Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1912-12-27
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344298410
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 27 décembre 1912 27 décembre 1912
Description : 1912/12/27 (N13098,A34). 1912/12/27 (N13098,A34).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7534987q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/10/2012
84e ANNEE. — NUMERO 13.098.
LE NUMÉRO 10 CENTIMES
VENDREDI 27 DECEMBRE 1912
Pierre MORTIER
« - — Directeur
RÉDACTION - ADMINISTRATION
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Pierre MORTIER
Directeur
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de France et d'Algérie -
SOMMAIRE
SUR LA GUERRE DES BALKANS, par Pierrç
Loti.
M. POINCARÉ, CANDIDAT, par Pierre 'Mortier.
CIRCULEZ! par Emile Z?~M.
M. FALLIÈRES A RAMBOUILLET, par fRaoul
Aubry.
LA GUERRE D'ORIENT, par Léon Martin.
LE CONTE : Kermesse de saintetét par C 4.-
mille Lemonnier.
LA GALERIE : Trop tard! par Marcel Pré-
vost.
LES LETTRES : Un livre sur Flaubert, par
André du Fresnois..
LES ARTS : Le droit d'auteur aux artistes,
par Louis ,Vauxeelles.
LE THÉÂTRE : La fermeture de la Comédie-
Française, par Georges Pioch. — La belle
tournée, par Jacques Hébertot.
LES SPORTS : Le Grand Prix de l'Aéro-
Club de France, par Edouard Pontié.
LE FEUILLETON ; Criquet, par Andrée
Viollis.
Sur la guerre
-",- des Balkans
- -.- ,- --.
<( Atrocités turques ». - Ce cliché
des Alliés (que propage, à l'aide de ses
bank-notes, certain Comité balkani-
que) (1) conlaimie de se reproduire
triomphalement dans la presse fran-
çaise,, et, chaque fois, d'aimables in-
connus prennent la peine de découper
l'entrefilet, pour le mettre sous enve-
loppe à mon adresse, s'imaginant me
confondre. Hélas ! oui, il est à peu près
avéré que les vaincus, à certaines heu-
res, traqués, délirant de faim et de dé-
sespoir, ont massacré, — beaucoup
moins toutefois, infiniment moins que
leurs ennemis le prétendent. Tant de
correspondants de guerre, étrangers et
non, suspects icte partialité, leur ont
rendu justice et racontent même que.
traversant en affamés des villages
grecs, ils se bornaient à mendier aux
portes un morceau de pain ! Voici à
peu près comment ces correspondants
s'expriment (2} : « Puisqu'il se trouve,
en Europe, des gens écrivant du fond
ide leur cabinet de travail que les sol-
dats turcs sont pillards et massacreurs,,
c'est un devoir pour nous de protester
énergiquement. Nous n'avons constaté
chez eux que de l'endurance et de la
modération, et jamais nous n'avons as-
sisté à aucun acte de barbarie. » Mal-
gré ces témoignages, je serais injuste
en ne reconnaissant pas que ça et là
ils ont vu rouge.
Mais les AIJiés ! Les Alliés, moins
excusables, d'abord parce -qu'ils étaient
les vainqueurs, ensuite parce qu'ils
n'enduiraient pas les tortures de la
faim, et surtout parce qu'ils s'avan-
çaient au nom du Christ, les. Alliés,
quand dressera-t-on le bilan de leurs
excès et de leurs crimes ? On com-
mence à s'en émouvoir tout de même,
malgré le parti pris de fermer les yeux
sur tant de cruautés qu'ils ont commi-
ses. Voici les Roumains qui accusent les
Grecs d'avoir massacré les Komtzo-Va-
la-ques. Voici des nouvelles de Vienne
affirmant que les troupes du général
Jankovich auraient détruit de nom-
breux villages en Albanie, que des mil-
liers d'Albanais auraient été massa-
crés ou enterrés vivants. Sous les murs
d'Andrinople, des ambulanciers turcs
qui venaient, munis de leur drapeau,
secourir des blessés serbes, ont été ac-
cueillis par une fusillade. Tout derniè-
rement à Dedeagath, le fait n'est pas
idiscutable, une bande bulgare a pillé,
massacré, incendié pendant trois jours,
continuant l'horrible besogne que les
:« comitadji » ont depuis si longtemps
commencée. Mais les pauvres Turcs
manquent d'argent pour semer la no-
ble indignation dans certaine presse
qui est à vendre, et qui, malheureuse-
ment, influence à sa suite toute la
presse restée de bonne foi.
*
A propos des Bulgares, je citerai ce
fragment die la lettre d'un Français qui
avait longtemps habité la Thrace, mais
qui s'est vu forcé de fuir devant l'in-
vasion des « libérateurs » :
Dans les journaux de France, je lis les
continuels dithyrambes en. l'honneur des
armées ba-Ikaniqufs, principalement de ce
peuple bulgare qui, tout entier, se rue ver&
l'ennemi. héréditaire avec, à sa tête, le
pope hirsute. Race contre race, la croix
orthodoxe — le plus fanatique des emblè-
mes religieux — la croix contre le crois-
sant, suivant la parole du catholique ro-
main Ferdinand de Cobourg.
Le spectacle est inoubliable pour qui a
vu arriver ces théories sans fin d'hommes
taillés comme à coups de serpe dans un
bois rugueux, ces lourds soldats Coiffés de
la casquette moscovite et ce, flot, à leur
suite, de montagnards couverts de peaux
de bêtes, — les hordes d'Attila, — tous, di-
sant avec fierté : Là où nous sommes pas-
sés, l'herbe ne repoussera de cinq années !
Oui, on peut leur dédier des dithyram-
bes, mais ils en ont déjà inscrits eux-mê-
mes sur toutes les sentes de la Macédoine,
sur les décombres des villages musulmans
où ils ont commis les pires horreurs et
dont les flammes d'incendie s'élèvent en-
core de toutes parts, obscurcissant de îeur
(1) Siégeant à Londres, si je ne me trompe.
(2) M. Jean Rodes, du Temps ; le baron
Tycka, du Lokal-Anzeiger ; M. Paul Erio, du
Journal ; M. Paul Genève, des Débats ; le ma-
jor Zwonger, du Berliner Tageblalt ; M. Renzo
Larco, .du Corriere de Milan ; M. Vord Preise.
du Daily Mail, etc. Je n'ai malheureusement
pas retenu les noms des autres.
P5 L.
Acre fumée tous les horizons ; ils en ont
inscrits sur des milliers de cadavres, et
sur les visages émaciés des vieillards, des
femmes, des enfants ; les rescapés des
massacres, qui se traînent jusqu'à Cons-
tantinopte, ayant semé de morts et d'ago-
nisants le long chemin de leur calvailre,
Il est vrai, le séjour des Alliés dans
S al o nique a quelque peu terni leur au-
réole. ëalonique n'est pas un lieu
perdu, comme tant de villages de l'in-
térieur, et il y avait là des Français
dont les yeux forcément se sont ou-
verts. Les vexations contre un officier
de notre marine de guerre ont com-
mencé de refroidir l'enthousiasme pour
les « libérateurs ». Ensuite, au lende-
main de leur arrivée, les Grecs, pour
quelques malédictions poussées à leur
passage, ont fait feu sur la foule sans
armes et tué cinq cents personnes (de
la populace turque, pour employer
l'heureuse expression de certain repor-
ter). Et puis, tout aussitôt, le Consulat
de France a été débordé par les justes
pilainites die nos compatlriotes. On con-
naît, entre autres aventures, celle de
cette Française, Mme Simon, coupable
d'avoir donné, sur le pas de sa porte,
un morceau die main et un verre d'eau
:à de pauvres Turcs, et odieusement
brutalisée, pour ce fait, par un officier
igrec qui ne craignit pas d'arracher à
ices affamés l'humble aumône. Voici
d'ailleurs ce que m'écrit un négociant
français de passage à Salonique :
Guidés par des compatriotes levantins,
délateurs infatigables, l'armée grecque pé-
nètre, par bandes d'apaches, d'abord chez
les Juifs, — ils sont ici près de quatre-vingt
mille, parlant le français, aimant la Fran-
ce, — qu'ils accusent de les empoisonner !
Là, ils font sortir les hommes des maisons,
les ligotent, les frappent, les massacrent
parfois, puis s'en retournent violer les fem-
mes. Ailleurs, partout, ils brisent les por-
tes et, baïonnette au canon, se font re-
mettre l'argent, même celui du pain des
pauvres.
Ce sont encore les inoffensifs citadins
qu'on fouille en pleine rue ; les malheureux
soldats ottomans auxquels on enlève leurs
derniers centimes, leur montre et jusqu'à
leurs vêtements. C'est un major turc qu'on
dépouille et qu'on soufflette ; un autre offi-
cier qu'on veut forcer à embrasser le dra-
peau. hellène ; des prisonniers laissés à la
pluie, dans la boue, séJIls pain et implo-
rant un peu d'eau pour apaiser leur fiè-
vre : Sou ! Sou ! (De l'eau ! De l'eau !) et
qu'on repousse à coups de crosse.
V
Et les officiers français du Bruix
étaient dà, qui ont vu des soldats ser-
bes et grecs crever les yeux à des pri-
sonniers turcs.
De ces prouesses, nos journaux ont
cependant l'air enfin de s'émouvoir.
Oui, il eût mieux Val.U,pG1U fe. 'bon ic--
nona des nouveaux Croisés, que tout
continuât de se passer en catimini, au
fun fonid des p-rovinces : la légende de
leur mansuétude se serait mieux con-
servée.
*
tE- *
Somme toute, si les Turcs ont com-
mis des excès parfois, le moins qu'on
puisse dire des Alliés, c'est 'qu'ils en
ont -commis tout autant «et qu'il est plus
difficile de leur accorder le bénéfice des
circonstances atténuantes. Ces peuples,
qui s'exécraient depuis des siècles, se
sont fait la guerre comme au Moyen
Age, avec cette différence qu'ils dispo-
saient d'arnaes- infiniment plus meur-
trières.
Eh I le Moyen Age avait du bon : la
Croix rouge ni le Croissant rouge ne
fonctionnaient encore ; on ne ramas'-
sait pas les blessés pour prolonger, à
force de soins maternels, leurs pauvres
existences mutilées ; mais on blessait
follement moins ! On ignorait en ce
rempis";là nos armes qui fauchent cent
hommes par seconde, et les pires guer-
res d'alors ne donnaient pas le ving-
tième des cadavres qui gisent à cette
heure sur les chamips de la Thrace. Je
ne vois donc vraiment pas qu'il y ait
tant lieu de crier hurrah pour « la ci-
vilisation et le progrès ».
A propos de ces nouvelles machines
à tuer, j'ai dû m'expliquer mal, dans
une précédente lleUre, puisque des
gens de bonne foi en ont pu conclure
que je prêchais l'antimilitarisme. Mon
Dieu ! par quel manque absolu de logi-
que, par quel monstrueux contresens
peut-on bien passer, de l'horreur pour
la guerre moderne, à la déconsidéra-
tion et à la 'haine pour ces hommes, de
plus en plus sublimes, qui sont obligés
de la faire ? Mais, à mesure que .'les
batailles, les inévitables batailles tour-
nent davantage à la boucherie rouge,
est-ce que le .respect, au contraire, ne
devrait pas grandir pour ceux qui ont
le devoir de les affronteir ? Aux plus
humbles de nos soldats, donnons des
musiques, donnons des dorures et des
plumets, tout ce qui pourra exalter
Jeur jeune enthousiasme et les parer
mieux pour la belle mort ; que la foule
au passage s'incline, les salue comme
les plus nobles des enfants de France,
que tous les suivent des yeux avec des
(larmes, et que les jeunes fililes leur jet-
tent des 'fleurs !. Voilà mon antimili-
tarisme cette fois nettement étalé. Oh !
oui, ayons-en pouir nous-mêmes, des
machines qui tuent vite, qui tuent par
monceaux, et tâchons que ce soient les
nôtres, les plus diaboliques ; il le faut
bien, hélas ! puisque- nous sommes la
proie désignée aux peuples d'à-côté,
qui, tous les jours, inventent contre
nous quelque nouvel arrosage à la mi-
traille. Mai's gardons très jalousement
nos hideux secrets, car, où Je crime et
le dégoût commencent, c'est lorsque,
dans un but de lucre, « pour faire mar-
cher l'industrie française », nous les
vendons à des étrangers, préparant
ainsi des tueries qui ne nous sont pas
nécessaires.
Pierre Loti,
$e, VAcadémie Française.
Echos
M. Poincaré, candidat
Comme nous avons été, voici plus de
huit jours déjà, les premiers à l'annon-
cer, M. Poincaré, cédant aux sollicita-
tions de ses amis et de ses collègues,
accepte de poser sa candidature à la
présidence de la République. Une note
de l'Agence Havas nous en informe :
Un grand nombre de sénateurs et de dé-
putés républicains ayant fait, depuis quel-
ques jours, auprès du président du conseil,
des démarches pour le déterminer à laisser
poser sa candidature à la présidence de la
République, M. Poinoaré leur a fait .connaî-
tre aujourd'hui son acceptation.
Voilà la première candidature qui
soit officiellement et nettement décla-
rée ! Maintenant la bataille va s'enga-
ger. Jusqu'ici, on se contentait d'intri-
guer et de comploter en silence. A trois
semaines de l'élection, on ignorait en-
core quels étaient les candidats. Y a-t-il
donc quelque chose de si honteux à
vouloir devenir le premier magistrat de
son pays, ou bien ne peut-on y réussir
qu'en préparant sa victoire dans l'om-
bre — comme on prépare un mauvais
coup ? Etranges .mœurs parlementaires,
dans un pays démocratique, sous un
régime de libre discussion, où tout de-
vrait se passer au grand jour ! ----
Félicitons M.^,, Poincaré de s'être
échappé et de nous avoir tiré de ces té-
nèbres.
L'incertitude où les combinaisons de
la politique prétendaient nous faire de-
meurer n'aurait pas manqué d'amener
l'opinion à une dangereuse indiffé-
rence. — PIERRE MORTIER.
-x-
Hier, jeudi.
Tous les temps.. De même que ces grands
magasins -qui exposent en fin d'année toutes
les nuances des douze mois, le ciel a voulu
nous montrer tous ses tons, - le bleu, le gris,
le rouge, le noir. Et le soleil, pour éclairer
cette vitrine gigantesque, combinait les plus
heureux effets. 1912 fait son inventaire.
Mais les promeneurs n'avaient d'yeux
que pour la chaussée boueuse. Seuls étaient
forcés de regarder en l'air ceux de qui s'en-
volaient les chapeaux pendant la bouITas-
que : « Quelle année! maugréait l'amateur
de petites baraques D. Le philosophe, lui,
à contempler la variété des couleurs, char-
mait son éclectisme.
— x—
Les dernières cartouches.
M. Fallières a -chassé hier à Rambouillet
avec quelques amis. Il était d'excellente hu-
-ft'l'e'Ui' et » prie eortgé d-e coo iwitoo - ayoo un
sourire :
— Je ne vous dis .pas « au revoir », mes
amis, mais « adieu ».
C'étaient bien les dernières cartouches : la
clôture de la chasse et la clôture de la pré-
sidence. ,
-x-
Villes d'eaux.
Le général Lyautey a quitté Paris, se
rendant à Vichy. Il y va faire une. cure
nécessitée par les fatigues de sa campagne
au Maroc et ses succès d'organisation diffi-
cile. C'est là un repos bien gagné ett nous
.le souhaitons, des plus profitables.
X.
Bulletin.
A la clinique du ëIocteur Doyen, on dé-
clarait hier soir que le mieux constaté dans
l'état de M. Jacques Delcassé continuait
sans incidents.
Il n'a pas été communiqué de bulletin de
santé et on espère un prompt rétablissement.
— x —
A l'Institut.
M. Frédéric Masson touchait hier à la fin
des trois plus beaux mois de sa vie : enten-
dez que l'indéfectible historien de Napo-
léon Ier « dirigeait » pour la dernière fois
les « travaux D de la Compagnie et qu'il
lui fallut, en cette qualité qui lui est chère,
présider en personne à l'élection de son suc-
cesseur.
Demain c'est Sainte-Hélène, demain.
demain c'est le tombeau que M. Bemier,
de l'Académie des Beaux-Arts, a édifié dans
l'église de Chââlis à l'intention de Mme An-
dré. L'Académie française y transportera ce
jourd'hui les restes de sa bienfaitrice, et
M. Frédéric Masson trouvera dans cette cir-
constance doublement mélancolique l'occasion
de « diriger D une fois encore les « travaux »
de la Compagnie. Quoiqu'il arrive assez sou-
vent à celle-ci d'hériter de son prochain,
tous ses directeurs n'ont pas le suprême bé-
néfice de ce petit rabiot funèbre.
Le nouveau directeur trimestriel est M.
Francis Charmes. Quant au chancelier qui
allait succéder à M. Denys-Cochin, le règle-
ment voulait qu'on choisît le dernier venu;
mais il n'y a pas, dans l'Académie, de nou-
veau plus nouveau que M. Denys-Cochin,
et c'est au sort qu'il s'en fallut remettre :
il tomba d'ailleurs sur un des plus jeunes,
car c'est M. Henry Roujon qu'il a désigné.
Mais l'urne funéraire et l'urne électorale
agitées tour à tour n'ont pas occupé toute
la séance. Il y fut question de la double
cérémonie qui marquera, vers avril ou mai,
l'avènement de M. Boutroux et du général
Lyautey aux fauteuils qui les attendent.
MM. Paul Bourget et le marquis de Ségur
sont chargés de planter dans ces deux sièges
les épingles traditionnelles. M. Bourget qui
passe, ayant écrit le Disciple, pour le plus
calé de la maison en fait de philosophie,
fait son affaire de torturer comme il faut le
néophyte Boutroux. Mais pourquoi a-t-on
livré le néophyte Lyautey à M. le marquis de
Ségur? Est-ce parce que la grand'mère de
ce dernier a écrit le Général Dourakinel
— x —
Les enfants au bazar.
Il n'y a plus d'enfants, mais il y en a
encore les jours de fin d'année entre Noël et
le Ier janvier. Et leurs parents ou les amis
de leurs parents aiment assez les conduire
dans les grands magasins où ils choisiront
un chemin dé fer à catastrophe, un aéroplane
à renversement ou un mouton à boucles
blondes.
Alors il arrive que les enfants pressés,
bousculés dans la foule ardente, sont perdus.
Il s'en est égaré beaucoup, dans les vastes
magasins de Pa~ ~~ lée, s'aperçut soudain que son rejeton avait
disparu. Pour remédier à ces pertes, les di-
recteurs ont institué un service de recherche
des enfants perdus, et les visiteurs de quel-
ques établissements pourront lire, appendus
sur les rayons, des écriteaux ainsi conçus :
« Les enfants égarés sont conduits par les
inspecteurs à la porte n° 6 ».
Et, en effet, on conduit, ces jours-ci, des
quantités de gosses affolés au refu-ge de
sortie où les parents les retrouvent. Le sys-
tème est ingénieux et reflète joliment l'esprit
amusé de Paris. '/,
-x-
Les écrivains ennuyés.
Les candidats à la Légion d'honneur s'im-
patientent. Tous ceux qui espèrent la croix
et à, qui, même, on l'a promise de la meil-
leure foi du monde, savent bien qu'ils ne
l'auront peut-être pas, à la suite d'un inci-
dent de la dernière minute. Et ils sont
anxieux. Le ministre de l'Instruction publique
a résolu de donner à M. Charles Lecocq la
rosette si tardive. Voilà qui est unanimement
approuve.
Mais les gens de lettres subissent, cette
année, de rudes assauts. On n'avait jamais
autant discuté leurs titres et les universitaires
de la rue de Grenelle défendent contre eux
les croix qu'ils voudraient réserver à des
membres de l'Université'. Il y a lutte de
professeurs contre gens de lettres et de théâ-
tre. Un haut fonctionnaire — fort distin-
gué d'ailleurs — soutient l'Université et con-
seille la prudence, la réserve, l'économie en
ce. qui touche les écrivains et les artistes.
Et les candidats s'inquiètent et leurs pro-
tecteurs s'agitent, que l'ambition mène..,.
Détaillé au Musée.
Le maître Detaille, qui a si mal vêtu nos
soldats, avait cependant le souci de la bonne
tenue. Il cherchait à bien habiller, comme
un bon tailleur et un bon peintre.
Et voici une curieuse anecdote qui montre
combien le « fini » vestimentaire lui était
cher tant pour lui-même que poufr les autres.
", Un jour — il n'y a pas très longtemps -
Edouard Detaille eut la fantaisie d'aller voir
sa propre effigie qu'on venait d'ériger dans
un musée de cires très populaire. Quand il
arriva près de son double, il s'effraya et
fut pris de honte et d'horreur : et il n'eut
pas lé courage de s'asseoir, comme il l'avait
projeté, près de lui, sur le canapé, tant son
sosije était vêtu de façon désastreuse. De
quelle redingote malheureuse et fatiguée on
l'avait affublé, et quelles lamentables chaus-
sures! Il s'enfuit avec horreur. Et pour-
tant l« peintre j&.va.it fait don de. forts beaux
habits, afin que la ressemblance fût parfaite.
Edouard Detaille n'était, du reste, pas le
seul dans le même cas. Un médecin fameux,
dont le portrait se dressait à côté, portait
un ulster défraîchi, et surtout un ancien
ministre s'enorgueillissait d'un pantalon à
tire-bouchons du plus déplorable effet.
Edouard Detaille s'informa et apprit que
certains garçons du musée avaient trouvé
fort avantageux d'échanger des vieux effets
achetés chez le revendeur contre ceux qu'ils
obtenaient des illustres personnages, et qu'ils
conservaient pour eux.
— x —
Compte de Noël.
Un dernier mot sur le Réveillon — qui
sera un souvenir à l'excellent Henry Becque.
Becque, à la fin de ses jours, vivait en
vieux garçon, dans un modeste appartement
de l'avenue de VilliersA et n'avait qu'une
femme de ménage pour veiller sur son sabre
logis. Il lui avait, d'ailleurs, confié depuis
longtemps le soin de son intérieur et s'en
remettait à son honnête gouvernement des
menues dépenses de la maison.
Un soir, peu avant Noëlx la vieille ser-
vante dit à son maître :
— J'espère que monsieur mettra son sou-
lier dans la cheminée, la nuit de Noël ?
Becque éclata de rire. Qu'est-ce que cette
plaisanterie ? Et qu'avait-il à attendre de ces
fantaisies enfantines? Mais la vieille ser-
vante insista. Elle insista pendant une se-
maine, jusqu'au soir de Noël, tant et si bien
que Becque, - obsédé, céda :
— J'assure monsieur, disait-elle, qu'il au-
ra, une bonne surprise 1 -
Et Becque, brave homme, céda et mit ses
souliers.
Le lendemain matin, comme il les allait
retiier, nonchalamment et sans penser à rien,
il eut, en effet, une surprise : le petit Noël
avait déposé sur ses bottes le livre des comp-
tes réglés par la vieille servante, et - que
"Becque:oubliait depuis deux moisi
—x—
Professeur en retard.
Un professeur du collège Chaptal a lu —
en manière de dictée et à la suite d'une
leçon de morale —" à des écoliers de treize
ans une page de Karl Marx où le capita-
liste est assez malmené : l'ouvrier y figure
comme la victime incessante et le martyre du
capital. Karl Marx écrit :
Le fouet du conducteur d'esclaves est rem-
placé par le livre de punitions du contre-
maître. Toutes ces punitions se changent na-
turellement en amendes et en retenues sur
le salaire, de sorte que le capitaliste profite
encore plus de la violation que de l'obser-
vation de ses lois..
Et nous ne parlons pas des conditions ma-
térielles dans lesquelles, par motif d'écono-
mie, le travail de fabrique s'accomplit : élé-
vation de la température, atmosphère viciée
et chargée de poussière de matières pre-
mières, défaut d'air, bruit assourdissant des
machines, sans compter les dangers encourus
au milieu d'un mécanisme terrible, vous en-
veloppant de tous côtés et fournissant pé-
riodiquement son bulletin d;e mutilations et
de meurtres industriels.
Des parents se sont plaints. Si le pro-
fesseur avait lu une page blâmant les abus
du syndicalisme ouvrier, d'autres parents se
seraient aussi plaints. Et les uns et les au-
tres auraient raison. Il faut noter, en tous
cas, que Karl Marx a écrit ces lignes sur le
travail'?7 y. a soixante ans, et que les rigueurs.
patronales dont il pairie sont heureusement
bien atténuées,
— x —
Pour nos étrennes. «
On est souvent embarrassé au moment des
étrennes, pour trouver le bibelot nouveau et
amusant qui comblera les vœux de l'ami .—
oy de l'amie — auquel on le destine.
Cet embarras disparaît si l'on s'adresse
à Simonet. Ne possède-t-il pas, en effet,
tout ce que l'on 'peut rêver de plus exquise-
ment parisien : objets de bureau, bijoux,
bibelots délicieusement féminins. En vérité,
Simonet a réuni, 55, avenue de l'Aima, les
étrennes les plus variées et les plus inédites
qui soient.
-x,-
Le succès du Réveillon de Noël Peters a
surpassé oe que l'ambition légitime de son
aimable organisateur avait osé souhaiter.
Pour la nuit du 31 décembre, M. Vandable
promet une fête persane qui dépassera en
splendeur celles mêmes des Mille et une
Nuits. Et les dames recevront une élégante
surprise qu'elles garderont en souvenir de
cette inoubliable fête. Par prudence, rete-
nons notre table !
La Bibliothèque des Enfants s'enrichit,
cette année, de deux nouveautés : Don Qui-
chotte de la Manche et Voyages de Gulliver,
deux jolies petites éditions de luxe, illustra-
tions en noir et en couleurs. (Prix de chaque
volume cartonné, 2 fr. E. Flammarion, édi-
teur.)
— x —
La dynamo Stéréos, très remarquée parsâ
simplicité, obtient une autorégulation abso-
lue. Elle supprime le conjoncteux disjonc-
teur en maintenant automatiquement la sé-
paration de la batterie à la dynamo. Stéréos,
18, rue Guersant.
—x —
Nouvelle à la main.
— On signale un succès grec à Coryza.
— Ce ^oit être de la publicité pour un
i remède au rhume de cerveau.
Le Diable Boiteux.
A nos lecteurs
Nous croyons utile de donner quelques
détails sur les avantages que nous offrons
à tous nos abonnés d'un an.
1° Le chèque de 34 francs. - En
échange des 34 francs que notre abonne-
ment représente, nous délivrons à chaque
abonné un chèque d'égale valeur, rem-
boursable, dans une des maisons dont
nous publierons la liste, par 34 francs
de marchandises de première nécessité
ou de luxe : lingerie, lampes électriques,
livres, horlogerie, armes, rasoirs méca-
niques, parfumerie, corsets sur mesure,
chapeaux sur commande, blouses de den-
telles, partitions de musique, bière, vin,
Champagne, etc., etc.
2° La police d'assurance de 10.000
francs contre les accidents. — En plus
du chèque remboursable, une police d'as-
surance de 10.000 francs contre les acci-
dents est délivrée gratuitement à tout
abonné, sans toutefois qu'il se trouve
engagé s'il cesse un jour son abonne-
ment.
De plus, à chaque réabonnement, sa
police est renouvelée gratuitement avec
une augmentation de 1.000 francs par
année.
Cette police d'assurance est payable
non seulement en cas de décès, mais en-
core en cas d'invalidité permanente
absolue. A notre époque, où les accidents
sont, hélas! si fréquents, cette assurance
est aussi nécessaire que l'assurance con-
tre l'incendie. Déjà de nombreux lec-
teurs, très prudents, ont contracté plu-
sieurs abonnements à Gil Blas, afin de
faire bénéficier tout leur entourage 'de
cette avantageuse assurance.
3° Le Concours du Bonheur. — Après
une victoire, ou simplement après un
succès, au Bois, dans la rue, au théâtre,
aux courses, à la Bourse, que de. fois
n'avons-nous pas envié le conquérant,
le triomphateur, la jeune femme qui pas-
sait, l'acteur applaudi par les femmes,
la comédienne dont tous les spectateurs
étaient amoureux, le propriétaire qui ga-
gnait le Grand Prix, ou le financier qui
touchait la forte somme?
Nous allons, pendant quelques semai-
nes, publier tous les jours le portrait
d'une de ces diverses personnalités en
vue. Nous demanderons à nos lecteurs
et à nos lectrices de choisir celui et
celle qui leur sembleront chacun réaliser
le bonheur le plus complet, et avec les-
quels ils voudraient changer leur sort.
D'après les réponses qui nous parvien-
dront, nous dresserons une liste idéale.
Les deux premiers prix de ce concours,
dont nous allons ces jours-ci, donner
tous les détails, seront un collier de per-
les et une automobile.
4° Le prochain roman d'Anatole
France. — Nous avons été hier rendre vi-
site à M. Anatole France. Le grand écri-
vain a bien voulu nous assurer qu'il nous
remettrait le manuscrit des Anges, le
nouveau roman si impatiemment attendu
qu'il achève en ce moment pour les lec-
teurs de Gil Blas, dans la deuxième quin-
zaine de janvier. C'est là une nouvelle
dont ses innombrables admirateurs se ré-
jouiront avec nous.,
•1 Gil Blas,
';¡
EN PASSANT,
Circulez r -
Il y a des mots, quand on im les entend
pas dans une revue, qui sont vraiment
d'une ironie charmante.
C'était hier, place de l'Opéra, vers cinq
heures et demie du soir, pour préciser.
Je ne sais quel incident banal nous avait,
rassemblés sur un refuge au milieu de la'
chaussée, une vingtaine de passants ano-
nymes et moi.
Il ne se trouvait parmi nous ni militaire,
ni petit pâtissier, mais comme il arrive sou-
vent dans ces rassemblements de hasard,,
da plupart des têtes semblaient avoir quel-
que chose de déjà rencontré : le long jeune
homme maigre qui ressemble au roi d'Es-
pagne, le gros monsieur qui a la ventri-
potence de M. Mascuraud, la petite femme
mince qui a des airs d'inquiétante Laval-
lière, celui qui a le profil de M. Lintilhac. et
celui qui a le monocle de M. Edmond Ros-
tand. et puis aussi des ouvriers maçons
et des trottins et des vieillards respecta-
bles.
Lors, un gardien de là paix vint à nous
et simplement, sans menace, je dois l'a.
vouer, il nous dit ;
— Circulez ? Aillons, circulez !
Or, S y avait autour de nous, barrage
mouvant. vingt autos-taxis, vingt fiacres
.hippoJOOlb))æ, vingt limousines, autant
d'autobus. de tri-porteoins, de bicyclette* èt * -;
de crieurs des Ieuilleq du soir.
- Circulez ! s'entêta 'doucement ragent
de police.
Alors, aux risques de nous rompre te
cou et de nous faire broyer les tibias, nous-
nous jetâmes sous la tête des chevaux, de-
vant les capots en coupe-vent des autos et
les roues boueuses des cycles vertigineux.
t Lorsque j'eus atteint, sain et sauf, le trot-
tatie, je songeai que cet honnête gardien de
la sécurité publique venait tout simplement
de nous faire voir la mort de près et j'allai
confier mon désir de vivre à M. Emile 1
Massard, conseiller municipal.
Car j'avais oui dire que cet édile compa-
tissant travaillait précisément à la résolu-
tion du oéniblc problème de la circulation
parisienne.
— Vous n'avez pasiu mon projet sur là
question ? 1
- J'ai lu.. mais je voudrais tant être
convaincu de son efficacité !
— Je vous, promets que si l'adm.iniistra.
tlon en tient oompte, on circulera dans Pa..
ris aussi facilement que dans Bruxelles
ou.
— C'est trop beau !
— Ce n'est pas tout. Je demande encore
que l'on rende plus sévère Ja délivrance
des permis de conduire, que l'on impose un
nouvel examen à tout auteur d'un accident
grave, et que l'on n'accorde le permis dû
conduire qu'au cocher ou au propriétaire
muni d'une assurance destinée à indemnK
ser les sinistres éventuels. ;
— Oui, c'est une petite consolation.
— Enfin, je voudrais quelques amendeà
ments à la loi sur la police de roulage,
afin qu'elle fût mise en concordance avec.
les exigences de la circulation actuelle.
— Bravo ! Voilà, monsieur Massard. un
projet, pavé, si j'ose dire, des plus louables
intentions. Et vous pensez qu'il entrera en
application ?.
— Je l'espère.
— Mais quand ?
— Ah ! dame, cela est une autre hi.stoore,:
comme dit Kipling. Patientons ! 1
— Il faudrait, n'est-ce pas, encore quel-
ques bons gros accidents, assez retentis-'
isa'nl-e.
— VoM ! i
Allons, les neurasthéniques hantés par là
suicide, un beau geste ! C'est pour la So-,
oiété ! - <
Emllfr Derlln.
LA DERNIERE LVIS1TE
M. Fallières
à Rambouillet
"- Ainsi, Monsieur, le président, vous
nous quittiez déjà ?
M. Eailllières manifeste un ét-onnement
sincère :
— Déjà ? fait-il. Pourquoi déjà ? Ne
trouvez-vous point que sept années de
présidence soient un suffisant effort
pour un homme politique et un suffi-
sant espoir pouir ceux qui attemdeaiti
la succession ?
— Monsieur le président, acceptez
cette confidence : « Déjà voici que nous
vous regrettons 1 » ,
— Vous êbes fort aimable, répMqua
l'honorable M. Fallières, et voilà qu.i/
m'est un véritable réconfort. Mais
pourquoi ce regret, tardif et flatteur,
que je ne comprends pas ?
Ces propos s'échangeaient dans une
allée très pâle, dénudée par .l'hiver, et
qui s'étendait comme, à iTinfmL une al-
lée triste qui conduit des tirés de -la fer-
rêt au château de Rambouillet. Ce soir,
die décembre avait la mélancolie d'un
aditeu. Ayant chassé de toute sa cons-
ciooce, M. Fallières rentrait vers la
cour oU les automobiles du retour atten-
daient, et Iks quelques tamis invités
par lui pour sa dernière chasse se te-
naient, un peu soucieux, à l'arrière. Ils
pensaient) : « Seirbns-nous des chasses
futures ? » Eux aussi, ils regrettaient
M. Fallières.
— Monsieur le président, ais-je avec
une respectueuse décision, votre départ
de la présidence est une leçon tout à
fait imprévue pour ce pays : il nous dô<
montre que nous manquons d'home
mes. Je m'explique : Vous occupez,,
durant le septennat prévu, Ja plus hau-i
te fonction de l'Etat;, on vous -œspoof.e'
pour vos vertus personnelles et von.
caractère, on vous raille un peu pow £
LE NUMÉRO 10 CENTIMES
VENDREDI 27 DECEMBRE 1912
Pierre MORTIER
« - — Directeur
RÉDACTION - ADMINISTRATION
GO, rue Louis-le-Grand.
PARIS (2* Arr.) -
TÉLÉPHONE
Direction, Administration, Rédaction. 266.01
Ligne Interurbaine 102.74
De minuit à 3 heures du matin. 0 312.11
Télégr. Gil Blas Paris
Pierre MORTIER
Directeur
POUR LA PUBLICITÉ
C'.:.iclresser 30, KUO 3L.OTais-le-Gr37Em.cL
A L'HOTEL DE GIL BLAS
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Etranger (Union postale).. 17 » 32 » 60 9
On s'abonne dans tous les Bureaux de poste
de France et d'Algérie -
SOMMAIRE
SUR LA GUERRE DES BALKANS, par Pierrç
Loti.
M. POINCARÉ, CANDIDAT, par Pierre 'Mortier.
CIRCULEZ! par Emile Z?~M.
M. FALLIÈRES A RAMBOUILLET, par fRaoul
Aubry.
LA GUERRE D'ORIENT, par Léon Martin.
LE CONTE : Kermesse de saintetét par C 4.-
mille Lemonnier.
LA GALERIE : Trop tard! par Marcel Pré-
vost.
LES LETTRES : Un livre sur Flaubert, par
André du Fresnois..
LES ARTS : Le droit d'auteur aux artistes,
par Louis ,Vauxeelles.
LE THÉÂTRE : La fermeture de la Comédie-
Française, par Georges Pioch. — La belle
tournée, par Jacques Hébertot.
LES SPORTS : Le Grand Prix de l'Aéro-
Club de France, par Edouard Pontié.
LE FEUILLETON ; Criquet, par Andrée
Viollis.
Sur la guerre
-",- des Balkans
- -.- ,- --.
<( Atrocités turques ». - Ce cliché
des Alliés (que propage, à l'aide de ses
bank-notes, certain Comité balkani-
que) (1) conlaimie de se reproduire
triomphalement dans la presse fran-
çaise,, et, chaque fois, d'aimables in-
connus prennent la peine de découper
l'entrefilet, pour le mettre sous enve-
loppe à mon adresse, s'imaginant me
confondre. Hélas ! oui, il est à peu près
avéré que les vaincus, à certaines heu-
res, traqués, délirant de faim et de dé-
sespoir, ont massacré, — beaucoup
moins toutefois, infiniment moins que
leurs ennemis le prétendent. Tant de
correspondants de guerre, étrangers et
non, suspects icte partialité, leur ont
rendu justice et racontent même que.
traversant en affamés des villages
grecs, ils se bornaient à mendier aux
portes un morceau de pain ! Voici à
peu près comment ces correspondants
s'expriment (2} : « Puisqu'il se trouve,
en Europe, des gens écrivant du fond
ide leur cabinet de travail que les sol-
dats turcs sont pillards et massacreurs,,
c'est un devoir pour nous de protester
énergiquement. Nous n'avons constaté
chez eux que de l'endurance et de la
modération, et jamais nous n'avons as-
sisté à aucun acte de barbarie. » Mal-
gré ces témoignages, je serais injuste
en ne reconnaissant pas que ça et là
ils ont vu rouge.
Mais les AIJiés ! Les Alliés, moins
excusables, d'abord parce -qu'ils étaient
les vainqueurs, ensuite parce qu'ils
n'enduiraient pas les tortures de la
faim, et surtout parce qu'ils s'avan-
çaient au nom du Christ, les. Alliés,
quand dressera-t-on le bilan de leurs
excès et de leurs crimes ? On com-
mence à s'en émouvoir tout de même,
malgré le parti pris de fermer les yeux
sur tant de cruautés qu'ils ont commi-
ses. Voici les Roumains qui accusent les
Grecs d'avoir massacré les Komtzo-Va-
la-ques. Voici des nouvelles de Vienne
affirmant que les troupes du général
Jankovich auraient détruit de nom-
breux villages en Albanie, que des mil-
liers d'Albanais auraient été massa-
crés ou enterrés vivants. Sous les murs
d'Andrinople, des ambulanciers turcs
qui venaient, munis de leur drapeau,
secourir des blessés serbes, ont été ac-
cueillis par une fusillade. Tout derniè-
rement à Dedeagath, le fait n'est pas
idiscutable, une bande bulgare a pillé,
massacré, incendié pendant trois jours,
continuant l'horrible besogne que les
:« comitadji » ont depuis si longtemps
commencée. Mais les pauvres Turcs
manquent d'argent pour semer la no-
ble indignation dans certaine presse
qui est à vendre, et qui, malheureuse-
ment, influence à sa suite toute la
presse restée de bonne foi.
*
A propos des Bulgares, je citerai ce
fragment die la lettre d'un Français qui
avait longtemps habité la Thrace, mais
qui s'est vu forcé de fuir devant l'in-
vasion des « libérateurs » :
Dans les journaux de France, je lis les
continuels dithyrambes en. l'honneur des
armées ba-Ikaniqufs, principalement de ce
peuple bulgare qui, tout entier, se rue ver&
l'ennemi. héréditaire avec, à sa tête, le
pope hirsute. Race contre race, la croix
orthodoxe — le plus fanatique des emblè-
mes religieux — la croix contre le crois-
sant, suivant la parole du catholique ro-
main Ferdinand de Cobourg.
Le spectacle est inoubliable pour qui a
vu arriver ces théories sans fin d'hommes
taillés comme à coups de serpe dans un
bois rugueux, ces lourds soldats Coiffés de
la casquette moscovite et ce, flot, à leur
suite, de montagnards couverts de peaux
de bêtes, — les hordes d'Attila, — tous, di-
sant avec fierté : Là où nous sommes pas-
sés, l'herbe ne repoussera de cinq années !
Oui, on peut leur dédier des dithyram-
bes, mais ils en ont déjà inscrits eux-mê-
mes sur toutes les sentes de la Macédoine,
sur les décombres des villages musulmans
où ils ont commis les pires horreurs et
dont les flammes d'incendie s'élèvent en-
core de toutes parts, obscurcissant de îeur
(1) Siégeant à Londres, si je ne me trompe.
(2) M. Jean Rodes, du Temps ; le baron
Tycka, du Lokal-Anzeiger ; M. Paul Erio, du
Journal ; M. Paul Genève, des Débats ; le ma-
jor Zwonger, du Berliner Tageblalt ; M. Renzo
Larco, .du Corriere de Milan ; M. Vord Preise.
du Daily Mail, etc. Je n'ai malheureusement
pas retenu les noms des autres.
P5 L.
Acre fumée tous les horizons ; ils en ont
inscrits sur des milliers de cadavres, et
sur les visages émaciés des vieillards, des
femmes, des enfants ; les rescapés des
massacres, qui se traînent jusqu'à Cons-
tantinopte, ayant semé de morts et d'ago-
nisants le long chemin de leur calvailre,
Il est vrai, le séjour des Alliés dans
S al o nique a quelque peu terni leur au-
réole. ëalonique n'est pas un lieu
perdu, comme tant de villages de l'in-
térieur, et il y avait là des Français
dont les yeux forcément se sont ou-
verts. Les vexations contre un officier
de notre marine de guerre ont com-
mencé de refroidir l'enthousiasme pour
les « libérateurs ». Ensuite, au lende-
main de leur arrivée, les Grecs, pour
quelques malédictions poussées à leur
passage, ont fait feu sur la foule sans
armes et tué cinq cents personnes (de
la populace turque, pour employer
l'heureuse expression de certain repor-
ter). Et puis, tout aussitôt, le Consulat
de France a été débordé par les justes
pilainites die nos compatlriotes. On con-
naît, entre autres aventures, celle de
cette Française, Mme Simon, coupable
d'avoir donné, sur le pas de sa porte,
un morceau die main et un verre d'eau
:à de pauvres Turcs, et odieusement
brutalisée, pour ce fait, par un officier
igrec qui ne craignit pas d'arracher à
ices affamés l'humble aumône. Voici
d'ailleurs ce que m'écrit un négociant
français de passage à Salonique :
Guidés par des compatriotes levantins,
délateurs infatigables, l'armée grecque pé-
nètre, par bandes d'apaches, d'abord chez
les Juifs, — ils sont ici près de quatre-vingt
mille, parlant le français, aimant la Fran-
ce, — qu'ils accusent de les empoisonner !
Là, ils font sortir les hommes des maisons,
les ligotent, les frappent, les massacrent
parfois, puis s'en retournent violer les fem-
mes. Ailleurs, partout, ils brisent les por-
tes et, baïonnette au canon, se font re-
mettre l'argent, même celui du pain des
pauvres.
Ce sont encore les inoffensifs citadins
qu'on fouille en pleine rue ; les malheureux
soldats ottomans auxquels on enlève leurs
derniers centimes, leur montre et jusqu'à
leurs vêtements. C'est un major turc qu'on
dépouille et qu'on soufflette ; un autre offi-
cier qu'on veut forcer à embrasser le dra-
peau. hellène ; des prisonniers laissés à la
pluie, dans la boue, séJIls pain et implo-
rant un peu d'eau pour apaiser leur fiè-
vre : Sou ! Sou ! (De l'eau ! De l'eau !) et
qu'on repousse à coups de crosse.
V
Et les officiers français du Bruix
étaient dà, qui ont vu des soldats ser-
bes et grecs crever les yeux à des pri-
sonniers turcs.
De ces prouesses, nos journaux ont
cependant l'air enfin de s'émouvoir.
Oui, il eût mieux Val.U,pG1U fe. 'bon ic--
nona des nouveaux Croisés, que tout
continuât de se passer en catimini, au
fun fonid des p-rovinces : la légende de
leur mansuétude se serait mieux con-
servée.
*
tE- *
Somme toute, si les Turcs ont com-
mis des excès parfois, le moins qu'on
puisse dire des Alliés, c'est 'qu'ils en
ont -commis tout autant «et qu'il est plus
difficile de leur accorder le bénéfice des
circonstances atténuantes. Ces peuples,
qui s'exécraient depuis des siècles, se
sont fait la guerre comme au Moyen
Age, avec cette différence qu'ils dispo-
saient d'arnaes- infiniment plus meur-
trières.
Eh I le Moyen Age avait du bon : la
Croix rouge ni le Croissant rouge ne
fonctionnaient encore ; on ne ramas'-
sait pas les blessés pour prolonger, à
force de soins maternels, leurs pauvres
existences mutilées ; mais on blessait
follement moins ! On ignorait en ce
rempis";là nos armes qui fauchent cent
hommes par seconde, et les pires guer-
res d'alors ne donnaient pas le ving-
tième des cadavres qui gisent à cette
heure sur les chamips de la Thrace. Je
ne vois donc vraiment pas qu'il y ait
tant lieu de crier hurrah pour « la ci-
vilisation et le progrès ».
A propos de ces nouvelles machines
à tuer, j'ai dû m'expliquer mal, dans
une précédente lleUre, puisque des
gens de bonne foi en ont pu conclure
que je prêchais l'antimilitarisme. Mon
Dieu ! par quel manque absolu de logi-
que, par quel monstrueux contresens
peut-on bien passer, de l'horreur pour
la guerre moderne, à la déconsidéra-
tion et à la 'haine pour ces hommes, de
plus en plus sublimes, qui sont obligés
de la faire ? Mais, à mesure que .'les
batailles, les inévitables batailles tour-
nent davantage à la boucherie rouge,
est-ce que le .respect, au contraire, ne
devrait pas grandir pour ceux qui ont
le devoir de les affronteir ? Aux plus
humbles de nos soldats, donnons des
musiques, donnons des dorures et des
plumets, tout ce qui pourra exalter
Jeur jeune enthousiasme et les parer
mieux pour la belle mort ; que la foule
au passage s'incline, les salue comme
les plus nobles des enfants de France,
que tous les suivent des yeux avec des
(larmes, et que les jeunes fililes leur jet-
tent des 'fleurs !. Voilà mon antimili-
tarisme cette fois nettement étalé. Oh !
oui, ayons-en pouir nous-mêmes, des
machines qui tuent vite, qui tuent par
monceaux, et tâchons que ce soient les
nôtres, les plus diaboliques ; il le faut
bien, hélas ! puisque- nous sommes la
proie désignée aux peuples d'à-côté,
qui, tous les jours, inventent contre
nous quelque nouvel arrosage à la mi-
traille. Mai's gardons très jalousement
nos hideux secrets, car, où Je crime et
le dégoût commencent, c'est lorsque,
dans un but de lucre, « pour faire mar-
cher l'industrie française », nous les
vendons à des étrangers, préparant
ainsi des tueries qui ne nous sont pas
nécessaires.
Pierre Loti,
$e, VAcadémie Française.
Echos
M. Poincaré, candidat
Comme nous avons été, voici plus de
huit jours déjà, les premiers à l'annon-
cer, M. Poincaré, cédant aux sollicita-
tions de ses amis et de ses collègues,
accepte de poser sa candidature à la
présidence de la République. Une note
de l'Agence Havas nous en informe :
Un grand nombre de sénateurs et de dé-
putés républicains ayant fait, depuis quel-
ques jours, auprès du président du conseil,
des démarches pour le déterminer à laisser
poser sa candidature à la présidence de la
République, M. Poinoaré leur a fait .connaî-
tre aujourd'hui son acceptation.
Voilà la première candidature qui
soit officiellement et nettement décla-
rée ! Maintenant la bataille va s'enga-
ger. Jusqu'ici, on se contentait d'intri-
guer et de comploter en silence. A trois
semaines de l'élection, on ignorait en-
core quels étaient les candidats. Y a-t-il
donc quelque chose de si honteux à
vouloir devenir le premier magistrat de
son pays, ou bien ne peut-on y réussir
qu'en préparant sa victoire dans l'om-
bre — comme on prépare un mauvais
coup ? Etranges .mœurs parlementaires,
dans un pays démocratique, sous un
régime de libre discussion, où tout de-
vrait se passer au grand jour ! ----
Félicitons M.^,, Poincaré de s'être
échappé et de nous avoir tiré de ces té-
nèbres.
L'incertitude où les combinaisons de
la politique prétendaient nous faire de-
meurer n'aurait pas manqué d'amener
l'opinion à une dangereuse indiffé-
rence. — PIERRE MORTIER.
-x-
Hier, jeudi.
Tous les temps.. De même que ces grands
magasins -qui exposent en fin d'année toutes
les nuances des douze mois, le ciel a voulu
nous montrer tous ses tons, - le bleu, le gris,
le rouge, le noir. Et le soleil, pour éclairer
cette vitrine gigantesque, combinait les plus
heureux effets. 1912 fait son inventaire.
Mais les promeneurs n'avaient d'yeux
que pour la chaussée boueuse. Seuls étaient
forcés de regarder en l'air ceux de qui s'en-
volaient les chapeaux pendant la bouITas-
que : « Quelle année! maugréait l'amateur
de petites baraques D. Le philosophe, lui,
à contempler la variété des couleurs, char-
mait son éclectisme.
— x—
Les dernières cartouches.
M. Fallières a -chassé hier à Rambouillet
avec quelques amis. Il était d'excellente hu-
-ft'l'e'Ui' et » prie eortgé d-e coo iwitoo - ayoo un
sourire :
— Je ne vous dis .pas « au revoir », mes
amis, mais « adieu ».
C'étaient bien les dernières cartouches : la
clôture de la chasse et la clôture de la pré-
sidence. ,
-x-
Villes d'eaux.
Le général Lyautey a quitté Paris, se
rendant à Vichy. Il y va faire une. cure
nécessitée par les fatigues de sa campagne
au Maroc et ses succès d'organisation diffi-
cile. C'est là un repos bien gagné ett nous
.le souhaitons, des plus profitables.
X.
Bulletin.
A la clinique du ëIocteur Doyen, on dé-
clarait hier soir que le mieux constaté dans
l'état de M. Jacques Delcassé continuait
sans incidents.
Il n'a pas été communiqué de bulletin de
santé et on espère un prompt rétablissement.
— x —
A l'Institut.
M. Frédéric Masson touchait hier à la fin
des trois plus beaux mois de sa vie : enten-
dez que l'indéfectible historien de Napo-
léon Ier « dirigeait » pour la dernière fois
les « travaux D de la Compagnie et qu'il
lui fallut, en cette qualité qui lui est chère,
présider en personne à l'élection de son suc-
cesseur.
Demain c'est Sainte-Hélène, demain.
demain c'est le tombeau que M. Bemier,
de l'Académie des Beaux-Arts, a édifié dans
l'église de Chââlis à l'intention de Mme An-
dré. L'Académie française y transportera ce
jourd'hui les restes de sa bienfaitrice, et
M. Frédéric Masson trouvera dans cette cir-
constance doublement mélancolique l'occasion
de « diriger D une fois encore les « travaux »
de la Compagnie. Quoiqu'il arrive assez sou-
vent à celle-ci d'hériter de son prochain,
tous ses directeurs n'ont pas le suprême bé-
néfice de ce petit rabiot funèbre.
Le nouveau directeur trimestriel est M.
Francis Charmes. Quant au chancelier qui
allait succéder à M. Denys-Cochin, le règle-
ment voulait qu'on choisît le dernier venu;
mais il n'y a pas, dans l'Académie, de nou-
veau plus nouveau que M. Denys-Cochin,
et c'est au sort qu'il s'en fallut remettre :
il tomba d'ailleurs sur un des plus jeunes,
car c'est M. Henry Roujon qu'il a désigné.
Mais l'urne funéraire et l'urne électorale
agitées tour à tour n'ont pas occupé toute
la séance. Il y fut question de la double
cérémonie qui marquera, vers avril ou mai,
l'avènement de M. Boutroux et du général
Lyautey aux fauteuils qui les attendent.
MM. Paul Bourget et le marquis de Ségur
sont chargés de planter dans ces deux sièges
les épingles traditionnelles. M. Bourget qui
passe, ayant écrit le Disciple, pour le plus
calé de la maison en fait de philosophie,
fait son affaire de torturer comme il faut le
néophyte Boutroux. Mais pourquoi a-t-on
livré le néophyte Lyautey à M. le marquis de
Ségur? Est-ce parce que la grand'mère de
ce dernier a écrit le Général Dourakinel
— x —
Les enfants au bazar.
Il n'y a plus d'enfants, mais il y en a
encore les jours de fin d'année entre Noël et
le Ier janvier. Et leurs parents ou les amis
de leurs parents aiment assez les conduire
dans les grands magasins où ils choisiront
un chemin dé fer à catastrophe, un aéroplane
à renversement ou un mouton à boucles
blondes.
Alors il arrive que les enfants pressés,
bousculés dans la foule ardente, sont perdus.
Il s'en est égaré beaucoup, dans les vastes
magasins de Pa~ ~~
disparu. Pour remédier à ces pertes, les di-
recteurs ont institué un service de recherche
des enfants perdus, et les visiteurs de quel-
ques établissements pourront lire, appendus
sur les rayons, des écriteaux ainsi conçus :
« Les enfants égarés sont conduits par les
inspecteurs à la porte n° 6 ».
Et, en effet, on conduit, ces jours-ci, des
quantités de gosses affolés au refu-ge de
sortie où les parents les retrouvent. Le sys-
tème est ingénieux et reflète joliment l'esprit
amusé de Paris. '/,
-x-
Les écrivains ennuyés.
Les candidats à la Légion d'honneur s'im-
patientent. Tous ceux qui espèrent la croix
et à, qui, même, on l'a promise de la meil-
leure foi du monde, savent bien qu'ils ne
l'auront peut-être pas, à la suite d'un inci-
dent de la dernière minute. Et ils sont
anxieux. Le ministre de l'Instruction publique
a résolu de donner à M. Charles Lecocq la
rosette si tardive. Voilà qui est unanimement
approuve.
Mais les gens de lettres subissent, cette
année, de rudes assauts. On n'avait jamais
autant discuté leurs titres et les universitaires
de la rue de Grenelle défendent contre eux
les croix qu'ils voudraient réserver à des
membres de l'Université'. Il y a lutte de
professeurs contre gens de lettres et de théâ-
tre. Un haut fonctionnaire — fort distin-
gué d'ailleurs — soutient l'Université et con-
seille la prudence, la réserve, l'économie en
ce. qui touche les écrivains et les artistes.
Et les candidats s'inquiètent et leurs pro-
tecteurs s'agitent, que l'ambition mène..,.
Détaillé au Musée.
Le maître Detaille, qui a si mal vêtu nos
soldats, avait cependant le souci de la bonne
tenue. Il cherchait à bien habiller, comme
un bon tailleur et un bon peintre.
Et voici une curieuse anecdote qui montre
combien le « fini » vestimentaire lui était
cher tant pour lui-même que poufr les autres.
", Un jour — il n'y a pas très longtemps -
Edouard Detaille eut la fantaisie d'aller voir
sa propre effigie qu'on venait d'ériger dans
un musée de cires très populaire. Quand il
arriva près de son double, il s'effraya et
fut pris de honte et d'horreur : et il n'eut
pas lé courage de s'asseoir, comme il l'avait
projeté, près de lui, sur le canapé, tant son
sosije était vêtu de façon désastreuse. De
quelle redingote malheureuse et fatiguée on
l'avait affublé, et quelles lamentables chaus-
sures! Il s'enfuit avec horreur. Et pour-
tant l« peintre j&.va.it fait don de. forts beaux
habits, afin que la ressemblance fût parfaite.
Edouard Detaille n'était, du reste, pas le
seul dans le même cas. Un médecin fameux,
dont le portrait se dressait à côté, portait
un ulster défraîchi, et surtout un ancien
ministre s'enorgueillissait d'un pantalon à
tire-bouchons du plus déplorable effet.
Edouard Detaille s'informa et apprit que
certains garçons du musée avaient trouvé
fort avantageux d'échanger des vieux effets
achetés chez le revendeur contre ceux qu'ils
obtenaient des illustres personnages, et qu'ils
conservaient pour eux.
— x —
Compte de Noël.
Un dernier mot sur le Réveillon — qui
sera un souvenir à l'excellent Henry Becque.
Becque, à la fin de ses jours, vivait en
vieux garçon, dans un modeste appartement
de l'avenue de VilliersA et n'avait qu'une
femme de ménage pour veiller sur son sabre
logis. Il lui avait, d'ailleurs, confié depuis
longtemps le soin de son intérieur et s'en
remettait à son honnête gouvernement des
menues dépenses de la maison.
Un soir, peu avant Noëlx la vieille ser-
vante dit à son maître :
— J'espère que monsieur mettra son sou-
lier dans la cheminée, la nuit de Noël ?
Becque éclata de rire. Qu'est-ce que cette
plaisanterie ? Et qu'avait-il à attendre de ces
fantaisies enfantines? Mais la vieille ser-
vante insista. Elle insista pendant une se-
maine, jusqu'au soir de Noël, tant et si bien
que Becque, - obsédé, céda :
— J'assure monsieur, disait-elle, qu'il au-
ra, une bonne surprise 1 -
Et Becque, brave homme, céda et mit ses
souliers.
Le lendemain matin, comme il les allait
retiier, nonchalamment et sans penser à rien,
il eut, en effet, une surprise : le petit Noël
avait déposé sur ses bottes le livre des comp-
tes réglés par la vieille servante, et - que
"Becque:oubliait depuis deux moisi
—x—
Professeur en retard.
Un professeur du collège Chaptal a lu —
en manière de dictée et à la suite d'une
leçon de morale —" à des écoliers de treize
ans une page de Karl Marx où le capita-
liste est assez malmené : l'ouvrier y figure
comme la victime incessante et le martyre du
capital. Karl Marx écrit :
Le fouet du conducteur d'esclaves est rem-
placé par le livre de punitions du contre-
maître. Toutes ces punitions se changent na-
turellement en amendes et en retenues sur
le salaire, de sorte que le capitaliste profite
encore plus de la violation que de l'obser-
vation de ses lois..
Et nous ne parlons pas des conditions ma-
térielles dans lesquelles, par motif d'écono-
mie, le travail de fabrique s'accomplit : élé-
vation de la température, atmosphère viciée
et chargée de poussière de matières pre-
mières, défaut d'air, bruit assourdissant des
machines, sans compter les dangers encourus
au milieu d'un mécanisme terrible, vous en-
veloppant de tous côtés et fournissant pé-
riodiquement son bulletin d;e mutilations et
de meurtres industriels.
Des parents se sont plaints. Si le pro-
fesseur avait lu une page blâmant les abus
du syndicalisme ouvrier, d'autres parents se
seraient aussi plaints. Et les uns et les au-
tres auraient raison. Il faut noter, en tous
cas, que Karl Marx a écrit ces lignes sur le
travail'?7 y. a soixante ans, et que les rigueurs.
patronales dont il pairie sont heureusement
bien atténuées,
— x —
Pour nos étrennes. «
On est souvent embarrassé au moment des
étrennes, pour trouver le bibelot nouveau et
amusant qui comblera les vœux de l'ami .—
oy de l'amie — auquel on le destine.
Cet embarras disparaît si l'on s'adresse
à Simonet. Ne possède-t-il pas, en effet,
tout ce que l'on 'peut rêver de plus exquise-
ment parisien : objets de bureau, bijoux,
bibelots délicieusement féminins. En vérité,
Simonet a réuni, 55, avenue de l'Aima, les
étrennes les plus variées et les plus inédites
qui soient.
-x,-
Le succès du Réveillon de Noël Peters a
surpassé oe que l'ambition légitime de son
aimable organisateur avait osé souhaiter.
Pour la nuit du 31 décembre, M. Vandable
promet une fête persane qui dépassera en
splendeur celles mêmes des Mille et une
Nuits. Et les dames recevront une élégante
surprise qu'elles garderont en souvenir de
cette inoubliable fête. Par prudence, rete-
nons notre table !
La Bibliothèque des Enfants s'enrichit,
cette année, de deux nouveautés : Don Qui-
chotte de la Manche et Voyages de Gulliver,
deux jolies petites éditions de luxe, illustra-
tions en noir et en couleurs. (Prix de chaque
volume cartonné, 2 fr. E. Flammarion, édi-
teur.)
— x —
La dynamo Stéréos, très remarquée parsâ
simplicité, obtient une autorégulation abso-
lue. Elle supprime le conjoncteux disjonc-
teur en maintenant automatiquement la sé-
paration de la batterie à la dynamo. Stéréos,
18, rue Guersant.
—x —
Nouvelle à la main.
— On signale un succès grec à Coryza.
— Ce ^oit être de la publicité pour un
i remède au rhume de cerveau.
Le Diable Boiteux.
A nos lecteurs
Nous croyons utile de donner quelques
détails sur les avantages que nous offrons
à tous nos abonnés d'un an.
1° Le chèque de 34 francs. - En
échange des 34 francs que notre abonne-
ment représente, nous délivrons à chaque
abonné un chèque d'égale valeur, rem-
boursable, dans une des maisons dont
nous publierons la liste, par 34 francs
de marchandises de première nécessité
ou de luxe : lingerie, lampes électriques,
livres, horlogerie, armes, rasoirs méca-
niques, parfumerie, corsets sur mesure,
chapeaux sur commande, blouses de den-
telles, partitions de musique, bière, vin,
Champagne, etc., etc.
2° La police d'assurance de 10.000
francs contre les accidents. — En plus
du chèque remboursable, une police d'as-
surance de 10.000 francs contre les acci-
dents est délivrée gratuitement à tout
abonné, sans toutefois qu'il se trouve
engagé s'il cesse un jour son abonne-
ment.
De plus, à chaque réabonnement, sa
police est renouvelée gratuitement avec
une augmentation de 1.000 francs par
année.
Cette police d'assurance est payable
non seulement en cas de décès, mais en-
core en cas d'invalidité permanente
absolue. A notre époque, où les accidents
sont, hélas! si fréquents, cette assurance
est aussi nécessaire que l'assurance con-
tre l'incendie. Déjà de nombreux lec-
teurs, très prudents, ont contracté plu-
sieurs abonnements à Gil Blas, afin de
faire bénéficier tout leur entourage 'de
cette avantageuse assurance.
3° Le Concours du Bonheur. — Après
une victoire, ou simplement après un
succès, au Bois, dans la rue, au théâtre,
aux courses, à la Bourse, que de. fois
n'avons-nous pas envié le conquérant,
le triomphateur, la jeune femme qui pas-
sait, l'acteur applaudi par les femmes,
la comédienne dont tous les spectateurs
étaient amoureux, le propriétaire qui ga-
gnait le Grand Prix, ou le financier qui
touchait la forte somme?
Nous allons, pendant quelques semai-
nes, publier tous les jours le portrait
d'une de ces diverses personnalités en
vue. Nous demanderons à nos lecteurs
et à nos lectrices de choisir celui et
celle qui leur sembleront chacun réaliser
le bonheur le plus complet, et avec les-
quels ils voudraient changer leur sort.
D'après les réponses qui nous parvien-
dront, nous dresserons une liste idéale.
Les deux premiers prix de ce concours,
dont nous allons ces jours-ci, donner
tous les détails, seront un collier de per-
les et une automobile.
4° Le prochain roman d'Anatole
France. — Nous avons été hier rendre vi-
site à M. Anatole France. Le grand écri-
vain a bien voulu nous assurer qu'il nous
remettrait le manuscrit des Anges, le
nouveau roman si impatiemment attendu
qu'il achève en ce moment pour les lec-
teurs de Gil Blas, dans la deuxième quin-
zaine de janvier. C'est là une nouvelle
dont ses innombrables admirateurs se ré-
jouiront avec nous.,
•1 Gil Blas,
';¡
EN PASSANT,
Circulez r -
Il y a des mots, quand on im les entend
pas dans une revue, qui sont vraiment
d'une ironie charmante.
C'était hier, place de l'Opéra, vers cinq
heures et demie du soir, pour préciser.
Je ne sais quel incident banal nous avait,
rassemblés sur un refuge au milieu de la'
chaussée, une vingtaine de passants ano-
nymes et moi.
Il ne se trouvait parmi nous ni militaire,
ni petit pâtissier, mais comme il arrive sou-
vent dans ces rassemblements de hasard,,
da plupart des têtes semblaient avoir quel-
que chose de déjà rencontré : le long jeune
homme maigre qui ressemble au roi d'Es-
pagne, le gros monsieur qui a la ventri-
potence de M. Mascuraud, la petite femme
mince qui a des airs d'inquiétante Laval-
lière, celui qui a le profil de M. Lintilhac. et
celui qui a le monocle de M. Edmond Ros-
tand. et puis aussi des ouvriers maçons
et des trottins et des vieillards respecta-
bles.
Lors, un gardien de là paix vint à nous
et simplement, sans menace, je dois l'a.
vouer, il nous dit ;
— Circulez ? Aillons, circulez !
Or, S y avait autour de nous, barrage
mouvant. vingt autos-taxis, vingt fiacres
.hippoJOOlb))æ, vingt limousines, autant
d'autobus. de tri-porteoins, de bicyclette* èt * -;
de crieurs des Ieuilleq du soir.
- Circulez ! s'entêta 'doucement ragent
de police.
Alors, aux risques de nous rompre te
cou et de nous faire broyer les tibias, nous-
nous jetâmes sous la tête des chevaux, de-
vant les capots en coupe-vent des autos et
les roues boueuses des cycles vertigineux.
t Lorsque j'eus atteint, sain et sauf, le trot-
tatie, je songeai que cet honnête gardien de
la sécurité publique venait tout simplement
de nous faire voir la mort de près et j'allai
confier mon désir de vivre à M. Emile 1
Massard, conseiller municipal.
Car j'avais oui dire que cet édile compa-
tissant travaillait précisément à la résolu-
tion du oéniblc problème de la circulation
parisienne.
— Vous n'avez pasiu mon projet sur là
question ? 1
- J'ai lu.. mais je voudrais tant être
convaincu de son efficacité !
— Je vous, promets que si l'adm.iniistra.
tlon en tient oompte, on circulera dans Pa..
ris aussi facilement que dans Bruxelles
ou.
— C'est trop beau !
— Ce n'est pas tout. Je demande encore
que l'on rende plus sévère Ja délivrance
des permis de conduire, que l'on impose un
nouvel examen à tout auteur d'un accident
grave, et que l'on n'accorde le permis dû
conduire qu'au cocher ou au propriétaire
muni d'une assurance destinée à indemnK
ser les sinistres éventuels. ;
— Oui, c'est une petite consolation.
— Enfin, je voudrais quelques amendeà
ments à la loi sur la police de roulage,
afin qu'elle fût mise en concordance avec.
les exigences de la circulation actuelle.
— Bravo ! Voilà, monsieur Massard. un
projet, pavé, si j'ose dire, des plus louables
intentions. Et vous pensez qu'il entrera en
application ?.
— Je l'espère.
— Mais quand ?
— Ah ! dame, cela est une autre hi.stoore,:
comme dit Kipling. Patientons ! 1
— Il faudrait, n'est-ce pas, encore quel-
ques bons gros accidents, assez retentis-'
isa'nl-e.
— VoM ! i
Allons, les neurasthéniques hantés par là
suicide, un beau geste ! C'est pour la So-,
oiété ! - <
Emllfr Derlln.
LA DERNIERE LVIS1TE
M. Fallières
à Rambouillet
"- Ainsi, Monsieur, le président, vous
nous quittiez déjà ?
M. Eailllières manifeste un ét-onnement
sincère :
— Déjà ? fait-il. Pourquoi déjà ? Ne
trouvez-vous point que sept années de
présidence soient un suffisant effort
pour un homme politique et un suffi-
sant espoir pouir ceux qui attemdeaiti
la succession ?
— Monsieur le président, acceptez
cette confidence : « Déjà voici que nous
vous regrettons 1 » ,
— Vous êbes fort aimable, répMqua
l'honorable M. Fallières, et voilà qu.i/
m'est un véritable réconfort. Mais
pourquoi ce regret, tardif et flatteur,
que je ne comprends pas ?
Ces propos s'échangeaient dans une
allée très pâle, dénudée par .l'hiver, et
qui s'étendait comme, à iTinfmL une al-
lée triste qui conduit des tirés de -la fer-
rêt au château de Rambouillet. Ce soir,
die décembre avait la mélancolie d'un
aditeu. Ayant chassé de toute sa cons-
ciooce, M. Fallières rentrait vers la
cour oU les automobiles du retour atten-
daient, et Iks quelques tamis invités
par lui pour sa dernière chasse se te-
naient, un peu soucieux, à l'arrière. Ils
pensaient) : « Seirbns-nous des chasses
futures ? » Eux aussi, ils regrettaient
M. Fallières.
— Monsieur le président, ais-je avec
une respectueuse décision, votre départ
de la présidence est une leçon tout à
fait imprévue pour ce pays : il nous dô<
montre que nous manquons d'home
mes. Je m'explique : Vous occupez,,
durant le septennat prévu, Ja plus hau-i
te fonction de l'Etat;, on vous -œspoof.e'
pour vos vertus personnelles et von.
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