou
avec leurs hommes, tout un charivari de
femmes saoules les dénoncent à la mé-
fiance du promeneur. Les rafles emplis-
sent les rues de l'Arbre et Poids-de-la-
Farine de leurs effrénées galopades et
les rabattent toutes, comme un gibier,
dans le bar Mayol.
Une ronde des Mœurs, éventée à temps
par un de ces messieurs, entassait, ce
soir-là, filles et chiqueurs dans l'arrière
salle du bar. Il y avait* là, Marius Bel-
les Mirettes, Pierre le Pêcheur, l'Arbi,
le Taureau de Baucaire, le Boulanger,
et, parmi ces dames, Thérèse Pujol, bou-
quetière pendant le jour, Vivette Ayga-
de, une petite des Martigues, presque
neuve dans le métier, la grande Fine,
dont l'homme était sous Jes verrous et
qui tuait son chagrin avec du Pernod, la
pôvre, et enfin Paulette Bijou, une Pa-
risienne venue à Marseille par béguin
sérieux et qui avait la noce dans le sang,
un petit chiffon de femme aux hanches
trémoussantes, pas toute jeune, le mu-
seau frotté de crème Simon et si adroi-
tement maquillée que, dans les coins
sombres, à la clarté douteuse du gaz, el-
le faisait illusion aux clients, aguichés
par ses manières de gosse, Paulette Jou-
jou Bijou, comme la nommaient les ha-
bitués du bar allumés par ses mains frô-
leuses et ses prunelles d'émerillon.
C'est cette belle société qui, traquée
ce 'soir par la police et prudemment re-
tirée à l'abri, dans la tiédeur empuantie
du bar, discutait avec des gestes force-
nés et d'étranges mimiques le récent
assassinat d'Eze.
« Et ce n'est pas son premier coup, ob-
jectait la petite Vivette, je l'ai lu dans le
Petit Provençal, on croit bien qu'il a tué
la bonne de sa mère. — Une si brave
femme, risquait Pierre le Pêcheur; je la
connais, moi ; j'ai fait la pêche à Saint-
Jean, même qu'elle était établie blan-
chisseuse. — Et la femme de la Maison
Dorée à qui il a donné trois coups de
couteau en arrivant dans la chambre,
pendant qu'elle frottait les allumettes !
— Elle lui tournait le dos, elle l'a bien
reconnu, elle aussi, remarquait Thérèse
Pujol, très documentée sur l'affaire. —
La femme de la rue Chevalier-Roze et
celle de Nice ! qu'il a fait la même cho-
se dans le collidor, déclarait Marius Bel-
les Mirettes, elles ont crié toutes les deux
à temps, les pôvres 1 — Et que ça doit
être lui qui a fait le coup de Toulon, cet-
te autre femme qu'on a trouvée à Ta-
maris 1 L'homme au pardessus gris, ça
doit être cette canaille. — Et toutes des
nous autres, soupirait PauLette, en voi-
là un Salaud qui ne s'adresse qu'aux fil-
les ! C'est ça qui donne du cœur à l'ou-
vrage 1 Moi, quand j'ai lu les détails dans
le journal, j'ai été trois soirs sans vou-
loir descendre dans la rue, j'avais le
frisson et quand Joseph a voulu que je
recommence, je me retournais tout le
temps sur les clients et j'avais l'œil aux
pattes, je vous assure, et pendant huit
jours j'ai eu le froid de la petite mort
dans le dos. — Et l'on appelle ça faire
la noce 1 concluait la grande Fine affalée
devant son absinthe, grelotter de peur,
claquer des dents, crever la faim, suer
la misère et se faire larder dans un gar-
ni 1 Cochon de métier 1 » Et toute cette
basse pègre vivant de la prostitution dis-
cutait passionnément les phases et les
moindres détails et jusqu'aux plus va-
gues hypothèses du passé de l'assassin
d'Eze. « Pour moi, il a un grain, décla-
rait la Parigotte. Ça doit être un mono-
mane, comme ils disent en justice, un
maniaque, une espèce d'homme à pas-
sion qui assassine, dans le genre de Du-
mollard qui ne tuait que les bonnes ou
de Jack l'Eventreur. — Brrr.:., faisait la
Thérèse Pujol, j'aime encore mieux ce-
lui qui déterrait les mortes, au moins il
ne faisait de mal à personne. — Pour
sûr, opinait Vivette. — Les Mœurs sont-
elles parties ? demandait Fine, en com-
mandant une troisième absinthe. Victor,
r'gardes-y un peu. La Chaloupe doit être
au coin de la rue. » Le garçon interpellé
entr'ouvrait la porte ; à un sifflement un
gas accourait, un court colloque s'éta-
blissait entre eux : « Y sont sur les Al-
lées, déclarait Victor. La Fiorettë est fai-
te, la Nana aussi. — Des galoubets, y a
pas grande perte, grognait le Boulan-
ger. — Tu caches ton jeu, dégoisait la
grande Fine. Ah 1 y sont encore là, ces
charognes, on pourra pas travailler ce
soir ! Victor, une absinthe ! — Et moi,
une menthe, disait Paulette, et puisqu'y
a le temps, j' vais vous conter une his-
toire. — Qui t'est arrivée ? — Non, ma
chère, mais à une amie. — T'es si jeune,
t'as pas de passé, toi 1 — Si vous j'tez
de la bêche 1 — Tu rendrais de la dèche.
Va, poursuis, mon amour.— Estelle mal
embouchée, cette grande Fine ? — Laisse-
la, tu vois bien qu'elle est saoule ! » Et
Marius, l'Arbi et le Boulanger entouraient
la Parisienne : « On t' gobe et on t'écoute,
vas-y, bel azur. » Paulette Bijou, ayant
trempé ses lèvres dans sa menthe avec
une lenteur distinguée, s'asseyait en se
trémoussant sur les genoux de Marius,
et d'une voix de conférencière : « Quand
j'étais à Bordeaux. — T'as été par-
tout ? interrompait la grande Fine. —
Ferme 1 ripostaient les hommes en
chœur. Et, triomphante, Paulette repre-
nait. — Quand j'étais à Bordeaux, j'a-
vais une amie, Parisienne comme moi,
une bonne fille et dégourdie, qui faisait
le Pont-de-Pierre et le quai près des
Quinconces, Marie Patard (je me sou-
viens de son nom), une fille mariolle et
toujours bien tenue, ragoûtante. — Une
fleur, enfin toi, reprenait la voix érail-
lée de Fine. » Paulette se contentait de
hausser les épaules.
« Un soir qu'etlle faisait le Pont-de-
Pierre, on était en juin et la recette de
la journée avait été maigre (Paulette soi-
gnait maintenant ses phrases, et, sûre
de son auditoire, surveillait sa diction),
elle avise, accoudé sur le parapet, un
homme qui regardait l'eau couler. Il
était près de minuit, l'homme avait l'air
d'un croquant, un complet de velours
gris, un grand chapeau rond de meu-
nier et un air sérieux pas à la rigolade.
Le pont était désert, plus personne et
Marie ne se souciait point d'aborder,
mais le métier est le métier et l'homme
était bien propre, elle se décide. Elle
tourne d'abord autour de lui, passe et
repasse, le frôle du coude, et puis,, lui
parle : « Beau temps, belle nuit 1 » Tout
ce qu'on dit. Y répond pas ; elle s'enhar-
dit, s'accoude à côté de lui, lui propose
la chose. Y répond pas, mais passe son
bras sous le sien et lui fait signe de
l'emmener. C'était un muet, un sourd-
muet : il avait bien compris, mais il ne
pouvait s'exprimer, cet homme. Elle lui
montre une pièce de cent sous, y fait
signe que oui : bref, les voilà partis. Elle.
l'emmène chez elle, et c'est la nuit d'a-
mour : un homme ardent à la caresse et
qui gloussait comme une poule, rien que
des étreintes et des petits cris, mais qui,
entre temps? la regardait avec un air si
drôle qu'elle n'osait pas dormir. On au-
rait dit qu'il avait une idée de derrière
la tête, des yeux fixes d'un homme qui
aurait eu un remords ; bref, la Marie,
qui n'était pas bête, ne ferma pas l'œil
de la nuit, elle ne respira qu'à l'aube,
l'homme une fois dehors.
» Elle me dit la chose dès le lendemain
et puis n'y pensa plus. Un clou chasse
l'autre, quand v'là que dix jours après,
on apprend qu'un homme a tué une
femme dans la rue, un sourd-muet, trois
coups de couteau, à la manière de l'as-
sassin d'Eze et pas pour voler, mais par
manie, un homme qui voit rouge et qui
frappe au hasard dans le tas et la pre-
mière venue. L'homme est arrêté, et v'ià
que les débats apprennent que l'homme
n'est pas muet. C'était un garçon meu-
nier de Cavaillac-la-Bastide. Une idée
qui l'avait pris comme ça de tuer une
femme, qu'il avait d'abord résisté, mais
que ça le travaillait de plus en plus, et
y ne pouvait pas en voir passer une sans
avoir des fourmis dans les bras ; il fal-
lait qu'il tape. C'était plus fort que lui.
Il y a de la sorcellerie dans ces choses-là.
Bref, n'y pouvant plus tenir, il avait quitr
té son village, ne voulant pas faire le
coup chez lui ; il était venu à Bordeaux
avec son baluchon et ses économies,
guettant une femme pour la saigner et
ne s'y décidant pas par un restant d'hon-
nêteté et si triste qu'il en avait perdu le
boire et le manger et jusqu'à la parole.
Il éLait devenu muet ou bien faisait le
muet. Tout à son idée fixe, il avait erré
dix jours dans Bordeaux, un couteau
dans la poche et travaillé par son besoin
de tuer. Il avait même été deux fois avec
des femmes bien décidé à en finir et
pourtant retenu, jusqu'au jour où la tb
te lui avait tout à fait chaviré et alors, en
pleine rue, il avait frappé comme un
fou.
» Il avait tout avoué au juge d'instruo
tion, pris d'un besoin de. raconter son
mal, e~ puis était retombé dans son mu-
tisme sur cette déclaration qu'il recom.
mencerait s'il redevenait libre ; c'était
plus fort que sa volonté.
» Marie Patard fut prise d'un trembla
ment quand nous lûmes ça ensemble
dans le Petit Bordelais, un soir comme
ce soir, au bar. J'veux le voir; qu'elle
criait toute blême ; j'veux le voir, j'suis
sûre que c'est lui. Et elle alla le lende-
main au Palais. Elle fut confrontée avec
l'homme chez le juge d'instruction. C'é
tait bien celui du Pont-de-Pierre ; elle en
garda trois jours le lit, et elle déposa
aux assises. Un Anglais, qui assistait au
procès, eut le fort béguin pour elle: Ça
l'allécha cette femme qu'avait connu un
assassin, et il l'emmena à Nice avec lui.
Elle est aujourd'hui avec un prince rus-
se. A quoi tient la vie et pour un métier
qui expose, c'est un métier qui expose.
— Sûr qu'y a plus de risque que chez
les couvreurs. — Hum 1 les couvreurs
s'exposent aussi. » Et Marius Belles Mi-
rettes, qui avait été infirmier au 2* zoua-
ves, à Oran, avait un clignement d'yeux
sournois, et concluait par une salauds
rie.
JEAN LORRAIN.
Gazette Rimée
LA QUESTION DU LAIT
A vieux comptas
dxputexnwavot.
Ainsi, vous vous apercevez
Seulement, pauvres poires,
Aujourd'hui, que vous absorbez
Un lait plein de déboires.
Et vous voilà pris de remords, -
Insensés, téméraires,
Quand vous êtes à demi morts
Ou ne valez mieux guères.
Alors, vous vous croyiez encor
A ces âges superbes
Où l'on buvait du lait en or,
Fleurant les bonnes herbes 1
Las ! quoi donc, en nos temps affreux,
De ce qu'on boit et mange,
Est honorable et rigoureux,
Et pur et sans mélange?
Qui ne sait que tout est truqué,
Périlleux, indigeste ?
Que tout est faux, tout est chiqué,
Le lait comme le reste ?
Qui ne sait que ce lait fatal
Est composé de gouache.
Et de cervelle de cheval —
Je ne dis pas. - de vache.
Donc, vous buvez du lait absent ;
Ce sont là des bravades.
Vous n'êtes pas intéressants
Si'vous êtes malades. -
Il faut bien du lait aux enfants —
Dites-vous. Sans nul doiite,
Pour qu'ils soient beaux èt triomphante
Ne meurent pas en route.
Mais on voit un tas de feignants
Et de galactophiiès,
De grabataires répugnants
Empoisonnant les villes,
Qui ne se gorgent que de lait,
Sous le prétexte vague
Que c'est un aliment complet.
Lè diable les incague !
Car ces gens-là boivent la part
Qui reviendrait aux gosses; ,
C'est d'où viennent pour la plupart
Ces butyreux négoces.
Remarquez bien, pauvres flapis,
Que cette honnête vache
N'a qu'un certain nombre de pis,
A moins qu'elle n'en cache.
Si donc la consommation
Ordinaire dépasse -.
De beaucoup la production,
Que voulez-vous qu'on fasse?
On fait comme font les laitiers.
Ils coupent le. problème
Avec de l'eau. Si vous J'étiez,
Vous feriez tous de même.
En somme, leur raisonnement
N'est guère plus infirme ,
Qu'un autre. Ils disent seulement :
« Si c'est, comme on l'affirme,
Aliment complet que le lait,
Pourquoi se mettre en peine?
Il sera d'autant plus complet
Avec de l'eau de Seine. n
Est-ce à dire qu'ils ont raison,
Et que je les excuse
De nous verser de la poison?
Non. Mais, ou je m'abuse,
■ Ou c'est comme en tous les métiers,
Et l'on n'y peut rien faire.
> Mais, puisqu'il s'agit des laitiers,
En cette triste affaire;
Si ce lait que nous débuvons
Est fait par ces ganaches,
Nous sommes encore trop bons
De les appeler : vaches.
RAOUL PONCHON.
Le Budget de la Guerre
Le rapport de M. Berteaux
Un exposé 4e quelques pages, examinant
si les crédits demandés par le gouvememend
étaient suffisamment justifiés, tel était, au-
trefois, le rapport sur le budget de la guerre.
Un énorme volume, traitant de toutes ici
questions qui touchent à notre organisation
et à notre administration militaires, voilà et
qu il est aujourd'hui.
Si le Parlement devait actuellement adopo.
ter l'ensemble'des propositions du rappor.
teur du budget de la guerre, en dehors de
celles qui visent uniquement les chiffres de
dépenses, il lui faudrait, chaque année,
transformer du tout au tout notre organisa-
tion militaire.
Est-ce à dire qu'il- n'y ait pas souvent ma-
tière à l'élaboration d'utiles réformes dana
ce travail annuel ? Loin de là : il y a parfois
pas mal à glaner, et les 580 pages, d'une lec-
ture attrayante, que nous donne cette année
l'honorable M. Berteaux, ne constituent pas
une œuvre inutile, quelle que soit l'opiniao
que l'on professe, d ailleurs, au sujet .dei
idées émises par le député de Seine-et-Oise.
M. Berteaux a divisé son rapport en deux
parties : la première, qui est la plus étendue
— elle ne comprend pas moins de 360 stages
ONZIEME ANNEE. - No 3399 - SIX PAGES - Paris et Départements - CINQ CENTIMES LUNDI 20 JANVIER i902 *
¡il 4:
o FERNAND XAU, Fondateur
Quotidien, Littéraire, Artistique et Politique
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
ioo, RUE RICHELIEU, PARIS
IdSïMM télégraphique : JOURNAL.-RICHELIEU-PARIS
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Un an Six mois Trois mob
SEINE & SEINE-ET-OISE. 20. 8 10.50 5.50
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direction. 102-96 1 Rédaction. *03*f0
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CHEZ LAGRAViÏl GE, '■
Cu£z LAG GEP
R !,., 1. r' C ::3 .-'
6, PLACI SFI TFTi Q c B ,?
et aux bureaux du JOURNAL
Adresser lu mandats-post* à M. TAdministrateur
Les manuscrits soi iuéÑI M lORi pu rendue
NOTES
SUR
LE TEMPS PRÉSENT
Les grands faits ? Tout le monde s'en
occupe. Ils sont là un tas d'officiels, pa-
tentés, brevetés, pourvus de toutes ..es
Investitures, qui font ia toilette de l'His-
toire; la maquillent et la drapent selon
leur goût du moment ; mettent en relief
ce qu'ils considèrent comme ses beau-
tés; gazent ce qu'ils regardent comme
ses imperfections.
Si bien qu'il faut attendre que le fard
tombe, que les voiles s'usent, que ies
paillons s'éteignent, pour discerner la
nature de l'artifice, la vérité de l'illu-
sion.
Alors, les chercheurs se mettent de la
partie, scrutent, furettent, reniflent les
sachets évaporés, les flacons séchés ;
risquent des doigts profanes dans les
coffrets à dentelles et les coffrets à bi-
joux ; chaussent même les besicles an-
ciennes pour déchiffrer les grimoires
jaunis, les billets à teinte d'ivoire; re-
tournent les pastels pour savoir, outre
le nom du peintre, l'adresse de l'enca-
dreur.
Et nous avons Frédéric Masson, Le-
Hôtre, le docteur Cabanès, etc., et nous
connaissons des époques non plus par
le pompeux mensonge des annalistes
contemporains, des «chargés d'affaires»
de la respectabilité publique, mais par
le rapprochement des Mémoires posthu-
mement publiés de quelques indépen-
dants et le labeur menu, précis, déli-
cieusement ironiste, des dénicheurs de
secrets.
Pourquoi donc ne pas faire cela du
vivant de nos époques ? Et puisqu'il n'est
plus de roi, plus de cour — je n'ajouterai
point : partant plus d'intrigues — pour-
quoi ne pas appliquer au régime lui-
même ce système d'observation, si pé-
Temptoire et si gai ?
Croyez-vous que jamais, dans le fin
fond des bibliothèques, plus tard, l'éru-
dit sera mieux renseigné quant à l'atti-
taide de notre Une et Indivisible en 1901,
par la sténographie des discours, le
compte rendu des fêtes, les instantanés
des défilés et accolades, que par la ré-
vélation gauloise et inoffensive de'l'exis-
tence des petite carrés soyeux, avec ap-
position, à l'angle gauche, de l'aigle dé-
coupée dans du papier d'argent, et des-
tinés à ce que vous savez — parlai te-
ment
Au dernier moment, il est vrai, quel-
que scrupule survint quant à l'excès de
télé. Ces inestimables documents de-
meurèrent dans la pénombre ; puis, par
trahison ou maladresse, glissèrent dans
\a. circulation.
Entendons-nous : pour la confiserie 1
Noblesse oblige 1 Us ne pouvaient dé-
choir autrement — excelsior 1 Dans
fcoiït Compiègne les chocolats en furent
papillotes pour les étrennes. Comme
chantait Déroulède :
Nïtehero ! ça n'y fait guère,
.Nitchero ! ça n'y fait rien !
Mais Rabelais peut bien rire sous
tape, aux dépens des Grandgousiers 1
Certes, les amateurs de pittoresque
D'ont pas tous les jours aubaine si rele-
vée, mais dans les sphères plus modes-
tes il reste encore bien à glaner.pour qui
Be distrait, philosophiquement, à rap-
procher le mot de la chose pour consta-
ter le merveilleux antagonisme qui les
divise, et combien, souventes fois, Ceci
cément Cela.
Ainsi, nous sommes en République.
On parle beaucoup de progrès. De l'hé-
ritage de l'Ancienne — toujours la Une
r et Indivisible 1 — on a recueilli, tout au
'moins, la loi du divorce, laquelle, de
façon indéniable, constitue un achemi-
nement vers plus de liberté dans le ma-
na-ge.
Il semblerait que, pour nos démocra-
tes de teinte plus ou moins foncée, le
mot d'ordre dût être : tolérance, indul-
gence à qui pratique lorsqu'ils prêchent,
devance même leurs théories avouées.
Eh bien ! écoutez ceci.
Il y avait un brave homme nommé
Victor Savigny, qui était secrétaire gé-
néral de l'Union des Présidents de So-
ciétés de secours mutuels de France. Ce
brave homme-là s'était dévoué, corps,
âme et ressources, à l'Œuvre d'assis-
tance qui permet aux ouvriers de s'en-
tr'aider. Quinze années, il avait donné
son temps, sa peine, son effort; dont la
première moitié pour rien, et la deuxiè-
me contre de faibles émoluments.
Il est mort récemment sans le sou.
comme tous ceux qui se dévouent
Or, voièi le dialogue qui résume les
laits :
— C'est vous, la veuve de Savigny ?
— Oui, monsieur.
- Quelle est votre situation ?
- Monsieur, dépourvue de tout, je
suis à la charge de ma mère. qui a qua-
tre-vingt-cinq ans !
— Votre certificat de mariage ?
— Je n'en ai pas.
— Comment ! vous n'étiez pas mariés ?
Mais alors, vous n'êtes pas sa veuve !
— Depuis vingt-deux ans, monsieur,
toous vivions ensemble.
— Ça ne nous regarde pas. Vous ne
toii étiez rien !
Et la malheureuse, pour toute aide,
reçoit : 68 francs.
Que cela se passe dans une organisa-
tion rigoriste, ultra .dogmatique etarchi-
réactionnaire, donnant de la main droite
au nom des Commandements, et de la
main gauche au nom du Code (sans que
l'une et l'autre en ignorent), on peut
trouver le procédé peu conforme à la
réelle charité, mais non illogique.
Tandis que là ! Liberté, Egalité; Fra-
ternité. Et la devise de la Société est :
a Un «pour tous, tous pour un ! »
Il est vrai qu'il ne s'agit que d' cr une »
- et d'une qui n'était pas mariée 1
D'ailleurs, en ceci, on ne distingue
guère, et les victimes sont, indifférem-
ment, du masculin ou du féminin, des
tajpeecables ou d'ex-coupables.
r Car une fois que le condamné a expié,
a fini de régler sa dette, il est quitte,
n'est-ce pas, envers ses semblables ?
C'est assez de la suspicion qui, fatale-
ment, demeure ; lui rend l'observance
du devoir plus stricte qu'à d'autres, et
plus pénible, sans que s'y ajoutent des
rigueurs inutiles, des iniquités d'autant
blâmables que s'exerçant en marge des
textes, et contre un désarmé.
Prenons, par exemple, les forçats.
Beaucoup sont peu intéressants, je n'y
contreviens pas. encore que la science
établira, de manière plus certaine qu'au-
jourd'hui, l'échelle des tares héréditai-
res, la proportion des responsabilités
exactes. Mais il en est dont, malgré le
verdict qui les frappa, la culpabilité
n'apparut pas certaine. ou dont le
geste fut déterminé par des mobiles au-
tres que le bas instinct.
Mais quels qu'ils soient, libérés, gra-
ciés, du moment qu'ils ne sont point
passibles du banissement perpétuel, ne
leur doit-on point le retour ? A-t-on bien
le droit d'aggraver la peine prononcée
légalement par une mesure de bon plai-
sir, et d'ajouter l'exil, de fait, à l'épreuve
du bagne?
Une telle question est délicate, je le
sais, et paraîtra oiseuse aux esprits à la
de Maistre, qui concluent plus volon-
tiers à la suppression qu'à l'amende-
ment.
Or, moi, j'y crois, à l'amendement :
j'en ai vu plus d'un exemple. Et quand
un homme a sa famile ici, qui ne l'a pas
abandonné, soit qu'elle l'absolve parce
qu'elle l'aime, soit qu'elle proclame son
innocence, je me demande s'il est habile,
s'il est humain de retenir l'être à bout
d'expiation ou qui fut jugé digne de clé-
mence loin de ce foyer où, en dépit d<3
tout, on l'espère, on l'attend.
Prenons le cas de Forêt. Forêt était ce
gamin dont j'ai dix fois raconté l'his-
toire : qui s'en fut avec des garnements
de son âge, pour chiper des lapins dans
les remises de l'Urbaine, à Saint-Ouen ;
qui fut pris dans une rixe au cours de
laquelle une balle écornifla légèrement
la peau d'un citoyen ; qui malgré ses dé-
négations expresses quant à la posses-
sion et l'emploi du revolver, fut con-
damné à mort ; dont l'a peine fut com-
muée immédiatement, cela va sans dire,
mais qui, depuis neuf ans, était à la
Nouvelle.
M.. Loubet, le 23 septembre, voulut
bien nous accorder sa grâce pleine et en:
tière. Depuis, le malheureux, enchaîné
par son dénuement, par la pauvreté de
sa famille, est là-bas. Les siens m'écri-
vent — mais que faire ?
Ne trouvez-vous pas cela navrant :
cette mère, ces sœurs, qui brûlent de
recevoir l'enfant prodigue, de guérir ses
plaies physiques, morales, au doux
rayonnement de leur invincible affec-
tion ; qui tendent les bras vers l'hori-
zon — et l'autre lâchas, hâlé, brûlé, usé
de fièvre ; plus cinglé par la courbache,
mais écrasé sous l'impuissance, qui re-
garde aussi, lui, partir les navires, em-
menant les riches libérés 1
Attendez, il y a mieux encore.
J'aime la Légion étrangère parce que
le seul fait de son existence vient à l'ap-
pui d'idées qui me sont chères ; puis en
mémoire d'un de ses chefs les meilleurs,
qui fut mon ami : ce Flayelle, mort en
héros après une existence de juste.
Or, regardez cet homme, si las, qui se
traîne sur la route, vers 'la frontière al-
lemande. Le douanier français l'a inter-
rogé ; a tenté de le dissuader d'aller plus
loin ; le suit maintenant d'un regard de
pitié.
C'est que le vagabond — comment le
désigner autrement ? — est vêtu de vieU-
les frusques militaires. , En uniforme
français, sur le sol allemand !
Ce qui doit arriver arrive. Des gendar-
mes se profilent au lointain. L'homme
essaie de fuir. Il est rejoint. On lui pas-
se les menottes. On l'entraîne.
Son compte est bon : il va passer en
conseil de guerre comme insoumis.
C'est un Alsacien-Lorrain qui s'est en-
fui, au' moment de la conscription, pour
venir servir la France. On l'a incorporé,
comme de droit, dans la Légion étran-
gère.
A l'expiration de son service, on lui
a donné, pour vêtements (tandis que,
sans ressources en France, il devait re-
gagner l'Allemagne) ces habits qui sont
l'attestation éclatante de son dévouement
ici, de sa faute là-bas ; qui le désignent
à tous les sévices, à toutes les sévérités 1
Avouez que c'est intelligent — et hu-
main 1
Ah 1 le joli temps que le nôtre, forma-
liste et hypocrite, qui refuse l'aide aux
compagnes de toute une vie ; la rédemp-
tion aux libérés, et la sécurité à ses dé-
voués 1
SÉVERINE.
Pour Philémon et Baucis. — Deux pauvres
vieux, les époux Ducôté, faubourg Saint-Denis,
66, dignes d'intérêt à tous égards et pour qui le
voisinage, d'une commune voix, réclame mon
intercession, se trouvent dans la pire des détres-
ses. Lui, soixante-quinze ans, presque un artiste,
travaillait encore, fabriquait des petits bustes en
plâtre, avant que le chômage fût venu. Elle,
soixante-sept ans, sort de l'hôpital (des baraque-
ments de Lariboisière, où elle séjourna deux
inois) exténuée, épuisée.
L'abri va manquer, après le pain. Ces pauvres
vieux - à eux deux près d'un siècle et demi
d'âge 1 s'en iront par les rues grelottants,
chancelants..T'invoque, pour eux, fci pitié des
lecteurs 1 — S.
ÉCHOS
L
e Président de la République est allé chas-
ser, hier matin, à Rambouillet, avec le
général Dubois, secrétaire général de la Prési-
dence, le commandant Lamy, de sa maison mi-
litaire, et quelques amis personnels.
M. Emile Loubet vient de faire remettre
1,000 francs au maire de Compiègne, pour les
pauvres, « en souvenir des relations cordiales
que les événements de l'an dernier ont établies
entre la ville de Compiègne et lui ».
0
u placera-t-on le Musset d'Antonin Mer-
cié?
Il vient d'être décidé que la statue du poète
s'élèverait sur la place du Théâtre-Français.
On ferait, dans ce but, disparaître prochaine-
ment les édicules qui encombrent cette place,
que l'on convertirait ensuite en square. Mme
Lardin de Musset s'est empressée, pour déférer
au désir de l'Administration, de remettre les
photographies et les cotes du monument des-
tiné à perpétuer l'image de son frère.
E
nfin !
L'énorme carcasse en planches derrière
laquelle avait été entreprise la construction
d'un nouveau Cirque d'Eté n'affligera plus
longtemps la vue des promeneurs qui traver-
sent les Champs-Elysées.
Ordre a été donné de procéder rapidement
au déblaiement du sol, qui, comme nous l'a-
vons dit, se couvrira aussitôt de pelouses, d'ar-
bustes et de fleurs.
Cette transformation devra être complète-
ment réalisée pour le commencement de l'été.
p
our le monument de Gavami.
L'exposition projetée des œuvres du
maître dessinateur pourra-t-elle avoir lieu au
printemps, comme le comité organisateur l'a-
vait d'abord espéré? Les offres des collection-
neurs ne manquent pas, et chaque jour il en
arrive de nouvelles. Mais le temps fera peut-
être défaut, et on serait alors obligé de remet-
tre au commencement de l'hiver cette intéres-
sante manifestation artistique.
Ce qui paraît plus certain, c'est que le mo-
nument Gavarni sera érigé sur la place Saints
Georges. L'autorisation en sera demandée in-
cessamment au Conseil municipal.
Quant aux ressources, le comité ne doute pas
que les recettes de l'exposition des œuvres du
célèbre dessinateur suffiraient amplement à
couvrir les frais du monument.
MÉDAILLON
MONTJOYEUX
Le chroniqueur élégant et fort, qui a écrit
sur l'histoire parisienne de ces dernières an-
nées tant de pages supérieures, est aujourd'hui
l'auteur du Baron Le Cogne, un roman aonc
une qualité saute d'abord aux yeux, c'est qu'il
ne ressemble à aucun autre. L'intérêt qui en
sort dès les premières lignes est saisissant, et
en même temps nouveau. Il y a longtemps que,
dans la description des moeurs contemporaines,
on n'avait vu tant de fantaisie et de réalité, une
si profonde connaissance de Paris et une ima-
gination d'une telle hardiesse.
Pour écrire ce grouillant et joyeux roman
d'aventures, il fallait être autre chose encoie
qu'un romancier de grand talent : il fallait
s'être promené soi-même du haut en bas de Pa-
ris, avoir stationné partout, avoir assisté en
personne aux mille drames et aux mille comé-
dies de nos lieux de fête, de nos boulevards, de
nos champs de courses, de nos faubourgs et de
nos salons.
Tout cela, Mont joyeux l'a vu, observé et dé-
crit bien des fois dans des chroniques bril-
lantes que tous les journaux se sont disputées,
qui ont eu tous les Parisiens pour lecteurs. Il
préparait ainsi la matière de son livre, et c'est
ce qui donne à l'humour du Baron Le Cogne
une , saveur unique dë'Vérité, et au style de
l'écrivain tant de pittoresque et d'éclat.
Cet écrivain est un des plus francs, des plus
solides d'à présent. Il ne s'est pas formé dans
un cabinet de travail, parmi les livres et l'étude,
mais dans la vie elle-même, et aussi il n'imite
personne, il ne ressemble à personne. Et c'est
vraiment une sensation délicieuse que de lire
un roman qu'on n'a pas lu la veille sous un
autre titre, et qui vous intéresse non seulement
aux personnages et aux aventures, mais encore
à l'auteur.
ALFRED CAPtTS.
un
voyage de la reine Marguerite.
La souveraine douairière d'Italie a, de-
puis qu elle est veuve, exprimé plusieurs fois
l'intention d'aller visiter les Lieux Saints. A
son retour, elle passerait par la Roumanie, le
Monténégro et l'Autriche. -
On annonce de Rome que la reine accom-
plira ce vœu au printemps prochain. Elle se
rendrait directement à Jérusalem.
L
'autonomie de la Bavière.
On avait supposé, à Berlin, que la se-
conde Chambre, réunie en œ moment à Mu-
nich, accepterait de substituer au timbre-poste
national le timbre de l'empire, en dépit des ré-
sistances opposées à ce projet par le gouverne-
ment.
Il n'en a rien été. Le président du conseil
vient de déclarer à la tribune que la Bavière a
son timbre-poste indépendant, bien à elle, et
qu'elle entend le garder. «s*.
L
'arbitre de la mode, en Angleterre, c'est le
roi Edouard VII.
Alors qu'il n'était encore que prince de Gal-
les, et dès sa jeunesse, le fils de la reine Victo-
ria était, pour la « gentry », le type souverain
des élégances. Elle se réglait sur sa mise,
s'empressait d'adbpter aveuglément la coupe
de ses vêtements, la forme de ses chapeaux, le
modèle de ses pipes.
Ce privilège de maître de la mode,
Edouard VII ne l'a pas abdiqué en montant
sur le trône. Ces jours-ci, ne s'est-il pas avisé,
sans crier gare, de mettre des parements de
velours aux manches de sa redingote? Il n'en
a pas fallu davantage pour que le Tout-Lon-
dres arborât le lendemain cette innovation, à
la plus grande satisfaction des tailleurs de la
Cité.
L
es sciences historiques.
Il y a déjà longtemps qu'il a été décidé
que le Congrès international des sciences histo-
riques aurait lieu cette année, à Rome. La date
vient d'en être fixée. Il s'ouvrira le 2 avril et
durera dix jours.
L'Académie des inscriptions et belles-lettres
y sera largement représentée.
u
ne église en vente.
Elle dépendait du monastère des Cor-
deliers d'Auch. Désaffectée pendant la Révo-
lution, elle appartenait au ministère de la
guerre, qui, ne sachant qu'en faire, a cru de-
voir la mettre aux enchères. Elle a été adjugée
à un négociant de la ville pour 25,000 francs.
Le vénérable édifice était d'ailleurs en piteux
état; il remontait au sixième siècle 1
r
est, avec la vertu, des accommodements.
On se souvient de cette jeune actrice, Por-
tias Knight, qui prétendait obliger le duc de
Manchester à l'épouser, et qui, sur son refus,
lui avait intenté un procès pour rupture de pro-
messe de mariage.
L'affaire a été conciliée au dernier moment.
Mais il en a coûté au fiancé d'une heure la
somme rondelette de 50,000 francs.
L
Le prince Chigi vient de gagner, devant la
Cour d'appel de Pérouse, le procès qui lui
avait été intenté pour la vente d'un tableau de
Botticelli. La Cour a reconnu que le prince
ignorai que le tableau dût être transporté à
1 étranger. Elle a, par contre, ordonné la con-
fiscation du tableau et condamné les acheteurs
au paiement de son prix et à des dommages
et intérêts envers le ministre de l'instruction pu-
blique. •
E
xposition de mobiliers complets par mil-
liers, vendus à des prix extraordinaires de
bon marché, quoique garantis pendant 3 ans,
aux Grands Magasins Dufayel. Immense choix
d'horlogerie, joaillerie, bijouterie, orfèvrerie,
cycles, machines'à coudre, photographie, etc.
Devis, plans et dessins fournis gratuitement.
E
n soirée :
P&nmi tous ces ifls de famille,
Quel est cet élégant qui brille,
Et du chic' détient le record. ?
Eh ! c'est un client de « The Sfpori m.
NOUVELLE A LA MAIN,
B
ébé veut tout savoir.
— Alors, les enfants, c'est sous les choux
qu'on les trouve?
— Oui, mon petit
— Habillés?
- Non.
— C'est pour ça qu'on n'peut pas m'dire si
ce sera un p'tit frère ou une p'tite sœur 1
JOINVILLE.
PROPOS D'AMES SIMPLES
LE BAR DES MES
« Té 1 il ne la connaissait pas, cette de-
moiselle. Quelle canaille de vouloir faire
accroire des choses, qu'il était son
amînt 1 Des chansons pour égarer la
justice. Quand un homme maintenînt,
ill tue sa maîtresse, ces messieurs du
jury l'acquittent. Ils appellent ça une pas-
sionnelle. Je t'en flanquerai, moi, des
passionnelles 1 Cette pauvre demoisel-
le, il l'a bienn tuée sous son tunnel pour
la vôler, le munstre. D'abord le Jour-
nal l'a bien dit, toute la journée il avait
suivi des femmes dans les rues de Nice,
le couteau ouvert dans la poche, pour
en tuer une et sans se décider ; cedle d'E-
ze a payé pour les autres, la pauvre bre-
bis du bon Dieu, si jeune et si brave, ce-
la peine, et il les suivait dans les rues
noires pour les pendants d'oreilles et la
chaîne et dire qu'en Marseille nous som-
mes exposées à cela tous les jours. Té 1
une ville de voyageurs, il en passe de
toutes sortes. Ah ! le métier n'est pas
toujours drôle. » Et Thérèse Pujol, ap-
puyée du coude au comptoir du bar, vi-
dait d'un trait son champoreau à la men-
the. C'était au bar Mayol, au coin de la
rue des Récollettes et de la rue Thuban-
neau ; l'étroite boutique, toute en pro-
.fondeur où se réfugient les filles pour-
suivies par les Mœurs, le Bar des Cago-
les, comme l'appellent.les tralneurs du
cours Belzunce et du port. La Cagole,
en patois marseillais, c'est la travailleu-
se en cheveux et en tablier, qui pullule
dans les rues avoisinant le. cours Bel-
zunce et dont l'accoutrement de servan-
te peut faire illusion aux libertins de pas-
sage affriolés d'aventures et de conquêtes
personnelles. Jeune la plupart du temps,
débutante même dans le vice sous l'œil
exercé d'un chiqueur (un souteneur), la
cagole avec son haut chignon et ses che-
veux ramenés en oreilles de chien sur
les tempes, ses pas écossais bien tirés
sous la jupe courte, la taille souple ser-
rée par les cordons d'un tablier, est le
sourire équivoque et falot des petites
rues obscures du Marseille vicieux. Elle
en est le fruit vert et l'alliciante promes-
se de plaisirs coupables avec ses faux
airs de petite fille, sa fraîcheur outrageu-
sement fardée et la gaieté fiévreuse de
son regard, et quel bagout 1 Un foulard
de soie voyante noué de côté autour du
cou comme celui de son amant, complè-
te le signalement de lla cagole. A par-
tir de dix heures du soir, des cris, des
querelles, des scandales entre elles ou
avec leurs hommes, tout un charivari de
femmes saoules les dénoncent à la mé-
fiance du promeneur. Les rafles emplis-
sent les rues de l'Arbre et Poids-de-la-
Farine de leurs effrénées galopades et
les rabattent toutes, comme un gibier,
dans le bar Mayol.
Une ronde des Mœurs, éventée à temps
par un de ces messieurs, entassait, ce
soir-là, filles et chiqueurs dans l'arrière
salle du bar. Il y avait* là, Marius Bel-
les Mirettes, Pierre le Pêcheur, l'Arbi,
le Taureau de Baucaire, le Boulanger,
et, parmi ces dames, Thérèse Pujol, bou-
quetière pendant le jour, Vivette Ayga-
de, une petite des Martigues, presque
neuve dans le métier, la grande Fine,
dont l'homme était sous Jes verrous et
qui tuait son chagrin avec du Pernod, la
pôvre, et enfin Paulette Bijou, une Pa-
risienne venue à Marseille par béguin
sérieux et qui avait la noce dans le sang,
un petit chiffon de femme aux hanches
trémoussantes, pas toute jeune, le mu-
seau frotté de crème Simon et si adroi-
tement maquillée que, dans les coins
sombres, à la clarté douteuse du gaz, el-
le faisait illusion aux clients, aguichés
par ses manières de gosse, Paulette Jou-
jou Bijou, comme la nommaient les ha-
bitués du bar allumés par ses mains frô-
leuses et ses prunelles d'émerillon.
C'est cette belle société qui, traquée
ce 'soir par la police et prudemment re-
tirée à l'abri, dans la tiédeur empuantie
du bar, discutait avec des gestes force-
nés et d'étranges mimiques le récent
assassinat d'Eze.
« Et ce n'est pas son premier coup, ob-
jectait la petite Vivette, je l'ai lu dans le
Petit Provençal, on croit bien qu'il a tué
la bonne de sa mère. — Une si brave
femme, risquait Pierre le Pêcheur; je la
connais, moi ; j'ai fait la pêche à Saint-
Jean, même qu'elle était établie blan-
chisseuse. — Et la femme de la Maison
Dorée à qui il a donné trois coups de
couteau en arrivant dans la chambre,
pendant qu'elle frottait les allumettes !
— Elle lui tournait le dos, elle l'a bien
reconnu, elle aussi, remarquait Thérèse
Pujol, très documentée sur l'affaire. —
La femme de la rue Chevalier-Roze et
celle de Nice ! qu'il a fait la même cho-
se dans le collidor, déclarait Marius Bel-
les Mirettes, elles ont crié toutes les deux
à temps, les pôvres 1 — Et que ça doit
être lui qui a fait le coup de Toulon, cet-
te autre femme qu'on a trouvée à Ta-
maris 1 L'homme au pardessus gris, ça
doit être cette canaille. — Et toutes des
nous autres, soupirait PauLette, en voi-
là un Salaud qui ne s'adresse qu'aux fil-
les ! C'est ça qui donne du cœur à l'ou-
vrage 1 Moi, quand j'ai lu les détails dans
le journal, j'ai été trois soirs sans vou-
loir descendre dans la rue, j'avais le
frisson et quand Joseph a voulu que je
recommence, je me retournais tout le
temps sur les clients et j'avais l'œil aux
pattes, je vous assure, et pendant huit
jours j'ai eu le froid de la petite mort
dans le dos. — Et l'on appelle ça faire
la noce 1 concluait la grande Fine affalée
devant son absinthe, grelotter de peur,
claquer des dents, crever la faim, suer
la misère et se faire larder dans un gar-
ni 1 Cochon de métier 1 » Et toute cette
basse pègre vivant de la prostitution dis-
cutait passionnément les phases et les
moindres détails et jusqu'aux plus va-
gues hypothèses du passé de l'assassin
d'Eze. « Pour moi, il a un grain, décla-
rait la Parigotte. Ça doit être un mono-
mane, comme ils disent en justice, un
maniaque, une espèce d'homme à pas-
sion qui assassine, dans le genre de Du-
mollard qui ne tuait que les bonnes ou
de Jack l'Eventreur. — Brrr.:., faisait la
Thérèse Pujol, j'aime encore mieux ce-
lui qui déterrait les mortes, au moins il
ne faisait de mal à personne. — Pour
sûr, opinait Vivette. — Les Mœurs sont-
elles parties ? demandait Fine, en com-
mandant une troisième absinthe. Victor,
r'gardes-y un peu. La Chaloupe doit être
au coin de la rue. » Le garçon interpellé
entr'ouvrait la porte ; à un sifflement un
gas accourait, un court colloque s'éta-
blissait entre eux : « Y sont sur les Al-
lées, déclarait Victor. La Fiorettë est fai-
te, la Nana aussi. — Des galoubets, y a
pas grande perte, grognait le Boulan-
ger. — Tu caches ton jeu, dégoisait la
grande Fine. Ah 1 y sont encore là, ces
charognes, on pourra pas travailler ce
soir ! Victor, une absinthe ! — Et moi,
une menthe, disait Paulette, et puisqu'y
a le temps, j' vais vous conter une his-
toire. — Qui t'est arrivée ? — Non, ma
chère, mais à une amie. — T'es si jeune,
t'as pas de passé, toi 1 — Si vous j'tez
de la bêche 1 — Tu rendrais de la dèche.
Va, poursuis, mon amour.— Estelle mal
embouchée, cette grande Fine ? — Laisse-
la, tu vois bien qu'elle est saoule ! » Et
Marius, l'Arbi et le Boulanger entouraient
la Parisienne : « On t' gobe et on t'écoute,
vas-y, bel azur. » Paulette Bijou, ayant
trempé ses lèvres dans sa menthe avec
une lenteur distinguée, s'asseyait en se
trémoussant sur les genoux de Marius,
et d'une voix de conférencière : « Quand
j'étais à Bordeaux. — T'as été par-
tout ? interrompait la grande Fine. —
Ferme 1 ripostaient les hommes en
chœur. Et, triomphante, Paulette repre-
nait. — Quand j'étais à Bordeaux, j'a-
vais une amie, Parisienne comme moi,
une bonne fille et dégourdie, qui faisait
le Pont-de-Pierre et le quai près des
Quinconces, Marie Patard (je me sou-
viens de son nom), une fille mariolle et
toujours bien tenue, ragoûtante. — Une
fleur, enfin toi, reprenait la voix érail-
lée de Fine. » Paulette se contentait de
hausser les épaules.
« Un soir qu'etlle faisait le Pont-de-
Pierre, on était en juin et la recette de
la journée avait été maigre (Paulette soi-
gnait maintenant ses phrases, et, sûre
de son auditoire, surveillait sa diction),
elle avise, accoudé sur le parapet, un
homme qui regardait l'eau couler. Il
était près de minuit, l'homme avait l'air
d'un croquant, un complet de velours
gris, un grand chapeau rond de meu-
nier et un air sérieux pas à la rigolade.
Le pont était désert, plus personne et
Marie ne se souciait point d'aborder,
mais le métier est le métier et l'homme
était bien propre, elle se décide. Elle
tourne d'abord autour de lui, passe et
repasse, le frôle du coude, et puis,, lui
parle : « Beau temps, belle nuit 1 » Tout
ce qu'on dit. Y répond pas ; elle s'enhar-
dit, s'accoude à côté de lui, lui propose
la chose. Y répond pas, mais passe son
bras sous le sien et lui fait signe de
l'emmener. C'était un muet, un sourd-
muet : il avait bien compris, mais il ne
pouvait s'exprimer, cet homme. Elle lui
montre une pièce de cent sous, y fait
signe que oui : bref, les voilà partis. Elle.
l'emmène chez elle, et c'est la nuit d'a-
mour : un homme ardent à la caresse et
qui gloussait comme une poule, rien que
des étreintes et des petits cris, mais qui,
entre temps? la regardait avec un air si
drôle qu'elle n'osait pas dormir. On au-
rait dit qu'il avait une idée de derrière
la tête, des yeux fixes d'un homme qui
aurait eu un remords ; bref, la Marie,
qui n'était pas bête, ne ferma pas l'œil
de la nuit, elle ne respira qu'à l'aube,
l'homme une fois dehors.
» Elle me dit la chose dès le lendemain
et puis n'y pensa plus. Un clou chasse
l'autre, quand v'là que dix jours après,
on apprend qu'un homme a tué une
femme dans la rue, un sourd-muet, trois
coups de couteau, à la manière de l'as-
sassin d'Eze et pas pour voler, mais par
manie, un homme qui voit rouge et qui
frappe au hasard dans le tas et la pre-
mière venue. L'homme est arrêté, et v'ià
que les débats apprennent que l'homme
n'est pas muet. C'était un garçon meu-
nier de Cavaillac-la-Bastide. Une idée
qui l'avait pris comme ça de tuer une
femme, qu'il avait d'abord résisté, mais
que ça le travaillait de plus en plus, et
y ne pouvait pas en voir passer une sans
avoir des fourmis dans les bras ; il fal-
lait qu'il tape. C'était plus fort que lui.
Il y a de la sorcellerie dans ces choses-là.
Bref, n'y pouvant plus tenir, il avait quitr
té son village, ne voulant pas faire le
coup chez lui ; il était venu à Bordeaux
avec son baluchon et ses économies,
guettant une femme pour la saigner et
ne s'y décidant pas par un restant d'hon-
nêteté et si triste qu'il en avait perdu le
boire et le manger et jusqu'à la parole.
Il éLait devenu muet ou bien faisait le
muet. Tout à son idée fixe, il avait erré
dix jours dans Bordeaux, un couteau
dans la poche et travaillé par son besoin
de tuer. Il avait même été deux fois avec
des femmes bien décidé à en finir et
pourtant retenu, jusqu'au jour où la tb
te lui avait tout à fait chaviré et alors, en
pleine rue, il avait frappé comme un
fou.
» Il avait tout avoué au juge d'instruo
tion, pris d'un besoin de. raconter son
mal, e~ puis était retombé dans son mu-
tisme sur cette déclaration qu'il recom.
mencerait s'il redevenait libre ; c'était
plus fort que sa volonté.
» Marie Patard fut prise d'un trembla
ment quand nous lûmes ça ensemble
dans le Petit Bordelais, un soir comme
ce soir, au bar. J'veux le voir; qu'elle
criait toute blême ; j'veux le voir, j'suis
sûre que c'est lui. Et elle alla le lende-
main au Palais. Elle fut confrontée avec
l'homme chez le juge d'instruction. C'é
tait bien celui du Pont-de-Pierre ; elle en
garda trois jours le lit, et elle déposa
aux assises. Un Anglais, qui assistait au
procès, eut le fort béguin pour elle: Ça
l'allécha cette femme qu'avait connu un
assassin, et il l'emmena à Nice avec lui.
Elle est aujourd'hui avec un prince rus-
se. A quoi tient la vie et pour un métier
qui expose, c'est un métier qui expose.
— Sûr qu'y a plus de risque que chez
les couvreurs. — Hum 1 les couvreurs
s'exposent aussi. » Et Marius Belles Mi-
rettes, qui avait été infirmier au 2* zoua-
ves, à Oran, avait un clignement d'yeux
sournois, et concluait par une salauds
rie.
JEAN LORRAIN.
Gazette Rimée
LA QUESTION DU LAIT
A vieux comptas
dxputexnwavot.
Ainsi, vous vous apercevez
Seulement, pauvres poires,
Aujourd'hui, que vous absorbez
Un lait plein de déboires.
Et vous voilà pris de remords, -
Insensés, téméraires,
Quand vous êtes à demi morts
Ou ne valez mieux guères.
Alors, vous vous croyiez encor
A ces âges superbes
Où l'on buvait du lait en or,
Fleurant les bonnes herbes 1
Las ! quoi donc, en nos temps affreux,
De ce qu'on boit et mange,
Est honorable et rigoureux,
Et pur et sans mélange?
Qui ne sait que tout est truqué,
Périlleux, indigeste ?
Que tout est faux, tout est chiqué,
Le lait comme le reste ?
Qui ne sait que ce lait fatal
Est composé de gouache.
Et de cervelle de cheval —
Je ne dis pas. - de vache.
Donc, vous buvez du lait absent ;
Ce sont là des bravades.
Vous n'êtes pas intéressants
Si'vous êtes malades. -
Il faut bien du lait aux enfants —
Dites-vous. Sans nul doiite,
Pour qu'ils soient beaux èt triomphante
Ne meurent pas en route.
Mais on voit un tas de feignants
Et de galactophiiès,
De grabataires répugnants
Empoisonnant les villes,
Qui ne se gorgent que de lait,
Sous le prétexte vague
Que c'est un aliment complet.
Lè diable les incague !
Car ces gens-là boivent la part
Qui reviendrait aux gosses; ,
C'est d'où viennent pour la plupart
Ces butyreux négoces.
Remarquez bien, pauvres flapis,
Que cette honnête vache
N'a qu'un certain nombre de pis,
A moins qu'elle n'en cache.
Si donc la consommation
Ordinaire dépasse -.
De beaucoup la production,
Que voulez-vous qu'on fasse?
On fait comme font les laitiers.
Ils coupent le. problème
Avec de l'eau. Si vous J'étiez,
Vous feriez tous de même.
En somme, leur raisonnement
N'est guère plus infirme ,
Qu'un autre. Ils disent seulement :
« Si c'est, comme on l'affirme,
Aliment complet que le lait,
Pourquoi se mettre en peine?
Il sera d'autant plus complet
Avec de l'eau de Seine. n
Est-ce à dire qu'ils ont raison,
Et que je les excuse
De nous verser de la poison?
Non. Mais, ou je m'abuse,
■ Ou c'est comme en tous les métiers,
Et l'on n'y peut rien faire.
> Mais, puisqu'il s'agit des laitiers,
En cette triste affaire;
Si ce lait que nous débuvons
Est fait par ces ganaches,
Nous sommes encore trop bons
De les appeler : vaches.
RAOUL PONCHON.
Le Budget de la Guerre
Le rapport de M. Berteaux
Un exposé 4e quelques pages, examinant
si les crédits demandés par le gouvememend
étaient suffisamment justifiés, tel était, au-
trefois, le rapport sur le budget de la guerre.
Un énorme volume, traitant de toutes ici
questions qui touchent à notre organisation
et à notre administration militaires, voilà et
qu il est aujourd'hui.
Si le Parlement devait actuellement adopo.
ter l'ensemble'des propositions du rappor.
teur du budget de la guerre, en dehors de
celles qui visent uniquement les chiffres de
dépenses, il lui faudrait, chaque année,
transformer du tout au tout notre organisa-
tion militaire.
Est-ce à dire qu'il- n'y ait pas souvent ma-
tière à l'élaboration d'utiles réformes dana
ce travail annuel ? Loin de là : il y a parfois
pas mal à glaner, et les 580 pages, d'une lec-
ture attrayante, que nous donne cette année
l'honorable M. Berteaux, ne constituent pas
une œuvre inutile, quelle que soit l'opiniao
que l'on professe, d ailleurs, au sujet .dei
idées émises par le député de Seine-et-Oise.
M. Berteaux a divisé son rapport en deux
parties : la première, qui est la plus étendue
— elle ne comprend pas moins de 360 stages
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