Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-06-24
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 juin 1909 24 juin 1909
Description : 1909/06/24 (A30,N10825). 1909/06/24 (A30,N10825).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75240576
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 30/07/2012
W ANNEE- — NUMERO 10826. - PARIS ET DÉPARTEMENTS : Le Numéro 15 Centimes - - -- - JEUDI 24 JUIN 1909. -
* -
A. PÉRIVIER—P. OLLEND0RFF
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Les Manuscrits ne sont pat fWUlu
l Si lu me lis avec attention, 'tu trouveras ici, suivant le précepte d'Horace,
l'utile mêlé à l'agréable ». - —
(Préface de Gil DIas au lecteur)
1
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Et & l'Administration du Journal
-- •
Encore les Usines I
Un empoisonnement d'une importance ex-
septionnelle vient j encore de se produire dans
le canal de la Somme, près de Péronne. Une
usine de Nesle est, parait-il, cause d'un déver-
sement nocif où quatre mille kilos de poissons
viennent de trouver la mort. Le spectacle est
lamentable, nous écrit-on : tout ce poisson,
nhyxié par les matières nocives, est venu
s'accumuler contre les portes de l'écluse d'E-
pénancourt ; on a retiré à cet endroit d'énor-
mes brochets de 10 à 12 livres, des brèmes,
les carpes, des tanches et des myriades de
goujons, providence du petit pêcheur à la li-
Ine.
Cet empoisonnement, qui a été précédé, il
y a deux mois, d'un autre accident analogue,
survenu dans la Biaise, près de Dreux, mon-
tre combien il est argent que les usines soient
surveildées, surtout avant les accidents de ce
genre, accidents que bien souvent on pourrait
éviter. Dans la Biaise, par exemple, l'usine en
question, en six ans, a provoqué quatre fois
le mécompte dont les riverains ont été victi-
mes à savoir la chute accidentelle^ par mau-
vais établissement des cuves, de quinze mille
litres d'acide sultfurique dans la rivière. Il est
inutile de se demander après cet arrosage chi-
mique, si les truites de La Blaise tournèrent
de l'œil ! Tout fut détruit et l'intervention seu-
ie du délégué local du Fishing-Club atténua le
désastre. Les usiniers composèrent aveu les
riverains qui furent indemnisés.
C'est égal ! Etre indemnisé ne compense
pas, pour les pêcheurs, le plaisir qu'ils au-
ront dû tous éprouver, à se procurer du pois-
son aux halles du marché voisin 1
Et c'est pourquoi j'estime qu'il y a une es-
pèce de défi porté au principe d'égalité lors-
qu'un usinier, aux seules fins de n'avoir au-
cune histoire avec les Eaux et Forêts loue tout
un ruban de rivière pour le contaminer à loi-
sir et de plein droit.
Comme ces messieurs, généralement, ne
sont pas cousins du mendiant du Pont des
Arts, ils ont beau jeu d'enchérir sur quelques
maigres particuliiers, voire sur la société de
pêche du lieu et le tour est joué.
1
A ce compte-là, et comme le réseau de nos
usines tend de jour en jour à s'étendre davan-
tage, c'est la mort de nos cours d'eau dans
dix ans, à moins que la loi en préparation ne
bride auparavant le sans-gêne des industriels.
Si l'on n'y prend garde, grâce à ce jem'cn-
fichisme des commerçants dont l'unique pré-
occupation est le bénéfice immédiat à réaliser,
st qui, pour te reste, répètent volontiers :
k Après nous le déluge », les malaidies et les
épidémies progresseront à tel point que les
médecine sains clientèle seront bientôt les
seuls à se frotter lois mains de cbt état de
choses lamentable.
Il serait injuste au reste d'accuser les seuls
industriels des crimes de lèse-hygiène commis
journellement en France. Beaucoup de villes,
bien des municipalités exécutent la même
partie sans trop se préoccuper des êtres hu-
mains dont elles jouent l'existence. Un de
mes amis m'écrit qu'à Toulon, par exemple,
ville de 100.000 habitants, existe encore, à
cause de la difficulté qu'il y a d'établir un sys-
ième d'égoût rationnel, d'usage des torpilleurs
et des toupines.
Le torpilleur est le tonneau qui chaque ma-
iin, doit recevoir toutes les déjections de
l'hahitant.. Le toupine est le seau spécial où
tout locataire doit conserver la « chose » en
question jusqu'au passage du torpilleur. Or,
parfois le torpilleur est plein, alors qu'un bout
de rue reste encore à visiter. Que faire si ce*
n'est attendre au lendemain pour l'enlèvement
des toupines en souffrance ? Et l'on attend au
lendemain. Mais si, d'aventure, éclate un ora-
ge, alors c'est le salut 1 D'un coup de pied,
l'on bascule le toupine sur le sol et l'averse
d'en haut se charge d'emporter la « machine »
en question à une allure bien plus rapide que
celle du torpilleur.
Et voilà !.
Ce système primitif du « tout à la rivière » a
d'ailleurs bien souvent l'approbation tacite de
l'Administration. Un inspecteur de l'hygiène,
à qui dernièrement se plaignait un riverain du
déversement par une usine (ci : 200 ouvriers)
des W.-C. de l'établissement (dans le cours
d'eau, répondait à ce riverain :
— Buvez-vous de l'eau de rivière ?
— Non, certes !
— Eh bien ! pourquoi vous plaindre si les
poissons s'en accommodent !
La question des fosses spéciales, au surplus,
pourrait donner matière, sans jeu de mots, à
un ou deux volumes. Quelle est la petite ville
..,. de France, traversée par un ruisseau, dont les
buen-retiros ne sont pas établis en pignon
sur le cristallin filet d'eau qu'elle pollue ? Je
pourrais en citer ici une kyrielle, dont j'ai les
photographies sous les yeux, et ayant ces pho-
tographies sous les yeux, l'envie ne me vient
nullement d'aller contempler de plus (près ces
jolies petites" cités provinciales, au front des-
quelles se greffent ces chancres innommables.
Les villes qui possèdent -des fosses curables
ne* sont pas toujours, elles non plus, à l'abri
de certaines contaminations de ce fait. Lille,
entre autres, est dans une situation qui mérite
d'être signalée. Chaque maison y a sa fosse
particulière que l'on vide périodiquement —
que l'on vidait — devrais-je dire, car voici ce
qui se passe.
Dans le bon vieux temps, le paysan des en-
virons arrivait dains la ville avec son tonneau,
s'entendait avec la bonne ou la cuisinière à la-
quelle il donnait la pièce, et vidait lui-même
la fosse, dont le produit allait engraisser sa
terre. Cette besogne, il faut Le dire, était faite
plus ou moins délicatement ; des. parfums
s'échappaient parfois quand plusieurs paysans
opéraient ensemble. Bref, la municipalité ju-
gea opportun de concéder l'entreprise à une
société outillée qui devait remplacer le vidage
ancien, par trop primitif.
Mais, ô miracle ! à partir de ce moment les
curages de fosses diminuèrent à tel point que
l'on put se demander si tous les Lillois n'é-
taient pas devenus subitement des corps glo-
rieux. La compagnie concessionnaire se croi-
sait les bras devant l'ouvrage, elle qui ne de-
mandait qu'à brasser des affaires. Quelle était
la clef de l'énigme ?
Ma foi, cette clef n'était pas compliquée ;
elle n'était même pas à pompe ! Tout le se-
cret de l'abstention consistait en ce aue la
Compagnie, administrativement, ne pouvait
s'abaisser jusqu'à donner la pièce aux bonnes ;
il en résultait que celles-ci ne prévenaient
plus quand l'heure raisonnable du vidage son-
nait.
Et comme les fosses, quoi qu'en disent les
maçons, ne sont jamais d'une étanchéité par-
faite à leur sommet, il s'ensuivit que le phé-
nomène du suintement au trop plein devint
général et que dès lors les fasses n'eurent plus
besoin d'être vidées. Le sol environnant ab-
sorbait tout ce qu'on voulait lui faire boire !
La nappe souterraine n'a encore rien dit
concernant cette déloyale manœuvre des bon-
nes. Mais quand elle parlera, Dieu sait ce que
nous trouverons dans nos verres ! Je pose la
question à l'éminent M. Ory, le si dévoué pré-
sident du Consortium d'assainissement du
Nord.
Vicomte de Pltray,
Administrateur-Délégué
du Fishing-Club de France.
———— ■ ■ ——•>■■■ ■■■ ■— ■■■■■■■— n—
AUTOUR DE LA POLITIQUE
Le verdict de Versailles
Le verdict de Versailles est évidemment, à
l'heure où nous écrivons, le sujet de toutes
les conversations et aussi de toutes les discus-
sions. On s'attendait, en effet, à un verdict ou
constatant la culpabilité ou affirmant l'inno-
cence de Renard. Mais Les circonstances atté-
nuantes, si l'on admet Renard coupable, ap-
paraissent comme un véritable défi au bon
sens. - -
Il y avait, au contraire, dans son cao, toutes
les circonstances aggravantes imaginables,
dont la première, qu'il était l'homme de con-
fiance de la maison.
Il y avait encore, toujours dans l'hypothèse
de la culpabilité, la nécessité sociale de faire
un exemple aussi sévère que possible,, puis-
que chacun peut se trouver exposé sans dé-"
fense aux faciles entreprises d'un domestique
assassin. Enfin, certaines autres circonstances
répugnantes, sur lesquelles il est inutile de
revenir, si elles ne devaient pas constituer
une présomption de culpabilité n'étaient ce-
pendant pas faites, celle-ci constatée, pour
motiver l'indulgence.
Ce verdict apparaîtra donq comme incom-
préhensible. Et cependant, il a une explica-
tion.
Tout d'abord, les jurés qui sont adversaires
de la peine de mort concilient leurs convic-
tions et leur devoir social en accordant, par
principe, les circonstances atténuantes, qui
évitent une condamnation capitale. Cette
considération à la vérité ne doit pas avoir
exercé une grande influence sur le jury de
Versailles qui passe pour un des jurys les
plus sévères de France.
Mais il y .en a une autre. Dans le cas de Re-
nard, il est évident que les preuves matériel-
les manquaient. Or, môme si un faisceau de
présomptions morales est assez fort pour dé-
terminer une conviction de culpabilité, cette
conviction n'est elle-même que morale. Elle
ne repose pas sur ces bases solides de la preu-
ve matérielle, qui seules peuvent libérer en-
tièrement la conscience d'un juge. Dans la
certitude morale la plus établie, il subsiste, en
un mot -, puisqu'elle se fonde sur des dé-
ductions et des raisonnements toujours failli-
bles, — une vague lueur de doute, une crainte
indécise et presque inconsciente de l'erreur.
Et alors, pour ne pas créer l'irréparable,
pour laisser une porte ouverte à la répara-
tion entrevue dans les brumes de la conscien-
ce, on condamne avec circonstances atténuan-
tes.
Et l'on ne se dit pas qu'en bonne et vraie
justice, le doute, si léger, si infinitésimal, si
atomique soit-il, aurait dû motiver l'acquitte-
ment.
GIL BLAS
—————————————— ——————————————
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à 2 heures, courses au Bois de Bou-
logne.
Pronostics de Gil Blas :
Prix du Pré-Catelan. — Manchot, Madrigal II.
Prix de la Muette. — Maroussia, Chèvre Hoche.
Prix de Rocquencourt. — Alexis.
Handicap limité. — Rienzi, Sohuyler.
Prix de Rueil. — Lovelace, Tabou.
Prix de la Porte-Maillot. — Dithor, Rose Noble.
LE CENTAURE
L'affaire du grand Steeple, '"des lads et mê-
me des vans promet le finir beaucoup plus
drôlement qu'on ne l'aurait supposé. Elle fi-
nira par une question du sénateur Audiffred
à M. Clemenceau, ministre de l'intérieur. On
se disputera les places dans les tribunes séna-
toriales ce jour-là.
D'abord, on se dit : « Il y a donc un séna-
teur qui s'appelle Audiffred ? » On est bien
forcé d'en convenir puisqu'il interpelle le mi-
nistre sur les lads et sur les vans. Ensuite on
se demande : (« Qu'est-ce que ce sénateur qui
interpellera demain sur les vans et sur les lads
peut bien faire le reste du temps ? » On le con-
naît si peu, et tout à coup, il entre, si on ose
dire, — faut-il oser ? doit-on le dire ? — dans
la grande renommée. Ah 1 mon chéri !
Mais le père Audiffred, comme on le nomime
dans les environs du Musée social où il fré-
quente, n'est pas un type ordinaire. C'est un
de nos parlementaires les plus anciens. Il a
une bonne tenue, Il n'injurie pas les passants.
Il ne boit pas plus que de raison. Il heurte
parfois les dames sur les trottoirs, mais, hon-
ni soit qui mal y pense, il les heurte seule-
ment parce qu'il est myope. Il a été maire.. Il
a été conseiller général. Il a été député. Il est
sénateur. Malgré tout, il n'est pas un très
mauvais type. Mais il est le politicien le plus
violent du monde. Il a changé son fusil d'é-
paule parce qu'il avait l'épaule fatiguée. Autre-
fois, il était anticlérical farouche, maintenant
il est clérical féroce. Ce n'est pas une raison
pour qu'il questionne le ministre sur les lads
et sur les vans. Mais le père Audiffred est un
intrépide cavalier. On ne le sait pas assez
dans Paris. En sa jeunesse, il était avocat e1
« bafouillait avec éolat ». Il se rattrapait à
cheval. Depuis qu'il a consacré son éloquence
à la politique, id est devenu peut-être le meil-
leur cavalier du Sénat. Tous les matins, le pè-
re Audiffred et sa monture — l'un portant
l'autre — encombrent les allées du Bois. La
monture est une vieille bête que M. Audiffred
loue depuis qu'il est parlementaire chez le
loueur du coin. Elle doit donc avoir une qua-
rantaine d'années. C'est une vieille bête, mais
c'est une bonne bête.
Là-dessus, Audiffred rajeunit. Il a près de
soixante-dix, ans. Il en paraît cinquante. Il est
le dernier centaure.
Espérons qu'il y aura beaucoup de monde
au Sénat lorsque le dernier centaure question-
nera le président du conseil sur les vans et
sur les lads. Les assistants des tribunes n'en-
tendront pas un orateur, mais il verront un
centaure. Ça vaut le voyage !
J. Ernest-Charles.
IL Y A CENT ANS
Jeudi 24 Juin 1809.
— Ordre daté du camp impérial de Schoen-
brunn : « A dater de demain, il sera donné aux
troupes qui sont dans l'Ile de Lobau et à celles.
qui sont sur les bords du- Danube une bouteille de
vin et une ration de vinaigre par homme, ce qui
sera la douible ration d'été par jour. L'intendant
fera transporter dans l'île, avant le 23, 200.000
bouteilles de vin et 15.000 pintes d'eau-de-vie (la
pinte vaut 93 centilitres), lesquelles formeront un
magasin de réserve. On fera l'inventaire ce tou-
tes les caves de Vienne qui appartiennent soit aux
princes, soit aux couvents et aux plus granis sei-
gneurs, afin d'être assuré de l'approvisionnement
de l'armée sans être obligé d'avoir recours aux
caves des bourgeois et petits propriétaires. »
———— ) "( ————
LE BOULEVARD
Fantaisies testamentaires.
L'actualité est aux testaments. De toutes
parts on jongle avec les millions, et l'es malins
méditent sur les moyens les plus artificieux
de capter les héritages.
Vo,ici, dans un ordre d'idées analogue, les
principales et fort singulières clauses et dis-
positions testamentaires ,et'UiTh médecin ocu-
liste qui vient de mourir à Londres.
Cet oculiste aimait passionnément les ani-
maux. Il en possédait une véritable ménage-
rie. Or il veut que ses bêtes continuent à être
heureuses après sa mort. Il ne leur a pas
laissé d'argent, parce que les animaux ne sa-
vent pas s'en servi'r. Mais il a voulu que son
domestique disposât d'une somme considé-
rable, à la condition que :
1° « Soldiér Boy » (Jeune Soldat), alezan
brûlé, ait sa vie durant, sa mangeoire confor-
tabtement garnie d'avoine, ei surtout sait
soustrait aux horreurs de la boucherie hippo-
phagique ;
2° Même stipulation en faveur de la jument
« Dancing DoLl », ancienne rossinante die cab,
que le généreux oculiste avait achetée au
moment où « Dancing Doll devait être expé-
dier sur Anvers pour y être convertie en
vi andedte conserve ;
30 Un legs pour assurer la pâtée à « Bille »,
gentil fox terrier d'Aberdeen ;
4° Un legs pour et Fluff », chat persan (au-
cun rapport avec le schah de Perse).
Cet oculiste était un original. Nous igno-
rons s'il soignait ses malades « à l'œil », mais
ce que nous savons, c'est que son amour pour
les animaux ne l'a pas empêché de léguer de
fort rondeliettes sommes à ses parents, amis,
et autres héritiers humains.
Cartes postales illustrées.
La vanité humaine, a dit ou à peu près La
Rochefoucauld qui connaissait le cœur hu-
main, (à moins que ce ne soit Joseph Prud-
homme qui ait proféré cet axiome) est le mo-
bile de toutes les actions.
En voici uin. nouveau témoignage, topique
à la vérité.
Vous savez 'de quelle vogue jouit, quel for-
midable développement a pris le petit com-
merce tles cartes postales illustrées. Tous les
peintres font photographier leur tablaeu du
Salon, et envoient cette belle image à leurs
amis et connaissances.
Eh bien, depuis quelque temps, on v-oit
dans la banlieue de Paris des photographes
ambulants venir proposer aux propriétaires
ou aux simples locataires de villas, de photo-
graphier ces villas, avec les hiaibitants endi-
manchés debout sur le perron.
Très peu de personnes refusent, et il en
est même qui demandant au photographe de
faire imprimer au bas de la carte : « Caistel
fleuri H ou « Manoir des Glaïeuls » ou- telle
autre appellation ronflante — surtout si la
villa est une humble maisonnette d'un loyer
annuel die vingt louis.
- x-
Œufs et beefsteachs.
Vouis connaissiez l'affaire des lads et des
varns. Mais vous ne connaissez sans doute
pas celle des œufs et des teeifisteacks. Elle est
moins retentissante, mais elle vaut d'être
contée.
Figurez-vous dionc que dans un des plus
considérables magasins de nouveautés de Pa-
ris, où le personnel est nourri — et très bien
nourri — quelques employés, affiliés à la
C.G.T. et aux syndicats rouges, ont décidé
de se plaindre de la nourriture.
Pour arriver à leurs fms, voi'ci comme ils
ont procédé. Au réfectoire duldit magasin,
lorsqu'un employé ne veut pais manger son
beefsteaek, il a le droit de demander - deux
œufs en remplacement.
Eh bien, les révoltés (disons les mutins,
pour ne pas grossir l'incident) font circuler
des « papillons » emgageant les cammrades, les
« frères de misère » à demander tous des
œufs et à refuser leur beefsteaek !
C'est là une manière nouvelle de sabotage.
Voyez-vous trois mille beefsteacks restant
pour compte à la direction diudit magasin I
Oui, mais si l'on prend les noms des obsti-
nés gobeurs d'œufs et qu'on les révoque, ils
trouveront peut-être que leurs œufs ont un
goût amer.
x
Désir.
< le suis ton maître et ti proie. *
V. H.
Ne rêver d'être, à ta ceinture,
Belle fille triste aux yeux noirs,
Que la fleur ivre de torture,
La parure d'un de tes soirs ;
Ne souhaiter d'autre aventure
Que te guetter fet te revoir,
Sachant qu'ici-bas ce qui dure
C'est le souvenir — et l'espoir..
Non ! être ton maître et ta proie !
Etre le mâle qui te broie
Et l'esclave qui t'appartient ! é
Sous ton haleine qui m'enivre
Perdre mon regard dans le tien,
T'avoir, t'avoir enfin, et vivre !
AUGUSTE DUVIARD.
v
Une grève de musiciens. '-
Parmi les corporations, parisiennes, celle
des musiciens semblait la piluis paisible, la
moins révolutionnaire. Nous nous tromjpdonis,
et comme de vulgaires terrassiers, les musi-
ciens de France menacent de faire grève. 1
Au congrès annuel qu'ils viennent de tenir
à Paris, Les professionnels de l'archet, de l'an-
che et de l'embouchure se sont plaints véhé-
mentement de la concurrence que leur fai-
saient les musiques militaires. Ils sont déci-
dés à tout entreprendre — grève et sabotage
pour en obtenir la suppression;
Enfin les musiciens reprochent au gouver-
nement d'avoir sévi contre bon nombre de ca-
sinos qui, en fermant leurs salles de jeux, se
sont vus obligés de congédier leur orchestre.
Et les casinos étaient l'unique ressource dies
musiciens pendant toift l'été.
Aurons-nous la grève des disciples d'Or-
phée ? Pourvu que. l'universel Pataud ne
vienne pas encore mettre son vilain nez en
cette affaire !
D'ailleurs, sans avoir eu précisément de
grève de musiciens à Paris, il nous est donné
assez souvent d'assister au sabotage doulou-
reux de la musique. Les fausses notes, les
couacs, les rentrées précipitées ou tardives,
les fautes de mesure ne se comptent plus 1
dans tel concert dominical ou à l'orchestre de
4©1 théâtre.
■Mais, au moins, les musiciens font acte de
présence et l'honneur de la symphonie est
sauf !
> .- (
Vol de froid.
Supposiez-vous qu'on pût jamais voler du
froid ?
Une société de réfrigération assignait der-
nièrement un boucher de Lyon pour « vol de
froid » commis au préjudice de ladite société.
Cette honorable compagnie loue aux bou-
chers et charcutiers lyonnais des cases réfri-
gérantes pour la conservation de la viande en
été.
Or, un boucher locataire d'une case, ayant
autorisé un de ses collègues à user de sa case
et à y introduire de la viande, la Société esti-
ma qu'il y avait là soustraction frauduleuse de
froid et cita devant le tribunal correctionnel"
les deux bouchers.
Le tribunal qui se trouvait pour la première
fois en présence de ce cas très spécial, a esti-
mé que l'élément constitutif du délit n'existait
pas. Le contrat ayant pour objet la case réfri-
gérante et non le froid qu'elle renferme, le ti-
tulaire a le droit d'en user à sa volonté.
Et les deux prévenus, acquittés par le bon
juge, continuèrent à marier leurs côtelettes et
leurs gigots dans le même frigorifère.
-x-
Les restes d'Oscar Wilde.
Les restes d'Oscar Wilde, qui. mourut, voici
neuf ans à Paris, dans un hôtel de la rue des
Beaux-Arts, et qui repose maintenant encore
au cimetière de Bagneux, vont prochainement
être transférés au Père-Lachaise.
.- Lorsque mourut Oscar Wuilde, de très sim-
ples funérailles lui furent faites. Son exécu-
teur testamentaire, M. Hobert Ross consacra
à payer les dettes du poète, le produit de ses
œuvres. Aujourd'hui, les fonds nécessaires
ont pu être réunis pour lui, élever au Père-La-
chaise, un monument dû au ciseau d'un jeune
sculpteur russe, Jacob Epstein.
C'est là un hommage qu'il convenait de
rendre à la mémoire du poète.
-)C- V - «*•"
4 propos d'une décoration franco-russe.
Nous lisons dans la dernière chronique
"usse de la Bibliothèque Universelle .les lignes
suivantes, qui se passent de commentaires :
Le correspondant parisien de la Novoïe Vrémia
assure que plusieurs écrivains français, dont il
3ite les noms, ont demandé à M. Pichon la croix
de la Légion d'dionneur pour M. Souvorine. Il faut
espérer que le ministre des affaires étrangères est
mieux renseigné que la presse parisienne sur le
genre de sympathie que la Novoïe Vrémia professe
pour la France. S'il désire être édifié sur oe point,
il n'a qu'à méditer le passage suivant que je déta-
che de la Novole Vrémia du 22 mars-4 avril 1909 :
« Depuis trente-huit ans que la France républi-
caine vit en paix, ce pays non seulement n'a pas
marché en avant, mais au contraire a régressé
sous bien des rapports. Ce peuple si chevaleres-
que autrefois se montre poltron aujourd'hui. Il est
vrai que la France n'a jamais été plus riche, mais
c'est plutôt la richesse des usuriers que celle des
travailleurs. Oui, sous la devise de : liberté, Ega-
lité, Fraternité, la France a ouvert une banque
mondiale. Abandonnant les anciennes industries
qui étaient l'orgueil de sa civilisation, la France
ne vit plus que des intérêts des immenses capi-
taux qu'elle a prêtés un peu partout. Et comme
un moustique se gonfle du sang de ses victimes,
la France s'enfle de l'or qu'elle suce de ses créan-
ciers. Tous les cinq ans la Russie, à elle seule,
rend à la France la contribution que celle-ci a dû
payer autrefois à l'Allemagne. »
Je suis persuadé que les journalistes qui ont
demandé la Légion d'honneur pour M. Souvorine
ne soupçonnent même pas la propagande antifran-
çaise dont la Novoïe Vrémia a fait sa spécialité.
Une matinée 1830 ou la renaissance de la man-
che à gigot.
La poétesse Elisa Mercœur sera fêtée dy
manche prochain, à l'occasion du centenaire
de sa naissance. Le matin, les poètes et ses
concitoyens nantais iront sur sa tombe,' aiu
Père-Lachaise (rendez-vous à 10 heures, de-
vant la grande porte centrale), où l'on dira des
discours et des vers et des fleurs seront dépo-
sées, et à 2 heures, en l'hôtel des Sociétés lit-
téraires et artistiques, 10, rue Notre-Dame-de-
Lorette, aura lieu une matinée tout à fait ro-
mantique où charmeront les œuvres de Elisa
Mercœur, de Mme Deshoulières et de Mme
Desbordes -Valmore, et où renaîtront pour une
après-midi le gracieux costume 1830 et les
manches « -à gigot » de nos douces grand-
mères.
Déposer de belles choses aux pieds d'une
femme n'est-ce pas lui rendre ce qui lui re-
vient de droit ?
La Nature n'a-t-elle pas, en effet, doué la
femme et la pierre précieuse des mêmes sé-
ductions ?
Le professeur Téola a su si bien reproduire
la nature que les mondaines peuvent aujour-
d'hui, dans leurs parures, rivaliser avec les
plus illustres reines de l'antiquité, célèbres
par leurs joyaux.
Les Perles Técla sont obtenues par un pro-
cédé rigoureusement scientifique ; aussi pos-
sèdent-elles la même subtilité de coloration,
les mêmes qualités de durée qui caractérisent
la perle orientale.
Les remarquables créations de la Société Té-
cla sont conçues d'après des dessins origi-
naux, et serties avec des diamants véritables
dans des montures d'or ou de platine.
La maison Técla, 10, rue de la Paix, semble
un souvenir des contes des Mille et uné Nuits
tant par son luxe que par l'éclat des merveil
les qui y sont accumulées.
Ce n'est pas un magasin, c'est une exposi
tion permanente de joyaux des modèles les
plus nouveaux et les plus artistiques. Chacun
peut s'y rendre pour les examiner à loisir,
apprécier la beauté des pierres et la perfec-
tion des montures, sans avoir la moindre in-
tention d'acheter.
-x-
De Monte-Carlo :
Beaucoup de monde aux bains de mer qui
ont déjà de nombreux fidèles. La température
agréable due à la brise, durant la saison esti-
vale, attire et retient beaucoup d'étrangers.
L'établissement des Bains de Mer, situé sur
la plage de sable fin de Larvotto, admirable-
ment compris et où se trouvent toutes les fa-
cillités pour suivre un régime hydrothérapique
est très couru et présente à certaines heures
une grande animation.
Les excursions dans la montagne, les con-
certs le soir sur les terrasses du Casino, com-
plètent heureusement la journée dans un ca-
dre idéal..
On prête à l'un des thuriféraires les plus
indiscrets de certain député, qui vient, paraît-
il, d'hériter de quinze millions, l'intention de
publier un poème épique, à la manière de
d'Esparbès, intitulé : La légende de Leygios.
Le Diable boiteux.
EN FEUILLATANT GIL BLAS"
Vendredi 24 Juin 1881.
— La droite du Sénat se réunira demain, avant
la séance, pour choisir uéfinilivement son candi-
dat au siège d'inamovible db.yenu vacant par suite
de la mort de M. Littré. M. Peschanel. profes- 1
seur au Collège de France, est le candidat des gau-
ches.
—: La commission municipale chargée d'organi-
ser le futur Opéra Populaire a décidé que ce théâ-
tre pourrait jouer tous les genres lyriques, à l'ex-
ception de l'opérette ; il devra monter vingt actes
nouveaux par on et sera tenu de jouer tous les
soirs.
LA PETITE FLUTR
Une Fable, à la Pêche
Près du fleuve, en nage à demi,
Je marchais, avec un ami.
Quand j'eus trouvé l'ombre d'un saule,
Je dis, en ajustant ma gaule :
h Ici, nous serons à ravir,
'Moi pour pêcher, toi pour dormir. »
Sur cette berge à l'herbe tendre
Et sous ce dais plein de fraîcheur,
Mon ami, qui n'est point pêcheur,
Ne fut pas longtemps à s'étendre ;
Et, murmurant : « On est bien là ! »
Il s'endormit et puis ronfla.
Pour moi, le laissant rendre hommage
A Morphée, ainsi, sans façon,
J'enfilai sur mon hameçon
Un joli morceau de fromage,
Lequel, sur un lit de roseaue
S'en fut danser entre deux eaux.
Or, un quart d'heure après, à peine,
(Et j'en étais tout interdit,
Croyez-le bien), cela mordit [ ,
Et je ramenai, quelle aubaine 1
Au bout de ma ligne, un brochet
Dont rien au monde n'approchait !
Et, ce brochet rempli de charmes,
Je l'allais garer dans mon seau,
Lorsque mon dormeur en sursaut
S'éveilla, les yeux gros de larmes
Et geignant : « Mon cher, je rêvais,
Figure-toi, que ma maîtresse
Me trompait ! Tu sens ma détesse ! »
— « Oui », fis-je, « le rêve est mauvais ;
Mais ce n'est, en somme, qu'un reve I »
;— « Ce rôve, hélas ! » dit-il, « mon bon,
'A la réalité répond !
La gueuse me trompe sans trêve 1
Et je devrais, en vérité,
En être à jamais dégoûté ;
Mais, chaque fois, en fin de compte,
Je lui reviens !. Que j'ai de honte ! h
— « Bah ! » rétorquai-je, « c'est humain 1 »
Et, ce disajnt, j'ouvrais la main
Et rejetais dans l'eau du fleuve
Mon beau brochet. « L'affaire est neuve ! »
Cria mon ami. « Ça ! pourquoi
Fai.5-1..u donc cela ? Quel dommage I »
- « Chut ! » intimai-je, « tiens-toi 'coi t n
Et, d'un nouveau rond de fromage
Ayant garnwmon hameçon :
« Attends », repris-je, « mon garçon 1 n
Et, ma foi, pas une minute
Après, je ramenais, sans lutte,
Raccroché fermement au bout
De mon fil, mon brochet, le même.
Et je conclus : a A ce qu'on aime
Tu vois qu'on revient malgré tout. n
Georges Docquois.
■iQM
Une Fête à Bagatelle
Paris semble, en ce mois de juin, redoubler
d'attractions, comme pour laisser plus de re-
grets à ces Parisiens et à ces étrangers qui
vont le quitter pour aller en villégiature pen-
dant deux ou trois mois. Mais parmi toutes
ces splendeurs par lesquelles il s'efforce à les
retenir, la fête qui aura lieu mardi soir à Ba-
gatelle comptera parmi les plus exquises.
Mme la comtesse Greffudhie, l'infatigable
présidente de la Société des- Grandes Audi-
tions, s'ingénie chaque année à donner aux
adhérents de ce beau groupement musical
une soirée qui dépasse le souvenir de la pré-
cédente. L'année passée c'était dans le cadre
des jardins de Versailles, dans les rochers qui
surplombent le bassin de Neptune, dans le ra-
vissant bosquet des Goionnades, qu'avec l'aide
d'un magicien, Raoul Gunsbourg, et d'une fée
l'Electricité, elle fit revivre pour ses invités
les splendeurs du dix-huitième siècle.
Cette année, Mmes la comtesse Greffulhe a
choisi un nouveau cadre, le merveilleux parc
de Bagatelle, ce château d'apparence si mo-
deste et si coquette, d'une si svelte élégance,
que la maréchale d'Estrées avait fait bâtir
vers 1720 « sur le bord du Bois de Boulogne,
vis-à-vis l'eau M, comme dit le Journal de Bar-
bier. Cette maison, « quoique bagatelle » —
c'est toujours Barbier qui parle - fut la de-
meure préférée du comtle d'Artois, prince
Idu sang, frère du roi. Le comte d'Artois l'a-
vait achetée un beau jour pour y donner une
fête à la dauphine Marie-Antoinette, lors de
son mariage, en 1770. Le jardin anglais de
cette « folie » fut achevé en six semaines,
disent les mémoires de l'époque. Mais le
temps ne fait rien à l'affaire ; car Bagatelle est
aujourd'hui un petit coin qu'on dirait éclos
des Mille et Une Nuits.
Ce n'est pas seulement la nature qui sem-
ble s'y. étaler riante et luxuriante ; c'est toute
la grâce pimpante du dix-huitième siècle qui
.s'y exhibe et a l'air de solliciter les visiteurs
d'aujourd'hui, comme elle attira naguère les
gracieuses dames du grand siècle galant. Des
prairies vallonnées, des bosquets aux trou-
blants mystères,, des lacs où des cygnes atten-
dent leur Lohengrin, des clairières où le so-
loil se résout en paillettes d'or, tout l'attirail
séducteur de la campagne élégante,«peignée,
nattée, conspire à faire de Bagatelle un sé-
jour où l'on situerait ces fêtes inoubliables
que donnaient les grands seigneurs de jadis.
Ce que femme veut, la Ville de Paris le
veut. Car c'est ce coin idéalement joli qu'a
obtenu Mrne la comtesise Greffulhe pour la
soirée de la Société des Grandes Auditions.
C'est là qu'hier elle nous avait conviés, quel-
ques journalistes, pour nous donner une idée
de ce que serait la fête de mardi ; autour
d'elle l'artificier en chef Ruggieri, l'électricien
Raoul Gunsibourg, dont les conseils sont si
précieux quand il s'agit de voir grand et
beau, Gabriel Astruc, M. Gravereaux, le déco-
rateur somptueux à qui Bagatelle doit son or-
nementation de roses, puis le représentant
de M. Forestier, conservateur du Bo-is de Bou-
logne, et enfin M. Gabriel Parès, l'éminent
chef de la musique die la garde républicaine.
Pour compléter la description ajoutez quel-
ques gardiens de Bagatelle qui nous faisaient
escorte.
Telle un général .sur le champ de bataille,
Mime la comtesse Greffulhe prit ses disposi-
tions sur le terrain : elle décida que là serait
placée la garde républicaine, plus loin serait
planté et tiré le feu d'artifice, ailleurs encore
serait la scène. Et en quelques instants le
plan de la fête sortit tout armé de cet extraor-
dinaire cerveau de femme.
Voici le résumé de ce qui fut décidé :
C'est la musique de la garde républicaine
qui donnera. le signal de la soirée avec la
Marche des Rois Mlages, de l'Arlésienne et
l'ouverture des Derniers Jours de la Terreur,
ae LittoJff (avec cette Marseillaise qui y est
intercalée et produit tant d'effet). Puis le pu-
blic assistera à une reconstitution d'Anacréon,
cet ojpiéra-ballet dont Rameau a écrit la mu-
sique et dont Gentil-Bernard a tracé les scè-
nes et les « entréets ». Cette reconstitution a
été confiée à M. Charles Bordes, qui a voué
son existence à la glorification de Rameau.
Puis la parole sera de nouveau à la mu-
sique de la Garde, qui exécutera des sélec-
tions de ballets de Glück et la scène du Bal
de la Symphonie fantastique de Berlioz. En-
fin le premier acte de Tannhauser sera doainé
em entier avec le concours de Van Dyck et
de Mme Litvinne, avec la bacchanale, dansée
par le ballet de l'Opéra. Ce ne sera pas un
spectacle banal que de voir évoluer dans les
bosquets qui formeront le fond de cette scène
naturelle, les Nymphes et les Bacchantes, en
une frénésie voluptueuse de mouvements et
de caresses, tandis que les sonorités de l'or-
chestre clameront les volurptés du Vénusberg*
Quand ce paroxysme se sera alangui, quap.'d
l'énivrante musique de Wagner se sera tue,
le feu d'aTtifice tentera sa séduction siïr les -
yeux des spectatrices et des spectateure. Et ce
ne sera pas, pour quelques-uns, un des moin-
dres attraits de la fête.
Mme la comtesse Greffulhte n'a pas voulu
que cette merveilleuse soirée restât le privi-
lège des seuls membres de la Société des
Grandes Auditions. Elle,a tenu à ce que cha-
cun puisse goûter un pen à ces splendeurs, et
elle a mis à la disposition du public des in-
vitations payantes, dont le montant sera al.
fecté àune bonne œuvre, la Société d'Assis-
tance par le Travail. Et ainsi la soirée de Ba-
gatelle ne sera pas seulement une fête de 18
Beauté, ce sera aussi une fête de la Bonté.
Louis Schneider.
-
CEUX DONT ON PARLE
La F'~33~.i.xM~t~
i* ■ ■■ - *
Méprisant l'a sécurité commode des théoricien-
nes du féminisme assis, elle a préféré les aléas
de la lutte du féminisme debout. e
C'est une militante et, comme elle revendique
hautement.- surtout dans les salles de rédaction,
hélas ! — lies mêmes droits et les mêmes devoirs
que les compères du sexe fort, elle aussi est en
bataille.
Elle a lu Karl Marx, Shopenhauer et Nietzsche,
ce qui ne l'a point empêchée de vibrer à des stro-
phes de Musset et de se sentir délicieusement tris-
te, aux mélodies de Schumann.
Une idée originale et l'audace d'un geste, qui
eût valu à l'un des représentants mâles de l'es-
pèce, quelques mois de repos à la maison de santé
de la rue du même nom, lui ont valu, sinon la
gloire, du moins une vogue élégante et l'espoir
« d'être un peu là, cinq minutes Il, lors de futurs,
qu'elle veut croire tout proches.
Ses révolutionnaires idées s'accommodent, cepeo.
dant, de la ligne d'un corset droit et de l'empana,
chement — en dehors des limites de l'épure —
d'un amour de chapeau, qui serait simplement ri.
dicule, s'il n'était à la mode.
Qu'elle prenne la parole, sa voix s'enfle et s'é-
lève au diapason des idées qu'elle secoue nerveu-
sement, elle vit ce qu'elle dit et dans le fracas so-
nore des périodes fulminantes, elle regarde, pour
elle-même, passer le défilé des héroïnes célèbres,
regrettant de n'avoir pu cueillir que les palmes,
académiques, à défaut de oelies réservées aux
martyres. -
Son but, c'est le grand soir féminin, l'heure su-
blime de l'affranchissement et des jougs brisés ;
elle l'espère, elle l'attend et quand tout sera prêt
pour la lutte dernière, si la dévolution n'éclate
pas alors, c'est qu'une couturière n'aura pas à
temps livré sa robe, ou qu'elle aura, ce soir-là,
par inadvertance, oublié sa boîte de poudre de riz
ou son bâton de rouge.
Fernand Sernada.
: ♦
COUR D'ASSISES DE VERSAILLES
Renard devant
ses nouveaux Juges
, DERN'ÈRE AUDIENCE
Plaidoirie de Me Lagasse. -- Le
Verdict. — Nombreux et violents
Incidents. — L'Arrêt.
Or donc, le jury de Versailles a eu la fai-
blesse de confirmer le verdict rendu par tes
jurés de Paris ; verdict qui, certainement, mé-
contentera l'opinion publique, par son excès
d'illogisme. *
D'ailleurs, le procureur de la République l'a.
vait si bien compris que c'était la tête de Re-
nard qu'il avait demandée ; mais les jurés
n'ont pas eu comme lui le courage d'aller jus-
qu'à la condamnation capitaiîe.
Et ils sont revenus de la salle de leur déli-
bération très calmes, indifférents même pour
répondre oui à toutes les questions, sauf à
une et leur doute est si grand pourtant qu'ils
accordent des circonstances atténuantes.
C'est fou 1 et cela soulève dans l'auditoire
une tempête qui oblige le président à faire
évacuer la salle. Me Lagasse a beau protester,
et supplier le public de ne pas sortir, force
reste à M. Puget, e-t les artilleurs, très éner-
vés, font sortir tout le monde.
La salle cependant est loin d'être vide, car
à la place des belles dames en robes claires,
qui donnaient à la salle un aspect élégant, ce
ne sont plus que des militaires, il en sort de
tous côtés ; et ils sont bien heureux, ces. pau-
vres militaires, ils ont si peu de distractions.
Quant à l'attitude de M. Riondel, ce prési-
.dent du jury, conseiller municipal de Neuilly-
Plaisance, marchand de vins en gros, dont la
conduite jugée par tant de témoins scandaleu-
se, a amené les incidents qu'on lira plus,
loin, nous n'en dirons rien,. l'opinion publi-
que la jugera comme il convient.
L'AUDIENCE
Il faudrait disposer de plusieurs colonnes
de Gil Blas pour pouvoir donner un résumé à
¡peu près complet de cette longue audience,
qui a commencé à midi pour se terminer à
neuf heures, et qui fut toute pleine d'inci-
dents.
Notons d'abord que Versailles, la ville
morte et déserte par excellence, était hier, au
moins dans les environs du Palais, palpitante
et remplie d'une foule curieuse et impatiente.
Dès midi et diemie, au milieu de la plus
grande et sympathique attention, Me Lagasse
a pris la parole :
« Nous arrivons au bout de- notre tâche. La vô-
tre va commencer tout à l'heure. Nous nous som-
mes défendus généreusement, nous avons mis toute
notre loyauté tau senvice de ce que nous estimons
étrje la vérité, mais notre rôle n'est pas aussi pé-
rilleux que le vôtre. Vous n'avez pas un raison-
nement à fournir, c'est une décision de justice quei
vous avez à rendre. »
Me Lagasse revient sur ce point : il n'y a.
qu'un seul assassin, Courtois. Courtois cam-
brioleur surpris, qui a tué. Ensuite, il s'at-
taque aux juges d'instruction, aux experts, il
parle de leur « déformation professionnelle ».
L'éminent avocat regrette Qu'une visite col-
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(Préface de Gil DIas au lecteur)
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Encore les Usines I
Un empoisonnement d'une importance ex-
septionnelle vient j encore de se produire dans
le canal de la Somme, près de Péronne. Une
usine de Nesle est, parait-il, cause d'un déver-
sement nocif où quatre mille kilos de poissons
viennent de trouver la mort. Le spectacle est
lamentable, nous écrit-on : tout ce poisson,
nhyxié par les matières nocives, est venu
s'accumuler contre les portes de l'écluse d'E-
pénancourt ; on a retiré à cet endroit d'énor-
mes brochets de 10 à 12 livres, des brèmes,
les carpes, des tanches et des myriades de
goujons, providence du petit pêcheur à la li-
Ine.
Cet empoisonnement, qui a été précédé, il
y a deux mois, d'un autre accident analogue,
survenu dans la Biaise, près de Dreux, mon-
tre combien il est argent que les usines soient
surveildées, surtout avant les accidents de ce
genre, accidents que bien souvent on pourrait
éviter. Dans la Biaise, par exemple, l'usine en
question, en six ans, a provoqué quatre fois
le mécompte dont les riverains ont été victi-
mes à savoir la chute accidentelle^ par mau-
vais établissement des cuves, de quinze mille
litres d'acide sultfurique dans la rivière. Il est
inutile de se demander après cet arrosage chi-
mique, si les truites de La Blaise tournèrent
de l'œil ! Tout fut détruit et l'intervention seu-
ie du délégué local du Fishing-Club atténua le
désastre. Les usiniers composèrent aveu les
riverains qui furent indemnisés.
C'est égal ! Etre indemnisé ne compense
pas, pour les pêcheurs, le plaisir qu'ils au-
ront dû tous éprouver, à se procurer du pois-
son aux halles du marché voisin 1
Et c'est pourquoi j'estime qu'il y a une es-
pèce de défi porté au principe d'égalité lors-
qu'un usinier, aux seules fins de n'avoir au-
cune histoire avec les Eaux et Forêts loue tout
un ruban de rivière pour le contaminer à loi-
sir et de plein droit.
Comme ces messieurs, généralement, ne
sont pas cousins du mendiant du Pont des
Arts, ils ont beau jeu d'enchérir sur quelques
maigres particuliiers, voire sur la société de
pêche du lieu et le tour est joué.
1
A ce compte-là, et comme le réseau de nos
usines tend de jour en jour à s'étendre davan-
tage, c'est la mort de nos cours d'eau dans
dix ans, à moins que la loi en préparation ne
bride auparavant le sans-gêne des industriels.
Si l'on n'y prend garde, grâce à ce jem'cn-
fichisme des commerçants dont l'unique pré-
occupation est le bénéfice immédiat à réaliser,
st qui, pour te reste, répètent volontiers :
k Après nous le déluge », les malaidies et les
épidémies progresseront à tel point que les
médecine sains clientèle seront bientôt les
seuls à se frotter lois mains de cbt état de
choses lamentable.
Il serait injuste au reste d'accuser les seuls
industriels des crimes de lèse-hygiène commis
journellement en France. Beaucoup de villes,
bien des municipalités exécutent la même
partie sans trop se préoccuper des êtres hu-
mains dont elles jouent l'existence. Un de
mes amis m'écrit qu'à Toulon, par exemple,
ville de 100.000 habitants, existe encore, à
cause de la difficulté qu'il y a d'établir un sys-
ième d'égoût rationnel, d'usage des torpilleurs
et des toupines.
Le torpilleur est le tonneau qui chaque ma-
iin, doit recevoir toutes les déjections de
l'hahitant.. Le toupine est le seau spécial où
tout locataire doit conserver la « chose » en
question jusqu'au passage du torpilleur. Or,
parfois le torpilleur est plein, alors qu'un bout
de rue reste encore à visiter. Que faire si ce*
n'est attendre au lendemain pour l'enlèvement
des toupines en souffrance ? Et l'on attend au
lendemain. Mais si, d'aventure, éclate un ora-
ge, alors c'est le salut 1 D'un coup de pied,
l'on bascule le toupine sur le sol et l'averse
d'en haut se charge d'emporter la « machine »
en question à une allure bien plus rapide que
celle du torpilleur.
Et voilà !.
Ce système primitif du « tout à la rivière » a
d'ailleurs bien souvent l'approbation tacite de
l'Administration. Un inspecteur de l'hygiène,
à qui dernièrement se plaignait un riverain du
déversement par une usine (ci : 200 ouvriers)
des W.-C. de l'établissement (dans le cours
d'eau, répondait à ce riverain :
— Buvez-vous de l'eau de rivière ?
— Non, certes !
— Eh bien ! pourquoi vous plaindre si les
poissons s'en accommodent !
La question des fosses spéciales, au surplus,
pourrait donner matière, sans jeu de mots, à
un ou deux volumes. Quelle est la petite ville
..,. de France, traversée par un ruisseau, dont les
buen-retiros ne sont pas établis en pignon
sur le cristallin filet d'eau qu'elle pollue ? Je
pourrais en citer ici une kyrielle, dont j'ai les
photographies sous les yeux, et ayant ces pho-
tographies sous les yeux, l'envie ne me vient
nullement d'aller contempler de plus (près ces
jolies petites" cités provinciales, au front des-
quelles se greffent ces chancres innommables.
Les villes qui possèdent -des fosses curables
ne* sont pas toujours, elles non plus, à l'abri
de certaines contaminations de ce fait. Lille,
entre autres, est dans une situation qui mérite
d'être signalée. Chaque maison y a sa fosse
particulière que l'on vide périodiquement —
que l'on vidait — devrais-je dire, car voici ce
qui se passe.
Dans le bon vieux temps, le paysan des en-
virons arrivait dains la ville avec son tonneau,
s'entendait avec la bonne ou la cuisinière à la-
quelle il donnait la pièce, et vidait lui-même
la fosse, dont le produit allait engraisser sa
terre. Cette besogne, il faut Le dire, était faite
plus ou moins délicatement ; des. parfums
s'échappaient parfois quand plusieurs paysans
opéraient ensemble. Bref, la municipalité ju-
gea opportun de concéder l'entreprise à une
société outillée qui devait remplacer le vidage
ancien, par trop primitif.
Mais, ô miracle ! à partir de ce moment les
curages de fosses diminuèrent à tel point que
l'on put se demander si tous les Lillois n'é-
taient pas devenus subitement des corps glo-
rieux. La compagnie concessionnaire se croi-
sait les bras devant l'ouvrage, elle qui ne de-
mandait qu'à brasser des affaires. Quelle était
la clef de l'énigme ?
Ma foi, cette clef n'était pas compliquée ;
elle n'était même pas à pompe ! Tout le se-
cret de l'abstention consistait en ce aue la
Compagnie, administrativement, ne pouvait
s'abaisser jusqu'à donner la pièce aux bonnes ;
il en résultait que celles-ci ne prévenaient
plus quand l'heure raisonnable du vidage son-
nait.
Et comme les fosses, quoi qu'en disent les
maçons, ne sont jamais d'une étanchéité par-
faite à leur sommet, il s'ensuivit que le phé-
nomène du suintement au trop plein devint
général et que dès lors les fasses n'eurent plus
besoin d'être vidées. Le sol environnant ab-
sorbait tout ce qu'on voulait lui faire boire !
La nappe souterraine n'a encore rien dit
concernant cette déloyale manœuvre des bon-
nes. Mais quand elle parlera, Dieu sait ce que
nous trouverons dans nos verres ! Je pose la
question à l'éminent M. Ory, le si dévoué pré-
sident du Consortium d'assainissement du
Nord.
Vicomte de Pltray,
Administrateur-Délégué
du Fishing-Club de France.
———— ■ ■ ——•>■■■ ■■■ ■— ■■■■■■■— n—
AUTOUR DE LA POLITIQUE
Le verdict de Versailles
Le verdict de Versailles est évidemment, à
l'heure où nous écrivons, le sujet de toutes
les conversations et aussi de toutes les discus-
sions. On s'attendait, en effet, à un verdict ou
constatant la culpabilité ou affirmant l'inno-
cence de Renard. Mais Les circonstances atté-
nuantes, si l'on admet Renard coupable, ap-
paraissent comme un véritable défi au bon
sens. - -
Il y avait, au contraire, dans son cao, toutes
les circonstances aggravantes imaginables,
dont la première, qu'il était l'homme de con-
fiance de la maison.
Il y avait encore, toujours dans l'hypothèse
de la culpabilité, la nécessité sociale de faire
un exemple aussi sévère que possible,, puis-
que chacun peut se trouver exposé sans dé-"
fense aux faciles entreprises d'un domestique
assassin. Enfin, certaines autres circonstances
répugnantes, sur lesquelles il est inutile de
revenir, si elles ne devaient pas constituer
une présomption de culpabilité n'étaient ce-
pendant pas faites, celle-ci constatée, pour
motiver l'indulgence.
Ce verdict apparaîtra donq comme incom-
préhensible. Et cependant, il a une explica-
tion.
Tout d'abord, les jurés qui sont adversaires
de la peine de mort concilient leurs convic-
tions et leur devoir social en accordant, par
principe, les circonstances atténuantes, qui
évitent une condamnation capitale. Cette
considération à la vérité ne doit pas avoir
exercé une grande influence sur le jury de
Versailles qui passe pour un des jurys les
plus sévères de France.
Mais il y .en a une autre. Dans le cas de Re-
nard, il est évident que les preuves matériel-
les manquaient. Or, môme si un faisceau de
présomptions morales est assez fort pour dé-
terminer une conviction de culpabilité, cette
conviction n'est elle-même que morale. Elle
ne repose pas sur ces bases solides de la preu-
ve matérielle, qui seules peuvent libérer en-
tièrement la conscience d'un juge. Dans la
certitude morale la plus établie, il subsiste, en
un mot -, puisqu'elle se fonde sur des dé-
ductions et des raisonnements toujours failli-
bles, — une vague lueur de doute, une crainte
indécise et presque inconsciente de l'erreur.
Et alors, pour ne pas créer l'irréparable,
pour laisser une porte ouverte à la répara-
tion entrevue dans les brumes de la conscien-
ce, on condamne avec circonstances atténuan-
tes.
Et l'on ne se dit pas qu'en bonne et vraie
justice, le doute, si léger, si infinitésimal, si
atomique soit-il, aurait dû motiver l'acquitte-
ment.
GIL BLAS
—————————————— ——————————————
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à 2 heures, courses au Bois de Bou-
logne.
Pronostics de Gil Blas :
Prix du Pré-Catelan. — Manchot, Madrigal II.
Prix de la Muette. — Maroussia, Chèvre Hoche.
Prix de Rocquencourt. — Alexis.
Handicap limité. — Rienzi, Sohuyler.
Prix de Rueil. — Lovelace, Tabou.
Prix de la Porte-Maillot. — Dithor, Rose Noble.
LE CENTAURE
L'affaire du grand Steeple, '"des lads et mê-
me des vans promet le finir beaucoup plus
drôlement qu'on ne l'aurait supposé. Elle fi-
nira par une question du sénateur Audiffred
à M. Clemenceau, ministre de l'intérieur. On
se disputera les places dans les tribunes séna-
toriales ce jour-là.
D'abord, on se dit : « Il y a donc un séna-
teur qui s'appelle Audiffred ? » On est bien
forcé d'en convenir puisqu'il interpelle le mi-
nistre sur les lads et sur les vans. Ensuite on
se demande : (« Qu'est-ce que ce sénateur qui
interpellera demain sur les vans et sur les lads
peut bien faire le reste du temps ? » On le con-
naît si peu, et tout à coup, il entre, si on ose
dire, — faut-il oser ? doit-on le dire ? — dans
la grande renommée. Ah 1 mon chéri !
Mais le père Audiffred, comme on le nomime
dans les environs du Musée social où il fré-
quente, n'est pas un type ordinaire. C'est un
de nos parlementaires les plus anciens. Il a
une bonne tenue, Il n'injurie pas les passants.
Il ne boit pas plus que de raison. Il heurte
parfois les dames sur les trottoirs, mais, hon-
ni soit qui mal y pense, il les heurte seule-
ment parce qu'il est myope. Il a été maire.. Il
a été conseiller général. Il a été député. Il est
sénateur. Malgré tout, il n'est pas un très
mauvais type. Mais il est le politicien le plus
violent du monde. Il a changé son fusil d'é-
paule parce qu'il avait l'épaule fatiguée. Autre-
fois, il était anticlérical farouche, maintenant
il est clérical féroce. Ce n'est pas une raison
pour qu'il questionne le ministre sur les lads
et sur les vans. Mais le père Audiffred est un
intrépide cavalier. On ne le sait pas assez
dans Paris. En sa jeunesse, il était avocat e1
« bafouillait avec éolat ». Il se rattrapait à
cheval. Depuis qu'il a consacré son éloquence
à la politique, id est devenu peut-être le meil-
leur cavalier du Sénat. Tous les matins, le pè-
re Audiffred et sa monture — l'un portant
l'autre — encombrent les allées du Bois. La
monture est une vieille bête que M. Audiffred
loue depuis qu'il est parlementaire chez le
loueur du coin. Elle doit donc avoir une qua-
rantaine d'années. C'est une vieille bête, mais
c'est une bonne bête.
Là-dessus, Audiffred rajeunit. Il a près de
soixante-dix, ans. Il en paraît cinquante. Il est
le dernier centaure.
Espérons qu'il y aura beaucoup de monde
au Sénat lorsque le dernier centaure question-
nera le président du conseil sur les vans et
sur les lads. Les assistants des tribunes n'en-
tendront pas un orateur, mais il verront un
centaure. Ça vaut le voyage !
J. Ernest-Charles.
IL Y A CENT ANS
Jeudi 24 Juin 1809.
— Ordre daté du camp impérial de Schoen-
brunn : « A dater de demain, il sera donné aux
troupes qui sont dans l'Ile de Lobau et à celles.
qui sont sur les bords du- Danube une bouteille de
vin et une ration de vinaigre par homme, ce qui
sera la douible ration d'été par jour. L'intendant
fera transporter dans l'île, avant le 23, 200.000
bouteilles de vin et 15.000 pintes d'eau-de-vie (la
pinte vaut 93 centilitres), lesquelles formeront un
magasin de réserve. On fera l'inventaire ce tou-
tes les caves de Vienne qui appartiennent soit aux
princes, soit aux couvents et aux plus granis sei-
gneurs, afin d'être assuré de l'approvisionnement
de l'armée sans être obligé d'avoir recours aux
caves des bourgeois et petits propriétaires. »
———— ) "( ————
LE BOULEVARD
Fantaisies testamentaires.
L'actualité est aux testaments. De toutes
parts on jongle avec les millions, et l'es malins
méditent sur les moyens les plus artificieux
de capter les héritages.
Vo,ici, dans un ordre d'idées analogue, les
principales et fort singulières clauses et dis-
positions testamentaires ,et'UiTh médecin ocu-
liste qui vient de mourir à Londres.
Cet oculiste aimait passionnément les ani-
maux. Il en possédait une véritable ménage-
rie. Or il veut que ses bêtes continuent à être
heureuses après sa mort. Il ne leur a pas
laissé d'argent, parce que les animaux ne sa-
vent pas s'en servi'r. Mais il a voulu que son
domestique disposât d'une somme considé-
rable, à la condition que :
1° « Soldiér Boy » (Jeune Soldat), alezan
brûlé, ait sa vie durant, sa mangeoire confor-
tabtement garnie d'avoine, ei surtout sait
soustrait aux horreurs de la boucherie hippo-
phagique ;
2° Même stipulation en faveur de la jument
« Dancing DoLl », ancienne rossinante die cab,
que le généreux oculiste avait achetée au
moment où « Dancing Doll devait être expé-
dier sur Anvers pour y être convertie en
vi andedte conserve ;
30 Un legs pour assurer la pâtée à « Bille »,
gentil fox terrier d'Aberdeen ;
4° Un legs pour et Fluff », chat persan (au-
cun rapport avec le schah de Perse).
Cet oculiste était un original. Nous igno-
rons s'il soignait ses malades « à l'œil », mais
ce que nous savons, c'est que son amour pour
les animaux ne l'a pas empêché de léguer de
fort rondeliettes sommes à ses parents, amis,
et autres héritiers humains.
Cartes postales illustrées.
La vanité humaine, a dit ou à peu près La
Rochefoucauld qui connaissait le cœur hu-
main, (à moins que ce ne soit Joseph Prud-
homme qui ait proféré cet axiome) est le mo-
bile de toutes les actions.
En voici uin. nouveau témoignage, topique
à la vérité.
Vous savez 'de quelle vogue jouit, quel for-
midable développement a pris le petit com-
merce tles cartes postales illustrées. Tous les
peintres font photographier leur tablaeu du
Salon, et envoient cette belle image à leurs
amis et connaissances.
Eh bien, depuis quelque temps, on v-oit
dans la banlieue de Paris des photographes
ambulants venir proposer aux propriétaires
ou aux simples locataires de villas, de photo-
graphier ces villas, avec les hiaibitants endi-
manchés debout sur le perron.
Très peu de personnes refusent, et il en
est même qui demandant au photographe de
faire imprimer au bas de la carte : « Caistel
fleuri H ou « Manoir des Glaïeuls » ou- telle
autre appellation ronflante — surtout si la
villa est une humble maisonnette d'un loyer
annuel die vingt louis.
- x-
Œufs et beefsteachs.
Vouis connaissiez l'affaire des lads et des
varns. Mais vous ne connaissez sans doute
pas celle des œufs et des teeifisteacks. Elle est
moins retentissante, mais elle vaut d'être
contée.
Figurez-vous dionc que dans un des plus
considérables magasins de nouveautés de Pa-
ris, où le personnel est nourri — et très bien
nourri — quelques employés, affiliés à la
C.G.T. et aux syndicats rouges, ont décidé
de se plaindre de la nourriture.
Pour arriver à leurs fms, voi'ci comme ils
ont procédé. Au réfectoire duldit magasin,
lorsqu'un employé ne veut pais manger son
beefsteaek, il a le droit de demander - deux
œufs en remplacement.
Eh bien, les révoltés (disons les mutins,
pour ne pas grossir l'incident) font circuler
des « papillons » emgageant les cammrades, les
« frères de misère » à demander tous des
œufs et à refuser leur beefsteaek !
C'est là une manière nouvelle de sabotage.
Voyez-vous trois mille beefsteacks restant
pour compte à la direction diudit magasin I
Oui, mais si l'on prend les noms des obsti-
nés gobeurs d'œufs et qu'on les révoque, ils
trouveront peut-être que leurs œufs ont un
goût amer.
x
Désir.
< le suis ton maître et ti proie. *
V. H.
Ne rêver d'être, à ta ceinture,
Belle fille triste aux yeux noirs,
Que la fleur ivre de torture,
La parure d'un de tes soirs ;
Ne souhaiter d'autre aventure
Que te guetter fet te revoir,
Sachant qu'ici-bas ce qui dure
C'est le souvenir — et l'espoir..
Non ! être ton maître et ta proie !
Etre le mâle qui te broie
Et l'esclave qui t'appartient ! é
Sous ton haleine qui m'enivre
Perdre mon regard dans le tien,
T'avoir, t'avoir enfin, et vivre !
AUGUSTE DUVIARD.
v
Une grève de musiciens. '-
Parmi les corporations, parisiennes, celle
des musiciens semblait la piluis paisible, la
moins révolutionnaire. Nous nous tromjpdonis,
et comme de vulgaires terrassiers, les musi-
ciens de France menacent de faire grève. 1
Au congrès annuel qu'ils viennent de tenir
à Paris, Les professionnels de l'archet, de l'an-
che et de l'embouchure se sont plaints véhé-
mentement de la concurrence que leur fai-
saient les musiques militaires. Ils sont déci-
dés à tout entreprendre — grève et sabotage
pour en obtenir la suppression;
Enfin les musiciens reprochent au gouver-
nement d'avoir sévi contre bon nombre de ca-
sinos qui, en fermant leurs salles de jeux, se
sont vus obligés de congédier leur orchestre.
Et les casinos étaient l'unique ressource dies
musiciens pendant toift l'été.
Aurons-nous la grève des disciples d'Or-
phée ? Pourvu que. l'universel Pataud ne
vienne pas encore mettre son vilain nez en
cette affaire !
D'ailleurs, sans avoir eu précisément de
grève de musiciens à Paris, il nous est donné
assez souvent d'assister au sabotage doulou-
reux de la musique. Les fausses notes, les
couacs, les rentrées précipitées ou tardives,
les fautes de mesure ne se comptent plus 1
dans tel concert dominical ou à l'orchestre de
4©1 théâtre.
■Mais, au moins, les musiciens font acte de
présence et l'honneur de la symphonie est
sauf !
> .- (
Vol de froid.
Supposiez-vous qu'on pût jamais voler du
froid ?
Une société de réfrigération assignait der-
nièrement un boucher de Lyon pour « vol de
froid » commis au préjudice de ladite société.
Cette honorable compagnie loue aux bou-
chers et charcutiers lyonnais des cases réfri-
gérantes pour la conservation de la viande en
été.
Or, un boucher locataire d'une case, ayant
autorisé un de ses collègues à user de sa case
et à y introduire de la viande, la Société esti-
ma qu'il y avait là soustraction frauduleuse de
froid et cita devant le tribunal correctionnel"
les deux bouchers.
Le tribunal qui se trouvait pour la première
fois en présence de ce cas très spécial, a esti-
mé que l'élément constitutif du délit n'existait
pas. Le contrat ayant pour objet la case réfri-
gérante et non le froid qu'elle renferme, le ti-
tulaire a le droit d'en user à sa volonté.
Et les deux prévenus, acquittés par le bon
juge, continuèrent à marier leurs côtelettes et
leurs gigots dans le même frigorifère.
-x-
Les restes d'Oscar Wilde.
Les restes d'Oscar Wilde, qui. mourut, voici
neuf ans à Paris, dans un hôtel de la rue des
Beaux-Arts, et qui repose maintenant encore
au cimetière de Bagneux, vont prochainement
être transférés au Père-Lachaise.
.- Lorsque mourut Oscar Wuilde, de très sim-
ples funérailles lui furent faites. Son exécu-
teur testamentaire, M. Hobert Ross consacra
à payer les dettes du poète, le produit de ses
œuvres. Aujourd'hui, les fonds nécessaires
ont pu être réunis pour lui, élever au Père-La-
chaise, un monument dû au ciseau d'un jeune
sculpteur russe, Jacob Epstein.
C'est là un hommage qu'il convenait de
rendre à la mémoire du poète.
-)C- V - «*•"
4 propos d'une décoration franco-russe.
Nous lisons dans la dernière chronique
"usse de la Bibliothèque Universelle .les lignes
suivantes, qui se passent de commentaires :
Le correspondant parisien de la Novoïe Vrémia
assure que plusieurs écrivains français, dont il
3ite les noms, ont demandé à M. Pichon la croix
de la Légion d'dionneur pour M. Souvorine. Il faut
espérer que le ministre des affaires étrangères est
mieux renseigné que la presse parisienne sur le
genre de sympathie que la Novoïe Vrémia professe
pour la France. S'il désire être édifié sur oe point,
il n'a qu'à méditer le passage suivant que je déta-
che de la Novole Vrémia du 22 mars-4 avril 1909 :
« Depuis trente-huit ans que la France républi-
caine vit en paix, ce pays non seulement n'a pas
marché en avant, mais au contraire a régressé
sous bien des rapports. Ce peuple si chevaleres-
que autrefois se montre poltron aujourd'hui. Il est
vrai que la France n'a jamais été plus riche, mais
c'est plutôt la richesse des usuriers que celle des
travailleurs. Oui, sous la devise de : liberté, Ega-
lité, Fraternité, la France a ouvert une banque
mondiale. Abandonnant les anciennes industries
qui étaient l'orgueil de sa civilisation, la France
ne vit plus que des intérêts des immenses capi-
taux qu'elle a prêtés un peu partout. Et comme
un moustique se gonfle du sang de ses victimes,
la France s'enfle de l'or qu'elle suce de ses créan-
ciers. Tous les cinq ans la Russie, à elle seule,
rend à la France la contribution que celle-ci a dû
payer autrefois à l'Allemagne. »
Je suis persuadé que les journalistes qui ont
demandé la Légion d'honneur pour M. Souvorine
ne soupçonnent même pas la propagande antifran-
çaise dont la Novoïe Vrémia a fait sa spécialité.
Une matinée 1830 ou la renaissance de la man-
che à gigot.
La poétesse Elisa Mercœur sera fêtée dy
manche prochain, à l'occasion du centenaire
de sa naissance. Le matin, les poètes et ses
concitoyens nantais iront sur sa tombe,' aiu
Père-Lachaise (rendez-vous à 10 heures, de-
vant la grande porte centrale), où l'on dira des
discours et des vers et des fleurs seront dépo-
sées, et à 2 heures, en l'hôtel des Sociétés lit-
téraires et artistiques, 10, rue Notre-Dame-de-
Lorette, aura lieu une matinée tout à fait ro-
mantique où charmeront les œuvres de Elisa
Mercœur, de Mme Deshoulières et de Mme
Desbordes -Valmore, et où renaîtront pour une
après-midi le gracieux costume 1830 et les
manches « -à gigot » de nos douces grand-
mères.
Déposer de belles choses aux pieds d'une
femme n'est-ce pas lui rendre ce qui lui re-
vient de droit ?
La Nature n'a-t-elle pas, en effet, doué la
femme et la pierre précieuse des mêmes sé-
ductions ?
Le professeur Téola a su si bien reproduire
la nature que les mondaines peuvent aujour-
d'hui, dans leurs parures, rivaliser avec les
plus illustres reines de l'antiquité, célèbres
par leurs joyaux.
Les Perles Técla sont obtenues par un pro-
cédé rigoureusement scientifique ; aussi pos-
sèdent-elles la même subtilité de coloration,
les mêmes qualités de durée qui caractérisent
la perle orientale.
Les remarquables créations de la Société Té-
cla sont conçues d'après des dessins origi-
naux, et serties avec des diamants véritables
dans des montures d'or ou de platine.
La maison Técla, 10, rue de la Paix, semble
un souvenir des contes des Mille et uné Nuits
tant par son luxe que par l'éclat des merveil
les qui y sont accumulées.
Ce n'est pas un magasin, c'est une exposi
tion permanente de joyaux des modèles les
plus nouveaux et les plus artistiques. Chacun
peut s'y rendre pour les examiner à loisir,
apprécier la beauté des pierres et la perfec-
tion des montures, sans avoir la moindre in-
tention d'acheter.
-x-
De Monte-Carlo :
Beaucoup de monde aux bains de mer qui
ont déjà de nombreux fidèles. La température
agréable due à la brise, durant la saison esti-
vale, attire et retient beaucoup d'étrangers.
L'établissement des Bains de Mer, situé sur
la plage de sable fin de Larvotto, admirable-
ment compris et où se trouvent toutes les fa-
cillités pour suivre un régime hydrothérapique
est très couru et présente à certaines heures
une grande animation.
Les excursions dans la montagne, les con-
certs le soir sur les terrasses du Casino, com-
plètent heureusement la journée dans un ca-
dre idéal..
On prête à l'un des thuriféraires les plus
indiscrets de certain député, qui vient, paraît-
il, d'hériter de quinze millions, l'intention de
publier un poème épique, à la manière de
d'Esparbès, intitulé : La légende de Leygios.
Le Diable boiteux.
EN FEUILLATANT GIL BLAS"
Vendredi 24 Juin 1881.
— La droite du Sénat se réunira demain, avant
la séance, pour choisir uéfinilivement son candi-
dat au siège d'inamovible db.yenu vacant par suite
de la mort de M. Littré. M. Peschanel. profes- 1
seur au Collège de France, est le candidat des gau-
ches.
—: La commission municipale chargée d'organi-
ser le futur Opéra Populaire a décidé que ce théâ-
tre pourrait jouer tous les genres lyriques, à l'ex-
ception de l'opérette ; il devra monter vingt actes
nouveaux par on et sera tenu de jouer tous les
soirs.
LA PETITE FLUTR
Une Fable, à la Pêche
Près du fleuve, en nage à demi,
Je marchais, avec un ami.
Quand j'eus trouvé l'ombre d'un saule,
Je dis, en ajustant ma gaule :
h Ici, nous serons à ravir,
'Moi pour pêcher, toi pour dormir. »
Sur cette berge à l'herbe tendre
Et sous ce dais plein de fraîcheur,
Mon ami, qui n'est point pêcheur,
Ne fut pas longtemps à s'étendre ;
Et, murmurant : « On est bien là ! »
Il s'endormit et puis ronfla.
Pour moi, le laissant rendre hommage
A Morphée, ainsi, sans façon,
J'enfilai sur mon hameçon
Un joli morceau de fromage,
Lequel, sur un lit de roseaue
S'en fut danser entre deux eaux.
Or, un quart d'heure après, à peine,
(Et j'en étais tout interdit,
Croyez-le bien), cela mordit [ ,
Et je ramenai, quelle aubaine 1
Au bout de ma ligne, un brochet
Dont rien au monde n'approchait !
Et, ce brochet rempli de charmes,
Je l'allais garer dans mon seau,
Lorsque mon dormeur en sursaut
S'éveilla, les yeux gros de larmes
Et geignant : « Mon cher, je rêvais,
Figure-toi, que ma maîtresse
Me trompait ! Tu sens ma détesse ! »
— « Oui », fis-je, « le rêve est mauvais ;
Mais ce n'est, en somme, qu'un reve I »
;— « Ce rôve, hélas ! » dit-il, « mon bon,
'A la réalité répond !
La gueuse me trompe sans trêve 1
Et je devrais, en vérité,
En être à jamais dégoûté ;
Mais, chaque fois, en fin de compte,
Je lui reviens !. Que j'ai de honte ! h
— « Bah ! » rétorquai-je, « c'est humain 1 »
Et, ce disajnt, j'ouvrais la main
Et rejetais dans l'eau du fleuve
Mon beau brochet. « L'affaire est neuve ! »
Cria mon ami. « Ça ! pourquoi
Fai.5-1..u donc cela ? Quel dommage I »
- « Chut ! » intimai-je, « tiens-toi 'coi t n
Et, d'un nouveau rond de fromage
Ayant garnwmon hameçon :
« Attends », repris-je, « mon garçon 1 n
Et, ma foi, pas une minute
Après, je ramenais, sans lutte,
Raccroché fermement au bout
De mon fil, mon brochet, le même.
Et je conclus : a A ce qu'on aime
Tu vois qu'on revient malgré tout. n
Georges Docquois.
■iQM
Une Fête à Bagatelle
Paris semble, en ce mois de juin, redoubler
d'attractions, comme pour laisser plus de re-
grets à ces Parisiens et à ces étrangers qui
vont le quitter pour aller en villégiature pen-
dant deux ou trois mois. Mais parmi toutes
ces splendeurs par lesquelles il s'efforce à les
retenir, la fête qui aura lieu mardi soir à Ba-
gatelle comptera parmi les plus exquises.
Mme la comtesse Greffudhie, l'infatigable
présidente de la Société des- Grandes Audi-
tions, s'ingénie chaque année à donner aux
adhérents de ce beau groupement musical
une soirée qui dépasse le souvenir de la pré-
cédente. L'année passée c'était dans le cadre
des jardins de Versailles, dans les rochers qui
surplombent le bassin de Neptune, dans le ra-
vissant bosquet des Goionnades, qu'avec l'aide
d'un magicien, Raoul Gunsbourg, et d'une fée
l'Electricité, elle fit revivre pour ses invités
les splendeurs du dix-huitième siècle.
Cette année, Mmes la comtesse Greffulhe a
choisi un nouveau cadre, le merveilleux parc
de Bagatelle, ce château d'apparence si mo-
deste et si coquette, d'une si svelte élégance,
que la maréchale d'Estrées avait fait bâtir
vers 1720 « sur le bord du Bois de Boulogne,
vis-à-vis l'eau M, comme dit le Journal de Bar-
bier. Cette maison, « quoique bagatelle » —
c'est toujours Barbier qui parle - fut la de-
meure préférée du comtle d'Artois, prince
Idu sang, frère du roi. Le comte d'Artois l'a-
vait achetée un beau jour pour y donner une
fête à la dauphine Marie-Antoinette, lors de
son mariage, en 1770. Le jardin anglais de
cette « folie » fut achevé en six semaines,
disent les mémoires de l'époque. Mais le
temps ne fait rien à l'affaire ; car Bagatelle est
aujourd'hui un petit coin qu'on dirait éclos
des Mille et Une Nuits.
Ce n'est pas seulement la nature qui sem-
ble s'y. étaler riante et luxuriante ; c'est toute
la grâce pimpante du dix-huitième siècle qui
.s'y exhibe et a l'air de solliciter les visiteurs
d'aujourd'hui, comme elle attira naguère les
gracieuses dames du grand siècle galant. Des
prairies vallonnées, des bosquets aux trou-
blants mystères,, des lacs où des cygnes atten-
dent leur Lohengrin, des clairières où le so-
loil se résout en paillettes d'or, tout l'attirail
séducteur de la campagne élégante,«peignée,
nattée, conspire à faire de Bagatelle un sé-
jour où l'on situerait ces fêtes inoubliables
que donnaient les grands seigneurs de jadis.
Ce que femme veut, la Ville de Paris le
veut. Car c'est ce coin idéalement joli qu'a
obtenu Mrne la comtesise Greffulhe pour la
soirée de la Société des Grandes Auditions.
C'est là qu'hier elle nous avait conviés, quel-
ques journalistes, pour nous donner une idée
de ce que serait la fête de mardi ; autour
d'elle l'artificier en chef Ruggieri, l'électricien
Raoul Gunsibourg, dont les conseils sont si
précieux quand il s'agit de voir grand et
beau, Gabriel Astruc, M. Gravereaux, le déco-
rateur somptueux à qui Bagatelle doit son or-
nementation de roses, puis le représentant
de M. Forestier, conservateur du Bo-is de Bou-
logne, et enfin M. Gabriel Parès, l'éminent
chef de la musique die la garde républicaine.
Pour compléter la description ajoutez quel-
ques gardiens de Bagatelle qui nous faisaient
escorte.
Telle un général .sur le champ de bataille,
Mime la comtesse Greffulhe prit ses disposi-
tions sur le terrain : elle décida que là serait
placée la garde républicaine, plus loin serait
planté et tiré le feu d'artifice, ailleurs encore
serait la scène. Et en quelques instants le
plan de la fête sortit tout armé de cet extraor-
dinaire cerveau de femme.
Voici le résumé de ce qui fut décidé :
C'est la musique de la garde républicaine
qui donnera. le signal de la soirée avec la
Marche des Rois Mlages, de l'Arlésienne et
l'ouverture des Derniers Jours de la Terreur,
ae LittoJff (avec cette Marseillaise qui y est
intercalée et produit tant d'effet). Puis le pu-
blic assistera à une reconstitution d'Anacréon,
cet ojpiéra-ballet dont Rameau a écrit la mu-
sique et dont Gentil-Bernard a tracé les scè-
nes et les « entréets ». Cette reconstitution a
été confiée à M. Charles Bordes, qui a voué
son existence à la glorification de Rameau.
Puis la parole sera de nouveau à la mu-
sique de la Garde, qui exécutera des sélec-
tions de ballets de Glück et la scène du Bal
de la Symphonie fantastique de Berlioz. En-
fin le premier acte de Tannhauser sera doainé
em entier avec le concours de Van Dyck et
de Mme Litvinne, avec la bacchanale, dansée
par le ballet de l'Opéra. Ce ne sera pas un
spectacle banal que de voir évoluer dans les
bosquets qui formeront le fond de cette scène
naturelle, les Nymphes et les Bacchantes, en
une frénésie voluptueuse de mouvements et
de caresses, tandis que les sonorités de l'or-
chestre clameront les volurptés du Vénusberg*
Quand ce paroxysme se sera alangui, quap.'d
l'énivrante musique de Wagner se sera tue,
le feu d'aTtifice tentera sa séduction siïr les -
yeux des spectatrices et des spectateure. Et ce
ne sera pas, pour quelques-uns, un des moin-
dres attraits de la fête.
Mme la comtesse Greffulhte n'a pas voulu
que cette merveilleuse soirée restât le privi-
lège des seuls membres de la Société des
Grandes Auditions. Elle,a tenu à ce que cha-
cun puisse goûter un pen à ces splendeurs, et
elle a mis à la disposition du public des in-
vitations payantes, dont le montant sera al.
fecté àune bonne œuvre, la Société d'Assis-
tance par le Travail. Et ainsi la soirée de Ba-
gatelle ne sera pas seulement une fête de 18
Beauté, ce sera aussi une fête de la Bonté.
Louis Schneider.
-
CEUX DONT ON PARLE
La F'~33~.i.xM~t~
i* ■ ■■ - *
Méprisant l'a sécurité commode des théoricien-
nes du féminisme assis, elle a préféré les aléas
de la lutte du féminisme debout. e
C'est une militante et, comme elle revendique
hautement.- surtout dans les salles de rédaction,
hélas ! — lies mêmes droits et les mêmes devoirs
que les compères du sexe fort, elle aussi est en
bataille.
Elle a lu Karl Marx, Shopenhauer et Nietzsche,
ce qui ne l'a point empêchée de vibrer à des stro-
phes de Musset et de se sentir délicieusement tris-
te, aux mélodies de Schumann.
Une idée originale et l'audace d'un geste, qui
eût valu à l'un des représentants mâles de l'es-
pèce, quelques mois de repos à la maison de santé
de la rue du même nom, lui ont valu, sinon la
gloire, du moins une vogue élégante et l'espoir
« d'être un peu là, cinq minutes Il, lors de futurs,
qu'elle veut croire tout proches.
Ses révolutionnaires idées s'accommodent, cepeo.
dant, de la ligne d'un corset droit et de l'empana,
chement — en dehors des limites de l'épure —
d'un amour de chapeau, qui serait simplement ri.
dicule, s'il n'était à la mode.
Qu'elle prenne la parole, sa voix s'enfle et s'é-
lève au diapason des idées qu'elle secoue nerveu-
sement, elle vit ce qu'elle dit et dans le fracas so-
nore des périodes fulminantes, elle regarde, pour
elle-même, passer le défilé des héroïnes célèbres,
regrettant de n'avoir pu cueillir que les palmes,
académiques, à défaut de oelies réservées aux
martyres. -
Son but, c'est le grand soir féminin, l'heure su-
blime de l'affranchissement et des jougs brisés ;
elle l'espère, elle l'attend et quand tout sera prêt
pour la lutte dernière, si la dévolution n'éclate
pas alors, c'est qu'une couturière n'aura pas à
temps livré sa robe, ou qu'elle aura, ce soir-là,
par inadvertance, oublié sa boîte de poudre de riz
ou son bâton de rouge.
Fernand Sernada.
: ♦
COUR D'ASSISES DE VERSAILLES
Renard devant
ses nouveaux Juges
, DERN'ÈRE AUDIENCE
Plaidoirie de Me Lagasse. -- Le
Verdict. — Nombreux et violents
Incidents. — L'Arrêt.
Or donc, le jury de Versailles a eu la fai-
blesse de confirmer le verdict rendu par tes
jurés de Paris ; verdict qui, certainement, mé-
contentera l'opinion publique, par son excès
d'illogisme. *
D'ailleurs, le procureur de la République l'a.
vait si bien compris que c'était la tête de Re-
nard qu'il avait demandée ; mais les jurés
n'ont pas eu comme lui le courage d'aller jus-
qu'à la condamnation capitaiîe.
Et ils sont revenus de la salle de leur déli-
bération très calmes, indifférents même pour
répondre oui à toutes les questions, sauf à
une et leur doute est si grand pourtant qu'ils
accordent des circonstances atténuantes.
C'est fou 1 et cela soulève dans l'auditoire
une tempête qui oblige le président à faire
évacuer la salle. Me Lagasse a beau protester,
et supplier le public de ne pas sortir, force
reste à M. Puget, e-t les artilleurs, très éner-
vés, font sortir tout le monde.
La salle cependant est loin d'être vide, car
à la place des belles dames en robes claires,
qui donnaient à la salle un aspect élégant, ce
ne sont plus que des militaires, il en sort de
tous côtés ; et ils sont bien heureux, ces. pau-
vres militaires, ils ont si peu de distractions.
Quant à l'attitude de M. Riondel, ce prési-
.dent du jury, conseiller municipal de Neuilly-
Plaisance, marchand de vins en gros, dont la
conduite jugée par tant de témoins scandaleu-
se, a amené les incidents qu'on lira plus,
loin, nous n'en dirons rien,. l'opinion publi-
que la jugera comme il convient.
L'AUDIENCE
Il faudrait disposer de plusieurs colonnes
de Gil Blas pour pouvoir donner un résumé à
¡peu près complet de cette longue audience,
qui a commencé à midi pour se terminer à
neuf heures, et qui fut toute pleine d'inci-
dents.
Notons d'abord que Versailles, la ville
morte et déserte par excellence, était hier, au
moins dans les environs du Palais, palpitante
et remplie d'une foule curieuse et impatiente.
Dès midi et diemie, au milieu de la plus
grande et sympathique attention, Me Lagasse
a pris la parole :
« Nous arrivons au bout de- notre tâche. La vô-
tre va commencer tout à l'heure. Nous nous som-
mes défendus généreusement, nous avons mis toute
notre loyauté tau senvice de ce que nous estimons
étrje la vérité, mais notre rôle n'est pas aussi pé-
rilleux que le vôtre. Vous n'avez pas un raison-
nement à fournir, c'est une décision de justice quei
vous avez à rendre. »
Me Lagasse revient sur ce point : il n'y a.
qu'un seul assassin, Courtois. Courtois cam-
brioleur surpris, qui a tué. Ensuite, il s'at-
taque aux juges d'instruction, aux experts, il
parle de leur « déformation professionnelle ».
L'éminent avocat regrette Qu'une visite col-
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