Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1909-04-20
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344298410
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 avril 1909 20 avril 1909
Description : 1909/04/20 (A30,N10761). 1909/04/20 (A30,N10761).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7523992f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 30/07/2012
30* ANNEE. — NUMERO 10701
PARIS ET DÉPARTEMENTS ; Le Numéro 15 Centimes MARDI 20 AVRIL 1900.
A. PÉRIVIER — P. OLLENDORFE -
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Les Manuscrits ne sont pas rendu.
il Si lu me lis avec attention, tu trouveras ici. suivant le précepte d'Horace,
"uti/e mêlé à l'agréable ».
[Préface Se Gil Bios au lecteur)
ANDRÉ PUTZ
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11, Boulevard des Ite&ea*,
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Bt à l'Administration du Journal
"La Science Monter"
Un (philosophe s'est trouvé qui s'est dit :
- Nous ne savons pourquoi nous sommes
sur cette terre. Qui nous empêche de croire
que c'est pour être heureux ?
Cette proposition paraît toute simple. Mais
il fallait un grand courage pour la formuler.
C'était heurter toutes les idées reçues. Le
mond.e,en -effet, se compose seulement de
deux catégories d'êtres : 'les croyants et Les
incroyants.
Les croyants de toutes les religions ont tou-
jours professé que le bonheur n'est pas d'ici
bas, que nous y sommes en manière d'é-
preuve, qu'il nous faut gagner les paraJdis
futurs par la souffrance actuelle.
Quant aux incroyants, c'est encore pis : ils
ne doutent pas que souffrir soit notre unique
raison d'être, mais ils s'empressent de nous
enlever toute consolation en affirmant que îles
paradis futurs n'existent pas.
Il fallait donc un grand courage philosophi-
que pour oser lancer ce blasphème que, peut-
être bien, nous pourrions avoir pour mission
d'être heureux.
- Et cela dit, il fallait plus de courage encore
pour ajouter :
— Mais, au fait, cette mission, la remplis-
sons-nous si ma)l ? Pas du tout. Nous sommes
beaucoup plus heureux que nous ne le pen-
sons. Ce qui nous empêche de sentir notre
bonheur, c'est l'héritage des littératures, des
philosophies, des pédagogues, des morales,
qui, depuis des siècles, se sont donné la tâche
d'obscurcir notre goût de la vie, d'affaiblir
tous nos plaisirs et d'enner tous nos maux.
Oui, ceci était très courageux, car rien n'en-
gendre a a vanité comme la souffrance. Les lar-
mes, les cris, les gémissements donnent à
leurs élus une auréole, dont ils n'aiment pas
à se voir dépouillés. Est-ce tpour autre chose
qu'on a inventé les vêtements de deuil, sinon
pour dire à tous : « Voyez comme je souffre.
- Voyez comme je suis malheureux. »
Que quelqu'un réponde : « Là, là. ne vous
frappez pas. Analysez votre douleur. Voyez
au vrai à qudi elle se réduit. Demandez-vous
dans combien d'heures vous ne la sentiriez
plus si vous n'aviez pas de vêtements noirs
pour vous la rappeler. »
On ne saura aucun gré à ce metteur au
point de son intervention.
C'est pourquoi le philosophe a dû, pour lan-
cer sa proposition, braver la vanité blessée de
quiconque croit souffrir, autant dire de tout
le monde.
Courageusement, le philosophe a passé ou-
tre, et il a ajouté, au risque de déchaîner tou-
Les les ironies :
— Il est vrai, nous pourrions.être encore
plus heureux que nous ne le sommes. Mais
nous ne savons pas l'être.
Aussitôt, l'ironie facile :
— Connu ! Connu ! Pour être heureux, sa-
chons nous contenter. Ne désirons pas. Mé-
prisons les biens que nous ne pouvons at-
teindre. Résignons-nous. Voyez le Savetier et
le Financier.
Mais non. Mais pas du tout. Il ne s'agit pas
de ça. Il s'agit non seulement de mieux goû-
ter les biens que nous possédons, mais en-
core de mieux aménager notre vie matérielle
st notre pensée, ide façon à augmenter la
.3omme de nos jouissances et à diminuer le
total de nos souffrances réelles.
Ces trois hardis axiomes posés, le philoso-
phe avait tous les éléments d'une science,
d'une science à créer. Il n'a pas hésité à la
fonder. C'est la Science du bonheur. Son créa-
teur, M. Jean Finot, vient de publier sous ce
titre même — qui fait sur les lèvres l'effet
d'une goutte de miel — l'exposé de ses pre-
mières méditations.
Il faut les lire.
: -E-He:s comportent trois parties, correspon-
dant aux trois axiomes ci-dessus.
La première, toute de théorie : le bonheur
est normal, possible, réel.
Le seconde, de -critique, réfute les vieilles
philosophies, les antiques littératures qu'i obs-
curcissent notre bonheur.
Ces deux parties sont définitives.
- La troisième, traite des moyens d'augmen-
ter notre bonheur.
C'est seulement, l'auteur le proclame, un
premier semis. Mais il est abondant. Mais il
promet de beiMes récoltes. Déjà, M. Finot
donne quelques « catéchismes (de bonheur »,
d'une vertu immédiate, et que chacun peut
essayer,
Et puis il ouvre la voie. Il n'est pas possi-
ble que d'autres ne suivent pas ce précurseur.
Voyez ce qu'en quelques années est devenue
la science de l'automobile. Quand de nom-
breux esprits s'appliqueront à la science du
bonheur, elle marchera à pas de géants. M.
Finot a découvert une terre. Toute une école
d'exportateurs va s'élancer, qui n'en laisseront
pas un pouce inconnu.
Mais son premier livre toujours leur servira
de guide. Il prépare admirablement le travail.
Il indique toutes 'les directions dans lesquelles
il faut s'engager. Il a cette vertu des œuvres
fortes de faire-de chaque lecteur un disciple,
en sorte qu'après l'avoir lu, chacun se dit :
« Et moi aussi, je veux cultiver la science du
bonheur ! » etTse met à chercher, à explorer,
à fouiller cette terre féconde.
N'est-ce pas un premier bonheur que M. Fi-
not nous donne ?
* *
Ce qui est admirable, c'est que ce livre de
méditation n'est pas l'oeuvre d'un Ipenseur so-
litaire, qui, vivant loin du monde, — autant
dire ne vivant pas — prétend donner des di-
rections à ceux qui sont dans la fournaise.
-Tout Paris connaît M. Jean Finot, et il con-
naît Tout-Paris, et on se demande comment
il trouve le temps;-dans son existence affairée,
de. coordonner des pensées philosophiques et
de leur donner la forme d'un livre.
C'est que ce philosophe est l'homme des
tours de force.
Il débarque à Paris, il a vingt ans, venant
d'un pays étranger, et il fonde une Revue,
une revue, le genre de publication le plus
difficile. à faire vivre. Il réalise ce tour de.
force. Grâce à un miracle d'activité, d'initia-
tive, de hardiesse, de persévérance, sa revue
vit, elle -grandit, elle -prospère, elle prend
place parmi les grands périodiques qui comp-
tent à Paris, puis en France, puis Sans le
monde. C'est d'abord, modestement, la Revue
des Revues, puis, avec plus de volume, de
poids, d'autorité, la Revue tout court.
Là, il fait confluer toutes les idées qui sol-
licitent l'opinion, et il demande à tous les
penseurs appréciés, d'ici et d'ailleurs, écri-
vains, savants, philosophes, hommes politi-
ques, de les élucider, de les développer, de
les mettre à-la portée de ses lecteurs.
Longtemps, il a été tout dans sa revue ; le
directeur, le (rédacteur, l'administrateur, et
aussi, il le rappelle en riant, le plieur et par-
fois le porteur.
- Tout cela ne l'empêche pas de composer des
livres qui supposent une information intense :
Français et Anglais, le Préjugé des races, la
Philosophie de la longévité.
Il y a, dans cette double besogne, de quoi
occuper un bénédictin, et l'on imagine volon-
tiers le directeur-auteur ne bougeant de son
cabinet que pour courir à sa bibliothèque et
vice versa.
Quelle erreur ! M. Finot est l'ami de tous
ses collaborateurs. Il reçoit. Il fréquente le
monde, monde politique, monde diplomati-
que, monde littéraire, monde tout court. On
le voit au théâtre. Il voyage. Il est en correc-
pondance avec la Russie, l'Angleterre, le Ja-
pon, l'Italie, le Portugal, que sais-je ? Il sait
les secrets et des dessous de la politique de
tous ces pays. Il connaît de source tous les
potins de notre Parlement, de notre minis-
tère, de nos journaux. Il s'en amuse. Il en
fait des mots. Il s'escrime contre des person-
nalités gonflées de vanité, et il combat pour
de grandes idées philosophiques et sociales.
Avec son ami, M. Stead, il lutte pour la paix
du monde. Cependant, il se divertit à dégon-
fler un ministre, à rappeler à la modestie un
cabotin, à mettre au point une réputation de
boulevard.
Et, selon l'expression consacrée, toujours le
sourire sur les lèvres.
Cet homme est actif, pressé, remuant,rapide,
affairé, et il n'a jamais l'air accablé ! Oh ! ces
braves Parisiens 'qui semblent toujours por-
ter un monde sur les épaules, et dont la plus
grande satisfaction est de donner l'impression
qu'ils vont s'écrouler sous le fardeau. Souvent,
ils ne font rien, et c'est une excuse. Mais par-
fois, ils travaillent, en effet, et on est invinci-
blement porté à leur demander pourquoi ils
ne se font pas aider ; ce qui leur donne la joie
de répondre : « Impossible, je ne trouve per-
sonne qui puisse me seconder. »
As-tu fini !
Les hommes vraiment intelligents savent
toujours trouver des seconds, ou, alors, ils
n'entreprennent que 'la quantité de besogne
qu'ils peuvent accomplir.
M. Finot dirige sa Revue, donne des conseils
à ses rédacteurs, raconte une anecdote 1u
jour, en écoùte une autre, reçoit quelques let-
tres en langues diverses, trouve quelques spi-
rituels sarcasmes sur les personnalités encom-
brantes du moment, s'interrompt pour répon-
dre à un appel de téléphone, reprend la con-
versation, est interrompu de nouveau une
fois, dix fois, ne s'énerve ni ne se fâche, ne
perd pas le fil et trouve moyen, toujours cou-
rant, de noter une idée, une ligne, un mot,
qui lui est venu à l'esprit pour le livre qu'il
prépare.
Ainsi il "semblait particulièrement qualifié
pour créer la Science du Bonheur. Au premier
rang des moyens d'être heureux, il a décou-
vert la volonté et l'activité. Il est, à coup sûr,
une volonté et plusieurs activités.
Il veut aussi qu'un sage altruisme nous dé-
tourne de concentrer notre pensée unique-
ment sur nous-mèmes, nos maux, nos désirs.
Il se dépense largement pour toutes les cau-
ses humaines. Aucun problème ne lui est
étrangers Comme sa Revue est ouverte à tou-
tes les idées, son esprit est ouvert à toutes les
préoccupations de l'heure. Il a souvent le plai-
sir de voir qu'une solution qu'il a préconisée,
(prônée, préparée, intervient. Des hommes dont
la Revue fut le premier échelon, deviennent
notoires. Motifs d'être heureux.
C'est pourquoi l'on a la sensation, en lisant
la Science du Bonheur, que l'homme qui a
écrit ce livre n'a pas parlé de ce qu'il ne con-
naissait pas.
Paul Dolllus.
— i — - 1 i wim
La FolitiQ:TjLa
La guerre des images
MM. George Duruy et Léon Daudet vien-
nent d'échanger des lettres, relativement à un
acte de vandalisme commis à Villeneuve-
Sarint-Georges, sur la statue de Victor Duruy.
M. George Duruy a cru reconnaître, dans cet
attentat, « la marque de fabrique des camelots
du roy ». Et, après avoir évoqué la noble ima-
ge de marbre blanc qui, aux Champs-Elysées,
fait revivre la figure d'Alphonse Daudet, le fils
de l'illustre grand-maître de l'Université dit
à M. Léon Daudet :
Si vous m'en croyez, monsieur, modérez le zèle
iconoclaste de vos amis. Qu'ils se reposent sur
leurs glorieux lauriers ! Qu'ils jouissent en paix de
la pensée réconfortante d'avoir, par des actes d'a-
narchistes, efficacement travaillé au retour du ré-
gime d'ordre dont ils sont, parait-il, les annoncia-
teurs !
Sinon, il serait à craindre que les « camelots du
roy » ne finissent par susciter des « camelots du
peuple » — et que les représailles de ces derniers
ne fussent aussi stupides que les actes stupides
auxquels elles répondraient.
Si, par malheur, il arrivait que le monument de
votre père fût l'objet, comme celui du mien, d'un
de ces odieux attentats, peut-être comprendriez-
vous le sentiment d'indignation profonde auquel
j'obéis en vous écrivant.
iEn réponse à cette lettre, M. Léon Daudet
défend ses amis contre toute participation à
l'outrage commis à Villeneuve-Saint-Georges,
et -il rend hommage à la mémoire de Victor
Duruy, qui doit être saicrée à tous les patrio-
tes. Puis il écrit ce qui sulit :
Permettez-moi d'ajouter — ceci une fois établi —
que je ne saurais trop approuver ceux qui poursui-
vent la trahison de Dreyfus jusque dans tes effi-
gies destinées à la commémorer ; et que je n'esti-
merais pas trop payer de la dégradation ou même
de la destruction d'une statue de mon vénéré père
la dégradation ou la destruction de la statue d'un
Bernard Lazare ou d'un Zola, par exemple.
Il est évident que chacun a le droit de pro-
fesser l'opinion qui lui plaît. Mais enfin, ne
pourrait-on pas admettre une bonne fois pour
autrui ce droit qu'on trouve sacré pour soi-
même ? Et si M. Léon Daudet est libre de
croire indéfiniment que Dreyfus est un' traî-
tre, né peut-il pas permettre à d'autres de
professer une opinion contraire ? Dans tous
les cas, n'existe-t4l pas, pour des hommes in-
telligents et lettrés, d'autres procédés de pro-
pagande que ie vandalisme, et d'autres
moyens de convaincre ses concitoyens que de
briser les doigts des statues ?
--4 En revendiquant pour soi-même le droit
d'outrager les images de nos ennemis, on le
reconnaît implicitement à ses adversaires. Et
alors, les partis politiques qui jetteront mu-
tuellement à terre les effigies détestées, res-
sembleront aux cochers qui échangent des
coups sur le dos de leurs bourgeois, ce qui
est le procédé de polémique le plus étrange
connu.
Il y aurait à cela, évidemment, un bon cô-
té : celui de débarrasser Paris d'une infinité
de caricatures qui le déshonorent. On souhai-
terait qu'Ambroise Thomas eût laissé des en-
nemis capables de détruire sa mélancolique
image de pêcheur à la ligne déçu. Et si quel-
ques conventionnels pouvaient revenir guillo-
tiner le Lavoisier, qui, derrière la Madeleine,
s'apprête à danser un menuet avec une cor-
nue pour vis-à-vis ! Et si l'on pouvait coucher
une bonne fois, dans un lit caché — fût-ce ce-
lui de la Seline — le Musset en proie au mal
de mer, qui demande, place du Théâtre-Fran-
çais, de l'alcool de menthe qu'une dame en
marbre s'obstine à cacher derrière son dos !
Mais, malheureusement, vous verrez qu'on
ne choisira pas. L'esthétique n'y gagnera
donc rien. Et l'on se demande, en vérité, ce
qu'y gagneront les principes, tous les princi-
pes, quand on retrouvera un beau jour, sur
les places, Zola boiteux, Louis XIV à bas de
son cheval et Jeanne d'Arc manchote !
GIL BLA9
———————————
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à deux heures, Courses à Maisons-
Laffitte.
Pronostics de Gil Blas :
Prix du Val-Notre-Dame. — Or du Rhin, Mon-
fagne.
Prix Bizi. — Villégiature, Talo Biribil.
Prix d'Orsay. - Lebnan, DiffMati.
Prix Pénélope. - Union, Pierre Bénite.
Prix de Moulins-la-Alarche. — Petit Maître, Lieu-
tel.
Prix Masqué. — Ecurie Henriquet, Chamœrops.
TITRES DE NOBLESSE
L'histoire qui vient d'arriver aux nobles
plus ou moins authentiques ou en toc qui
sont fonctionnaires du ministère de nos rela-
tions extérieures, est certainement des plus
amusantes. M. Pichon leur a demandé, avec
une bonne grâce un peu affectée, de vou-
loir bien lui communiquer les arrêtés d'inves-
titure qui justifiaient ou excusaient ou expli-
quaient leurs titres de noblesse. Aussitôt, les
titres se sont envolés ou se sont évanouis, car
Il paraît que un certain nombre de nos diplo-
mates signaient les actes essentiels de notre
politique étrangère de noms assez fantai-
sistes.
L'aventure, je l'avoue, est des plus agréa-
bles, et j'en souris encore. Mais il me semble
qu'il faut prendre son parti de la vanité hu-
ma/me et des titres aristocratiques. Nous sa-
vons parfaitement qu'il n'existe plus un seul
héritier légitime deo vieilles familles, qui ont
commencé, il y a des siècles, la force fran-
çaise. Les braves gens qui les portent aujour-
d'hui, en ont birité par toutes sortes de tours
de passe-passe ou de tours de-bâton. La bâ-
tardise a fait des siennes, et les substitutions
ont accompli des rraracles.
Il n'est pas, aujourd'hui, un seul titre aristo-
cratique de quelque valeur qui ne soit, dans
une certaine mesure, directement ou indirec-
tement usurpé.
Laissez faire, laissez passer. Seulement,
mon cher Caillaux, vous qui êtes si désireux
d'imposer tous les Français et d'en imposer à
tous les Français, mettez un bon impôt sur
les titres de noblesse ; il vous rapportera tou-
jours beaucoup d'argent. Les ducs, les prin-
ces, les marquis, les comtes, les vicomtes, les
barons, les chevaliers et les simples vidames
ne feront jamais défaut. Et tous ces gens-là,
au lieu de fainéantiser comme ils font main-
tenant par chic, et pour démontrer leur dis-
tinction véritable, travailleront de leur mieux,
afin de pouvoir conserver leur tiitre de no-
blesse. Nous aurons ainsi, en France, une
classe productive de plus. Avouons que le be-
soin s'en fait sentir vivement.
9. Ernest Charles.
-)I-
IL Y A CENT ANS
Mardi 20 Avril I8Ù9.
Guerre russo-suédoise. On mande de Copenha-
gue : « On peut juger de l'alarme qui règne en Suè-
de par celle qu'ont produite trois ballons de notre
aéronaute Colding, qui sont tombés en Scanie. Cha-
que fois qu'ils ont été aperçus, les troupes ont
pris les armes, les regardant apparemment comme
-le signal d'une invasion de notre part. Un de ces
ballons a été envoyé à Stockholm afin qu'on exami-
nât s'il ne contenait pas quelque papier ou signe
qui compromît la sûreté de l'Etat ».
■ ) e+a < ■>
LE BOULEVARD.
Le piston.
M. Paul Cazeneuve, médecin et sénateur,
fait, dans le Radical, le procès des parlemen-
taires. « En ce moment, dit-il, nous n'avons
pas une bonne presse. » Tu parles. M. le
docteur-sénateur Cazeneuve fait son mea cul-
pa, qui est celui de tous les députés et séna-
teurs. « Nous pistonnons trop facilement »,
avoue-t-jl douloureusement (et non sans can-
deur). Georges Lecomte, dans les Valéts, a dé-
jà démontré magistralement cette vérité axio-
matique.
« Nous pistonnons au petit bonheur, nos
femmes pistonnent; le rôle des femmes, dans
les recommandations, est certainement plus
considérable que celui des parlementaires.
Et quand une femme veut s'en mêler, avec
les dons irrésistibles de la, grâce et de la beau-
té, rien ne lui-résiste. »
M. le sénateur-docteur ajoute ces commen-
taires fort judicieux :
« D'ailleurs, réfléchissons : la recommanda-
tion a été, est et sera dans les mœurs de tous
les temps. Elle commence avec la nourrice
qui vous est recommandée pour votre enfant.
Elle est utilisée plus tard, pour le baccalau-
réat ou le brevet élémentaire, pour ces ponts
aux ânes de l'adolescence qu'on veut absolu-
ment franchir, de crainte de passer pour une
bête. La recommandation continuera pour vo-
tre mariage, puis elle finira avec le prêtre, qui
recommandera votre âme à Dieu ! »
Et M. Cazeneuve se console finalement en
ces termes :
« Dans tous les cas, sénateurs et députés,
mes frères, consolons-nous. Nous ne sommes
point les seuls qui recommandions. Le piston
esb éternel, comme l'amour et la lumière du
jour. »
Hélas !
La foi qui sauva.
Notre confrère Adolphe Retté, qui fut anar-
chiste et athée, est aujourd'hui, on le sait, le
plus dévôt des hommes. Il s'est converti, com-
me'feu Huysmans. Et cela, qui ne regarde
que sa conscience, est infiniment respectables
Retté est allé à pied deutigugé à Lourdes.
Pèlerin passionné, il a parcouru en vingt
jours les quatre cent cinquante-quatre kilo-
mètres qui séparent son vil-lage de la grotte
fameuse. - .:'
Et il ne s'est pas rendu à .Lourdes pour
prier seulement, et pour assister aux miracles
qui s'y produisent, comme chacun sait, cha-
que matin.
Non. Adolphe Retté a travaillé de ses mains
à la piscine. Il a fait profession d'infirmier, et
deux mois durant, porté des malades atteints
des plus terribles ulcères, pansé leurs plaies,
se consacrant avec une ardeur inlassable aux
plus humbles, aux plus rebutantes corvées.
« Maintenant, disait-il, en revenant à Ligu-
gé, que j'ai réendossé le harnais du gende-
lettre, je demeure encore dans l'étonnement
d'être parvenu à accomplir, sans défaillance
ni catastrophe, une besogne qui m'était aussi
insolite. Quand je me rappelle la grande grâce
dont je fus l'objet, je ne puis que tomber à
genoux et remercier la Sainte Vierge de m'a-
voir élargi le cœur au point que je pus con-
courir avec tant d'allégresse au soulagement
des souffrances d'autrui. »
« La foi qui n'agit point, dit un vers célè-
bre, est-ce une fois sincère ? »
Coutumes estivales.
La température dont nous jouissons en ce
moment (que nous sommes loin de la neige
promise par le Vièux- estivale que printanière.
Nous avons revu hier, à' la devanture des
marchands de gibiers, la traditionnelle pan-
carte, inattendue en avril : « Pendant les cha-
leurs, la volaille est à l'intérieur. »
Les chevaux ont sorti de leurs armoires le
petit chapeau à oreillettes, qui sied si bien à
leur grâce animale.
Cette année, il paraît que le couvre-chef en
toile fera fureur. La paille donne des migrai-
nes et des congestions aux nobles coursier-r.
Sans hésiter, ils ont donc décrété la mort du
« manille'» et du « panama ». Reste la toile lé-
gère, souple, fraîche, gracieuse quand elle est
bordée de ganse assortie. On portera la toile
et les cnevaux de luxe qui vont, chaque ma-
tin, se promener au Bois, feront broder sur
le chapeau leurs .initiales entrelacées. Le
grand chic sera d'arborer des lettres de soie,
portées à la manière d'une décoration sur le
côté gauche.
INI I M»" ( ——————.
LE LIVRE DU JOUR
« Le Mari de la Couturière », par Henri Duver-
nois.
Henri Duvernois, qui excellait jusqu'à ce jour
dans les portraits de demi-mondaines, vient de
nous donner cette fois une forte étude de femme
honnête, semi-ouvrières, semi-bourgeoise, la Pari-
sienne avertie, philosophe, courageuse et indul-
gente, qui regarde la vie en face et hausse les
épaules à la première trahison, en disant :
« Une femme n'a jamais un seul enfant, elle en
a deux : le sien et son mari. »
Si l'amour un instant la caresse de son aile, elle
repousse bien vite la vision brusque du bonheur
.possible, pour ne plus envisager la réalité :
« Il y a pour nous quelque chose, dit-elle, qui
est plus puissant que le devoir ; ce ne sont pas des
mots, mais des faits. Je suis une ignorante, je n'ai
rien lu ; ma ligne de conduite, c'est moi qui me la
suis tracée. J'aime mieux gâcher ma vie que de
g&dher ma conscience. Ce n'est rien, non, non, ce
n'est rien une vie gâchée, je vous assure ; cela a
tout de même sa part de joies. Ah ! je ne tiens pas
à ma jeunesse, je la regarde comme on regarde
couler l'eau. J'essaie de m'oublier ; il faut m'aider
et ne plus faire attention à moi. -»
C'est une noble figure que celle de Madeleine,
extrêmement sympathique, qui nous émeut davan-
tage qu'une « Nane » ou qu'une « Crapote », parce,
qu'elle est infiniment plus près de la réalité.
Quant au sexe fort, il est plutôt malmené dans
l'œuvre de ce féministe à tous crins qu'est Henri
Duvernois.
Qu'y voyons-nous, en effet ? Comme personnage'
principal, un être inutile, vantard et présomptueux,
le « mari de la couturière ». Comme comparses,
un jeune journaliste, arriviste résigné, qui place
la fortune avant les raisons du cœur ; un chef des
preux tombé dans l'ivrognerie ; un poète de buas-
serie famélique, en un mot, un microcosme. de
personnages peut-être humains, mais sans grand
reliüff, qui font triste mine en face de Madeleine et
de la petite « Guite », la gamine de Paris, parente
pauvre du Friquet, de Gyp.
Le Mari de la couturière, c'est le roman de l'éner-
gie féminine, en opposition avec la veulerie et la
paresse de l'homme moderne, un roman qui, à n'en
pas douter, fera frémir M. Barrés. — MAURICE
CABS. lit
Le plus beau vers français.
L'enquête du « beau vers » continue, Cor-
neille -persiste à tenir la corde. « Vive notre
vieux Corneille ! » comme disait Mme de Sé-
vigné.
Les romantiques et les classiques ont leurs
fervents.
Et aussi Déroulède, dont. on cite ce vers :
Nul ne tombe inutile en servant la patrie.
ce que le fameux
Mourir pour la patrie, c'est le sort le plus beau,
avait déjà exprimé en bons termes avant notre
barde national.
Gilbert — qui l'eût crû ? — a un partisan.
Son « banquet de la vie » pleurnichard et si
prosaïque, a rencontré son admirateur.
Et l'on eût bien étonné Mme Annie Perrey,
auteur de cet alexandrin :
Il faut toujours, un soir ou l'autre, se donner.
en lui disant que ce vers serait, en avril 1909,
considéré comme le plus beau de la littéra-
ture française.
M. Faguet, toujours fantaisiste, a répondu
en ces termes : « Le plus beau vers de la lan-
gue française est une ligne de prose : c'est la
dernière de la Prière sur l'Acropole, de Re-
nan. »
M. Fagnet, dpuis qu'il a voté pour Pons,
tient à s'affirmer paradoxal.
-x--
Les petites économies.
A propos de la crise balkanique, il a beau-
coup été question, tous ces jours derniers, de
François-Joseph et de sa cour, qui est, pa-
raît-il, la plus formaliste, la plus collet-monté,
la plus respectueuse qui soit de l'étiquette et
du protocole. Il y a des circonstances, cepen-
dant.
Un jour, François-Joseph, en villégiature à
Budapest, y donnait audience ouverte au pa-
la,is royal. Un forgeron hongrois s'approcha
d'un air embarrassé, tournant et retournant
dans ses doigts un petit morceau de carton.
C'était le portrait de l'empereur qu'il priait
celui-ci de vouloir bien revêtir de sa signa-
ture. Françolis-Joseph s'excusa, prétextant
qu'il n'avait rien sous la main pour écrire, ni
plume ni crayon.
— Qu'à cela ne tienne 1 riposta le forgeron.
Et, tirant de sa poche un petit bout de gros
crayon de charpentier, il le tendit au souve-
raan qui, dès lors, s'exécuta de bonne grâce.
Mais, comme le forgeron, son portrait à la
main, restait là sans bouger comme s'il atten-
dait encore quelque chose, l'empereur intri-
gué lui demanda :
— Est-ce que je puis encore faire quelque
chose pour vous ?
— Oui, sire, fondit l'autre : me rendre
mon crayon !
Françotis-Joseph, après avoir signé, l'avait,
en effet, mis tranquillement dans sa poche.
On affirme qu'iil le rendit sV1 forgeron hon-
grois sans se faire prier. « Ce sont là jeux
de prince » constatait Arïdrieux : on rend un
crayon ; on ne rend es l'Herzégovine,
La fin des guerres,
Le conflit balkanique est à peine terminé et
voici que les Turcs menacent de s'entretuer.
Il n'est -bruit que de guerre, de massacres,
de conflagration.
Quand donc n'entendrons-nous plus parler
de ces horribles choses ?
Si la guerre demeure toujours possible, ce
n'est pas la faute des ingénieurs et des sa-
vants qui s'acharnent à découvrir des explo-
sifs de plus en plus formidables. "-
Un ingénieur naval américain, M. Louis
Nixon, nous promet, pour un temps prochain,
des bateaux de cinquante mille tonnes, qui
seront pourvus de générateurs d'électricité as-
sez puissants pour foudroyer, à la distance de
dix kilomètres, tout un équipage, et neut-être
toute une flotte. Il croit aussi qu'on trouvera
le moyen de diriger le feu du ciel à l'endroit
précis qui nous plaira. Et ce sera naturelle-
ment la fin des guerres, si- toutefois les hom-
mes consentent à ne pas s'anéantir complète-
ment les uns les autres. Et de cela, nous ne
sommes pas sûrs r
ta Clairière.
Une de nos plus distinguées consœurs, miss
Mary Hapton, journaliste et romancière de
Chicago, vient d'acheter cinq mille arpents de
terre dans le Texas pour y installer une colo-
nie agricole exclusivement féministe. *
Miss Hapton, afin d'éviter les mécomptes —
à rebours — de la Clairière, de Descaves et
Donnay, a décidé que les membres de la co-
Ionie du Texas seraient exclusivement céliba-
taires. Ces membres seront des membresses.
'Elles exploiteront toutes seules leur donléi-
ne, sans le secours d'aucun homme. Elles bè-
pheront, piocheront, sèmeront, laboureront
faucheront, moissonneront elles-mêmes.
Mais, direz-vous, sa d'aventure une de ces
Lysistratas renonçait à son vœu de cfiasteté et
désirait se marier ?
Le cas est prévu. La fermière au cœur ten-
dre ne serait pas exclue de la colonie. On lui
passerait sa faiblesse. Mais l'époux, admis sur
le territoire colonial, serait écarté de l'admi-
nistration. On lui donnerait une quenouille
Que pensez-vous de cette république de
femmes ? Croyez-vous que, même sans hom-
mes, elles ne se mangeront pas un peu le
nez ? Souhaitons-le, sans trop y croire.
-..x-
Très jolis les « chapeaux à épis » lancés par
Léon. et c'est un succès de plus à l'actif de
la célèbre maison de la rue Daunou à qui les
Parisiennes doivent leurs plus gracieux cano-
tiers.
,-','-C-
Deux perles du « Sottisier » du Mercure
Elles proviennent, l'une et l'autre, de confrè-
res parisiens que le Mercure nomme - et que
nous ne nommerons pas :
— Le distingué magistrat se trouvait, en effet,
légèrement fatigué à. la suite des nombreux as-
sauts qu'il dût livrer à la veuve tragique.
— Beaucoup diront en l'ouïssant, etc.
Le DlabltS boiteux.
Propos du Jour
La Foi
Il n'y a pas au monde de problème plus intéres.
sant que celui posé par Brieux dans sa belle tra-
gédie.
Faut-il avoir la Foi ? Et plus spécialement, com-
me le voit Brieux, la Foi reîMl-eUe plus heureux
les humains qui la possèdent ?
Sur cette question qui divise l'humanité en deux
camps depuis qu'elle existe, chacun, je pense, a le
droit de dire son mot : l'important est qu'il soit
sincère dans un sens ou dans l'autre, car il y a des
fanfarons d'athéisme comme des hypocrites de re-
ligion.
Il y a bien aussi, on me le concédera, des gens
convaincus, sans être absolument idiotst, C'est mê-
me ce que je repocherais assez volontiers à mon
cher ami Brieux ; c'est de n'avoir mis dans son
drame, du côté de la Foi, que des imposteurs ou
des crétins.
Soutiendrait-il sérieusement que les apôtres, par
exemple, fussent l'un ou l'autre ? Et des gens du
caractère de Bossuet, de Fénelon, peuvent-ils être
considérés comme sans loyauté, ni intelligence, ni
instruction, ni talent ?
Ne pouvons-nous accorder ces qualités qu'aux
prédicateurs de la Confédération Générale du Tra-
vail, par exemple ?
Non, les autorités sont égales des deux côtés,
pour le moins.
Mais la question, d'ailleurs, n'est pas absolu-
ment là.
Pour mon compte, je crois et je constate sur mon
être l'influence, bienfaisante de la Foi.
Au cours d'une existence déjà bien longue, les
souffrances physiques et morales ne m'ont pas été
épargnées : je puis même bien dire que l'on m'a
fait large mesure.
Je me suis trouvé dans les circonstances les plus
désespérantes, frappé de ces grands malheurs que
la plupart de mes contemporains appellent immé-
rités ; cependant je n'ai jamais désespéré, même
quand on a volé mon pays à la France, par exem-
ple, et que l'on m'en a chassé. Je ne désespère pas
encore, au bout de quarantg ans d'abominable at-
tente.
Je ne parle pas des pertes d'argent, qui sont bien
le cadet de mes soucis. Mais qui m'assure qu'il en
serait ainsi si je ne croyais pas ? Ce le sont pas
les exemples de désintéressement des athées que
j'ai eus sous les yeux, en tout cas.
Dans les grands dangers, sur .le champ de ba-
taille, par exemple, j'ai toujours eu pour principe
de m'accuser brièvement de toutes les fautes que
j'avais pu commettre (et j'at toujours été loin de
la perfection), de faire un signe de croix et de m'en
remettre à Dieu pour le reste, avec la confiance la
plus absolue. Je ne m'en suis pas plus mal battu
pour ça que cent de mes camarades qui ne
croyaient ni à Dieu ni au diable.
Dans le nombre, il y en avait certainement de
très crânes et de très résolus, mais enfin je ne puis
m'imaginer qu'ils ne fussent pas un tantinet moins
tranquilles. En tout cas, je sais bien que je ne le
serais pas du tout si je ne croyais pas.
Et, je voudrais bien, je l'avoue, croire encore da-
vantage. Car, et c'est là que Brieux a raison, ne
croit pas qui veut, et comme il veut.
Certes, dons notre milieu irréligieux, dans cet
air ambiant de sophismes, de railleries, de discus-
sions subtiles et impressionnantes, la Foi chan-
celle, les moments de défaillance sont nombreux.
Mais précisément, ce qui vient toujours réconfor-
ter la mienne, c'est le malaise que je ressens, la
sensation d'égarement, de mécontentement de moi-
même que j'éprouve quand elle s'affaiblit.
C'est, passez-moi l'expression, la même sensa-
tion désagréable qu'au bout de quelques jours de
maladie, quand on a été privé des soins de toilette
habituels.
Vite le tub, le rasoir, le savon, les peignes, les
brosses ! *
Et c'est jencore bien pis, quand c'est Ifème qui est
embarbouillée. -
Donc, je crois et je suis heureux de croire, quand
ce ne serait que par hygiène morale.
Il y a longtemps que le cynisme de nos modei
nes athées ina dégoûté de l'incrédulité.
Louis d Hurcourt.
O1
Le secret de Lemoine
LE JUGE D'INSTRUCTION. — Alors, décidément, Le-
moine, vous ne voulez pas dire ce que vous avea
fait à Londres et à Paris durant vos mois de liberté.
LEMOINE. — Ce n'est pas mon secret.
LE JUGE. — Comme vous- voudrez. Mais je serai
forcé de conclure de votre silence que vous vous
êtes encore livré à des manoeuvres louches.
LEMOINE, indigné. — Moi, monsieur l
LE JUGE. — .A des escroqueries.
LEMOINE. — Vous m'insultez !
LE JUGE. — En un mot, à des actes qui tombent
sous le coup de la loi.
LEMOINE. — C'est en trop !. Puisque vous voulez
le savoir, je vais vous révéler mon secret. Mais rap«
pelez-vous ce qui est arrivé à M. Le Poittevin.
LE JUGE. - Je ne l'imiterai pas. Parlez.
LEMOINE, - Sachez donc que j'étais à Londres
pour une très grosse affaire.
LE JUGE. — Quelle affaire ?
LEMOINE. — Une affaire industrie.Ue destinée à ré-
volutionner le monde.
LE JUGE. — Quelle affaire ?
LEMOINE. — Une affaire basée sur une découverte
sensationnelle dont je suis l'auteur. -
LE JUGE. - Quelle affaire ?
LEMOINE. - Une affaire pour laquelle j'avais déjà
trouvé des capitaux énormes.
LE JUGE. — Quelle affaire ? r
„ LEMOINE. — Une affaire pour laquelle un financier
anglais m'a fait des avances considérables.
LE JUGE. — Mais encore une fois, quelle affaire ?
LEMOINE, avec simplicité. — La fabrication artifi-
cielle du rubis.
Fancy.
——————————— ———————————
EN FEUJllETANT GIL BLAS
Mercredi 20 Avril 1881.
— Des nouvelles de Tripoli annoncent le massa-
cre de la mission Flatters. Les Touaregs ont écra-
sé la caravane française et l'ont détruite à l'arme
blanche. Le colonel Flatters a été frappé d'un coup
de sabre qui l'a coupé en deux à partir de l'épaule.
Il est tombé après avoir frappé un des assaillants
et en avoir tué un autre. Un pillage et un partage
suivirent le massacre.
— On projette des travaux cet été à l'Opéra-Co-
mique. On va faire construire, sur une terrasse qui
domine l'Opéra-Comique, côté de la place Boïel-
dieu des magasins où les costumes, éloignés des dé-
cors et de la scène, ne pourraient plus augmenter
l'intensité du feu, en cas d'incendie.
-,..--, - - --, r*g
LA GUERRE CIVILE a TURQUIE
Le Sultan serait mis
cii dm (l'aliilipi
A la dernière heure, l'Agence llavas nous Cûm<
munique la dépêche suivante :
Constantinople, 19 avril. - Sous 'toutes rè*
serves, on asswe que le comité « Jeunes-
Turcs o) a donné au sultan iusqu'à dix heures
du soir pour abdiquer.
L'ambassadeusr de Russie, M. Zinoview,
conduirait les pourparlers.
Le croiseur russe Terek, venant d'Athènes,
passeront la nuit au Bosphore pour emmener,
le sultan.
Rien n'étant venu confirmer officiellement et dé-
finitivement cette grave nouvelle, nous donnons
ci-dessous toutes les dépêches qui nous sont arri-
vées dans la soirée, sur la marche des événements
qui se déroulent en Turquie.
Les Évolutions de la Riïftln
Les lettres qui arrivent aujourd'hui de Cons.
tantinople prouvent que le télégraphe nous
a mal informés, par 'la faute de la censure, qui
a laissé passer le moins de vérité possible,
ce qui marque ibien le retour aux usages ad-
ministratifs et policiers du règne absolu du
sultan.
Aujourd'hui que le 'deuxième coup de force
d'Abdul-fîamid contre la Constitution est sur
le point d'être déjoué, grâce au corps d'armée
de Salonique qui marche sur Constantinople,
nous avons quelques détails inténesssants,
mais le télégraphe est loin d'être libre ; nous
en sommes réduits aux conjonctures.
Ce qu'il y a de certain, c'est que les jeunes-
turcs, si brusquement renversés par les émeu-
tiers militaires, sont sur le point de repren-
dre le pouvoir. Leurs forces militaires, ve-
nues de province, et qui campent aux portes
de Constantinople, sont telles, que les créa-
tures du sultan qui exercent en ce moment
l'autorité, ne songent pas à combattre ; elles
parlementent.
Dans quelques heures, sans doute, le grand-
vizir Tewick Pacha sera démissionnaire et
sera remplacé par un homme du Comité
« Union et Progrès ».
La seule question sérieuse qui se pose es$
celle de savoir si les jeunes-turos vont enfin
déposer ou faire disparaître le sultan actuel. -
Nous avons "gu voir par des informations de
source étrangère, que des officiers des trou-
pes venues de Salonique, et qui sont à Tcha-
toMja, avaient idemandé à une délégation de
députés envoyés en parlementaires :
— Nous apportez-vous la tête du sultan 3
nous ne négocierons que lorsque vous nous
l'auréz apportée.
Vrai ou faux — et il a fair d'être vrai --
cet incident pose la question comme elle doit
l'être. Cette brutalité d'exécution répugne évi-
demment à notre caractère d'Occidentaux,
mais n'oublions pas que nous sommes en
Orient, en face d'un sultan qui a fait distri-
buer à des soldats illettrés cinquante mil-
lions, retirés il y a quelques jours des coffres
d'une banque anglaise.
Du reste, des Turcs sont les seuls juges de
la manière dont ils doivent faire disparaître ce
sultan, aussi cruel que fourbe. Pour satisfaire
nos sentimentalités européennes, nous préfé-
rerions apprendre que les jeunes-turcs ont eu
recours à la déposition et à l'internement dans
un de ces palais du Bosphore, où Abdul-
Hamid tint si longtemps son frère aîné, Mou-
rad, enfermé. C'est là un acte de politique in-
térieure de la Turquie qui ne nous regarde pas.
Nous sommes seulement certains que tant
que le sultan régnera même nominalement, il
emploiera le restant d'autorité qu'on lui lais-
sera, à recommencer une révolution contre la
Jeune Turquie, et c'est si naturel !
C'est ici le cas de répéter la fameuse phrase,
qui ne fut jamais plus vraie : « A des situa-
tions nouvelle il faut des hommes nouveaux.»
Historiquement le sultan est condamné, ou
l'œuvre des jeunes turcs sera entravép à cha-
que instant.
PARIS ET DÉPARTEMENTS ; Le Numéro 15 Centimes MARDI 20 AVRIL 1900.
A. PÉRIVIER — P. OLLENDORFE -
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il Si lu me lis avec attention, tu trouveras ici. suivant le précepte d'Horace,
"uti/e mêlé à l'agréable ».
[Préface Se Gil Bios au lecteur)
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Bt à l'Administration du Journal
"La Science Monter"
Un (philosophe s'est trouvé qui s'est dit :
- Nous ne savons pourquoi nous sommes
sur cette terre. Qui nous empêche de croire
que c'est pour être heureux ?
Cette proposition paraît toute simple. Mais
il fallait un grand courage pour la formuler.
C'était heurter toutes les idées reçues. Le
mond.e,en -effet, se compose seulement de
deux catégories d'êtres : 'les croyants et Les
incroyants.
Les croyants de toutes les religions ont tou-
jours professé que le bonheur n'est pas d'ici
bas, que nous y sommes en manière d'é-
preuve, qu'il nous faut gagner les paraJdis
futurs par la souffrance actuelle.
Quant aux incroyants, c'est encore pis : ils
ne doutent pas que souffrir soit notre unique
raison d'être, mais ils s'empressent de nous
enlever toute consolation en affirmant que îles
paradis futurs n'existent pas.
Il fallait donc un grand courage philosophi-
que pour oser lancer ce blasphème que, peut-
être bien, nous pourrions avoir pour mission
d'être heureux.
- Et cela dit, il fallait plus de courage encore
pour ajouter :
— Mais, au fait, cette mission, la remplis-
sons-nous si ma)l ? Pas du tout. Nous sommes
beaucoup plus heureux que nous ne le pen-
sons. Ce qui nous empêche de sentir notre
bonheur, c'est l'héritage des littératures, des
philosophies, des pédagogues, des morales,
qui, depuis des siècles, se sont donné la tâche
d'obscurcir notre goût de la vie, d'affaiblir
tous nos plaisirs et d'enner tous nos maux.
Oui, ceci était très courageux, car rien n'en-
gendre a a vanité comme la souffrance. Les lar-
mes, les cris, les gémissements donnent à
leurs élus une auréole, dont ils n'aiment pas
à se voir dépouillés. Est-ce tpour autre chose
qu'on a inventé les vêtements de deuil, sinon
pour dire à tous : « Voyez comme je souffre.
- Voyez comme je suis malheureux. »
Que quelqu'un réponde : « Là, là. ne vous
frappez pas. Analysez votre douleur. Voyez
au vrai à qudi elle se réduit. Demandez-vous
dans combien d'heures vous ne la sentiriez
plus si vous n'aviez pas de vêtements noirs
pour vous la rappeler. »
On ne saura aucun gré à ce metteur au
point de son intervention.
C'est pourquoi le philosophe a dû, pour lan-
cer sa proposition, braver la vanité blessée de
quiconque croit souffrir, autant dire de tout
le monde.
Courageusement, le philosophe a passé ou-
tre, et il a ajouté, au risque de déchaîner tou-
Les les ironies :
— Il est vrai, nous pourrions.être encore
plus heureux que nous ne le sommes. Mais
nous ne savons pas l'être.
Aussitôt, l'ironie facile :
— Connu ! Connu ! Pour être heureux, sa-
chons nous contenter. Ne désirons pas. Mé-
prisons les biens que nous ne pouvons at-
teindre. Résignons-nous. Voyez le Savetier et
le Financier.
Mais non. Mais pas du tout. Il ne s'agit pas
de ça. Il s'agit non seulement de mieux goû-
ter les biens que nous possédons, mais en-
core de mieux aménager notre vie matérielle
st notre pensée, ide façon à augmenter la
.3omme de nos jouissances et à diminuer le
total de nos souffrances réelles.
Ces trois hardis axiomes posés, le philoso-
phe avait tous les éléments d'une science,
d'une science à créer. Il n'a pas hésité à la
fonder. C'est la Science du bonheur. Son créa-
teur, M. Jean Finot, vient de publier sous ce
titre même — qui fait sur les lèvres l'effet
d'une goutte de miel — l'exposé de ses pre-
mières méditations.
Il faut les lire.
: -E-He:s comportent trois parties, correspon-
dant aux trois axiomes ci-dessus.
La première, toute de théorie : le bonheur
est normal, possible, réel.
Le seconde, de -critique, réfute les vieilles
philosophies, les antiques littératures qu'i obs-
curcissent notre bonheur.
Ces deux parties sont définitives.
- La troisième, traite des moyens d'augmen-
ter notre bonheur.
C'est seulement, l'auteur le proclame, un
premier semis. Mais il est abondant. Mais il
promet de beiMes récoltes. Déjà, M. Finot
donne quelques « catéchismes (de bonheur »,
d'une vertu immédiate, et que chacun peut
essayer,
Et puis il ouvre la voie. Il n'est pas possi-
ble que d'autres ne suivent pas ce précurseur.
Voyez ce qu'en quelques années est devenue
la science de l'automobile. Quand de nom-
breux esprits s'appliqueront à la science du
bonheur, elle marchera à pas de géants. M.
Finot a découvert une terre. Toute une école
d'exportateurs va s'élancer, qui n'en laisseront
pas un pouce inconnu.
Mais son premier livre toujours leur servira
de guide. Il prépare admirablement le travail.
Il indique toutes 'les directions dans lesquelles
il faut s'engager. Il a cette vertu des œuvres
fortes de faire-de chaque lecteur un disciple,
en sorte qu'après l'avoir lu, chacun se dit :
« Et moi aussi, je veux cultiver la science du
bonheur ! » etTse met à chercher, à explorer,
à fouiller cette terre féconde.
N'est-ce pas un premier bonheur que M. Fi-
not nous donne ?
* *
Ce qui est admirable, c'est que ce livre de
méditation n'est pas l'oeuvre d'un Ipenseur so-
litaire, qui, vivant loin du monde, — autant
dire ne vivant pas — prétend donner des di-
rections à ceux qui sont dans la fournaise.
-Tout Paris connaît M. Jean Finot, et il con-
naît Tout-Paris, et on se demande comment
il trouve le temps;-dans son existence affairée,
de. coordonner des pensées philosophiques et
de leur donner la forme d'un livre.
C'est que ce philosophe est l'homme des
tours de force.
Il débarque à Paris, il a vingt ans, venant
d'un pays étranger, et il fonde une Revue,
une revue, le genre de publication le plus
difficile. à faire vivre. Il réalise ce tour de.
force. Grâce à un miracle d'activité, d'initia-
tive, de hardiesse, de persévérance, sa revue
vit, elle -grandit, elle -prospère, elle prend
place parmi les grands périodiques qui comp-
tent à Paris, puis en France, puis Sans le
monde. C'est d'abord, modestement, la Revue
des Revues, puis, avec plus de volume, de
poids, d'autorité, la Revue tout court.
Là, il fait confluer toutes les idées qui sol-
licitent l'opinion, et il demande à tous les
penseurs appréciés, d'ici et d'ailleurs, écri-
vains, savants, philosophes, hommes politi-
ques, de les élucider, de les développer, de
les mettre à-la portée de ses lecteurs.
Longtemps, il a été tout dans sa revue ; le
directeur, le (rédacteur, l'administrateur, et
aussi, il le rappelle en riant, le plieur et par-
fois le porteur.
- Tout cela ne l'empêche pas de composer des
livres qui supposent une information intense :
Français et Anglais, le Préjugé des races, la
Philosophie de la longévité.
Il y a, dans cette double besogne, de quoi
occuper un bénédictin, et l'on imagine volon-
tiers le directeur-auteur ne bougeant de son
cabinet que pour courir à sa bibliothèque et
vice versa.
Quelle erreur ! M. Finot est l'ami de tous
ses collaborateurs. Il reçoit. Il fréquente le
monde, monde politique, monde diplomati-
que, monde littéraire, monde tout court. On
le voit au théâtre. Il voyage. Il est en correc-
pondance avec la Russie, l'Angleterre, le Ja-
pon, l'Italie, le Portugal, que sais-je ? Il sait
les secrets et des dessous de la politique de
tous ces pays. Il connaît de source tous les
potins de notre Parlement, de notre minis-
tère, de nos journaux. Il s'en amuse. Il en
fait des mots. Il s'escrime contre des person-
nalités gonflées de vanité, et il combat pour
de grandes idées philosophiques et sociales.
Avec son ami, M. Stead, il lutte pour la paix
du monde. Cependant, il se divertit à dégon-
fler un ministre, à rappeler à la modestie un
cabotin, à mettre au point une réputation de
boulevard.
Et, selon l'expression consacrée, toujours le
sourire sur les lèvres.
Cet homme est actif, pressé, remuant,rapide,
affairé, et il n'a jamais l'air accablé ! Oh ! ces
braves Parisiens 'qui semblent toujours por-
ter un monde sur les épaules, et dont la plus
grande satisfaction est de donner l'impression
qu'ils vont s'écrouler sous le fardeau. Souvent,
ils ne font rien, et c'est une excuse. Mais par-
fois, ils travaillent, en effet, et on est invinci-
blement porté à leur demander pourquoi ils
ne se font pas aider ; ce qui leur donne la joie
de répondre : « Impossible, je ne trouve per-
sonne qui puisse me seconder. »
As-tu fini !
Les hommes vraiment intelligents savent
toujours trouver des seconds, ou, alors, ils
n'entreprennent que 'la quantité de besogne
qu'ils peuvent accomplir.
M. Finot dirige sa Revue, donne des conseils
à ses rédacteurs, raconte une anecdote 1u
jour, en écoùte une autre, reçoit quelques let-
tres en langues diverses, trouve quelques spi-
rituels sarcasmes sur les personnalités encom-
brantes du moment, s'interrompt pour répon-
dre à un appel de téléphone, reprend la con-
versation, est interrompu de nouveau une
fois, dix fois, ne s'énerve ni ne se fâche, ne
perd pas le fil et trouve moyen, toujours cou-
rant, de noter une idée, une ligne, un mot,
qui lui est venu à l'esprit pour le livre qu'il
prépare.
Ainsi il "semblait particulièrement qualifié
pour créer la Science du Bonheur. Au premier
rang des moyens d'être heureux, il a décou-
vert la volonté et l'activité. Il est, à coup sûr,
une volonté et plusieurs activités.
Il veut aussi qu'un sage altruisme nous dé-
tourne de concentrer notre pensée unique-
ment sur nous-mèmes, nos maux, nos désirs.
Il se dépense largement pour toutes les cau-
ses humaines. Aucun problème ne lui est
étrangers Comme sa Revue est ouverte à tou-
tes les idées, son esprit est ouvert à toutes les
préoccupations de l'heure. Il a souvent le plai-
sir de voir qu'une solution qu'il a préconisée,
(prônée, préparée, intervient. Des hommes dont
la Revue fut le premier échelon, deviennent
notoires. Motifs d'être heureux.
C'est pourquoi l'on a la sensation, en lisant
la Science du Bonheur, que l'homme qui a
écrit ce livre n'a pas parlé de ce qu'il ne con-
naissait pas.
Paul Dolllus.
— i — - 1 i wim
La FolitiQ:TjLa
La guerre des images
MM. George Duruy et Léon Daudet vien-
nent d'échanger des lettres, relativement à un
acte de vandalisme commis à Villeneuve-
Sarint-Georges, sur la statue de Victor Duruy.
M. George Duruy a cru reconnaître, dans cet
attentat, « la marque de fabrique des camelots
du roy ». Et, après avoir évoqué la noble ima-
ge de marbre blanc qui, aux Champs-Elysées,
fait revivre la figure d'Alphonse Daudet, le fils
de l'illustre grand-maître de l'Université dit
à M. Léon Daudet :
Si vous m'en croyez, monsieur, modérez le zèle
iconoclaste de vos amis. Qu'ils se reposent sur
leurs glorieux lauriers ! Qu'ils jouissent en paix de
la pensée réconfortante d'avoir, par des actes d'a-
narchistes, efficacement travaillé au retour du ré-
gime d'ordre dont ils sont, parait-il, les annoncia-
teurs !
Sinon, il serait à craindre que les « camelots du
roy » ne finissent par susciter des « camelots du
peuple » — et que les représailles de ces derniers
ne fussent aussi stupides que les actes stupides
auxquels elles répondraient.
Si, par malheur, il arrivait que le monument de
votre père fût l'objet, comme celui du mien, d'un
de ces odieux attentats, peut-être comprendriez-
vous le sentiment d'indignation profonde auquel
j'obéis en vous écrivant.
iEn réponse à cette lettre, M. Léon Daudet
défend ses amis contre toute participation à
l'outrage commis à Villeneuve-Saint-Georges,
et -il rend hommage à la mémoire de Victor
Duruy, qui doit être saicrée à tous les patrio-
tes. Puis il écrit ce qui sulit :
Permettez-moi d'ajouter — ceci une fois établi —
que je ne saurais trop approuver ceux qui poursui-
vent la trahison de Dreyfus jusque dans tes effi-
gies destinées à la commémorer ; et que je n'esti-
merais pas trop payer de la dégradation ou même
de la destruction d'une statue de mon vénéré père
la dégradation ou la destruction de la statue d'un
Bernard Lazare ou d'un Zola, par exemple.
Il est évident que chacun a le droit de pro-
fesser l'opinion qui lui plaît. Mais enfin, ne
pourrait-on pas admettre une bonne fois pour
autrui ce droit qu'on trouve sacré pour soi-
même ? Et si M. Léon Daudet est libre de
croire indéfiniment que Dreyfus est un' traî-
tre, né peut-il pas permettre à d'autres de
professer une opinion contraire ? Dans tous
les cas, n'existe-t4l pas, pour des hommes in-
telligents et lettrés, d'autres procédés de pro-
pagande que ie vandalisme, et d'autres
moyens de convaincre ses concitoyens que de
briser les doigts des statues ?
--4 En revendiquant pour soi-même le droit
d'outrager les images de nos ennemis, on le
reconnaît implicitement à ses adversaires. Et
alors, les partis politiques qui jetteront mu-
tuellement à terre les effigies détestées, res-
sembleront aux cochers qui échangent des
coups sur le dos de leurs bourgeois, ce qui
est le procédé de polémique le plus étrange
connu.
Il y aurait à cela, évidemment, un bon cô-
té : celui de débarrasser Paris d'une infinité
de caricatures qui le déshonorent. On souhai-
terait qu'Ambroise Thomas eût laissé des en-
nemis capables de détruire sa mélancolique
image de pêcheur à la ligne déçu. Et si quel-
ques conventionnels pouvaient revenir guillo-
tiner le Lavoisier, qui, derrière la Madeleine,
s'apprête à danser un menuet avec une cor-
nue pour vis-à-vis ! Et si l'on pouvait coucher
une bonne fois, dans un lit caché — fût-ce ce-
lui de la Seline — le Musset en proie au mal
de mer, qui demande, place du Théâtre-Fran-
çais, de l'alcool de menthe qu'une dame en
marbre s'obstine à cacher derrière son dos !
Mais, malheureusement, vous verrez qu'on
ne choisira pas. L'esthétique n'y gagnera
donc rien. Et l'on se demande, en vérité, ce
qu'y gagneront les principes, tous les princi-
pes, quand on retrouvera un beau jour, sur
les places, Zola boiteux, Louis XIV à bas de
son cheval et Jeanne d'Arc manchote !
GIL BLA9
———————————
Echos
Les Courses.
Aujourd'hui, à deux heures, Courses à Maisons-
Laffitte.
Pronostics de Gil Blas :
Prix du Val-Notre-Dame. — Or du Rhin, Mon-
fagne.
Prix Bizi. — Villégiature, Talo Biribil.
Prix d'Orsay. - Lebnan, DiffMati.
Prix Pénélope. - Union, Pierre Bénite.
Prix de Moulins-la-Alarche. — Petit Maître, Lieu-
tel.
Prix Masqué. — Ecurie Henriquet, Chamœrops.
TITRES DE NOBLESSE
L'histoire qui vient d'arriver aux nobles
plus ou moins authentiques ou en toc qui
sont fonctionnaires du ministère de nos rela-
tions extérieures, est certainement des plus
amusantes. M. Pichon leur a demandé, avec
une bonne grâce un peu affectée, de vou-
loir bien lui communiquer les arrêtés d'inves-
titure qui justifiaient ou excusaient ou expli-
quaient leurs titres de noblesse. Aussitôt, les
titres se sont envolés ou se sont évanouis, car
Il paraît que un certain nombre de nos diplo-
mates signaient les actes essentiels de notre
politique étrangère de noms assez fantai-
sistes.
L'aventure, je l'avoue, est des plus agréa-
bles, et j'en souris encore. Mais il me semble
qu'il faut prendre son parti de la vanité hu-
ma/me et des titres aristocratiques. Nous sa-
vons parfaitement qu'il n'existe plus un seul
héritier légitime deo vieilles familles, qui ont
commencé, il y a des siècles, la force fran-
çaise. Les braves gens qui les portent aujour-
d'hui, en ont birité par toutes sortes de tours
de passe-passe ou de tours de-bâton. La bâ-
tardise a fait des siennes, et les substitutions
ont accompli des rraracles.
Il n'est pas, aujourd'hui, un seul titre aristo-
cratique de quelque valeur qui ne soit, dans
une certaine mesure, directement ou indirec-
tement usurpé.
Laissez faire, laissez passer. Seulement,
mon cher Caillaux, vous qui êtes si désireux
d'imposer tous les Français et d'en imposer à
tous les Français, mettez un bon impôt sur
les titres de noblesse ; il vous rapportera tou-
jours beaucoup d'argent. Les ducs, les prin-
ces, les marquis, les comtes, les vicomtes, les
barons, les chevaliers et les simples vidames
ne feront jamais défaut. Et tous ces gens-là,
au lieu de fainéantiser comme ils font main-
tenant par chic, et pour démontrer leur dis-
tinction véritable, travailleront de leur mieux,
afin de pouvoir conserver leur tiitre de no-
blesse. Nous aurons ainsi, en France, une
classe productive de plus. Avouons que le be-
soin s'en fait sentir vivement.
9. Ernest Charles.
-)I-
IL Y A CENT ANS
Mardi 20 Avril I8Ù9.
Guerre russo-suédoise. On mande de Copenha-
gue : « On peut juger de l'alarme qui règne en Suè-
de par celle qu'ont produite trois ballons de notre
aéronaute Colding, qui sont tombés en Scanie. Cha-
que fois qu'ils ont été aperçus, les troupes ont
pris les armes, les regardant apparemment comme
-le signal d'une invasion de notre part. Un de ces
ballons a été envoyé à Stockholm afin qu'on exami-
nât s'il ne contenait pas quelque papier ou signe
qui compromît la sûreté de l'Etat ».
■ ) e+a < ■>
LE BOULEVARD.
Le piston.
M. Paul Cazeneuve, médecin et sénateur,
fait, dans le Radical, le procès des parlemen-
taires. « En ce moment, dit-il, nous n'avons
pas une bonne presse. » Tu parles. M. le
docteur-sénateur Cazeneuve fait son mea cul-
pa, qui est celui de tous les députés et séna-
teurs. « Nous pistonnons trop facilement »,
avoue-t-jl douloureusement (et non sans can-
deur). Georges Lecomte, dans les Valéts, a dé-
jà démontré magistralement cette vérité axio-
matique.
« Nous pistonnons au petit bonheur, nos
femmes pistonnent; le rôle des femmes, dans
les recommandations, est certainement plus
considérable que celui des parlementaires.
Et quand une femme veut s'en mêler, avec
les dons irrésistibles de la, grâce et de la beau-
té, rien ne lui-résiste. »
M. le sénateur-docteur ajoute ces commen-
taires fort judicieux :
« D'ailleurs, réfléchissons : la recommanda-
tion a été, est et sera dans les mœurs de tous
les temps. Elle commence avec la nourrice
qui vous est recommandée pour votre enfant.
Elle est utilisée plus tard, pour le baccalau-
réat ou le brevet élémentaire, pour ces ponts
aux ânes de l'adolescence qu'on veut absolu-
ment franchir, de crainte de passer pour une
bête. La recommandation continuera pour vo-
tre mariage, puis elle finira avec le prêtre, qui
recommandera votre âme à Dieu ! »
Et M. Cazeneuve se console finalement en
ces termes :
« Dans tous les cas, sénateurs et députés,
mes frères, consolons-nous. Nous ne sommes
point les seuls qui recommandions. Le piston
esb éternel, comme l'amour et la lumière du
jour. »
Hélas !
La foi qui sauva.
Notre confrère Adolphe Retté, qui fut anar-
chiste et athée, est aujourd'hui, on le sait, le
plus dévôt des hommes. Il s'est converti, com-
me'feu Huysmans. Et cela, qui ne regarde
que sa conscience, est infiniment respectables
Retté est allé à pied deutigugé à Lourdes.
Pèlerin passionné, il a parcouru en vingt
jours les quatre cent cinquante-quatre kilo-
mètres qui séparent son vil-lage de la grotte
fameuse. - .:'
Et il ne s'est pas rendu à .Lourdes pour
prier seulement, et pour assister aux miracles
qui s'y produisent, comme chacun sait, cha-
que matin.
Non. Adolphe Retté a travaillé de ses mains
à la piscine. Il a fait profession d'infirmier, et
deux mois durant, porté des malades atteints
des plus terribles ulcères, pansé leurs plaies,
se consacrant avec une ardeur inlassable aux
plus humbles, aux plus rebutantes corvées.
« Maintenant, disait-il, en revenant à Ligu-
gé, que j'ai réendossé le harnais du gende-
lettre, je demeure encore dans l'étonnement
d'être parvenu à accomplir, sans défaillance
ni catastrophe, une besogne qui m'était aussi
insolite. Quand je me rappelle la grande grâce
dont je fus l'objet, je ne puis que tomber à
genoux et remercier la Sainte Vierge de m'a-
voir élargi le cœur au point que je pus con-
courir avec tant d'allégresse au soulagement
des souffrances d'autrui. »
« La foi qui n'agit point, dit un vers célè-
bre, est-ce une fois sincère ? »
Coutumes estivales.
La température dont nous jouissons en ce
moment (que nous sommes loin de la neige
promise par le Vièux-
Nous avons revu hier, à' la devanture des
marchands de gibiers, la traditionnelle pan-
carte, inattendue en avril : « Pendant les cha-
leurs, la volaille est à l'intérieur. »
Les chevaux ont sorti de leurs armoires le
petit chapeau à oreillettes, qui sied si bien à
leur grâce animale.
Cette année, il paraît que le couvre-chef en
toile fera fureur. La paille donne des migrai-
nes et des congestions aux nobles coursier-r.
Sans hésiter, ils ont donc décrété la mort du
« manille'» et du « panama ». Reste la toile lé-
gère, souple, fraîche, gracieuse quand elle est
bordée de ganse assortie. On portera la toile
et les cnevaux de luxe qui vont, chaque ma-
tin, se promener au Bois, feront broder sur
le chapeau leurs .initiales entrelacées. Le
grand chic sera d'arborer des lettres de soie,
portées à la manière d'une décoration sur le
côté gauche.
INI I M»" ( ——————.
LE LIVRE DU JOUR
« Le Mari de la Couturière », par Henri Duver-
nois.
Henri Duvernois, qui excellait jusqu'à ce jour
dans les portraits de demi-mondaines, vient de
nous donner cette fois une forte étude de femme
honnête, semi-ouvrières, semi-bourgeoise, la Pari-
sienne avertie, philosophe, courageuse et indul-
gente, qui regarde la vie en face et hausse les
épaules à la première trahison, en disant :
« Une femme n'a jamais un seul enfant, elle en
a deux : le sien et son mari. »
Si l'amour un instant la caresse de son aile, elle
repousse bien vite la vision brusque du bonheur
.possible, pour ne plus envisager la réalité :
« Il y a pour nous quelque chose, dit-elle, qui
est plus puissant que le devoir ; ce ne sont pas des
mots, mais des faits. Je suis une ignorante, je n'ai
rien lu ; ma ligne de conduite, c'est moi qui me la
suis tracée. J'aime mieux gâcher ma vie que de
g&dher ma conscience. Ce n'est rien, non, non, ce
n'est rien une vie gâchée, je vous assure ; cela a
tout de même sa part de joies. Ah ! je ne tiens pas
à ma jeunesse, je la regarde comme on regarde
couler l'eau. J'essaie de m'oublier ; il faut m'aider
et ne plus faire attention à moi. -»
C'est une noble figure que celle de Madeleine,
extrêmement sympathique, qui nous émeut davan-
tage qu'une « Nane » ou qu'une « Crapote », parce,
qu'elle est infiniment plus près de la réalité.
Quant au sexe fort, il est plutôt malmené dans
l'œuvre de ce féministe à tous crins qu'est Henri
Duvernois.
Qu'y voyons-nous, en effet ? Comme personnage'
principal, un être inutile, vantard et présomptueux,
le « mari de la couturière ». Comme comparses,
un jeune journaliste, arriviste résigné, qui place
la fortune avant les raisons du cœur ; un chef des
preux tombé dans l'ivrognerie ; un poète de buas-
serie famélique, en un mot, un microcosme. de
personnages peut-être humains, mais sans grand
reliüff, qui font triste mine en face de Madeleine et
de la petite « Guite », la gamine de Paris, parente
pauvre du Friquet, de Gyp.
Le Mari de la couturière, c'est le roman de l'éner-
gie féminine, en opposition avec la veulerie et la
paresse de l'homme moderne, un roman qui, à n'en
pas douter, fera frémir M. Barrés. — MAURICE
CABS. lit
Le plus beau vers français.
L'enquête du « beau vers » continue, Cor-
neille -persiste à tenir la corde. « Vive notre
vieux Corneille ! » comme disait Mme de Sé-
vigné.
Les romantiques et les classiques ont leurs
fervents.
Et aussi Déroulède, dont. on cite ce vers :
Nul ne tombe inutile en servant la patrie.
ce que le fameux
Mourir pour la patrie, c'est le sort le plus beau,
avait déjà exprimé en bons termes avant notre
barde national.
Gilbert — qui l'eût crû ? — a un partisan.
Son « banquet de la vie » pleurnichard et si
prosaïque, a rencontré son admirateur.
Et l'on eût bien étonné Mme Annie Perrey,
auteur de cet alexandrin :
Il faut toujours, un soir ou l'autre, se donner.
en lui disant que ce vers serait, en avril 1909,
considéré comme le plus beau de la littéra-
ture française.
M. Faguet, toujours fantaisiste, a répondu
en ces termes : « Le plus beau vers de la lan-
gue française est une ligne de prose : c'est la
dernière de la Prière sur l'Acropole, de Re-
nan. »
M. Fagnet, dpuis qu'il a voté pour Pons,
tient à s'affirmer paradoxal.
-x--
Les petites économies.
A propos de la crise balkanique, il a beau-
coup été question, tous ces jours derniers, de
François-Joseph et de sa cour, qui est, pa-
raît-il, la plus formaliste, la plus collet-monté,
la plus respectueuse qui soit de l'étiquette et
du protocole. Il y a des circonstances, cepen-
dant.
Un jour, François-Joseph, en villégiature à
Budapest, y donnait audience ouverte au pa-
la,is royal. Un forgeron hongrois s'approcha
d'un air embarrassé, tournant et retournant
dans ses doigts un petit morceau de carton.
C'était le portrait de l'empereur qu'il priait
celui-ci de vouloir bien revêtir de sa signa-
ture. Françolis-Joseph s'excusa, prétextant
qu'il n'avait rien sous la main pour écrire, ni
plume ni crayon.
— Qu'à cela ne tienne 1 riposta le forgeron.
Et, tirant de sa poche un petit bout de gros
crayon de charpentier, il le tendit au souve-
raan qui, dès lors, s'exécuta de bonne grâce.
Mais, comme le forgeron, son portrait à la
main, restait là sans bouger comme s'il atten-
dait encore quelque chose, l'empereur intri-
gué lui demanda :
— Est-ce que je puis encore faire quelque
chose pour vous ?
— Oui, sire, fondit l'autre : me rendre
mon crayon !
Françotis-Joseph, après avoir signé, l'avait,
en effet, mis tranquillement dans sa poche.
On affirme qu'iil le rendit sV1 forgeron hon-
grois sans se faire prier. « Ce sont là jeux
de prince » constatait Arïdrieux : on rend un
crayon ; on ne rend es l'Herzégovine,
La fin des guerres,
Le conflit balkanique est à peine terminé et
voici que les Turcs menacent de s'entretuer.
Il n'est -bruit que de guerre, de massacres,
de conflagration.
Quand donc n'entendrons-nous plus parler
de ces horribles choses ?
Si la guerre demeure toujours possible, ce
n'est pas la faute des ingénieurs et des sa-
vants qui s'acharnent à découvrir des explo-
sifs de plus en plus formidables. "-
Un ingénieur naval américain, M. Louis
Nixon, nous promet, pour un temps prochain,
des bateaux de cinquante mille tonnes, qui
seront pourvus de générateurs d'électricité as-
sez puissants pour foudroyer, à la distance de
dix kilomètres, tout un équipage, et neut-être
toute une flotte. Il croit aussi qu'on trouvera
le moyen de diriger le feu du ciel à l'endroit
précis qui nous plaira. Et ce sera naturelle-
ment la fin des guerres, si- toutefois les hom-
mes consentent à ne pas s'anéantir complète-
ment les uns les autres. Et de cela, nous ne
sommes pas sûrs r
ta Clairière.
Une de nos plus distinguées consœurs, miss
Mary Hapton, journaliste et romancière de
Chicago, vient d'acheter cinq mille arpents de
terre dans le Texas pour y installer une colo-
nie agricole exclusivement féministe. *
Miss Hapton, afin d'éviter les mécomptes —
à rebours — de la Clairière, de Descaves et
Donnay, a décidé que les membres de la co-
Ionie du Texas seraient exclusivement céliba-
taires. Ces membres seront des membresses.
'Elles exploiteront toutes seules leur donléi-
ne, sans le secours d'aucun homme. Elles bè-
pheront, piocheront, sèmeront, laboureront
faucheront, moissonneront elles-mêmes.
Mais, direz-vous, sa d'aventure une de ces
Lysistratas renonçait à son vœu de cfiasteté et
désirait se marier ?
Le cas est prévu. La fermière au cœur ten-
dre ne serait pas exclue de la colonie. On lui
passerait sa faiblesse. Mais l'époux, admis sur
le territoire colonial, serait écarté de l'admi-
nistration. On lui donnerait une quenouille
Que pensez-vous de cette république de
femmes ? Croyez-vous que, même sans hom-
mes, elles ne se mangeront pas un peu le
nez ? Souhaitons-le, sans trop y croire.
-..x-
Très jolis les « chapeaux à épis » lancés par
Léon. et c'est un succès de plus à l'actif de
la célèbre maison de la rue Daunou à qui les
Parisiennes doivent leurs plus gracieux cano-
tiers.
,-','-C-
Deux perles du « Sottisier » du Mercure
Elles proviennent, l'une et l'autre, de confrè-
res parisiens que le Mercure nomme - et que
nous ne nommerons pas :
— Le distingué magistrat se trouvait, en effet,
légèrement fatigué à. la suite des nombreux as-
sauts qu'il dût livrer à la veuve tragique.
— Beaucoup diront en l'ouïssant, etc.
Le DlabltS boiteux.
Propos du Jour
La Foi
Il n'y a pas au monde de problème plus intéres.
sant que celui posé par Brieux dans sa belle tra-
gédie.
Faut-il avoir la Foi ? Et plus spécialement, com-
me le voit Brieux, la Foi reîMl-eUe plus heureux
les humains qui la possèdent ?
Sur cette question qui divise l'humanité en deux
camps depuis qu'elle existe, chacun, je pense, a le
droit de dire son mot : l'important est qu'il soit
sincère dans un sens ou dans l'autre, car il y a des
fanfarons d'athéisme comme des hypocrites de re-
ligion.
Il y a bien aussi, on me le concédera, des gens
convaincus, sans être absolument idiotst, C'est mê-
me ce que je repocherais assez volontiers à mon
cher ami Brieux ; c'est de n'avoir mis dans son
drame, du côté de la Foi, que des imposteurs ou
des crétins.
Soutiendrait-il sérieusement que les apôtres, par
exemple, fussent l'un ou l'autre ? Et des gens du
caractère de Bossuet, de Fénelon, peuvent-ils être
considérés comme sans loyauté, ni intelligence, ni
instruction, ni talent ?
Ne pouvons-nous accorder ces qualités qu'aux
prédicateurs de la Confédération Générale du Tra-
vail, par exemple ?
Non, les autorités sont égales des deux côtés,
pour le moins.
Mais la question, d'ailleurs, n'est pas absolu-
ment là.
Pour mon compte, je crois et je constate sur mon
être l'influence, bienfaisante de la Foi.
Au cours d'une existence déjà bien longue, les
souffrances physiques et morales ne m'ont pas été
épargnées : je puis même bien dire que l'on m'a
fait large mesure.
Je me suis trouvé dans les circonstances les plus
désespérantes, frappé de ces grands malheurs que
la plupart de mes contemporains appellent immé-
rités ; cependant je n'ai jamais désespéré, même
quand on a volé mon pays à la France, par exem-
ple, et que l'on m'en a chassé. Je ne désespère pas
encore, au bout de quarantg ans d'abominable at-
tente.
Je ne parle pas des pertes d'argent, qui sont bien
le cadet de mes soucis. Mais qui m'assure qu'il en
serait ainsi si je ne croyais pas ? Ce le sont pas
les exemples de désintéressement des athées que
j'ai eus sous les yeux, en tout cas.
Dans les grands dangers, sur .le champ de ba-
taille, par exemple, j'ai toujours eu pour principe
de m'accuser brièvement de toutes les fautes que
j'avais pu commettre (et j'at toujours été loin de
la perfection), de faire un signe de croix et de m'en
remettre à Dieu pour le reste, avec la confiance la
plus absolue. Je ne m'en suis pas plus mal battu
pour ça que cent de mes camarades qui ne
croyaient ni à Dieu ni au diable.
Dans le nombre, il y en avait certainement de
très crânes et de très résolus, mais enfin je ne puis
m'imaginer qu'ils ne fussent pas un tantinet moins
tranquilles. En tout cas, je sais bien que je ne le
serais pas du tout si je ne croyais pas.
Et, je voudrais bien, je l'avoue, croire encore da-
vantage. Car, et c'est là que Brieux a raison, ne
croit pas qui veut, et comme il veut.
Certes, dons notre milieu irréligieux, dans cet
air ambiant de sophismes, de railleries, de discus-
sions subtiles et impressionnantes, la Foi chan-
celle, les moments de défaillance sont nombreux.
Mais précisément, ce qui vient toujours réconfor-
ter la mienne, c'est le malaise que je ressens, la
sensation d'égarement, de mécontentement de moi-
même que j'éprouve quand elle s'affaiblit.
C'est, passez-moi l'expression, la même sensa-
tion désagréable qu'au bout de quelques jours de
maladie, quand on a été privé des soins de toilette
habituels.
Vite le tub, le rasoir, le savon, les peignes, les
brosses ! *
Et c'est jencore bien pis, quand c'est Ifème qui est
embarbouillée. -
Donc, je crois et je suis heureux de croire, quand
ce ne serait que par hygiène morale.
Il y a longtemps que le cynisme de nos modei
nes athées ina dégoûté de l'incrédulité.
Louis d Hurcourt.
O1
Le secret de Lemoine
LE JUGE D'INSTRUCTION. — Alors, décidément, Le-
moine, vous ne voulez pas dire ce que vous avea
fait à Londres et à Paris durant vos mois de liberté.
LEMOINE. — Ce n'est pas mon secret.
LE JUGE. — Comme vous- voudrez. Mais je serai
forcé de conclure de votre silence que vous vous
êtes encore livré à des manoeuvres louches.
LEMOINE, indigné. — Moi, monsieur l
LE JUGE. — .A des escroqueries.
LEMOINE. — Vous m'insultez !
LE JUGE. — En un mot, à des actes qui tombent
sous le coup de la loi.
LEMOINE. — C'est en trop !. Puisque vous voulez
le savoir, je vais vous révéler mon secret. Mais rap«
pelez-vous ce qui est arrivé à M. Le Poittevin.
LE JUGE. - Je ne l'imiterai pas. Parlez.
LEMOINE, - Sachez donc que j'étais à Londres
pour une très grosse affaire.
LE JUGE. — Quelle affaire ?
LEMOINE. — Une affaire industrie.Ue destinée à ré-
volutionner le monde.
LE JUGE. — Quelle affaire ?
LEMOINE. — Une affaire basée sur une découverte
sensationnelle dont je suis l'auteur. -
LE JUGE. - Quelle affaire ?
LEMOINE. - Une affaire pour laquelle j'avais déjà
trouvé des capitaux énormes.
LE JUGE. — Quelle affaire ? r
„ LEMOINE. — Une affaire pour laquelle un financier
anglais m'a fait des avances considérables.
LE JUGE. — Mais encore une fois, quelle affaire ?
LEMOINE, avec simplicité. — La fabrication artifi-
cielle du rubis.
Fancy.
——————————— ———————————
EN FEUJllETANT GIL BLAS
Mercredi 20 Avril 1881.
— Des nouvelles de Tripoli annoncent le massa-
cre de la mission Flatters. Les Touaregs ont écra-
sé la caravane française et l'ont détruite à l'arme
blanche. Le colonel Flatters a été frappé d'un coup
de sabre qui l'a coupé en deux à partir de l'épaule.
Il est tombé après avoir frappé un des assaillants
et en avoir tué un autre. Un pillage et un partage
suivirent le massacre.
— On projette des travaux cet été à l'Opéra-Co-
mique. On va faire construire, sur une terrasse qui
domine l'Opéra-Comique, côté de la place Boïel-
dieu des magasins où les costumes, éloignés des dé-
cors et de la scène, ne pourraient plus augmenter
l'intensité du feu, en cas d'incendie.
-,..--, - - --, r*g
LA GUERRE CIVILE a TURQUIE
Le Sultan serait mis
cii dm (l'aliilipi
A la dernière heure, l'Agence llavas nous Cûm<
munique la dépêche suivante :
Constantinople, 19 avril. - Sous 'toutes rè*
serves, on asswe que le comité « Jeunes-
Turcs o) a donné au sultan iusqu'à dix heures
du soir pour abdiquer.
L'ambassadeusr de Russie, M. Zinoview,
conduirait les pourparlers.
Le croiseur russe Terek, venant d'Athènes,
passeront la nuit au Bosphore pour emmener,
le sultan.
Rien n'étant venu confirmer officiellement et dé-
finitivement cette grave nouvelle, nous donnons
ci-dessous toutes les dépêches qui nous sont arri-
vées dans la soirée, sur la marche des événements
qui se déroulent en Turquie.
Les Évolutions de la Riïftln
Les lettres qui arrivent aujourd'hui de Cons.
tantinople prouvent que le télégraphe nous
a mal informés, par 'la faute de la censure, qui
a laissé passer le moins de vérité possible,
ce qui marque ibien le retour aux usages ad-
ministratifs et policiers du règne absolu du
sultan.
Aujourd'hui que le 'deuxième coup de force
d'Abdul-fîamid contre la Constitution est sur
le point d'être déjoué, grâce au corps d'armée
de Salonique qui marche sur Constantinople,
nous avons quelques détails inténesssants,
mais le télégraphe est loin d'être libre ; nous
en sommes réduits aux conjonctures.
Ce qu'il y a de certain, c'est que les jeunes-
turcs, si brusquement renversés par les émeu-
tiers militaires, sont sur le point de repren-
dre le pouvoir. Leurs forces militaires, ve-
nues de province, et qui campent aux portes
de Constantinople, sont telles, que les créa-
tures du sultan qui exercent en ce moment
l'autorité, ne songent pas à combattre ; elles
parlementent.
Dans quelques heures, sans doute, le grand-
vizir Tewick Pacha sera démissionnaire et
sera remplacé par un homme du Comité
« Union et Progrès ».
La seule question sérieuse qui se pose es$
celle de savoir si les jeunes-turos vont enfin
déposer ou faire disparaître le sultan actuel. -
Nous avons "gu voir par des informations de
source étrangère, que des officiers des trou-
pes venues de Salonique, et qui sont à Tcha-
toMja, avaient idemandé à une délégation de
députés envoyés en parlementaires :
— Nous apportez-vous la tête du sultan 3
nous ne négocierons que lorsque vous nous
l'auréz apportée.
Vrai ou faux — et il a fair d'être vrai --
cet incident pose la question comme elle doit
l'être. Cette brutalité d'exécution répugne évi-
demment à notre caractère d'Occidentaux,
mais n'oublions pas que nous sommes en
Orient, en face d'un sultan qui a fait distri-
buer à des soldats illettrés cinquante mil-
lions, retirés il y a quelques jours des coffres
d'une banque anglaise.
Du reste, des Turcs sont les seuls juges de
la manière dont ils doivent faire disparaître ce
sultan, aussi cruel que fourbe. Pour satisfaire
nos sentimentalités européennes, nous préfé-
rerions apprendre que les jeunes-turcs ont eu
recours à la déposition et à l'internement dans
un de ces palais du Bosphore, où Abdul-
Hamid tint si longtemps son frère aîné, Mou-
rad, enfermé. C'est là un acte de politique in-
térieure de la Turquie qui ne nous regarde pas.
Nous sommes seulement certains que tant
que le sultan régnera même nominalement, il
emploiera le restant d'autorité qu'on lui lais-
sera, à recommencer une révolution contre la
Jeune Turquie, et c'est si naturel !
C'est ici le cas de répéter la fameuse phrase,
qui ne fut jamais plus vraie : « A des situa-
tions nouvelle il faut des hommes nouveaux.»
Historiquement le sultan est condamné, ou
l'œuvre des jeunes turcs sera entravép à cha-
que instant.
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