Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1895-04-23
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 avril 1895 23 avril 1895
Description : 1895/04/23 (N5635,A17). 1895/04/23 (N5635,A17).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/07/2012
DIX-SEPTIEME ANNÉE — NUMERO 5635 CJn Numéro : - Paris, - - 15 cent. — Départements, 20 cent. MARDI 23 AVRIL 1395 -
JEAN ALBIOT, Directeur
: Prix des Abonnements
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Amuser les gens qui passent, leur plaire aujourd'hui et recommencer
le lendemain. — J. JAHIN, préface de Gil Blas.
A. DUIIONT, Fondateur
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ANNONCES ET RÉCLAMES
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Ceux de nos lecteurs qui nous en
adresseront la demande recevront tout
ce qui a déjà paru de
I
le « roman impromptu » de nos col-
laborateurs PIERRE VEBER, JULES
RENARD, TRISTAN BERNARD,
GEORGES COURTELINE et GEOR-
GE AURIOL, qui obtient en ce mo-
ment un si grand succès.
Efiriipes ie Jannine
EN MARIAGE
*
VII
«En effet, madame Jannine, votre
« princesse » présumait bien en affir-
mant que ce qu'elle appelle, avec un
mépris à peine dissimulé, la c masse »
n'inonderait pas de larmes le récit de ses
peines de cœur. Il y a sur terre des
souffrances autrement intéressantes que
ces bobos sentimentaux d'une petite
pleureuse éclose dans la dentelle. Elle
fait involontairement penser, votre
princesse, à l'autre, celle qui poussait
des cris déchirants parce que, sous son
douzième matelas, s'était égarée une
fève. et qu'elle en avait la joue droite
meurtrie ! Non, je l'avoue, ces enfantil-
lages ne sauraient nous émouvoir com-
me le supplice de saint Jean-Baptiste.
Auteur de nous gémissent trop de dou-
leurs sacrées pour que nous ayons le
loisir de nous arrêter aux crises de mé-
lancolie d'une gamine gorgèe de riches-
ses et de gloire, dont la prétention va
jusqu'à vouloir — poétiquement — que
l'éternité pleure des étoiles sur ses petits
chagrins et ceux de ses pareilles. Modes-
tie, va ! Espérons que l'éternité a mieux
à faire en s'apitoyant sur le sort des
millions de pauvres filles qui cheminent
avec leur misère dans les sentiers redou-
tables du prolétariat.
» Je l'invite, votre princesse, à visiter
mon ménage, à se rendre compte par
elle-même de ce qui s'y passe. Qu'elle
assiste une heure — pas davantage ! —
à notre lutte meurtrissante pour le pain
quotidien; qu'elle daigne contempler
ma vieillesse prématurée, mes rides de
misère, les cinquante ans de mes trente
ans ; qu'elle compare la maigreur hâve
de mes gosses, qui ne mangent pas as-
sez de viande, à son anémie de fleurette
trop gâtée. Puis, sortie de chez moi,
qu'elle fasse le tour du hameau,et partout
le même tableau s'offrira à ses yeux. Si
la nuit ne lui fait pas peur, qu'elle des-
cende même dans la mine, pour tout sa-
voir. Par exemple, je la préviens loya-
lement : là, ce n'est pas la nuit des étoi-
les.C'est la nuit des damnés; on s'y voit
très près de l'enfer, dont les flammes
viennent, par caprice, nous caresser
d'un baiser que nous appelons grisou.
Et les affreux fantômes du malheur y
sont étrangement accroupis dans les
coins, en des postures douloureuses, se
taillant une croûte de pain à coups de
pioche, pour cette inappréciable joie
de vivre en voisinant avec la mort.
» Rentrée dans ses palais après cette
promenade, votre princesse se dira
peut-être que son « calvaire » n'est
qu'en miniature, comparé a eelui des
travailleuses, et que le songe qui lui fait
verser tant de larmes et d'encre ne
vaut pas,en tristesse, le cauchemar que
nous vivons.
» Mais je ne la verrai pas : elle ne
viendra pas, votre princesse ! Et pour
cause ! Par dégoût, les satins ne se
frottent pas aux bures. Par égoïsme, le
luxe répugne à traverser les rangs de
la pauvreté.Même pour les âmes sèches,
ce contraste est penible. Elle ne vien-
dra pas, votre princesse! Or, puisque je
veux qu'elle sache, je l'engage à se
faire communiqner par ses « chères
confidentes » cette définition du che-
min de croix intitulée Germinal et à
bien lire ces pages rouges et noires, à
bien étudier cette statue sociale pétrie
de houille et de sang. Elle y décou-
vrira que, si le mariage est pour les
reines une obligation odieuse, il est sur-
tout pour les Maheudes une mission d'â-
pôtre.
» Douloureuse maternité, sous le joug
du besoin ; prise désespérée avec le tra-
vail féroce qui nous écrase,mutilées ; pri-
vations dissimulées pour le mâle et les
petits, dont le ventre crie ; crevaison fi-
nale, quand on est à bout de souffle,
comme les chevaux aveugles qui, dans
nos puits, tirent d'ahan les berlines jus-
qu'au faux pasgiont ils ne se relèvent
plus : voilà ce qu'est pour nous le ma-
riage, madame voilà ce qu'est le ma-
riage pour les Maheude. Heureuses en-
core quand leur peau n'est pas sympa-
thique à celle du porion, heureuses
encore quand, de cette peau, elles ne
font pas une cuirasse a l'émeute.
» Et cependant elles ne se plaignent
pas, les Maheudes ! Remarquez-le bien,
madame, je ne vous écris pas pour pro-
tester contre mon sort, je ne me pré-
sente point en insurgée ; au contraire !
A allaiter mon dernier né, à batailler
avec les salaires insuffisants, à ravauder
nos hardes, à graisser les tartines — s'il
en reste dans la huche ! — à tout cela
je m'absorbe trop pour pouvoir rêver le
futur : je ne veux, je ne puis voir que le
présent, et pas plus loin que le bout de
mon nez. Au fond,n'est-ce pas aussi sain,
sinon davantage, que les conversations
distinguées de vos jeunes-mariées, dé-
couragées, bourgeoises, courtisanes ,
jeunes filles et autres princesses de mê-
me acabit ? Or-et c'est là que je voulais
en venir — ce qui me paraît actuelle-
ment le plus clair, c'est que, si mon
homme ne m'avait pas, il serait plus
malheureux encore ; c'est que les mio-
ches seraient nés, sans doute, comme
des petits chieng, au tournant d'une
galerie, entre deux wagonnets, et qu'ils
n'auraient pas eu de père devant la loi.
Quand à l'un et aux autres je partage
la dernière croûte, en ayant l'air, pour
ne pas les peiner, d'avoir gardé mon
chiffon (alors qu'en vérité j'attendrai la
paip du soir pour manger) — quand j'ai
fait cela, je ne puis m'empêcher de pen-
ser que je suis atile à quelque chose et
qu'ils ont rudement de la chance de
m'avoir, le vieux et les marmots !.. Et,
loin de me lamenter, je suis heureuse à
ces moments-là.
» Voyez-vous, madame, il me semble,
à moi, que le mariage est un sacrifice,
et que le bon Dieu nous a faites pour
nous sacrifier: Que, par conséquent, le
mariage est louable et nécessaire. Même
les égoïstes devraient s'en réjouir,puis-
que (M. le curé le disait encore hier, di-
manche) toutes les misères et les souf-
frances nous sont comptées Là-Haut !
» Voilà mon avis tout franc. Ce n'est
que celui d'une pauvre femme sans
grand savoir. Mais, c'est égal, au lieu de
perdre leur temps en belles phrases, les
princesses ne feraient peut-être pas mal
de le mèditer tout de même.
» UNE OUVRIÈRE. »
VIII
.à7ïOTTw', w yepaiè, {iajOov.
EURIPIDE: Iphigénie en Aulide.
« Madame,
w C'est au nom des Emancipatrices,
au nom de toutes Celles qui osèrent en-
treprendre cette noble et périlleuse tâ-
che : la défense de Nos droits, la reven-
dication de Nos titres, l'épique lutte
pour Notre triomphe sur le sexe maadit;
c'est au nom de ces Saintes qui mar-
chent d'un pas héroïque et redoutable
vers les horizons resplendissants de la
Science et de la Liberté ; c'est au nom
des Apôtres de la grande Cause sacrée
que Je viens jeter quelques pensées
lumineuses dans le débat que vous avez
soulevé.
» Je serai brève, mais concluante.
» Le mariage est un temple désigné à
l'abandon : déjà,sous les coups formida-
bles de la Pioche féministe, il ouvre des
brèches énormes, qui signalent l'écrou-
lement prochain.
» Les causes de cette nécessaire dé-
molition sont des plus simples; elles se
résument naturellement par les élé-
ments de eet apophtegme : le mariage,
dans son principe, se base sur ce vice
hybride et contre nature, cette petite
malpropreté pratiquée entre insensés
de sexes différents que les encyclopé-
dies spécialisent sous le terme géneri-
que amour.
- » Or l'amour, c'est la distinction des
sexes, alors que Nous en exigeons l'uni-
fication ; l'amour, c'est fatalement la
transmission perpétuelle à la Race de
ce faux principe des prétendues dif-
férences entre l'homme et la Fem-
me et la rélégation inique de Celle-
ci dans le domaine de ce que les
profanes appellent ses « attributs dis-
tinctifs » ; l'amour, enfin, c'est l'ennemi,
celui que Nous devons combattre à ou-
trance, parce qu'il contrecarre, par sa
funeste suggestion, Nos plus chères
Doctrines. Anathème ! anathème !
» Donc, puisque l'amour est condam-
nable, le Mariage, qui repose sur l'a-
mour, est condamnable. Voilà pourquoi
à ce spectre antique qui persiste à Nous
ânonner ses sentences vermoulues Nous
jetons avec mépris l'imprécation d'Euri-
pide : « 0 vieillard ! tes paroleslne font
» horreur !.»I1 me semble que c'est lim-
pide et que cela clôt toute discussion.
Multa paucis. - - -
» Je renvoie les hérétiques à mes ou-
vrages célèbres : 1° Des mortifications
salutaires ; 2° Plus de sexes : un sexe 1
3° Sine muliere nihill 4° La Femme au
Parlement, et rien qu'au Parlement;
5° Sur la calvitie masculine, ou le déve-
loppement gradué des lobes cérébraux
selon la fécondité pileuse, et cœtera et
coetera.
» Je renvoie aussi les mêmes incré-
dules aux deux cent vingt et une confé-
rences que J'ai ea l'honneur de dévelop-
per en province et à l'étranger.
» Bien persuadée que tout le monde
sera de Mon Avis, Je vous quitte, ma-
dame,sur ce cri de guerre : « En avant !
» Fiat lux ! »
» UNE ÉMANCIPATRICE.
» Officier d'académie, docteur ès-
lettres, membre de la Faculté de
Mortagnes-sur-Huynes, de la Li-
gue contre les voluptés, etc., etc.»
Conformément :
.• JANNINE
(Rsprodfteiion interdite.)
———————————— ———————————-.
ECHOS
AUJ'OURD'HUI
A deux heures, courses à Vincennes.
Pronostics da Git Blas :
Prix det Fort: Excepté, La Bocca.
Prix de Bondy : Rosalinde, Rio Tinto.
Prix de Saint-Mandè : Néerlandaise, Vi-
goureux.
Prix du Terrier : Marionnette, Effendi.
Prix de Charenionneau, : Le Stagirite,
Voilier.
La comtesse de Hults, fille du duc et de
la duchesse de Bellune, vient de mettre
au monde une petite fille qui porte le gra-
cieux nom d'Odette.
Le grand altiste Jean Bérand n'exposera
pas, cette année, au Salon du Champ de
Mars, n'ayant pu terminer à temps la
grande toile à laquelle il travaille et qu'il
exposera seulement l'an prochain.
C'est de Bordeaux que nous vient au-
jourd'hui le bruit du jour. On ne parle
que de cela sur les allées de Tourny et sur
le cours du Jardin public. Cependant, la
chose n'est pas extraordinaire; vous l'allez
voir.
Si j'en crois l'amie qui m'écrit, il serait
arrivé une aventure assez bizarre à cette
aimable mademoiselle de X. Il paraît que
cette belle fille, qui a vu le jour à Méri-
gnac, fait dire par ses amis des boulevards
qu'elle est atteinte d'une maladie ner-
veuse dont elle souffre beaucoup et dont
elle ne peut se guérir que par un séjour
prolongé dans les environs de Paris. En
réalité, chacun sait dans la société des
Chartrons que la pauvre chère adorée est
atteinte d'un mal infiniment plus. inté-
ressant.
L'auteur du méfait, qui figure dans la
noblesse du Saint-Empire, n'a pas aban-
donné la belle malade, car il est en ce mo-
ment près d'elle à Paris ; on les rencontre
souvent ensemble au théâtre, aux courses,
au Bois.
Il fait tout ce qu'il peut pour consoler sa
bien-aimée; mais, malheureusement, il ne
peut pas réparer le mal.
Avant-hier,on a célébré le mariage de ma-
demoisellt: Louise Mézières, fille deM.Mé-
zières, de l'Académie française, avec M.
Duplaquet, inspecteur adjoint des forêts,
fils de M. et madame Duplaquet-Cauvin
et arrière-neveu des deux Duplaquet, qui
représentaient le tiers et le clergé de
l'Aquitaine à l'Assemblée constituante.
Les témoins du marié étaient MM.Henri
Duplaquet, son frère, et Emile-Frédéric
Hugues, industriel à Saint-Quentin, che-
valier de la Légion d'honneur, son cousin
germain ; ceux de la mariée, ses oncles,
MM. Charles et Félix Lardenoix, conseil-
lers à la cour de cassation et frères de la
regrettée madame Mézières.
La mariée, ravissante dans sa toilette de
satin ivoire à longue traîne, le corsage re-
couvert de mousseline de soie ivoire. Une
des plus jolies toilettes était portée par la
charmante madame François Hugues, fem-
me du distingué député et maire de Saint-
Quentin. Le marié portait son uniforme
d'inspecteur des forêts.
Les notabilités de tous les mondes pari-
siens étaient venus féliciter les jeunes
époux.
Médaillon :
COMTESSE VANDA VAN DER MEERE
Polonaise comme les de Reszké, belge
par son mariage avec le comte van der
Meere. Porte simplement mais fièrement
son double blason, sa double noblesse de
grande dame et d'artiste. Blonde comme
les blés, avec une chevelure que lui eût
jalousée la marquise de Parabère. Très
fine et très élégante ; masque expressif,
troué de deux yeux pers, aux reflets énig-
matiques et changeants. Voix chaude —
or, perles et cristal — puisant à plein go-
sier les trésors d'un écrin dont les maîtres
ciseleurs s'appellent Chopin, Gounod,
Massé, Rossini, Meyerbeer, Saint-Saëns,
etc.; se joue des difficultés mélodiques
avec un charme et une audace qui conquiè-
rent ; brode d'exquises vocalises les den-
telles musicales les plus compliquées.
Elève de Pauline Viardot et de J.-B. Lam-
perti. S'est fait applaudir par les cours
royales de Stuttgart, Copenhague, etc.;
très fêtée, très choyée dans les salons pa-
risiens.
Une de nos plus jolies lectrices a perdu,
hier, avenue du Bois-de-Boulogne, une
glace en or, avec chiffre S. de C. en dia-
mants.
Prière de le rapporter au Diable boiteux,
contre récompense.
Vendredi prochain, grande matinée mu-
sicale chez la princesse de Montholon-Sé-
ville.
Ce soir, grand dîner de gala chez ma-
dame la baronne Caruel de Saint-Martin,
dans son hôtel de l'avenue Hoche, en
l'honneur de la reine de Serbie. Les cartes
adressées aux invités de ce dîner portent,
à la manière anglaise,la mention « Pour se
rencontrer avec S. M. la reine Nathalie ».
Passé une heure, hier, à l'Olympia. Une
joyeuse bande de gardenias s'y était ren-
due avec un lot de fort jolies filles en tête
duquel on remarquait la belle et opulente
Marthe Villermot.
Tout ce monde s'est amusé aux joyeuses
chansons de la troupe russe, qui continue
à faire courir tout Paris.
Une bande de joyeux modèles n'a pas
tardé à fraterniser avec le Royal-Meilhac,
et l'on est gaiement retourné souper dans
un cabaret des boulevards.
Les régates de Toulon ont été très bril-
lantes et très réussies. Voici les résultats
de la première journée :
ier départ: 68,7e et 8e séries réunies(yachts
au-dessus de 10 tonneaux). — ier prix, Bé-
belle ; 2e prix, Cygne; 3e prix, Dauphin.
2e départ: y série. — Ier prix, Rolla III;
2e prix, Luciole II; 3 e prix, Saint-Martial.
y départ : 48 série. — ilr prix, Léda; 211
prix, Loto; 3e prix, Fleur-de-Lys.
4" départ : 3e série. — ier prix, Myrta;
2e prix, Papillon ; 3e prix, Coccinelle.
5e départ: 2e série. — Ier prix, ChÙllelle;
2e prix, Libellule ; 30 prix, Balancine.
6e départ: 1" série, — Ier prix, Rosette ;
28 prix, Olga ; 3e prix, Bébé.
Le torpilleur ioot commandé par M. le
lieutenant de vaisseau Boucheron de Bois-
soudy, avait été mis par la préfecture ma-
ritime à la disposition du comité, était
chargé du départ et de la police.
Vénerie:
Rallye-Char nie. — Cinq brocards sur
cinq attaques 1 Déplacement de l'équipage
Rallye-Charnie en forêt du Pertre.
Invité fort aimablement parle vicomte
du Bot à prendre trois brocards en forêt
du Pertre, le comte de Montferré décou-
plait successivement les 27 et 30 mars et
le 2 avril et prenait, malgré le mauvais
temps et le grand nombre d'animaux, ses
trois brocards. A cette nouvelle, M. du
Bot, veneur passionné lui aussi, s'empres-
sait d'en offrir deux autres à l'excellent
équipage, qui,le 5 et le 8 avril, après deux
chasses fort difficiles à cause de la grande
chaleur, sonnait l'hallali sur un grand bro-
card et sur un daguet.
Ont suivi ces brillants laisser-courre :
comtesse de Monferré, marquise de Vir-
ville, madame Gerbault, mademoiselle
Luce, comte de Montferré, marquis deVir-
ville, de Chalais, marquis de Causans, vi-
comte de Hercé, vicomte de la Barre, MM.
Gerbault, Aubry, Toutain, etc.
Les honneure à madame Gerbault, au
marquis de Causans et vicomte de Hercé.
L'équipage va prendre ses quartiers
d'été au chenil de Vieille-Loge, en forêt
de Laval, après avoir sonné cette saison
trente-trois hallalis et avoir terminé par
une magnifique série de vingt et une pri-
ses sur vingt-cinq découplée. -
M. Jean Cruppi, avocat général, vient
de publier un volume : Un Avocat journa-
liste au XVIIIe siècle : Linguet. Le talent
d'écrivain et de critique sous lequel s'est
révélé M. Cruppi lui donne une place sé-
rieuse parmi les littérateurs.
Pour se reposer de ce grand traniJ,
avec sa charmante fillette de 10 ans il
vient de faire un voyage à pied de Paris à
Château-Thierry en trois jours. C'est ma-
demoiselle Cruppi qui détient en ce mo-
ment le record des fillettes pour les voya-
ges à pied.
Le titre de l'opéra comique dont ma-
dame la duchesse d'Uzès a fait le livret et
qui sera donné, le 2 mai, chez madame la
marquise de Saint-Paul vient d'être
changé : ce n'est plus la Sourde, mais bien
Germaine. Changement aussi dans l'inter-
prétation : c'est à présent mademoiselle
Ganne, élève du Conservatoire, qui renv
placera mademoiselle Rose Delaunay.
NOUVELLES A LA MAIN - -,
Madame Perpignan se lamente sur le
sort de sa mère, qui est devenue aveugle
depuis quelques mois.
- Je ne vous comprends pas ! s'écrie le
mari, impatienté. La cécité a, sans aucun
doute,des inconvénients ; mais une grande
consolation est réservée à votre mère :
elle ne se verra pas mourir.
LE DIABLE BOITEUX»
LA
JALOUSIE DES iTOILES
PAR
JULES BOIS
Il y a trois ans, en ce même mois d'a-
vril, j'allais retrouver celle qui m'ai-
mait, dans le golfe odorant où la Médi-
terranée s'étire, chatte immense. Le
crépuscule noyait déjà les cimes nei-
geuses des Alpes et faisait plus sombre
encore sa noire chevelure sous les pins.
Derrière nous, l'hôtel s'amassait sous le
ciel comme les larges épaules d'un fan-
tôme sans tête, et tous deux,devenus les
enfants des divines minutes d'incon-
science, nous descendions vers la mer
pour fiair les Anglaises au chapeau de
paille en parasol sur le tour de leur che-
velure, pour écouter, seuls, le rythme
fraternel des vagues, aussi tourmenté
que celui de - notre sang.
- Ce soir-là, mon amie ne m'était ja-
mais apparue aussi mystérieuse. Dans la
nuit commençante, sous la voilette
épaisse aux fleurs de deuil, le cou et les
épaules noyés par l'écume noire de son
écharpe en dentelle, elle m'effrayait
presque, car elle ne parlait plus ! Nous
atteignîmes la terrasse qui surplombe
les flots, et, Hi, sans daigner se préoccu-
per de moi, elle posa son menton têtu
dans ses paumes fiévreuses et regarda
devant elle J'électrique et lourde im-
mensité.
Les étoiles s'étaient levées sur la terre
et dans le ciel. Les petites maisons du
goife allumaient leurs fenêtres; des vil-
las de fête luisaient comme des constel-
lations, de pauvres gîtes rappelaient des
planètes abandonnées; là-haut, dans la
muette solitude de ce firmament méri-
dional, plus profond que tous les autres,
des chaumières aussi semblaient veiller,
des palais aux vitres vertes ou jaunes,
des églises aux vitraux presque mou-
rants. Mon amie se réjouissait infini-
ment de cette illumination taeiturne; elle
épousait des yeux les astres de la terre
et les fenêtres du ciel.
« Vois-tu, me dit-elle, il n'y a de beau
que ce qui est loin et brille dans l'in-
connu. Je suis amoureuse des petites
Feuilleton du GEL liLAS
DU 23 AVRIL t85Ja
13 I I
XIII
— Suite —
MARTHE ET LE MOHICAN
Le mélange des races s'opéra. La
femme de X. et le dernier des Mohi-
cans montèrent au ciel. Mais l'homme
était plus prompt. Il était déjà tombé du
sommst que Marthe se trouvait encore
au milieu de l'échelle.
Bien que meurtri de sa chute et dés-
enchanté, il continuait à sourire coin-
plaisamment et, par politesse, laissait
encore allumé, passé l'extinction des
feux de son âme, le feu de ses regards.
Une petite odeur de transpiration, qui
l'avait enfiévré tout à l'heure chez sa
.maîtresse, l'impressionna maintenant
désagréablement. Marthe, gisant à ses
côtés, lui parut énorme, encombrante,
échouée sur une grève d'où la mer de
ses désirs venait de se retirer.
Il lui tapotait la joue d'une main dis-
traite et persistait à répéter mécanique-
ment: « Je t'aime, je t'aime »,comme un
coucou dit : « Coucou ! coucou!»
Soudain, la porte s'ouvrit, et X.r li-
vide, apparue dans l'embrasure
Il tenait à la main un revolver, et s'é-
cria, d'une voix entrecoupée :
— C'est. c'est indigne. c'est. c'est
odieux. L'Aiguille !. Toi ! Un vieil
ami.toi que j'aimais. Ah! c'est mal !.
D'ailleurs, je vais te tuer comme un
chien ! Quant à la misérable, hurla-t-
il avec ftlrear, je la chasse. entendez-
vous ? je la chasse !
Puis il ajouta, d'un ton calme :
-Voilà ce qu'aurait dit un mari d'il y
a vingt ans. Mais, aujourd'hui, les idées
sont bien changées. Le vent est à l'in-
dulgence conjugale, et le cocuage se
soigne par le mépris. Entre nous, mon
vieux l'Aiguille, c'est à la vie, à la
mort. Oui, expliqua-t-il, qu'est-ce qui
peut gâter une vieille amitié? C'est
qu'un des amis fasse la blague de sé-
duire la femme de l'autre. Tu as
séduit ma femme, et je sens que ma
sympathie pour toi n'est altérée en
rien. Il y a de fortes chances pour
que rien ne vienne la gâter désormais.
Uarde-toi cependant, ajouta-t-il, de
choisir, à table, dans le plat de poulet, le
morceau que je préfère ou de prendre
mon dernier cigare quand les bureaux
de tabac sont fermés.
Marthe s'était retirée discrètement
pour aller préparer l'omelette et mettre
le beefsteak sur le feu.
— Et voilà, dit placidement X.,
comme ces cas embarrassants se résol-
vent, en l'an de grâce 1895, entre hom-
mes civilisés. Jusqu'en 1915 sans doute,
le revolver conjugal sera un instrument
démodé. Le chiffre de la mortalité res-
tera le même, tout en changeant de ru-
brique, car les maladies secrètes se
propageront avec plus de facilité.
Puis, en 1915 ou en 1920, quelqu'un,
fouillant dans les lieux communs hors
d'usage pour y trouver un paradoxe,
sortira cette vérité repeinte à neuf qu'il
est bon d'avoir une femme à soi tout seul
et qu'il faut donner carrière à son libre
instinct de possession. Alors on retour-
nera chez les armuriers.
— Je dois avoir l'air un peu bête, fit
observer l'amant.
— C'est bien ton tour, dit le mari. Ce
qui me gène désormais, c'est que, si tu
deviens riche, la crainte de passer à tes
yeux pour un sale monsieur m'empê-
chera d'accepter tes libéraiités.
— Allons, allons, dit l'Aiguille, nous
ne sommes pas des gens comme les au-
tres.
— C'est ce Que, comme tous les cama-
rades, je finirai sans doute par me dire,
dit X.
Et le Mohican sentit que, dans sa
chasse à l'héritage, il avait désormais
un allié solide. ---
XIV
MESDEMOISELLES DE BUTHENBLANT
Bien qu'il errât à l'aventure, ainsi
qu'un chien perdu, dans les rues de Pa-
ris, et qu'il passât pour tout à fait loufo-
que en certains milieux, le vidame de
Buthenblant appartenait à la société la
plus aristocratique. Il possédait de vas-
tes héritages dans le Berri, et toutes ses
extravagances ne l'empêchaient pas de
gérer sa fortune avec le soin le plus mé-
ticuleux. On pouvait lui tirer ses che-
veux blancs, lui donner des soufflets et
l'accabler d'injures; mais il était radica-
lement impossible de le taper de cent
sous.
L'origine de la fortune des Buthen-
blant remonte à Françoise-Artémie-Ma-
rie de Buthenblant, qui fut remarquée
par Henri IV, et à Fabien-Jean-Anieet
de Buthenblant, qui fut distingué par
Henri III.
Resté seul, après la disparition de sa
femme, avec deux petites filles de dix à
onze ans, Louis-Enogat-Norbert de Bu-
thenblant fut d'abord assez embarrassé,
car il n'avait pas d'idées arrêtées sur
l'éducation des demoiselles. Il finit par
essayer de deux systèmes différents.
Tandis que son aînée, Odette, menait la
vie la plus libre, sortant le soir à sa
guise, ayant la clef de la maison et
celle de la bibliothèque, où s.'entassaient
pêle-mêle des traités de médecine et les
ouvrages les plus licencieux, Odyle, la
cadette, claquemurée en an couvent, ré-
duite aux romans d'André Theuriet et
de madame Gréville, ne voyait jamais
sa sœur et ne sortait qu'accompagnée
d'une austère gouvernante.
Le résultat de ces éducations aussi di-
verses ne se fit pas attendre. Presque
en même temps, vers leur seizième
année, Odette et Odyle accouchèrent de
deux petits garçons.
Ce double incident acheva d'éclairer
le vidame. Les deux séducteurs,. après
avoir pris des renseignements sur la for-
tune des HRthenblallt, se présentèrent
successivement chez l'heureux grand-
père, dans l'intention avouée de répa-
rer. Le vidame les reconduisit jusqu'à
la porte avec son fouet de chassa
Puis il dit à ses filles ;
— Vous avez souffert. Vous voyez
ce qu'il en coûte de s'amuser im-
! prudemment. Soyez désormais libres
toutes deux et" n'attachez pas aux
rapprochements sexuels une importance
tragique qu'il n'est plus de mode de leur
accorder. Vous êtes jeunes, vous êtes
jolies, vous avez maintenant de l'expé-
rience. Faites bien attention seulement.
Ma fortune n'est pas inépuisable. Un
moment d'oubli se paie par de longs
mois de nourrice.
La blonde Odette et la blonde Odyle
ne se le firent pas dire deux fois. Elles
étaient bien jolies toutes les deux. Le
visage d'Odette était doux et candide,
car elle avait toujours vécu librement,
acceptant la vie comme elle s'offrait,
sans chercher à savoir trop de choses.
Le visage d'Odyle, sous la dure con-
trainte du couvent, avait pris un air
charmant d'obstination têtue. Ses yeux
gris étaient moins à fleur de vie que
ceux d'Odette: ils paraissaient plus ren-
fermés sous ses sourcils défiants, et son
petit menton revêche semblait bien dé-
cidé au combat. ,
Leur maternité précoce leur avait
élargi les hanches, et l'œil s'éjouissait
au contour de leur corsage loyal, que
leurs jeunes formes suffisaient à remplir.
Peu à peu, le vieux Buthenblant les
laissa de plus en plus libres, car sa ma-
nie prenait une tournure assez grave.(On
a beau dire : il ne jouit pas de toutes ses
facultés, l'homme, si vénérable soit-il,
qui se refuse à manger de la viande de
conserve sous prétexte que ce sont en-
core
Les restes refroidis du funèbre repas
que jadis Atrée offrit à Thyeste).
Pour être issues d'une lignée d'ancê-
ties particulièrement vicieux, Odette et
Odyle avaient dans l'âme une curiosité
toujours en éveil, un besoia éperdu de
variété dans la vie. Elles s'amusaient
aux plaisirs spéciaux de leur monde,
mais elles en souhaitaient d'autres en-
core.
Leur grande joie était de s'en al-
ler toutes seules aux courses, sur
la pelouse, où elles jouaient chacune
cinquante sous au pari mutuel. Elles
s'étaient acheté pour ces expéditions
des chapeaux à 9 francs 90, des vestes
trop courtes en drap marron, bordées
d'une ganse noire. Elles montaient dans
les tapissières et, bonnes filles, lais-
saient les genoux voisins fraterniser —
non sans intentions borgiesques — avec
les leurs.
Ce jeudi d'avril, il y avait des courses
au bois de Boulogne. Odette et Odyle,
coiffées en chien fou,avaient quitté leur
hôtel de l'avenue Kleber et attendaient
sur le trottoir de l'avenue Victor-Hugo
ces longues voitures (Clichy-Pigalle-
Anvers 1) qui vont du boulevard Roche-
chouart aux tribunes de Longchamp.
Plusieurs de ces voitures passèrent,
au trot de leurs cinq chevaux, bondées
de voyageurs, insolentes comme tous les
omnibas complets. Enfin, dans une ta-
pissière en forme de char-à-bancs dé-
couvert, des places vacantes se devinè-
rent de loin, au cri de racolage que
poussait le conducteur : « Les cô-ourses!
v'là pour les coûrses 1 »
Odette et Odyle,se hissant sur les dif-
ficiles marche-pied,s'y installèrent dans
un des compartiments, où restaient en-
core deux places libres. Puis, au grand
contentement des voyageurs, la voiture
étant au complet, le conducteur poussa
un joyeux « Allez ! roulez ! » L'attelage,
enlevé d'un coup de fouet, poursuivit sa
route à toute allure. Et un chapeau
haut de forme déclara d'un air satisfait
qu'on arriverait « pour la première ».
Les deux jeunes filles examinèrent
leurs voisins. Le plus absorbant, le plus
autoritaire était un gros homme à mous-
tache rousse, qui se déclara le plus in-
time ami du jockey Dodge. Il y a ainsi
dans chaque voiture de course le plus
intime ami, le dépositaire unique des
secrets du jockey èn renom.
Auprès de l'ami de Dodge, écoutant
ses paroles avec docilité, un jeune hom-
me de dix-huit ans, mal vêtu et mal
nourri, ouvrait une bouche de brochet
affamé entre deux joues pâles qui s'ef-
filochaient en poils blonds. Et, à côté,
un vieil homme tendait une face rasée
et meurtrie, où la Destinée semblait s'ê-
tre fait les poings.
Sur l'autre banquette, où était as-
sise Odyle, les deux sœurs remarquè-
rent un personnage assez bizarre, à la
figure exotique, aux pommettes saillan-
tes, au teint marron clair. Il avait pour
voisins un monsieur à favoris et une
dame jeune encore, dont les cheveux
étaient teints en blond.
— Saint-Fidèle, hasarda le jeune bro-
chet affamé, a fait dimanche dernier
une bien belle course, n'est-ce pas ?
— OUI, aquiesça avec condescendance
l'ami de Dodge, oui, la bête est bonne,
Mais ils ont meilleur que ça dans la mai-
son.
— Ah ! dit le brochet.
— Ils ont un poulain qu'ils n'ont pas
encore sorti, affirma l'ami de Dodge,
et qu'ils ne sortiront, ajouta-t-il d'un
ton mystérieux, que lorsque le moment
sera venu. Ce poulain-là rend douze li-
vres à Saint-Fidèle et le bat les mains
dans ses poches.
— Et que pensez-vous de Fdipo Lip..
pi ? risqua encore le brochet.
- J'ai touché ça, dit l'ami de Dodge.
J'avais le tuyau depuis quinze jours.
A ce moment, le vieil homme meurtri
sortit de sa torpeur et dit d'un ton sen-
tencieux :
- Faut djoë li tchivol di missi Djék-
minn. Bonn. Bonn tchivol.
— Entends-tu ? dit Odette à Odyle, il
faut jouer le cheval de M. Jacquemin.
— Est-ce que nous rentrerons drner
chez nous ? demanda Odette.
-Mais oui, dit Odyle, puisque Bigor-
neau vient à la maison.
A ce nom de Bigorneau, l'homme an
visage exotique, le monsieur à favoris
et la dame aux cheveux teints tournè-
rent brusquement la tête à droite, da
côté d'Odile, comme trois disques ai-
guillés simultanément dans la direction
de la voie libre.
— Je ne t'ai pas dit, continua Odyle,
que Bigorneau était venu après déjeu-
ner, pendant que tu t'habillais. Il nous
amènera ce soir Maubeek, le journaliste.
Figure-toi que Maubeck a hérité de qua-
torze millions d'un parent à lui, un vieil
Indien d'Amérique, un nommé Dela-
warre.
Ce nom fut le signal d'une nouvelle
manœuvre d'aiguillage. La dame aux
cheveux teints regarda vivement l'hom-
me rouge, qui regarda l'homme aux fa.
voris.
Puis le Mohican se pencha vers X. et
vers Marthe :
— Bonne idée que j'ai eue de vous
emmener aux courses. Il s'agit mainte-
nant de ne pas perdre de vue ces deux
petites garces-là.
TRISTAN BERNARD
(La suite à demain, par GEORGEi
COURTELINE.)
♦ ■'
JEAN ALBIOT, Directeur
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le « roman impromptu » de nos col-
laborateurs PIERRE VEBER, JULES
RENARD, TRISTAN BERNARD,
GEORGES COURTELINE et GEOR-
GE AURIOL, qui obtient en ce mo-
ment un si grand succès.
Efiriipes ie Jannine
EN MARIAGE
*
VII
«En effet, madame Jannine, votre
« princesse » présumait bien en affir-
mant que ce qu'elle appelle, avec un
mépris à peine dissimulé, la c masse »
n'inonderait pas de larmes le récit de ses
peines de cœur. Il y a sur terre des
souffrances autrement intéressantes que
ces bobos sentimentaux d'une petite
pleureuse éclose dans la dentelle. Elle
fait involontairement penser, votre
princesse, à l'autre, celle qui poussait
des cris déchirants parce que, sous son
douzième matelas, s'était égarée une
fève. et qu'elle en avait la joue droite
meurtrie ! Non, je l'avoue, ces enfantil-
lages ne sauraient nous émouvoir com-
me le supplice de saint Jean-Baptiste.
Auteur de nous gémissent trop de dou-
leurs sacrées pour que nous ayons le
loisir de nous arrêter aux crises de mé-
lancolie d'une gamine gorgèe de riches-
ses et de gloire, dont la prétention va
jusqu'à vouloir — poétiquement — que
l'éternité pleure des étoiles sur ses petits
chagrins et ceux de ses pareilles. Modes-
tie, va ! Espérons que l'éternité a mieux
à faire en s'apitoyant sur le sort des
millions de pauvres filles qui cheminent
avec leur misère dans les sentiers redou-
tables du prolétariat.
» Je l'invite, votre princesse, à visiter
mon ménage, à se rendre compte par
elle-même de ce qui s'y passe. Qu'elle
assiste une heure — pas davantage ! —
à notre lutte meurtrissante pour le pain
quotidien; qu'elle daigne contempler
ma vieillesse prématurée, mes rides de
misère, les cinquante ans de mes trente
ans ; qu'elle compare la maigreur hâve
de mes gosses, qui ne mangent pas as-
sez de viande, à son anémie de fleurette
trop gâtée. Puis, sortie de chez moi,
qu'elle fasse le tour du hameau,et partout
le même tableau s'offrira à ses yeux. Si
la nuit ne lui fait pas peur, qu'elle des-
cende même dans la mine, pour tout sa-
voir. Par exemple, je la préviens loya-
lement : là, ce n'est pas la nuit des étoi-
les.C'est la nuit des damnés; on s'y voit
très près de l'enfer, dont les flammes
viennent, par caprice, nous caresser
d'un baiser que nous appelons grisou.
Et les affreux fantômes du malheur y
sont étrangement accroupis dans les
coins, en des postures douloureuses, se
taillant une croûte de pain à coups de
pioche, pour cette inappréciable joie
de vivre en voisinant avec la mort.
» Rentrée dans ses palais après cette
promenade, votre princesse se dira
peut-être que son « calvaire » n'est
qu'en miniature, comparé a eelui des
travailleuses, et que le songe qui lui fait
verser tant de larmes et d'encre ne
vaut pas,en tristesse, le cauchemar que
nous vivons.
» Mais je ne la verrai pas : elle ne
viendra pas, votre princesse ! Et pour
cause ! Par dégoût, les satins ne se
frottent pas aux bures. Par égoïsme, le
luxe répugne à traverser les rangs de
la pauvreté.Même pour les âmes sèches,
ce contraste est penible. Elle ne vien-
dra pas, votre princesse! Or, puisque je
veux qu'elle sache, je l'engage à se
faire communiqner par ses « chères
confidentes » cette définition du che-
min de croix intitulée Germinal et à
bien lire ces pages rouges et noires, à
bien étudier cette statue sociale pétrie
de houille et de sang. Elle y décou-
vrira que, si le mariage est pour les
reines une obligation odieuse, il est sur-
tout pour les Maheudes une mission d'â-
pôtre.
» Douloureuse maternité, sous le joug
du besoin ; prise désespérée avec le tra-
vail féroce qui nous écrase,mutilées ; pri-
vations dissimulées pour le mâle et les
petits, dont le ventre crie ; crevaison fi-
nale, quand on est à bout de souffle,
comme les chevaux aveugles qui, dans
nos puits, tirent d'ahan les berlines jus-
qu'au faux pasgiont ils ne se relèvent
plus : voilà ce qu'est pour nous le ma-
riage, madame voilà ce qu'est le ma-
riage pour les Maheude. Heureuses en-
core quand leur peau n'est pas sympa-
thique à celle du porion, heureuses
encore quand, de cette peau, elles ne
font pas une cuirasse a l'émeute.
» Et cependant elles ne se plaignent
pas, les Maheudes ! Remarquez-le bien,
madame, je ne vous écris pas pour pro-
tester contre mon sort, je ne me pré-
sente point en insurgée ; au contraire !
A allaiter mon dernier né, à batailler
avec les salaires insuffisants, à ravauder
nos hardes, à graisser les tartines — s'il
en reste dans la huche ! — à tout cela
je m'absorbe trop pour pouvoir rêver le
futur : je ne veux, je ne puis voir que le
présent, et pas plus loin que le bout de
mon nez. Au fond,n'est-ce pas aussi sain,
sinon davantage, que les conversations
distinguées de vos jeunes-mariées, dé-
couragées, bourgeoises, courtisanes ,
jeunes filles et autres princesses de mê-
me acabit ? Or-et c'est là que je voulais
en venir — ce qui me paraît actuelle-
ment le plus clair, c'est que, si mon
homme ne m'avait pas, il serait plus
malheureux encore ; c'est que les mio-
ches seraient nés, sans doute, comme
des petits chieng, au tournant d'une
galerie, entre deux wagonnets, et qu'ils
n'auraient pas eu de père devant la loi.
Quand à l'un et aux autres je partage
la dernière croûte, en ayant l'air, pour
ne pas les peiner, d'avoir gardé mon
chiffon (alors qu'en vérité j'attendrai la
paip du soir pour manger) — quand j'ai
fait cela, je ne puis m'empêcher de pen-
ser que je suis atile à quelque chose et
qu'ils ont rudement de la chance de
m'avoir, le vieux et les marmots !.. Et,
loin de me lamenter, je suis heureuse à
ces moments-là.
» Voyez-vous, madame, il me semble,
à moi, que le mariage est un sacrifice,
et que le bon Dieu nous a faites pour
nous sacrifier: Que, par conséquent, le
mariage est louable et nécessaire. Même
les égoïstes devraient s'en réjouir,puis-
que (M. le curé le disait encore hier, di-
manche) toutes les misères et les souf-
frances nous sont comptées Là-Haut !
» Voilà mon avis tout franc. Ce n'est
que celui d'une pauvre femme sans
grand savoir. Mais, c'est égal, au lieu de
perdre leur temps en belles phrases, les
princesses ne feraient peut-être pas mal
de le mèditer tout de même.
» UNE OUVRIÈRE. »
VIII
.à7ïOTTw', w yepaiè, {iajOov.
EURIPIDE: Iphigénie en Aulide.
« Madame,
w C'est au nom des Emancipatrices,
au nom de toutes Celles qui osèrent en-
treprendre cette noble et périlleuse tâ-
che : la défense de Nos droits, la reven-
dication de Nos titres, l'épique lutte
pour Notre triomphe sur le sexe maadit;
c'est au nom de ces Saintes qui mar-
chent d'un pas héroïque et redoutable
vers les horizons resplendissants de la
Science et de la Liberté ; c'est au nom
des Apôtres de la grande Cause sacrée
que Je viens jeter quelques pensées
lumineuses dans le débat que vous avez
soulevé.
» Je serai brève, mais concluante.
» Le mariage est un temple désigné à
l'abandon : déjà,sous les coups formida-
bles de la Pioche féministe, il ouvre des
brèches énormes, qui signalent l'écrou-
lement prochain.
» Les causes de cette nécessaire dé-
molition sont des plus simples; elles se
résument naturellement par les élé-
ments de eet apophtegme : le mariage,
dans son principe, se base sur ce vice
hybride et contre nature, cette petite
malpropreté pratiquée entre insensés
de sexes différents que les encyclopé-
dies spécialisent sous le terme géneri-
que amour.
- » Or l'amour, c'est la distinction des
sexes, alors que Nous en exigeons l'uni-
fication ; l'amour, c'est fatalement la
transmission perpétuelle à la Race de
ce faux principe des prétendues dif-
férences entre l'homme et la Fem-
me et la rélégation inique de Celle-
ci dans le domaine de ce que les
profanes appellent ses « attributs dis-
tinctifs » ; l'amour, enfin, c'est l'ennemi,
celui que Nous devons combattre à ou-
trance, parce qu'il contrecarre, par sa
funeste suggestion, Nos plus chères
Doctrines. Anathème ! anathème !
» Donc, puisque l'amour est condam-
nable, le Mariage, qui repose sur l'a-
mour, est condamnable. Voilà pourquoi
à ce spectre antique qui persiste à Nous
ânonner ses sentences vermoulues Nous
jetons avec mépris l'imprécation d'Euri-
pide : « 0 vieillard ! tes paroleslne font
» horreur !.»I1 me semble que c'est lim-
pide et que cela clôt toute discussion.
Multa paucis. - - -
» Je renvoie les hérétiques à mes ou-
vrages célèbres : 1° Des mortifications
salutaires ; 2° Plus de sexes : un sexe 1
3° Sine muliere nihill 4° La Femme au
Parlement, et rien qu'au Parlement;
5° Sur la calvitie masculine, ou le déve-
loppement gradué des lobes cérébraux
selon la fécondité pileuse, et cœtera et
coetera.
» Je renvoie aussi les mêmes incré-
dules aux deux cent vingt et une confé-
rences que J'ai ea l'honneur de dévelop-
per en province et à l'étranger.
» Bien persuadée que tout le monde
sera de Mon Avis, Je vous quitte, ma-
dame,sur ce cri de guerre : « En avant !
» Fiat lux ! »
» UNE ÉMANCIPATRICE.
» Officier d'académie, docteur ès-
lettres, membre de la Faculté de
Mortagnes-sur-Huynes, de la Li-
gue contre les voluptés, etc., etc.»
Conformément :
.• JANNINE
(Rsprodfteiion interdite.)
———————————— ———————————-.
ECHOS
AUJ'OURD'HUI
A deux heures, courses à Vincennes.
Pronostics da Git Blas :
Prix det Fort: Excepté, La Bocca.
Prix de Bondy : Rosalinde, Rio Tinto.
Prix de Saint-Mandè : Néerlandaise, Vi-
goureux.
Prix du Terrier : Marionnette, Effendi.
Prix de Charenionneau, : Le Stagirite,
Voilier.
La comtesse de Hults, fille du duc et de
la duchesse de Bellune, vient de mettre
au monde une petite fille qui porte le gra-
cieux nom d'Odette.
Le grand altiste Jean Bérand n'exposera
pas, cette année, au Salon du Champ de
Mars, n'ayant pu terminer à temps la
grande toile à laquelle il travaille et qu'il
exposera seulement l'an prochain.
C'est de Bordeaux que nous vient au-
jourd'hui le bruit du jour. On ne parle
que de cela sur les allées de Tourny et sur
le cours du Jardin public. Cependant, la
chose n'est pas extraordinaire; vous l'allez
voir.
Si j'en crois l'amie qui m'écrit, il serait
arrivé une aventure assez bizarre à cette
aimable mademoiselle de X. Il paraît que
cette belle fille, qui a vu le jour à Méri-
gnac, fait dire par ses amis des boulevards
qu'elle est atteinte d'une maladie ner-
veuse dont elle souffre beaucoup et dont
elle ne peut se guérir que par un séjour
prolongé dans les environs de Paris. En
réalité, chacun sait dans la société des
Chartrons que la pauvre chère adorée est
atteinte d'un mal infiniment plus. inté-
ressant.
L'auteur du méfait, qui figure dans la
noblesse du Saint-Empire, n'a pas aban-
donné la belle malade, car il est en ce mo-
ment près d'elle à Paris ; on les rencontre
souvent ensemble au théâtre, aux courses,
au Bois.
Il fait tout ce qu'il peut pour consoler sa
bien-aimée; mais, malheureusement, il ne
peut pas réparer le mal.
Avant-hier,on a célébré le mariage de ma-
demoisellt: Louise Mézières, fille deM.Mé-
zières, de l'Académie française, avec M.
Duplaquet, inspecteur adjoint des forêts,
fils de M. et madame Duplaquet-Cauvin
et arrière-neveu des deux Duplaquet, qui
représentaient le tiers et le clergé de
l'Aquitaine à l'Assemblée constituante.
Les témoins du marié étaient MM.Henri
Duplaquet, son frère, et Emile-Frédéric
Hugues, industriel à Saint-Quentin, che-
valier de la Légion d'honneur, son cousin
germain ; ceux de la mariée, ses oncles,
MM. Charles et Félix Lardenoix, conseil-
lers à la cour de cassation et frères de la
regrettée madame Mézières.
La mariée, ravissante dans sa toilette de
satin ivoire à longue traîne, le corsage re-
couvert de mousseline de soie ivoire. Une
des plus jolies toilettes était portée par la
charmante madame François Hugues, fem-
me du distingué député et maire de Saint-
Quentin. Le marié portait son uniforme
d'inspecteur des forêts.
Les notabilités de tous les mondes pari-
siens étaient venus féliciter les jeunes
époux.
Médaillon :
COMTESSE VANDA VAN DER MEERE
Polonaise comme les de Reszké, belge
par son mariage avec le comte van der
Meere. Porte simplement mais fièrement
son double blason, sa double noblesse de
grande dame et d'artiste. Blonde comme
les blés, avec une chevelure que lui eût
jalousée la marquise de Parabère. Très
fine et très élégante ; masque expressif,
troué de deux yeux pers, aux reflets énig-
matiques et changeants. Voix chaude —
or, perles et cristal — puisant à plein go-
sier les trésors d'un écrin dont les maîtres
ciseleurs s'appellent Chopin, Gounod,
Massé, Rossini, Meyerbeer, Saint-Saëns,
etc.; se joue des difficultés mélodiques
avec un charme et une audace qui conquiè-
rent ; brode d'exquises vocalises les den-
telles musicales les plus compliquées.
Elève de Pauline Viardot et de J.-B. Lam-
perti. S'est fait applaudir par les cours
royales de Stuttgart, Copenhague, etc.;
très fêtée, très choyée dans les salons pa-
risiens.
Une de nos plus jolies lectrices a perdu,
hier, avenue du Bois-de-Boulogne, une
glace en or, avec chiffre S. de C. en dia-
mants.
Prière de le rapporter au Diable boiteux,
contre récompense.
Vendredi prochain, grande matinée mu-
sicale chez la princesse de Montholon-Sé-
ville.
Ce soir, grand dîner de gala chez ma-
dame la baronne Caruel de Saint-Martin,
dans son hôtel de l'avenue Hoche, en
l'honneur de la reine de Serbie. Les cartes
adressées aux invités de ce dîner portent,
à la manière anglaise,la mention « Pour se
rencontrer avec S. M. la reine Nathalie ».
Passé une heure, hier, à l'Olympia. Une
joyeuse bande de gardenias s'y était ren-
due avec un lot de fort jolies filles en tête
duquel on remarquait la belle et opulente
Marthe Villermot.
Tout ce monde s'est amusé aux joyeuses
chansons de la troupe russe, qui continue
à faire courir tout Paris.
Une bande de joyeux modèles n'a pas
tardé à fraterniser avec le Royal-Meilhac,
et l'on est gaiement retourné souper dans
un cabaret des boulevards.
Les régates de Toulon ont été très bril-
lantes et très réussies. Voici les résultats
de la première journée :
ier départ: 68,7e et 8e séries réunies(yachts
au-dessus de 10 tonneaux). — ier prix, Bé-
belle ; 2e prix, Cygne; 3e prix, Dauphin.
2e départ: y série. — Ier prix, Rolla III;
2e prix, Luciole II; 3 e prix, Saint-Martial.
y départ : 48 série. — ilr prix, Léda; 211
prix, Loto; 3e prix, Fleur-de-Lys.
4" départ : 3e série. — ier prix, Myrta;
2e prix, Papillon ; 3e prix, Coccinelle.
5e départ: 2e série. — Ier prix, ChÙllelle;
2e prix, Libellule ; 30 prix, Balancine.
6e départ: 1" série, — Ier prix, Rosette ;
28 prix, Olga ; 3e prix, Bébé.
Le torpilleur ioot commandé par M. le
lieutenant de vaisseau Boucheron de Bois-
soudy, avait été mis par la préfecture ma-
ritime à la disposition du comité, était
chargé du départ et de la police.
Vénerie:
Rallye-Char nie. — Cinq brocards sur
cinq attaques 1 Déplacement de l'équipage
Rallye-Charnie en forêt du Pertre.
Invité fort aimablement parle vicomte
du Bot à prendre trois brocards en forêt
du Pertre, le comte de Montferré décou-
plait successivement les 27 et 30 mars et
le 2 avril et prenait, malgré le mauvais
temps et le grand nombre d'animaux, ses
trois brocards. A cette nouvelle, M. du
Bot, veneur passionné lui aussi, s'empres-
sait d'en offrir deux autres à l'excellent
équipage, qui,le 5 et le 8 avril, après deux
chasses fort difficiles à cause de la grande
chaleur, sonnait l'hallali sur un grand bro-
card et sur un daguet.
Ont suivi ces brillants laisser-courre :
comtesse de Monferré, marquise de Vir-
ville, madame Gerbault, mademoiselle
Luce, comte de Montferré, marquis deVir-
ville, de Chalais, marquis de Causans, vi-
comte de Hercé, vicomte de la Barre, MM.
Gerbault, Aubry, Toutain, etc.
Les honneure à madame Gerbault, au
marquis de Causans et vicomte de Hercé.
L'équipage va prendre ses quartiers
d'été au chenil de Vieille-Loge, en forêt
de Laval, après avoir sonné cette saison
trente-trois hallalis et avoir terminé par
une magnifique série de vingt et une pri-
ses sur vingt-cinq découplée. -
M. Jean Cruppi, avocat général, vient
de publier un volume : Un Avocat journa-
liste au XVIIIe siècle : Linguet. Le talent
d'écrivain et de critique sous lequel s'est
révélé M. Cruppi lui donne une place sé-
rieuse parmi les littérateurs.
Pour se reposer de ce grand traniJ,
avec sa charmante fillette de 10 ans il
vient de faire un voyage à pied de Paris à
Château-Thierry en trois jours. C'est ma-
demoiselle Cruppi qui détient en ce mo-
ment le record des fillettes pour les voya-
ges à pied.
Le titre de l'opéra comique dont ma-
dame la duchesse d'Uzès a fait le livret et
qui sera donné, le 2 mai, chez madame la
marquise de Saint-Paul vient d'être
changé : ce n'est plus la Sourde, mais bien
Germaine. Changement aussi dans l'inter-
prétation : c'est à présent mademoiselle
Ganne, élève du Conservatoire, qui renv
placera mademoiselle Rose Delaunay.
NOUVELLES A LA MAIN - -,
Madame Perpignan se lamente sur le
sort de sa mère, qui est devenue aveugle
depuis quelques mois.
- Je ne vous comprends pas ! s'écrie le
mari, impatienté. La cécité a, sans aucun
doute,des inconvénients ; mais une grande
consolation est réservée à votre mère :
elle ne se verra pas mourir.
LE DIABLE BOITEUX»
LA
JALOUSIE DES iTOILES
PAR
JULES BOIS
Il y a trois ans, en ce même mois d'a-
vril, j'allais retrouver celle qui m'ai-
mait, dans le golfe odorant où la Médi-
terranée s'étire, chatte immense. Le
crépuscule noyait déjà les cimes nei-
geuses des Alpes et faisait plus sombre
encore sa noire chevelure sous les pins.
Derrière nous, l'hôtel s'amassait sous le
ciel comme les larges épaules d'un fan-
tôme sans tête, et tous deux,devenus les
enfants des divines minutes d'incon-
science, nous descendions vers la mer
pour fiair les Anglaises au chapeau de
paille en parasol sur le tour de leur che-
velure, pour écouter, seuls, le rythme
fraternel des vagues, aussi tourmenté
que celui de - notre sang.
- Ce soir-là, mon amie ne m'était ja-
mais apparue aussi mystérieuse. Dans la
nuit commençante, sous la voilette
épaisse aux fleurs de deuil, le cou et les
épaules noyés par l'écume noire de son
écharpe en dentelle, elle m'effrayait
presque, car elle ne parlait plus ! Nous
atteignîmes la terrasse qui surplombe
les flots, et, Hi, sans daigner se préoccu-
per de moi, elle posa son menton têtu
dans ses paumes fiévreuses et regarda
devant elle J'électrique et lourde im-
mensité.
Les étoiles s'étaient levées sur la terre
et dans le ciel. Les petites maisons du
goife allumaient leurs fenêtres; des vil-
las de fête luisaient comme des constel-
lations, de pauvres gîtes rappelaient des
planètes abandonnées; là-haut, dans la
muette solitude de ce firmament méri-
dional, plus profond que tous les autres,
des chaumières aussi semblaient veiller,
des palais aux vitres vertes ou jaunes,
des églises aux vitraux presque mou-
rants. Mon amie se réjouissait infini-
ment de cette illumination taeiturne; elle
épousait des yeux les astres de la terre
et les fenêtres du ciel.
« Vois-tu, me dit-elle, il n'y a de beau
que ce qui est loin et brille dans l'in-
connu. Je suis amoureuse des petites
Feuilleton du GEL liLAS
DU 23 AVRIL t85Ja
13 I I
XIII
— Suite —
MARTHE ET LE MOHICAN
Le mélange des races s'opéra. La
femme de X. et le dernier des Mohi-
cans montèrent au ciel. Mais l'homme
était plus prompt. Il était déjà tombé du
sommst que Marthe se trouvait encore
au milieu de l'échelle.
Bien que meurtri de sa chute et dés-
enchanté, il continuait à sourire coin-
plaisamment et, par politesse, laissait
encore allumé, passé l'extinction des
feux de son âme, le feu de ses regards.
Une petite odeur de transpiration, qui
l'avait enfiévré tout à l'heure chez sa
.maîtresse, l'impressionna maintenant
désagréablement. Marthe, gisant à ses
côtés, lui parut énorme, encombrante,
échouée sur une grève d'où la mer de
ses désirs venait de se retirer.
Il lui tapotait la joue d'une main dis-
traite et persistait à répéter mécanique-
ment: « Je t'aime, je t'aime »,comme un
coucou dit : « Coucou ! coucou!»
Soudain, la porte s'ouvrit, et X.r li-
vide, apparue dans l'embrasure
Il tenait à la main un revolver, et s'é-
cria, d'une voix entrecoupée :
— C'est. c'est indigne. c'est. c'est
odieux. L'Aiguille !. Toi ! Un vieil
ami.toi que j'aimais. Ah! c'est mal !.
D'ailleurs, je vais te tuer comme un
chien ! Quant à la misérable, hurla-t-
il avec ftlrear, je la chasse. entendez-
vous ? je la chasse !
Puis il ajouta, d'un ton calme :
-Voilà ce qu'aurait dit un mari d'il y
a vingt ans. Mais, aujourd'hui, les idées
sont bien changées. Le vent est à l'in-
dulgence conjugale, et le cocuage se
soigne par le mépris. Entre nous, mon
vieux l'Aiguille, c'est à la vie, à la
mort. Oui, expliqua-t-il, qu'est-ce qui
peut gâter une vieille amitié? C'est
qu'un des amis fasse la blague de sé-
duire la femme de l'autre. Tu as
séduit ma femme, et je sens que ma
sympathie pour toi n'est altérée en
rien. Il y a de fortes chances pour
que rien ne vienne la gâter désormais.
Uarde-toi cependant, ajouta-t-il, de
choisir, à table, dans le plat de poulet, le
morceau que je préfère ou de prendre
mon dernier cigare quand les bureaux
de tabac sont fermés.
Marthe s'était retirée discrètement
pour aller préparer l'omelette et mettre
le beefsteak sur le feu.
— Et voilà, dit placidement X.,
comme ces cas embarrassants se résol-
vent, en l'an de grâce 1895, entre hom-
mes civilisés. Jusqu'en 1915 sans doute,
le revolver conjugal sera un instrument
démodé. Le chiffre de la mortalité res-
tera le même, tout en changeant de ru-
brique, car les maladies secrètes se
propageront avec plus de facilité.
Puis, en 1915 ou en 1920, quelqu'un,
fouillant dans les lieux communs hors
d'usage pour y trouver un paradoxe,
sortira cette vérité repeinte à neuf qu'il
est bon d'avoir une femme à soi tout seul
et qu'il faut donner carrière à son libre
instinct de possession. Alors on retour-
nera chez les armuriers.
— Je dois avoir l'air un peu bête, fit
observer l'amant.
— C'est bien ton tour, dit le mari. Ce
qui me gène désormais, c'est que, si tu
deviens riche, la crainte de passer à tes
yeux pour un sale monsieur m'empê-
chera d'accepter tes libéraiités.
— Allons, allons, dit l'Aiguille, nous
ne sommes pas des gens comme les au-
tres.
— C'est ce Que, comme tous les cama-
rades, je finirai sans doute par me dire,
dit X.
Et le Mohican sentit que, dans sa
chasse à l'héritage, il avait désormais
un allié solide. ---
XIV
MESDEMOISELLES DE BUTHENBLANT
Bien qu'il errât à l'aventure, ainsi
qu'un chien perdu, dans les rues de Pa-
ris, et qu'il passât pour tout à fait loufo-
que en certains milieux, le vidame de
Buthenblant appartenait à la société la
plus aristocratique. Il possédait de vas-
tes héritages dans le Berri, et toutes ses
extravagances ne l'empêchaient pas de
gérer sa fortune avec le soin le plus mé-
ticuleux. On pouvait lui tirer ses che-
veux blancs, lui donner des soufflets et
l'accabler d'injures; mais il était radica-
lement impossible de le taper de cent
sous.
L'origine de la fortune des Buthen-
blant remonte à Françoise-Artémie-Ma-
rie de Buthenblant, qui fut remarquée
par Henri IV, et à Fabien-Jean-Anieet
de Buthenblant, qui fut distingué par
Henri III.
Resté seul, après la disparition de sa
femme, avec deux petites filles de dix à
onze ans, Louis-Enogat-Norbert de Bu-
thenblant fut d'abord assez embarrassé,
car il n'avait pas d'idées arrêtées sur
l'éducation des demoiselles. Il finit par
essayer de deux systèmes différents.
Tandis que son aînée, Odette, menait la
vie la plus libre, sortant le soir à sa
guise, ayant la clef de la maison et
celle de la bibliothèque, où s.'entassaient
pêle-mêle des traités de médecine et les
ouvrages les plus licencieux, Odyle, la
cadette, claquemurée en an couvent, ré-
duite aux romans d'André Theuriet et
de madame Gréville, ne voyait jamais
sa sœur et ne sortait qu'accompagnée
d'une austère gouvernante.
Le résultat de ces éducations aussi di-
verses ne se fit pas attendre. Presque
en même temps, vers leur seizième
année, Odette et Odyle accouchèrent de
deux petits garçons.
Ce double incident acheva d'éclairer
le vidame. Les deux séducteurs,. après
avoir pris des renseignements sur la for-
tune des HRthenblallt, se présentèrent
successivement chez l'heureux grand-
père, dans l'intention avouée de répa-
rer. Le vidame les reconduisit jusqu'à
la porte avec son fouet de chassa
Puis il dit à ses filles ;
— Vous avez souffert. Vous voyez
ce qu'il en coûte de s'amuser im-
! prudemment. Soyez désormais libres
toutes deux et" n'attachez pas aux
rapprochements sexuels une importance
tragique qu'il n'est plus de mode de leur
accorder. Vous êtes jeunes, vous êtes
jolies, vous avez maintenant de l'expé-
rience. Faites bien attention seulement.
Ma fortune n'est pas inépuisable. Un
moment d'oubli se paie par de longs
mois de nourrice.
La blonde Odette et la blonde Odyle
ne se le firent pas dire deux fois. Elles
étaient bien jolies toutes les deux. Le
visage d'Odette était doux et candide,
car elle avait toujours vécu librement,
acceptant la vie comme elle s'offrait,
sans chercher à savoir trop de choses.
Le visage d'Odyle, sous la dure con-
trainte du couvent, avait pris un air
charmant d'obstination têtue. Ses yeux
gris étaient moins à fleur de vie que
ceux d'Odette: ils paraissaient plus ren-
fermés sous ses sourcils défiants, et son
petit menton revêche semblait bien dé-
cidé au combat. ,
Leur maternité précoce leur avait
élargi les hanches, et l'œil s'éjouissait
au contour de leur corsage loyal, que
leurs jeunes formes suffisaient à remplir.
Peu à peu, le vieux Buthenblant les
laissa de plus en plus libres, car sa ma-
nie prenait une tournure assez grave.(On
a beau dire : il ne jouit pas de toutes ses
facultés, l'homme, si vénérable soit-il,
qui se refuse à manger de la viande de
conserve sous prétexte que ce sont en-
core
Les restes refroidis du funèbre repas
que jadis Atrée offrit à Thyeste).
Pour être issues d'une lignée d'ancê-
ties particulièrement vicieux, Odette et
Odyle avaient dans l'âme une curiosité
toujours en éveil, un besoia éperdu de
variété dans la vie. Elles s'amusaient
aux plaisirs spéciaux de leur monde,
mais elles en souhaitaient d'autres en-
core.
Leur grande joie était de s'en al-
ler toutes seules aux courses, sur
la pelouse, où elles jouaient chacune
cinquante sous au pari mutuel. Elles
s'étaient acheté pour ces expéditions
des chapeaux à 9 francs 90, des vestes
trop courtes en drap marron, bordées
d'une ganse noire. Elles montaient dans
les tapissières et, bonnes filles, lais-
saient les genoux voisins fraterniser —
non sans intentions borgiesques — avec
les leurs.
Ce jeudi d'avril, il y avait des courses
au bois de Boulogne. Odette et Odyle,
coiffées en chien fou,avaient quitté leur
hôtel de l'avenue Kleber et attendaient
sur le trottoir de l'avenue Victor-Hugo
ces longues voitures (Clichy-Pigalle-
Anvers 1) qui vont du boulevard Roche-
chouart aux tribunes de Longchamp.
Plusieurs de ces voitures passèrent,
au trot de leurs cinq chevaux, bondées
de voyageurs, insolentes comme tous les
omnibas complets. Enfin, dans une ta-
pissière en forme de char-à-bancs dé-
couvert, des places vacantes se devinè-
rent de loin, au cri de racolage que
poussait le conducteur : « Les cô-ourses!
v'là pour les coûrses 1 »
Odette et Odyle,se hissant sur les dif-
ficiles marche-pied,s'y installèrent dans
un des compartiments, où restaient en-
core deux places libres. Puis, au grand
contentement des voyageurs, la voiture
étant au complet, le conducteur poussa
un joyeux « Allez ! roulez ! » L'attelage,
enlevé d'un coup de fouet, poursuivit sa
route à toute allure. Et un chapeau
haut de forme déclara d'un air satisfait
qu'on arriverait « pour la première ».
Les deux jeunes filles examinèrent
leurs voisins. Le plus absorbant, le plus
autoritaire était un gros homme à mous-
tache rousse, qui se déclara le plus in-
time ami du jockey Dodge. Il y a ainsi
dans chaque voiture de course le plus
intime ami, le dépositaire unique des
secrets du jockey èn renom.
Auprès de l'ami de Dodge, écoutant
ses paroles avec docilité, un jeune hom-
me de dix-huit ans, mal vêtu et mal
nourri, ouvrait une bouche de brochet
affamé entre deux joues pâles qui s'ef-
filochaient en poils blonds. Et, à côté,
un vieil homme tendait une face rasée
et meurtrie, où la Destinée semblait s'ê-
tre fait les poings.
Sur l'autre banquette, où était as-
sise Odyle, les deux sœurs remarquè-
rent un personnage assez bizarre, à la
figure exotique, aux pommettes saillan-
tes, au teint marron clair. Il avait pour
voisins un monsieur à favoris et une
dame jeune encore, dont les cheveux
étaient teints en blond.
— Saint-Fidèle, hasarda le jeune bro-
chet affamé, a fait dimanche dernier
une bien belle course, n'est-ce pas ?
— OUI, aquiesça avec condescendance
l'ami de Dodge, oui, la bête est bonne,
Mais ils ont meilleur que ça dans la mai-
son.
— Ah ! dit le brochet.
— Ils ont un poulain qu'ils n'ont pas
encore sorti, affirma l'ami de Dodge,
et qu'ils ne sortiront, ajouta-t-il d'un
ton mystérieux, que lorsque le moment
sera venu. Ce poulain-là rend douze li-
vres à Saint-Fidèle et le bat les mains
dans ses poches.
— Et que pensez-vous de Fdipo Lip..
pi ? risqua encore le brochet.
- J'ai touché ça, dit l'ami de Dodge.
J'avais le tuyau depuis quinze jours.
A ce moment, le vieil homme meurtri
sortit de sa torpeur et dit d'un ton sen-
tencieux :
- Faut djoë li tchivol di missi Djék-
minn. Bonn. Bonn tchivol.
— Entends-tu ? dit Odette à Odyle, il
faut jouer le cheval de M. Jacquemin.
— Est-ce que nous rentrerons drner
chez nous ? demanda Odette.
-Mais oui, dit Odyle, puisque Bigor-
neau vient à la maison.
A ce nom de Bigorneau, l'homme an
visage exotique, le monsieur à favoris
et la dame aux cheveux teints tournè-
rent brusquement la tête à droite, da
côté d'Odile, comme trois disques ai-
guillés simultanément dans la direction
de la voie libre.
— Je ne t'ai pas dit, continua Odyle,
que Bigorneau était venu après déjeu-
ner, pendant que tu t'habillais. Il nous
amènera ce soir Maubeek, le journaliste.
Figure-toi que Maubeck a hérité de qua-
torze millions d'un parent à lui, un vieil
Indien d'Amérique, un nommé Dela-
warre.
Ce nom fut le signal d'une nouvelle
manœuvre d'aiguillage. La dame aux
cheveux teints regarda vivement l'hom-
me rouge, qui regarda l'homme aux fa.
voris.
Puis le Mohican se pencha vers X. et
vers Marthe :
— Bonne idée que j'ai eue de vous
emmener aux courses. Il s'agit mainte-
nant de ne pas perdre de vue ces deux
petites garces-là.
TRISTAN BERNARD
(La suite à demain, par GEORGEi
COURTELINE.)
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