Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-01-19
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 19 janvier 1902 19 janvier 1902
Description : 1902/01/19 (A11,N3398). 1902/01/19 (A11,N3398).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : BIPFPIG13 Collection numérique : BIPFPIG13
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76265801
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/11/2014
ONZIEME ANNEE, — N- 3398
SIX PAGES - Paris et Départements- CINQ CENTIMES DIMANCHE 19 JANVIER i9C2
FERNAND XAU, Fondateur
Quotidien, Littéraire, Artistique et Politique
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
IOO, RUE RICHELIEU, PARIS
Adrew télégraphique : JOURNAL - RTCWTC.TrTT P ARTfr
Prix des. Abonnements
- Un an Sx mois Trois mots
SEINE & SEINE-ET-OISE. 20. D 10.50 5.50
DÉPARTEMENTS ET ALGÉRIE. 24. » 12. 8 6, <
ÉTRANGER (UNION POSTALE) 35. » 18. » 10. 4
TÉLÉPHONE
Direction. 102-96 1 Rédaction 103-10
Administration. 101-95
SEUL JOURNAL FRANÇAIS
PARAISSANT TOUS LES JOURS
SUR SIX ÇACBssrxf
Annonces, Bêèfâm^^S^JJIvers !|
CHEZ LILG ^ANGER ÇE®^T^!«
6, PLA 1, - -- -, -
et aux bureaux du 3 OURNA4 *
finsser les manials-poste à M. TAdministrateur
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus
"tA MMmm
Une institution qui s'en va, comme tant
Vautres choses s'en vont qui furent uti-
les et glorieuses en leur temp3, c'est la
Comédie-Française. Du moins, elle s'en
va, dans la forme,-aujourd'hui périmée,
■oiù. Napoléon l'édifia, un jour qu'il était
!!plus ivre de cabotinisme que jamais, et
\qu'il voulait, peut-être, se rassurer, en
étonnant le monde, par un décret bur-
lesque qui semble, à l'heure où il fut
rendu, une sorte de défi paradoxal et
\fou.
Je ne veux point ajouter ma propre ai-
'greur à toutes les aigreurs qui ont enve-
nimé cette question ; je voudrais, au
contraire, ne dire que des paroles rai-
sonnables et justes, et surtout éviter les
querelles de personnes, car la question,
là où elle en est arrivée en ce moment,
dépasse les personnalités, les ayant
épuisées, toutes, depuis longtemps.
La Comédie s'en va, non parce que
la maison est en guerre contre elle-mê-
me ; mais elle est en guerre contre elle-
même, parce qu'elle s'en va. Elle s'en
va, parce qu'elle est une survivance, de-
puis longtemps morte, du passé ; parce
qu'elle ne correspond plus aux modes
nouvelles et plus simplifiées du deco-
rum national, ni aux besoins nouveaux,
et plus libres, et plus hardis d'un art qui
s'émancipe de jour en jour, et qui suit.
comme il peut, et encore timidement.
ta marche de la philosophie et de la
science vers un idéal plus cher, plus
précis et moins taré de sentimentalisme,
de vérité humaine.
Il' ne faut point s'y tromper. Le mal
n'est pas dans la mésentente, de ceux-ci
et de ceux-là, dans l'autorité de l'admi-
nistrateur et dans la résistance des so-
ciétaires ; il est au cœur même de l'ins-
titution. Et les querelles, les colères, les
disputes, les menaces, les luttes bruyan-
tes, toute cette anarchie bouillonnante,
ce sont les ordinaires convulsions qui,
toujours, accompagnent la disparition
d'un organe frappé de mort. On ne se
résigne pas à mourir sans lutter contre
la mort. Mais la mort est toujours la
plus forte. Elle a vite fait d'éteindre les
râles, les cris et d'immobiliser les se-
cousses. Le jour où M. Claretie, hon-
nêtement, logiquement, historiquement
même, pourrais-je dire, portait le pre--
mier coup de pioche dans la tradition
impériale, en abolissant le comité de lec-
ture, cjest-à-dire en débarrassant les au-
teurs, qui devraient lui en être recon-
naissants, de la tutelle, de la tyrannie,
des partis pris de l'éducation traditionna-
liste des comédiens, l'institution était
condamnée déjà. Elle ne vivait plus par
elle-même, elle ne vivait que par la for-
ce des souvenirs, par l'élan acquis, par
une vie purement factice, qui s'est arrê-
tée maintenant. Elle était, dans notre
société, pareille à un vieux maniaque
qui, au milieu de la foule des habits
noirs et des chapeaux de haute forme,
s'obstine à conserver les perruques d'au-
trefois, les basques flottantes de velours,
Ses manchettes et les jabots de dentelles,
et les bas de soie brodés de flèches d'or,
et les hauts talons rouges. Si riches
que soient ses habits, si précieuses ses
dentelles, si bien poudrées ses perru-
ques, il a beau faire, il ressembla à un
« masque ». Et tout le monde-se mo-1
que de lui. Ainsi la Comédie-Française
qUi ne veut pas qu'on lui arrache ses
perruques !.
La Comédies-Française en est arrivée
à ce point de n'être presque plus un
théâtre, mais un véritable musée. Il n'y
a rien de plus noble qu'un musée, et que
j'aime et que je respecte autant. Le mal-
heur est que nous ne lui demandons pas
d'être un musée, mais un théâtre où
mous désirons voir autre chose que des
portraits bien peints, et des gestes im-
mobiles de statues. Or, elle ne peut
plus être un théâtre. Les conditions mê-
mes qui la régissent, les lointains et pou-
dreux décrets qui la protègent de leurs
bandelettes usées, lui enlèvent, aujour-
d'hui, toute possibilité de vie active, de
mouvement, d'émotion. Ils sont là, tant
et tant de braves gens, engraissés, en-
gourdis dans des privilèges d'un autre
tlge qui, sans souci de nouveauté, de
progrès, ne songent qu'à faire bonne
garde autour du gâteau administratif,
afin que des intrus n'en puissent pren-
dre leur part. Ils ont, à force d'être
fonctionnaires, oublié qu'ils étaient des
acteurs. Alors que, sous prétexte cle
conserver les traditions du goût, au
point d'arriver à ce prodige de rendre
Molière presque haïssable et Racine
presque ennuyeux, ils confinent, alour-
dissent, empâtent leur talent dans les
routines, dans les vieux préjugés et
dans cette supériorité sur les autres,
qu'ils sont des bureaucrates inamovi-
bles, ou des rentiers ventrus, des comé-
diens se révèlent, un peu partout, qu'on
ne peut engager, soit que l'argent man-
qUe pour de telles superfluités, ou que
les places soient prises durant l'espace
de toute une existence normale d'hom-
me bien portant. Et c'est ainsi qu'à la
Comédie-Française-, où, pourtant, les ta-
lents ne font point défaut, il n'y a plus,
en ce moment, ni de grands premiers rô-
les, ni d'ingénues, ni de soubrettes, ni
rien, et que ceux ou celles du dehors
qui pourraient, avec succès, tenir ces
emplois vacants, ne le peuvent, car ils
ne sont point sociétaires. Je connais
dlés pièces pour lesquelles — exemple
unique — on ne peut absolument trou-
ver, à la Comédie-Française, dans le
personnel de ses sociétaires, une distri-
bution de rôles. Mais pourquoi ne pas
renouveler les cadres, dira-t-on ?. Com-
ment le pourrait-on faire, puisque tout
est privilège de par un décret cente-
naire, et privilège à vie. puisqu'une in-
génue, par exemple, entrée comme tel-
; flte à vingt ans, le sera encore à soixan-
• le, si c'est son bon plaisir, sans qu'au-
cune force puisse faire qu'elle ne le soit
pas, et qu'elle repasse son ingénuité à
lune autre ingénue moins vieille.
Si ainsi de tous les autres rôles.
C'est pourquoi le temps passe, avec
ses modî^, ses renouvellements, ses ré-
solutions, ses sensibilités différentes,
isaiis rien changer à l'immuable attitude
de l'a Comédie^Française, et sans lui ap-
porter un peu de ce sang nouveau, dont
lIes autres théâtres — bien timides, pour-
tant — vivent, ou se donnent l'illusion
de vivre, un peu.
Il faut le dire en termes très nets. La
Comédie-Française est morte, et ce n'est
la faute de personne, pas plus de. l'admi-
nistrateur, que des comédiens. Et je
voudrais qu'ils le comprissent une bon-
ne fois.
Mais on peut la faire revivre ; il s'agit
de la reconstituer.
Pour reconstituer la Comédie, il ne
faut pas attendre qu'elle soit tombée
pi-erre à pierre lamb-eau par lambeau.
Et pour cette œuvre de salut nécessai-
re et facile, il incombe de grands devoirs
à M. Jules Claretie et au ministre qui,
jusqu'ici, l'a soutenu énergiquement. Il
ne faut point tenter de petits raccommo-
dages qui ne raccommodent rien, de pe-
tits replâtrages, incapables, d'ailleurs,
de cacher les fissures et. les lézardes de
cette maison condamnée à la démolition.
Il faut tailler dans le grand et frapper
dans le tas, à forts coups de hache.
Et voici la solution qui s'impose. Il
n'en est pas d'autre.
Liquider les parts sociales, des socié-
taires et constituer une société civile,
avec un directeur nommé par l'Etat, qui
voudra exercer un contrôle financier, en
raison de la subvention qu'il continuera
de verser ; faire de la Comédie-Française
ce qu'on a fait pour l'Opéra, l'Opéra-Co-
mique et l'Odéon.
Mon idéal, à moi, serait tout autre,
mais je comprends que l'Etat ne veuille
pas se dessaisir, tout d'un coup, d'un tel
théâtre, et pour commencer, je ne vou-
drais pas demander à des hommes poli-
tiques qui ont toujours la terreur de.
l'inconnu et la haine de l'initiative indi-
viduelle un sacrifice trop grand d'auto-
rité. Le directeur serait seul responsa-
ble de sa gestion, et on saurait enfin à
qui s'en prendre en cas de mauvaise
administration ou d'insuffisance littérai-
re. Ce serait un régime à peu près nor-
mal, qui permettrait au directeur d'en-
gager les artistes de talent, et aux artis-
tes de ne s'occuper que de leur métier,
c'est-à-dire de jouer la comédie, tout bê-
tement, au lieu de passer leur temps à
réunir des conciliabules, ou à rédiger
des protestations, et à chercher tous les
moyens d'empêcher qu'on répète les piè-
ces et qu'on les représente. Tout le mon-
de y gagnerait, en dignité, d'aboird en
.succès, ensuite, car il y aurait, désor-
mais, entre eux, une juste émulation
qui n'existe plus, sous le régime actuel,
tous étant pourvus de situations aux-
quelles on ne peut toucher. Et la vie
rentrerait bien vite dans cette maison
qui a besoin qu'on rouvre ses fenêtres
à l'air du dehors, au soleil, au bruit, au
mouvement.
Que M. Leygues se rassure. Tout cela
peut se réaliser sans difficultés et sans
trop de tapage. Le public, en tout cas,
applaudirait à cet acte d'énergie indis-
pensable, car s'il aime les comédiens et
s'il les gâte, quand il les voit sur la scè-
ne, il les déteste, eux et leurs vaines
agitations dans Les affaires publiques,
et dans la rue, et dans la presse. M. Ley-
gues a là une belle occasion de se mon-
trer populaire et de ramener à lui bien
des inimitiés que lui valurent, souvent,
ses tergiversations et ses promesses ja-
mais tenu'es. Quant à M. Claretie, son
devoir est strict : achever ce qu'il a com-
mencé, et attacher son nom à une gran-
de réforme, la seule qui' peut sauver de
la mort définitive cette maison qu'il
prétend aimer et servir.
Et qu'ils se disent tous lelsi deux ceci :
« Une République peut défaire, sans re-
mords, ce qu'a fait un empereur !. »
OCTAVE MIRBEAU.
ÉCHOS
Aujoundluui, à une heure quarante-cinq, réunion
à Nioe.
NIS FAVORIS
Prix PlhéibuB. — Kaoli, Ben Tifellia.
Grand Prix de la Vile de Nice. — Gilbert, Bil-
baude.
Prix des .A!lpes--:Mal"itianes. — Couesdon, Pégase.
L
e Président de la République a rendu, hier
après-midi, à MM. Fallières, président du
Sénat, - et Paul Deschanel, président de la
Chambre des députés, les visites que ces der-
niers lui ont faites à la suite de leur réélection.
M
me Loubet, accompagnée des ministres de
la guerre et de la marine, inaugurera au-
jourdhui dimanche, à deux heures, l'hôpital-
dispensaire et gymnase médical des quartiers
d'Amérique et de la Villette, rue David-d'An-
gers ; Mme Loubet sera reçue par MM. Char-
les Bos, député; Vorbe, ancien conseiller mu-
nicipal, président d'honneur de l'œuvre, etc.
L
'anniversaire de la mort de Charles, F lo-
quet.
Les nombreux amis de l'ancien président du
conseil et de la Chambre des députés se sont
retrouvés, hier, autour de son monument, au
cimetière du Père-Lachaise. Une couronne a
été, en leur nom, déposée sur la tombe. Puis,
un délégué de M. Baudin, ministre des travaux
publics, y a placé une gerbe de fleurs envoyée
par le ministre.
Le président du comité du monument, M.
Léon Bourgeois, s'est alors avancé au milieu
du groupe et a rendu un éloquent hommage à
la mémoire de Charles Floquet, montrant que
les grandes lignes de la politique qu'il a dé-
fendue jusqu'au dernier moment soutiennent
plus que jamais l'action du parti républicain.
L
e compositeur Marchetti est mort, hier, à
Rome..
Né à Balagnola, dans les Apennins, en 1831,
il avait commencé ses études au Conservatoire
de Naples à l'âge de douze ans. On lui doit un
certain nombre d'opéras, dont plusieurs ont
eu un retentissant succès, même à côté des
chefs-d'œuvre de Verdi triomphant. En même
temps que notre Gounod, en France, il don-
nait, en Italie, un opéra : Roméo et Juliette,
qui fut très applaudi à la Scala. C'est sur la
même scène qu'il fit ensuite représenter Ruy
Blas, son œuvre capitale.
Marchetti, qui s était depuis près de ving^
ans retiré du théâtre, avait dirigé le Conserva-
toire de musique de Rome.
s
ucœssion de duels retentissants en Allema-
gne.
Le dernier a eu lieu entre deux civils, MM.
de Bennigsen, fils de l'homme politique célè-
bre, et Folkenhagen, fermier des domaines de
la. couronne. Les deux adversaires se sont ren-
contrés en Hanovre et se sont battus au pisto-
let. M. de Bennigsen a reçu une balle dans la
poitrine, et il est mort hier.
Le
reliquat de l'Exposition.
Tandis que l'on achevait, hier, dans les
bureaux de l'avenue Rapp, l'expédition totale
de cent cinq mille diplômes destinés aux lau-
réats de l'Exposition, le Président de la Répu-
blique recevait l'hommage des deux premiers
rapports généraux, dont l'Imprimerie nationale
vient seulement d'achever l'impression : ce sont
ceux de M. Dislère sur les colonies, et de M.
Emile Picard sur les sciences.
Cinq autres rapports généraux manquent en-
core à l'appel.
Après qu'ils auront paru, se déroulera la sé-
rie des cent vingt et un rapports des jurys.
Le défilé n'est pas près de finir, comme on
voit.
L
e masque de Gustave Flaubert.
Le musée Carnavalet vient de recevoir
un don des plus intéressants : c est le masque
du grand écrivain sur son lit de mort. L'ex-
pression en est puissante et fort belle.
En même temps, un autre amateur offrait à
M. Georges Cain un moulage de la main de
Victor Hugo, fait par Girolami en 1877.
M.
Coquelin. revenant sur une résolution an-
térieure, s'est décidé à aller jouer en Al-
lemagne. Il y est en ce moment 1 hôte du Théâ-
tre-Royal. Hier, l'artiste français a été reçu par
l'empereur.
L
es embellissements du Palais de Justice.
Sur le dernier emprunt départemental
voté ces jours derniers par le Conseil général
de la Seine, il y a une somme de huit millions
qui est affectée au Palais de Justice.
C'est pour s'entendre, sans doute, au sujet
des améliorations à apporter au temple de Thé-
mis, que M. Ditte, président du tribunal civil
de la Seineo vient de convoquer pour demain
lundi, à trois heures et demie, les nombreux
membres du Conseil municipal qui font partie
du barreau de Paris.
Nos maîtres-édiles pourront ainsi parcourir
les divers services intérieurs du Palais de Jus-
tice et examiner de visu le meilleur emploi qu'il
y aura à faire du crédit voté de huit millions.
L
es fous en Angleterre.
Il y a un peu moins de cent ans, les
aliénés étaient traites, dans le Royaume-Uni,
avec la dernière cruauté.
On cite l'exemple légendaire d'un malheu-
reux dément du nom de Norris, qui fut jeté
dans une prison et qui y demeura neuf ans, at-
taché par des anneaux de fer au cou, aux poi-
gnets et aux chevilles. Une protestation formi-
dable éclata contre ce traitement barbare dès
qu'il fut connu, et on s'empressa de décider la
création d'un asile dans chaque comté.
Aujourd'hui, l'Angleterre est un des pays
du monde où l'aliénation mentale est le plus
largement hospitalisée.
Sait-on ce qu'a coûté le principal asile, celui
de Colney Hatsch? La bagatelle de six mil-
lions 750,000 francs 1 Il y a des ateliers, des
jardins, des serres. On y organise des fêtes,
des concerts.
Dans un autre établissement, à Bedlam, il
y a bal le Ier de chaque mois, et la gaieté n'y
manque pas. On connaît le dicton : « Plus on
est de fous. »
s
ept tableaux de Millet aux enchères.
Et ce ne sont pas de faux Millet, as-
sure la chronique de Cherbourg, où la vente de
ces œuvres du maître de l'Angelus, ignorées
jusqu'ici, viennent d'être vendues aux enchè-
res..
Il y a cinq peintures à l'huile et deux pas-
tels. Six sont des portraits de famille, qui ont
été adjugés 250 et 300 francs. Le septième ta-
bleau représente un cheval grandeur nature,
qui décorait, jadis, la porte d'une maréchale-
rie, rue du Vieux-Pont, à Cherbourg. Il a at-
teint 1,106 francs.
Maintenant, quelle est la valeur intrinsèque
de ces toiles de J.-F. Millet, inconnues du
grand public, et à supposer qu'elles soient au-
thentiques?
M
ariage princier et. d'amour.
La cérémonie du mariage de l'archidu-
chesse Marie-Elisabeth d'Autriche avec le
prince Otto de Windisch Graetz est fixée au
22 de ce mois.
Le jeune couple partira pour la Sicile aussi-
tôt que l'archiduchesse aura signé sa renoncia-
tion, en présence de l'empereur. Il y restera
deux mois. Il s'installera ensuite à Winchrady,
dans la merveilleuse villa Çrœbé.
R
éfléchit-on parfois, quand on feuillette le
Nouveau Larousse illustré, que ce magni-
fique dictionnaire est un des agents les plus
puissants de la propagation de la langue et
des idées françaises au dehors? Il compte, en
effet, près de trente mille souscripteurs à l'é-
tranger sur les 122,000 inscrits à l'heure ac-
tuelle. Ce beau succès fait honneur à la Li-
brairie Larousse, qui a entrepris cette superbe
publication, et à M. Claude Augé, qui la di-
rige avec tant d'intelligence et de maîtrise.
M
Gustave Kahn vient de publier, aux Edi-
tions de la Revuè Blanche, un-roman de
400 pages : L'Adultère Sentimental, qui doit
une saveur singulière au contraste d'un réa-
lisme rigoureux et d'une fantaisie infiniment
diaprée.
p
our donner le nec plus ultra de finesse et
d'arôme, le café doit être composé d'un
mélange des meilleurs crus bien choisis et tor-
réfiés habilement, après avoir été lentement sé-
chés dans un endroit sain: Voilà des qualités
rares qu'on trouve toujours, 4, rue de l'Echi-
quier, à la maison Ancelin, bien connue des
gourmets.
N•OUVELLE A LA MAIN,
u
n chasseur se présente à la gare Saint-
Lazare.
- Lui faut son ticket, vous savez, mon-
sieur, à votre chien.
— Demi-place, alors?
- A cause?
— Il n'a pas sept ans 1
JOINVILLE.
CHEZ LES FORÇATS
Entrevu9 avec Pel
Le long de la grand'rue, à Bouràil, au
coin de la rue Gambetta, une plaque noi-
re avec, en relief, un cadran et une flè-
che d'un jaune d'or. C'est toute l'ensei-
gne de la petite boutique a1'horloger où,
à quelques pas plus haut, je pénètre.
— Vous désirez, monsieur i
Et, sans quitter sa chaise ni son tra-
vail, Pel me dévisage de sa loupe, en
monocle dans l'œil.
Il est., 1&, froid, digne, impassible. Mê-
me à fleur d'épiderme, rien ne reste de
la houle terrible qui, durant la nuit, a
secoué son corps, ses muscles, sa chair.
Je lui dis l'objet de ma visite. Un peu
de trouble passe dans ses yeux ; une ré-
ponse balbutiée :
— M'interviewer. moi. à quoi bon ?
Quel intérêt cela peutril avoir pour le pu-
blic •? Un forçat, ça n'existe pas. ou
bien alors. au théâtre. à l'Ambigu.
dans le rôle du traître au dernier acte.
D'un mouvement lent, il s'est levé, et
il raille, embarrassé, gêné, essayant de
tourner la chose d'une manière plaisan-
te.
Puis, après un silence, une gravité su-
bite dans la voix :
, — Un forçat ! Eh oui 1 voilà, ce que je
suis. Et, comme tous Les forçats, un
objet d'opprobe et de honte. Aussi np
nous épargne-t-on pas les' humiliations.
Et toutes, vous entendez, monsieur, tou-
tes, toutes, je les ai .subies.
Bel causant avec Jaxsqu-es Dfcur ';./
s
Et il semble qu'un empilement d'hu-
miliations pèse sur ses épaules qui
plient. Mais une énergie le redresse :
— Ah ! oui, j'ai souffert et je souffre
encore. atrocement. Et cette souffran-
ce, l'ai-je, seulement, méritée ?. Qui
donc s'en inquiète ?.
— Moi, dis-je, simplement.
Un rire amer glisse sur ses lèvres, fait
plus maigres encore ses pommettes con-
tractées. Un instant, il reste interdit,
rongé de doutes et d'hésitations, puis,
l'œil planté sur moi :
— Eh ! bien, monsieur, je vais vous
montrer une chose qui vous donnera à
penser.
Une pause. Le temps pour Pel, en
deux enjambées rapides, de gagner la
pièce voisine, et le voici un journal à la
main. Gravement, il le déploie, et ce
faisant, il m'explique :
— Il s'agit de mon affaire. M. Ques-
nay de Beaurepaire avait requis contre
moi. Les preuves manquaient. Or, le 17
juin 1898, dans un journal, M. Ques-
nay de Beaurepaire a commis cette phra-
se.
Et, dans le journal qu'il place sous
mes yeux, il m'indique du doigt un pas-
sage encadré au crayon bleu.. A haute
voix, je lis : « Cependant, ma conviction
du crime n'en demeurait pas moins iné-
branlable ; je produisis des témoins au-
tour du fait, je reconstituai, grâce à eux,
la vie de Pel, de façon à rendre solide
mon système de déductions, et le jury
condamna. »
- Hein ! s'exclame Pel, ce magistrat
qui arrive avec un « système », cette cul-
pabilité qui s'affirme par des preuves
« autour », quelle vue sur l'abîme
Evidemment, c'est là une chose énor-
me — formidable — et qui justifie toutes
les défiances, légitime toutes les révol-
tes. Et, troublé moi-même, je balbutie :
— Mais, tout espoir n'est pas perdu. Le
gouverneur de la co.lonie,M. Feillet, vous
considère comme la victime d'une erreur
judiciaire, — il m'a autorisé à le pu-
blier ; des fonctionnaires de l'Ad-
ministration pénitentiaire pensent de
même ; dans ces conditions, il me sem-
ble qu'une demande en revision.
Mais, lui, barre la phrase de la main,
en un geste brusque, qui coupe l'air :
— Vingt fois I. oui. vingt fois, j'ai
vainement réclamé la revision de mon
procès.
- Cependant, en 1891 et 1892, on avait
successivement retrouvé deux des ser-
vantes que l'on m'accusait d'avoir as-
sassinées. Car, tout d'abord, je n'avais
pas tué moins de sept femmes. comme
Barbe-Bleue 1.
Il y a environ dix-huit mois, la presse
auraA parlé d'une autre servante. La-
queille 7 Est-ce Elisa Boehmer, dont la
disparition a motivé ma condamnation ?
Je ne sais pas, et il m'est impossible de
savoir.
Aussi, je renonce à adresser des re-
quêtes au Parquet. Tenez, en voici une,
rédigée depuis plusieurs mois. et elle
est toujours là. H n'y a rien à faire.
Et, même innocent, je dois rester au ba-
gne. Ainsi le veut la loi, — la loi sereine,
glaciale, implacable.
Je me tais remué par cette voix âpre
qui martèle les mots, les jetant dans le
grand silence de la pièce, avec une ré-
volta douloureuse,
Pel, maintenant, les deux mains en-
foncées dans les poches, 'les épaules sou-
levées, le pas saccadé, arpente la bouti-
que. La tête, baissée, semble foncer sur
d'invisibles obstacles.. Puis, brusque-
ment, il sort. Je le suis. Et nous voici
sous la véranda où, à travers les
brindilles de vigne vierge, pleut le
soleil. Une brise molle caresse la
peau. Dans le petit jardin, un léger
frémissement court dans les massifs ; les
feuilles alanguies 93 redressent, et, sous
ce souffle tiède, les calices des fleurs
s'ouvrent comme des bouches avides. Et
c'est, autour de nous, une embaumante
coùléevde parfums.
Il y a un long silence. Enfin, Pel, avec
un petit hochement moqueur de la tête :
- Vous le voyez, on est, ici, relative-
ment heureux.
Puis, d'un accent qui s'attriste, il me
dit ce qu'est le bagne même, — les
camps — comme si, brutalement, le
souvenir lui en était sauté au cerveau,
en image affolante, monstrueuse. Le pre-
mier jour, on a la sensation déchirante
d'une chute épouvantable dans le vide.
Après c'est une odeur de vice fumant
autour de soi. Et, bientôt, on est enve-
loppé de tous côtés, englué par une ma-
rée montante de boue humaine, où écu-
ment de grands courants de vases grouil-
lantes qui emportent tout, --'- à la dérive.
Pel s'est tu. Sa main se porte, pesante,
à son front, comme pour en chasser des
choses douloureuses. Puis, un vague
haussement d'épaules, et, avisant mon
appareil photographique, une brusque
diversion :
— Eh bien ! si vous me photogra-
phiiez i
Devant mon geste d'acquiescement,
très amusé, il disparaît, faire un « brin ».
de toilette. Et; bientôt, le voici de retour,
en cravate blanche, savamment peigné,
et, d'un doigt nerveux, frisottant les mai-
gres pointes de sa moustache.
Aimablement, je le plaisante sur sa
coquetterie ; mais, lui, reste tout interlo-
qué devant moi. Je le regarde, l'interro-
geant de 'l'œil, voyant bien qu'il pensa à
quelque chose qu'il ne veut pas dire. Il
hésite, un peu embarrassé :
— Oh 1. oh !. monsieur. Vraiment,
j'ai un physique si ingrat !.
Puis, avec une tentative, de gouaillerie,
que dément l'altération de sa voix :
— C'est-, peut-être, ce qui m'a fait con-
damner.
Et ses traits se crispent en un rire for-
cé, un rire qui ne tient pas et tombe ausr
sitôt, comme un masque mal attaché.
Décidément, cet homme me glace. Je
lui promets plusieurs photographies.
— A quoi bon, me fait-il. Une seule suf-
fit. Davantage, pourquoi ? Pour qu'à
ma mort l'administration pénitentiaire
les mette en vente ?
Et, devant mon étonnement, il pour-
suit :
— Il en sera de même des montres,
des chaînes "et des divers bibelots1 qui
garnissent mes vitrines. Le produit de
la vente est destiné au paiement des frais
de-justice. Et je lisais dernièrement, je
ne saisi plus où, que ces frais s'élèvent à
près de cent quinze mille francs. Vous
avouerez que, chez nous, cela coûte plu-
tôt cher pour se faire envoyer au bagne.
Bien mieux, on paie même pour être
guillotiné.
— Pourtant, si le condamné a une fem-
me, des enfants.
Pel demeure un moment avant de ré-
pondre. Une tristesse lui est venue, en
bouffée brutale :
— Oui, .pronooce,.t'-il, da famille. évi-
demment. elle hérite. Mais' à une con-
dition. c'est qu'elle soit venue se fixer
dans la colonie. Et, ma foi. c'est peut-
être. juste.
Sa voix, sur la fin, tremble, un peu
Comme par la déchirure d'une blessure
tout à coup rouverte, pénètre en lui une
souffrance. Et son regard s'abat, lourd
et douloureux, au delà de la petite bouti-
que, sur un grand cadre qu'on aperçoit,
par la porte ouverte, pendu au mur de
la pièce voisine, — et où sourit un pâle
visage de femme.
JACQUES DHUR.
lia Vie Drôle
PRAIRIES VERTICALES
Cette question du lait persiste à passionner
les esprits, et, reprenant un mot du vieux
Hugo, dans l'actualité, le beau c'est le lait,
peut-on dire. -
Un de ces industriels que nous stigmatisions
au cours de l'une .de nos dernières et si spiri-
tuelles fantaisies est venu nous trouver.
D'un air pâle et résolu :
— Voilà ! me déclara-t-il, que de chichis,
mon Dieu! pour, au fond, pas grand'chose 1.
Si les journaux continuent à nous embêter de
la sorte, notre parti sera bien simple, et je vous
promets qu'on rigolera.
- ? ? ?
— Nous tous, producteurs de lait de la bonne
périphérie parisienne, de la banlieue, du cir-
cumvoisinage, du département proche et du
lointain district, nous nous f.ichons en grève,
froidement. Et allez donc!. C'est pas nos
gosses !
— Mais alors ?.
— Alors. la peau! Jusqu'à ce qu'on nous
f.iche la paix, nous n'envoyons plus à Paris
la moindre goutte de notre lait, notre affreux
lait, même écrémé à rouge (i), même trempé,
même arrosé, seigneur, océaniquement.
D'une façon visible, l'homme s'exaltait :
— Ainsi que le vin, — tous les hygiénistes
vous le confirmeront, — le lait consommé pur
est un danger, un danger terrible, avec toutes
ces saloperies de matières grasses que nous
nous donnons, à enlever, un coton de tous les
diables !
Et mon bonhomme sortit dans un grand fra-
cas comminatoire.
Mon second visiteur entre du coup au vif
de la question.
— Toutes ces histoires de lait, cher mon-
sieur, c'est de notre faute !. Quand je dis
notre faute, je veux dire la. faute de notre stu-
pide humanité, de notre, oh ! que mal avisée
civilisation !
— Continuez, bon vieillard, vous m'intéres-
sez.
— Oui, nous autres pauvres bougres actuel-
lement vivants, avons bien raison de chercher
dans le lait des animaux quelque appréciable
sustentation ; mais, nom d'un chien de nom d'un
chien ! il n'y a pas que les vaches sur terre!.
Mille autres sortes de femelles nous tendent à
l'envi leurs pis bienfaisants. La truie, par
exemple, de qui le lait s'analogue au plus près
avec celui de la dame.
— Ah! vraiment?.
— Comme j'ai l'honneur de vous le dire!.
Loin d'exiger, en outre, de coûteuses prairies,
la brave truie lactifère représente le type de
l'animal urbain. Le matin, lâchez-la par la
t (1) On dit bien c saigné à blanc 8.
ville, et plus d'ordurés ménagères à enlever..*
- C'est un point de Vue.
- C'est le point de vue!. Et la voilà bien,
l'illico - récupération !
— Peut-être.
— Nous avons également la girafe, la girafe
femelle, bien entendu. ,
— Le lait de girafe ?.
— Incomparable!. Et si facile à nourrir,
dans les grandes villes, la girafe, grâce au
prairies verticales !
•— ?' ? ? ?
- Tapissons, en effet, les façades de n09
maisons, les rebords de nos fenêtres, les moin-
dres anfractuosités de nos ravalements, les plug
hideuses moulures de nos architectes, avec
d'appropriés végétaux, et tout cela, ça fera du
lait, du bon lait, du bon lait de girafe !
Pourquoi pas ?
ALPHONSE ALLAIS.
Moi. qui ions parle:;.
Par MONTJOYEÛX
— Il fait un froid de canard, me dit
Jacques, et je ne me sens guère en hu-
meur de flâner. Si je ne t'avais pas ren
contré, je rentrais chez moi, me chauffer
les pieds au coin du feu, en ruminant.
— A cette heure-ci, tout seul ? - - -
— Mais oui. Il y a des jours où l'on
éprouve le besoin de se recueillir un-
peu. On repassa sa vie, on s'examine en
toute sincérité, on pèse ce qu'on vaut,
et, en, général, on s'aperçoit qu'on n'a
jamais valu grand'chose. Les gros évé-
nements et les menus épisodes défilent
comme une toile de fond au théâtre. Il y
en a qui vous rappellent des joies, d'au-
tres vous imprègnent d'une tristesse
dont on rougir bien que sans témoin..,
Parfois, dans ces heures de solitude, je
prends des résolutions, je décide de bou-
leverser ma façon de vivre, je rêve de
mourir dans la peau d'un régulier — oui,
moi !. En quelques secondes, je bâtis
tout un plan de conduite, je me trans-
forme, je suis un autre.homme, je me
vois intéressé par mon travail, j'en ré-
colte fièrement les fruits, et je me cou-
che avec la conviction de respecter le
pacte ainsi conclu avec moi-même : et, le
lendemain, je retombe dans les mêmes
fautes, rien n'est changé ; mais, enfin,
je me console en pensant que, la veille,
je me suis au moins régalé d'un peu d'il-
lusion 1.
— Eh bien ! rentrons philosopher en-
semble. Je ne suis pas non plus en hu-
meur de m'amuser. *
Bientôt installés devant le feu de bois,
nous restâmes d'abord silencieux, jouis-
sant de la douce chaâeur qui. jious^péné-
trait, on eût dit, jusqu'à l'aniè. Puis Jac-
ques entama la conversation :
- Alors, mon vieux, tu broyés du
noir aussi ?
— Oui, je traverse une phase d'ennui..<
— Moi qui te croyais en plein bon-
heur, amoureux !.
—Justement, amoureux : voilà le mau-
vais de mon affaire. v
— Mais on m'avait dit que tu étais ai-
mé ? On est heureux, quand on est sûr
d'être aimé ! -
— Est-on jamais sûr d'être aimé ?. On
le croit, la femme vous le dit, et ça ne
prouve rien du tout. Il semble que l'a-
mour d'une femme soit comme une ma-
ladie intermittente, avec des accès. Un
jour, elle vous saute au cou comme une
médaille ; un autre jour, elle vous parle
à peine, tout de vous l'irrite et l'agace,
et vous vous demandez : « Que s'est-il
passé depuis hier ? » Il ne s'est rien pas-
sé. Aujourd'hui, voua n'exi-itez plus
'.pour elle, voilà tout. Pourquoi ? Vous
ne le saurez jamais, et vous n'avez qu'à
attendre que le goût de vos baisers r&
fleurisse à sa bouchev.
— Oui, c'est une formidable prétention
de vouloir être aimé pour soi-même. J'en
suis bien revenu, et, maintenant, je vis
tranquille, sans m'embarrasser du cotil-
lon. J'ai ma maltresse, Olga, qui vienl
me voir de temps en temps, mais je crois
que. c'est elle qui me fiche la guigne, et
je vais la liquider à la première occa-
sion. Les femmes, mon cher, dans notre
existence, c'est comme un ver dans Une
noisette.
— Ah ! tu as de la chance, toi, d'avoir
de cœur libre, et de pouvoir te délivrer,
simplement parce que tu le veux. Je ne
suis pas dans ton cas,hélas! car si tu sais
que je suis aimé, il faut que je te l'avoue,
moi aussi, je suis pincé, je suis mordu :
voilà mon point faible. ,
— Tu es vraiment difficile !. Tu ea
amoureux, tous ceux qui vous connais-
sent, qui vous voient de près, ta maître»
siei et toi, r prétendent qu'elle) t'adore :
qu'estrce que tu désires de plus ? *
— Mais tu ignores combien mon soi-
disant bonheur est ridicule !. Ma mat..
tresse n'est pas libre,son temps est comp-
té. Encore ai-je la chance qu'elie se
trouve nantie d'une occupation, parce
que, de la. sorte, je peux l'entrevoir cha-
que matin, un petit quart d'heure, et de
même le soir, quand elle rentre,i. je l'at-
tends à ila sortie de son magasin : là,
elle me donne encore un petit quart
d'heure. Cela fait une petite demi-heure
par jour. J'ai aussi, quelquefois, la veine
d'une surprise : elle prend un coiigl
dont je profite. Mais comme, d'autre *
part, il arrive» qu'elle reste - plusieurs
soirées sans me voir, de suite cet excé-
dent de plaisir reçoit sa punition. En
somme, j'ai calculé qu'elle me consacre
environ douze heures par mois.
— C'est peut-être à cause de cela que
vous. vous aimez tant ?.
— Possible.., Mais, pour ces douze
heures d'agrément, que je ne savoure
qu'en détail, quelle longue suite de mau-
vaises journées ! Je vis comme un ours,
je ne fréquente plus personne,, j'ai rom.
pu avec mes relations, avec mes habitu-
des. Je ne dors pas et je me .lève matin ;
ma tête travaille en rêvant, et je me ré-
veille avec des migraines, comme si j'a-
vais trop bu. De plus, comme je ne la
vois pas assez souvent, à mon gré, je
l'épie, je la suis quand elle sort avec son.
mari. Ils me mènent dans des cafés,
dans des théâtres. Je cherche à deviner
sur son visage la nature de ses pen.
sées, je sonde ses regards, je surveille
ses traits, ses gestes. Si elle paraît triste,
je me figure que son mari lui fait une
SIX PAGES - Paris et Départements- CINQ CENTIMES DIMANCHE 19 JANVIER i9C2
FERNAND XAU, Fondateur
Quotidien, Littéraire, Artistique et Politique
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
IOO, RUE RICHELIEU, PARIS
Adrew télégraphique : JOURNAL - RTCWTC.TrTT P ARTfr
Prix des. Abonnements
- Un an Sx mois Trois mots
SEINE & SEINE-ET-OISE. 20. D 10.50 5.50
DÉPARTEMENTS ET ALGÉRIE. 24. » 12. 8 6, <
ÉTRANGER (UNION POSTALE) 35. » 18. » 10. 4
TÉLÉPHONE
Direction. 102-96 1 Rédaction 103-10
Administration. 101-95
SEUL JOURNAL FRANÇAIS
PARAISSANT TOUS LES JOURS
SUR SIX ÇACBssrxf
Annonces, Bêèfâm^^S^JJIvers !|
CHEZ LILG ^ANGER ÇE®^T^!«
6, PLA 1, - -- -, -
et aux bureaux du 3 OURNA4 *
finsser les manials-poste à M. TAdministrateur
Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus
"tA MMmm
Une institution qui s'en va, comme tant
Vautres choses s'en vont qui furent uti-
les et glorieuses en leur temp3, c'est la
Comédie-Française. Du moins, elle s'en
va, dans la forme,-aujourd'hui périmée,
■oiù. Napoléon l'édifia, un jour qu'il était
!!plus ivre de cabotinisme que jamais, et
\qu'il voulait, peut-être, se rassurer, en
étonnant le monde, par un décret bur-
lesque qui semble, à l'heure où il fut
rendu, une sorte de défi paradoxal et
\fou.
Je ne veux point ajouter ma propre ai-
'greur à toutes les aigreurs qui ont enve-
nimé cette question ; je voudrais, au
contraire, ne dire que des paroles rai-
sonnables et justes, et surtout éviter les
querelles de personnes, car la question,
là où elle en est arrivée en ce moment,
dépasse les personnalités, les ayant
épuisées, toutes, depuis longtemps.
La Comédie s'en va, non parce que
la maison est en guerre contre elle-mê-
me ; mais elle est en guerre contre elle-
même, parce qu'elle s'en va. Elle s'en
va, parce qu'elle est une survivance, de-
puis longtemps morte, du passé ; parce
qu'elle ne correspond plus aux modes
nouvelles et plus simplifiées du deco-
rum national, ni aux besoins nouveaux,
et plus libres, et plus hardis d'un art qui
s'émancipe de jour en jour, et qui suit.
comme il peut, et encore timidement.
ta marche de la philosophie et de la
science vers un idéal plus cher, plus
précis et moins taré de sentimentalisme,
de vérité humaine.
Il' ne faut point s'y tromper. Le mal
n'est pas dans la mésentente, de ceux-ci
et de ceux-là, dans l'autorité de l'admi-
nistrateur et dans la résistance des so-
ciétaires ; il est au cœur même de l'ins-
titution. Et les querelles, les colères, les
disputes, les menaces, les luttes bruyan-
tes, toute cette anarchie bouillonnante,
ce sont les ordinaires convulsions qui,
toujours, accompagnent la disparition
d'un organe frappé de mort. On ne se
résigne pas à mourir sans lutter contre
la mort. Mais la mort est toujours la
plus forte. Elle a vite fait d'éteindre les
râles, les cris et d'immobiliser les se-
cousses. Le jour où M. Claretie, hon-
nêtement, logiquement, historiquement
même, pourrais-je dire, portait le pre--
mier coup de pioche dans la tradition
impériale, en abolissant le comité de lec-
ture, cjest-à-dire en débarrassant les au-
teurs, qui devraient lui en être recon-
naissants, de la tutelle, de la tyrannie,
des partis pris de l'éducation traditionna-
liste des comédiens, l'institution était
condamnée déjà. Elle ne vivait plus par
elle-même, elle ne vivait que par la for-
ce des souvenirs, par l'élan acquis, par
une vie purement factice, qui s'est arrê-
tée maintenant. Elle était, dans notre
société, pareille à un vieux maniaque
qui, au milieu de la foule des habits
noirs et des chapeaux de haute forme,
s'obstine à conserver les perruques d'au-
trefois, les basques flottantes de velours,
Ses manchettes et les jabots de dentelles,
et les bas de soie brodés de flèches d'or,
et les hauts talons rouges. Si riches
que soient ses habits, si précieuses ses
dentelles, si bien poudrées ses perru-
ques, il a beau faire, il ressembla à un
« masque ». Et tout le monde-se mo-1
que de lui. Ainsi la Comédie-Française
qUi ne veut pas qu'on lui arrache ses
perruques !.
La Comédies-Française en est arrivée
à ce point de n'être presque plus un
théâtre, mais un véritable musée. Il n'y
a rien de plus noble qu'un musée, et que
j'aime et que je respecte autant. Le mal-
heur est que nous ne lui demandons pas
d'être un musée, mais un théâtre où
mous désirons voir autre chose que des
portraits bien peints, et des gestes im-
mobiles de statues. Or, elle ne peut
plus être un théâtre. Les conditions mê-
mes qui la régissent, les lointains et pou-
dreux décrets qui la protègent de leurs
bandelettes usées, lui enlèvent, aujour-
d'hui, toute possibilité de vie active, de
mouvement, d'émotion. Ils sont là, tant
et tant de braves gens, engraissés, en-
gourdis dans des privilèges d'un autre
tlge qui, sans souci de nouveauté, de
progrès, ne songent qu'à faire bonne
garde autour du gâteau administratif,
afin que des intrus n'en puissent pren-
dre leur part. Ils ont, à force d'être
fonctionnaires, oublié qu'ils étaient des
acteurs. Alors que, sous prétexte cle
conserver les traditions du goût, au
point d'arriver à ce prodige de rendre
Molière presque haïssable et Racine
presque ennuyeux, ils confinent, alour-
dissent, empâtent leur talent dans les
routines, dans les vieux préjugés et
dans cette supériorité sur les autres,
qu'ils sont des bureaucrates inamovi-
bles, ou des rentiers ventrus, des comé-
diens se révèlent, un peu partout, qu'on
ne peut engager, soit que l'argent man-
qUe pour de telles superfluités, ou que
les places soient prises durant l'espace
de toute une existence normale d'hom-
me bien portant. Et c'est ainsi qu'à la
Comédie-Française-, où, pourtant, les ta-
lents ne font point défaut, il n'y a plus,
en ce moment, ni de grands premiers rô-
les, ni d'ingénues, ni de soubrettes, ni
rien, et que ceux ou celles du dehors
qui pourraient, avec succès, tenir ces
emplois vacants, ne le peuvent, car ils
ne sont point sociétaires. Je connais
dlés pièces pour lesquelles — exemple
unique — on ne peut absolument trou-
ver, à la Comédie-Française, dans le
personnel de ses sociétaires, une distri-
bution de rôles. Mais pourquoi ne pas
renouveler les cadres, dira-t-on ?. Com-
ment le pourrait-on faire, puisque tout
est privilège de par un décret cente-
naire, et privilège à vie. puisqu'une in-
génue, par exemple, entrée comme tel-
; flte à vingt ans, le sera encore à soixan-
• le, si c'est son bon plaisir, sans qu'au-
cune force puisse faire qu'elle ne le soit
pas, et qu'elle repasse son ingénuité à
lune autre ingénue moins vieille.
Si ainsi de tous les autres rôles.
C'est pourquoi le temps passe, avec
ses modî^, ses renouvellements, ses ré-
solutions, ses sensibilités différentes,
isaiis rien changer à l'immuable attitude
de l'a Comédie^Française, et sans lui ap-
porter un peu de ce sang nouveau, dont
lIes autres théâtres — bien timides, pour-
tant — vivent, ou se donnent l'illusion
de vivre, un peu.
Il faut le dire en termes très nets. La
Comédie-Française est morte, et ce n'est
la faute de personne, pas plus de. l'admi-
nistrateur, que des comédiens. Et je
voudrais qu'ils le comprissent une bon-
ne fois.
Mais on peut la faire revivre ; il s'agit
de la reconstituer.
Pour reconstituer la Comédie, il ne
faut pas attendre qu'elle soit tombée
pi-erre à pierre lamb-eau par lambeau.
Et pour cette œuvre de salut nécessai-
re et facile, il incombe de grands devoirs
à M. Jules Claretie et au ministre qui,
jusqu'ici, l'a soutenu énergiquement. Il
ne faut point tenter de petits raccommo-
dages qui ne raccommodent rien, de pe-
tits replâtrages, incapables, d'ailleurs,
de cacher les fissures et. les lézardes de
cette maison condamnée à la démolition.
Il faut tailler dans le grand et frapper
dans le tas, à forts coups de hache.
Et voici la solution qui s'impose. Il
n'en est pas d'autre.
Liquider les parts sociales, des socié-
taires et constituer une société civile,
avec un directeur nommé par l'Etat, qui
voudra exercer un contrôle financier, en
raison de la subvention qu'il continuera
de verser ; faire de la Comédie-Française
ce qu'on a fait pour l'Opéra, l'Opéra-Co-
mique et l'Odéon.
Mon idéal, à moi, serait tout autre,
mais je comprends que l'Etat ne veuille
pas se dessaisir, tout d'un coup, d'un tel
théâtre, et pour commencer, je ne vou-
drais pas demander à des hommes poli-
tiques qui ont toujours la terreur de.
l'inconnu et la haine de l'initiative indi-
viduelle un sacrifice trop grand d'auto-
rité. Le directeur serait seul responsa-
ble de sa gestion, et on saurait enfin à
qui s'en prendre en cas de mauvaise
administration ou d'insuffisance littérai-
re. Ce serait un régime à peu près nor-
mal, qui permettrait au directeur d'en-
gager les artistes de talent, et aux artis-
tes de ne s'occuper que de leur métier,
c'est-à-dire de jouer la comédie, tout bê-
tement, au lieu de passer leur temps à
réunir des conciliabules, ou à rédiger
des protestations, et à chercher tous les
moyens d'empêcher qu'on répète les piè-
ces et qu'on les représente. Tout le mon-
de y gagnerait, en dignité, d'aboird en
.succès, ensuite, car il y aurait, désor-
mais, entre eux, une juste émulation
qui n'existe plus, sous le régime actuel,
tous étant pourvus de situations aux-
quelles on ne peut toucher. Et la vie
rentrerait bien vite dans cette maison
qui a besoin qu'on rouvre ses fenêtres
à l'air du dehors, au soleil, au bruit, au
mouvement.
Que M. Leygues se rassure. Tout cela
peut se réaliser sans difficultés et sans
trop de tapage. Le public, en tout cas,
applaudirait à cet acte d'énergie indis-
pensable, car s'il aime les comédiens et
s'il les gâte, quand il les voit sur la scè-
ne, il les déteste, eux et leurs vaines
agitations dans Les affaires publiques,
et dans la rue, et dans la presse. M. Ley-
gues a là une belle occasion de se mon-
trer populaire et de ramener à lui bien
des inimitiés que lui valurent, souvent,
ses tergiversations et ses promesses ja-
mais tenu'es. Quant à M. Claretie, son
devoir est strict : achever ce qu'il a com-
mencé, et attacher son nom à une gran-
de réforme, la seule qui' peut sauver de
la mort définitive cette maison qu'il
prétend aimer et servir.
Et qu'ils se disent tous lelsi deux ceci :
« Une République peut défaire, sans re-
mords, ce qu'a fait un empereur !. »
OCTAVE MIRBEAU.
ÉCHOS
Aujoundluui, à une heure quarante-cinq, réunion
à Nioe.
NIS FAVORIS
Prix PlhéibuB. — Kaoli, Ben Tifellia.
Grand Prix de la Vile de Nice. — Gilbert, Bil-
baude.
Prix des .A!lpes--:Mal"itianes. — Couesdon, Pégase.
L
e Président de la République a rendu, hier
après-midi, à MM. Fallières, président du
Sénat, - et Paul Deschanel, président de la
Chambre des députés, les visites que ces der-
niers lui ont faites à la suite de leur réélection.
M
me Loubet, accompagnée des ministres de
la guerre et de la marine, inaugurera au-
jourdhui dimanche, à deux heures, l'hôpital-
dispensaire et gymnase médical des quartiers
d'Amérique et de la Villette, rue David-d'An-
gers ; Mme Loubet sera reçue par MM. Char-
les Bos, député; Vorbe, ancien conseiller mu-
nicipal, président d'honneur de l'œuvre, etc.
L
'anniversaire de la mort de Charles, F lo-
quet.
Les nombreux amis de l'ancien président du
conseil et de la Chambre des députés se sont
retrouvés, hier, autour de son monument, au
cimetière du Père-Lachaise. Une couronne a
été, en leur nom, déposée sur la tombe. Puis,
un délégué de M. Baudin, ministre des travaux
publics, y a placé une gerbe de fleurs envoyée
par le ministre.
Le président du comité du monument, M.
Léon Bourgeois, s'est alors avancé au milieu
du groupe et a rendu un éloquent hommage à
la mémoire de Charles Floquet, montrant que
les grandes lignes de la politique qu'il a dé-
fendue jusqu'au dernier moment soutiennent
plus que jamais l'action du parti républicain.
L
e compositeur Marchetti est mort, hier, à
Rome..
Né à Balagnola, dans les Apennins, en 1831,
il avait commencé ses études au Conservatoire
de Naples à l'âge de douze ans. On lui doit un
certain nombre d'opéras, dont plusieurs ont
eu un retentissant succès, même à côté des
chefs-d'œuvre de Verdi triomphant. En même
temps que notre Gounod, en France, il don-
nait, en Italie, un opéra : Roméo et Juliette,
qui fut très applaudi à la Scala. C'est sur la
même scène qu'il fit ensuite représenter Ruy
Blas, son œuvre capitale.
Marchetti, qui s était depuis près de ving^
ans retiré du théâtre, avait dirigé le Conserva-
toire de musique de Rome.
s
ucœssion de duels retentissants en Allema-
gne.
Le dernier a eu lieu entre deux civils, MM.
de Bennigsen, fils de l'homme politique célè-
bre, et Folkenhagen, fermier des domaines de
la. couronne. Les deux adversaires se sont ren-
contrés en Hanovre et se sont battus au pisto-
let. M. de Bennigsen a reçu une balle dans la
poitrine, et il est mort hier.
Le
reliquat de l'Exposition.
Tandis que l'on achevait, hier, dans les
bureaux de l'avenue Rapp, l'expédition totale
de cent cinq mille diplômes destinés aux lau-
réats de l'Exposition, le Président de la Répu-
blique recevait l'hommage des deux premiers
rapports généraux, dont l'Imprimerie nationale
vient seulement d'achever l'impression : ce sont
ceux de M. Dislère sur les colonies, et de M.
Emile Picard sur les sciences.
Cinq autres rapports généraux manquent en-
core à l'appel.
Après qu'ils auront paru, se déroulera la sé-
rie des cent vingt et un rapports des jurys.
Le défilé n'est pas près de finir, comme on
voit.
L
e masque de Gustave Flaubert.
Le musée Carnavalet vient de recevoir
un don des plus intéressants : c est le masque
du grand écrivain sur son lit de mort. L'ex-
pression en est puissante et fort belle.
En même temps, un autre amateur offrait à
M. Georges Cain un moulage de la main de
Victor Hugo, fait par Girolami en 1877.
M.
Coquelin. revenant sur une résolution an-
térieure, s'est décidé à aller jouer en Al-
lemagne. Il y est en ce moment 1 hôte du Théâ-
tre-Royal. Hier, l'artiste français a été reçu par
l'empereur.
L
es embellissements du Palais de Justice.
Sur le dernier emprunt départemental
voté ces jours derniers par le Conseil général
de la Seine, il y a une somme de huit millions
qui est affectée au Palais de Justice.
C'est pour s'entendre, sans doute, au sujet
des améliorations à apporter au temple de Thé-
mis, que M. Ditte, président du tribunal civil
de la Seineo vient de convoquer pour demain
lundi, à trois heures et demie, les nombreux
membres du Conseil municipal qui font partie
du barreau de Paris.
Nos maîtres-édiles pourront ainsi parcourir
les divers services intérieurs du Palais de Jus-
tice et examiner de visu le meilleur emploi qu'il
y aura à faire du crédit voté de huit millions.
L
es fous en Angleterre.
Il y a un peu moins de cent ans, les
aliénés étaient traites, dans le Royaume-Uni,
avec la dernière cruauté.
On cite l'exemple légendaire d'un malheu-
reux dément du nom de Norris, qui fut jeté
dans une prison et qui y demeura neuf ans, at-
taché par des anneaux de fer au cou, aux poi-
gnets et aux chevilles. Une protestation formi-
dable éclata contre ce traitement barbare dès
qu'il fut connu, et on s'empressa de décider la
création d'un asile dans chaque comté.
Aujourd'hui, l'Angleterre est un des pays
du monde où l'aliénation mentale est le plus
largement hospitalisée.
Sait-on ce qu'a coûté le principal asile, celui
de Colney Hatsch? La bagatelle de six mil-
lions 750,000 francs 1 Il y a des ateliers, des
jardins, des serres. On y organise des fêtes,
des concerts.
Dans un autre établissement, à Bedlam, il
y a bal le Ier de chaque mois, et la gaieté n'y
manque pas. On connaît le dicton : « Plus on
est de fous. »
s
ept tableaux de Millet aux enchères.
Et ce ne sont pas de faux Millet, as-
sure la chronique de Cherbourg, où la vente de
ces œuvres du maître de l'Angelus, ignorées
jusqu'ici, viennent d'être vendues aux enchè-
res..
Il y a cinq peintures à l'huile et deux pas-
tels. Six sont des portraits de famille, qui ont
été adjugés 250 et 300 francs. Le septième ta-
bleau représente un cheval grandeur nature,
qui décorait, jadis, la porte d'une maréchale-
rie, rue du Vieux-Pont, à Cherbourg. Il a at-
teint 1,106 francs.
Maintenant, quelle est la valeur intrinsèque
de ces toiles de J.-F. Millet, inconnues du
grand public, et à supposer qu'elles soient au-
thentiques?
M
ariage princier et. d'amour.
La cérémonie du mariage de l'archidu-
chesse Marie-Elisabeth d'Autriche avec le
prince Otto de Windisch Graetz est fixée au
22 de ce mois.
Le jeune couple partira pour la Sicile aussi-
tôt que l'archiduchesse aura signé sa renoncia-
tion, en présence de l'empereur. Il y restera
deux mois. Il s'installera ensuite à Winchrady,
dans la merveilleuse villa Çrœbé.
R
éfléchit-on parfois, quand on feuillette le
Nouveau Larousse illustré, que ce magni-
fique dictionnaire est un des agents les plus
puissants de la propagation de la langue et
des idées françaises au dehors? Il compte, en
effet, près de trente mille souscripteurs à l'é-
tranger sur les 122,000 inscrits à l'heure ac-
tuelle. Ce beau succès fait honneur à la Li-
brairie Larousse, qui a entrepris cette superbe
publication, et à M. Claude Augé, qui la di-
rige avec tant d'intelligence et de maîtrise.
M
Gustave Kahn vient de publier, aux Edi-
tions de la Revuè Blanche, un-roman de
400 pages : L'Adultère Sentimental, qui doit
une saveur singulière au contraste d'un réa-
lisme rigoureux et d'une fantaisie infiniment
diaprée.
p
our donner le nec plus ultra de finesse et
d'arôme, le café doit être composé d'un
mélange des meilleurs crus bien choisis et tor-
réfiés habilement, après avoir été lentement sé-
chés dans un endroit sain: Voilà des qualités
rares qu'on trouve toujours, 4, rue de l'Echi-
quier, à la maison Ancelin, bien connue des
gourmets.
N•OUVELLE A LA MAIN,
u
n chasseur se présente à la gare Saint-
Lazare.
- Lui faut son ticket, vous savez, mon-
sieur, à votre chien.
— Demi-place, alors?
- A cause?
— Il n'a pas sept ans 1
JOINVILLE.
CHEZ LES FORÇATS
Entrevu9 avec Pel
Le long de la grand'rue, à Bouràil, au
coin de la rue Gambetta, une plaque noi-
re avec, en relief, un cadran et une flè-
che d'un jaune d'or. C'est toute l'ensei-
gne de la petite boutique a1'horloger où,
à quelques pas plus haut, je pénètre.
— Vous désirez, monsieur i
Et, sans quitter sa chaise ni son tra-
vail, Pel me dévisage de sa loupe, en
monocle dans l'œil.
Il est., 1&, froid, digne, impassible. Mê-
me à fleur d'épiderme, rien ne reste de
la houle terrible qui, durant la nuit, a
secoué son corps, ses muscles, sa chair.
Je lui dis l'objet de ma visite. Un peu
de trouble passe dans ses yeux ; une ré-
ponse balbutiée :
— M'interviewer. moi. à quoi bon ?
Quel intérêt cela peutril avoir pour le pu-
blic •? Un forçat, ça n'existe pas. ou
bien alors. au théâtre. à l'Ambigu.
dans le rôle du traître au dernier acte.
D'un mouvement lent, il s'est levé, et
il raille, embarrassé, gêné, essayant de
tourner la chose d'une manière plaisan-
te.
Puis, après un silence, une gravité su-
bite dans la voix :
, — Un forçat ! Eh oui 1 voilà, ce que je
suis. Et, comme tous Les forçats, un
objet d'opprobe et de honte. Aussi np
nous épargne-t-on pas les' humiliations.
Et toutes, vous entendez, monsieur, tou-
tes, toutes, je les ai .subies.
Bel causant avec Jaxsqu-es Dfcur ';./
s
Et il semble qu'un empilement d'hu-
miliations pèse sur ses épaules qui
plient. Mais une énergie le redresse :
— Ah ! oui, j'ai souffert et je souffre
encore. atrocement. Et cette souffran-
ce, l'ai-je, seulement, méritée ?. Qui
donc s'en inquiète ?.
— Moi, dis-je, simplement.
Un rire amer glisse sur ses lèvres, fait
plus maigres encore ses pommettes con-
tractées. Un instant, il reste interdit,
rongé de doutes et d'hésitations, puis,
l'œil planté sur moi :
— Eh ! bien, monsieur, je vais vous
montrer une chose qui vous donnera à
penser.
Une pause. Le temps pour Pel, en
deux enjambées rapides, de gagner la
pièce voisine, et le voici un journal à la
main. Gravement, il le déploie, et ce
faisant, il m'explique :
— Il s'agit de mon affaire. M. Ques-
nay de Beaurepaire avait requis contre
moi. Les preuves manquaient. Or, le 17
juin 1898, dans un journal, M. Ques-
nay de Beaurepaire a commis cette phra-
se.
Et, dans le journal qu'il place sous
mes yeux, il m'indique du doigt un pas-
sage encadré au crayon bleu.. A haute
voix, je lis : « Cependant, ma conviction
du crime n'en demeurait pas moins iné-
branlable ; je produisis des témoins au-
tour du fait, je reconstituai, grâce à eux,
la vie de Pel, de façon à rendre solide
mon système de déductions, et le jury
condamna. »
- Hein ! s'exclame Pel, ce magistrat
qui arrive avec un « système », cette cul-
pabilité qui s'affirme par des preuves
« autour », quelle vue sur l'abîme
Evidemment, c'est là une chose énor-
me — formidable — et qui justifie toutes
les défiances, légitime toutes les révol-
tes. Et, troublé moi-même, je balbutie :
— Mais, tout espoir n'est pas perdu. Le
gouverneur de la co.lonie,M. Feillet, vous
considère comme la victime d'une erreur
judiciaire, — il m'a autorisé à le pu-
blier ; des fonctionnaires de l'Ad-
ministration pénitentiaire pensent de
même ; dans ces conditions, il me sem-
ble qu'une demande en revision.
Mais, lui, barre la phrase de la main,
en un geste brusque, qui coupe l'air :
— Vingt fois I. oui. vingt fois, j'ai
vainement réclamé la revision de mon
procès.
- Cependant, en 1891 et 1892, on avait
successivement retrouvé deux des ser-
vantes que l'on m'accusait d'avoir as-
sassinées. Car, tout d'abord, je n'avais
pas tué moins de sept femmes. comme
Barbe-Bleue 1.
Il y a environ dix-huit mois, la presse
auraA parlé d'une autre servante. La-
queille 7 Est-ce Elisa Boehmer, dont la
disparition a motivé ma condamnation ?
Je ne sais pas, et il m'est impossible de
savoir.
Aussi, je renonce à adresser des re-
quêtes au Parquet. Tenez, en voici une,
rédigée depuis plusieurs mois. et elle
est toujours là. H n'y a rien à faire.
Et, même innocent, je dois rester au ba-
gne. Ainsi le veut la loi, — la loi sereine,
glaciale, implacable.
Je me tais remué par cette voix âpre
qui martèle les mots, les jetant dans le
grand silence de la pièce, avec une ré-
volta douloureuse,
Pel, maintenant, les deux mains en-
foncées dans les poches, 'les épaules sou-
levées, le pas saccadé, arpente la bouti-
que. La tête, baissée, semble foncer sur
d'invisibles obstacles.. Puis, brusque-
ment, il sort. Je le suis. Et nous voici
sous la véranda où, à travers les
brindilles de vigne vierge, pleut le
soleil. Une brise molle caresse la
peau. Dans le petit jardin, un léger
frémissement court dans les massifs ; les
feuilles alanguies 93 redressent, et, sous
ce souffle tiède, les calices des fleurs
s'ouvrent comme des bouches avides. Et
c'est, autour de nous, une embaumante
coùléevde parfums.
Il y a un long silence. Enfin, Pel, avec
un petit hochement moqueur de la tête :
- Vous le voyez, on est, ici, relative-
ment heureux.
Puis, d'un accent qui s'attriste, il me
dit ce qu'est le bagne même, — les
camps — comme si, brutalement, le
souvenir lui en était sauté au cerveau,
en image affolante, monstrueuse. Le pre-
mier jour, on a la sensation déchirante
d'une chute épouvantable dans le vide.
Après c'est une odeur de vice fumant
autour de soi. Et, bientôt, on est enve-
loppé de tous côtés, englué par une ma-
rée montante de boue humaine, où écu-
ment de grands courants de vases grouil-
lantes qui emportent tout, --'- à la dérive.
Pel s'est tu. Sa main se porte, pesante,
à son front, comme pour en chasser des
choses douloureuses. Puis, un vague
haussement d'épaules, et, avisant mon
appareil photographique, une brusque
diversion :
— Eh bien ! si vous me photogra-
phiiez i
Devant mon geste d'acquiescement,
très amusé, il disparaît, faire un « brin ».
de toilette. Et; bientôt, le voici de retour,
en cravate blanche, savamment peigné,
et, d'un doigt nerveux, frisottant les mai-
gres pointes de sa moustache.
Aimablement, je le plaisante sur sa
coquetterie ; mais, lui, reste tout interlo-
qué devant moi. Je le regarde, l'interro-
geant de 'l'œil, voyant bien qu'il pensa à
quelque chose qu'il ne veut pas dire. Il
hésite, un peu embarrassé :
— Oh 1. oh !. monsieur. Vraiment,
j'ai un physique si ingrat !.
Puis, avec une tentative, de gouaillerie,
que dément l'altération de sa voix :
— C'est-, peut-être, ce qui m'a fait con-
damner.
Et ses traits se crispent en un rire for-
cé, un rire qui ne tient pas et tombe ausr
sitôt, comme un masque mal attaché.
Décidément, cet homme me glace. Je
lui promets plusieurs photographies.
— A quoi bon, me fait-il. Une seule suf-
fit. Davantage, pourquoi ? Pour qu'à
ma mort l'administration pénitentiaire
les mette en vente ?
Et, devant mon étonnement, il pour-
suit :
— Il en sera de même des montres,
des chaînes "et des divers bibelots1 qui
garnissent mes vitrines. Le produit de
la vente est destiné au paiement des frais
de-justice. Et je lisais dernièrement, je
ne saisi plus où, que ces frais s'élèvent à
près de cent quinze mille francs. Vous
avouerez que, chez nous, cela coûte plu-
tôt cher pour se faire envoyer au bagne.
Bien mieux, on paie même pour être
guillotiné.
— Pourtant, si le condamné a une fem-
me, des enfants.
Pel demeure un moment avant de ré-
pondre. Une tristesse lui est venue, en
bouffée brutale :
— Oui, .pronooce,.t'-il, da famille. évi-
demment. elle hérite. Mais' à une con-
dition. c'est qu'elle soit venue se fixer
dans la colonie. Et, ma foi. c'est peut-
être. juste.
Sa voix, sur la fin, tremble, un peu
Comme par la déchirure d'une blessure
tout à coup rouverte, pénètre en lui une
souffrance. Et son regard s'abat, lourd
et douloureux, au delà de la petite bouti-
que, sur un grand cadre qu'on aperçoit,
par la porte ouverte, pendu au mur de
la pièce voisine, — et où sourit un pâle
visage de femme.
JACQUES DHUR.
lia Vie Drôle
PRAIRIES VERTICALES
Cette question du lait persiste à passionner
les esprits, et, reprenant un mot du vieux
Hugo, dans l'actualité, le beau c'est le lait,
peut-on dire. -
Un de ces industriels que nous stigmatisions
au cours de l'une .de nos dernières et si spiri-
tuelles fantaisies est venu nous trouver.
D'un air pâle et résolu :
— Voilà ! me déclara-t-il, que de chichis,
mon Dieu! pour, au fond, pas grand'chose 1.
Si les journaux continuent à nous embêter de
la sorte, notre parti sera bien simple, et je vous
promets qu'on rigolera.
- ? ? ?
— Nous tous, producteurs de lait de la bonne
périphérie parisienne, de la banlieue, du cir-
cumvoisinage, du département proche et du
lointain district, nous nous f.ichons en grève,
froidement. Et allez donc!. C'est pas nos
gosses !
— Mais alors ?.
— Alors. la peau! Jusqu'à ce qu'on nous
f.iche la paix, nous n'envoyons plus à Paris
la moindre goutte de notre lait, notre affreux
lait, même écrémé à rouge (i), même trempé,
même arrosé, seigneur, océaniquement.
D'une façon visible, l'homme s'exaltait :
— Ainsi que le vin, — tous les hygiénistes
vous le confirmeront, — le lait consommé pur
est un danger, un danger terrible, avec toutes
ces saloperies de matières grasses que nous
nous donnons, à enlever, un coton de tous les
diables !
Et mon bonhomme sortit dans un grand fra-
cas comminatoire.
Mon second visiteur entre du coup au vif
de la question.
— Toutes ces histoires de lait, cher mon-
sieur, c'est de notre faute !. Quand je dis
notre faute, je veux dire la. faute de notre stu-
pide humanité, de notre, oh ! que mal avisée
civilisation !
— Continuez, bon vieillard, vous m'intéres-
sez.
— Oui, nous autres pauvres bougres actuel-
lement vivants, avons bien raison de chercher
dans le lait des animaux quelque appréciable
sustentation ; mais, nom d'un chien de nom d'un
chien ! il n'y a pas que les vaches sur terre!.
Mille autres sortes de femelles nous tendent à
l'envi leurs pis bienfaisants. La truie, par
exemple, de qui le lait s'analogue au plus près
avec celui de la dame.
— Ah! vraiment?.
— Comme j'ai l'honneur de vous le dire!.
Loin d'exiger, en outre, de coûteuses prairies,
la brave truie lactifère représente le type de
l'animal urbain. Le matin, lâchez-la par la
t (1) On dit bien c saigné à blanc 8.
ville, et plus d'ordurés ménagères à enlever..*
- C'est un point de Vue.
- C'est le point de vue!. Et la voilà bien,
l'illico - récupération !
— Peut-être.
— Nous avons également la girafe, la girafe
femelle, bien entendu. ,
— Le lait de girafe ?.
— Incomparable!. Et si facile à nourrir,
dans les grandes villes, la girafe, grâce au
prairies verticales !
•— ?' ? ? ?
- Tapissons, en effet, les façades de n09
maisons, les rebords de nos fenêtres, les moin-
dres anfractuosités de nos ravalements, les plug
hideuses moulures de nos architectes, avec
d'appropriés végétaux, et tout cela, ça fera du
lait, du bon lait, du bon lait de girafe !
Pourquoi pas ?
ALPHONSE ALLAIS.
Moi. qui ions parle:;.
Par MONTJOYEÛX
— Il fait un froid de canard, me dit
Jacques, et je ne me sens guère en hu-
meur de flâner. Si je ne t'avais pas ren
contré, je rentrais chez moi, me chauffer
les pieds au coin du feu, en ruminant.
— A cette heure-ci, tout seul ? - - -
— Mais oui. Il y a des jours où l'on
éprouve le besoin de se recueillir un-
peu. On repassa sa vie, on s'examine en
toute sincérité, on pèse ce qu'on vaut,
et, en, général, on s'aperçoit qu'on n'a
jamais valu grand'chose. Les gros évé-
nements et les menus épisodes défilent
comme une toile de fond au théâtre. Il y
en a qui vous rappellent des joies, d'au-
tres vous imprègnent d'une tristesse
dont on rougir bien que sans témoin..,
Parfois, dans ces heures de solitude, je
prends des résolutions, je décide de bou-
leverser ma façon de vivre, je rêve de
mourir dans la peau d'un régulier — oui,
moi !. En quelques secondes, je bâtis
tout un plan de conduite, je me trans-
forme, je suis un autre.homme, je me
vois intéressé par mon travail, j'en ré-
colte fièrement les fruits, et je me cou-
che avec la conviction de respecter le
pacte ainsi conclu avec moi-même : et, le
lendemain, je retombe dans les mêmes
fautes, rien n'est changé ; mais, enfin,
je me console en pensant que, la veille,
je me suis au moins régalé d'un peu d'il-
lusion 1.
— Eh bien ! rentrons philosopher en-
semble. Je ne suis pas non plus en hu-
meur de m'amuser. *
Bientôt installés devant le feu de bois,
nous restâmes d'abord silencieux, jouis-
sant de la douce chaâeur qui. jious^péné-
trait, on eût dit, jusqu'à l'aniè. Puis Jac-
ques entama la conversation :
- Alors, mon vieux, tu broyés du
noir aussi ?
— Oui, je traverse une phase d'ennui..<
— Moi qui te croyais en plein bon-
heur, amoureux !.
—Justement, amoureux : voilà le mau-
vais de mon affaire. v
— Mais on m'avait dit que tu étais ai-
mé ? On est heureux, quand on est sûr
d'être aimé ! -
— Est-on jamais sûr d'être aimé ?. On
le croit, la femme vous le dit, et ça ne
prouve rien du tout. Il semble que l'a-
mour d'une femme soit comme une ma-
ladie intermittente, avec des accès. Un
jour, elle vous saute au cou comme une
médaille ; un autre jour, elle vous parle
à peine, tout de vous l'irrite et l'agace,
et vous vous demandez : « Que s'est-il
passé depuis hier ? » Il ne s'est rien pas-
sé. Aujourd'hui, voua n'exi-itez plus
'.pour elle, voilà tout. Pourquoi ? Vous
ne le saurez jamais, et vous n'avez qu'à
attendre que le goût de vos baisers r&
fleurisse à sa bouchev.
— Oui, c'est une formidable prétention
de vouloir être aimé pour soi-même. J'en
suis bien revenu, et, maintenant, je vis
tranquille, sans m'embarrasser du cotil-
lon. J'ai ma maltresse, Olga, qui vienl
me voir de temps en temps, mais je crois
que. c'est elle qui me fiche la guigne, et
je vais la liquider à la première occa-
sion. Les femmes, mon cher, dans notre
existence, c'est comme un ver dans Une
noisette.
— Ah ! tu as de la chance, toi, d'avoir
de cœur libre, et de pouvoir te délivrer,
simplement parce que tu le veux. Je ne
suis pas dans ton cas,hélas! car si tu sais
que je suis aimé, il faut que je te l'avoue,
moi aussi, je suis pincé, je suis mordu :
voilà mon point faible. ,
— Tu es vraiment difficile !. Tu ea
amoureux, tous ceux qui vous connais-
sent, qui vous voient de près, ta maître»
siei et toi, r prétendent qu'elle) t'adore :
qu'estrce que tu désires de plus ? *
— Mais tu ignores combien mon soi-
disant bonheur est ridicule !. Ma mat..
tresse n'est pas libre,son temps est comp-
té. Encore ai-je la chance qu'elie se
trouve nantie d'une occupation, parce
que, de la. sorte, je peux l'entrevoir cha-
que matin, un petit quart d'heure, et de
même le soir, quand elle rentre,i. je l'at-
tends à ila sortie de son magasin : là,
elle me donne encore un petit quart
d'heure. Cela fait une petite demi-heure
par jour. J'ai aussi, quelquefois, la veine
d'une surprise : elle prend un coiigl
dont je profite. Mais comme, d'autre *
part, il arrive» qu'elle reste - plusieurs
soirées sans me voir, de suite cet excé-
dent de plaisir reçoit sa punition. En
somme, j'ai calculé qu'elle me consacre
environ douze heures par mois.
— C'est peut-être à cause de cela que
vous. vous aimez tant ?.
— Possible.., Mais, pour ces douze
heures d'agrément, que je ne savoure
qu'en détail, quelle longue suite de mau-
vaises journées ! Je vis comme un ours,
je ne fréquente plus personne,, j'ai rom.
pu avec mes relations, avec mes habitu-
des. Je ne dors pas et je me .lève matin ;
ma tête travaille en rêvant, et je me ré-
veille avec des migraines, comme si j'a-
vais trop bu. De plus, comme je ne la
vois pas assez souvent, à mon gré, je
l'épie, je la suis quand elle sort avec son.
mari. Ils me mènent dans des cafés,
dans des théâtres. Je cherche à deviner
sur son visage la nature de ses pen.
sées, je sonde ses regards, je surveille
ses traits, ses gestes. Si elle paraît triste,
je me figure que son mari lui fait une
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.83%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.83%.
- Collections numériques similaires Paulmy Paulmy /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Paulmy" or dc.contributor adj "Paulmy")
- Auteurs similaires Paulmy Paulmy /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Paulmy" or dc.contributor adj "Paulmy")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/6
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k76265801/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k76265801/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k76265801/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k76265801/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k76265801
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k76265801
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k76265801/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest