Titre : Gil Blas / dir. A. Dumont
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-06-05
Contributeur : Dumont, Auguste (1816-1885). Directeur de publication
Contributeur : Gugenheim, Eugène (1857-1921). Directeur de publication
Contributeur : Mortier, Pierre (1882-1946). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 juin 1907 05 juin 1907
Description : 1907/06/05 (A28,N10090). 1907/06/05 (A28,N10090).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-209
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2012
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f Si tu me lis avec attention, tu trouveras ici, suivant le précepte d'Horace,
futile mêlé à lagréable. »
(Préface do aIl Blas au lecteur).
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Chez MM. LAGRANGE, CERF & Gb
8, Puce DB la BOURSE, 8
Et à l'Administration du Journal
LMiJes Jardins
J'ai toujours éprouvé pour les enfants une
grande tendresse. Cela vient peut-être de ce
que je suis justement célibataire. N'ayant
point d'enfant à moi, je ne suis sensible qu'au
ipharme des enfants que les autres possè-
dent et je ne soupçonne même pas qu'ils puis-
sent avoir quelque défaut. Même si un petit
garçon est méchant, ou si une petite fille est
,êésagI'éable, je les trouve délicieux. Ils sont
jjolis, ils ont de petits costumes de marine ou
des toilettes d'été qui m'enchantent ; les uns
sont naïfs, les autres sont déjà trop civilisés,
tc'est toute une petite humanité qui s'en va sous
îles arbres des jardins et des promenades, et
jc'est pourquoi, lorsqu'il y a un rayon de so-
leil, les jardins et les promenades sont les
icoins les plus jolis de Paris.
Deux heures, c'est le moment exquis. Il est
■vrai que, depuis quelques jours, la fraîcheur
jàe l'air, l'aigreur du ciel, et l'incommodité du
tvent confinent chez eux presque tous les Bam-
bins. Mais enfin donnons un peu de soleil.
Les Champs-Elysées sont tout blancs de so-
leil et le peuple remuant, à qui il appartient,
iest là, près des ohevaux de bois, des balan-
çoires* des marchands de gâteaux et des gui-
gnols. J'ai constaté avec un plaisir bien vif
que les jeux simples de mon enfance demeu-
rent toujours en honneur : creuser un trou,
élever une taupinière et faire des pâtés ; les
enfants tirent toujours de ces actions peu com-
pliquées ibeauloup de volupté. La pelle, la
passoire et le seau n'ont pas déchu et, quant
qux jouets scientifiques, on n'en aperçoit pas
heureusement. Les nounous sont opulentes
et conscientes de leur majesté, laissant tom-
ber du haut de leur bonnet les longs rubans
que retiennent de grosses épingles à tête cise-
lée; les misses et les gouvernantes, un peu mai-
gres, ont tout de même l'air gentil, et le gar-
dien décoré qui passe et repasse, caresse sa
moustache, comme au temps où il courtisait
les belles — si toutefois il y en avait. Il fait
un peu chaud ; le sol brille ; les chevaux de
bois tournent, les cavaliers enfilent des ba-
gues et les chèvres barbues traînent avec en-
nui leurs voitures fameuses.
Ce sont les petites filles qui m'intéressent
le plus. Malgré leurs costumes coquets, les
garçons ont tout de suite repris leurs maniè-
res brutales ; ils courent. fort, ils bousculent,
ils tapent : il leur faut des jeux vifs où l'on
fasse de la poussière, où l'on crie ; aussi, ne
jouent-ils jamais longtemps avec les petites
filles. Celles-ci, pomponnées, bichonnées, bien
gantées, avec de clairs chapeaux à fleurs, les
jambes nues, conservent, tout en s'amusant,
des allures de petites femmes du monde. Les
plus gaies, les plus naturelles, ont déjà de la
distinction, de la correction : et c'est là ce
qui leur donne un charme si particulier.Leurs
ijeux sont calmes : on joue à l'institutrice, on.
joue aux visites ; la moins jeune dirige les au-
tres, et toutes ces petites jouent avec douceur
aux jeux que leur aînée leur impose.
Un jeu cependant a conquis bien des parti-
sans enthousiastes, le Kouen-gen. Le Kouen-
gen ? dites-vous, qu'est-ce que cela ? — Un
jeu cher aux Chinois. — Oh ! fi 1 l'horreur !
- Attendez donc : un jeu cher aux Français
aussi aux seizième, dix-septième et dix-huitiè-
me siècles, qu'ils avaient oublié, et que des
officiers de marine rapportèrent chez nous de
l'Empire des Célestes, le jeu du diable, le dia-
bolo, enfin. Et maintenant vous savez ce que
c'est que le diabolo : une double toupie en
celluloïd garnie de caoutchouc ; on la lance
en l'air au moyen de deux baguettes de bois
reliées entre elles par une corde très mince.
Il s'agit de recevoir ensuite la toufne sur la
ficelle lorsqu'elle retombe et de l'y garder.
Mais vou's" pensez bien que ce n'est là qu'un
exercice élémentaire et qu'il y a toute une sé-,
rie de tours de force, ou, du moins, de tours
id'habileté, qu'on parvient à exécuter au prix
de beaucoup d'études.
Le diabolo est, cette année, le jeu surtout
des petites filles, encore que les garçons s'y
appliquent, eux aussi. Mais les petites filles
y ont une dextérité et une grâce que les gar-
çons ne pourront jamais acquérir. Je me suis
souvent arrêté aux Champs-Elysées à regarder
jouer deux petites -filles ; il ,y avait cercle,
d'ailleurs, autour d'elles. Ce qu'elles faisaient
me parut prodigieux : leurs diabolo étaient
comme des volants, qu'elles se renvoyaient
l'une à l'autre ; ils touchaiènt une corde, re-
bondissaient, retombaient sur la seconde cor-
de, repartaient ; on etit dit un oiseau qui se
posait une seconde, puis s'envolait. Tout cela
avec une aisance, une sûreté et comme une
nonchalance incomparable. Puis, il n'y eut
plus qu'un diabolo, que ces joueuses se ren-
voyaient de l'une à l'autre à très peu de dis-
tance et qui, frappant sans cesse les cordes
raccourcies, semblait un gros bourdon affolé
qui se casse le nez contre les murs d'une pri-
son. Le cercle s'agrandissait : il y avait là
itout ce qui forme un cercle à Paris : le petit
pâtissier, le petit télégraphiste, le soldat de
deuxième classe, l'officier en retraite et le pe-
tit Italien vendeur de plâtres. D'autres petites
filles regardaient, d'un œil jaloux, ces deux
reines du diabolo. Tout à ooup, le diabolo ac-
croche une (branche et y reste suspendu ; il
y eut un moment de stupeur ; la petite re-
gardait son diabolo inaccessible ; les garçons
toujours chevaleresques envoyaient, pour le
idécrocher, des pierres qui retombaient sur les
promeneurs. L'autre petite fille, tout simple-
ment, mit son diabolo sur sa corde, regarda
le diabolo perché et lança contre lui le sien ;
elle l'atteignit, il dégringola, et la partie re-
commença. Un vieux petit marchand de cer-
ceaux et de balles, les malriVdàiis' fe^f poches,
avait contemplé la sc&ie. —: Comment s'ap-
pellent donc ces petites ? lui demandai-je,
piqué de je ne sais quelle curiosité. - Mlle
Léonie et Mlle Jeanne, répondit-il. - Mais
leurs noms ? — Nous ne connaissons les en-
fants, ici, que par les prénoms, fit-il d'une
voix sévère. Le regard qu'il fixa sur moi était
lourd de soupçons, e.li.je m'éloignai, fort gê-
né et un peu triste. M le temps qui court, il
est peut-être dangereux, si l'on est célibatai-
re, de montrer qu'on aime les enfants.
iAussi, maintenant, j'affecte de prendre, dans
les jardins un visage indifférent. Un jour, je
recontrai au parc Monceau un homme d'une
cinquantaine d'années moitié ouvrier, moitié
paysan. Il fumait une pipe, portait une cas-
quette et riait tout seul, à observer les en-
flants. L'un d'eux, un petit garçon, s'efforçait
vainement de faire rebondir un gros ballon
qu'il avait : il était trop petit, et les coups de
6a menotte n'étaient gue des caresses. L'hom-
me l'examinait, envoyant de petites bouffées
de fumée et hochant la tête avec attendrisse-
ment. Tout à coup, il prit le ballon, tapa des-
sus avec sa forte main ; le ballon rebondit
plus haut que lui ; l'enfant était émerveillé ;
l'autre riait de bonheur, et il tapait, et il ta-
pait. Cela dura bien cinq minutes. Brusque-
ment, une bonne surgit, attrape le ballon, sai-
sit le petit garçon et, rouge de colère et de
crainte, s'écrie,comme si elle arrachait le mar-
mot d'un immense danger : « Voulez-vous
bien. Youlez-vous bien. » Elle ne put con-
tinuer. un seul mot acheva sa. pensée : sa-
tyre ! La stupéfaction de l'homme demeura
indescriptible. Cependant, comme c'était une
joyeuse nature, il se mit à rire, une fois de
plus, bourra sa pipe et repartit. Et voilà pour-
quoi je voudrais que l'on coupât le cou à So-
leilland et à ses pareils : ils causent de l'en-
nui à tous ceux qui aiment les jardins pour
la grâce et la beauté qu'y mettent les enfants.
Paul Acker.
t ■ ♦ « » n.
La Poli tiqu..e,
La Crise viticole
Il n'est pas douteux que la crise viticole
constitue l'un des plus graves problèmes éco-
nomiques de l'heure présente.
La mévente des vins risque de consommer
la ruine du Midi, s'il n'y est porté remède sans
retard. La misère grandit de jour en jour, le
vigneron,,qui connut l'abondance, se voit me-
nacé de disette : il ne meurt pas de soif, mais
il pourrait mourir de faim.
Mais \oyez ces Méridionaux, qu'Alphonse
Daudet a si exactement dépeints, ils ne pleu-
,rent pas leurs malheurs, ils les chantent.
Ces meetin'gs monstres ne ressemblent en
rien à des explosions de détresse : les vigne-
rons vont à Nîmes protester contre la mévente
des vins, comme ils iraient aux arènes, un
jour de courses sensationnelles, avec les plus
célèbres matadors à l'affiche.
Sous le clair soleil du Midi, leur tristesse
éclate en galejades, en chansons.
Fèn de brut ! C'est l'éternelle devise de ces
braves gens qui sont tous un peu de Taras-
con : ils promènent, de ville en ville, leurs cla-
meurs ; depuis des semaines, ils abandonnent
leurs champs, délaissent la pioche, la serpe et
la charrue ; pauvres d'argent, mais riches d'es-
poirs, ils dépensent en voyages, en frais de vi-
vres et de routes, leurs dernières économies ;
ils boivent, pour noyer leur chagrin, et, logi-
ques avec eux-mêmes, pour bien établir que le
vin manque de consommateurs, ils consom-
ment de la bière, de l'absinthe, du \ermoulh.
Ce, pendant que trois cent mille poitrines
lancent aux pouvoirs publics l'ultimatum des
viticulteurs.
Tout cela est sérieux, malgré les drapeaux et
les girandoles, malgré les chansons et les
feux d'artifice et le gouvernement a eu tort de
ne pas s'en préoccuper assez tôt.
Dans le Midi, l'effet du mirage est tel qu'on
y parle des choses les plus extraordinaires et
qu'on finit par y croire.
G IL BLAS.
_j -' r t
Echos
Les Courses
Aujourd'hui, à 2 heures, courses au Tremblay.
Pronostics de Gil Blas :
Prix Fair Hélen. — Raven, Evil's Bluff.
Prix Slapdash. — Pignerol, Fiold Mouse.
Prix Vevlugadin. — Coréen, Dédale.
Prix SallareMe. - Çythère, Cartotina.
Prix liiiii Blas. - Le Belvédère, Angol.
Prix Fervacques. — Coréen.
Le temps d'hier.
Lundi soir. — De très faibles averses ou des
gouttes ont encore été observées hier vers 10 h. 30
matin et 3 h. 30 soir.
Aujourd'hui, le ciel est peu nuageux ; les cou-
rants très affaiblis, varient de Ouest à Nord-Ouest.
La température, qui tend à se relever, fournit
toutefois en banlieue quelques minima voisins de
5 degrés.
-x-
Bulletin.
M. Clemenceau, en venant au Palais-Bour-
bon, où il a assisté au début de la séance, a
été pris d'un léger refroidissement. Il est rentré
immédiatement chez lui, en s'excusant auprès
de la commisison de décentralisation, qui de-
vait l'entendre au sujet du statut des fonction-
naires.
L'indisposition leurs. sans gravité.
• -*n*—'*?fo7(>- iiï '-ij ey
M. Dujardln-Beaunfétz à l'Exposition Pissarro?.
M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d'B-
tat aux Beaux-Arts- a visité hier l'exposition
Camille Pissarro. Il a longuement contemplé
lés paysages et les vergers normands du maî-
tre disparu, l'incomparable série de Rouen et
l'église de Dieppe. M. Dujardin-Beaumetz n'a
pas moins goûté les bronzes et les marbres de
Camille Claudel, d'Yrurtiâ, de Bernhardt
Hoetger. Après avoir adressé de vives félicita-
tions à M. Eugène Blot, organisateur de cette
exposition, le ministre a acquis^pour le-compte
de l'Etat, le groupe célèbre de Camille Claudei,
Ventumne et Pomone, et le Torse, de Hoetger,
un des sensationnels succès du Salon d'Au-
tc.mne.
On ne saurait trop encourager M. Dujardin-
Beaumetz à persévérer dans cette voie nette-
ment moderniste. Les paysages impression-
nistes. de Pissarro, classés parmi les œuvres
révolutionnaires, il y a vingt ans, seront consi-
dérés comme classiques par nos petits-ms,
lorsqu'ils les admireront au Louvre ; Camille
Claudel est la géniale émule de Bodin. Quant
à Hœtger, l'un des plus forts modeleurs de la
jeune génération, il a mérité que Rodin dise
de lui : « De tels efforts donnent à tous la plus
salutaire leçon. »
-x-
En l'honneur de Charles Lecocq.
Le comité des fêtes artistiques de Paris et
les dames de la Halle ont décidé de. célébrer
le jubilé artistique du maître Charles Lecocq
au théâtre de la Gaîté, par une représentation
de gala de la Fille de Mme Angot, le 15 juin
prochain. -
Au troisième acte, M. Lecocq, installé sur
la scène, au milieu de tous les héros de son
opérette recevra des. mains de Mlle Georgette
Juteau, reine des reiines, accompagnée de M.
Marguery, président de l'Alimentation pari-
sienne, une palm,e d'honneur, des fleurs et une
plaquette artistique au nom du comité des
fêtes de Paris.
Les dames de la Halle et les reines des mar-
chés parisiens qui sont, comme voiis savez, les
arrière-petites-filles de Mme Angot, accompa-
gnées des présidents, des syndicats de l'alimen-
tation, monteront aussi sur la scène, adresse-
ront leurs félicitations à l'auteur, et remettront
des gerbes de fleurs à ses interprètes.
Après quoi la représentation continuera par
la Fricassée, dansée par les «forts et les dames
de la Halle. Mais M. Marguery se sera retiré.
M. Charles Lecocq, avisé des intentions du
comité, a répondu modestement que ce--«j)ro-
gramme, quoique vraiment trop flatteur, lui
semblait si bien tracé, qu'il n'y vo-it rien à
changer. »
Moi, j'avais espéré que M. Charles Lecocq
aurait supplié que M. Marguery restât sur la
scène pour la Fricassée.
Les lettres en Italie.
Nous recevons le premier numéro d'une
belle revue d'art et de lettres. paraissant bi-
mensuellement à Gênes, sous la direction de
M. Mario-Maria Martini ; elle sera rédigée par
les meilleurs écrivains d'Italie. Au sommaire
du premier numéro, nous relevons les noms
du poète Alfredo de Bosio, du romancier Anas-
tasi de Contri.
La littérature française a aussi sa place dans
cette revue, sous forme d'une Lettre de Paris,
paraissant en français, à tous les fascicules
sous la signature de notre collaborateur Gus-
tave Kahn.
Autre monument.
Il est à Paris, un monument à la mémoire
de Gounod. Mais il attend en vain d'être inau-
guré. Une souscription fut ouverte, quelque
temps après la mort du musicien, à l'effet d'é-
lever une statue à sa gloire.
Les dons affluèrent ; le sculpteur Mercié,
chargé par le Comité de l'exécution du monu-
ment, ébaucha une maquette que les admira-
teurs de l'auteur de Faust approuvèrent à l'u-
nanimité.
Dix ans passèrent. Le chef-d'œuvre de Mer-
cié fut placé, en 1903, parmi les pelouses du
parc Monceau ; et chacun fut ému par la
symphonie de marbre où se détachait sur un
décor d'élégance et de poésie, l'expressive et
puissante silhouette de Gounod qu'entourent
Marguerite, Juliette, Mireille et Sapho, ses im-
mortelles-'héroïnes. *
Ce monument n'a pas été. inauguré : il ne le
sera jamais. Ainsi en décida la veuve du grand
compositeur. Elle estima que la cérémonie,
continuellement ajournée à la suite de cir-
constances imprévues, ne s'expliquait plus, et
elle jugea également - et avec raison - que
la mémoire d'un tel mort ne pouvait davanta-
ge attendre le bon plaisir des vivants.
Choses d'art.
On n'ignore pas quels chefs-d'œuvre de grâce
sortent des ateliers de nos manufactures na-
tionales. A Sèvres,, notamment, on réussit de
véritables mèrveilles.
Cette manufacture doit reproduire, prochai-
nement, une statuette intitulée « Manon )l,œu-
vre de Mlle Blanche Hément, l'artiste sculp-
teur très distinguée. 'La collection des bibelots
si remarquables de Sévres, s'enrichit ains<
d'un morceau ravissant..
Un homme qui n'est pas absurde.
Une revue satirique, le l'érnoin, en raconte
une bien bonne. Et cette historiette prouve
simplement que l'homme absurde est celui qui
ne change jamais.
- C'est chez Fernand Xau, alors directeur du
Journal, qu'Emile Zola vint lire, en un comité
choisi de très purs dreyfusards, le manuscrit
de J'accuse. Parmi ces très purs dreyfusards,
M. Coppée figurait. L'article lu, l'enthousias-
me fut considérable et l'émotion aussi. Tendre
comme il est encore, c'est en sanglotant que
l'auteur du Passant embrassa le Maître de la
Terre..
Par lui, Xau fut supplié d'avoir à faire pa-
raître l'article dans le prochain numéro. Mais
ce dernier hésitait, alÎait-il lancer sa feuille
dans une position nette et sans recul possible ?
Zola demanda, supplia également. Les assis-
tants firent de même : la publicité du Journal
aurait plus de poids pour le bien 'de la Cau-
se. Le fondateur du Journal ne se décida pas.
Le lendemain, il recevait, sans un seul mot
l'accompagnant, le traité qui le liait à M.Fran-
çois Coppée, déchiré par celui-ci.
Des mois passèrent. Des amis s'entremirent.
Le courage et la dignité de M. Coppée en im-
posèrent à Fernand Xau.Les chroniques payées
500 francs furent mises à 760 et, le lendemain,
paraissait au Journal, le premier des arti-
cles nationalistes de M. François Coppée,
membre de l'Académie française.
Poète et fraudeur.
Victor-Hugo — ô honte ! - u mouilla »
jadis son vin. Nous signalons au Midi qui
s'exaspère, ce hideux précède.
C'était au milieu du siècle dernier. Gérard
de Nerval avait déjà ressenti les premières
atteintes de la folie, et le médecin qui le si-
gnait avait recommandé à ses amis de veiller à
ce qu'il ne bût que peu ou point de vin pur.
Un jour, Victor Hugo, de connivence avec
Alphonse Karr, composa quelques bouteilles
d'eau rougie, les cacheta, les roula dans la
poussière, et il invita Gérard de Nerval à dî-
ner. Celui-ci fut très gai pendant le repas et
feignit de trouver le vin délicieux. Mais en
sortant de chez Hugo, H dit à Alphonse-Karr :
- Victor Hugo s'assagit. Il est en traiir de
redevenir royaliste.
- Tu crois ? -
- J'en suis sûr : il met de l'eau dans son
vin 1 »
Alphonse Allais l'avait prédit.
Vous rappelez-vous le parapluie de l'escoua.-
de qui fut cher à l'un de nos meilleurs humo-
ristes ? Les Belges l'ont réalisé. C'est authen-
tique. -
L'arrondissement de Charleroi possédait dé-
jà des gardes civiques « pipomanes », qui cir-
culaient dans les rues-le brûle-gueule à la bou-
che. Un >Bouveau corps a été créé, dimanche:
celui des gardes à parapluie. Il pleuvait depuis
le matin, et la garde convoquée pour des exer-
cices de tir, apparut munie de parapluies. : les
soldats-citoyens ont défilé clairons en tête, l'ar-
me sur l'épaule droite et. un large pépin ou-
vert sur l'épaule gauche. La foule accourait
-sur les portes, des bravos .ironiques, des laz-
zis saluaient les gardes qui passaient très di-
gnes, lorsqu'un officier s'avisa de commander:
« Arme sur l'épaule gauche ! ) 'Alors les bra-
ves gardes civiques ont obéi si rapidement que
maint parapluie est allé frappeT dans l'œil le
garde voisin et que plus d'un fusil a crevé le
parapluie d'un garde maladroit.
La quatrième vente Chappey.
Aujourd'hui, Me8 Chevallier et IÆÏI'-Dubreuil"
commissaires-priseurs, assistés de MM. Mann-
heim et Haro, experts, commenceront à la
Galerie Petit, la quatrième vente Chappey, qui,
porte sur les objets d'art et de haute curiosité
du moyen-âge et de la Renaissance.
Si on en juge par le nombre de visiteurs
de marque qui ont parcouru le hall de la rue
de Sèze, avant-hier et hier, pour connaître la
brillante série d'œuvres d'art qui y était expo-
sée, on peut prédire à cette quatrième vente
le même éclatant succès qui a couronné les
trois premières ventes Chappey.
Aucune bicyclette n'a obtenu une réputation
égale à celle de la HUMBER-BEESTON. - H.
Petit et Cie, 23, Champs-Elysées.
On demande à un fonctionnaire :
- En somme, quelles sont vos revendica-
tions ?
- Nous voulons huit heures de travail et
huit heures de repos. l -
; Parfaitement ; 6eize heures à ne rien
faire 1
Le Diable boiteux.
-.
La fête des fleurs au Rois de Bouloune
La participation des voitures automobiles à l'ad-
mirable fête qui se déroulera les 7 et 8 juin pro-
chains, dans la traditionnelle avenue. de Long-
champ, promet de lui donner une physionomie ab-
solument nouvelle. Paris, d'ailleurs, en instituant
cette nouveauté, ne fait qu'imiter l'exemple fourni
déjà par Nice, Cannes, Monte-Carlo, etc.
Vous savez que les voitures électriques seront
admises, comme les années précédentes', sans con-
ditions particulières..
En ce qui concerne les automobiles fleuries,
marchant soit au pétrole, soit à l'alcool, seront
seules admises Ms voitures de ville ou de tourisme
de deux ou de quatre cylindres, munies de « silen-
cieux » et présentant toutes les garanties désirables
.pour participer au défilé.
Cette dernière clause est absolument rigoureuse :
une commission formée des membres dirigeants le
1 A u t o mcb i '1 e-Cl ub de France, vient d'être nommée
par les organisateurs, et elle doit passer avant la
Fête, les- 4 et 5 juin, de 10 heures à midi et de 2
ù 4 heures, et le 6 juin, de 10 heures à midi et de
2 à 5 heures, un examen de toutes les voitures qui
se présenteront le 7 au contrôle. Une centaine
d'autos ont déjà défilé devant la commission, il
l'Automobile-Club, et celle-ci a remis au proprié-
taire de chaque véhicule une carte qui sera exigée
pour pénétrer dans l'enceinte de la Fête des Fleurs
et prendre part\aux différents concours d'élégance.
La commission s'est montrée particulièrement
sévère pour les voitures, produisant des explosions
ou laissant échapper des odeurs nauséabondes :
celles-ci devront sortir de la file à la première
injonction.
En outre, elle a décrété que les Voitures auto-
mobiles devront, tant qu'elles seront dans l'allée de
Longchamp, effectuer leur 'virage sans faire, mar-
cTIg arrière.
Plusieurs allées de dégagement (allée de la Reine
Marguerite, route de Longchamp au bord de l'eau,
route de Madrid) resteront libres et les voitures
automobiles pourront y évoluer ou s'y arrêter en
cas de besoin.
Certes, la commission de l'A. C. F. ne s'est pas
montrée tendre pour les propriétaires d'automo-
biles. Mais cette réserve faite, ne doit-on pas hau-
tement la louer de sa décision, qui nous évitera
désormais, le spectacle toujours pénible, d'un
« tacot Il miteux déparant par sa présence la
beauté d'un cortège où tolit doit être couleur, luxe,
grâce et gaieté ?
La Caisse dos victimes du devoir n'aura pas à
s'en plaindre.
Coo Kerbrat.
——- -
Le voyage du Préslit Fallières
EN NORVÈGE
Entrevue de trois chefs d'Etat
Je crois pouvoir annoncer d'une façon cer-
taine que les gouvernements français, anglais
.t norvégien se sont mis d'accord pour que
le roi Edouard VII et.le président Fallières se
rencontrent en même temps comme hôtes
du roi Haakon en Norvège.
De questions politiques susceptibles d'empê-
cher cette entrevue sensationnelle, il n'y en
avait pas, à proprement parler ; restaient les
épineuses difficultés protocolaires — ces
.vétilles de la diplomatie qui, si souvent, ont
paralysé les meilleures volontés ! Disons tout
de suite que la cordialité des rapports person-
nels entre le président Fallières et le roi
Edouard VII est telle que rien n'a été plus
facile à régler, chacun des deux chefs d'Etat
ayant également le souci de témoigner publi-
quement de l'estime toute particulière dans
laquelle-ils se tiennent, et de confirmer l'étroite
unité des vues de la politique franco-anglaise.
SI donc, rien, au dernier moment, ne vient
empêcher la réalisation des plans en prépara-
tion, l'été 1907 marquera dans les fastes "de la
diplomatie européenne par la triple rencontre
du président de la République, du roi Edouard
VII et du roi Haakon. Il y aura là une mani-
festation internationale qui dépassera de^bcau-
.coup la portée ordinaire des visites souverai-
nes, car il ne faut pas oublier que par ses
alliances de famille, le roi Haakon est égale-
ment un trait d'union précieux entre la cour
anglaise et la cour impériale de Russie, et, l'on
peut ainsi dire, que,. durant la présence du
président Fallières, Christiania sera le centre
des grandes, .puissances européennes.
Il sied aux triomphateurs d'être modestes !
Néanmoins, j'imagine que la République Fran-
çaise aurait, quelque droit de s'enorgueillir
du rang qu'elle a pris dans le concert des
nations.
Sans menacer personne, sans faire état de
sa force militaire, par la seule magie de son
renom pacifique, le seul éclat de sa valeur
économique et l'incomparable rayonnement du
génie de ses écrivains et de ses savants, la
France, sous son gouvernement démocratique,
a su s'acquérir l'estime et l'affection de ses
voisins.
Aujourd'hui, empires héréditaires et auto-
cratiques, monarchies constitutionnelles, cher-
chent à l'envi notre alliance ou notre amitié.
- Et44 faut bien ajouter, à un moment où il est
de bon ton de critiquer nos hommes d'Etat,
qu'il est peu de ceux-ci qui, par la sagesse de
leurs vues, la continuité même de leur politique
étrangère, n'aient pas heureusement contribué
aux recherches flatteuses dont la République
Française est l'objet à l'étranger.
Le président Fallières, tout particulière-
ment, par sa simplicité si digne, si sincère-
ment pratiquée, par son affabilité courtoise,
d'une finesse 'à laquelle n'échappe aucune
nuance, a su s'imposer au respect de tous les
gouvernements. *
Il n'est aucun ambassadeur, aucun ministre,
qui ne se loue très hautement des rapports
qu'il a nécessairement avec le chef de l'Etat.
Les représentants des puissances accrédités
à Paris aiment à reconnaître sans réserve que
chaque fois qu'il y a eu lieu, ils ont trouvé à
l'Elysée de la part du président Fallières
mieux que l'accueil banal et protocolaire qu'il
est d'usage.
Je sais pour ma part l'Ambassadeur d'une
grande puissance qui attribue très ouvertement
il l'influence discrète autant que décisive de
notre Président, la détente qui nous libéra de
l'éventualité d'une guerre franco-allemande.
, M. Fallières ne s'en enorgueillira jamais
lui-même. Mais la France s'en souviendra pour
lui.
Comte de Saint-Maurice.
m nu» m > i ■ -«> ■
Le Concert de gala da Baethoven
Hier soir, a eu lieu à l'Opéra, le concert or-
ganisé sur l'initiative du comité présidé par M.
Jean d'Estournelles de Constant pour ériger à
Beethoven le beau monument dont le sculp-
teur José de Charmoy est l'auteur.
Eji des représentations de gala de ce genre,
il s'agit de grouper des attractions qui ont pour
but de grossir la recette. C'est pourquoi M. Ca-
mille Saint-Saëns avait bien voulu accepter
l'honneur de diriger la Neuvième symphonie ;
voilà pourquoi le comité avait fait appel à la
grande cantatrice viennoise Mlle Selma Kurz,
qui, inconnue du public parisien avant le con-
cert, sera célèbre demain parmi nous,
tant son triomphe fut étourdissant. Le violo-
niste Jacques Thibaud, lui aussi, avait répon-
du à l'appel du comité.
A côté de ces vedettes, nos vedettes habi-
tuelles de l'Opéra avaient tenu à apporter l'é-
clat qui, de leur talent, qui de leur autorité.
Il ne s'agit donc pas ici de critique musicale
mais d'un procès-verbal de cette soirée desti-
née à célébrer ce grand maître de la musique.
La salle était superbe. En face de la loge
présidentielle dans laquelle se trouvait non le
président de la République, mais le sous-se-
crétaire d'Etat aux Beaux-Arts, le prince Rado
lin, ambassadeur d'Allemagne, assistait à cette
cérémonie en l'honneur de celui dont les ac-
cents, partis d'Allemagne, irradiaient le mon-
de entier.
C'est M. Chevillard qui a inauguré la soirée
par la très remarquable façon dont il a dirigé
l'ouverture d'Egmont. M. Delmas a chanté en-
suite avec son beau style et sa grande autorité
Dieu loué dans la Nature, un des six lieder de
Seilert, une des plus belles inspirations bee-
thovéniennes.Mlle Mérentié, de l'Opéra, a dit la
scène et air : Ah ! perlidè 1 Ah parjure 1 d'u-
ne très belle voix, ample, de coloris varié et
avec une méthode très sûre. Et certes, voilà
un air qui n'est pas facile.
Le violoniste Jacques Thibaud a joué la
Romane, de Mozart, dont l'orchestration a été
refaite par M. Saint-Saëns ; il a montré une so-
briété, une pureté de style, une sonorité ex-
quises ; dans la Havanaise, de M. Saint-Saëns,
il a prouvé sa virtuosité qui n'exclut pas le
souci de la musicalité.
M. Imbart de la Tour devait venir chanter
le Récit .du Graal de Lohengrin ; indisposé,
il a été remplacé par M. Cornubert qui, ainsi
pris à l'improviste, a fait de son mieux.
Le public, qui adore Mme Litvinne, a salué
par d'unanimes applaudissements l'excellente
cantatrice qui a chanté le beau lied de Beetho-
ven, si grand en sa brièveté, In questa, tomba
oscura, puis le grand air d'Alceste ; rappelée,
elle a chanté à nouveau In questa tomba.
Puis, ce fut le tour de Mlle Selma Kurz.
J'ai dit l'émerveillement général. 'Mlle'Kurz a
un instrument étonnant, elle vocalise comme
l'oiseau chante ; c'est la Patti de naguère. Elle
a littéralement transporté l'auditoire dans
l'Allegro et le Pensieroso, de Hœndel, où elle
a à triller en dialoguant avec la flûte. Sa voix
est du pur cristal. On a rappelé d'enthousias-
me l'exquise cantatrice ; elle a chanté le grand
air de la Somnambule ; rappelée à nouveau,
elle a vocalisé le grand air du Bal Afasqué.
Elle aurait chanté encore si elle avait obéi à
l'auditoire ravi, transporté.
Dans la Neuvième, dirigée par M. Saint-
Saëns, Mmes Vallandri, Delna, MM. Cornu-
bert et Reder ont mis leurs bonnes volontés
au service du maître.
Enfin, pour terminer le concert, Mme Delna
a chanté le quatrième acte d'Orphée en costu-
me, à côté d'un rocher qui simulait le décor.
Elle a été très fêtée, ainsi que Mme Vallandri,
qui a chanté Eurydice avec une très grande
pureté.
La recette a dû être très fructueuse, car il
y avait foule à l'Opéra, et cette recette a dû
être augmentée par la vente des programmes
dessinés par Besnard; les jolies élèves du Con-
servatoire les offraient'aux spectateurs si ai-
mablement qu'elles ont dû convaincre les por-
te-monnaie les plus récalcitrants.
Louis Schneider.
Chinoiseries. parisiennes
Comment on est, en taxi-auto, toujours
deux fois « roulé »
Les amateurs de progrès, ou même de nou-
veauté, les snobs, les gens curieux ou simple-
ment pressés, apprennent depuis quelque
temps déjà, à se servir des taxis-autos qui
roulent en assez grand nombre dans Paris.
Ils apprennent. et toujours à leurs dépens :
d'où des discussions qui tournent souvent à
l'aigre, mais jamais à 1 avantage du client.
Il est admis, prcuvé et toléré qu'on ne peut
quitter un taxi-auto sans échanger -avec le
chauffeur dudit, les plus violents et les plus
vains propos au sujet du prix exigé pour la
course, l'heure ou la journée.
Chose étrange autant qu'insupportable, ce
prix n'est jamais le même pour la même
course, le même trajet ou le même temps ; il
semble varier suivant la couleur de la voiture,
la livrée du chauffeur ou la tête du client.
Le client qui n'aime généralement pas qu'on
se paye la sienne — de tête — a beau protester,
discuter, gémir ou même hurler, il doit tou-
jours finir par payer, et il ne lui reste, que
l'amère conviction d'avoir été deux fois
« roulé » ! une fois par le taxi, ensuite par le
chauffeur, ce qui est tout au moins une fois de
trop. ¡
Les plaintes des clients des taxis-autos sont
parvenues jusqu'à Gil Blas. Ce pourquoi nous
avons procédé à une enquête.
En voici les résultats dont tous les amateurs
de la locomotion nouvelle pourront faire leur
profit. Lorsque parurent sur la voie publique
les premiers taxis-autos destinés au transport
des voyageurs, la Préfecture de police, avant
d'accorder l'autorisation de rouler, leur im-
posa, non pas un tarif uniforme, mais bien un
tarif maximum: d'où les difficultés d'aujour-
d'hui.
Le tarif maximum édicté par la Préfecture
de police, est le suivant : 0 fr. 50 par kilomètre
parcouru, 4 francs l'heure — heure d'arrêt ou
de marche.
Les premiers taxîis appliquèrent tous ce tari>
maximum, puis vint la concurrence ; le nom-
bre des taxis augmenta rapidement, et les prix
baissèrent naturellement : certains loueurs
conservèrent le tarif maximum, d'autres adop-
tèrent un tarif moindre, d'autres un tarif intm
médiaire. De sorte que si vous prenez aujour-
d'hui un taxi-auto, appartenant à telle Compa-
gnie, vous paierez 3. francs pour telle course
ou 4 francs pour une heure, tandis _dvje si
demain vous prenez pour la même course ou
pour le même temps, un taxi de telle autre
Compagnie, il pourra parfaitement vous être
réclamé"25.30 ou même 40 0/0 de plus.
Ajoutez à cela toutes les facilités que présen-
tent, en général, les appareils taximétriques
pour « estamper fM le client, admettez que les
« chauffeurs » sont généralement -bien - plus
roublards que les ordinaires codhers et vous
aurez la clef du mystère qui fait tant souffrir
les amateurs d'autos-taxis.
Il y a, en ce moment, en circulation à Paris,
environ six cents taxis-autos, dont la moitié
environ appartiennent à deux grandes Compa-
gnies — la Compagnie des taxis Renault et la
Compagnie des Autos-fiacres. Une coopérative
dont le siège est à Levallois-Perret possède une
soixantaine de voitures ; une dizaine de petits
loueurs se partagent les autres taxis. Or, cha-
cune de ces Compaognics, chacun de ces
loueurs, a un tarif différent — qui n'est, évi-
demment, jamais supérieur au tarif maximum
établi par la Préfecture de police, mais qui s'en
éloigne parfois sensiblement.
Le tarif le plus bas est celui de la Compagnie
des taxis' Renault, le plus élevé semble être
celui de la Coopérative. Il faut ajouter toutefois
que les voitures de cette coopérative sont
toutes à 4 places et qu'elles semblent plus con-
fortables que les autres,
La Compagnie des Autos-Fiacres applique
un tarif intermédiaire que nous reproduisons
ici pour mémoire : •
Tarif n9 1
Une ou deux personnes dans l'enceinte fortifiée :
Jusqu'à 900 mètres. )175
Par 300 mètres supplémentaires.,.,. » IG
Tarif n" 2
Trois ou quatre personnes dans l'enceinte fortf-
fiée ou jusqu'à quatre personnes hors de l'ençeinlo
fortifiée :
Jusqu'à 750 mètres » 75
Par 250 mètres supplémentaires » IC
Tarif n° 3
Plus de quatre personnes dans tous les cas et
quel que soit le nombre de personnes, de 8 heures
du soir à 7 heures du matin :
Jusqu'à 600 mètres » 75
Par 200 mètres supplémentaires. » 10
Pendant l'attente ou la marche lente le prix pro-
gresse à raison de 2 Ir. 50 l'heure par fraction de
0 fr. 10.
Suppléments
1° Passage des fortifications (chaque pas-
sage) » 50
2° Indemnité de retour pour voiture laissée
dans le bois. 1 4
3° Indemnité de retour pour voiture laissée
hors de l'octroi, par kilom., suivant carte
visée par la Préfecture de la Seine. » 50
4° Prise en charge, après minuit 50. » 50
Bagages :, 1 colis : 0 25 ; 2 colis : 0:50 ; 3 colis ,
et plus 0 fr. 75,
Au service des Voitures, & la Préfecture dô
police, tout en confirmant l'exactitude des
renseignements que nous donnons ici, on nous
a déclaré que les difficultés soulevées par le
tarif maximum allaient prochainement dispa-
raître.
On étudie, en effet, à la Préfecture, l'unifi-
cation et l'uniformité du tarif des taxis-autos.
Le nouveau et unique tarif sera probablement
arrêté lors de la mise en circulation de 200
taxis-autos que va prochainement lancer la
Compagnie Générale des Petites Voitures.
Que les amateurs de taxis prennent donc
patience 1 M. Lépine pense à eux.
Georges Hache.
.0.
LE
C)]!!f!itm~ s'~îe
M. Charles Roux, président du conseil d'adminis-
tration de la Compagnie Générale Transatlanti-
que, vient au Palais-Bourbon, puis se rend
chez M. Thomson. — Les conséquences
internationales du conflit. — Les capi-
taines seront réintégrés dans leurs
commandements.
î/a grève des inscrits est virtuellement finie,
s'il faut en croire la vérité officielle qui nous
a été transmise hier matin par M. Sarrauti
sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur.
Au cours de cette crise, c'est la Compagnie
Générale Transatlantique et la Compagnie des
Messageries Maritimes qui ont fait preuve de
l'énergie la plus utile pour combattre le désar-
roi produit par la rupture du contrat des capi-
taines.
D'ailleurs, il y a là une bataille économique.
Deux parties sont en présence : l'employé et
l'employeur. Le premier a 'e droit-strict de
chercher à améliorer sa situation, mais le se-
cond a, lui aussi, le droit de défendre ^es inté-
rets ; jusqu'ici, dans les conflits de ce genre,
on trouvait mal la contre-partie.
Laf Cour de Cassation a tranché la question
et décidé que la cessation de travail, sans avis
préalable dans les délais usuels, constituait
une véritable rupture de contrat. Non seule-
ment le patron, en pareil cas, ne doit aucune
indemnité à ceux qu'il emploie, mais ce serait
plutôt le £ontraire qui serait légal.
Hier soir, à cinq heures et demie, je ren-
contre, dans la salle des Pas-Perdus, M. Char-
les Roux, président du conseil d'administra-
tion cte la Compagnie Transatlantique.
Il conte ses doléances très justifiées ?u ter-
mes amers : -
— La grève est terminée ! M. Sarrau t le
déclare, et le ministère interrompt ses envois
d'hommes pour assurer le service. Cette der-
nière mesure, je n'en ai pas connaissance, vous
me l'annoncez, c'est possible.
« Mais il n'en est pas moins vrai que pas un
de mes bateaux n'est parti et que j'ai. dû faire
appel aux compagnies allemandes pour assu-
rer le service. J'avais huit mille hommes en
panne, il en arrivait de nouveaux chaque
jour, et le maire du Havre ne pouvait les loger.
Les nourrir, ce n'était rien, la question d'ar-
gent n'est rien, mais le. fait qui se présente»,
autrement grave dans son ensemble, c'est l'atti-
tude de nos commandants.
« Ils ont commencé par ne pas dire ouverte-
ment qu'ils étaient en grève. Ils restaient ù leur
bord. Mais je les ai fait appeler et je leur ai ;
posé nettement la question :
«*— Etes-vous, oui ou non, en état de grève ?
« Après quelques instants d'hésitation, ils
me répondirent :
« - Oui, nous sommes en grève
« - Alors, vous n'avez qu'à vous retirer. »
— Mais à quoi attribuez-vous cette attitude
de vos commandants ?
— A un vent de folie, je ne puis l'expliquer
autrement, à une mentalité qui leur fait ou-
blier tout, et devoirs et responsabilités, et la
confiance mutuelle qui nous unissait jusqu'ici : -
et cette confiance, si elle n'existe plus, il n'y a
rien & faire.
— Combien touche annuellement un de
vos capitaines ? -
- De six à sept mille francs, appointe.
riiehts auxquels il faut ajouter les primes, ce
qui leur donne jusqu'à trente et trente-cinq
mille francs par an. Et la caisse de retraite,
pour ces officiers qui sont de véritables parti-
cipants à nos bénéfices, ne perçoit que sur le
traitement fixe, et non sur les primes.
— Que comptez-Vous faire vis-à-vis de ces
commandants ?
— Ils sont partis et je ne les reprendrai pas*
Si le ministre m'adresse une lettre m enjoi-
gnant de les reprendre, je réunirai men con- -
seil et nous examinerons la question. Quant
à moi, à l'heure actuelle, je ne veux pas en-
tendre parler de leur réintégration dans leur
commandement.
Il faut croire que, postérieurement n mo-
ment où M. Charles Roux nous communiquaiti
ses idées, en présence de M. Joseph Reinach'
et de plusieurs confrères, le président ue !a
Compagnie Générale Transatlantique a eu une
entrevue avec M. Thomson, car t Agence lia*
vas nous communique la note suivante :
Le président de la Compagnie Générale Transat-
lantique a vu M. Thomson, ministre de la marine,
qui considère la grève des inscrits maritimes
comme terminée et a fait appel à son esprit de
conciliation en lui demandant de- :rnPi)orter les
mesures prises contre les officiers de cette Com-
pagnie.
M. Charles Roux, déférant au désir exprimé par
le ministre, a annulé ces mesures et a invité les
officiers à rejoindre leur bord et à assurer le ser.
vice.
Le ministre de la marine a donc eu n>i?on'
de l'irréductibilité de M. Charles Roux.
La conversation s'est achevée en ces ter-
mes :
— Mais, voyez-vous un moyen à employer
pour éviter le retour de faits de ce genre ?
— Abroger la loi sur l'inscription mariti-
me, il n'y en a pas d'aulre. Elle pouvait être
bonne au temps de Colbert, elle n'a plus sa
raison d'être. Quand nous nous trouverons en
présence d'ouvriers comme les autres, nous
rentrerons dans le droit commun et nous ver-
rons ce pue nous avons à faire, tandis que,
9
A. PÉRIVIER - P. OLLENDORFB
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f Si tu me lis avec attention, tu trouveras ici, suivant le précepte d'Horace,
futile mêlé à lagréable. »
(Préface do aIl Blas au lecteur).
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LMiJes Jardins
J'ai toujours éprouvé pour les enfants une
grande tendresse. Cela vient peut-être de ce
que je suis justement célibataire. N'ayant
point d'enfant à moi, je ne suis sensible qu'au
ipharme des enfants que les autres possè-
dent et je ne soupçonne même pas qu'ils puis-
sent avoir quelque défaut. Même si un petit
garçon est méchant, ou si une petite fille est
,êésagI'éable, je les trouve délicieux. Ils sont
jjolis, ils ont de petits costumes de marine ou
des toilettes d'été qui m'enchantent ; les uns
sont naïfs, les autres sont déjà trop civilisés,
tc'est toute une petite humanité qui s'en va sous
îles arbres des jardins et des promenades, et
jc'est pourquoi, lorsqu'il y a un rayon de so-
leil, les jardins et les promenades sont les
icoins les plus jolis de Paris.
Deux heures, c'est le moment exquis. Il est
■vrai que, depuis quelques jours, la fraîcheur
jàe l'air, l'aigreur du ciel, et l'incommodité du
tvent confinent chez eux presque tous les Bam-
bins. Mais enfin donnons un peu de soleil.
Les Champs-Elysées sont tout blancs de so-
leil et le peuple remuant, à qui il appartient,
iest là, près des ohevaux de bois, des balan-
çoires* des marchands de gâteaux et des gui-
gnols. J'ai constaté avec un plaisir bien vif
que les jeux simples de mon enfance demeu-
rent toujours en honneur : creuser un trou,
élever une taupinière et faire des pâtés ; les
enfants tirent toujours de ces actions peu com-
pliquées ibeauloup de volupté. La pelle, la
passoire et le seau n'ont pas déchu et, quant
qux jouets scientifiques, on n'en aperçoit pas
heureusement. Les nounous sont opulentes
et conscientes de leur majesté, laissant tom-
ber du haut de leur bonnet les longs rubans
que retiennent de grosses épingles à tête cise-
lée; les misses et les gouvernantes, un peu mai-
gres, ont tout de même l'air gentil, et le gar-
dien décoré qui passe et repasse, caresse sa
moustache, comme au temps où il courtisait
les belles — si toutefois il y en avait. Il fait
un peu chaud ; le sol brille ; les chevaux de
bois tournent, les cavaliers enfilent des ba-
gues et les chèvres barbues traînent avec en-
nui leurs voitures fameuses.
Ce sont les petites filles qui m'intéressent
le plus. Malgré leurs costumes coquets, les
garçons ont tout de suite repris leurs maniè-
res brutales ; ils courent. fort, ils bousculent,
ils tapent : il leur faut des jeux vifs où l'on
fasse de la poussière, où l'on crie ; aussi, ne
jouent-ils jamais longtemps avec les petites
filles. Celles-ci, pomponnées, bichonnées, bien
gantées, avec de clairs chapeaux à fleurs, les
jambes nues, conservent, tout en s'amusant,
des allures de petites femmes du monde. Les
plus gaies, les plus naturelles, ont déjà de la
distinction, de la correction : et c'est là ce
qui leur donne un charme si particulier.Leurs
ijeux sont calmes : on joue à l'institutrice, on.
joue aux visites ; la moins jeune dirige les au-
tres, et toutes ces petites jouent avec douceur
aux jeux que leur aînée leur impose.
Un jeu cependant a conquis bien des parti-
sans enthousiastes, le Kouen-gen. Le Kouen-
gen ? dites-vous, qu'est-ce que cela ? — Un
jeu cher aux Chinois. — Oh ! fi 1 l'horreur !
- Attendez donc : un jeu cher aux Français
aussi aux seizième, dix-septième et dix-huitiè-
me siècles, qu'ils avaient oublié, et que des
officiers de marine rapportèrent chez nous de
l'Empire des Célestes, le jeu du diable, le dia-
bolo, enfin. Et maintenant vous savez ce que
c'est que le diabolo : une double toupie en
celluloïd garnie de caoutchouc ; on la lance
en l'air au moyen de deux baguettes de bois
reliées entre elles par une corde très mince.
Il s'agit de recevoir ensuite la toufne sur la
ficelle lorsqu'elle retombe et de l'y garder.
Mais vou's" pensez bien que ce n'est là qu'un
exercice élémentaire et qu'il y a toute une sé-,
rie de tours de force, ou, du moins, de tours
id'habileté, qu'on parvient à exécuter au prix
de beaucoup d'études.
Le diabolo est, cette année, le jeu surtout
des petites filles, encore que les garçons s'y
appliquent, eux aussi. Mais les petites filles
y ont une dextérité et une grâce que les gar-
çons ne pourront jamais acquérir. Je me suis
souvent arrêté aux Champs-Elysées à regarder
jouer deux petites -filles ; il ,y avait cercle,
d'ailleurs, autour d'elles. Ce qu'elles faisaient
me parut prodigieux : leurs diabolo étaient
comme des volants, qu'elles se renvoyaient
l'une à l'autre ; ils touchaiènt une corde, re-
bondissaient, retombaient sur la seconde cor-
de, repartaient ; on etit dit un oiseau qui se
posait une seconde, puis s'envolait. Tout cela
avec une aisance, une sûreté et comme une
nonchalance incomparable. Puis, il n'y eut
plus qu'un diabolo, que ces joueuses se ren-
voyaient de l'une à l'autre à très peu de dis-
tance et qui, frappant sans cesse les cordes
raccourcies, semblait un gros bourdon affolé
qui se casse le nez contre les murs d'une pri-
son. Le cercle s'agrandissait : il y avait là
itout ce qui forme un cercle à Paris : le petit
pâtissier, le petit télégraphiste, le soldat de
deuxième classe, l'officier en retraite et le pe-
tit Italien vendeur de plâtres. D'autres petites
filles regardaient, d'un œil jaloux, ces deux
reines du diabolo. Tout à ooup, le diabolo ac-
croche une (branche et y reste suspendu ; il
y eut un moment de stupeur ; la petite re-
gardait son diabolo inaccessible ; les garçons
toujours chevaleresques envoyaient, pour le
idécrocher, des pierres qui retombaient sur les
promeneurs. L'autre petite fille, tout simple-
ment, mit son diabolo sur sa corde, regarda
le diabolo perché et lança contre lui le sien ;
elle l'atteignit, il dégringola, et la partie re-
commença. Un vieux petit marchand de cer-
ceaux et de balles, les malriVdàiis' fe^f poches,
avait contemplé la sc&ie. —: Comment s'ap-
pellent donc ces petites ? lui demandai-je,
piqué de je ne sais quelle curiosité. - Mlle
Léonie et Mlle Jeanne, répondit-il. - Mais
leurs noms ? — Nous ne connaissons les en-
fants, ici, que par les prénoms, fit-il d'une
voix sévère. Le regard qu'il fixa sur moi était
lourd de soupçons, e.li.je m'éloignai, fort gê-
né et un peu triste. M le temps qui court, il
est peut-être dangereux, si l'on est célibatai-
re, de montrer qu'on aime les enfants.
iAussi, maintenant, j'affecte de prendre, dans
les jardins un visage indifférent. Un jour, je
recontrai au parc Monceau un homme d'une
cinquantaine d'années moitié ouvrier, moitié
paysan. Il fumait une pipe, portait une cas-
quette et riait tout seul, à observer les en-
flants. L'un d'eux, un petit garçon, s'efforçait
vainement de faire rebondir un gros ballon
qu'il avait : il était trop petit, et les coups de
6a menotte n'étaient gue des caresses. L'hom-
me l'examinait, envoyant de petites bouffées
de fumée et hochant la tête avec attendrisse-
ment. Tout à coup, il prit le ballon, tapa des-
sus avec sa forte main ; le ballon rebondit
plus haut que lui ; l'enfant était émerveillé ;
l'autre riait de bonheur, et il tapait, et il ta-
pait. Cela dura bien cinq minutes. Brusque-
ment, une bonne surgit, attrape le ballon, sai-
sit le petit garçon et, rouge de colère et de
crainte, s'écrie,comme si elle arrachait le mar-
mot d'un immense danger : « Voulez-vous
bien. Youlez-vous bien. » Elle ne put con-
tinuer. un seul mot acheva sa. pensée : sa-
tyre ! La stupéfaction de l'homme demeura
indescriptible. Cependant, comme c'était une
joyeuse nature, il se mit à rire, une fois de
plus, bourra sa pipe et repartit. Et voilà pour-
quoi je voudrais que l'on coupât le cou à So-
leilland et à ses pareils : ils causent de l'en-
nui à tous ceux qui aiment les jardins pour
la grâce et la beauté qu'y mettent les enfants.
Paul Acker.
t ■ ♦ « » n.
La Poli tiqu..e,
La Crise viticole
Il n'est pas douteux que la crise viticole
constitue l'un des plus graves problèmes éco-
nomiques de l'heure présente.
La mévente des vins risque de consommer
la ruine du Midi, s'il n'y est porté remède sans
retard. La misère grandit de jour en jour, le
vigneron,,qui connut l'abondance, se voit me-
nacé de disette : il ne meurt pas de soif, mais
il pourrait mourir de faim.
Mais \oyez ces Méridionaux, qu'Alphonse
Daudet a si exactement dépeints, ils ne pleu-
,rent pas leurs malheurs, ils les chantent.
Ces meetin'gs monstres ne ressemblent en
rien à des explosions de détresse : les vigne-
rons vont à Nîmes protester contre la mévente
des vins, comme ils iraient aux arènes, un
jour de courses sensationnelles, avec les plus
célèbres matadors à l'affiche.
Sous le clair soleil du Midi, leur tristesse
éclate en galejades, en chansons.
Fèn de brut ! C'est l'éternelle devise de ces
braves gens qui sont tous un peu de Taras-
con : ils promènent, de ville en ville, leurs cla-
meurs ; depuis des semaines, ils abandonnent
leurs champs, délaissent la pioche, la serpe et
la charrue ; pauvres d'argent, mais riches d'es-
poirs, ils dépensent en voyages, en frais de vi-
vres et de routes, leurs dernières économies ;
ils boivent, pour noyer leur chagrin, et, logi-
ques avec eux-mêmes, pour bien établir que le
vin manque de consommateurs, ils consom-
ment de la bière, de l'absinthe, du \ermoulh.
Ce, pendant que trois cent mille poitrines
lancent aux pouvoirs publics l'ultimatum des
viticulteurs.
Tout cela est sérieux, malgré les drapeaux et
les girandoles, malgré les chansons et les
feux d'artifice et le gouvernement a eu tort de
ne pas s'en préoccuper assez tôt.
Dans le Midi, l'effet du mirage est tel qu'on
y parle des choses les plus extraordinaires et
qu'on finit par y croire.
G IL BLAS.
_j -' r t
Echos
Les Courses
Aujourd'hui, à 2 heures, courses au Tremblay.
Pronostics de Gil Blas :
Prix Fair Hélen. — Raven, Evil's Bluff.
Prix Slapdash. — Pignerol, Fiold Mouse.
Prix Vevlugadin. — Coréen, Dédale.
Prix SallareMe. - Çythère, Cartotina.
Prix liiiii Blas. - Le Belvédère, Angol.
Prix Fervacques. — Coréen.
Le temps d'hier.
Lundi soir. — De très faibles averses ou des
gouttes ont encore été observées hier vers 10 h. 30
matin et 3 h. 30 soir.
Aujourd'hui, le ciel est peu nuageux ; les cou-
rants très affaiblis, varient de Ouest à Nord-Ouest.
La température, qui tend à se relever, fournit
toutefois en banlieue quelques minima voisins de
5 degrés.
-x-
Bulletin.
M. Clemenceau, en venant au Palais-Bour-
bon, où il a assisté au début de la séance, a
été pris d'un léger refroidissement. Il est rentré
immédiatement chez lui, en s'excusant auprès
de la commisison de décentralisation, qui de-
vait l'entendre au sujet du statut des fonction-
naires.
L'indisposition leurs. sans gravité.
• -*n*—'*?fo7(>- iiï '-ij ey
M. Dujardln-Beaunfétz à l'Exposition Pissarro?.
M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d'B-
tat aux Beaux-Arts- a visité hier l'exposition
Camille Pissarro. Il a longuement contemplé
lés paysages et les vergers normands du maî-
tre disparu, l'incomparable série de Rouen et
l'église de Dieppe. M. Dujardin-Beaumetz n'a
pas moins goûté les bronzes et les marbres de
Camille Claudel, d'Yrurtiâ, de Bernhardt
Hoetger. Après avoir adressé de vives félicita-
tions à M. Eugène Blot, organisateur de cette
exposition, le ministre a acquis^pour le-compte
de l'Etat, le groupe célèbre de Camille Claudei,
Ventumne et Pomone, et le Torse, de Hoetger,
un des sensationnels succès du Salon d'Au-
tc.mne.
On ne saurait trop encourager M. Dujardin-
Beaumetz à persévérer dans cette voie nette-
ment moderniste. Les paysages impression-
nistes. de Pissarro, classés parmi les œuvres
révolutionnaires, il y a vingt ans, seront consi-
dérés comme classiques par nos petits-ms,
lorsqu'ils les admireront au Louvre ; Camille
Claudel est la géniale émule de Bodin. Quant
à Hœtger, l'un des plus forts modeleurs de la
jeune génération, il a mérité que Rodin dise
de lui : « De tels efforts donnent à tous la plus
salutaire leçon. »
-x-
En l'honneur de Charles Lecocq.
Le comité des fêtes artistiques de Paris et
les dames de la Halle ont décidé de. célébrer
le jubilé artistique du maître Charles Lecocq
au théâtre de la Gaîté, par une représentation
de gala de la Fille de Mme Angot, le 15 juin
prochain. -
Au troisième acte, M. Lecocq, installé sur
la scène, au milieu de tous les héros de son
opérette recevra des. mains de Mlle Georgette
Juteau, reine des reiines, accompagnée de M.
Marguery, président de l'Alimentation pari-
sienne, une palm,e d'honneur, des fleurs et une
plaquette artistique au nom du comité des
fêtes de Paris.
Les dames de la Halle et les reines des mar-
chés parisiens qui sont, comme voiis savez, les
arrière-petites-filles de Mme Angot, accompa-
gnées des présidents, des syndicats de l'alimen-
tation, monteront aussi sur la scène, adresse-
ront leurs félicitations à l'auteur, et remettront
des gerbes de fleurs à ses interprètes.
Après quoi la représentation continuera par
la Fricassée, dansée par les «forts et les dames
de la Halle. Mais M. Marguery se sera retiré.
M. Charles Lecocq, avisé des intentions du
comité, a répondu modestement que ce--«j)ro-
gramme, quoique vraiment trop flatteur, lui
semblait si bien tracé, qu'il n'y vo-it rien à
changer. »
Moi, j'avais espéré que M. Charles Lecocq
aurait supplié que M. Marguery restât sur la
scène pour la Fricassée.
Les lettres en Italie.
Nous recevons le premier numéro d'une
belle revue d'art et de lettres. paraissant bi-
mensuellement à Gênes, sous la direction de
M. Mario-Maria Martini ; elle sera rédigée par
les meilleurs écrivains d'Italie. Au sommaire
du premier numéro, nous relevons les noms
du poète Alfredo de Bosio, du romancier Anas-
tasi de Contri.
La littérature française a aussi sa place dans
cette revue, sous forme d'une Lettre de Paris,
paraissant en français, à tous les fascicules
sous la signature de notre collaborateur Gus-
tave Kahn.
Autre monument.
Il est à Paris, un monument à la mémoire
de Gounod. Mais il attend en vain d'être inau-
guré. Une souscription fut ouverte, quelque
temps après la mort du musicien, à l'effet d'é-
lever une statue à sa gloire.
Les dons affluèrent ; le sculpteur Mercié,
chargé par le Comité de l'exécution du monu-
ment, ébaucha une maquette que les admira-
teurs de l'auteur de Faust approuvèrent à l'u-
nanimité.
Dix ans passèrent. Le chef-d'œuvre de Mer-
cié fut placé, en 1903, parmi les pelouses du
parc Monceau ; et chacun fut ému par la
symphonie de marbre où se détachait sur un
décor d'élégance et de poésie, l'expressive et
puissante silhouette de Gounod qu'entourent
Marguerite, Juliette, Mireille et Sapho, ses im-
mortelles-'héroïnes. *
Ce monument n'a pas été. inauguré : il ne le
sera jamais. Ainsi en décida la veuve du grand
compositeur. Elle estima que la cérémonie,
continuellement ajournée à la suite de cir-
constances imprévues, ne s'expliquait plus, et
elle jugea également - et avec raison - que
la mémoire d'un tel mort ne pouvait davanta-
ge attendre le bon plaisir des vivants.
Choses d'art.
On n'ignore pas quels chefs-d'œuvre de grâce
sortent des ateliers de nos manufactures na-
tionales. A Sèvres,, notamment, on réussit de
véritables mèrveilles.
Cette manufacture doit reproduire, prochai-
nement, une statuette intitulée « Manon )l,œu-
vre de Mlle Blanche Hément, l'artiste sculp-
teur très distinguée. 'La collection des bibelots
si remarquables de Sévres, s'enrichit ains<
d'un morceau ravissant..
Un homme qui n'est pas absurde.
Une revue satirique, le l'érnoin, en raconte
une bien bonne. Et cette historiette prouve
simplement que l'homme absurde est celui qui
ne change jamais.
- C'est chez Fernand Xau, alors directeur du
Journal, qu'Emile Zola vint lire, en un comité
choisi de très purs dreyfusards, le manuscrit
de J'accuse. Parmi ces très purs dreyfusards,
M. Coppée figurait. L'article lu, l'enthousias-
me fut considérable et l'émotion aussi. Tendre
comme il est encore, c'est en sanglotant que
l'auteur du Passant embrassa le Maître de la
Terre..
Par lui, Xau fut supplié d'avoir à faire pa-
raître l'article dans le prochain numéro. Mais
ce dernier hésitait, alÎait-il lancer sa feuille
dans une position nette et sans recul possible ?
Zola demanda, supplia également. Les assis-
tants firent de même : la publicité du Journal
aurait plus de poids pour le bien 'de la Cau-
se. Le fondateur du Journal ne se décida pas.
Le lendemain, il recevait, sans un seul mot
l'accompagnant, le traité qui le liait à M.Fran-
çois Coppée, déchiré par celui-ci.
Des mois passèrent. Des amis s'entremirent.
Le courage et la dignité de M. Coppée en im-
posèrent à Fernand Xau.Les chroniques payées
500 francs furent mises à 760 et, le lendemain,
paraissait au Journal, le premier des arti-
cles nationalistes de M. François Coppée,
membre de l'Académie française.
Poète et fraudeur.
Victor-Hugo — ô honte ! - u mouilla »
jadis son vin. Nous signalons au Midi qui
s'exaspère, ce hideux précède.
C'était au milieu du siècle dernier. Gérard
de Nerval avait déjà ressenti les premières
atteintes de la folie, et le médecin qui le si-
gnait avait recommandé à ses amis de veiller à
ce qu'il ne bût que peu ou point de vin pur.
Un jour, Victor Hugo, de connivence avec
Alphonse Karr, composa quelques bouteilles
d'eau rougie, les cacheta, les roula dans la
poussière, et il invita Gérard de Nerval à dî-
ner. Celui-ci fut très gai pendant le repas et
feignit de trouver le vin délicieux. Mais en
sortant de chez Hugo, H dit à Alphonse-Karr :
- Victor Hugo s'assagit. Il est en traiir de
redevenir royaliste.
- Tu crois ? -
- J'en suis sûr : il met de l'eau dans son
vin 1 »
Alphonse Allais l'avait prédit.
Vous rappelez-vous le parapluie de l'escoua.-
de qui fut cher à l'un de nos meilleurs humo-
ristes ? Les Belges l'ont réalisé. C'est authen-
tique. -
L'arrondissement de Charleroi possédait dé-
jà des gardes civiques « pipomanes », qui cir-
culaient dans les rues-le brûle-gueule à la bou-
che. Un >Bouveau corps a été créé, dimanche:
celui des gardes à parapluie. Il pleuvait depuis
le matin, et la garde convoquée pour des exer-
cices de tir, apparut munie de parapluies. : les
soldats-citoyens ont défilé clairons en tête, l'ar-
me sur l'épaule droite et. un large pépin ou-
vert sur l'épaule gauche. La foule accourait
-sur les portes, des bravos .ironiques, des laz-
zis saluaient les gardes qui passaient très di-
gnes, lorsqu'un officier s'avisa de commander:
« Arme sur l'épaule gauche ! ) 'Alors les bra-
ves gardes civiques ont obéi si rapidement que
maint parapluie est allé frappeT dans l'œil le
garde voisin et que plus d'un fusil a crevé le
parapluie d'un garde maladroit.
La quatrième vente Chappey.
Aujourd'hui, Me8 Chevallier et IÆÏI'-Dubreuil"
commissaires-priseurs, assistés de MM. Mann-
heim et Haro, experts, commenceront à la
Galerie Petit, la quatrième vente Chappey, qui,
porte sur les objets d'art et de haute curiosité
du moyen-âge et de la Renaissance.
Si on en juge par le nombre de visiteurs
de marque qui ont parcouru le hall de la rue
de Sèze, avant-hier et hier, pour connaître la
brillante série d'œuvres d'art qui y était expo-
sée, on peut prédire à cette quatrième vente
le même éclatant succès qui a couronné les
trois premières ventes Chappey.
Aucune bicyclette n'a obtenu une réputation
égale à celle de la HUMBER-BEESTON. - H.
Petit et Cie, 23, Champs-Elysées.
On demande à un fonctionnaire :
- En somme, quelles sont vos revendica-
tions ?
- Nous voulons huit heures de travail et
huit heures de repos. l -
; Parfaitement ; 6eize heures à ne rien
faire 1
Le Diable boiteux.
-.
La fête des fleurs au Rois de Bouloune
La participation des voitures automobiles à l'ad-
mirable fête qui se déroulera les 7 et 8 juin pro-
chains, dans la traditionnelle avenue. de Long-
champ, promet de lui donner une physionomie ab-
solument nouvelle. Paris, d'ailleurs, en instituant
cette nouveauté, ne fait qu'imiter l'exemple fourni
déjà par Nice, Cannes, Monte-Carlo, etc.
Vous savez que les voitures électriques seront
admises, comme les années précédentes', sans con-
ditions particulières..
En ce qui concerne les automobiles fleuries,
marchant soit au pétrole, soit à l'alcool, seront
seules admises Ms voitures de ville ou de tourisme
de deux ou de quatre cylindres, munies de « silen-
cieux » et présentant toutes les garanties désirables
.pour participer au défilé.
Cette dernière clause est absolument rigoureuse :
une commission formée des membres dirigeants le
1 A u t o mcb i '1 e-Cl ub de France, vient d'être nommée
par les organisateurs, et elle doit passer avant la
Fête, les- 4 et 5 juin, de 10 heures à midi et de 2
ù 4 heures, et le 6 juin, de 10 heures à midi et de
2 à 5 heures, un examen de toutes les voitures qui
se présenteront le 7 au contrôle. Une centaine
d'autos ont déjà défilé devant la commission, il
l'Automobile-Club, et celle-ci a remis au proprié-
taire de chaque véhicule une carte qui sera exigée
pour pénétrer dans l'enceinte de la Fête des Fleurs
et prendre part\aux différents concours d'élégance.
La commission s'est montrée particulièrement
sévère pour les voitures, produisant des explosions
ou laissant échapper des odeurs nauséabondes :
celles-ci devront sortir de la file à la première
injonction.
En outre, elle a décrété que les Voitures auto-
mobiles devront, tant qu'elles seront dans l'allée de
Longchamp, effectuer leur 'virage sans faire, mar-
cTIg arrière.
Plusieurs allées de dégagement (allée de la Reine
Marguerite, route de Longchamp au bord de l'eau,
route de Madrid) resteront libres et les voitures
automobiles pourront y évoluer ou s'y arrêter en
cas de besoin.
Certes, la commission de l'A. C. F. ne s'est pas
montrée tendre pour les propriétaires d'automo-
biles. Mais cette réserve faite, ne doit-on pas hau-
tement la louer de sa décision, qui nous évitera
désormais, le spectacle toujours pénible, d'un
« tacot Il miteux déparant par sa présence la
beauté d'un cortège où tolit doit être couleur, luxe,
grâce et gaieté ?
La Caisse dos victimes du devoir n'aura pas à
s'en plaindre.
Coo Kerbrat.
——- -
Le voyage du Préslit Fallières
EN NORVÈGE
Entrevue de trois chefs d'Etat
Je crois pouvoir annoncer d'une façon cer-
taine que les gouvernements français, anglais
.t norvégien se sont mis d'accord pour que
le roi Edouard VII et.le président Fallières se
rencontrent en même temps comme hôtes
du roi Haakon en Norvège.
De questions politiques susceptibles d'empê-
cher cette entrevue sensationnelle, il n'y en
avait pas, à proprement parler ; restaient les
épineuses difficultés protocolaires — ces
.vétilles de la diplomatie qui, si souvent, ont
paralysé les meilleures volontés ! Disons tout
de suite que la cordialité des rapports person-
nels entre le président Fallières et le roi
Edouard VII est telle que rien n'a été plus
facile à régler, chacun des deux chefs d'Etat
ayant également le souci de témoigner publi-
quement de l'estime toute particulière dans
laquelle-ils se tiennent, et de confirmer l'étroite
unité des vues de la politique franco-anglaise.
SI donc, rien, au dernier moment, ne vient
empêcher la réalisation des plans en prépara-
tion, l'été 1907 marquera dans les fastes "de la
diplomatie européenne par la triple rencontre
du président de la République, du roi Edouard
VII et du roi Haakon. Il y aura là une mani-
festation internationale qui dépassera de^bcau-
.coup la portée ordinaire des visites souverai-
nes, car il ne faut pas oublier que par ses
alliances de famille, le roi Haakon est égale-
ment un trait d'union précieux entre la cour
anglaise et la cour impériale de Russie, et, l'on
peut ainsi dire, que,. durant la présence du
président Fallières, Christiania sera le centre
des grandes, .puissances européennes.
Il sied aux triomphateurs d'être modestes !
Néanmoins, j'imagine que la République Fran-
çaise aurait, quelque droit de s'enorgueillir
du rang qu'elle a pris dans le concert des
nations.
Sans menacer personne, sans faire état de
sa force militaire, par la seule magie de son
renom pacifique, le seul éclat de sa valeur
économique et l'incomparable rayonnement du
génie de ses écrivains et de ses savants, la
France, sous son gouvernement démocratique,
a su s'acquérir l'estime et l'affection de ses
voisins.
Aujourd'hui, empires héréditaires et auto-
cratiques, monarchies constitutionnelles, cher-
chent à l'envi notre alliance ou notre amitié.
- Et44 faut bien ajouter, à un moment où il est
de bon ton de critiquer nos hommes d'Etat,
qu'il est peu de ceux-ci qui, par la sagesse de
leurs vues, la continuité même de leur politique
étrangère, n'aient pas heureusement contribué
aux recherches flatteuses dont la République
Française est l'objet à l'étranger.
Le président Fallières, tout particulière-
ment, par sa simplicité si digne, si sincère-
ment pratiquée, par son affabilité courtoise,
d'une finesse 'à laquelle n'échappe aucune
nuance, a su s'imposer au respect de tous les
gouvernements. *
Il n'est aucun ambassadeur, aucun ministre,
qui ne se loue très hautement des rapports
qu'il a nécessairement avec le chef de l'Etat.
Les représentants des puissances accrédités
à Paris aiment à reconnaître sans réserve que
chaque fois qu'il y a eu lieu, ils ont trouvé à
l'Elysée de la part du président Fallières
mieux que l'accueil banal et protocolaire qu'il
est d'usage.
Je sais pour ma part l'Ambassadeur d'une
grande puissance qui attribue très ouvertement
il l'influence discrète autant que décisive de
notre Président, la détente qui nous libéra de
l'éventualité d'une guerre franco-allemande.
, M. Fallières ne s'en enorgueillira jamais
lui-même. Mais la France s'en souviendra pour
lui.
Comte de Saint-Maurice.
m nu» m > i ■ -«> ■
Le Concert de gala da Baethoven
Hier soir, a eu lieu à l'Opéra, le concert or-
ganisé sur l'initiative du comité présidé par M.
Jean d'Estournelles de Constant pour ériger à
Beethoven le beau monument dont le sculp-
teur José de Charmoy est l'auteur.
Eji des représentations de gala de ce genre,
il s'agit de grouper des attractions qui ont pour
but de grossir la recette. C'est pourquoi M. Ca-
mille Saint-Saëns avait bien voulu accepter
l'honneur de diriger la Neuvième symphonie ;
voilà pourquoi le comité avait fait appel à la
grande cantatrice viennoise Mlle Selma Kurz,
qui, inconnue du public parisien avant le con-
cert, sera célèbre demain parmi nous,
tant son triomphe fut étourdissant. Le violo-
niste Jacques Thibaud, lui aussi, avait répon-
du à l'appel du comité.
A côté de ces vedettes, nos vedettes habi-
tuelles de l'Opéra avaient tenu à apporter l'é-
clat qui, de leur talent, qui de leur autorité.
Il ne s'agit donc pas ici de critique musicale
mais d'un procès-verbal de cette soirée desti-
née à célébrer ce grand maître de la musique.
La salle était superbe. En face de la loge
présidentielle dans laquelle se trouvait non le
président de la République, mais le sous-se-
crétaire d'Etat aux Beaux-Arts, le prince Rado
lin, ambassadeur d'Allemagne, assistait à cette
cérémonie en l'honneur de celui dont les ac-
cents, partis d'Allemagne, irradiaient le mon-
de entier.
C'est M. Chevillard qui a inauguré la soirée
par la très remarquable façon dont il a dirigé
l'ouverture d'Egmont. M. Delmas a chanté en-
suite avec son beau style et sa grande autorité
Dieu loué dans la Nature, un des six lieder de
Seilert, une des plus belles inspirations bee-
thovéniennes.Mlle Mérentié, de l'Opéra, a dit la
scène et air : Ah ! perlidè 1 Ah parjure 1 d'u-
ne très belle voix, ample, de coloris varié et
avec une méthode très sûre. Et certes, voilà
un air qui n'est pas facile.
Le violoniste Jacques Thibaud a joué la
Romane, de Mozart, dont l'orchestration a été
refaite par M. Saint-Saëns ; il a montré une so-
briété, une pureté de style, une sonorité ex-
quises ; dans la Havanaise, de M. Saint-Saëns,
il a prouvé sa virtuosité qui n'exclut pas le
souci de la musicalité.
M. Imbart de la Tour devait venir chanter
le Récit .du Graal de Lohengrin ; indisposé,
il a été remplacé par M. Cornubert qui, ainsi
pris à l'improviste, a fait de son mieux.
Le public, qui adore Mme Litvinne, a salué
par d'unanimes applaudissements l'excellente
cantatrice qui a chanté le beau lied de Beetho-
ven, si grand en sa brièveté, In questa, tomba
oscura, puis le grand air d'Alceste ; rappelée,
elle a chanté à nouveau In questa tomba.
Puis, ce fut le tour de Mlle Selma Kurz.
J'ai dit l'émerveillement général. 'Mlle'Kurz a
un instrument étonnant, elle vocalise comme
l'oiseau chante ; c'est la Patti de naguère. Elle
a littéralement transporté l'auditoire dans
l'Allegro et le Pensieroso, de Hœndel, où elle
a à triller en dialoguant avec la flûte. Sa voix
est du pur cristal. On a rappelé d'enthousias-
me l'exquise cantatrice ; elle a chanté le grand
air de la Somnambule ; rappelée à nouveau,
elle a vocalisé le grand air du Bal Afasqué.
Elle aurait chanté encore si elle avait obéi à
l'auditoire ravi, transporté.
Dans la Neuvième, dirigée par M. Saint-
Saëns, Mmes Vallandri, Delna, MM. Cornu-
bert et Reder ont mis leurs bonnes volontés
au service du maître.
Enfin, pour terminer le concert, Mme Delna
a chanté le quatrième acte d'Orphée en costu-
me, à côté d'un rocher qui simulait le décor.
Elle a été très fêtée, ainsi que Mme Vallandri,
qui a chanté Eurydice avec une très grande
pureté.
La recette a dû être très fructueuse, car il
y avait foule à l'Opéra, et cette recette a dû
être augmentée par la vente des programmes
dessinés par Besnard; les jolies élèves du Con-
servatoire les offraient'aux spectateurs si ai-
mablement qu'elles ont dû convaincre les por-
te-monnaie les plus récalcitrants.
Louis Schneider.
Chinoiseries. parisiennes
Comment on est, en taxi-auto, toujours
deux fois « roulé »
Les amateurs de progrès, ou même de nou-
veauté, les snobs, les gens curieux ou simple-
ment pressés, apprennent depuis quelque
temps déjà, à se servir des taxis-autos qui
roulent en assez grand nombre dans Paris.
Ils apprennent. et toujours à leurs dépens :
d'où des discussions qui tournent souvent à
l'aigre, mais jamais à 1 avantage du client.
Il est admis, prcuvé et toléré qu'on ne peut
quitter un taxi-auto sans échanger -avec le
chauffeur dudit, les plus violents et les plus
vains propos au sujet du prix exigé pour la
course, l'heure ou la journée.
Chose étrange autant qu'insupportable, ce
prix n'est jamais le même pour la même
course, le même trajet ou le même temps ; il
semble varier suivant la couleur de la voiture,
la livrée du chauffeur ou la tête du client.
Le client qui n'aime généralement pas qu'on
se paye la sienne — de tête — a beau protester,
discuter, gémir ou même hurler, il doit tou-
jours finir par payer, et il ne lui reste, que
l'amère conviction d'avoir été deux fois
« roulé » ! une fois par le taxi, ensuite par le
chauffeur, ce qui est tout au moins une fois de
trop. ¡
Les plaintes des clients des taxis-autos sont
parvenues jusqu'à Gil Blas. Ce pourquoi nous
avons procédé à une enquête.
En voici les résultats dont tous les amateurs
de la locomotion nouvelle pourront faire leur
profit. Lorsque parurent sur la voie publique
les premiers taxis-autos destinés au transport
des voyageurs, la Préfecture de police, avant
d'accorder l'autorisation de rouler, leur im-
posa, non pas un tarif uniforme, mais bien un
tarif maximum: d'où les difficultés d'aujour-
d'hui.
Le tarif maximum édicté par la Préfecture
de police, est le suivant : 0 fr. 50 par kilomètre
parcouru, 4 francs l'heure — heure d'arrêt ou
de marche.
Les premiers taxîis appliquèrent tous ce tari>
maximum, puis vint la concurrence ; le nom-
bre des taxis augmenta rapidement, et les prix
baissèrent naturellement : certains loueurs
conservèrent le tarif maximum, d'autres adop-
tèrent un tarif moindre, d'autres un tarif intm
médiaire. De sorte que si vous prenez aujour-
d'hui un taxi-auto, appartenant à telle Compa-
gnie, vous paierez 3. francs pour telle course
ou 4 francs pour une heure, tandis _dvje si
demain vous prenez pour la même course ou
pour le même temps, un taxi de telle autre
Compagnie, il pourra parfaitement vous être
réclamé"25.30 ou même 40 0/0 de plus.
Ajoutez à cela toutes les facilités que présen-
tent, en général, les appareils taximétriques
pour « estamper fM le client, admettez que les
« chauffeurs » sont généralement -bien - plus
roublards que les ordinaires codhers et vous
aurez la clef du mystère qui fait tant souffrir
les amateurs d'autos-taxis.
Il y a, en ce moment, en circulation à Paris,
environ six cents taxis-autos, dont la moitié
environ appartiennent à deux grandes Compa-
gnies — la Compagnie des taxis Renault et la
Compagnie des Autos-fiacres. Une coopérative
dont le siège est à Levallois-Perret possède une
soixantaine de voitures ; une dizaine de petits
loueurs se partagent les autres taxis. Or, cha-
cune de ces Compaognics, chacun de ces
loueurs, a un tarif différent — qui n'est, évi-
demment, jamais supérieur au tarif maximum
établi par la Préfecture de police, mais qui s'en
éloigne parfois sensiblement.
Le tarif le plus bas est celui de la Compagnie
des taxis' Renault, le plus élevé semble être
celui de la Coopérative. Il faut ajouter toutefois
que les voitures de cette coopérative sont
toutes à 4 places et qu'elles semblent plus con-
fortables que les autres,
La Compagnie des Autos-Fiacres applique
un tarif intermédiaire que nous reproduisons
ici pour mémoire : •
Tarif n9 1
Une ou deux personnes dans l'enceinte fortifiée :
Jusqu'à 900 mètres. )175
Par 300 mètres supplémentaires.,.,. » IG
Tarif n" 2
Trois ou quatre personnes dans l'enceinte fortf-
fiée ou jusqu'à quatre personnes hors de l'ençeinlo
fortifiée :
Jusqu'à 750 mètres » 75
Par 250 mètres supplémentaires » IC
Tarif n° 3
Plus de quatre personnes dans tous les cas et
quel que soit le nombre de personnes, de 8 heures
du soir à 7 heures du matin :
Jusqu'à 600 mètres » 75
Par 200 mètres supplémentaires. » 10
Pendant l'attente ou la marche lente le prix pro-
gresse à raison de 2 Ir. 50 l'heure par fraction de
0 fr. 10.
Suppléments
1° Passage des fortifications (chaque pas-
sage) » 50
2° Indemnité de retour pour voiture laissée
dans le bois. 1 4
3° Indemnité de retour pour voiture laissée
hors de l'octroi, par kilom., suivant carte
visée par la Préfecture de la Seine. » 50
4° Prise en charge, après minuit 50. » 50
Bagages :, 1 colis : 0 25 ; 2 colis : 0:50 ; 3 colis ,
et plus 0 fr. 75,
Au service des Voitures, & la Préfecture dô
police, tout en confirmant l'exactitude des
renseignements que nous donnons ici, on nous
a déclaré que les difficultés soulevées par le
tarif maximum allaient prochainement dispa-
raître.
On étudie, en effet, à la Préfecture, l'unifi-
cation et l'uniformité du tarif des taxis-autos.
Le nouveau et unique tarif sera probablement
arrêté lors de la mise en circulation de 200
taxis-autos que va prochainement lancer la
Compagnie Générale des Petites Voitures.
Que les amateurs de taxis prennent donc
patience 1 M. Lépine pense à eux.
Georges Hache.
.0.
LE
C)]!!f!itm~ s'~îe
M. Charles Roux, président du conseil d'adminis-
tration de la Compagnie Générale Transatlanti-
que, vient au Palais-Bourbon, puis se rend
chez M. Thomson. — Les conséquences
internationales du conflit. — Les capi-
taines seront réintégrés dans leurs
commandements.
î/a grève des inscrits est virtuellement finie,
s'il faut en croire la vérité officielle qui nous
a été transmise hier matin par M. Sarrauti
sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur.
Au cours de cette crise, c'est la Compagnie
Générale Transatlantique et la Compagnie des
Messageries Maritimes qui ont fait preuve de
l'énergie la plus utile pour combattre le désar-
roi produit par la rupture du contrat des capi-
taines.
D'ailleurs, il y a là une bataille économique.
Deux parties sont en présence : l'employé et
l'employeur. Le premier a 'e droit-strict de
chercher à améliorer sa situation, mais le se-
cond a, lui aussi, le droit de défendre ^es inté-
rets ; jusqu'ici, dans les conflits de ce genre,
on trouvait mal la contre-partie.
Laf Cour de Cassation a tranché la question
et décidé que la cessation de travail, sans avis
préalable dans les délais usuels, constituait
une véritable rupture de contrat. Non seule-
ment le patron, en pareil cas, ne doit aucune
indemnité à ceux qu'il emploie, mais ce serait
plutôt le £ontraire qui serait légal.
Hier soir, à cinq heures et demie, je ren-
contre, dans la salle des Pas-Perdus, M. Char-
les Roux, président du conseil d'administra-
tion cte la Compagnie Transatlantique.
Il conte ses doléances très justifiées ?u ter-
mes amers : -
— La grève est terminée ! M. Sarrau t le
déclare, et le ministère interrompt ses envois
d'hommes pour assurer le service. Cette der-
nière mesure, je n'en ai pas connaissance, vous
me l'annoncez, c'est possible.
« Mais il n'en est pas moins vrai que pas un
de mes bateaux n'est parti et que j'ai. dû faire
appel aux compagnies allemandes pour assu-
rer le service. J'avais huit mille hommes en
panne, il en arrivait de nouveaux chaque
jour, et le maire du Havre ne pouvait les loger.
Les nourrir, ce n'était rien, la question d'ar-
gent n'est rien, mais le. fait qui se présente»,
autrement grave dans son ensemble, c'est l'atti-
tude de nos commandants.
« Ils ont commencé par ne pas dire ouverte-
ment qu'ils étaient en grève. Ils restaient ù leur
bord. Mais je les ai fait appeler et je leur ai ;
posé nettement la question :
«*— Etes-vous, oui ou non, en état de grève ?
« Après quelques instants d'hésitation, ils
me répondirent :
« - Oui, nous sommes en grève
« - Alors, vous n'avez qu'à vous retirer. »
— Mais à quoi attribuez-vous cette attitude
de vos commandants ?
— A un vent de folie, je ne puis l'expliquer
autrement, à une mentalité qui leur fait ou-
blier tout, et devoirs et responsabilités, et la
confiance mutuelle qui nous unissait jusqu'ici : -
et cette confiance, si elle n'existe plus, il n'y a
rien & faire.
— Combien touche annuellement un de
vos capitaines ? -
- De six à sept mille francs, appointe.
riiehts auxquels il faut ajouter les primes, ce
qui leur donne jusqu'à trente et trente-cinq
mille francs par an. Et la caisse de retraite,
pour ces officiers qui sont de véritables parti-
cipants à nos bénéfices, ne perçoit que sur le
traitement fixe, et non sur les primes.
— Que comptez-Vous faire vis-à-vis de ces
commandants ?
— Ils sont partis et je ne les reprendrai pas*
Si le ministre m'adresse une lettre m enjoi-
gnant de les reprendre, je réunirai men con- -
seil et nous examinerons la question. Quant
à moi, à l'heure actuelle, je ne veux pas en-
tendre parler de leur réintégration dans leur
commandement.
Il faut croire que, postérieurement n mo-
ment où M. Charles Roux nous communiquaiti
ses idées, en présence de M. Joseph Reinach'
et de plusieurs confrères, le président ue !a
Compagnie Générale Transatlantique a eu une
entrevue avec M. Thomson, car t Agence lia*
vas nous communique la note suivante :
Le président de la Compagnie Générale Transat-
lantique a vu M. Thomson, ministre de la marine,
qui considère la grève des inscrits maritimes
comme terminée et a fait appel à son esprit de
conciliation en lui demandant de- :rnPi)orter les
mesures prises contre les officiers de cette Com-
pagnie.
M. Charles Roux, déférant au désir exprimé par
le ministre, a annulé ces mesures et a invité les
officiers à rejoindre leur bord et à assurer le ser.
vice.
Le ministre de la marine a donc eu n>i?on'
de l'irréductibilité de M. Charles Roux.
La conversation s'est achevée en ces ter-
mes :
— Mais, voyez-vous un moyen à employer
pour éviter le retour de faits de ce genre ?
— Abroger la loi sur l'inscription mariti-
me, il n'y en a pas d'aulre. Elle pouvait être
bonne au temps de Colbert, elle n'a plus sa
raison d'être. Quand nous nous trouverons en
présence d'ouvriers comme les autres, nous
rentrerons dans le droit commun et nous ver-
rons ce pue nous avons à faire, tandis que,
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